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Château de Chokier

Iconographie - Lucas van Valckenborch

Lucas van Valckenborch - 1580 La Meuse industrielle à Chokier - Huile sur bois 76,5 x 107,5
1580 La Meuse industrielle à Chokier - Huile sur bois 76,5 x 107,5

Kunst Historisches Museum - Vienne N° Inv. GG 1023

Lucas van Valckenborch - 1582 Paysage montagneux à Chokier - 25 x 36 cm - Rijksmuseum - Amsterdam

Lucas van Valckenborch - Mine de fer dans les collines au pied de la forteresse de Chokier - 36,5 x 64,5 cm

Lucas van Valckenborch - 1586 Paysage rocheux à Chokier - 15 x 22 cm
1582

1586
Paysage montagneux
Rijksmuseum - Amsterdam
Mine de fer dans les collines
Paysage rocheux
Huile sur bois
Huile sur bois
Huile sur cuivre
Lucas van Valckenborch - 1595 - Paysage avec forge à Chokier - 41 x 64 cm - Prado - Madrid 1596 Lucas van Valckenborch - Paysage de montagne avec personnages face à une fonderie à Chokier 1596 Lucas van Valckenborch
1595
1596
Paysage avec forge
Prado - Madrid
Paysage de montagne
Paysage de montagne
Huile sur toile


Lucas van Valckenborch


Lucas van Valckenborch est un peintre flamand né vers 1535 à Louvain, ville jouxtant la frontière de l'ancienne principauté de Liège, et mort en 1597 à Francfort sur le Main. Il étudie probablement à Maline puis s'installe à Aix la Chapelle puis à Liège en 1566 ou il peint les sites les plus caractéristiques de la vallée mosane. Il part ensuite pour Anvers (1570), Bruxelles (1577), Linz (1581) avant de devenir citoyen de Francfort en 1594 où il décède en 1597.

On lui connait:

- Un intérêt marqué pour la topographie qu'il amplifie selon son imaginaire
- un souci du détail anecdotique des personnages dans les scènes de la vie quotidienne.


S'il ne faut pas rechercher ici une représentation fidèle du rocher et du château de Chokier, les éléments les plus marquants du site n'échapperont cependant pas à l'oeil attentif. Il est à supposer que ces oeuvres étalée de 1580 à 1595 ont été réalisées sur base d'une même séance de croquis comme nous le laisse entendre la disposition et les dimensions fort semblables des arbres.

Nous remarquons qu'au fil du temps et des oeuvres, le champs de vision s'agrandi. L'absence de documentation est comblée par le déplacement et le développement des éléments initiaux. La rive opposée se couvre de rochers semblables à ceux observés à Chokier, la roue à aubes se voit doublée, les amas de minerais sont transformés en puits d'extraction. Il faudra donc surtout s'attacher à la structure de l'ensemble pour identifier la forteresse et vérifier minutieusement chaque élément sans pourtant négliger les détails qui peuvent être empruntés à d'autres éléments de la forteresse.

La première oeuvre offre la vue probablement la plus proche de la réalité et recèle quantité d'informations sur la forteresse de Chokier. Les deuxième et troisième présentent la face ouest de la forteresse et les prémices de la grande dalle en porte à faux de Chokier. La quatrième, bien que ne présentant pas le château, nous offre une vue du gué de Chokier au niveau de l'ancienne île sur la Meuse. Nous y retrouvons la roue à aubes, le pigeonnier et le bâtiment à auvent, proches de la vue de Thomas Puteanus. Le massif est habité par les principaux animaux qui aujourd'hui encore occupent le site: Les chevreuils, les lièvres, les rapaces et les chiens.


La Meuse industrielle à Chokier


L'exploitation du massif calcaire

L'exploitation du massif de Chokier est difficilement identifiable. Nous retrouvons cependant les vestiges des deux ouvertures typiques de la grotte "Schmerling" présents dans la vue de Thomas Puteanus pour l'évangéliaire de Quercentius. Si nous pouvons identifier avec certitude la forteresse dans la première oeuvre, nous pourrons assigner les autres vues à Chokier car le profil de la colline, la position des arbres, et la découpe de la plage de la Meuse qui se trouve parfois transformée en torrent, présentent un profil identique. Dans la deuxième et la troisième vue, les prémices de la dalle en porte à faux de Chokier apparaissent et confortent notre identification sans toutefois n'offrir à ce stade aucune certitude.


1565 St Jean à Patmos - Thomas Puteanus

Au pied du rocher, nous apercevons un four à chaux d'aspect fort semblable à celui que l'on retrouve quelques siècles plus tard dans la représentation d'un anonyme. De forme cylindrique, les matériaux sont déversés par le sommet tandis que la chaux s'écoule latéralement par dessous.

Au premier plan, un petit cours d'eau est canalisé pour actionner une roue à aubes. Elle semble alimenter en air un four et emplir un bassin. Les flammes vives de ce four, dont les dépôts alentours sont rougeâtres comme les terres d'alun, contrastent avec les volutes de fumée du four à chaux aux dépôts blancs. Peut-être s'agit-il de la chaudière à Alun développée par l'abbé de Flône à moins qu'il ne s'agisse d'une fonderie de fer.

Il existe en fin d'exploitation à une centaine de mètres du rocher de Chokier une source salutaire située au lieu dit "al mâ toumêye". Par manque d'entretien, le débit en est actuellement réduit mais la profonde trace qu'il a laissé dans la topographie assure qu'il fut autrefois beaucoup plus puissant. Si l'on considère que la roue à aubes se situe en avant plan d'un replis rocheux masquant l'essentiel de l'exploitation calcaire, la vue est tout à fait superposable à la réalité de Chokier. Les différences de proportion entre le four à chaux et la forge seraient ainsi respectées et seule la taille des personnages nous induirait en erreur.

Dans la quatrième vue, nous retrouvons un bâtiment munis de sa roue à aube fort proche de celui de Thomas Puteanus. une grande baie et deux petites fenêtres. Putéanus y avait placé la roue à aube à l'intérieur du bâtiment tandis que van Valckenborch l'a placée à l'extérieur. Cette quatrième représentation pose cependant un problème de taille. Une roue à aube ne peut être alimentée à la fois par le haut et par le bas car elle subirait des forces contraires. Lucas van Valckenborch s'en accomode en réalisant un petit barrage devant la roue à aube. Cela n'a évidemment aucun sens. Il est probable que Lucas van Valckenborch ait voulu associer deux éléments distincts. L'eau provenant de la source salutaire dévalant la colline et le moulin du Troquay situé à quelques centaines de mètres. Il semble qu'il affectionnnait particuliculièrement cette forge car il l'a placée dans de nombreuses vues qui ne semblent pas correspondre à Chokier.

Il faut surtout voir ici les deux principales exploitations minières de Chokier, la Chaux et l'Alun, qui sont le propos de cette oeuvre.

On notera avec intérêt l'emprise au sol du rocher qui avant son exploitation pénétrait profondément dans la Meuse.


La forteresse de Mont Iohy ( Iokir - Jokir - Toukie - Roukier - Chokier )

Nous reconnaissons rapidement la structure de la Forteresse. Quatre tours angulaires reliées entre elles par des parois verticales et prolongées par une large terrasse défendue par deux tours à front de Meuse. Seule l'une entre elle apparait ici au centre, la seconde étant cachée par la masse rocheuse.

Il semble qu'avec la progression de l'exploitation du calcaire, on a jugé qu'il était moins nécessaire de se protéger à front de Meuse. Une tour parait laissée à l'abandon et la végétation l'envahit. Il s'agit probablement de la tour blanche que nous retrouvons à front de Meuse sur l'aquarelle de Puteanus. Sur la gauche, le mur qui y est accollé semble former terrasse mais n'aboutit nulle part. Il est possible qu'il s'agisse d'un vestige de la seconde enceinte laissée également à l'abandon. A droite, une petit bâtiment semble prolonger verticalement le mur d'enceinte. Sur la terrasse, nous découvrons un bâtiment peu fortifié pourvu de nombreuses fenêtres et débordant d'étage en bois: Un petit coin de paradis enchâssé dans une solide forteresse et orienté au Sud sur la Meuse.

La "neuve maison" bâtie par Marie de Senzeille et son époux Georges de Berlaymont (relief en 1564, + 1582) a été engagée dans la tourelle de gauche. Elle semble bâtie en dehors de l'enceinte primitive qui devait être courbe. Nous la reconnaissons aujourd'hui dans les caves par une colonne centrale autour de laquelle s'articulaient quatre voutes. Seules deux voutes et la colonne centrale sur laquelle s'articule le corps du 18e siècle subsistent.


PLAN DES CAVES

Dans l'aquatinte de John Gardnor, nous relevons les vestiges en saillie de la neuve maison en partie intégrée au château de plaisance mais surtout l'angle de pénétration de l'ancienne aile courbe qui se dirigeait vers la tour (voir le trait en pointillé rouge traversant la neuve maison pour rejoindre la tour dans le plan des caves ci-dessus). Dans cette vue, la date de 1556 semble apparaitre sous les corniches. Elle laisse entendre que l'aile courbe est une extension de la forteresse vers l'extérieur car nous savons que la neuve maison fut bâtie par Marie de Senzeille.

1791 Shoquiere - Aquatinte de John Gardnor
1791 Shoquiere - Aquatinte de John Gardnor

Le pignon flanqué de deux échauguettes conforte l'attribution de cette vue au château de Chokier car il apparait clairement dans la vue de Mathieu Xhrouet. Il y est représenté pourvu d'une tour et d'une échauguette à front de Meuse au côté d'un élément signifié par deux traits séparés par une baie. Un trait tracé dans la continuité de l'échauguette permet d'identifier cet élément comme une tour. Le détail de l'ancrage de la tour engagée dans la représentation de Lucas van Valckenborch semble judicieux et conforte son dessin car on imagine mal pourquoi placer une échauguette au dessus d'une tour qu'il suffirait de prolonger comme l'a dessinée Mathieu Xhrouet. Notons encore que la vue de Remacle Leloup bien que peu précise, tend également à orienter le pignon face à l'amont de la Meuse.

Dans la représentation de 1582 de Lucas van Valckenborch, nous remarquons que l'échauguette de gauche à été remplacée par une étroite tourelle d'accès qui est tout à fait compatible avec la vue de Mathieu Xhrouet. Les deux fenêtres subsitantes dans les caves actuelles confortent également cette vision plus précise de la neuve maison bien que sa hauteur semble excessive.

Le chateau de Choquier sur la Meuse - Mathieu Xhrouet
1725 - Le chateau de Choquier sur la Meuse - Mathieu Xhrouet

La seconde tourelle à l'extrême droite des oeuvres de van Valckenborch semble n'apparaître dans aucune autre représentation. Dans le dessin préparatoire de Remacle Leloup, on distingue cependant une toiture qui s'interrompt brusquement devant un mur sans couverture. Les fenêtres y apparaissent surélevées par rapport à l'alignement de ses voisines et cette très légère différence pourrait s'expliquer par un effet de perspective dû à l'avancée du corps d'une tour. Nous apercevons d'ailleurs au sommet un très léger retour de mur qui renforce encore cette impression.

Vue du château de Choquier et ses environs au bord de la Meuse - Remacle Leloup
1738 - Vue du château de Choquier et ses environs au bord de la Meuse - Remacle Leloup

Entre les deux tourelles, nous découvrons un bâtiment avec étage débordant en colombage typique de la région liégeoise. Il est pourvu en son milieu d'un pignon à demi croupe que l'on retrouve dans le dessin de Remacle Leloup. Ce détail remarquable conforte l'identification du château de Choquier dans cette vue. Nous retrouvons dans les caves actuelles une niche qui pourrait être la première fenêtre aujourd'hui murée qui apparait à gauche au rez de ce bâtiment.

Relevons encore chez van Valckenborch, la différence de niveau de toiture à droite et à gauche de la demi croupe qui répond à la différence de hauteur des deux tourelles.

Nous apercevons à l'arrière une tour que l'on devine sur la vue de Mathieu Xhrouet. Elle semble ici disproportionnée pour équilibrer la composition et répondre à la neuve maison. Elle est située dans le plan de la tourelle avant, légèrement en retrait de la tour à front de Meuse, et nous permet de comprendre l'évolution de la forteresse de Mont Iohy.

A l'origine il dû exister un simple tour. Elle fut ensuite protégée par une enceinte pourvue de quatre tours d'angle. Cette première enceinte fut à son tour défendue par une seconde pourvue de neuf bastions. La première enceinte désormais défendue put ainsi évoluer en habitat vers l'extérieur. De la même manière que la neuve maison fut bâtie en dehors de l'enceinte initiale, le corps massif apparaissant dans les vues de Mathieu Xhrouet et de Remacle Leloup fut bâti en dehors de l'enceinte sur un pli taillé à vif dans le rocher. Il fut aligné sur le bastion avant et relié à lui pour former une large terrasse.

Nous ne retrouvons chez van Valckenborch aucune trace de la tour initiale qui apparait dans les vues de Mathieu Xhrouet et de Remacle Leloup. Chez ce dernier, elle semble avoir été dessinée en surcharge sur la toiture à demi croupe. Trop basse, elle n'était probablement pas visible et fut ajoutée car nous savons que Remacle Leloup modifiait ses dessins et traçait les armes du propriétaire contre paiement. De la même manière le donjon actuel ne pouvait pas être vu et fut agrandi. La présence des armoiries sur les vues publiées confirme cette hypothèse.

La datation de l'oeuvre en 1580 par le Kunst Historisches Museum de Vienne bien que Lucas van Valckenborch ait quitté la ville de Liège en 1570 n'est pas infirmée car la neuve maison n'était pas encore visible en 1565 dans la représentation de Thomas Puteanus. Huit années plus tard, la face interne à la forteresse de la neuve maison sera réédifiée en brique comme l'indique en façade la date de1588.

PLAN DU SITE