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À propos de l'escalier du choeur de l'église Saint-Jacques de Liège.

par Paul JASPAR

1926

Nous publions bien volontiers l'article que son auteur, M. l'architecte Paul Jaspar, a été bien inspiré de rédiger et de communiquer à ses confrères de l'Institut, pour faire suite à une notice publiée par M. Eug, Polain dans la revue illustrée beige Chez nous. (Cfr. Liège, Guide illustré, publié sous les auspices du Comité organisateur du XX le Congrès de la Fédération archéologique et historique de Belgique. Liège, Bénard, 1905. Notice sur l'église Saint-Jacques : pages 92 à 99, et spécialement 94 et 96).

M. Polain cite notamment, sans y insister, l'escalier « à double hélice, permettant aux deux magistrats d'arriver ensemble dans la tribune où ils devaient prêter serment ». Dans un second passage de sa notice, l'auteur se livre aux explications suivantes: " Nouvellement restaurée par jamar, s'élève, en étage, une autre chapelle donnant sur le chœur par un balcon; on y accède par un double escalier. C'est la « Chapelle des Bourgmestres » où, jusqu'en 1684 les deux magistrats élus le jour de la Saint-Jacques, venaient prêter serment de conserver intacts les privilèges et franchises de la cité. L'abbaye Saint-Jacques joua, en effet, un rôle dans l'histoire de Liège; terre neutre, relevant seulement du Saint-Siège, c'était là qu'étaient déposés les coffres contenant les documents établissant ou reconnaissant les droits des bourgeois de Liège. Au seuil de l'église s'arrêtait le pouvoir de l'évêque et du prince, car l'abbé de Saint Jacques était le conservateur apostolique, c'est-à-dire en quelque sorte le censeur de l'évêque et du chapitre cathédral de Saint-Lambert. C'est aussi à Saint-Jacques, terre indépendante, que furent conclues maintes paix entre le prince et les bourgeois de la Cité ».

Un croquis est indispensable pour faire comprendre la disposition de l'escalier précité.

Le visiteur doit choisir, en arrivant, l'une ou l'autre volée pour parvenir à l'étage; or, c'est la seconde volée (a), celle que l'on ne voit pas de prime abord, qu'il faut prendre, car l'autre (b) l'amène bien au même niveau, mais à un cul-de-sac et non au balcon du chœur. A l'arrivée de l'escalier (a), le palier, triangulaire, n'a qu'une largeur moyenne de 60 cm et la moindre distraction fait choir le visiteur dans le trou béant sous ses pas.

On a prétendu, comme le fait aussi M. Polain, que cet escalier à deux volées devait servir aux deux bourgmestres qui administraient Liège à cette époque, et qu'il était établi ainsi pour permettre aux dits bourgmestres d'apparaître en même temps à la tribune qui donne sur le choeur au premier étage.

La tribune (balcon) est pratiquement inaccessible depuis l'escalier b ! ...

Je crois qu'il faut y voir tout autre chose: égarer le visiteur.

L'exemple d'un escalier à double vis est rare, mais il se rencontre dans des ouvrages de fortification du moyen âge, notamment à Pierrefonds: ici, la volée, qu'il ne faut pas prendre, conduit aussi à un cul-de-sac et l'assaillant, obligé de revenir sur ses pas, trouvait au pied de l'escalier à qui parler... ( Viollet-le-Duc, d'après une description de Sanval, trace le plan d'une « vis tournante à double colonne (noyau) où l'on entre par deux portes et où l'on monte par deux endroits » qui correspond à l'escalier de Saint-Jacques. La largeur est de 3m,25 alors que celle qui nous occupe mesure 3m,40).

Pourquoi une telle disposition à Saint-Jacques?

Vraisemblablement, parce que l'unique salle dégagée par cet escalier contenait les documents établissant ou reconnaissant les droits des bourgeois de Liège, documents précieux au premier chef! Cet asile pouvait n'être pas respecté par les masses populaires en cas d'émeutes ou de soulèvements, aussi les documents étaient-ils enfermés dans des coffres en fer; mais deux sûretés valent mieux qu'une et le désordre qui ne pouvait manquer de se produire au pied en bas de l'escalier ( et même du haut ) devait jeter le désarroi parmi les assaillants: en effet, le croquis démontre encore que l'on peut changer de volée au premier croisement des deux escaliers; le désordre produit par des gens arrivant en masses devait être indescriptible et c'est là, pensons-nous, la seule raison d'être d'une disposition trop peu connue des Liégeois.

A noter que, vis-à-vis et faisant pendant, un autre escalier, de mêmes dimensions, mais à simple volée celui-là, conduit à une autre salle du premier étage. On n'avait pas cru devoir prendre les mêmes précautions, cette salle ne contenant pas d'archives.

Paul JASPAR

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