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THEATRE DE LIEGE

Histoire du théâtre de Liège (suite)

par Jules MARTIGNY


THEATRE SUR LES JARDINS DU COUVENT DES DOMINICAINS
( OPERA ROYAL DE WALLONIE Actuel )


Couvent des Dominicains


L'activité avec laquelle on avait poussé les travaux dans les derniers temps, permit d'annoncer l'ouverture de la nouvelle salle pour le commencement de novembre. Beaucoup de personnes allaient admirer chaque jour l'intérieur de l'édifice. Une annonce insérée dans le journal, prévint Messieurs les actionnaires qui désiraient être titulaires des loges, qu'un tirage au sort pour le droit de préférence aurait lieu le 2 octobre 1820, à 3 heures précises, dans la salle octogone de la Société Littéraire, place aux Chevaux.

Avant de faire l'ouverture de la salle, donnons en quelques détails. Ce théâtre, le sixième qui était appelé communément le Grand théâtre, avait été bâti, ainsi que nous l'avons vu précédemment, sur l'emplacement des jardins du Couvent des Dominicains cédé gratuitement par S. M. le roi des Pays-Bas. Malgré les critiques plus ou moins fondées que l'on n'avait pas manqué de faire sur l'emplacement et la construction, l'ensemble était très satisfaisant.

La façade d'un style simple, avait le caractère de grâce et d'élégance qui convient à ces sortes d'édifices. (Le dessin ci-contre représente le projetde l'architecte Dukers tel qu'il fut adopté. Lesfrises en bas-reliefs et les statues qui couronnent l'édifice ne furent pas exécutées.) Les huit colonnes de marbre qui avaient été données par M. le sénateur Lecouteulx, provenaient de l'intérieur de l'église des Chartreux où elles occupaient les deux côtés du chœur. Une galerie ouverte régnait autour du monument et était double à la façade; elle avait pour but de défendre les piétons contre les voitures et de leur permettre de pénétrer dans la salle sans crainte d'être foulés aux pieds des chevaux. Quant à l'intérieur de la salle, on n'en faisait que des éloges; les corridors étaient larges et commodes, les escaliers tellement faciles et multipliés que toute la salle pouvait être évacuée en quelques minutes en cas d'incendie. Le foyer, qui s'étendait sur toute la largeur de la façade, était vaste et offrait un local qui manquait pour les fêtes publiques. La coupe de la salle était si savante et si heureuse que l'œil en embrassait dans l'instant toutes les parties; les loges disposées en amphithéâtre rappelaient la manière des anciens; on admirait encore la hardiesse et l'élévation du cintre, la grâce et la légèreté du rang de colonnes sur lesquelles reposait la coupole.

Nous donnerons maintenant quelques chiffres extraits d'un compte de recettes et dépenses imprimé, contenant 221 articles.

RECETTES.
Les deux souscriptions formant 156 actions à 2000 fr. fr.312,000,00
Revente de terrains appartenant à la Société 76,593,55
Adjudication de coupes de bois 41,000,00
Arrêté royal accordant 2 % sur les revenus do la Ville en 1819 et 1820 12,698,40
442,291,95
DÉPENSES.
Adjudication de la construction fr.248,000,00
Frais de pose de la première pierre.
- Payé au sieur Gérard, pour boîte de plomb, soudure et tirage du canon sur la place 40,00
- Au sieur Bourgeois, pour Mais 18,36
- Au sieur Henchenne, musicien 17,00
- Au sieur Monseur. pour voiture par eau des Mais 15,00
- Au sieur Dreppe, graveur, pour la planche en cuivre avec la description de la pose et impression de 40 exemplaires 105,00
- Pour tonnes de bière données aux ouvriers construisant la salle 60,07
- Pour rédaction et copie sur parchemin des procès-verbaux de la dite pose 12,90
Décoration du théâtre.
Payé à MM. Dumont frères, pour lapeinture de dix décorations complètes avec accessoires 12,500,00
Payé à M. Hennequin, pour peinture de la toile d'avant-scène 1,500,00
Pour la peinture de la coupole de l'intérieur de la salle, des loges et du manteau d'Arlequin 6,700,00
Payé aux sieurs Coune et Smets, pour le grand lustre 1,970,00
Payé au sieur Félix Rouhette pour l'entreprise du mécanisme 7,600,00

Enfin de compte, cette salle avait coûté la somme de 439,413,29. Elle pouvait contenir environ 1090 personnes assises.

Les deux directeurs publièrent le 27 octobre, en même temps que le tableau de leur troupe, le projet d'abonnement suivant :

" Le sieur Wyngaard père, directeur-privilégié, et le sieur Fiévez, directeur-gérant, engagés à fournir pendant six ans au public de cette ville un spectacle digne d'elle et complet, tant par les artistes qui doivent composer la troupe que par le choix des divers genres qui varieront le répertoire, et par les soins qu'ils se proposent d'apporter dans la mise en scène des pièces, pénétrés de l'étendue de leurs devoirs et du désir d'offrir une certaine stabilité dans leur plan de travail,ont senti la nécessité d'apporter aussi une certaine stabilité dans les conditions de leur abonnement.

Un local plus vaste que l'ancien, commande une économie moins sévère dans plusieurs parties du service, comme le luminaire, la pompe des grands ouvrages,etc "

Il a été pris la résolution de fixer un droit additionnel de subvention de deux sous par personne, droit qui devait être levé à part au nom de la compagnie des actionnaires, pour former une faible partie du juste intérêt de leurs mises de fond. Par le traité consenti entre la commission et le directeur, ce dernier dans la vue de sauver au public un double paiement s'est chargé de ce droit; il se voit obligé de le comprendre dans le prix total de l'abonnement et dans celui du billet du bureau.

Dans l'espérance que MM. les amateurs de Liège se pénétreront de la nécessité de fortifier l'esprit d'encouragement pour leur spectacle, les directeurs, bien fortement résolus de multiplier leurs efforts en raison des sacrifices que voudront bien faire MM. les abonnés, et des témoignages de bonté qu'ils en recevront, prient instamment ces messieurs de consentir qu'aux trois représentations accoutumées, par chaque semaine, il en soit ajouté une quatrième le vendredi. Ce moyen est le seul qu'ils aient d'exploiter le choix de tous les répertoires de Paris, en bons ouvrages et nouveautés les mieux accueillis, le seul moyen d'utiliser tous les artistes de la troupe, et de les montrer tour à tour sous le jour qui leur sera le plus favorable.

En conséquence des considérations ci-dessus énoncées, les directeurs ont l'honneur de proposer à MM. les amateurs de spectacle, les conditions d'abonnement suivantes:

Art. 1r. Les abonnements ne seront reçus que pour cinq mois et personnels, à commencer des premiers jours de novembre 1820. Il ne pourra être loué que des loges entières; le chef de chaque loge entrera seul en compte avec l'administration, et sera en outre obligé de lui donner les noms des personnes qui doivent compléter sa loge, pendant la durée de son abonnement.

Art. 2. Les jours des quatorze représentations d'abonnement sont fixés aux dimanche, mardi, jeudi et vendredi de chaque semaine, et ne pourront être retardés que dans le cas de force majeure ou de représentations d'artistes étrangers; les représentations au bénéfice des artistes de la troupe ne pourront avoir lieu que les jours intermédiaires.

Art. 3. Si au premier septembre de chaque année, l'abonné ne renouvelle pas son abonnement pour l'année théâtrale suivante, il sera censé y avoir renoncé.

Prix des abonnements de cinq mois par personne, tous droits compris pour le mois.

Premières loges et loges grillées fr. 22,40
Baignoires 21,00
Secondes loges 20,00
Premières loges réservées à MM. les officiers supérieurs 22,40
Parquet, 1re galerie, loges militaires pour MM. les capitaines 15,40
Parquet, 1re galerie, loges militaires pour MM. les lieutenants en premier „ 11,40
Parquet, 1re galerie, loges militaires pour M M . les lieutenants en second 9,40
Parquet, 1re galerie pour les hommes 19,40
Parquet, 1re galerie pour les dames 16,40

L'abonnement pour le parquet et la première galerie se prend par mois;
idem pour MM. les officiers.

Le prix des billets au bureau tous droits compris, est fixé ainsi qu'il suit:
Premières loges et loges grillées fr. 2,50
Baignoires 2,40
Parquet et 1re galerie 2,20
Secondes loges 1,80
Parterre 1,30
Amphithéâtre 0,80
Paradis 0,40

Les légers changements apportés aux conditions de l'abonnement, offrent un avantage réel à MM. les souscripteurs relativement au prix des billets isolés; et en assurant aux directeurs les moyens d'opérer, ils leur imposent l'agréable fardeau de la reconnaissance, dont ils tâcheront de s'acquitter en cherchant chaque année quelque nouveau moyen de satisfaire le goût d'un public, qui deviendra plus indulgent a mesure qu'il reconnaîtra plus de bonne foi dans les promesses, plus d'ensemble dans les travaux et plus de zèle pour ses plaisirs.

Wyngaard père, directeur-privilégié.

Fiévez, directeur-gérant. "


1820-21.

A la suite parut le tableau de troupe suivant pour la saison

Isaac Wyngaard, directeur-privilégié.

F.-J. Fiévez, directeur-gérant.

MM. Frédéric, 1re haute-contre Elleviou.
Philis, 1re haute-contre Philippe, 1er rôle jeune.
Jules, jeune Elleviou fort second, 1er amoureux.
Villeneuve, 2e haute-contre Colin, 2e amoureux.
Monrose, Martin, Lais, Solié, rôles de convenance.
St-Alme, lre basse-taille, financiers, paysans.
Lemoule, 2e basse-taille, 2e père noble.
Narcisse, 3e basse-taille, utilité.
César, trial, 2e et 3e comique.
Ramond, laruette, 1er et 2e comique.
Germain, 1er rôle.
Warnet, jeune premier.
Rousselle, 1er comique en tous genres.
Mmes Bouche, forte 1re chanteuse en tous genres.
Burger, 1re chanteuse, jeune 1er rôle.
Clara, 2e chanteuse, 1re amoureuse.
Lechesne, dugazon St-Aubin, 1re ingénuité.
Lemoule, 2e dugazon, 2e amoureuse.
Berdoulet, jeune dugazon, jeune soubrette.
Martin, 1re duègne, mère noble.
Rousselle, 1re soubrette.

M. Fiévez, maître de musique.

L'Ouverture de cette nouvelle salle, si impatiemment attendue, se fit enfin le samedi 4 novembre 1820, par: Zémire et Azor, op.-féer. 4 a., musique de Grétry, et L'Apothéose de Grétry, pièce de circonstance en 1 acte, musique de Anciaux de Huy.

Cette pièce mettait en scène les principaux personnages des ouvrages de Grétry, et se terminait par le couronnement du buste. La scène se passait au Parnasse.

Le directeur Fiévez, dans le discours d'usage qu'il adressait au public, payait au jeune architecte, auteur des plans, le tribut d'éloges qu'il avait si bien mérité. Ce discours fut plusieurs fois interrompu par les bravos prolongés de l'assistance.

Un singulier incident surgit pendant cette soirée d'ouverture; plusieurs réclamations fréquemment répétées, avaient eu pour but la suppression entière du parquet. La commission faisait remarquer à juste titre, que le parterre étant exclusivement réservé aux hommes, le parquet était indispensable pour placer les dames et les militaires. Les contradicteurs objectaient que le parterre n'était pas assez grand; or, il était reconnu qu'il pouvait contenir quatre cents personnes, et le jour d'ouverture il était à peine rempli, tandis que le parquet n'occupait guère la place que d'environ cent personnes. Le tumulte s'étant renouvelé dans la soirée du lendemain, M. Fiévez vint annoncer que la commission avait décidé de maintenir le parquet. A propos de l'ouverture, il parut une petite brochure intitulée: Prologue sur l'inauguration de la nouvelle salle de spectacle de Liège, par Modave, contenant une critique sur la nouvelle salle et la pièce d'ouverture.

Le 7 novembre, la Régence fit paraître un nouveau règlement de police contenant 27 articles en 8 paragraphes: § 1er. Des entrepreneurs, régisseurs, acteurs et autres employés du spectacle;

§ 2. Police de la salle de spectacle; § 3. Police extérieure. Les heures de spectacle étaient toujours les mêmes: du 1er novembre au 1er mars, à 5 1/2 heures; du 1er mars au 1er novembre, à 6 heures.

Le premier artiste étranger de passage dans cette salle, fut M. Gavaudan, ténor de l'Opéra-Comique de Paris; il donna cinq représentations du 22 novembre au 4 décembre, dans lesquelles il joua: Euphrosine et Coradin; Zoraime et Zulnare; La Caravane du Caire; Joconde. Quoique n'étant plus jeune et ayant par conséquent la voix assez défraîchie, cet artiste obtint encore beaucoup de succès; nous le retrouverons comme directeur de notre scène en 1829-30.

Jean-Baptiste-Sauveur Gavaudan naquit à Salon, en Provence, le 8 août 1772. Il acquit une véritable célébrité comme acteur et comme chanteur, à l'Opéra-Comique de Paris. On l'avait urnommé le Talma de l'Opéra-Comique. Il donna même son nom à son emploi. Gavaudan mourut à Paris le 10 mai 1840.

Le prix des places pendant ces représentations était fixé comme suit: lre loges et loges grillées, fr. 3-35; baignoires, fr. 3-20; parquet et galerie, fr. 2-95; secondes, fr. 2-40; parterre, fr. 1-75; amphithéâtre, fr. 1-10. Le dimanche 11 février 1821, pour fêter l'anniversaire de Grétry, on représenta deux opéras de ce célèbre musicien: L'Amant jaloux et La Fausse Magie. Le spectacle était terminé par Apollon et les Muses, pièce de circonstance de M. Marcelis pour les paroles et Jaspar pour la musique. Le théâtre qui avait été décoré avec beaucoup de soin et de goût, représentait le temple de l'immortalité au fond duquel s'élevait une pyramide, où étaient inscrits les noms des principaux opéras de Grétry, dont on apercevait le buste entouré de guirlandes de fleurs.

A en juger par l'impatience avec laquelle on avait désiré voir s'achever cette nouvelle salle, on eût pu croire que le public envahirait chaque jour le théâtre, et permettrait au directeur de réaliser des recettes qui le mettraient à même de soutenir son exploitation; il n'en fut malheureusement pas ainsi, la faute provenait en partie du public et de la direction. D'un côté, les spectateurs n'étaient pas toujours galants ni fort convenables, ainsi que nous l'indique la Gazette de Liége du 21 février:

" Le parterre et la direction me fournissent plus qu'il ne faut matière à critiquer; je commence par le parterre.

Les jours de représentations extraordinaires, lundi dernier par exemple, il est d'une indécence rare (je pourrais sans trop dire, employer une autre épithète, et c'est par déférence que je me sers de celle-là). Des hurlements dignes des halles, des vociférations ordurières, des chants grossiers, des insultes directes adressées non seulement aux hommes, mais encore aux dames qui occupent, soit les loges, soit la galerie, voilà les aimables choses auxquelles il se délasse; et ce que je ne puis expliquer, c'est que la police ne fait pas cesser ce tumulte. Qu'en arrivera-t-il? les honnêtes gens devront fuir le spectacle, le père de famille devra l'interdire à ses enfants, car un semblable théâtre ne peut plus être pour eux l'école des mœurs, et le castigat ridendo mores devient une fade dérision. "

D'un autre côté, la direction se souciait fort peu de son public; la négligence de mise en scène, de décoration et d'exécution, était trop apparente; et l'on sifflait assez souvent. Pour ces motifs et pour d'autres, le sieur Fiévez s'était déjà retiré depuis le 15 décembre 1820. Wyngaard étant resté seul, ne put soutenir la partie à cause surtout du prix exorbitant de location.

Ayant signé le bail le 23 janvier 1820, pour un terme de 6ans au prix annuel de 17,000 francs, il avait payé une année anticipativement à dater du 1er mars; il souscrivit de plus pour les cinq autres années cinq billets de 17,000 francs payables par anticipation à l'échéance du 1er mars. N'ayant pu acquitter le second terme à cette date, le sieur Wyngaard offrit la résiliation de son bail.

La commission des actionnaires pratiqua une saisie-arrêt, sur les représentations restant à courir jusqu'à la fin de l'année théâtrale; et dans la séance du 7 mars, afin de ne point laisser fermer le théâtre, elle nomma une commission provisoire composée de trois membres chargés de l'administration du théâtre, et généralement de toutes affaires résultant de la résiliation offerte par le sieur Wyngaard, avec tous pouvoirs nécessaires à cet effet.

Le 18 mars, l'assemblée générale nomma une commission définitive composée de sept membres, pour administrer le théâtre jusqu'au 21 avril 1822; elle choisit ensuite en qualité de directeur-gérant, un certain Dubus qui avait anciennement joué sur le théâtre de la Batte et qui, en dernier lieu, avait dirigé la scène de Bruxelles.

Cette commission, sans moyens pécuniaires, fit un appel aux actionnaires en les priant de faire une avance de cent francs à raison de 1,000 francs d'action, qui seraient remboursés avec les premiers fonds disponibles. Elle réunit la somme de 20,350 francs à titre de prêt sans intérêt. Elle se fournit d'un magasin de costumes rachetés au sieur Fiévez au prix de 680 francs, de décors accessoires, de brochures, de musiques, et fit exécuter divers travaux pour l'amélioration de la salle.

Plusieurs bruits circulant et accusant le sieur Fiévez d'avoir poussé à la ruine de son associé, il s'en défendit en publiant dans les journaux l'attestation suivante qui lui avait été délivrée par Wyngaard, père.

" Moi, soussigné, I. Wyngaard, directeur-privilégié du théâtre de Liège, reconnais sous la foi de la déclaration que M. Fiévez m'a donné aujourd'hui, que le dit M. Fiévez a administré avec intégrité les fonctions de directeur-gérant; je déclare en outre que je suis satisfait de la troupe qu'il a formée pour l'année théâtrale 1821-22, dont il m'a remis le tableau signé de lui et les engagements; je déclare enfin que mon dit sieur Fiévez m'a remis le livre de la correspondance et le répertoire aussi signé de lui.

Wyngaard, père.

Vu par nous, Bourgmestre de Liège, pour légalisation de la signature du sieur Wyngaard, père, privilégié du théâtre de Liège.

Le vingt-deux décembre 1820.

Pour le Bourgmestre-Président, Rouveroy. „

Pendant la gestion de la commission provisoire, on entendit encore deux artistes étrangers:

Du 10 au 20 mars, M. Lavigne, 1er sujet, ténor de l'Académie royale de musique, donna 4 représentations dans lesquelles il chanta: Oedipe; Les Prétendus; La Vestale; Le Rossignol.

Puis M. Henrard, 1er baryton également de l'Académie royale de musique de Paris. Celui-ci était Liégeois et nous avait quitté en 1807 pour se perfectionner dans la carrière lyrique; il donna deux représentations, le 29 mars et le 5 avril, en chantant: Le Prisonnier et Panurge.

La clôture eut lieu le 8avril, par: La Mort de Calas,dr. 3a.; Le Mariage à la hussarde, v. 1 a., et un intermède avec le concours de MM . Schiele, Mayer, Fellaûer et Daeubler, artistes réunis connus sous le nom des 4 chanteurs de Vienne.

Dubus entra en fonctions quelque temps après, et ouvrit une saison d'été le 20 mai, par: Adolphe et Clara, o.-c. 1a.; La Mélomanie, o.-c. 1a., et Le Duel et le Déjeuner,v. 1a.

Pendant cet été, on eut l'occasion d'entendre deux grandes célébrités:

Le 11 juin, l'illustre Talma, acteur tragique du premier Théâtre français, vint en représentation, accompagné de M. Boucher, du théâtre royal de Bruxelles, et de Mme Petit, de la Comédie française; il donna 9 représentations jusqu'au 28 juin, dans lesquelles il fit entendre: Hamlet, tr. 5 a.; Andromaque, tr. 5 a.; Manlius, tr. 5 a.; Les Templiers, tr. 5 a.; Britannicus, tr. 5 a.; Cinna, tr. 5 a.; Œdipe, tr. 5 a., et Athalie, tr. 5 a.

Le prix des places était ainsi fixé: 1res loges, loges grillées, baignoires, fr. 5,00; parquet et galerie, fr. 4,00; secondes loges, fr. 3,50; parterre, fr. 2,50; loges d'amphithéâtre, fr.2,00; amphithéâtre, fr. 1,50.

Malgré le prix élevé des places, la foule se porta à chacune de ces représentations. François-Joseph Talma, le plus grand acteur tragique des temps modernes, naquit à Paris le 15 janvier 1766 et mourut le 19 octobre 1826.

Mlle Mars, qui lors de son premier passage en 1818 avait promis de revenir à l'ouverture du nouveau théâtre, tint sa promesse. Elle se fit entendre dans 7 représentations, du 3 au 19 août, en jouant dans les pièces suivantes: Les Fausses confidences,c. 3a.; La Fausse Agnès, c. 3a.; Les Trois Sultanes, c. 3a.; Le Misanthrope, c. 5 a.; Les Jeux de l'amour et du hasard, c. 3 a.; Le Secret de ménage, c. 3 a.; Le Mariage de Figaro, c. 5 a.; La Coquette corrigée, c. 5 a.; L'Epreuve nouvelle, c. 5 a.

Ainsi que pour Talma, le public se porta en foule à ces représentations, à tel point qu'à la seconde, le rédacteur n'avait pu trouver place. A la troisième soirée, les vers suivants furent adressés à Mlle Mars par M. de Rossius.

Du plus rare talent, modèle inimitable,
Du Théâtre-Français Mars rehausse l'éclat;
Ses grâces, sa beauté, son naturel aimable,
Font oublier Clairon, Lecouvreur et Contat.
De la nature en tout, imitation docile,
Son art ne parait point; un organe enchanteur,
Une diction pure, un jeu brillant, facile,
Enivrent de plaisir l'âme du spectateur.
Un mot, un geste, un rien, tout chez elle est sublime,
Et de perfection Mars est le synonyme.

Dans la représentation du 14août, dix-huit vers lui furent encore adressés sous le titre: Adieux des Liégeois à Mlle Mars; ces vers étaient attribués aux frères Rogier.

Le 28 septembre, M. Armand, comédien ordinaire du roi, se fit entendre également dans six représentations jusqu'au 14 octobre. Cette dernière soirée servait de clôture et se composait de: Le Fou de Pêronne, v. 1a.; La Grange Chancel, v. 1a.; Le Singe voleur, v. 1 a.; M. Croquemitaine, v. 1 a.

Un mois après, Dubus commençait la saison d'hiver et faisait débuter la troupe suivante pour l'année


1821-22.

J.-A. DUBUS, directeur-gérant.

MM. Hurteaux, Louis, 1re haute-contre Elleviou, jeune premier.
Philis, 1re haute-contre Philippe, 1er rôle.
Goyon, 2e haute-contre Colin, 2e rôle.
Jaubert, Martin, Laïs, Solié, raisonneurs.
Camoin, 1re basse-taille, paysan grime.
Lemoule, 2e basse-taille, 2e père noble.
Narcisse, 3e basse-taille, utilité.
César, trial, 2e comique.
Ramond, laruette, 1er et 2e comique.
Germain, 1er rôle marqué.
Rousselle, 1er comique.
Mmes Bouche, 1re chanteuse en tous genres.
Burger, 1re chanteuse sans roulades, jeune première.
Lemoule, forte seconde chanteuse, 2e amoureuse.
Lechesne, 1re Dugazon, St-Aubin, ingénuité, 1re amoureuse.
Camoin, duègne, mère noble.
Goyon, 1re soubrette.
Rousselle, grande coquette.
Clara, 2e amoureuse.

M. Rocher, maître de musique.

L'ouverture eut lieu le 11 novembre par: Le Diable à quatre, o.-c. 3a., et Le Legs, c. 1a.

Dubus, qui était un administrateur intelligent, sut mener adroitement son affaire. La troupe qu'il avait réunie, était bien composée; il n'eut recours à des artistes étrangers que vers la fin de la saison.

A dater du 14 mars 1822, la jeune et déjà célèbre Léontine Fay, âgée de 11 1/2 ans, accompagnée de son père et de sa sœur, vint donner 11 représentations; elle se produisit dans les pièces suivantes: La Petite sœur, v. 1a.; Frosine, ou la dernière venue, v. 1a.; Alexis, ou l'erreur d'un bon père, o.-c. 1 a.; Paul et Virginie, o.-c. 3 a.; Les Deux petits savoyards, o.-c. 1 a.; Cendrillon, o.-c. 3 a.; Jean et Geneviève, o.-c. 1 a.; Le Mariage enfantin, v. 1 a.; Adolphe et Clara, o.-c. 1 a.; Le Petit matelot, o.-c. 1 a.

Le 21 mars, Mme Fay, 1re chanteuse de l'Académie royale de musique de Paris, et qui avait fait partie de la troupe de 1811-12, vint se joindre à sa famille et joua dans: Raoul Barbe-Bleue, o.-c. 3 a.; Didon, g.-o. 3 a.; Camille, ou le souterrain, o.-c. 3 a.; La Fée Urgèle, o.-c. 4 a.

Dans le courant de ces représentations, on jeta plusieurs couronnes sur la scène, accompagnées de pièces de vers dont nous citerons les deux suivantes:

Toi qui dans un âge si tendre,
Sus de ton art atteindre la hauteur,
Aimable Fay, qui pourrait entreprendre
De peindre dignement ton talent enchanteur;
La nature et Thalie
Pour te rendre parfaite, unirent leur pouvoir;
Plus on te voit plus on voudrait te voir,
Et plus on te trouve accomplie.
De l'amante de Paul, le sombre désespoir,
De l'espiègle Jenny, la malice enfantine,
L'enjouement de Clara, la candeur de Céline,
Tour à tour nous ravit; et l'esprit enchanté
Croit dans la fiction voir, la réalité.
Ta voix flexible, harmonieuse et pure,
Pénètre au fond des coeurs;
Des malheurs d'Alexis, la touchante peinture
Nous arrache des pleurs;
En toi tout sait charmer et plaire
Et ton jeu naturel, tes grâces, tes attraits,
Font prévoir que bientôt le Diamant français
Ne sera plus un solitaire.

L'acrostiche suivant lui fut dédié par Modave.

L a nature toujours, de prodiges avare,
E pancha tous ses dons sur cette aimable enfant;
O n est émerveillé d'un mérite aussi rare,
N ouvel astre au théâtre, elle en fait l'ornement.
T our à tour son talent charme, plaît, intéresse,
I l rend toujours plus vif le plaisir de la voir,
N ous admirons Thalie en sa tendre jeunesse,
E xerçant sur les coeurs son magique pouvoir.

Louise-Jeanne-LEONTINE Fay naquit à Toulouse, le 9 novembre 1810. Elle débuta au Gymnase en 1821, et y fut engagée en 1826. Elle épousa en 1829 M. Volnys du Vaudeville, et entra avec lui au Théâtre Français en 1834. Nous la retrouverons sur notre scène en 1838. Elle mourut le 29 août 1876.

Les représentations de la famille Fay se terminèrent le 28 mars. La dernière soirée avait provoqué une scène tumultueuse. On donnait Didon, Mme Fay en jouait le principal rôle, et quoique comme actrice et comme cantatrice elle eût rempli l'attente des spectateurs, elle ne produisit pas néanmoins tout l'effet qu'elle s'était proposé; le public resta froid et n'applaudit presque pas, Mme Fay se livra alors à des emportements heureusement fort peu ordinaires à son sexe.

Après la représentation, on redemanda la jeune Léonttne, qui avait joué dans les deux dernières pièces; mais loin d'apprécier cette nouvelle faveur du public et de se rappeler l'accueil flatteur qu'elle avait reçu à Liège, Mme Fay défendit à sa fille de se rendre aux vœux des spectateurs. Les criscontinuèrent et on insista avec plus de violence; Mme Fay ne crut pas devoir céder, et malgré les justes observations de ceux qui l'entouraient, elle emmena sa fille hors de la salle.

Dans la représentation du 26 mars, donnée au bénéfice de la famille Fay, on avait entendu dans un intermède le jeune Lambert Massart, violoniste liégeois. Celui-ci était aussi un petit prodige; né à Liège le 19 juillet 1811, il avait à peine 11 ans, et ses dispositions musicales étaient telles à cette époque qu'on lui prédisait l'avenir le plus brillant. Déjà l'année précédente un amateur distingué, M. Delaveux, qui a beaucoup contribué à son éducation musicale, aidé de quelques amis, avait organisé à son

profit un concert afin de lui permettre de continuer ses études à Paris; ce concert se renouvela pendant plusieur sannées. A Paris, Lambert Massart travailla sans relâche , et il acquit dans le monde artistique une valeur qui lui fit obtenir, en 1843, la place de professeur de violon au Conservatoire de Paris, place qu'il occupe encore actuellement.

Dans une précédente réunion, on avait entretenu Léontine Fay du jeune Massart et des espérances qu'il faisait concevoir; elle demanda à le voir, lui fit un compliment agréable et l'embrassa. Des couplets sur cette circonstance furent demandés à Modave par lejeune Massart qui les remit à Léontine Fay.

Air: J'ai vu partout dans mes voyages.

0 toi dont la bonté divine
Daigne sourire à mes essais,
Ton baiser belle Léontine
Assure à jamais mes succès.
Tu croyais embrasser un frère
Qu'a toi je suis peu ressemblant,
Un jour je le serai j'espère,
Mais je suis encore un enfant.

La renommée en fait accroire
Lorsqu'elle vante mes talents,
Je ne mérite aucune gloire
Toi seule as droit à son encens;
Le public par sa bienveillance
Me fait un accueil complaisant,
Il sait que toujours l'indulgence
Elève le coeur d'un enfant.

Mais toi qui marches libre et fière
Dans des sentiers si périlleux,
Tes premiers pas dans la carrière
Sont des triomphes glorieux;
Tu ne peux briller davantage
Par le jeu, l'esprit, l'agrément,
Tu connais ton art avant l'âge
Déjà tu n'es plus un enfant.

La petite Léontine Fay, de retour à Paris, où de nouveaux succès l'attendaient, n'oublia pas son jeune ami et crut devoir à quelques délicates attentions, une marque de reconnaissance et un témoignage d'encouragement. Le 31 mai, elle envoya un superbe archet avec cette dédicace: Léontine Fay à Lambert Massart, 1822. Ce présent était accompagné d'une lettre flatteuse renfermant d'excellents conseils de la part de M. Fay.

Le 8 avril, on donna la première représentation de: Le Barbier de Séville, o.-c. 4 a., musique de Rossini, distribué de la manière suivante:

Le Comte Almaviva, MM. Philis.
Figaro, St-Amans.
Basile, Lemoule.
Rosine, Mme Burger.

Cet opéra, qui est actuellement le plus ancien du répertoire courant, date de 1816 et fut composé à Rome en 16 jours.

Ce charmant ouvrage fut sifflé à sa première apparition, le public romain habitué à la musique gracieuse et naïve de Paisiello, était dérouté par toutes les folies, la verve et l'esprit du Barbier; mais le second jour, mieux avisé, il applaudit avec fureur. L'ouverture du Barbier provient en grande partie de l'opéra Elisabeth reine d'Angleterre, également de Rossini et écrit en 1815.

Du 9 au 16 avril, M. Victor, du 2d théâtre français, et Mlle Sainville, élève du Conservatoire, vinrent donner 4 représentations dans lesquelles ils interprétèrent: Zaïre, tr. 5 a.; Andromaque, tr. 5 a.; Hamlet, tr. 5 a., et Adélaïde Duguesdin, tr. 5 a.

Puis la clôture eut lieu le dimanche 21 avril, par la 3e représentation de: Le Barbier de Séville, o.-c. 4 a., avec le concours de M. Desfossés, 1re haute-contre du théâtre royal de Bruxelles; Le Soldat laboureur, v. 1a., et Le Mari et l'amant, c. 1a.

Cette année avait procuré aux actionnaires un dividende de 10 pour cent sur les bénéfices réalisés. Dubus s'était donc tiré honorablement de sa gestion, mais il ne tenta pas une nouvelle entreprise.

Le 28 mai, grand concert vocal et instrumental par Mlle Corri,1re cantatrice du théâtre italien de Londres, et Rainé. Le 16 juillet, concert-spectacle par M. et Mme Cinelli, 1ere artistes du théâtre St-Charles, à Naples; on joua La Servapadrona,o.-c.2a.

Puis, les 24 et 29 septembre, deux concerts donnés par M. Lavigne, 1er sujet de l'Académie de Belgique et de la chapelle du roi de France.

Le successeur de Dubus fut un nommé Louis-Marie Jausserand, choisi par les actionnaires le 5 août 1822.

Dans un prospectus qu'il publiait le 24 septembre, il priait le public de lui tenir compte de la date tardive à laquelle il avaitété appelé à la direction, n'ayant eu que fort peu de temps pour former sa troupe, qu'il lui serait impossible de remplacer si on ne l'accueillait avec bienveillance.

U n paragraphe de son prospectus que nous reproduirons, prouvera par la suite qu'il avait quelque raison en l'émettant.

" L'usage établi à Liège pour la saison dite d'hiver, était d'ouvrir le théâtre dans les premiers jours de novembre; il était facile de s'y soumettre, lorsque le directeur avait la faculté d'exploiter pendant les mois précédents, les villes de Verviers, Spa et Aix-la-Chapelle; aujourd'hui, ces mêmes villes ont une direction de spectacle particulière, et Liège se trouverait réduite à dépendre de cette direction pour la composition de sa troupe dite d'hiver, si l'usage de n'ouvrir que dans la première quinzaine de novembre était maintenu; et en effet, quel est l'artiste d'un talent tant soit peu recommandable, qui se déterminera à ne s'engager que pour cinq mois, lorsqu'il peut sans difficulté l'être pour toute l'année; dès lors, tant le théâtre de Liège que ceux de Verviers, Spa et Aix-la-Chapelle, se trouveront tôt ou tard réduits à n'avoir que le rebut des villes les plus médiocres, qui forment leur troupe soit pour le 20 avril, soit pour le 1er septembre. L'expérience viendra à l'appui de ce que j'avance ici, si toutefois je ne puis effectuer le projet que j'ai formé pour l'avenir. "

Par suite de la difficulté qu'il eut avec les artistes, qui tous voulaient signer leur engagement à dater du 1er septembre, il dut porter l'abonnement pour six mois et quatre-vingt quatre représentations, au lieu de cinq mois et septante représentations, ainsi que cela avait lieu précédemment.

Voici le tableau de troupe qu'il présenta pour la saison


1822-23.

L.-M. Jausserand, directeur.

MM. Jausserand, 1re haute-contre Elleviou, 1er rôle.
Julien jeune haute-contre Elleviou.
Alexandre, 1re haute-contre Philippe, 1er amoureux.
Amédée-Vadé, 2e haute-contre Colin, jeune premier.
Floriny, Martin, Laïs, Solié.
Lavilette, 1re basse-taille, financiers.
Guilleman, 2e basse-taille.
Narcisse, 3e basse-taille.
César, trial, 2e comique.
Ramond, laruette, baillis marqués.
Juclié,
Mmes CarolineDorsan, 1re forte chanteuse sans roulades.
Jamet, 1re chanteuse à roulades, jeune première.
Borsary, 2e chanteuse, 2e amoureuse.
Dorgebray, 1re dugazon, 1re soubrette.
Martin, duègne, caractères.
Delille, ingénuité.
St-Estève, 1er rôle.

M. Rocher, maître de musique.

Prix de la location des loges pour 6 mois et 84 représentations:

Par personne: Premières loges et loges grillées, fr. 150
Baignoires 130
Secondes loges 120

Prix de l'abonnement personnel au parquet et à la 1re galerie:

Pour un homme fr. 90,00
Pour une dame 75,00

Conditions de l'abonnement au mois de 14 représentations à la galerie et au parquet:

Pour un homme fr. 19,50
Pour une dame 14,00

Il ne sera point fait d'abonnement pour le parterre et l'amphithéâtre.

Ouverture le dimanche 13 octobre, par: L'Amant jaloux, o.-c. 3 a.; Tartufe, c. 5 a., et Hommage à Molière et à Grétry, pièce de circonstance en 1 a. Cette production avait été arrangée par M.Jausserand, sur la pièce qui avait servi d'ouverture au théâtre du Gymnase de Paris.

De tous les artistes présentés, pas un seul ne fut refusé, tous occupèrent leur emploi jusqu'à la fin de la saison.

Le 29 octobre et le 1er novembre, M. Eugène Roy, flageolet-solo des fêtes de la cour de France, se fit entendre dans deux concerts.

Le 1er janvier 1823, apparut une pièce indigène: Le Jour de l'an de Préanpal, ou M. Janvier et Milord Fluet, à-propos-vaudeville en 1 acte, hommage au public de Liège, qui pourrait bien être attribué au directeur Jausserand.

Le 4 avril,première représentationde: La Pie voleuse,o.-c. 4a., musique de Rossini.

Puis la clôture de l'année théâtrale eut lieu le 21avril, par: La Pie voleuse; Les Bonnes d'enfants, v. 1 a., et Les Épaulettes de grenadier, v. 1 a.

Le roi des Pays-Bas se trouvant à Liège le 27 avril, on organisa en son honneur une soirée gala composée de: La Chambre à coucher, o.-c. 1 a.;Boniface pointu et sa famille, c. 3 a., plus les ouvertures du Jeune Henri et du Solitaire.

D'après un rapport du caissier de la commission des actionnaires, constatant qu'il se trouvait une somme de six mille cent dix-huit fr. 60 c. disponible, le Conseil des Bourgmestre et échevins arrêta d'employer cette somme au remboursement des actions, par voie de tirage au sort qui se ferait le 15 septembre dans la salle des séances du Conseil: " Il sera fait pour chaque actionnaire autant de billets qu'il aura versé de fois cinq cents francs dans la caisse de la Société. Après les avoir déposés dans une urne, il en sera tiré douze, et celui dont le nom sera inscrit sur l'un des billets sortis, recevra la somme de cinq cents francs. "


1823-24.

Jausserand, qui avait conservé la direction pour la prochaine campagne, publia le 13 septembre, le tableau de troupe suivant pour l'année.

L.-M. Jausserand, directeur.

MM. Jausserand, 1re haute-contre Elleviou, 1er rôle.
Deldique, L., 2e haute-contre Elleviou, 1er amoureux,
Belfort, 1re haute-contre Philippe, jeune premier.
Allan, 2e haute-contre Colin, 2e amoureux.
de Mondonville, Martin, Laïs.
Baptiste, 1re basse-taille, financiers.
Couture, 2e basse-taille, 2e père.
Narcisse, 3e basse-taille, utilité.
César, trial, 2e comique.
Ramond, laruette, 1er comique.
Rousseau, père noble.
Mmes Gaussin, 1re forte chantee sans roulades
Pouilley, 1re chanteuse à roulades, jeune 1er rôle.
Dorgebray mère, 1re dugazon St-Aubin, 1re soubrette.
Martin, duègne, caractères.
Amélie Dorgebray, 2e chanteuse, ingénuités.
Hendriqués, 1re amoureuse.

M. Baptiste, 1er maître de musique.

Le prospectus était accompagné d'un projet d'abonnement d'un nouveau genre, dont nous donnerons un extrait:

" Les pertes considérables qui, l'année dernière, ont été le résultat des sacrifices de tous genres, auxquels je m'étais soumis sans hésiter, pour la formation d'une troupe qui fût digne de satisfaire le goût éclairé du public de Liège, m'ont démontré jusqu'à l'évidence l'impossibilité de balancer toutes les chances désavantageuses attachées à l'exploitation du théâtre de cette ville...

Sans aucune espérance de bénéfice, mais dans la seule vue de me prémunir contre un déficit évidemment démontré, j'ail'honneur de soumettre à Messieurs les habitants de Liège, un projet de souscription pour les bases duquel j'ai surtout consulté l'avantage des actionnaires.

Sommaire du projet de souscription.

Il n'y aura point d'abonnement personnel.

On souscrira pour une action de 500 fr., payable de mois en mois à raison de 100 fr. par mois; pour la valeur de cette action, il sera délivré à l'actionnaire 312 billets d'entrée non personnels, et dont il pourra disposer à songré. MM. les titulaires actuels des loges, de même que les personnes qui loueront celles qui restent disponibles, ne seront point tenus de donner le nom de leurs co-associés; ils introduiront dans leurs loges ou dans la salle qui bon leur semblera, en nantissant chaque personne d'un billet d'actionnaire; ces billets remplaceront ceux pris au bureau de distribution qui continueront à être payés fr. 2,50.

L'abonnement par souscription pour la galerie ou le parquet, est fixé à 400 fr. pour une action entière; 200 fr. pour une demi-action, et 100 fr. pour un quart d'action. Il sera délivré à chaque souscripteur pour une action entière 300 billets; 150 pour une demi-action; 75 pour un quart d'action.

Ces billets seront numérotés au nombre de quatre par représentation dans le premier cas, de deux dans le second et d'un seul dans le 3e, sans que, dans aucun cas, ces numéros puissent devancer ou retarder le jour où ils devront être reçus; on complétera dans le dernier mois ce qui manquera au nombre total.

MM. les souscripteurs n'ont point à craindre de trouver leurs places occupées par des personnes étrangères à la souscription; dans les jours où il y aurait beaucoup de foule, il sera réservé pour eux les balcons de l galerie, disposés pour contenir chacun vingt-cinq personnes, et les cinq loges de seconde en face.

Le directeur s'engage à ne pas donner moins de 14 représentations par mois à MM. les actionnaires, sans que les représentations par abonnement suspendu, pour lesquelles ces cartes n'auront point de cours, puissent faire dévier de cette disposition.

On doit remarquer que la souscription étant pour l'entière saison d'hiver le signataire ne pourrait en annuler ni suspendre l'effet pour cause d'absence ou telle autre que ce soit, puisque dans tous les cas il aurait la faculté de disposer de ses billets. "

Le prix des places au bureau resta le même.

L'ouverture eut lieu le dimanche 3 octobre, par: Blaise et Babet, o.-c. 2 a.; Le Nouveau seigneur du village, o.-c. 1 a., et l'ouverture du Jeune Henri, à grand orchestre.

Du 10 au 24 novembre, deux concerts donnés par Mlle Aline Bertrand, harpiste; Rosalbe Bertrand, cantatrice, et le jeune Lambert Massart, violoniste.

M. Auguste Rousseau, artiste de la troupe, fit représenter, le 12 janvier: Le Soldat instituteur, vaudeville en 1 acte dont il était l'auteur. A la représentation du 10 février, donnée en l'honneur de l'anniversaire de Grétry, des couplets de circonstance, composés par M. Jausserand, furent chantés par lui; on termina par le couronnement du buste par tous les artistes.

Du 8 au 15 mars, Mme Montano, prima-dona contralto, donna 3 représentations dans lesquelles elle chanta: Le Barbier de Séville, o.-c. 1a; La Belle Arsène, o.-c. 4a.; Le Calife de Bagdadi o.-c. 1 a. Puis, le 2 avril, le directeur organisa à son bénéfice un grand concert avec le concours du jeune Lambert Massart, et du jeune Cante, de Maestricht, âgé de 8 ans, qui exécuta deux variations pour violon.

La clôture eut lieu le 10 avril, par: La Neige, o.-c. 4a., et Le Médecin turc, o.-c. 1 a.

Jausserand ne fut guère plus heureux cette année que laprécédente, son système d'abonnement n'avait pas réussi, et il se trouvait encore en déficit; malgré cela, il signa le bail pour une troisième fois.

Après la clôture, quelques artistes du théâtre se réunirent sous la régie de M. Ramond, pour faciliter les représentations de

Mlle Mars, qui étaient annoncées. Elle en donna 5, du 7 au 11 juin, composées de: Le Jeu de l'amour et du hasard, c. 3 a.; Valérie, c. 3 a.; L'Ecole des vieillards, c. 5 a.; Misanthropie et repentir, c. 5a.; La Jeune femme colère, c. 1a.; Tartufe, c. 5a.; Le Secret du ménage, c.1a.; La Gageure imprévue, c. 1a.

C'était toujours avec plaisir qu'on revoyait cette gracieuse artiste, et malgré le prix élevé des places, la salle fut comble à chacune des représentations. Avant l'ouverture de la saison, on entendit encore Mlle Georges Weimer, 1re actrice tragique du théâtre de l'Odéon, qui, du 27 septembre au 7 octobre, joua dans: Sémiramis, tr. 5 a.; Médée, tr. 5 a.; Mérope, tr. 5 a.; Macbeth, tr. 5 a.; Le Dépit amoureux, c.2a.

Mlle Georges fut pendant longtemps la rivale de Mlle Duchesnois. Née en 1788, elle débuta en 1803; une éblouissante beauté, une diction simple et naturelle comme celle de Talma, la profondeur, l'énergie, une pantomime admirable, une exactitude minutieuse dans le costume, telles étaient les qualités qui distinguaient particulièrement Mlle Georges.


1824-25.

Jausserand entreprit sa troisième année, en présentant la troupe suivante pour la saison

L.-M. JAUSSEBAND, directeur.

MM. Letellier, 1re haute-contre, jeune premier.
Belfort, Philippe-Gavaudan, 1er rôle.
Allan, 2e haute-contre, Colin, 1er et 2e amoureux.
de Mondonville, Martin, Laïs.
Lizes, 1re basse-taille, financiers.
Camel, 2e basse-taille.
Narcisse, 3e basse-taille.
César, trial, 2e comique.
Ramond, laruette, 1er comique marqué.
Riquier, père noble.
St-Victor, 2e trial, 2e comique.
Mmes Dorsan, 1re chanteuse sans roulades.
Renel-Philibert, 1re chanteuse à roulades, 1er rôle.
Dorgebray, dugazon, soubrette.
Martin, duègne, caractères.
Amélie Dorgebray, jeune chanteuse, 1re amoureuse

M. Maz, 1er chef d'orchestre.

L'abonnement fut rétabli comme précédemment et le prix des places demeura le même.

L'ouverture eut lieu le dimanche 10 octobre, par: Les Prétendus, g.-o. 1a., et Le Tableau parlant, o.-c. 1a.

Mme Renel Philibert, qui avait été engagée pour les deux genres de chanteuse à roulades et chanteuse forte dugazon, conserva le premier emploi; le second fut tenu par Mme Dorsan, une ancienne connaissance, mais elle ne réussit pas et résilia. Mme Ducasse-Gerville vint seconder Mlle Amélie Dorgebray dans l'emploi de seconde chanteuse. La première basse, Lizes, ne parut pas, il fut remplacé par M. Lalande.

Mlle Dorgebray, qui nous quitta cette année pour être engagée à l'Odéon de Paris où elle obtint beaucoup de succès, mourut en février 1827, âgée de 19 ans.

M. Letellier, le 1er ténor, est le même que nous retrouverons directeur de notre scène en 1850-51; il dirigea ensuite le théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, à deux reprises, de 1852 à 1858. Il mourut à St-Josse-ten-Noode, le 17 août 1877. MM. César et Ramond terminaient une campagne de six années consécutives. Un nouveau règlement sur la police des spectacles fut mis en vigueur à dater du 13 octobre.

Les 22 et 25 octobre, M. Sarthè, artiste du théâtre du Gymnase dramatique, donna deux représentations composées de: La Carte à payer, v. 1 a.; L'Auberge de Calais, v. 1 a.; Frontin mari garçon, v. 1a.; Une Visite à Bedlam, v. 1a., et Les Deux précepteurs, v. 1 a. Après lui, on entendit, dans 7 représentations, du 27 octobre au 7 novembre, M. Martin, baryton, ancien sociétaire du théâtre Feydeau, qui chanta: Le Petit chaperon rouge, Le Nouveau seigneur du village, Joconde, Jeannot et Colin, La Fête du village voisin, Gulistan, Lully et Quinault, Les Voitures versées. La plupart des rôles qu'il interprétait avaient été créés par lui à Paris; il avait aussi le mérite d'avoir laissé son nom à l'emploi qu'il tenait. Né en 1767, par conséquent âgé de 57 ans, il soutenait encore vaillamment sa vieille réputation; il mourut le 28 octobre 1837.

Jusqu'alors, les représentations n'avaient pas été exemptes d'orages, le directeur parvenant difficilement à compléter sa troupe, les cris et les sifflets se faisaient assez souvent entendre; dans la soirée du 21 novembre, les cris de: le billet, le billet, étaient proférés par le parterre en délire. Ce billet ramassé par l'acteur qui se trouvait alors en scène, fut d'abord donné à M. le directeur, qui, d'après les termes du règlement théâtral, le remit, sans l'ouvrir, au commissaire de service, lequel le porta à MM. les Echevins. Ceux-ci, après en avoir pris connaissance, ne virent pas d'inconvénient à le rendre à son propriétaire sans en communiquer le contenu au public. Ce billet était une gauffre, enveloppée de papier, tombée de la poche d'un machiniste pendant la manœuvre des décors. (Historique.)

A cette époque, les spectacles monstres n'étaient pas encore en faveur, et l'on s'effrayait devant une soirée qui devait se prolonger au delà de 10h. M. Ramond, le jour de son bénéfice, n'avait pas craint de convier son public à une représentation qui sortait des limites habituelles, par l'annonce suivante:

" Lundi, 29 novembre, 1re représentation de: Le Concert à la cour, o.-c. 1 a., musique de M. Auber; 1re représentation de: L'Étourdi à la diète, vaudeville nouveau en 1 acte; le spectacle sera terminé par la reprise de: Le Barbier de Séville, o.-c. 4 a.

Nota. — Pour la commodité du public, les bureaux seront ouverts à 4 heures précises. Le spectacle commencera à 5 1/2 heures et finira à 10 heures. '

Cette innovation lui valut de la part du Mathieu Laensbergh, l'article suivant qui était rédigé par M. Devaux.

" Parlez-moi des plaisirs qui s'emparent de vous à 5 1/2 heures du soir, pour ne vous lâcher qu'à 11 heures. Ces bons Italiens, ces pauvres Parisiens, qui pensent avoir fait une bonne soirée quand ils ont entendu d'un bout à l'autre le seul Barbiere. Nous avons bien un autre tempérament musical. Que sont pour nous les quatre actes du Barbier de Séville? Cela fait à peine trois heures de musique. Non, non, il nous faut en sus, non seulement un vaudeville comme petite pièce, mais encore un opéra bien bruyant et bien long de M. Auber. Point de salut si l'affiche ne couvre trois pieds carrés du mur, point de jouissance, si à la fin du spectacle il n'y a dans la salle autant de migraines que de spectateurs, et sur la scène autant d'enrouements que de gosiers. Voilà le plaisir! nargue de ces soirées où je ne suis pas un peu absourdi, où je puis tout écouter sans peine, d'où je ne sors pas bien replet de musique, où je n'ai pas dépensé toutes mes forces; je ne puis tenir compte des jouissances qui ne durent pas une moitié du cadran.

Tel est le résumé de la conversation que faisait à mes côtés, dans la place où ils avaient pris possession à quatre heures précises, deux bons époux bien décidés à s'amuser, et dont les longs propos, l'heureux embonpoint, et la nombreuse famille qui siégeait auprès d'eux, faisaient voir que tout dans ce ménage s'appréciait à la quantité. "

Les 21 et 24 mars, Mlle Mélanie Thuillier, âgée de dix ans, rivale de Léontine Fay, accompagnée de son frère Léon, vint se faire entendre dans: La Nouvelle Clary, v. 1 a.; La Petite folle, v. 1a.; Le Mariage enfantin, v. 1a.; Les Deux petits savoyards, o.-c. 1 a.

Pendant la représentation du 24, une couronne lui fut remise, accompagnée des vers suivants:

Un jour dans leurs doctes travaux,
Les neuf filles de Mnémosyne,
A leur balance divine
Pesèrent les talents rivaux
De Thuillier et de Léontine.
Comme les célestes plateaux
(Nul ne penchant) leur laissaient mêmes titres,
Apollon et l'amour furent pris pour arbitres;
Mais également indécis,
Tous deux pour les juger, attendent votre avis.

Le 26 mars, pour la clôture de la saison et au bénéfice de Mlle Thuillier, on donna: Le Vieux garçon et la Petite fille, v. 1a.; La Nouvelle Clary, v. 1 a., et Picaros et Diego, o.-c. 1 a.

Nous la retrouverons encore sur notre scène en qualité de dugazon en 1829-30, 1832-33, et sous le nom de Mme Duchampy en 1843-44.

La vogue était alors aux enfants prodiges, car du 1er au 8 mai, la petite Pauline Bourson, âgée aussi de 9 1/2 ans, donna 3 représentations dans lesquelles elle nous fit entendre: Le Vieux garçon et la petite fille, v. 1a.; Frosine, v. 1a.; Le Coiffeur et le perruquier, v. 1a.; Les Amants protées, v. 1a.; La Petite Somnambule, v. 1a.; L'Héritage, ou les deux portraits, t. 1a.; L'Original, v. 1a.

Avec moins de grâce peut-être que la petite Thuillier, et sans l'avoir égalée dans quelques-uns de ses rôles, elle avait aussi moins de minauderies et plus de naturel. Elle fut remarquable surtout par l'enthousiasme étonnant avec lequel elle chanta un vaudeville sur l'art dramatique et sur les grands acteurs.

Jausserand, qui avait demandé certaines modifications pour entreprendre une quatrième année, ne les vit pas accueillies et dut renoncer à son exploitation; la première année, il s'était trouvé en déficit d'une somme de 24,000fr. mais sans chercher à apitoyer la commission sur son sort, il entreprit hardiment la seconde campagne qui ne lui réussit guère mieux sous le rapport financier; à la fin de la seconde année, il se trouvait débiteur envers la commission des actionnaires d'une somme de 5,000 fr. Depuis 1822, la salle était louée au prix de 6,500 fr. annuellement, payables par centième, c'est-à-dire que chaque jour pendant les cent premières représentations, il devait verser entre les mains de la commission la somme de 65fr., prise sur la recette journalière par privilège et de préférence à tous autres créanciers. La troisième année lui fut plus favorable. Sa troupe formait un ensemble très remarquable, ce qui lui procura de meilleures recettes. Toutefois, pour s'acquitter intégralement envers tous ses créanciers, sa femme fut obligée de vendre une propriété de vingt-deux mille francs qu'elle possédait en France. En quittant Liège, il obtint la direction du théâtre de Verviers à des conditions plus avantageuses.

D'après un inventaire qui fut fait au départ de Jausserand, nous voyons que la bibliothèque théâtrale, appartenant à MM. les actionnaires, se composait de: 88 brochures d'opéras, 35 de vaudevilles, 20 de comédies, 7 de drames et mélodrames, 11 de tragédies, 10 partitions d'opéras, 34 de vaudevilles, 8 de mélodrames.

Les actionnaires possédaient en outre un magasin de costumes assez complet, qu'ils louaient au prix de 500 fr. compris dans les 6,500 fr. que le directeur payait annuellement.


1825-26.

M. de St-Victor-Nauthon, qui avait dirigé précédemment les scènes de Gand et d'Anvers, fut choisi le 13 mai pour succéder à Jausserand. Il présenta le 27 août le tableau de troupe suivant pour la saison.

DE St-VlCTOR-NAUTHON, directeur.

MM. Oudinot, 1re haute-contre Elleviou, jeune premier.
Amédée Julien, Philippe Gavaudan, jeune premier.
Saint-Ange, 2e haute-contre Colin, 2e amoureux.
de Mondonville, Martin, Laïs.
Arbousset, 1re basse-taille.
Meyret, 2e basse-taille, père noble, financiers.
Narcisse, 3e basse-taille.
Serres, trial, 2e comique.
St-Julien, laruette, 1er comique.
Souvray, 1er rôle.
Honoré, 1er amoureux.
Villeneuve, pères et raisonneurs.
Mmes Saint-Ange, 1re chanteuse sans roulades.
Burger, 1re chanteuse à roulades.
Choussat, 1re dugazon, soubrette.
Cochèze, 1re duègne, caractères et mères.
Boinet, 1er rôle.
Victorin, jeune première.
Margery, jeune dugazon, ingénuité.

M. Ferdinand Vandenheuvel, 1er chef d'orchestre.

Ouverture le mardi 6 septembre, par: Le Nouveau Seigneur du village, o.-c. 1 a.; Le Secrétaire et le Cuisinier, v. 1 a., et La Somnambule, v. 2 a.; on commença par une ouverture à grand orchestre, après laquelle le directeur fit comme d'usage son compliment d'ouverture.

M. F. Vandenheuvel était un excellent chef d'orchestre qui resta au théâtre de Liège jusqu'en 1838, sauf 3 années. Né à Gand le 26 mars 1805, il épousa à Liège, le 9 janvier 1829, Victoire-Elisabeth Gollain, professeur de musique, de laquelle il avait eu un fils. Un autre de ses fils épousa en 1856 Mlle Caroline Duprez, fille du célèbre chanteur. M. F. Vandenheuvel mourut à Bordeaux en 1853.

Le directeur avait obtenu la location du théâtre aux mêmes conditions, c'est-à-dire au prix de 6,500 francs, mais la Commission ayant trouvé que ce prix n'était pas suffisant pour subvenir aux frais d'entretien de la salle, et pour payer le dividende aux actionnaires, institua un compte de recettes de 5 1/2 % à condition que la Société pourvoirait le théâtre de décors nécessaires; le produit était obtenu par une augmentation de 5 1/2 % sur le prix du billet à l'entrée; ce compte fut maintenu jusqu'en 1836.

Du 19 septembre au 2 octobre, six représentations furent données par Mlle Duchesnois, 1re actrice tragique du premier Théâtre français, qui interpréta: Mérope; Jeanne d'Arc; Phèdre; Marie Stuart; Pierre de Portugal; Iphigénie en Aulide; Alzire, ou les Américains; toutes tragédies en 5 actes. Le jour de clôture, le spectacle se composa des deux dernières.

Mlle Duchesnois obtint beaucoup de succès, surtout dans Marie Stuart.

Après elle, M. Philippe, 1er comique du Théâtre du Vaudeville de Paris, donna 5 représentations du 6 au 18 octobre, composées des ouvrages suivants: M. Champagne, v. 1 a.; M. Sans-Gène, v. 1 a.; Le Champenois, v. 1 a.; Vadeboncœur, v. 1 a.; Les Dames Martin, v. 1 a. Tous les rôles qu'il joua dans ces différentes pièces, avaient été créés par lui au Théâtre du Vaudeville.

Le lundi 24 octobre, première représentation de: Robin des Bois, opéra romantique en 4 actes, traduction française de Castil-Blaze, musique de C.-M. Weber. Cet opéra, qui était monté d'une manière exceptionnelle, fut accueilli par le public avec un enthousiasme sans pareil. A la fin de la pièce, on appela le directeur sur la scène pour lui faire une ovation dont il se montra très touché.

Le lundi 13 mars, première représentation de: La Dame Blanche, o.-c. 3 a., paroles de E. Scribe, musique d'Auber. Cet opéra avait vu le jour à Paris le 10 décembre 1825, et le directeur en avait reçu la partition le 15 janvier 1826; il fut donc appris et représenté en moins de 2mois. C'est l'opéra qui a le mieux survécu à toutes les productions de ce genre qui ont vu le jour depuis, et actuellement, on l'entend encore avec plaisir.

Voici quelle était la distribution:

Georges Brown, MM. St-Ange.
Gaveston, Arbousset.
Dickson, Serres.
Miss Anna, Mmes Margery.
Mme Dickson, Choussat.
Marguerite, Cochèze.

Cette pièce était attendue avec impatience, et quoique le public fût prévenu que l'exécution devait en être médiocre, par suite de l'indisposition de différents interprètes, il n'en assiégea pas moins l'entrée et prit possession de la salle dès quatre heures de l'après-dîner.

La clôture eut lieu le 18mars, par: La Dame blanche, o.-c. 3a., qui en était à sa 4me représentation, et Robin des Bois, op. 4 a., qui atteignait sa 16me et obtenait encore un énorme succès.

M. de St-Victor qui, dès le mois de janvier, avait trouvé trop onéreuse l'exploitation du théâtre, par suite de l'introduction du compte de 5 1/2 pour cent, avait demandé et obtenu la résiliation de son bail après la première année.

Six concurrents s'étaient trouvés sur les rangs, parmi lesquels St-Victor, qui avait proposé des conditions plus acceptables. La Commission avait accueilli la demande d'un nommé Laberthe, qui dut résilier son contrat faute d'argent, et nomma définitivement, vers le 20 avril, M. Bernard de Paris, ancien directeur de l'Odéon et du théâtre de Bruxelles.

M. Berteché, directeur du théâtre de Mons, se rendant à Spa et à Verviers avec sa troupe, s'arrêta ici le 25 juin et donna une représentation de: France et Savoie, v. 2 a., Le Landaw, ou l'hospitalité, v. 1 a., Le Chiffonnier, v. 5 a. Puis M. Bernard nous présenta le 30 août, la troupe suivante qu'il avait réunie pour la saison


1826-27.

Bernard père, directeur.

MM. Coeuriot, 1re haute-contre, Elleviou.
Goyon, Philippe-Gavaudan, premier amoureux.
Deschamps, 2e haute-contre Colin, 2e amoureux.
Chéret, baryton Martin, Laïs.
Bernard fils, 1re basse-taille.
Egée, 2e basse-taille, père noble, financiers
Warnier, 3e basse-taille.
Amédée, trial, 2e comique.
Ramond, laruette, 1er comique grime.
Florent, jeune premier.
Mmes Coeuriot, 1re forte chanteuse, 1er rôle.
Caruel-Marido, 1re chanteuse à roulades.
Chéret, dugazon St-Aubin, soubrette.
Egée, duègne, mère noble.
Adèle Colombe, première amoureuse

M. Baptiste, 1er chef d'orchestre.

Ouverture le dimanche 10 septembre, par: Lully et Quinault, o.-c. 1a., Le Billet de loterie, o.-c. 1a., et Ambroise, ou voilà ma journée, o.-c. 1 a.

Certains abonnés s'étant plaints de ce que la saison finissait trop tôt, le directeur reporta l'abonnement à six mois au lieu de cinq, toujours dans les mêmes conditions.

Tous les artistes réussirent encore cette année, seul le chef d'orchestre M. Baptiste fut remplacé par M. Davril,qui cependant ne valut guère mieux, car on lui reprochait constamment de ne pas savoir conduire ses musiciens.

Le ]9 octobre, l'art dramatique fit une grande perte dans la personne de Talma, qui mourait à Paris âgé de 61 ans. Le directeur, voulant honorer la mémoire de ce grand tragédien, se rendit à Bruxelles afin de se procurer différents accessoires, décorations, musique, costumes, ayant servi à une représentation organisée dans le même but, et donna le lundi 13 novembre une soirée composée de: La Dame blanche, o.-c. 3a., et L'Apothéose de Talma, pièce de circonstance, paroles de Romieu, musique de Hanssens. Cette pièce fut jouée 3 fois.

La représentation du 11 février était donnée en l'honneur de l'anniversaire de la naissance de Grétry.On représenta une pièce de circonstance: L'inauguration du buste de Grétry, à-propos mêlé de couplets en 1 acte, dont je n'ai pu connaître l'auteur.

Un vaudeville indigène en un acte: Les Eaux de Chaudfontaine, qui avait pour auteurs MM. Alvin, Polain et le Comte de Lannoy, fut représenté le 15 mars, mais sans grand succès, malgré les corrections faites à la seconde représentation.

Une autre pièce indigène vit le jour le 29 mars: La Fille mal gardée, o.-c. 1a., paroles de Victor Raçon, musique de Chéret, baryton de la troupe. Cette pièce fut accueillie avec plus de faveur que la précédente, car elle eut 4 représentations. Du 23 au 30avril, M. et Mme Benoni, 1er danseurs, ainsi que le corps de ballet du théâtre royal de Bruxelles, se produisirent dans six représentations avec assez de succès.

La clôture eut lieu le 30 avril pour la dernière représentation du ballet.

Cette saison se termina d'une façon tout à fait satisfaisante. Le public n'eut qu'à se louer du directeur et de sa troupe. Une chose pour laquelle on lui savait beaucoup de gré, c'était la confection de nouveaux décors qu'il avait fait faire pour différentes pièces qu'il avait créées ou remontées. Les principaux artistes se firent regretter à leur départ.

Aucune représentation n'eut lieu pendant l'été; M. Bernard avait conservé la direction pour l'année suivante, mais comme il avait obtenu en même temps la direction du théâtre de l'Opéra-Comique de Paris, il mit ici à sa place un nommé Martin en qualité de gérant responsable, renouvela en partie sa troupe, et présenta la suivante le 28 août pour l'année


1827-28.

BERNARD père, directeur titulaire du privilège.

MARTIN, directeur-gérant responsable.

MM. Campigny, 1re haute-contre Elleviou.
Bazin, Philippe Gavaudan, jeune premier, 1er amoureux.
Albert, 2e haute-contre Colin, 2e amoureux.
Molinier, baryton Martin, Laïs.
Bernard fils, 1re basse-taille, financiers.
Egée, 2e basse-taille, père noble.
Warnier, 3e basse-taille.
Amédée, trial, 2e comique.
Saint-Paul, laruette, 1er comique.
Florent, 1er rôle, jeune premier.
Mmes Bazin, 1re forte-chanteuse, 1er rôle.
Caruel-Marido, 1re chanteuse à roulades.
Deschanel, 1re dugazon, soubrette.
Castel, duègne, caractères.
Henry, jeune 1re, ingénuité.
Adèle Colombe, 1re amoureuse.

Choristes: 12 hommes. - 8 dames

M. Ferdinand Vandenheuvel, 1er chef d'orchestre.

L'ouverture eut lieu le jeudi (i septembre, par :Euphrosine et Coradin, o.-c. 3 a.; Ambroisc, ou voilà ma journée, o.-c. 1 a.; Défiance et malice, c. 1 a.

M. Campigny ne réussit pas et fut remplacé par Drouhin d'abord, puis par Bouzigue; il en fut de même du 2e ténor Albert, qui eut pour successeur Baubet, puis Théodore.

Du 23 septembre au 14 octobre, M. et Mme Benoni, M. Poulou et Mlle Estelle Bernardin, accompagnés du corps de ballet du théâtre royal de Bruxelles, revinrent encore, mais n'obtinrent pas le succès qu'ils avaient eu précédemment, car la salle fut presque vide à la plupart de leurs représentations.

D'un autre côté, le public se trouvait assez mécontent de la façon d'agir du directeur; celui-ci, qui était resté à Paris pour soigner la direction du théâtre de l'Opéra-Comique, ne veillait guère à celle de Liège. Au mois de novembre, les deux ténors n'avaient pas encore été remplacés convenablement, la basse Egée n'était pas arrivée; les chœurs se dispersaient et l'orchestre ne marchait pas avec ensemble, malgré l'habileté de son chef M. Ferd. Vandenheuvel; de plus, la troupe, qui desservait aussi le théâtre de Maestricht, partait ordinairement dans la nuit du jeudi après la représentation, jouait dans cette ville le vendredi et le samedi, et revenait de même à Liège éreintée, fatiguée, d'où ils'en suivait des indispositions qui enrayaient la marche du répertoire.

On comprend que, dans ces conditions, les affaires ne devaient pas être brillantes, aussi y eut-il à diverses reprises des troubles qui occasionnèrent l'intevvention de la police.

Ce fut vers la fin du mois de novembre que commença à s'agiter cette grave question des débuts, qui fut pendante tant d'années. Jusqu'alors, les artistes avaient toujours été admis presque sans encombre et nous avons vu que depuis 1806 fort peu de ceux-ci avaient été rejetés; or, il n'en fut pas de même cette année, la période des débuts fut assez tourmentée et plusieurs lettres furent envoyées à l'administration pour obvier aux inconvénients que présentait l'admission ou le rejet des artistes, qui avaient lieu par sifflets ou par applaudissements.Ce ne fut qu'en 1859 que l'admission par bulletin de vote eut lieu. Les affaires n'allant pas mieux, M. Martin, le gérant, abandonna les rênes de l'administaition et les remit entre les mains de M. Bernard fils. Cette retraite avait été provoquée par les désordres arrivés dans la soirée du 2 décembre, et particulièrement dans la crainte d'être lapidé ainsi que cela eût pu lui arriver, puis qu'on n'avait pas craint de lancer une chaise sur la scène à la représentation précédente. Les désordres s'étant renouvelés dans la soirée du 23 décembre, la police fit quelques arrestations.

Le sieur Bazin, le ténor léger, fut traduit devant le tribunal correctionnel pour avoir parlé étant en scène, contrevenant en cela à l'article 11 du règlement du 13 octobre 1824 qui " défendait aux acteurs et actrices, hors les cas commandés par leurs rôles, de parler au public ou aux personnes se trouvant dans la salle; de répondre aux interpellations qui leur seraient faites, ni même paraître sur la scène à cet effet. L'article en question n'indiquant aucune peine, le tribunal ne put appliquer aucune amende à charge de Bazin, qui fut acquitté de ce chef.

Le 29 décembre, Mme Damoreau-Cinti, 1re chanteuse de l'Académie royale de musique, se fit entendre dans un concert organisé par M. Ferdinand, chef d'orchestre. Elle chanta aussi, le 31, le rôle de Rosine du Barbier de Séville.

Mme Damoreau jouissait à juste titre de la réputation d'une des plus parfaites cantatrices de Paris; sa voix était plus suave qu'étendue, sa méthode plus sûre que brillante, mais l'ensemble de l'exécution était toujours délicieux. Elle venait d'épouser M. Damoreau, qui était premier ténor au théâtre royal de Bruxelles.

Le 14 janvier 1828, première représentation de: La Carte à payer, vaudeville mis en opéra par deux liégeois, musiciens de l'orchestre, M M . Navarre et Joseph Bovy.

Le 22 janvier, une troupe d'Indiens Osages, composée de 4 hommes et 2 femmes, arrivés la veille à Liège, assistèrent au spectacle du soir, où leur présence avait attiré beaucoup de monde; le 29, ils furent invités à se montrer sur la scène; là, on les fit boire, manger et porter des toasts suivant les habitudes de leur pays.

Ces Indiens arrivaient des bords du Missouri; ils s'étaient embarqués 12 vers le commencement de l'année 1827 avec le projet de visiter le chef des guerriers blancs (Charles X); mais près d'arriver à la ville de St-Louis, les radeaux chavirèrent. Six d'entre eux seulement consentirent à continuer la traversée; ils visitèrent la France et arrivaient à Paris le 13 août, où ils reçurent à la Cour un accueil digne de leur rang et de leur naissance; l'un d'eux était, paraît-il, un prince de la dynastie régnante, accompagné de sa femme.

Du 7 au 28 mars, les demoiselles Romantne, artistes orichalciennes, donnèrent sept représentations, qui obtinrent beaucoup de succès. Leurs exercices sur le fil de fer émerveillaient les spectateurs, qui accouraient en foule pour les applaudir; l'affiche annonçait que le public ne devait pas confondre les demoiselles Romanine avec les Ravel. Forioso, Saqui et autres funambules; celles-ci étaient de véritables artistes qui avaient annobli et donné un cachet de grandiose à des exercices très gracieux et en même temps d'une difficulté incroyable. Chose assez rare, cette affiche tenait ce qu'elle promettait.

Après elles, on entendit M. Lafeuillade, ténor du théâtre de l'Opéra-Comique, qui, dans six représentations données du 18 au 30 avril, chanta: Joseph, La Dame Blanche, Une Folie, Masaniello, Jean de Paris et Fiorella.

Lafeuillade naquit au Pouget, le 24 octobre 1799; il débuta le 12 juin 1820 au Grand-Opéra de Paris, alors qu'il était encore au Conservatoire; il passa ensuite au théâtre de l'Opéra-Comique de 1824 à 1828. En 1829, il arriva à Bruxelles et chanta La Muette dans la mémorable soirée du 25 août 1830. Après la révolution belge, il retourna à l'Opéra-Comique. Il mourut à Montpellier le 9mai 1872. L'une de ses petites-filles se fit entendre comme seconde chanteuse au Thêâtre du Pavillon de Flore, en mars et avril 1887.

La clôture eut lieu le mercredi 30 avril, par: Masaniello, g.-o. 4 a., musique de Carafa, et au bénéfice de M. Lafeuillade.

La saison théâtrale qui s'était ouverte dans des conditions très défavorables, put se terminer d'une façon un peu brillante, grâce à quelques nouveautés et à la présence des artistes que nous venons de citer. Dans les derniers temps, la salle pouvait à peine contenir la foule de spectateurs qui se pressaient, se bousculaient au point de faire croire que l'entrée était gratuite; et cependant on reconnaissait que les artistes étaient assez médiocres et que le public avait fait preuve de longanimité, en souffrant cette troupe tout l'hiver; c'était donc un besoin de spectacle qui se faisait de plus en plus sentir, et comme le goût du public devenait aussi plus difficile, on proposait, afin d'éviter le renouvellement des tumultes qui avaient eu lieu au commencement de la saison, de faire débuter la nouvelle troupe dans le mois qui suivait la fermeture, afin d'être fixé sur la valeur des artistes et les remplacer avanta geusement s'ily avait lieu.

La régence nomma à cet effet une commission composée de six membres, chargés de s'entendre avec le nouveau directeur, pour le choix des acteurs ou des pièces qui pourraient le mieux plaire au public; cette commission entra en fonctions mais n'aboutit à aucun résultat.

Bernard, qui n'avait pas cru devoir renouveler le bail, abandonna la direction, laissant un déficit de 17 à 18,000 francs.

Des cinq ou six postulants qui s'étaient présentés pour reprendre sa succession, la commission choisit M. Walthère Lafontaine homme de lettres, qui fut nommé dans la séance du 16 janvier,et signa un bail de 3 ans aux mêmes conditions que son prédécesseur. Il renouvela entièrement la troupe. Celle-ci, qui coûtait 8,000 fr. par mois à Bernard, devait être portée à 9,000 fr.; il présenta le 21 juillet les artistes suivants pour la saison


1828 - 29.

W. Lafontaine, directeur.

MM. Dumas, 1re haute-contre Elleviou, 1er rôle.
Auzet, Philippe-Gavaudan.
Lange, 2e haute-contre Colin, 1er amoureux.
Milhès, baryton Martin, Laïs.
Sallard, 1re basse-taille, financiers.
Romain, 2e basse-taille, 2e financiers.
Pinçon, 3e basse-taille.
Jannin, trial, 2e comique.
Fragneau, laruette, 1er comique.
F. Lejeune, jeune premier.
Mmes Vadé-Bibre, 1re forte chanteuse.
Sallard, 1re chanteuse à roulades, jeune première.
Lemery, 1re dugazon, soubrette.
Castel, duègne, caractères.
Jannin, 1re amoureuse.
Anna Bizien, 1er rôle.
Fragneau, ingénuité.

Choristes: 12 hommes - 8 dames.

M. Ferdinand Vandenheuvel, 1er chef d'orchestre.

Lorsque Grétry mourut, le 24 septembre 1813, M. Flamand Grétry, son neveu, tant en son nom qu'au nom de ses co-héritiers, fut autorisé à faire extraire le cœur de notre célèbre concitoyen, dont il désirait faire hommage à la ville de Liège sa patrie.

Il écrivit donc au Maire de Liège pour l'informer de cette décision, mais les événements politiques et quelques autres raisons firent perdre de vue cette affaire pendant plusieurs années; les négociations furent reprises en 1822, mais alors le sieur Flamand refusa de se dessaisir de son dépôt et il s'ensuivit un procès qui dura jusqu'au 26 mars 1828, jour où il fut gagné par la ville de Liège.

Le Conseil de régence choisit alors dans son sein deux députés, MM. de Gerlache et de Sauvage, pour aller prendre possession à Paris, de ces restes précieux; ils étaient chargés de remettre à chacun de MM. les Commissaires qui s'étaient occupés de cette affaire à Paris, une médaille en or, avec cette inscription: " à M.*** La ville de Liège reconnaissante; " sur le revers étaient gravées les armes de la ville avec une figure allégorique.

Le retour du cœur de Grétry donna lieu à trois jours de réjouissances publiques dans lesquelles étaient compris une représentation théâtrale et deux concerts dont nous allons donner un aperçu.

Ce retour était fixé au dimanche 7 septembre 1828; jamais plus belle aurore n'annonça un plus beau jour. MM. les Députés arrivés la veille à Huy, devaient s'embarquer le lendemain pour arriver de bonne heure à Liège. L'embarcation élégamment décorée d'arbustes et de fleurs, surmontée de pavillons aux couleurs nationales, contenant une colonne tronquée sur laquelle était posée l'urne renfermant le cœur, fut escortée sur tout son parcours par une quantité de petits bateaux pavoises qui venaient à sa rencontre, et arriva vers 3 heures de l'après-midi, à l'endroit appelé Chapelle du Paradis. Après plusieurs discours, le cœur fut déposé sur un char de forme antique traîné par quatre chevaux gris-pommelés, et supportant entre des draperies élégantes semées de pourpre et d'or, une colonne blanche tronquée; partout sur la route que suivit le char, une foule immense occupait l'espace laissé libre par le cortège, qui, après avoir parcouru les principales rues de la ville, se rendit dans le quartier d'Outre-Meuse pour s'arrêter sur la Place Grétry, où un discours fut encore prononcé au nom de la Société Grétry; après quoi, il revint sur ses pas pour se rendre à l'Hôtel de ville, où les délégués remirent solennellement leur précieux dépôt aux mains de M. le Bourgmestre.

Après cette cérémonie, eut lieu un grand concert organisé par la Société Grétry et dont voici quelques détails:

Une estrade immense avait été adossée à la façade de la Salle de spectacle sur toute sa largeur; elle était destinée à recevoir quatre-vingts chanteurs et trois cents instrumentistes, parmi lesquels étaient compris les membres de la Société d'harmonie, de la Société Grétry, de la musique militaire, et cent trente-deux amateurs.

Ce concert, qui à lui seul valait une fête, fut on ne peut plus remarquable; on y exécuta les ouvertures de Panurge, Robin des Bois, Timoléon et du Jubilé; le quatuor immortel de Lucile, les chœurs du Siège de Corinthe et de Moïse.

Tout le devant de la salle de spectacle étincelait de mille feux divers; le faîte était surmonté d'un énorme transparent en forme de carré long; chaque face présentait à la vue une très grande lyre de feu, plus bas à droite et à gauche, étaient deux globes de feu chacun de six pieds de haut. Entre ces globes, se trouvait un transparent qui représentait une allégorie: des amours couronnant le buste de Grétry.

Le reste de la façade était garni de lustres suspendus, de guirlandes de verres de couleurs, etc. Sur le haut de l'estrade, on avait placé le buste de Grétry couronné de lauriers; des deux côtés dans l'embrasure des fenêtres, étaient placées de grandes statues d'Apollon et de Minerve. Au bas de l'orchestre, on voyait dix autres statues dont six soutenaient des candélabres. En dehors de l'enceinte occupée par plusieurs milliers de spectateurs, brillaient six pyramides de feu.

Cette décoration (dont le dessin ci-contre nous donne un aperçu, et dont le seul exemplaire connu appartient à M. Bethune) était due à M. Fanton, artiste-peintre; le concert avait été dirigé par M. P. Vandenheuvel, chef d'orchestre du théâtre.

Le lendemain 8 septembre, un spectacle de circonstance servit d'ouverture et de début. On représenta une pièce intitulée: Le 7 Septembre, ou la Répétition générale, macédoine à 4 changements à vue, due à la collaboration de MM. Lafontaine, directeur, et Rousseau, régisseur de la troupe. M. Milhès, le baryton, chanta une cantate dont la musique était de sa composition.

M. Philippe, 1er comique du théâtre des Nouveautés, vint exprès de Bruxelles pour aider le directeur à fêter Grétry, dont le buste fut couronné par toute la troupe. Le spectacle se termina par La Fausse magie, o.-c. 2 a., musique de Grétry.

Le prix des places pour cette représentation fut fixé comme suit:

Premières loges, loges grillées, secondes de face et galerie numérotée fl. 2,00
Baignoires, Parquet et galerie non-numérotée 1,50
Parterre 1,00
Amphithéâtre 0,50

Le produit de cette représentation servit en partie à payer les frais de restauration de la salle qui avait été remise à neuf; le rideau d'avant-scène avait été peint par MM. Lesueur et Gineste, les frais de cette peinture avaient été couverts en partie par une souscription particulière faite entre quelques actionnaires.

Voici le rondeau que chanta M. Philippe dans cette soirée:

Air: Ah! lorsqu'on sait de la philosophie (M. Jovial).

Dieu des beaux-arts, sublime intelligence
Viens m'échauffer d'un regard protecteur,
Inspire-moi ta divine éloquence
D'un de tes fils je chante la grandeur;
Grétry n'est plus! mais quand de son génie
Un peuple entier se montre énorgueilli,
Au pur encens offert par sa patrie,
Du haut des cieux, son âme a tressailli.
GRÉTRY n'est plus! mais grand comme le monde
Son souvenir le remplit tout entier,
Ah! des accents de sa lyre féconde,
Que n'a-t-il pu laisser un héritier!
Comme il savait sur son luth qui m'enflamme,
Chanter l'honneur, l'amour et les exploits!
Les sentiments qui remplissaient son âme
En traits de feu s'échappaient de ses doigts.
Comme il chantait! d'une grâce touchante,
Lisbeth nous offre un modèle charmant;
Dans Aucassin sa musique est piquante,
Parlante elle est dans Le Tableau parlant.
D'Anacréon la douce poésie
Dans ses accords revit sans perdre rien,
Vif et léger dans La Fausse Magie
Son luth savant est un vrai magicien.
Quand de Midas il nous peint la sottise,
N'entend-on pas la lyre d'Apollon?
Quand de Zémire il montre la surprise,
Ses chants divins charmeraient un Huron.
Notre cœur bat et notre âme s'élève
Au dévouement du généreux Blondel,
Et, dans l'extase, on croit tenir un glaive
En écoutant les fiers accents de Tell.
Ah! s'il fallait parmi toutes ces pièces
Qu'on fit un choix, le pourrait-on jamais?
C'est bien ici L'Embarras des richesses,
Sans préférence amis admirons-les;
Enivrons-nous des fruits de son génie,
Jusques aux cieux proclamons tous son nom
Dans l'univers comme dans sa patrie,
Qu'il soit partout L'Ami de la maison.

La troisième journée comprenait un grand concert organisé par la régence, le mardi 9 septembre; longtemps avant l'heure fixée, la salle se trouvait remplie d'une foule de spectateurs, qui, distribués dans les loges, les galeries, et jusqu'aux étages les plus élevés, formaient par le mélange des parures les plus brillantes, un ensemble véritablement enchanteur. Le pourtour du premier rang de loges se dessinait à l'œil sous une draperie rouge, disposée en festons et rattachée par de larges anneaux d'or. Les rangs supérieurs et la galerie étaient décorés d'une épaisse guirlande de verdure, qui venait serpenter et se perdre autour des colonnes de l'amphithéâtre. Le parterre exhaussé au niveau de la scène, présentait un aspect ravissant; le costume un peu sombre que la mode impose aux hommes, n'occupait pas, comme aux jours ordinaires, l'espace inférieur de la salle, il avait cédé la place aux parures des dames qui ce soir en garnissaient le centre. Sur la scène, une décoration simple et riche renfermait l'orchestre dans un vaste salon.

Ce concert vocal et instrumental, comprenait entr'autres morceaux une cantate en l'honneur de Grétry, dont les paroles étaient de M. Lafontaine et la musique de M. Daussoigne, directeur du Conservatoire; les paroles n'étaient qu'une imitation presque textuelle du Dythyrambe de La Harpe aux mânes de Voltaire, écrit en 1779; quant à la musique, on en fit beaucoup d'éloges.

Le produit brut de ce concert était affecté au monument à élever à Gbétry, et pour lequel des listes de souscription furent mises en circulation; tous les frais étaient supportés par la régence. M. Meyerbeer qui assistait à cette soirée, s'inscrivit sur unede ces listes pour la somme de 160fr. La Société Grétry le compta, à partir de ce moment, parmi ses membres honoraires.

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