On peut se demander quels motifs ont poussé les peintres à représenter si fréquemment la forteresse de Chokier (Mont Iohy).

J'entrevois à cela quatre raisons principales:

- La forteresse de Mont Iohy fut le centre de convergence d'une oeuvre maitresse de Jan van Eyck, peintre liégeois réputé inventeur ou contributeur majeur de la peinture à l'huile par l'utilisation d'huile siccative. Cette invention révolutionna la peinture et ne manqua pas d'être copiée. Jan van Eyck était originaire de la Bonne Ville d'Eyck dont le prévôt, Jean Surlet de Lardier, était seigneur de Chokier, chanoine de la Cathédrale N-D et St-Lambert, de la Collégiale St-Martin en 1420 et prévôt Tongres.

- Les peintres ayant voyagé ou peignant des motifs religieux ne pouvaient manquer de visiter la principauté épiscopale de Liège surnommée "Fille de Rome" par son nombre scandaleux d'églises ou encore "Athènes du Nord" par ses écoles réputées. En passant par Liège, on franchissait ou croisait forcément le gué de Chokier défendu par sa forteresse. Pour son malheur, nulle ville mieux que Liège ne pouvait illustrer la destruction de Sodome après le sac de Liège par Charles le Téméraire.

- Les peintres résidant dans le plat pays manquaient cruellement d'exemple de forteresse juchée sur un massif rocheux. Ils ne manquèrent pas de s'inspirer des oeuvres de leur maîtres.

- Les commanditaires des oeuvres devaient probablement désirer des oeuvres similaires à celles qu'ils avaient appréciées et les peintres pouvaient préférer faire l'économie de l'achat de paysages. Ils introduisaient ainsi de multiples variantes à la forteresse tout en conservant ses éléments marquants.

Il serait intéressant de distinguer les premières représentations des peintres qui ont vu la forteresse, des oeuvres où celle-ci fut déformée par le souvenir et l'imagination, ou simplement copiée par des colaborateurs et des artistes qu'elle inspirait. L'exercice devient alors éminemment délicat car les déformations apportées à la forteresse ne permettent plus de l'identifier avec certitude (Leonhard Beck - Lucas Cranach - Jan van Scorel...). Il faut également se méfier des copistes qui ont utilisé la représentation de la forteresse modifiée pour illustrer des positions fortifiées similaires.

Par chance, nous disposons d'éléments remarquables suffisamment nombreux que pour identifier la forteresse. Pour tenter de la reconnaitre, il faut considérer les oeuvres dans leur ensemble, tant au niveau de l'artiste qui va révéler les éléments significatifs au travers de plusieurs oeuvres (Herri met de Bles), qu'au niveau de l'influence de leur prédécesseur par le choix du paysage associé à un thème semblable (Incendie de Sodome et Gomorrhe). L'ensemble forme un tout comparable à un puzzle ou chaque pièce contribue à la cohésion de l'ensemble.

Il existe de très nombreuses représentations altérées de la forteresse mais il serait fastidieux de les présenter toutes. Seules les oeuvres les plus significatives ont été répertoriées.

Eléments connus permettant d'identifier la forteresse:

Le site

- Le massif rocheux baigné par un fleuve;
- Le gué de la Meuse menant à Liège passant par une île dès l'époque romaine (diplôme romain de Flemalle);
- La roche percée de grottes où Ph. Ch. Schmerling, père de la Paléontologie, fit la découverte d'un outil préhistorique.
- Les sources s'échappant du massif calcaire (la plus importante fut canalisée par la fabrique de pipe Wingender);
- L'intérêt stratégique du site au niveau militaire.

Les interventions humaines sur le site

- Le front d'extraction du massif calcaire à front de Meuse;
- L'exploitation passée des fours à chaux et à Alun;
- L'exécution de la justice du seigneur de Chokier sur l'île du gué de la Meuse;

La forteresse

- L'évolution du corps initial de la forteresse (principes constructifs visibles).
- L'aile courbe de la façade médiévale;
- La large terrasse à front de Meuse (texte descriptif et vestige);
- La tour de guet de la seconde enceinte au delà de la terrasse (photos);
- Les vestiges d'une tour carrée implantée dans l'aile courbe (caves);
- Les vestiges d'une enceinte secondaire à un niveau inférieur;
- Un pont d'accès pourvu d'arches (Xhrouet - Leloup) précédé d'une tour défensive (vestiges).

Eléments déduits des oeuvres reconnues avec forte probabilité:

- L'échauguette soutenue par un mur perpendiculaire à l'enceinte (Lucas van Valckenborch);
- La présence de hourds sur l'aile aile courbe et sur la façade à front de Meuse (Lucas van Valckenborch);
- La présence d'un poste avancé sur l'ile au gué de la Meuse et d'un pont dans sa partie la plus profonde (Quentin Metsys - Bernaert van Orley - Joachim Patinir - Herri met de Bles - Pieter Brueghel).

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