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Le village de Chokier

Le monument dédié à Hippolyte Guillery


Chaussée de Chokier

Hippolyte Guillery a normalisé le cours de la Meuse en le rectifiant et en construisant 10 écluses entre les 2 chefs-lieux de province. On enlèvera des îles, on construira des ports fluviaux. Les bateaux purent circuler hiver comme été sans crainte des crues subites ou des baisses d'eau catastrophiques. Par son intelligente audace, sa ténacité, sa persévérance, il a doublé la fortune de la province de Liège, a-t-on écrit sur cet éminent ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.

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Chantier de la nouvelle écluse du pont barrage d'Ivooz Ramet Chantier de la nouvelle écluse du pont barrage d'Ivooz Ramet
Chantier de la nouvelle écluse du pont barrage d'Ivooz Ramet Chantier de la nouvelle écluse du pont barrage d'Ivooz Ramet
Chantier de la nouvelle écluse du pont barrage d'Ivooz Ramet

Extrait du TEXTE DU RAPPORT DU 30 OCTOBRE 1841

...

Mais je reviens aux travaux. Je les exposerai selon l'ordre qui a été suivi dans la tentative de leur exécution et d'après la date de l'approbation des projets qui vous ont été soumis pour chacun d'eux.

Je commencerai donc par la passe artificielle de Chokier.

Cette passe, telle qu'elle est indiquée dans un premier travail[1], est, sans contredit, un ouvrage des plus important pour le batelage de la Meuse. Le projet qui a été présenté par suite des études faites sur ce point[2] , était destiné à faire disparaître deux courants presque contigus, qui entravent et rendent périlleuse la navigation depuis Chokier jusqu'à l'aval de l'île des Veaux, et à donner à cette partie du fleuve, où commence le bassin houiller de Liège, le mouillage de 1m,50, nécessaire jusqu'à Maastricht.

Voici quelles sont les considérations qui avaient déterminé la direction de la passe, ses dimensions et la pente de fond, également ici pente de surface.

La direction devait d'abord être fixée.

Depuis les Awirs jusque vers l'aval du village de Chokier, la Meuse suit une courbe peu sensible, se rapprochant assez de la ligne droite, avec une vitesse de 0m,30 à 0m,40. Arrivée à l'île du Trou-du-Moulin, elle se jette brusquement sur la gauche par un courant rapide, et, à l'étiage, il ne passe plus qu'une faible quantité d'eau par le bras de droite[3].

Il semblerait d'abord que l'île put être avantageusement creusée pour y établir le chenal dans le prolongement du courant d'amont, tel qu'il se poursuit le long du mur de terrasse du château de Ramet et un peu au-dessous; mais il est certain que l'île, qui gêne singulièrement la navigation, ne gêne pas du tout le fleuve: elle est au contraire pour lui le réceptacle des graviers qu'il amène de plus haut, et dont il se dégage pour continuer sa marche par le bras de gauche, comme le prouve l'augmentation annuelle de l'atterissement en tête de l'île[4]. Il est donc vraisemblable qu'un chenal percé au travers de cette !le ne tarderait pas à être comblé, ainsi que doivent le faire craindre les essais malheureux du même genre faits sur d'autres rivières [5].

Une autre direction devait donc être choisie: il était indispensable que ce fût celle des hautes eaux.

En cet endroit, les hautes eaux annuelles ont deux directions, et les hautes eaux de débordement en ont trois.

Les deux premières sont par le bras de droite et par le bras de gauche de l'île; la troisième est de la pointe d'aval du mur de terrasse du château de Ramet sur le village d'Ivoz.

Cette dernière ne pouvait en rien servir de guide pour les travaux projetés, elle ne fournissait aucune indication utile; mais on pouvait choisir entre les deux autres.

Toutefois, en considérant la position actuelle du chemin de halage, qui est sur la rive gauche, et la force du courant, qui dénote une tendance plus prononcée des hautes eaux à se porter vers cette rive, il était aisé de reconnaître qu'il n'y avait pas à hésiter entre les deux bras, et que le seul avantage offert par le bras de droite, d'être dans la direction du thalweg, tel qu'il se poursuit en aval de l'île, ne balance pas les inconvénients qui résulteraient de son adoption.

Cependant l'adoption du bras de gauche entraînait la nécessité d'abandonner l'ancien thalweg, à l'aval de l'île du Trou-du-Moulin, et de continuer le chenal par le bras des îles d'Ivoz attenant à la rive actuelle de halage; il fallait par conséquent déblayer une masse de débris calcaires déposés par les exploitants de fours à chaux, masse qui s'avançait en pointe dans le lit de la rivière. Mais ici il n'y avait point à craindre les accidents qui eussent été inévitables dans une passe tracée à travers l'île. Ce n'est pas la Meuse qui a formé ce dépôt: loin de là, il la contrariait. C'était un éperon de chasse qui, repoussant les eaux vers la rive droite, y avait déterminé l'approfondissement du thalweg,; dès qu'on l'enlevait, le flot des hautes eaux devait, comme on le voit aujourd'hui, se précipiter dans la voie nouvelle qui lui était ouverte, aucune cause n'agissant plus pour changer,son cours.

Les obstacles naturels, îles, barres et bancs de gravier qui s'interposent en différents points d'un fleuve, sont des obstacles pour nous, mais non pas pour lui; on ne peut la plupart du temps les faire disparaître qu'avec beaucoup de peine, et les précautions les mieux entendues ne préviennent pas toujours les accidents que cette disparition occasionne. Mais les obstacles de main d'homme qui contrarient un fleuve et le font dévier de son cours, peuvent toujours, lorsque quelque circonstance particulière vient à le requérir, être enlevée sans aucun inconvénient. S'il était donc établi, comme l'observation des localités le prouve, que les hautes eaux n'avaient nulle propension naturelle vers le bras de droite des îles d'Ivoz, qu'elles ne s'y dirigeaient que forcément, qu'elles y étaient chassées par l'éperon que formait la pointe du Chaffour, que, même dans l'état où se trouvait la rivière, et malgré cet éperon, il n'y en avait pas moins, lors des crues, un courant dans le bras de gauche, on pouvait d'avance avoir la certitude que l'enlèvement de la pointe dont il s'agit assurait la continuité et la permanence du thalweg dans le prolongement du courant de Chokier, jusqu'au-dessous de l'île des Veaux.

Cette direction une fois reconnue, restait à déterminer les dimensions de la passe artificielle d'après le volume d'eau disponible et la pente à racheter.

Les observations de vitesse ont donné les résultats suivants:

...


[1] Rapport du 10 décembre 1840, pag. 212 et 213.

[2] Le 18 mars 1841.

[3] Au courant de Chokier, comme au courant de Samson, au courant de Leffe et en d'autres parties de la Meuse, on voit distinctement au milieu de la surface du fluide, un exhaussement qui, dans les crues subites, est encore augmenté. « Cette élévation est quelquefois fort considérable; et M. Hupeau, habile ingénieur des ponts et chaussées, m'a dit avoir un jour mesuré cette différence de niveau de l'eau du bord de l'Aveyron et de celle du courant, ou du milieu de ce fleuve, et avoir trouvé trois pieds de différence; en sorte que le milieu de l'Aveyron était de trois pieds plus élevé que l’eau du bord.»

Oeuvres complètes de Buffon, tom. 1, pag. 430. Paris, 1819.

Au courant de Samson, l'obliquité est cause d'une assez grande différence entre le niveau des deux rives; l'eau, vers la rive gauche, est à 0-,20 environ au-dessus de celle de la rive droite; le milieu est de près de 0m,50 plus élevé que la partie latérale la plus basse. Ces phénomènes sont une conséquence de ce que Venturi appelle la communication latérale du mouvement dans les fluides, qui les explique fort bien. – Recherches expérimentales sur 1e principe de la communication latérale du mouvement dans les fluides, appliqué a l'explication de différents phénomènes hydrauliques; par J.-B. Venturi. Paris, 1797.

[4] Il faut toutefois remarquer qu’il ne s'agit ici que de cet attérissement et du dos de gravier qui s'étend en amont; car l'île entière n'est qu'une partie détachée de la rive droite. Pour s'en assurer, il suffit de considérer sa hauteur au-dessus de l'étiage et les talus de ses berges, qui ne sont que le prolongement de ceux de la rive dont elle faisait autrefois partie. Le coude de la rive gauche, à l'amont de Chokier, indique encore l'ancienne direction de la Meuse par le pied du château et le long des rochers; refoulées par les constructions du village, les débris de calcaire et les cendres de fours à chaux, les eaux se sont frayé un passage à travers les terres moins résistantes de la rive droite. Au Chaffour, des déblais à 1m,50 en contrebas de l'étiage, et même à 1m,60, n'ont pas atteint le gravier, et, sur une longueur de plus de 150 mètres, le plafond et les talus de la passe artificielle sont creusés dans un terrain de rapport, mélange de chaux et de pierres qui constitue un véritable béton.

[5] Rapport du 28 juin 1840, pag. 191, note.


On aperçoit clairement la modification du cours de la Meuse par des remblais issus des siècles d'exploitation des carrières à Chokier. Le terrain gagné par les remblais, véritale béton formé des débris de roches et de chaux, sur la rive gauche est compensé par la Meuse sur la rive droite.

HIPPOLYTE GUILLERY

Il est né à Versailles, le 16 août 1793. Hippolyte a deux ans lorsque la mort de son père plonge sa famille dans la gène. Il passe son enfance auprès de sa mère retirée dans une propriété à Grignon. sans instruction et, à huit ans, il ne sait pas lire, A 13 ans II s'engage dans la marine et un officier nommé Deberge le prend en amitié et lui apprend si bien les mathématiques qu'il peut, en 1812, réussir le concours d'entrée à Polytechnique. En 1814, Hippolyte Guillery prit part au combat que les Polytechniciens menèrent pour la défense de Paris, et il fut fait prisonnier. Sa mère avait vainement cherché son corps sur le champ de bataille. Le Tsar Alexandre l'ayant libéré, il rentre chez lui. De saisissement, sa mère, qui le croyait mort, tombe malade et meurt. Après avoir terminé ses études a Polytechnique, Hippolyte Guillery devient sous-lieutenant d'artillerie à Douai.

Son frère Charles-Étienne avait épousé la fille d'Alvin, qui était venu installer en Belgique un établissement secondaire à Bon-Secours (Peruwelz). Hippolyte ambitionnait d'épouser l'autre fille d'Alvin, Sophie, et pour se rapprocher d'elle il quitta l'armée et vint subir le concours pour le professorat de 6e au collège communal de Tirlemont. En 1819 il devient professeur à Nivelles, où il fit des études d'ingénieur, puis en 1825 préfet des études au Collège communal de Liège ou il est en même temps professeur de rhétorique. Il écrit des travaux littéraires. Il refuse une place à l'Université, et aux Ponts et Chaussées, il écrit un cours complet de mathématiques (1838). Guillery devient inspecteur général des écoles primaires de Liège.

En 1839, Hippolyte Guillery, qui avait été naturalisé belge, changea complètement de carrière et entre enfin aux Ponts et Chaussées, ingénieur de 2ème classe. C'est à ce moment que l'Etat se décide à reprendre la Meuse aux provinces qui en laissaient péricliter le régime. Guillery écrit en 3 mois un rapport admirable sur la question, puis se met à étudier les améliorations à faire au fleuve. Son projet portait sur deux cathégories de travaux: L'établissement d'un chemin de halage continu sur des berges solidement construites et le resserement du lit de la rvière.Il proposa une passe artificielle de chenal d'essai de 2 km que Rogier le chargea de créer à Chokier. Il eu une discussion mémorable avec l'inspecteur Vifgrain sur l'opportunité des passes artificielles et subit de nombreuses oppositions à ses projets (bateliers, propriétaires riverains, corps des Ponts et Chaussées, Parlement, tribunaux même). Mais sa ténacité et son talent triomphent de tout.

Le voici ingénieur en chef de 2ème classe (1845) et directeur des travaux sur la Meuse. Après un séjour à Bruxelles comme membre du Conseil des Ponts et Chaussées, il revint à Liège en 1848 comme Ingénieur en chef de la Province.

Secrétaire général de l Émulation de 1844 à 1849, Guillery devint, après la Révolution de 1830, le directeur politique du Journal de Liège de Desoer. Il a créé un hebdomadaire pour enfants et publié le "Guide du Voyageur sur la Meuse".


La mort mit fin, le 22 mars 1849 aux multiples épisodes, divers et mouvementés, de sa carrière hors série.

Le jour de ses funérailles, d'un bout à l'autre de la Meuse, les bateliers, enfin reconnaissants, hissèrent le drapeau noir.

Le 16 juillet 1850, la DP approuve la délibération du conseil communal de Chokier relative à l'érection d'un monument à la mémoire de Monsieur Guillery

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