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Eglise Saint Jacques à Liège


Monuments funéraires en pays mosan

Arrondissement de LIEGE

par Hadrien Kockerols


Extraits relatifs à Saint Jacques

9. Dalle de la moniale Guda


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LIEGE, église Saint-Jacques. Sous la tour. Découverte en 1882.

1125. Calcaire de Meuse; gravure au trait. 46 x 115 cm. Fragment.

Bibl. : GALLIA CHRISTIANA t. 3, p. 977; PSEUDO-LANGIUS, f° 205; VAN DEN BERCH, Epitaphes, n° 907; ULg, ms Delvaux, t. 2, f° 138 r°; DEMARET, Guda (1886); RPMSB, canton Liège II(1982) p. 55.

Guda, connue par les textes, fut probablement recluse à l'abbaye de Saint-Jacques à Liège, de 1112 à l'année de sa mort en 1125. Elle était veuve de Tiébaut de Fouron, mort en 1112, bienfaiteur de Saint-Jacques, abbaye à laquelle Guda fit également don de tous ses biens.

On déduit du fragment conservé que la dalle était trapézoïdale et qu'elle mesurait environ 2,20 m.

L'inscription complète nous est connue grâce à différents recueils d'épitaphes. Elle est double: les deux lignes extérieures sont deux vers latins, aux multiples allitérations :

HIC DICATA DEO PECCATATRIX GVDA QVIESCOCVI MEA MEQVE DEDI, DET SVA SEQVE MICHI: Je repose ici, Guda, pécheresse, consacrée à Dieu. Que celui auquel je donnai mes biens et moi-même, se donne à moi, lui et son bien.

Le texte de la ligne médiane livre l'acte de décès

ANO DNI MCXXV II K IVL OBII EGO GVDA SCI MONIALIS: L'an du Seigneur 1125 aux 2 des calendes de juillet, moi, Guda,je mourus en moniale consacrée.

Cette inscription, la plus ancienne sur une pierre tombale mosane, est écrite en lignes parallèles, tout comme une inscription murale. On y voit apparaître les premières onciales.


10. Tombe de l'abbé Etienne

LIEGE, église Saint-Jacques. MONUMENT DISPARU.

1138. Pierre gravée.

Bibl. : GALLIA CHRISTIANA t. 3, p. 980 ; PSEUDO-LANGIUS, f° 199; VAN DEN BERCH, Epitaphes, n° 904; ULg, ms Delvaux, t. 2, f° 138 r°; MONASTICON Liège (1928) p.10; KOCKEROLS, Tombes comtes de Namur (2001) pp. 173-174.

Etienne, abbé de Saint-Jacques à Liège, meurt en 1138. On sait très peu de choses sur ce qu'il fut, sinon ce que rapporte son épitaphe: un abbé très paisible.

Le dessin de sa tombe, disparue, provient du manuscrit du Pseudo-Langius, où il est accompagné d'un commentaire la désignant comme celle d'Etienne Ve abbé, mort en 1112. Quelques lignes plus loin, après le VIe abbé, Otbert, vient Etienne VIle abbé, mort en 1138, le 7 janvier. L'inscription sur le dessin et celle du recueil d'épitaphes de Henri Van den Berch, confirment que l'auteur du manuscrit du Pseudo-Langius a confondu les deux abbés et que la dalle est par conséquent celle de l'abbé Etienne III, mort en 1138, le 7 janvier.

La dalle est du type à épigraphe, de forme trapézoïdale, avec texte à deux volets. Au pourtour les quatre vers:

CLADITVR HAC TVMBA STEPHANVS MITISsimus ABBAS FILIVS ECLlesiaE MORIBVS ATQue FIDE DIVIINI CVLTVS LEGISQue SACRAE STVDIOSVSPREFVIT EXEmPLO SVBDITVS IPSE DomiNO: Cette tombe renferme Etienne, très paisible abbé, fils de l'Eglise par ses moeurs et sa fidélité, connaisseur du culte divin et des lois sacrées, offrant sa vie en exemple, lui-même soumis à Dieu.

Au centre un texte en croix

CRVX IGITVR CHRIsti SIT El FRVCTVS REQVIEI / SEPTIMA QVEM IANI REDEGIT CINERI. Que la croix du Christ soit donc le fruit de la paix, pour lui que le 7 de janvier la lumière rendit aux cendres.

La date sur le dessin est 7 janvier, tout comme dans Gallia Christiana; elle est 7 juin dans Van den Berch. La confusion est évidente entre TANT et IVNI.

Le manuscrit du Pseudo-Langius ne compte, à part une demi-douzaine de dessins miniatures, que trois dessins de tombes, dont celui-ci. Une caractéristique du monument que l'auteur du dessin a jugé suffisamment digne d'intérêt pour la mettre en évidence, est qu'il est bicolore. Une dalle de pierre, portant les inscriptions, est cernée d'un cadre d'un autre matériau, une pierre d'une autre couleur. La raison d'être d'un cadre est vraisemblablement de cacher la tranche de la dalle supposée élevée au-dessus du pavement, de l'épaisseur du cadre. On retrouve cette disposition à la tombe présumée du comte de Namur Albert III (+ 1102) à l'ancienne collégiale Saint-Aubain à Namur.

Enfin, la disposition d'une partie du texte en forme de croix, là ou il est écrit CRVX CHRISTI .., appartient à un genre particulier d'épigraphie à double lecture: textuelle et formelle.


14. Tombe de Baldéric de Looz


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LIEGE, église Saint-Jacques. MONUMENT DISPARU.

13e siècle. Bois, taille en bas-relief.

Bibi.: Vita Balderici, p. 736 OUTREMEUSE, Myreur, t. IV p. 199, a° 1017; PSEUDO-LANGlUS, p. 39; CURTIUS, ms Del Rey, f° 52 r°; VAN DEN BERCH, Cité de Liège, f° 308 V°; VAN DEN BERCH, Epitaphes, n° 895; DARIS, Histoire (1884) p. 97-98; DE THEUX, Saint-Lambert (1871-72) p. 50; SCHOOLMEESTERS, Baldéric II (1903); BRASSIINNE, Monuments disparus (1938) pp. 180-184, pl. 5; KUPPER, Leodium (1982) p. 68.

Successeur de Notger sur le siège épiscopal de Liège, Baldéric de Looz (Baldéric II), meurt après 10 ans de règne, le 29 juillet 1018. Il avait fondé l'abbaye bénédictine de Saint-Jacques à Liège, où il reçut sa sépulture dans la crypte, qu'il avait lui-même consacrée en 1014.

Les fouilles menées par F. Ulrix dans la crypte de l'église ont mis à jour une cavité au milieu de la crypte romane, cavité considérée comme la sépulture de Baldéric, mais sans trace d'un monument funéraire, ni de la sépulture du frère de Baldéric, le comte de Looz, que l'épitaphe conservée signale être enterré à ses cotes(1).

Soit qu'un monument manquât sur la sépulture, ou qu'il fut jugé insuffisant pour honorer la mémoire de l'évêque, un monument au goût du jour lui fut érigé plus de deux siècles plus tard. Une mention en est fournie par Jean d'Outremeuse, en ces termes: Si fus ensevelis en le cripte del englise Saint-Jaqueme à Liège, devant l’'aiteit Saint-Andries; mais puis fut fait I tombe à IIII peleers, sus sa sepulture, où ilh est entailliez et semeis d'escuchez armoiez de Louz.

Cette courte description nous apprend que c'était une tombe à effigie sculptée sur une dalle, surélevée sur 4 piliers. Ce type de monument, la tombe-statue, accuse le milieu du 13e siècle. On saura gré à Jean d'Outrerneuse d'une précision complémentaire: mais puis fut fait. A ses yeux il n'y avait donc pas de monument auparavant, seulement la sépulture, ou encore, il ne tenait pas une dalle mosaïquée pour un monument.

On sait qu'en 1513 le chevet roman de l'abbatiale s'effondra et que des pierres entraînèrent la chute des voûtes de la crypte. Tout porte à croire que le monument, qui se trouvait au milieu du choeur, c'est-à-dire à la croisée, ne disparut pas à ce moment, mais qu'il fut restauré.

(1) D'après SCHOOLMEESTERS, d'un manuscrit au château de Warfusée, sans référence:

ANNO MILLENO DOMINI DECIMO QUOQUE SEXTO / DIVUS BALDRICUS PRESUL URBIS LEODINE / HANC TIBI, CHRISTE, DOMUM JACOBI SUB HONORE MINORIS / FUNDAVIT SED ET HANC CRYPTAM VIVENS BENEDIXIT / TANDEM DEFUNCTUS FUIT HIC CUM FRATRE SEPULTUS / LOSSENSI COMITE, REQUIES QUOS ALMA RECEPIT.

Une première mention de cette tombe est donnée par le chanoine Van Wachtendonck (le Pseudo-Langius), en 1584-1586, qui écrit que la tombe se trouvait au milieu du choeur, qu'elle était en bois taillé, avec au pourtour l'inscription

BALRICVS PRAESVL LEODIENsis GENERE COMES LOSSENsis HIC QVIESCIT QUI SVB OTTONE III HOC COENOBIVM INCHOAVIT VERVM MORTE PRAEVENTVS SVB HENRICO IMPERATORE INPERFECTVM RELIQVIT, Ici repose Baldéric, prince de Liège, du lignage des comtes de Looz, qui sous Otton III fonda ce monastère et le laissa inachevé à sa mort inopinée sous l'empereur Henri.

La tombe est signalée de même par Del Rey en 1615, qui écrit TUMBA EST IN MEDIO CHORI EX LIGNO SCULPTO IN QUO VIDETUR PRESULIS MITRA IN PEDE JACENS: La tombe est au milieu du choeur; sculptée en bois, où se voit l'évêque mitré, gisant en pied. (Littéralement: la mitre de l'évêque gisant en pied)

Un dessin du héraut d'armes Henri Van den Berch, que Brassinne a fait connaître en 1938 et qu'on admet dater des années 1630-1640, montre la tombe de l'évêque Baldéric telle qu'elle existait de son temps. L'inscription, qui court sur le bord de la dalle, apparemment sur un chanfrein, et dont on peut croire que Van den Berch l'a vue à cet endroit, est la même que ci-dessus.

Ce texte comporte une erreur manifeste: l'abbaye fut fondée en 1016, au temps de l'empereur Henri et non d'Otton III, qui mourut en 1002. Daris attribue cette erreur intentionnelle à la prétention par les moines de l'abbaye de Saint-Jacques d'une origine antérieure de leur abbaye à celle de Saint-Laurent à Liège.

Le dessin de Van den Berch est réalisé avec assez de précision pour faire connaître le monument: une tombe élevée, composée d'une dalle portant l'effigie de l'évêque et reposant sur un socle mouluré, remplaçant les piliers décrits antérieurement. Baldéric est représenté couché, mort, les mains croisées sur l'abdomen; il porte des vêtements liturgiques et est coiffé d'une mitre ornée d'un bijou; à l'annulaire de sa main droite on distingue un anneau; il tient sous ses bras la crosse épiscopale; un animal est accroupi sous ses pieds. L'effigie est placée sous une arcade ogivale, d'où la bénit une main divine sortant des nuées; dans les écoinçons on remarque encore deux anges thuriféraires agitant des encensoirs. Toute cette iconographie fait dater l'effigie du 13e siècle.

Le gisant de Baldéric, signalée par le Pseudo-Langius et dessiné par Van den Berch a donc été épargné en 1513. La seule autre hypothèse plausible est que la tombe serait une copie réalisée à partir des débris de l'ancienne, procédé attesté. Dans les deux cas le socle, qui n'a pas d'autre fonction que d'élever la dalle, serait postérieur à 1513. Ce socle superpose trois cadres profilés. On ne conserve pas d'autre exemple de ce type de socle dans nos régions mais on le retrouve toutefois avec le même parti et les mêmes éléments volumétriques dans l'image de la tombe de saint Servais, illustrée par un petit bas-relief au socle du buste-reliquaire du saint, conservé à Hambourg. Van den Berch, commentant le monument de Baldéric, dit qu'un tel personnage mériterait une tombe plus magnifique. Se faisait-il l'écho des projets des moines, de remplacer ce monument par un plus contemporain? On se rappelle que le monument était en bois. Il disparut en effet peu après et fut remplacé par un nouveau en 1646 [401], sur lequel l'erreur dans l'inscription fut rectifiée.

Le monument dessiné par Van den Berch est un précieux témoignage de la sculpture funéraire des 13-14e siècles, dont peu d'oeuvres subsistent. On observera, à côté de l'iconographie conforme à un schéma courant, la conception volumétrique liée à la taille en fond de cuvette.


177. Tombe de l'évêque Jean


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Copie à Saint Jacques contenant les ossements de Jean Li Consieu.

LIEGE, église Saint-Jacques, en dépôt au Trésor de la cathédrale Saint-Paul.

1516-1524. Pierre blanche, taille en ronde-bosse. Socle 283 x 72 x 85 cm, gisant 1,145 cm. Quatre fragments du gisant, cinq de la paroi latérale, très endommagés.

Bibi. Vita Balderici ; D'OUTREMEUSE, Myreur t. IV, pp. 197-198 ; VAN DEN BERCH, Epitaphe, n° 915; LAVALEYE, Saint-Jacques (1845) p. 8 ; KURTH, Le peintre Jean (1904) pp. 220-223; SCHOOLMEESTERS, évêque Jean (1907); DE VALKENEER, Inventaire (1963) pp. 164-166, ill.; RPMSB, canton de Liège II(1982) p. 55; FORGEUR, Saint-Jacques (1997) p. 46.

Le personnage est connu par le récit de la vie de l'évêque Baldéric, mort en 1018, la Vita Balderici, écrite par un moine de Saint-Jacques à Liège en 1053. Le récit le présente comme un célèbre peintre italien que l'empereur aurait fait venir d'Italie pour orner l'église d'Aix-la-Chapelle et qui par après peignit l'église de Saint-Jacques à Liège. Il le présente également comme évêque. Mort à Liège, il fut enterré à Saint-Jacques. Ceci est confirmé par la chronique de Gilles d'Orval, qui rapporte l'épitaphe qui accompagnait sa tombe:

STA, LEGE QUOD SPECTAS, IN ME PIA VISCERA FLECTAS.

QUOD SUM, FERT TUMULUS, QUID FUERIM, TITULUS.

ITALIAE NATU, POLLENS ET PONTIFICATU,

JOHANNES FUGIO, PULSUS EPISCOPIO.

DESTINOR HIS ORIS, EXSUL NULLIUS HONORIS.

URBS PIA LEODIUM COMMODAT HOSPITIUM.

(QUA PROBAT ARTE MANUM DAT AQUIS, DAT CERNERE PLANUM

PICTA DOMUS CAROLI, RARA SUB AXE POLI.)

JACOBE JUSTE, TUI MEMOR ESTO FIDELIS ALUMPNI.

HAEC SIT UT AULA TIBI CONDITA CONSULUI.

Arrête, lis ce que tu vois, et que ton tendre coeur ait pitié de moi. Le tombeau annonce ce que je suis; l'inscription dit ce que je fus. Né en Italie, revêtu du pontificat, moi Jean j'ai dû m'enfuir chassé de mon siège épiscopal. Exilé sans honneur, je fus envoyé en ces régions. La ville compatissante de Liège me prêta un asile. (A Aix-la-Chapelle la maison de Charlemagne, par les peintures qui en font une merveille du monde, fait voir clairement par quel art il fait distinguer sa main). Saint Jacques, souvenez-vous de votre fidèle élève, c'est sur mes conseils que cette demeure fut édifiée en votre honneur.

Les vers 7 et 8 sont une incise. Gilles d'Orval, vers 1250, ajoute deux vers:

DICTA FERUNT PATRUM, SIGNIS HIC GLORIFICATUM CORPUS TRANSLATUM, TER ET HIC MERUISSE SEPULTUM: Les récits des anciens rapportent que le corps de Jean a été glorifié par des miracles, qu'il a été transféré trois fois et qu'il a obtenu ici son tombeau.

La question reste ouverte à savoir si par tombeau il faut entendre la sépulture, enfouie, ou un monument élevé sur la sépulture. L'inscription originelle oppose tumulus et titulus, la tombe et l'épitaphe. L'existence d'un monument ne se déduit pas des termes Quod sum fert tumulus, qui renverrait plutôt au cadavre qu'à une image.

Lorsqu'après 1513 l'église Saint-Jacques fut reconstruite et que l'ancienne crypte disparut, on réalisa un monument funéraire à la mémoire de l'évêque Jean. Sa notoriété devait justifier l'érection d'un monument nouveau ou remplaçant un antérieur. En 1839 on découvrit dans la tombe une lame de plomb attestant qu'en 1516, sous l'abbatiat de Jean de Cromois, ses ossements furent découverts et qu'ils furent à nouveau enfouis en 1524. On déduit de ceci, avec vraisemblance, que la tombe actuelle fut réalisée entre 1516 et 1524.

Le monument actuel ne représente plus que 9 fragments de pierre de sable, tous fortement dégradés. Le gisant, en quatre morceaux, est un évêque, mitré, mains gantées et baguées, croisées sur l'abdomen, les pieds reposant sur une console, la tête sous un dais, la crosse sous le bras. Il est vêtu de la dalmatique, couvrant une aube dont l'ourlet du bas est frangé. Sur l'orfroi se voit un décor d'entrelacs sur fond gaufré. La mitre est également ornée d'un motif de gaufres. Le dais est à voûte octogonale et avec faces vues ornées d'arcatures flamboyantes; typiques sont les fenestrelles en forme de larmes. La console du gisant porte un décor d'un enchevêtrement de ramures. De la paroi latérale de la tombe restent cinq morceaux non jointifs, d'ornements architecturaux, d'arcatures trilobées et retrilobées.

Les décors de l'effigie sont proches de ceux que l'on observe sur une autre épave de tombe, celle de saint Hubert à Hozémont. Ils marquent les premières décennies du 16e siècle.

Le monument aurait été érigé par l'abbé de Cromois, dont l'abbatiat se situe de 1507 à 1525. Le tombeau fut démantelé en 1883; les débris en furent moulés et servirent à une reconstitution de la tombe, réalisée en 1906 et placée dans le transept nord de l'église Saint-Jacques à Liège.


179. Dalle de Jean de Cromois


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LIEGE, église Saint-Jacques, chapelle nord, copie en plâtre de l'original à PARIS. Musée du Louvre.

Vers 1525. Calcaire de Meuse noir; taille en bas-relief. 299 x 171 cm. Brisée en deux morceaux.

Bibl. : VAN DEN BERCH, Epitaphes, n° 930; RENIER, Tombes liégeoises (1863) ill, p. 65; HELBIG, Histoire de la sculpture (1889) pp. 161-162; DESTREE, Monument Réginard (1919) ill. p.311; MONASTICON, Liège, (1928) p. 24-25; DEVIGNE, Tombes liégeoises (1925) pp. 248-253; DUPONT, Monuments en pierre de Theux (1926), pp. 31-33; YERNAUX, Atelier Italo-liégeois (1936) pp. 276-278; BROUERIUS, Voyage (1948) pp. 42-43; COLLON-GEVAERT, Flône (1950) p 32; Cat. exp. Liège, 1966 (1966) n° 22; RPMSB, canton de Liège II (1982) p. 55; DENHAENE, Lombard (1990) p.39, 348, ill. 41.

Jean de Crornois (ou de Coronmeuse, ou de Cromoye), nommé abbé de Saint-Jacques à Liège en 1507, réédifia la majeure partie des bâtiments de l'abbaye et poursuivit la construction de l'église que l'on voit encore aujourd'hui. Sa tombe, dont la qualité exceptionnelle fut toujours reconnue, fut enlevée par les occupants français pour être acheminée vers Paris, un temps perdue, retrouvée en 1857, pour être finalement acquise par le Musée du Louvre à Paris vers 1882. L'église Saint-Jacques à Liège en possède un moulage, dont la teinte blanche est à l'opposé de l'original, en calcaire de Meuse noir, et en affecte donc la lecture.

L'abbé de Cromois est représenté mort: les yeux fermés, les bras croisés sur l'abdomen; la crosse sous le bras et non en main, les plis des vêtements tombant à la verticale du corps couché, le coussin retenant la tête droite. Il est somptueusement vêtu. La dalmatique et la chasuble sont couvertes d'un décor de feuillages, décor qui se poursuit sur la mitre et sur le coussin; ses mains gantées sont chargées de plusieurs anneaux. La crosse est ouvragée du haut en bas, le crosseron orné d'une Vierge à l'Enfant sortant d'une fleur, le pommeau octogonal de figures de saints dans des niches.

La figure est présentée dans une niche, au tympan en coquille, sous un imposant portique architecturé. La liaison entre figure et architecture est opérée par le débordement de la crosse et de la mitre sur l'arcade de la niche; une tête d'ange ailée sert de support aux pieds, liant habilement le bas de la figure au décor architectural.

Le portique est composé de pilastres, flanqués de demi-pilastres en retrait; un léger décalage au niveau des chapiteaux et des piédestaux évite la sécheresse des lignes. Le piédestal est fort peu élevé et sa mesure répond à celle de la frise. Un tympan arqué couronne le portique. Toute cette architecture est recouverte d'un décor d'un relief uniforme, chapiteaux compris. Ce procédé autorise une double lecture de la sculpture, selon la distance à laquelle on l'observe: de loin la structure garde une parfaite lisibilité de formes, de près elle s'enrichit d'une vibration épidermique, par son décor. L'écueil d'une uniformité lassante de ce décor est évité par la plastique, aux coins supérieurs, de deux génies chevauchant des dauphins, taillés en un relief plus prononcé, presque en haut-relief.

Le décor des pilastres se construit sur une verticale: une tige dressée, sur laquelle se greffent divers motifs, de fruits, vases, oiseaux affrontés etc. Sur les frises ce sont des arabesques qui se déroulent, sur les dés des motifs affrontés. Dans tout ce décor luxuriant et charmant on note tout de même une image de Dieu-le-Père, dans un petit médaillon au milieu de la frise.

Brouerius qui mentionne la dalle en 1705, la dit se trouver à fleur de terre.

Si elle n'était pas posée sur pieds, le fort relief et le pourtour accusé par un chanfrein, devait toutefois empêcher de marcher dessus. L'inscription, taillée sur ce chanfrein est d'ailleurs à lire de l'extérieur. Rédigée par Paschale Berselius, elle se lit

CVRVIMOSANE DECVS FLOS GLORIA RELLIGIONIS
SICCINE NOS ORBAS HIC SITVS ANTE DIEM?
OMNIS TE SEXVS AETAS ORDOQVE REQVIRIT
FLAGITAT ET PATREM LEGIA TOTA SVVM.
EXTINCTVS VIVES DOMVS HAEC TIBI SACRA LOQVETVR
AVSPICIO CVIVS TAM BENE STRVCTA NITET.

Honneur de Cromois, fleuron, gloire de la religion
Est-ce ainsi que, déposé avant l'heure, tu nous prives de ta présence?
Hommes et femmes, gens de tous âges et de tout rang te requièrent
Et Liège entière te réclame comme son père
Mort tu vivras; cette demeure parlera pour toi
Elle qui, grâce â toi, resplendit dans son bel ouvrage.

Au bas des pilastres on lit encore:

IOANNIES CVRVIMOSANVS ABBAS / TRIGESIMVS OCTAVVSNOBIS EREPTVS EST ANNO / A VIRGIINEO PARTV 1525.

Jean de Cromois, trente-huitième abbé, nous a quitté l'an de l'Immaculée conception 1525

Curieusement, d'un monument aussi exceptionnel aucun document ne fait connaître ni l'auteur ni sa date de confection. Son décor, étranger dans le paysage pictural mosan au temps de l'abbé de Cromois, a fait attribuer diversement l'oeuvre à un artiste italien ou italianisant: oeuvre imprégnée d'italianisme (Destrée, 1919), oeuvre inspirée par la Chartreuse de Pavie (Devigne, 1925), oeuvre d'un élève de Benedetto de Ravezzano (Dupont, 1926). Sur base de documents d'archives découvertes par lui et attestant la présence à Liège d'un sculpteur italien nommé Nicolas Palardin (+ 1522) et de son fils homonyme (+1559), Yernaux (1936) attribue à ce dernier la dalle de l'abbé de Cromois, et date sa confection des années 1550-1552. Cette attribution est suivie par Collon-Gevaert (1949-50). Elle est, plus récemment remise en question par Denhaene (1990), que nous suivons: aucun document ne confirme cette hypothèse et il peut y avoir eu plusieurs artistes italiens à Liège, et encore de séjour intermittent.

La dalle a pu être exécutée du vivant de l'abbé de Cromois, mais en ce cas l'inscription, qui est un éloge funèbre, a dû être ajoutée après son décès. Un indice en ce sens est l'inscription au bas des pilastres qui serait, elle, antérieure au décès sauf la seule mention de l'année de décès. Sinon le commanditaire le plus plausible est son successeur Nicolas Balis, abbé de 1525 à 1551. Une question ouverte est de savoir si cette oeuvre est antérieure ou postérieure au mausolée d'Erard de la Marck.

On a noté des analogies de cette dalle avec deux autres, celle de l'abbé de Flône Philippe d'Orjo 1555, à Flône [HUY-80] et celle d'Arnould de Berlo (1538-1555) à Sclessin [197], analogies qui les ont fait attribuer au même atelier. On retrouve en effet sur chacune de ces trois dalles une même profusion de motifs décoratifs, mais aucun de ceux-ci ne se retrouve toutefois sur les deux autres dalles.


200. Tombe de Daniel Mauch


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LIEGE, église Saint-Jacques. Seuil de porte dans le choeur occidental.

1540. Calcaire de Meuse; gravure au trait. 18 x 100 cm. Fragment.

Bibl.: VAN DEN BERCH, Epitaphes, n° 934.

Daniel Mauch est un sculpteur qui, fuyant l'hérésie de son Allemagne natale, s'exila à Liège où il mourut après y avoir connu un succès certain. On lui attribue le jubé de l'église Saint-Jacques, placé aujourd'hui sous les orgues. De sa tombe dans cette église il ne reste qu'un petit fragment de l'inscription, en très belles capitales romaines, fragment d'une dalle servant de seuil de porte.

Le monument, dont on ne connaît pas l'aspect, fut érigé par Daniel Mauch, fils unique du sculpteur Daniel Mauch et de son épouse Rosa Stockerin. L'inscription comprend des données inhabituelles: elle mentionne de chacun l'âge à sa mort et le nombre d'années de vie conjugale

[VIXIT DANIEL ANN LXIII / ROSA LVII. IN MATRIMONIO UNA FUERUNT ANN. XXXVII. OBIIT] HAEC PRID. ID. JUL. ILLE XVI KAL. : (DECE)MBR. ANNO (C)HR. M D XL.: Daniel vécut 63 ans, Rosa 57; ils furent unis dans le mariage 37 ans et moururent, lui le 14 juillet, elle le 17 décembre 1540.

Le monument portait un blason.


222. Monument de Nicolas de Beaulieu

LIEGE, église Saint-Jacques. Sur une tablette, chapelle transept sud.

1551. Calcaire de Meuse; gravure au trait. 260 x 156 cm. Fragment.

Bibl.: GALLIA CHRISTIANA, t. 3, p. 980;VAN DEN BERCH, Epitaphes, n° 925 (1555 pour 1551); LAVALEYE, Saint-Jacques, p. 14-15; MONASTICON, Liège, (1928) p.25; RPMSB, canton de Liège ll (1982) p.55.

Nicolas de Beaulieu ou Balis, abbé de Saint-Jacques à Liège, succède en 1525 à Jean de Cromois et achève les importants travaux que celui-ci avait entrepris à l'église abbatiale. Sa tombe, réputée remarquable avant la Révolution française, fut ensuite dépouillée de ses ornements; elle pouvait encore se voir récemment telle que la montre une photo de l'IRPA, prise en 1956 (ci-contre). Cet ensemble a été démonté vers 1970 par le frère Joway, de l'école Saint-Luc, architecte de la Fabrique d'église; des fragments épars seul subsiste aujourd'hui un morceau de la partie inférieure, avec les quatre derniers vers de l'inscription.

Le champ central portait vraisemblablement une effigie de l'abbé. On voit sur le pourtour la trace d'incrustations de laiton, des quatrefeuilles aux angles et, sur les côtés, deux crosses, enlevées à la fin du 18e siècle. La composition laisse perplexe; on peut se demander s'il ne s'agit pas de la récupération des ornements et inscriptions d'un monument antérieur.

L'inscription de quatre distiques, relevée par Gallia Christiana, est gravés en belles capitales romaines


297. Monument de Léonard Gérardi


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LIEGE, église Saint-Jacques. Sur une tablette dans la chapelle transept sud.

1594. Calcaire de Meuse; gravure au trait. 45 x 102 cm et 45 x 102 cm. Deux fragments.

Bibl.: VAN DEN BERCH, Epitaphes, n° 917; SCHOOLMEESTERS. Epitaphes inédites, p. 135 (avec à la deuxième ligne SENEX pour POTENS); MONASTICON, Liège (1928) p. 25 ; RPMSB, canton de Liège II (1982) p. 55.

Léonard Gérardi fut prieur, ensuite abbé de Saint-Jacques à Liège, de 1584 à sa mort en 1594. Il ne reste de son monument funéraire que deux fragments avec inscriptions. Sur l'un on lit ces quatre vers latins:

PERVIGIL VNDENIS ABBAS QUI PREF VIT ANNIS

INTEGER & SANCTA RELLIGIONE POTENS

HIC LEONARDVS OBIT GERARDI INDICTA NOVEMBRI

TER QVINA ACCELERAnS LVXIT VT ORBE DIES

Abbé qui, toujours vigilant, règna onze années, intègre et maître en la sainte religion, Léonard Gérardi mourut ici, lorsque le jour inachevé du 15 novembre, accélérant sa course, s'éteignit. Sur l'autre fragment, la simple mention:

OBIIT ANNO M D XCIIII XV 9BRIS

Il mourut le 15 novembre 1594.

Ce qui confirme le chronogramme que font ensemble les 3e et 4e vers de la première inscription, caractérisée en outre par son style ampoulé.


308. Dalle de Martin Fanchon

LIEGE, église Saint-Jacques, bas-côté nord.

Vers 1611. Pierre de Meuse, taillée en méplat et gravée. 270 x 44 cm. Fragment.

Bibl.: VAN DEN BERCH. Epitaphes, n° 935; MONASTICON Liège, p. 26.

La dalle a été dépecée au 18e siècle; un fragment a servi à tailler le linteau du portail dans le bas-côté nord de l'église. On n'y voit qu'un morceau du texte, placé à droite d'une verticale qui semble le bâton de la crosse dont apparaît également le sudarium. L'inscription qui a été notée par Van den Berch nous apprend que le 52e abbé de Saint-Jacques mourut le 10 des calendes de décembre 1611 à l'âge de 60 ans après 17 ans de prélature, et qu'il avait orné l'église d'oeuvres superbes.

[R. D. MARTINUS ] FANCHON H. [S. E. HUIUS MONASTERII ABBAS XLII.] QUEM D[IGNITATIS SUBLIMITAS NON MAGE V]ENERANDUM Q[UAM PIETAS. ET MORUM FACTS MODESTIA] SUIS AMABILEM [MAGNATIBUS CARUM OMNIBUS GRATUM] REDDIDIT. [AEDEM HANC PILCHERIMIS] OPERIBUS ADO[RNAVIT. OBIIT DIUTINA INVALETUDI]NE ANNO D. [NI M. DC. XI, X KL. DECEMB. AETATIS] SUAE LX. PRELAT. [XVII. PIE LECTOR QUIETEM A]PPRECARE.

Van den Berch nota également la dédicace de l'oeuvre évoquée dans l'inscription et qui est l'ancien jubé, inauguré en 1602. La grande simplicité de la dalle funéraire tranche avec la somptuosité et la richesse de ce fameux jubé, aujourd'hui démantelé et dont d'importantes parties furent remontées pour en faire des retables d'autel, aujourd'hui placés au fond des collatéraux.

L'inscription fait aussi allusion à l'état précaire de sa santé, qui l'empêcha de gouverner à la fin de sa vie.


395. Dalle de Gilles Lambrecht

LIEGE, église Saint-Jacques. Au mur, sous la tour.

Avant 1646. Calcaire de Meuse. 266 x 149 cm.

Bibl.: Catalogue IAL 1864 (1864) n° 64; RENIER, Inventaire (1893) p. 326; SCHOOLMEESTERS, Epilaphes inédites (1908) p. 136; GOBERT, Rues de Liège (1924-29) 6, p. 276; MONASTICON, Liège (1928) p. 26-27; RPMSB, canton de Liège II (1982) p. 55; WEERTS et KEFER, Catalogue (1985) n° 52, pl. 40.

La pierre tombale de l'abbé Gilles Lambrecht, mort en 1646, fut cédée par son successeur, l'abbé Rennotte, en 1741 pour servir de pierre de fondation du pont d'Amercœur où elle fut découverte lors de son déblai en août 1859. Elle fait partie des collections du musée Curtius en 1864 et fut mise en dépôt à l'église Saint-Jacques en 1892.

Fort large pour sa hauteur, elle présente une composition fortement affirmée par l'architecture. L'effigie est debout, dans une niche faite d'un arc en plein cintre reposant sur des pilastres cannelés et, au bas, ornés de rinceaux. La niche est inscrite dans un portail monumental où de larges pilastres supportent un fronton brisé. Un jeu quelque peu monotone de rinceaux orne les pilastres; leurs chapiteaux sont surchargés de profils étagés et font fi de toute architrave. Dans la brisure du fronton trône, coiffé de sa mitre, le blason de l'abbé avec sa devise VIRESCIT ICTA VIRTUS, tiré du philologue latin Aulu-Gelle: Sa blessure accroît son courage. Deux petits génies, couchés sur les rampants du fronton, exaltent le blason, qui est: tiercé en fasce, au premier à trois haches inclinées, au second plein, au troisième à l'escot branché et feuillu chargé de glands.

Debout dans sa niche, les yeux légèrement entr'ouverts, le gisant est toutefois représenté dans la pose du mort, les mains croisées sur l'abdomen, les plis des habits retombant. Sous sa tête un énorme coussin informe; sous les bras une crosse dont le crosseron est orné d'un homme lisant un livre.

Le décor est traité en un relief qui va en s'accentuant vers le haut, où la plastique des petits génies est portée par la vibration de la succession de profils horizontaux au niveau des chapiteaux.

Le cartouche au bas de la composition porte l'inscription gravée

HIC IACET Reverendus Dominus AEGIDIUS LAMBRECHT / HVIVS Monasterii XLIIIius ABBAS HVMANTTATIS ET / MVNIFICENTIAE SINGVLARIS. OBIIT A° DomiNI M D C XLVI / DIE IIa IVNY AETATIS SVAE LXXXV (PREL)ATURAE / XXXV. REQUIEM ET APPRECARE: Ci-gît le révérend sire Gilles Lambrecht, 43ème abbé de ce monastère, singulier par son humanité et sa munificence. Il mourut l'an du Seigneur 1646, le 2 juin, à l'âge de 85 ans et après 25 années de prélature. Paix et prière.

La pierre tombale de l'abbé Lambrecht a pu être réalisée après son décès, comme le laisse suggérer l'éloge dans l'inscription, mais l'inscription peut avoir été portée sur une dalle depuis longtemps prête, ce que peut suggérer le grand âge de l'abbé lors de son décès. On se souviendra que l'abbé Lambrecht fut le commanditaire de la tombe de Baldéric, datée de l'année de sa mort 1646 [401].

Les multiples affinités de la dalle de l'abbé avec celle de l'évêque Baldéric et les nombreux détails et défauts qui s'y retrouvent identiques, ne laissent pas de doute sur le fait qu'elles sont dues au même auteur.


401. Mausolée de Baldéric de Looz


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LIEGE, église Saint-Jacques. Au mur, transept sud.

1646, cadre vers 1750. Marbre noir; taille en bas-relief 221 x 97 cm avec l'encadrement 298 x 169 cm.

Bibl.: BROUERIUS, Voyage, p.41-42; VAN LOON, Ho/i. Histori, p.276 ; ULg, ms Henrotte,

VD47, p. 243, 244; MARTENE et DURAND, Voyage, p. 172; HELBIG, Histoire de la sculpture (1889) p. 165 ; RENIER, Inventaire (1893) p. 327; DEVIGNE, Tombes liégeoises (1925) p.256; HENDRIX, Saint-Jacques (1928); BRASSINNE, Monuments disparus (1938) pp. 180-184; RPMSB, canton de Liège 11(1982) p. 55.; KOCKEROLS, Baldéric.

Le prince-évêque Baldéric de Looz est le fondateur de l'abbaye de Saint-Jacques à Liège. A ce titre sa sépulture dans l'église abbatiale jouit d'une considération constante, quoique variable. Sa tombe fut ainsi déplacée à deux reprises, en fonction de la place que l'on estimait devoir lui réserver à l'origine dans la crypte qu'il avait lui-même consacrée en 1014, ensuite au milieu du choeur reconstruit après 1513 et encore à cet endroit lors de son renouvellement en 1646, enfin reléguée dans le transept vers 1750, dans l'actuelle chapelle du Sacré-Coeur.

Le monument tel qu'on le voit aujourd'hui se compose d'un cadre de pierre, orné d'un décor rocaille et datant de 1750 environ, cadre placé à l'entour de la dalle datant de 1646 et présentant l'effigie de l'évêque Baldéric.

L'homme est représenté mort, les yeux fermés, les mains croisées sur l'abdomen. Le visage est grave; la moustache et la barbe signent la mode de l'époque. Il porte sur les épaules une lourde chape tenue par un gros fermoir, retombant mollement au niveau des jambes. Ses mains gantées retiennent la crosse, dont le crosseron est orné d'une Vierge assise tenant l'Enfant sur ses genoux. Sur sa tête une imposante mitre, parée d'un cabochon et ornée d'un fin décor gravé. L'effigie, vue de face, comporte maints défauts: les mains très petites, les bras trop longs, les plis au bas du vêtement indécis. L'effigie, dont la tête repose sur un large coussin, est logée dans une niche dont les caractères architecturaux sont supplantés par ceux d'un décor baroque, de belle qualité. Suivant une typologie liégeoise une grande ampleur est donnée à la partie supérieure du décor environnant le gisant, particulièrement par un relief plus accusé du motif récurrent de deux angelots, dérivés des petits génies antiques, accostant les armoiries. Un angelot tient une palme, l'autre une branche de laurier et de leur autre main le cartouche inscrivant le blason de Looz (burelé). Coiffant les armes, un chapeau à trois toupets. Sur les côtés de l'effigie le motif de l'ange est repris par quatre ravissantes têtes ailées, disposées sur des pilastres ornés de rinceaux gravés et ponctués de cabochons de marbre rouge.

A l'origine cette dalle était placée horizontalement. Une gravure d'époque (VAN LOON, op. cit.) nous la montre couvrant le haut sarcophage d'une tombe élevée. Sur la face de tête du coffre, orientée vers le maître-autel, on lisait l'inscription suivante:

DOM. / BALDRICO AC LEOD EPISC FUNDATORI / NOSTRO HANC TUMBAM CONSTRUI FECIT R. D. / AEGIDIUS LAMBRECHT ABBAS H. L. A° 1646 / ERIGI CURAVIT R. D. AEGID DOZIN EJUS SUCCESS: L'abbé Gilles Lambrecht fit faire cette tombe en mémoire du seigneur Baldéric, notre fondateur et évêque de Liège, l'an 1646. Son successeur Gilles Dozin la fit ériger.

L'abbé Lambrecht mourut le 2 juin 1646, laissant donc le monument inachevé. Sur le bord de la dalle se lisait une autre inscription, gravée sur des lames de cuivre, que le dessinateur a soigneusement copiée en regard des côtés où elle n'est pas visible:

BALDRICUS PRAESUL LEODIENSIS GENERE COMES LOSSEN HIC REQUIESCIT QUI SUB IMPERATORE HENRICO HOC COENOBIUM INCHOAVIT A° 1014 VERUM MORTE PUENT SUB EODEM IMPERFECTU RELIQUIT ANNO 1017: Ici repose Baldéric, prince de Liège, du lignage des comtes de Looz, qui sous l'empereur Henri fonda ce monastère l'an 1014 et le laissa inachevé à sa mort inopinée l'an 1017.

Cette inscription reprend, partiellement, celle de la tombe précédente de Baldéric [14]; elle en rectifie l'erreur historique qui plaçait la fondation au temps de l'empereur Otton III; elle ajoute encore deux dates. C'est elle que transcrivit Brouerius en 1705, qui l’aurait selon Halkin, qui confond les deux inscriptions, mal copiée.

Un dessin de la même époque (1646-vers 1750) montre de la tombe une vue en élévation d'un long côté et du côté opposé à l'autel (ms Henrotte, op. cit.). Le dessin semble être fait pour montrer le blason qui s'appuyait sur la petite console aux pieds du gisant. Le blason est celui de Lambrecht et le mot COENOBIUM bien mis en évidence, confirme le point de vue.

Le pseudo-sarcophage reprend une typologie déjà ancienne: le profil arrondi suggérant celui d'un sarcophage, entre deux bandes, le tout sanglé de pilastres. Le modèle s'est abâtardi: il manque la bande supérieure qui doit recevoir les chapiteaux de ces pilastres, dont ne restent ici comme décor que ceux des crocs de pattes de lion à leurs bases. La bande inférieure est ornée de panneaux avec vague décor de rinceaux et ailleurs de cabochons en forme de pyramide tronquée, répondant aux cabochons de marbre rouge sur les pilastres de la dalle.

Lors de son transfert le monument perdit ses lames de cuivre avec l'inscription. Celle qui se trouve à la partie inférieure du cadre reprend celle de 1646 mais en laissant tomber toute la partie après la date '1014'. En ne retenant que la date de fondation et écartant la date de décès, le dernier commanditaire privilégie l'aspect de mémorial à celui de tombe.


461. Carreau de Gilles Gryte


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LIEGE, église Saint-Jacques. Transept sud.

1669. Calcaire de Meuse; gravure au trait. 35 x 35 cm.

Carreau de pavement commémorant Ae (Gilles) Gryte, prieur de Saint-Jacques â Liège, mort en 1669.


470. Dalle d'André Séverin et Anne Thourinne


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LIEGE, église Saint-Jacques. Au mur ouest, choeur occidental.

Après 1673. Calcaire de Meuse; taille en bas-relief. 130 x 74 cm.

BibI.: RENIER, Inventaire (1893) p. 325; LOHEST, Catalogue 1905 (1905) n° 7023; RPMSB, canton de Liège II (1982) p. 55.

André Séverin, mort en 1673, est l'auteur des orgues de l'église abbatiale de Saint-Jacques à Liège. Par deux fois il y est fait allusion dans l'inscription de la dalle funéraire que son fils fit faire en mémoire de ses parents. Voici cette inscription, peu commune

ANDRE EVERIN EN SON ARTE SANS PAREILLE

NOUS A FAIT CES ORGUES, L'UNE DE SES MERVEILLES

RECEUT A MAESTREICHT SA VIE ET SON ESTRE

ET MOURUT REMPLI DE GRACE DANS CE CLOISTRE

ANSI D'UN DESTIN TRES-HEUREUX

SON CORPS REPOSSE DANS CE LIEUX

SON AME ESCLATTE DANS LES CIEUX

ET SON OUVRAGE AU MILIEUX

REQUIESCAT IN PACE

Mr F. SEVERIN A FAIT METTRE CETTE PIERRE

EN MEMOIRE DE SON PERE ET DE SA MERE

Mle ANNE THOURINNE AMBEDEUX

MARCHANTS DE LIEGE 1673

La dalle des parents de Séverin est également remarquable quant à sa composition et sa décoration. En pleine période baroque, où le talent de beaucoup de tombiers n'égale pas le souffle ou l'emphase de leurs compositions, l'auteur de cette oeuvre fait montre d'une rare sobriété, non dénuée de monumentalité ni d'élégance. Il reprend la composition en deux parties, haute et basse, dévolues à l'héraldique et au texte, en jouant sur la valeur expressive de la géométrie un cercle dans un carré et deux carrés. L'anneau inscrivant les blasons est circulaire, il est accosté en diagonales de formes purement géométriques, il est surtout marqué par son épaisseur, et par son ornementation de fleurs et de feuilles. Dans l'écoinçon supérieur droit on pourrait apercevoir l'amorce d'une tête d'ange ailée; peut-être le sculpteur s'est-il ravisé pour garder la force expressive de la forme géométrique non figurative.

Les blasons sont de lecture difficile; celui de gauche est à une fasce, deux lances posées en sautoir la pointe vers le haut, sur le tout un écu en abîme, chargé d'un motif indistinct. Celui de droite est écartelé, en 1 et 4 un lion, en 2 et 3 un motif indistinct.


479. Carreau de C. Neufcour


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LIEGE, église Saint-Jacques. Transept sud.

1675. Calcaire de Meuse; gravure au trait. 35 x 35 cm.

Carreau de pavement commémorant D. C. Neufcour, mort en 1675.


631. Carreau de Charles de Parfondry


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LIEGE, église Saint-Jacques. Au sol, 4e chapelle de l'abside.

1724. Marbre blanc, cerné de carreaux de marbre rouge; gravure. 56 x 56 cm.

Bibl.: RPMSB, canton de Liège II (1982) p. 55.

Charles de Parfondry, chantre et économe de l'abbaye de Saint-Jacques, fit réaliser en 1709 un pavement de carreaux de marbre rouge de Saint-Remy dans la chapelle axiale de l'abside, ce dont atteste un carreau de marbre blanc y inséré.

Dans une autre chapelle, pavée de même, il fit faire de son vivant ce carreau funéraire, de marbre blanc finement gravé. On y voit son blason surmonté d'un phylactère et entouré de feuilles de houx, posé sur un cartouche au contour envoluté. Le blason PARFONDRY: une fasce ondée, accompagnée en chef d'une aigle bicéphale et en pointe de trois feuilles de chêne posées en pal.

L'inscription sur le cartouche, et dont la date de décès a été gravée par après se lit:

DomiNVS CAROLVS DE PARFONDRY / HVIVS QVONDAM MONASTERY / CANTOR ET OECONOMVS / OBYT AO 1724 / MENSE MARTII / DIE 7a / RIP.: Sire Charles de Parfondry, qui fut chantre et économe de ce monastère, mourut le 7 mars 1724. Qu'il repose en paix.

Sur le phylactère on lit encore: HANC SIBI CONSTRAVIT MORITVRO VIVUS ARENAM: Vivant mais devant mourir il se fit faire ce pavement.


679. Carreau de Nicolas Jacquet


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LIEGE, église Saint-Jacques. Chapelle transept sud.

1741. Calcaire de Meuse; gravure au trait. 45 x 45 cm.

Bibl.: MONASTICON, Liège, p. 29; RPMSB, canton de Liège II (1982) p. 55.

Un monument à l'abbé Nicolas Jacquet n'est pas connu. Un carreau de pavement indique le lieu de sépulture du 50ème abbé de Saint-Jacques. Il porte cette inscription: HIC JACET / RV DMVS AC APMus / DNVS D NICOLAUS JACQUET / HUIUS MRII ABBAS / 50 QUI OBIIT 24 JUN / ANNO 1741 RIP: Ci-gît le révérend et très grand sire, sire Nicolas Jacquet, cinquantième abbé de ce monastère, qui mourut le 24 juin 1741. Qu'il repose en paix.


685. Carreau de Lambert Denys

LIEGE, église Saint-Jacques.

1744. Calcaire de Meuse. 24x24 cm.

Bibl.: RPMSB, canton de Liège II (1982) p. 55.

Commémore Lambert Denys, receveur de l'abbaye de Saint-Jacques à Liège, mort en 1744.


748. Dalle de Pierre Rennotte et Antoine Maillart

LIEGE, église Saint-Jacques. Sur un socle, transept sud.

Après 1781. Marbre blanc et calcaire de Meuse. 210 x 110 cm.

Bibl.: MONASTICON, Liège, (1928) pp. 29-30; RPMSB, canton de Liège II(1982) p. 55.

Dalle conjointe de deux abbés de Saint-Jacques à Liège, Pierre Rennotte et son successeur Antoine Maillart. L'un a entamé, et l'autre poursuivi des travaux de modernisation de l'église, qui ont entraîné la disparition de nombreux monuments funéraires se trouvant dans le pavement. La démarche parut assez importante que pour être signalée dans l'éloge funèbre de cette dalle, réalisée par leur successeur, après 1781, au moment où l'abbaye était en passe de se voir sécularisée. La dalle est le dernier témoin funéraire de la vie monastique, où les deux abbés iconoclastes reçurent un hommage empreint de digne élégance. Le calcaire noir et le marbre blanc s'y allient. Sous les blasons, unis par une même guirlande, une banderole porte leurs devises respectives CANDIDE ET JUSTE: Avec candeur et justice et ZELOSE ET FORTITER : Avec zèle et force.

L'inscription latine se traduit ainsi

Ici gisent les révérends et très grands seigneurs, sire Pierre Rennotte, 51e abbé et sire Antoine Maillart, 52e abbé. Le premier ayant un coeur selon Dieu, paissait son troupeau par la parole et l'exemple; il a modifié l'église pour la rendre plus élégante, comme on peut la voir maintenant; il vécut comme un saint et mourut de même, le 12 décembre 1763. Le second, professeur de théologie, appelé à l'abbatial, aimé de tous, mit sa gloire à être plus aimé que craint par ses confrères, et ne la plaça pas dans les louanges des hommes; il mourut le 18 février 1781. Priez pour eux.

Les blasons sont RENNOTTE: un chevron chargé en chef d'une fleur de lis accompagné en pointe d'une grenouille(?); MAILLART: en coeur un écu, brochant sur le tout une bande chargée de trois maillets, posés dans le sens de la bande.

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