Total: 20 « quatre fléché », 16 bidents, 6 tridents, 3 diabolos, 3 « P » gothiques, 2 écus français, 1 « Z ».
TRANCHE D.
Dans les chapelles rayonnantes, les signes sont concentrés à droite et à gauche de la pile cantonnant le mur de séparation des absidioles.
Chapelle I |
à gauche, 2 tridents |
|
à gauche, 1 bident |
|
à droite, 1 « Z » |
Chapelle II |
à gauche, 1 « Z » |
Chapelle III |
à gauche, 2 « Z » |
|
à droite, 1 trident |
Chapelle IV |
à gauche, 4 «P» gothiques |
|
à gauche, 1 trident |
|
à droite, 2 bidents |
Chapelle V |
à gauche, 2 « P » gothiques |
|
à droite, 2 « Z » |
|
REPERTOIRE DES SIGNES
1) Le trident ou fourche à trois dents (36 exemplaires).
2) Le « P » gothique (27 exemplaires).
3) Le bident ou fourche a deux dents (20 exemplaires).
4) Le « quatre fléché » (20 exemplaires).
5) Le « Z », sorte d'éclair (13 exemplaires).
6) L'écu suisse, de grand format (9 exemplaires).
7) L'écu français de petit format et parfois renversé (4 exemplaires).
8) Le diabolo (3 exemplaires).
Remarques. Beaucoup de pierres des colonnes de Saint Jacques furent retaillées ou remplacées au XIXe siècle, ce qui fit disparaître nombre de signes. Dans le chœur, les murs et les supports sont enduits. Un éclairages frisant nous a fait découvrir sous le couleur des signes similaires ; l’inventaire complet n’est donc pas réalisable dans les conditions actuelles.
OU LA REALITÉ DES PIERRES RENCONTRE L’HISTOIRE
La construction de l’église gothique se fit en deux étapes. Grâce à la munificence d’Englebert de la Marck, seigneur de Loreval, Renier de Sainte marguerite, abbé de Saint Jacques, posa les fondements du chœur le 18 avril 1420. En 1421(4), la construction s’arrêta au seuil des fenêtres: le généreux donateur mourait à Saint Jacques le 8 mars 1422.
L’édifice fut achevé en gothique flamboyant, de 1514 à 1538, sous la direction d’Arnold van Mulken, alors Jean de Coronmeuse, Nicolas de Beaulieu et Herman Rave étaient abbés.
Deux phases de constructions. Peut-on les distinguer au travers des marques des tailleurs de pierres?
Sans aucun doute, les marques des tailleurs de pierre, reprises ci-dessus, appartiennent à la première phase de construction de l’église gothique (1420-1421); elles corroborent donc en tous points le récit de l’auteur de la Gesta abbatum. Par l’examen des sources monumentales, nous pouvons confirmer et amplifier les renseignements fournis par les sources écrites: les ouvriers ont effectivement élevé le bâtiment jusqu’au seuils des fenêtres dans le chœur (et pas plus haut), mais aussi dans les chapelles nord et sud, respectivement dédiées au sacré Cœur et à Saint Antoine.
Les ouvriers qui oeuvrèrent de 1514 à 1538 sous la direction d’Arnold van Mulken nous ont laissé beaucoup moins de traces de leur personnalité; en effet, les nefs, le transept et le porche (très riche en marques d’assemblage) ne nous livrent qu’une dizaine de croix de Saint André, signe absolument absent dans la première phase d’édification, et une amusante tête d’oiseau sur la deuxième colonne à droite dans la nef centrale, en partant de la tour romane.
Nous affirmons également que la tranche D, dernière phase de la première campagne, n’a pas été terminée. Les marques relevées sur les grosses piles séparant les chapelles rayonnantes prouvent que le travail a bien été entamé du vivant d'Englebert de la Marck; mais aucun pan de mur des absidioles ne révèle les signes caractéristiques que nous avons cités: trident, bident, quatre fléché... Il faut donc en déduire que les chapelles ont été terminées un siècle plus tard et que c'est bien par la tranche A que le travail débuta. Lorsque M. UIrix publiera le plan de l'église romane, on se rendra très bien compte que les architectes de la première campagne ont conçu leur plan de manière à permettre la continuation du Culte dans l'église romane; il était donc normal qu'ils établissent en premier lieu les piliers C et D qui enserrent le chœur roman.
Dans les tranches que nous avons déterminées, un signe domine le trident mais les déductions définitives ne peuvent être actuellement tirées de cet état de fait: d’autres marques sont certainement gravées sur les faces des blocs engagées dans les murs. (5) Nous sommes cependant convaincue que le travail fut partagé en équipe, la répartition et la fréquence des signes apparents nous le montrent. Remarquons par exemple que l’équipe qui s’attacha à la réalisation de la tranche A effectua aussi la base des absidioles, elle avait probablement terminé sa première tâche. Quant à la sacristie et la trésorerie, elles furent surtout réalisées par l’équipe où domine la personnalité de l’artisan signant d’un « quatre fléché »
Notre chantier n’a employé que huit tailleurs e pierre, cela semble minime pour une entreprise d’une telle envergure. Mais n’oublions pas que ces ouvriers étaient aidés de manœuvres et d’apprentis et que l’œuvre n’en était qu’à sa première année. Lors du colloque international L’art et la Culture en pays mosan et en Rhénanie du Ixe au XVe siècle organisé par l’université de Liège en juillet 1972, il fut avancé que tailleurs de pierre avaient travaillé à l’édification de la cathédrale de Cologne. En comparant les édifices et les chiffres, les proportions semblent avoir été respectées.
Comment le travail était il réparti " Y-avait-il une spécialisation? Seul, le tailleur qui signe d'un trident semble s'être généralement attaché à la réalisation des bases biseautées. Mais ce cas est unique. Nous croyons plutôt que l'équipe toute entière se consacrait à la réalisation de la colonne (exemple - le contrefort E, tranche A).
Une équipe de huit hommes, huit anonymes. Qui sont-ils? Un répertoire systématique des marques existantes en Belgique, la découverte d’archives, la comparaison avec d'autres bâtiments portant les mêmes signes (6) nous permettront peut être un jour d'identifier ces tailleurs qui contribuèrent à la richesse de notre patrimoine en élevant le plus remarquable des monuments de l'architecture flamboyante dans nos anciennes provinces.
Ann CHEVALIER.
(1) Pour l'historique. consultez l’excellent livre du Professeur Jacques Stiennon qui donne toute la bibliographie nécessaire pour l'origine de l'abbaye: Etude sur le Chartrier et le domaine de l’Abbaye de Saint jacques de Liège (1015-1209), Paris, Les Belles Lettres, 1951, br., in-8°, ill.. fac-sim., carte, XIV-537 pp. (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège, fasc. CXXIV).
(2) Mme Andrianne préfère le terme « marques de tailleurs de pierre » car, dans les comptes de Belgique, de France et de Portugal, le paiement des ouvriers se fait par journées de travail (et non au nombre de pièces façonnées) ». Puisque les tailleurs de pierre n'étaient pas payés à la tâche, il semble donc plus logique de parler de tailleurs de pierre. CF ANDRIANNE-VAN DE WINCKEL (Madeleine), La datation des édifices par le traitement des signes lapidaires, dans Annales du Congrès de Liège, 1968, 6-12 septembre, quarantième session, t. 1, pp. 9 à 25, Liège, Féd arch. et hist. de Belgique 1969. 1 vol., br., in 4°, 399 pp.
(3) Deux ouvriers ont donc travaillé la même pierre. S'agit-il du tailleur et de son apprenti? Dans ce cas, lequel est le maître? Nous avons rencontré beaucoup plus souvent le trident, mais cela ne constitue pas une preuve (voir fig. III)
(4) De fundatione abbatiae Sancti Jacobi Leodiensis et de Gestis Abbatum, XXXII dans Berlière Ursmer, dom. Documents inédits pour servir à l’histoire ecclésiastique de la Belgique, t. 1 pp 37 à 57, Maredsous, Abbaye de Saint Benoit. 1894, 1 vol., rel., in-4°, 325 pp.
(5) GIMPEL (Jean), Paris Les bâtisseurs de cathédrales, p. 83 éd. Du Seuil. (1959), vol., rel., in-16)
(6) Un rapide examen des murs d’autres églises liégeoises (notamment le chœur de Saint Denis) ne nous a révélé aucun signe identique.