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Liège Expo 1939

EXPOSITION INTERNATIONALE DE L'EAU A LIEGE

Rapport de l'Exposition de l'Eau à Liège

Aquarelle du palais du Commissariat général par l'architecte Dedoyard
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LA SECTION BELGE

CHAPITRE II

LES EAUX DE CURE ET DE BOISSON


Au chapitre précédent, a été décrite succinctement la participation scientifique dans le domaine de l'hydrogéologie qui, avec la géographie, était reprise par la Classification générale dans les deux premières sections de la classe 3. La troisième section de cette classe se rapportait à la mise en valeur des gisements aquifères spécialement comme eaux de cure et de boisson.

Avant d'en aborder la description, nous passerons brièvement en revue les ressources en eau de la Belgique. Cette étude constituera à la fois une liaison avec le chapitre I et une introduction scientifique aux problèmes à envisager par la suite, notamment au chapitre III (section B) où il sera question de l'alimentation du pays en eau potable et industrielle.


SECTION A. - LES RESSOURCES EN EAU DE LA BELGIQUE


Trois facteurs principaux interviennent pour régler cette distribution:

1° Le climat et en particulier les précipitations pluviales;

2° La nature et la répartition des terrains constituant le sol et le sous-sol,

3° Des influences profondes.


1. Pluviométrie

Les précipitations pluviales varient beaucoup en importance d'un point à l'autre du territoire; alors qu'au bord de la mer elles sont de 650 à 700 mm, elles atteignent, en Haute Belgique, 1.100 à 1.250 mm par an. Par conséquent, les nappes aquifères sont mieux alimentées dans les parties élevées du pays.


2. Constitution géologique

Cependant le facteur lithologique joue de loin le rôle le plus important dans la répartition et la nature des réserves aquifères. Un examen sommaire de la carte géologique suffit à mettre la chose en évidence.


a) Eaux des terrains paléozoïques

Ces terrains affleurent largement au sud d'une ligne Sambre-Meuse-Vesdre.

Dans les zones franchement schisteuses ou phylladeuses, comme il en existe en Ardenne et comme c'est le cas surtout pour la Fagne et la Famenne, les eaux souterraines font pratiquement défaut: celles de ruissellement dominent. C'est la raison des grandes variations du débit des rivières; c'est là qu'il convient de créer des réserves d'eaux superficielles par la construction de barrages. Plusieurs localités sont alimentées de cette manière (Verviers, Malmédy).

Les zones où dominent les grès renferment de l'eau en quantité plus considérable: il ne peut cependant être question d'y établir des captages de très grande importance. Il n'empêche que des localités populeuses s'y alimentent, telles Pepinster, Seraing, Charleroi ( « pro parte »), Binche, etc. La zone du Dévonien inférieur s'allongeant au sud du sillon Sambre-Meuse-Vesdre, et parallèlement à lui, a été spécialement étudiée à cet égard. De même, les roches gréseuses de la partie haute du Dévonien supérieur sont assez aquifères et plusieurs galeries captantes y ont été établies, surtout dans le Condroz.

Dans le terrain houiller où les grès et les roches psammitiques prennent parfois un développement suffisant, des captages du même genre ont pu être réalisés.

Par contre, les terrains calcaires sont les formations aquifères par excellence. Les calcaires dévoniens et carbonifères qui occupent de larges surfaces dans le Condroz, l'Entre-Sambre-et-Meuse, le long de la Vesdre et en bordure du bassin houiller de Sambre-Meuse, renferment des réserves énormes d'ailleurs largement exploitées pour l'alimentation de l'agglomération bruxelloise, de nombreuses communes de la province de Liège, pour les cités balnéaires du littoral, les villes de Tournai et de Soignies, diverses communes du Centre, etc.


b) Eaux des terrains mésozoïques

Les terrains jurassiques du Bas-Luxembourg renferment des nappes faciles à capter, dont le trop-plein s'épanche par des sources importantes le long de certaines vallées. Des sondages artésiens ont été réalisés pour le captage de certaines d'entre elles. Les villes d'Arlon et de Virton notamment y trouvent leur eau.

Le terrain crétacé du centre et du nord de la Belgique constitue également un réservoir important d'eaux souterraines. Toutefois, il s'y produit des variations marquées dans la composition chimique de l'eau: dans les parties hautes du réservoir, l'eau est dure, fortement chargée de bicarbonate calcique, à plus grande profondeur, elle est douce, mais renferme des carbonates alcalins; plus bas encore, elle acquiert une salinité considérable la rendant impropre à la consommation courante et aux usages industriels. Elle peut cependant être utilisée par endroits comme eau médicinale (Ostende-Thermal) d'autant plus qu'elle atteint une température supérieure à celle des eaux captées près de la surface.

La ville de Liège, par ses galeries captantes, prend les eaux de la craie sous le plateau de la Hesbaye; la plupart des communes de la région s'alimentent à la même nappe. Il en est ainsi dans le Pays de Herve et dans le sud-est du Limbourg; le Crétacé du Hainaut fournit l'eau à Mons et à de nombreuses agglomérations du Centre et de l'arrondissement de Soignies. C'est dans les couches sableuses du Crétacé inférieur (Wealdien) que Courtrai trouve les eaux qui lui sont nécessaires.


c) Eaux des terrains cénozoïques

Les niveaux sableux des terrains cénozoïques (tertiaires) renferment aussi des quantités d'eau considérables; les nombreuses sources que l'on voit sourdre dans le fond des vallées des parties sableuses du Brabant, des Flandres, du Hainaut, ne laissent aucun doute à cet égard. Aussi, ces réserves ont-elles été largement mises à contribution: Bruxelles, Louvain, Charleroi et de nombreuses localités des Flandres s'y fournissent en eau potable.

Toutefois, beaucoup de niveaux sableux du Tertiaire sont ferrugineux et, dans la Campine, on a dû faire appel à des eaux superficielles. Anvers notamment est alimentée par les eaux de la Nèthe. C'est la solution adoptée également dans les régions où les roches tertiaires sont de nature argileuse, par exemple pour l'alimentation de la ville d'Ypres.


d) Eaux du Quaternaire

Dans la chaîne de dunes s'étendant avec un développement fort inégal en bordure de la mer du Nord, se trouvent des réserves intéressantes. La base de la nappe d'eau douce, suivant un principe bien connu, descend sous le niveau de la mer, ce qui augmente considérablement le cube disponible. De nombreux puits filtrants ont été forés dans les dunes pour alimenter nos stations balnéaires, telles que Knokke, Middelkerke, Heist, etc.

Les nappes contenues dans les dépôts de graviers alluviaux du fond des vallées, et accessoirement des terrasses, sont également à prendre en considération. Depuis quelques années, on est entré résolument dans cette voie. On y a trouvé des eaux de bonne qualité et des débits importants, bien que ces gisements soient souvent assez hétérogènes quant à leur rendement et à la composition chimique de leurs eaux.

La vallée de la Meuse se présente dans des conditions favorables. Plusieurs villes, telles Namur, Liège, Bruxelles, trouvent dans le gravier alluvial du fleuve un appoint intéressant pour leur alimentation.

Les dépôts superficiels d'altération du substratum paléozoïque renferment aussi des réserves non négligeables pour les besoins de communes ou d'agglomérations à population restreinte. Sur les plateaux d'Ardenne, des captages par galerie ou par drain ont été exécutés pour récolter ces eaux.


3. Influences profondes

Il convient d'attribuer à des influences profondes l'origine de certaines réserves aquifères du pays. Les sources carbo-gazeuses de l'Est sont, selon toute vraisemblance, en relation avec les manifestations volcaniques d'âge quaternaire de l'Eifel, il serait difficile d'expliquer autrement les abondantes venues de gaz carbonique qui sont la caractéristique de ces sources. L'origine de l'eau elle-même est sans doute en rapport avec les précipitations atmosphériques, et le fer qui abonde dans beaucoup de ces sources, spécialement dans la région spadoise, est emprunté aux roches environnantes à l'intervention de l'anhydride carbonique.

Cette conception de la genèse de ces eaux explique leur localisation sur une partie limitée du territoire à proximité de la région où se dressent encore les cônes des volcans éteints.

Faut-il expliquer de la même manière la venue d'eau thermale (environ 36° C.) de Chaudfontaine? La question est encore controversée.

Indépendamment des interventions de profondeur relativement grande dues à la mise en place d'un magma profond, il se produit des modifications de la qualité des eaux des nappes captives lorsqu'elles s'enfoncent suffisamment bas sous la surface du sol. Par ces changements, des eaux normales peuvent prendre le caractère d'eaux minérales.


SECTION B. - LES EXPOSANTS DE LA CLASSE 3'''


De nombreuses installations sont établies en Belgique pour procéder à l'embouteillage des eaux de boisson, à la fabrication des eaux gazeuses et limonades, ainsi qu'à l'exploitation des eaux médicinales. Les plus importantes d'entre elles étaient représentées dans un ensemble collectif au Palais n° 21 de la Section belge, près de l'entrée principale de la rive droite.

Au centre du stand, une grande carte lumineuse montrait la répartition des exploitations dans le pays. Tout autour, s'alignaient les participations individuelles où, d'une manière aussi suggestive et aussi attrayante que possible, les différents aspects de l'activité des entreprises étaient présentés. Certaines d'entre elles avaient tenu, en outre, à établir dans les jardins un pavillon indépendant, soit pour leur propre compte, soit en partage avec l'administration de leur ville. C'était le cas pour Chaudfontaine, Ostende et Spa. Une seule exploitation, celle de Gand-Thermal, ne figurait pas dans la collectivité, mais uniquement au Pavillon de la Ville de Gand.


Parmi les EAUX DE BOISSON, on pouvait distinguer les eaux des nappes superficielles et celles des nappes profondes.

Les exposants des nappes superficielles étaient

- La Brasserie Piedbœuf qui, à Jupille, capte la source Charlemagne. Il s'agit d'une importante venue d'eau située au pied du versant oriental de la vallée de la Meuse, au contact du terrain houiller et des anciennes alluvions appartenant à l'une des terrasses du fleuve;

- La Société Hougardia exploitant à Hoegaarden une source importante sortant des terrains tertiaires; dans cette eau, on a signalé la présence de soufre sous forme colloïdale;

- La Société des Eaux de Spontin: l'eau de cette source sort du Calcaire carbonifère dans la vallée du Bocq, en aval du village de Spontin;

- La Société Cristal - Chaudfontaine puisant les eaux du Dévonien supérieur à une centaine de mètres de profondeur, à flanc de coteau sur la rive gauche de la Vesdre. Relativement riche en sulfates, la source se place exactement entre celle de Cachat d'Evian et celle des Dames de Plombières: les eaux ont, de ce fait, des propriétés thérapeutiques intéressantes,

- La Source du Suary, à Wépion, exploitée par J. Brouwers et connue depuis longtemps, elle sort d'un niveau gréseux du Dévonien inférieur dans le fond d'un ravin descendant du plateau de Marlagne;

- Enfin, la Source de la Reine, à Spa, alimentée par la nappe phréatique du plateau dominant la vallée du Wayai du côté sud; cette nappe est contenue dans la tête des bancs altérés du Cambrien. L'eau est très pauvre en principes minéraux et possède de ce chef une valeur thérapeutique remarquable comme boisson. Elle peut être chargée artificiellement d'émanation radio-active suivant le procédé du professeur Mund; ainsi traitée, et sous une forte concentration, elle peut être ajoutée au bain carbo-gazeux; après une dilution convenable, elle est administrée comme cure de boisson suivant avis du médecin.

Parmi les exploitations à forages profonds, figuraient les Sociétés de Gand-Thermal et d'Ostende-Thermal. La première a établi un puits artésien à la profondeur de 263 mètres. L'eau provient en majeure partie de la craie traversée entre 187 et 217 m, mais probablement aussi des roches cambriennes sous-jacentes. Elle est légèrement thermale et minéralisée.

La Compagnie d'Ostende-Thermal exploite, à Ostende, deux puits artésiens descendus jusqu'au substratum paléozoïque. Le puits du Parc est poussé à la profondeur de 307 m 40, celui des Thermes va jusqu'à 341 m 25 sous le niveau moyen de la mer. Les eaux sont légèrement thermales et toutes deux minéralisées. Bien que présentant de légères différences dans la teneur en sels, elles sont alcalines, chloro-bicarbonatées, sulfurées, lithinées et boratées sodiques, elles sont utilisées comme boisson et pour les bains.


Quant aux EAUX MINÉRALES ET MÉDICINALES, elles étaient représentées par les eaux carbo-gazeuses de Spa, Malmédy, Chevron et Harre, et par les eaux thermales de Chaudfontaine.

Comme il vient d'être exposé dans la première section, les venues d'eaux carbo-gazeuses sont nombreuses dans l'est de la Belgique.

La Compagnie fermière des Eaux et des Bains de Spa, indépendamment de la source de la Reine citée parmi les eaux de boisson, exploite les eaux ferrugineuses carbo-gazeuses sourdant dans la région et provenant du terrain cambrien. Ce sont les eaux minérales typiques des Ardennes liégeoises. II existe plus de vingt sources ferrugineuses aux environs de Spa, dont une dizaine ont été captées. Les plus importantes sont les sources Marie-Henriette et Wellington destinées à l'alimentation de l'établissement thermal.

Les eaux sont riches en fer ainsi qu'en manganèse et sont également saturées d'acide carbonique. Elles sont froides: leur température moyenne est de 10° C.

Jusqu'au XVIIIe siècle, on n'en connaissait d'autre utilisation que la boisson, comme cure de diurèse, de reminéralisation et surtout pour combattre l'anémie et la chlorose.

Ce mode d'utilisation ne tarda pas à être supplanté et même quelque peu perdu de vue depuis la réalisation, à partir de cette eau, des bains carbo-gazeux qui firent la réputation mondiale de Spa. Leur efficacité dans les maladies du coeur et des vaisseaux, dans certaines formes de rhumatisme, explique leur succès et justifie la confiance que le corps médical belge et étranger place aujourd'hui dans cet agent thérapeutique. L'action du bain carbo-gazeux sur la circulation sanguine a été péremptoirement illustrée par un travail du Dr André, exécuté au laboratoire de recherche de l'établissement.

Etudiant la résorption dans le sang du fer de certaines préparations médicamenteuses et du fer de nos eaux ferrugineuses, deux chercheurs, les docteurs Lederer et Bogaert, ont montré par des dosages extrêmement précis, que le fer des eaux était incontestablement le mieux résorbé et le plus rapidement assimilé par l'organisme. Cette nouvelle découverte n'a pas manqué de rendre un nouveau crédit à l'ancienne thérapeutique anti-chlorotique de nos eaux ferrugineuses.

On extrait journellement de grandes quantités d'acide carbonique naturel de l'eau des sources Marie-Henriette et Wellington. Ce gaz est accumulé dans un gazomètre et sert à saturer l'eau de la Reine pour la rendre pétillante.

L'eau ferrugineuse carbo-gazeuse est également mélangée à la tourbe; après un malaxage approprié, on obtient une pâte épaisse qui, réchauffée, sert à la préparation des bains de boue et des applications locales.

Une autre utilisation de ces eaux minérales consiste à les pulvériser en gouttelettes d'une extrême ténuité, entraînant ainsi les gaz de l'eau et réalisant un véritable humage. On sait que l'absorption d'une petite quantité d'acide carbonique est un excitant du centre respiratoire. Si on réalise la pulvérisation d'une façon plus énergique, sous pression et à une température plus élevée, on obtient alors un véritable brouillard d'eau carbo-gazeuse naturelle. Ce dernier, ainsi que les différentes douches d'eau carbo-gazeuse naturelle, constituent les nouveaux agents thérapeutiques de l'hydrothérapie moderne.

La Ville de Malmédy exploite une venue d'eau carbo-gazeuse, connue sous le nom de « Pouhon des Iles », qui se présente dans des conditions comparables à celles de Spa; elle se fait jour sur la rive droite de la Warche, à la limite de la plaine alluviale, au pied d'une falaise constituée par le « poudingue de Malmédy »; la température de l'eau, captée par un simple tubage, est de 9° C.

Il s'agit d'une source ferrugineuse; mais, contrairement aux eaux des pouhons ordinaires de l'Ardenne, elle se caractérise par une assez forte teneur en bicarbonate calcique et en bicarbonate magnésique dont l'origine doit probablement être attribuée à la composition même du poudingue qu'elle doit traverser pour atteindre la surface.

La Compagnie générale de Chevron exploite une eau carbo-gazeuse particulièrement riche en gaz carbonique, qui a traversé les roches du Dévonien inférieur formant le sous-sol de la région. C'est une eau ferrugineuse et magnésique, utilisée comme boisson après déferrisation par procédé physique. Ses propriétés thérapeutiques sont connues depuis longtemps.

La Compagnie des Eaux de Harre capte une source sortant du Dévonien inférieur; l'eau est légèrement ferrugineuse et, comme boisson, présente des qualités analogues à celles des venues carbo-gazeuses signalées précédemment.

Il reste à citer une source d'un type particulier celle de Thermal-Chaudfontaine. C'est la seule venue thermale naturelle qui se fasse jour en Belgique directement au sol. Le nom même de la localité indique qu'elle est connue depuis longtemps: il paraît bien établi que dès le XIIe siècle elle jouissait déjà de la faveur du public.

La température de l'eau à l'émergence varie peu elle est de 35 à 36°6. C'est une eau peu minéralisée, alcaline, bicarbonatée, calcique, magnésique, sodique. Elle est utilisée comme boisson et pour les bains; les traitements de Chaudfontaine sont remarquables dans le rhumatisme, l'arthritisme, les affections liées à un déséquilibre du système nerveux et certaines maladies de la peau.

A côté de l'eau présentée sous ses diverses formes d'utilisation, la classe 3 groupait encore quelques exposants qui fournissent aux exploitants d'eaux, les substances ou le matériel dont ils ont besoin. Il y a lieu de signaler les stands de l'Acide carbonique pur, à Bruxelles, de la Compagnie industrielle de et à Ans, de J. Morraye et Fils et de la Caisserie Casia, à Gand, et enfin, celui de la Crown Cork Company, à Merksem.


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