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Cathédrale Saint Lambert à Liège

Un plan partiel de la cathédrale St-Lambert en 1810

par Joseph PHILIPPE, 1964

Les archives du Service des Finances de la Ville de Liège conservent un document (H 32 cm. 8 x L 23 cm. 1) jusqu'ici inédit (1), indexé « n° 3, Budget n° 58 », qui a le mérite de nous faire connaître le « Plan d'une partie de terrain qu'occupoit l'ancienne Cathédrale » (fig. 1).

Ce plan colorié, à l'échelle de 80 m, porte les dates des 1er et 7 août 1810, ainsi que la signature de Rouveroy, officiant au nom du maire de la Ville de Liège, qui était H. G. Bailly. Le Préfet du Département de l'Ourthe. Micoud d'Umons, y a ajouté son visa. Deux sceaux à l'encre - à gauche, celui de la Mairie de Liège (Premier Arrondissement) (2); à droite, celui de la Préfecture du Département de l'Ourthe - complètent les approbations officielles.

1810, du « fameû timp dé gran Napolèyon » (3). C'est l'année qui précède celle où Napoléon 1er concède des armoiries (4) impériales à la Ville de Liège et où l'Empereur et Marie‑Louise passeront au chef‑lieu du Département de l'Ourthe.

En 1820, le plan pour l'établissement de la place Saint­Lambert était approuvé. En 1810, comme le plan découvert le précise, une partie seulement du terrain occupé par l'ancienne cathédrale - il s'agit de la partie du plan qui apparaît sans couleur sur la photographie, à gauche et en dessous des cloîtres et de la tour - avait été déblayée. Une autre était prévue pour l'année en cours. Il s'agit ici du grand mur longitudinal des cloîtres, ainsi que de la tour, sauf l'excroissance en regard des parcelles L et R.

Le 17 février 1793, la démolition complète du fameux édifice avait été décrétée. Mais ce ne sera qu'en 1829 que le déblaiement des ruines et le nivellement du terrain seront entièrement terminés. Le niveau de la place Saint-Lambert doit être à un mètre ou 1 m 50 au-dessous de celui de la cathédrale démolie à la fin du XVIIIe siècle.

Notre plan de 1810 présente le grand avantage d'offrir un relevé indiscutable du plan de la grande tour, lequel est, dans ses données générales, conforme au relevé effectué en 1794 par l'arpenteur-géomètre liégeois A. B. Carront. L'original de ce relevé est perdu, mais il en existe deux copies datant respectivement de la fin du XVIIIe siècle et de 1840. Une troisième copie (fig. 2), celle publiée par l'historiographe fantaisiste van den Steen en 1880, a utilisé les données du plan du pourtour de la cathédrale, dressé par Carront non sans erreurs. Rappelons aussi que la légende ajoutée par van den Steen au plan de la cathédrale par Carront est dépourvue de toute valeur scientifique (5).

 

Plan de l'ancienne cathédrale Saint-Lambert de Liège d'après Carront, reproduit par le comte van den Steen de Jehay et réduit par Fernand Lohest, architecte à Liège.

D'après la planche reproduite dans G. RUHL, La cathédrale Saint-Lambert à Liège (1904).

Le pied de Saint-Lambert vaut 0.2917795 m.

Le plan d'élargissement de la rue sous la Petite Tour (6) (Liège, service de l'Urbanisme, plan d'arrêté royal, vol. 1, n° 35) (7) qui, à l'emplacement de l'actuelle rue de Bex, longeait la grande tour et le cloître oriental, date du 16 avril 1839. Il nous montre les murs limites du choeur et de ce cloître jusqu'aux degrés, ainsi que les restes du flanc Est de la grande tour.

L'emplacement des degrés de Saint-Lambert figure sur notre plan de 1810.

Par contre, le plan du choeur oriental de la cathédrale, qui était à simples pans coupés flanqués de contreforts, a été simplifié au point de devenir circulaire. Quant au plan de l'entourage de la cathédrale, il est constitué par l'implantation de la « maison commune ou l'ancien hôtel de ville », la rue sous la tour et la rue Souverain Pont.

Puisse la découverte d'autres documents inédits raviver toujours davantage les ombres et les souvenirs de l'insigne cathédrale qui, bâtie et ornée à l'égal des plus grandes églises françaises, fut le temple de la nation liégeoise pendant tant de siècles (8).

Joseph PHILIPPE.


(1) Sa découverte a été faite en 1964 par un agent du Service des Finances de la Ville de Liège, M. Jamar, membre de l'Institut archéologique liégeois. Je le remercie de son obligeance. Le document ici publié a deux marges abîmées.

(2) La matrice ronde en cuivre de ce sceau est conservée au Musée Curtius. Cf. J. PIRLET - R. FORGEUR, Catalogue des matrices de sceaux et des cachets du Musée Curtius, Liège, 1962, n° 70.

(3) Cf. J. PHILIPPE, Liège sous la République et l'Empire (1795-1814), Catalogue de l'Exposition, Liège, 1955.

(4) Le diplôme impérial de cette concession d'armoiries est conservé au Musée Curtius, sous le n° D/52/688.

(5) Sur le plan de la cathédrale Saint-Lambert et les gravures du livre de Xavier van den Steen, voir: R. FORGEUR. dans Bulletin de la Société Royale Le Vieux-Liège, année 1957, pp. 137-140, et année 1959, p. 387 ss.; J. PHILIPPE, Van Eyck et la genèse mosane de la peinture des anciens Pays‑Bas, Liège. 1960, pp. 111, 124, 175 ss.

(6) Feu Edouard de Marneffe avait donné une explication topographique des appellations rue sous la Petite Tour et rue sous la Grande Tour (cf. J. PHILIPPE, Van Eyck, p. 105). Il ne serait pas impossible toutefois que ces appellations résulteraient d'une transposition des adjectifs « grande » et « petite », originellement appliqués à chacune des deux rues elles‑mêmes et non à la haute tour latérale et à sa tourelle d'escalier.

(7) Cf. J. PHILIPPE. Van Eyck, fig. p. 112.

(8) J. PHILIPPE, Ombres et souvenirs de l’ancienne cathédrale Saint Lambert de Liège, dans Si Liège m’était conté…, Liège, été 1964, pp. 9-21.

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