Ce fut Notger qui édifia l'église Saint-Adalbert et l'érigea en paroisse pour le quartier de l'île, à côté de l'église de Notre Dame aux Fonts qui était celle de la Cité. G. Kurth nous apprend dans son Histoire de Notger de Liège, qu'après avoir ajouté à la Cité le vaste quartier de l'Ile, l'illustre évêque voulut donner à ce quartier les prérogatives de la Cité et c'est pourquoi, y érigeant une paroisse, il la dota de fonts baptismaux. Il répondait ainsi à un véritable besoin car il avait entouré la Cité de remparts et l'Ile restait en dehors de l'enceinte; les communications de ses habitants avec l'église mère en devenaient plus difficiles; à certaines heures, elles étaient presque impossibles, rien d'étonnant donc que l'évêque ait voulu permettre à la population d'avoir toujours à sa disposition les secours religieux (1).
Notger plaça le nouveau temple sous le vocable de saint Adalbert, évêque de Prague, qui venait de recueillir les palmes du martyre en Prusse (997), en mémoire de la grande amitié dont il s'était lié avec Adalbert pendant son séjour à Rome en 996 (2). Adalbert fut canonisé à Rome le 29 juin 999, l'édification du nouveau temple doit donc être postérieure à cette date.
L'église Saint-Adalbert s'élevait non loin de la collégiale Saint-Jean, à l'emplacement actuel de la rue Laruelle. Le chapitre canonical était collateur de la cure. Le temple dut être rebâti au XVe siècle (3). Au milieu du XVIIIe siècle, pendant une dizaine d'années (1750 à 1760), les chanoines de Saint-Jean, chassés de leur collégiale par le lamentable état de celle-ci qui menaçait ruine et dut être abattue pour être reconstruite (sauf la tour), vinrent y célébrer leurs offices (4).
La capitation de 1736 nous révèle qu'en cette année la population de la paroisse s'élevait à 758 âmes.
Fermée lors de la révolution française puis transformée en écurie, l'église fut réouverte au culte, la tourmente passée.
Bien que le siège de la paroisse ait été transféré en 1803, après le concordat, à Saint-Jean-Evangéliste, les offices y furent encore célébrés jusqu'au 10 août 1809 (5). Elle fut alors livrée à la pioche des démolisseurs, sur décision du conseil de la fabrique de Saint-Jean.
(1) L. Lahaye, Les Paroisses de Liège. Bulletin de l'Institut Archéologique Liégeois, t. XLVI p. 28.
... On ne connaît pas le moment précis où le service paroissial fut détaché des églises collégiales ou abbatiales, pour être installé dans des sanctuaires spéciaux. On n'a de renseignements à cet égard que pour Saint-Adalbert. Notger le construisit dans les dernières années de son règne (1000-1007), puisqu'il le dédia à son ami, Adalbert de Prague, martyrisé en 997, et canonisé le 29 juin 999. Il dota cet oratoire d'insignes privilèges et l'unit à la collégiale Saint-Jean-Evangéliste.
Si le biographe du célèbre prélat ne mentionne ni cette création, ni ces prérogatives, elles n'en sont pas moins certaines. Affirmées par le témoignage des anciens, antiquorum notitia, confirmées par plusieurs chefs du diocèse, multis episcopis confîrmantibus, elles étaient consacrées dans des actes solennels dès l'aurore du XIIe siècle. En 1101, l'abbé de Notre-Dame-aux-Fonts, Dietwin, prétendit contester certaines immunités de Saint-Adalbert; mais le chapitre de Saint-Jean, représenté par Brunon, son prévôt, par Gontrand, son doyen, et par maître Gérard, peut-être le curé, protesta énergiquement.
Un tribunal auguste, composé de l'évêque Otbert, des archidiacres, des doyens de toutes les collégiales, des abbés de Saint-Jacques et de Saint-Laurent, proclama que l'église fondée par Notger possédait les privilèges suivants: tous les enfants du quartier de l'Ile pouvaient y être baptisés; les femmes étaient autorisées à y faire leurs relevailles; il était permis au desservant d'administrer l'extrême-onction, et le pasteur jouissait de l'indépendance la plus grande que l'évêque eût pu lui concéder: il n'était tenu qu'à reconnaître l'autorité archidiaconale de l'abbé de Sainte-Marie et à assister aux synodes qui se tenaient trois fois l'an à Notre-Dame-aux-Fonts.
En 1107, Dietwin revint à la charge: nouveaux débats, enquêtes supplémentaires, jugement identique et définitif rendu par les autorités compétentes en présence du roi Henri V (J. Demarteau a publié le texte de ces deux chartes de 1101 et de 1107 dans sa brochure intitulée: Deuxième note sur les fonts baptismaux de Saint-Barthélemy à Liège (1907), p. 26.).
Il résulte de ces documents authentiques que, dès le pontificat de Notger, trois synodes annuels étaient institués à Notre-Dame-aux-Fonts: tres synodos in anno apud Sanctam Mariam institutos, et que l'abbé de cette église exerçait le pouvoir archidiaconal: abbati ejusdem ecclesiae velut archidiacono sujectionem. Or, un archidiacre suppose des paroisses où il remplace l'évêque, comme un synode implique la présence de plusieurs prêtres. Dès lors, nous pouvons conclure que, sous le règne de Notger, antérieurement à la fondation de Saint-Adalbert, plusieurs paroisses existaient à Liège et tout incite à penser qu'elles avaient leur siège dans les collégiales ou dans des chapelles qui en dépendaient.
Les privilèges spéciaux (notamment le droit de baptiser les nouveau-nés de tout le quartier de l'lle) accordés à l'église Saint-Adalbert ont pu faire croire qu'elle était « la seule paroisse de l'Ile, bien que celle-ci contînt les deux collégiales de Saint-Jean et de Saint-Paul » (Kurth, Notger de Liège, t. 1, p. 166, note 1). Tel n'est pas notre avis. Quand Saint-Adalbert s'élevait, Notger venait d'entourer de remparts la Cité proprement dite. L'Ile restait en dehors de l'enceinte; les communications de ses habitants avec l'église mère en devenaient plus difficiles; à certaines heures, elles étaient presque impossibles. Rien d'étonnant que l'évêque ait voulu permettre à la population d'avoir toujours à sa disposition les secours religieux et ait donné à un prêtre la faculté de lui administrer les sacrements de baptême et d'extrême-onction. Rien de plus naturel aussi qu'il ait réservé ce pouvoir non pas à la paroisse préexistante de Saint-Paul, mais à celle de Saint-Jean-Evangéliste pour laquelle il éprouvait une singulière prédilection, où il venait ordinairement se délasser de ses travaux, où il voulait dormir son dernier sommeil et à. qui il avait l'intention d'annexer le sanctuaire qu'il construisait à la mémoire d'un ami pour servir au ministère paroissial.
Si les collégiales et les abbayes furent, dès leur création, des centres paroissiaux, nous croirions volontiers que Saint-Martin, Saint-Paul, Saint-Jean, Saint-Denis, Saint-Barthélemy, Saint-Jacques, eurent respectivement le ressort qui devint, après l'érection de chapelles-annexes, celui de Saint-Remacle-au-Mont, de Saint-Martin-en-Ile, de Saint-Adalbert, de Sainte-Aldegonde, de Saint-Thomas, de Saint-Remi. Pour ces circonscriptions, nulle trace de modification ne se manifeste au cours des siècles. Il n'en est pas de même quant à la juridiction des deux autres collégiales, Sainte-Croix et Saint-Pierre...
(2) O. Kurth, Notger de Liège, t. I p. 165.
(3) Th. Gobert, Les Rues de Liège, S'-Adalbert.
(4) L Lahaye, Inventaire des chartes de St-Jean, t. I p. X.
(5) Th. Gobert, op. cit.