WWWCHOKIER


1er colloque international sur la détérioration des pierres en oeuvre.

LA ROCHELLE (Charente maritime, France) 1972

H.F. JOWAY

Directeur de l'institut Supérieur de Restauration de Monuments Anciens. Liège (Belgique)

ETUDE CRITIQUE D'UN EDIFICE ANCIEN EN VUE DE SA SAUVEGARDE

Application au Westbau de l’église Saint Jacques à Liège



RESUME

Le cas concret retenu est celui des avant-corps romans (XIe - XIIe siècles) construits dans la région de Liège (Belgique), en grès houiller. Il y a urgence d'interventions en plusieurs d'entre eux: chute de fragments, disparition des profils... C'est aussi un problème qualitatif à cause du nombre d'édifices en ce matériau, à cause de l'atmosphère de type industriel de la région liégeoise... Mais aussi à cause des possibilités d'étude sur place: laboratoires universitaires, soucis de la ville pour sauvegarder son patrimoine, notre Institut Supérieur de restauration de Monuments anciens... L'étude doit se conduire concrètement en équipe: édifice construit, soumis aux intempéries, devant satisfaire à certaines sujétions de service, devant s'inscrire dans un environnement physique et humain, appartenant au patrimoine culturel.., donc nécessairement étude et travaux à conduire en équipe par un auteur de projet sensible aux valeurs humaines et techniques et susceptible d'être un catalyseur d'analyse et de synthèse.

L'édifice en cause est formé d'un bahut en grès houiller, orné à l'extérieur d'arcatures et de bandes lombardes, surmonté d'une partie en briques et d'une toiture en appentis contre une tour centrale. Dimensions en plans 10 X 23 m, hauteur 22 m, épaisseur des murs au moins 1 m. Les parements en grès houiller se moulinent et se ravinent sur des profondeurs parfois de plus de 10 cm; les arêtes s’épautfrent; les profils d'origine s'estompent et disparaissent. Les parties en briques datent du XVIIe, au moment où deux tours latérales endommagées par la foudre ont été démontées. La tour centrale d'origine a ses parties extérieures très précaires et très ruinées; celles à l'abri sous la toiture de la nef accusent aussi une altération. A l'intérieur de cet avant-corps, les parements d'origine sont aussi profondément ravinés.

Face à cette situation, l'auteur de projet chargé de la remise en état s'est informé sur les matériaux mis en oeuvre (état actuel, origines, matériau éventuel de remplacement); sur les conditions d'environnement de l'édifice et sur son comportement; sur les conditions présumées d'altération chimique et physique; sur les possibilités de protection; sur les critères à imposer au matériau de remplacement ou sur le matériau traité. A la suite de ces informations, les convergences les plus favorables vont être esquissées de manière à pouvoir connaitre à leur propos le sentiment des participants à ce Colloque du CREO, connaître des références concrètes d'applications sur chantier… de manière à pouvoir valablement engager le chantier de sauvegarde et sa préparation.

Le matériau utilisé est parfois du grès famennien, le psammite, appartenant aux terrains primaires dévoniens, avec forte teneur caractéristique en feldspath potassique et en mica sodique. Le plus souvent le matériau est du grès houiller ou westphalien, au sommet des terrains primaires. Texture quartzitique, grains de 0,1 à 0,2 mm; forte teneur en AL203, plaques sériciteuses, teneur aussi en feldspath, mica et matières organiques. Le feldspath et les plaques sériciteuses constituent des parties faibles à ce grès: ils feuillètent la pierre et favorisent l'adsorption de l'eau. De par sa nature, le grès est une roche statifiée; son comportement dépend de son ciment. Les éléments de ce ciment peuvent migrer vers la surface et provoquer l'effeuillement; la porosité est très réduite, ce qui rend aléatoire les déductions à partir de la porosité. Le grès famennien peut se trouver facilement en carrière dans la vallée de l'Ourthe (affluent de la Meuse) ou sur ses plateaux avoisinants. Le grès houiller employé autrefois provenait de l'exploitation charbonnière; des affleurements de bancs semblables sont connus dans la région liégeoise.

Le type d'altération de ce grès houiller est caractéristique: l'atmosphérisation des parements en grès houiller permet de le reconnaître à distance.

Parmi les causes d'altération interviennent plus ou moins celles de nature chimique: l'ion sulfate d'un bassin industriel, provoquant le foisonnement du gypse, polluants gazeux provenant des combustions ou des gaz d'échappement. Causes de nature bactériologique, peut-être mais non expérimentées. Surtout causes de nature physique, comme la gélivité, les expansions de nature diverse, la migration de sels solubles à partir des joints...; causes physiques actives aussi à l'intérieur (ravinements...). Le grès houiller a un ensemble de caractéristiques favorables à cette altération physique: coefficient de dilatation triple de celui du calcaire et une faible variation relative de T° suffit à la fissuration; feuilletage qui favorise ces différences thermiques; conductibilité thermique quatre fois plus grande dans le quartzite que dans le mortier des joints (condensations...); plages sériciteuses, qui s'imbibent d'eau (gélivité), qui provoque des gonflements; texture quartzitique favorable aux micropores, qui rendent le matériau gélif; texture qui rend plus sensible au cisaillement du choc thermique, qui localise en surface les traitements de protection (pression de traitement qui ne peut augmenter à cause de la stratification); kaolinisation des grains de feldspath...

Correspondant à cette situation, la protection pourrait s'envisager par un traitement en surface, avec imprégnation progressive, laissant respirer la pierre: par exemple avec le fluosilicate, des résines vinyliques, urée-formol, résorcine-formol, acrylate de Ca..., par des pulvérisations par exemple avec vernis à base de methyl-cellulose, avec des silicones esters, des solutions de siliconates, de soude et latex. Certains produits huileux ou à base de paraffine ne peuvent s'envisager que pour l'intérieur. Des consolidations peuvent s'obtenir par des esters de silicones, par des résines acryliques. Ces traitements demeurent cependant aléatoires, tant par référence de tests expérimentaux, que par les circonstances de l'emploi actuel éventuel.

Un matériau de remplacement doit donc s'envisager, ne fusse que pour les parties extérieures à compléter. Les matériaux de même provenance géologique doivent satisfaire à un ensemble de critères, qui seront des indices de comportement: E dynamique déterminé par ultrasons, densité apparente, dureté superficielle, résistance à compression; la microporosité indiquée par la succion capillaire, le coefficient de saturation S indiquant le rapport entre la quantité d'eau absorbée par simple immersion à froid pendant 48 heures et la quantité d'eau absorbée de force par immersion à ébullition pendant cinq heures.

Ce matériau devra être en plus soumis à certains tests: par exemple gélivité testée par la méthode de la coupelle ou celle du gel superficiel à la saumure, avec dégradations estimées par la réduction de la vitesse des ultrasons ou par le facteur de durabilité (variation du E dynamique en fonction du nombre de cycles gel-dégel). L'eau employée à ces tests peut être de l'eau de mer, de l'eau légèrement acidulée ou chargée par cultures bactériennes. Les variations de longueur au cours du cycle sont aussi indicatrices. Les test à la corrosion accélérée peuvent être un cycle séchage/contacts avec vapeurs d'eau/gel à - 15 °C / contacts avec vapeurs acides en atmosphère humide / action d'ultraviolets; appréciation de la dégradation par pesées.

Le grès houiller doit être associé au mortier des joints. Ceux-ci doivent aussi résister à l'atmosphérisation: sulfatation, gélivité (texture améliorée par agents entraîneurs d'air), mais ils doivent en plus avoir un comportement physique analogue à celui des pierres: dilatation, conductibilité thermique, porosité, ne pas contenir de sels solubles susceptibles de migrer vers les grès. Des compositions de mortier peuvent certainement être préconisées: chaux, AEA, sable de rivière.., mais l'expérimentation doit être poursuivie sur maçonneries réelles.

Un contrôle, de longue durée, pour le cheminement de l'humidité dans la maçonnerie, par l'absorption neutronique ou par les variations de résistance électrique, de même que le contrôle de l'environnement permettraient d'affiner la compréhension des phénomènes et le comportement du matériau et de sa protection: prévenir coûte moins cher que guérir (quand on le peut encore!).

1. Considérer l'entité de l'oeuvre.

a) Porteuse de valeurs, significatives à un niveau au-delà de l'analyse;

b) Comprise dans un état évolué.

2. En général, les altérations sont à comprendre en fonction de l'entité de l'oeuvre; sont à traiter par une restauration intégrée et discrète.

3. L'édifice ancien étudié est le Westbau de l'église Saint Jacques à Liège:

a) Description: intérieur à deux niveaux; extérieur: allure générale massive, surmontée d'une tour centrale.

b) Signification architecturale: art mosan rhénan, avec décorations lombardes.

c) Altérations: parements extérieur et intérieur ravinés et exfoliés en général, sur 10 à 15 cm de profondeur; érosion des reliefs, chute de fragments.

4. Le matériau grès houiller

a) Sa composition: grès argileux et micacé (plages de séricite) avec ciment calcareux.

b) Son altération associée: composition stratifiée, plages de séricite, aux éléments calcaires.

5. Les causes

a) Les causes chimiques

1) Internes migration intérieure, les alcalis, les sulfates.

2) Externes atmosphère urbaine et industrielle, surtout S02.

b) Les causes physiques

1) Variations de volume: température, humidification.

2) Atmosphérisation associée à la microporosité.

3) La saturation critique le coefficient S.

4) La gélivité son expérimentation.

c) Causes à associer avec le mortier des joints.

6. Traitement

a) Traitement de la pierre

1) Imperméabilisation capillaire, surtout par les silicones, les fluates, les résines acryliques.

2) Consolidation, surtout par les fluates, les résines acryliques.

b) Amélioration du mortier: PVA et résines acryliques.

7. Expérimentation rapide des résultats

a) Critères physiques.

b) Essais rapides.

c) Septicisme mitigé pour une prophylaxie générale.

8. Solutions envisagées pour le Westbau de l'église Saint-Jacques.

ABSTRACT.

1) The varying possible interventions can only be conceived and understood by a team-work of different specialists and in considering the whole work. This totality carries its own values, which exceed the simple.

2) Level of analysis. The deteriorations of the materials have to be studied in the a gregate and their treatment will be as often as not by an integrated and sober restoration.

3) The studied edifice is the Romanesque west part. of St Jacques' In Liège twelfth century. This "westbau" is Romanesque with "lombardes" ornementations; the upper partse have been modified in the 17th century owing to the demolition of two side towers.

The ascertained deteriorations' are principally an inside and outside erosion, on a thickness of 10 to 15 cm of the whole surface, with destruction of any relief component and fall of stones. These deteriorations besides are frequent and generalized to all the old buildings of the same epoch.

4) The concerned materials is the "carboniferous sandstone", coming from near stone-quarries, as often as not subterranean, in old coal-mines. Its composition is that of a clayey and micaceous sandstone, with calcareous cement; its deterioration is bound to its stratified composition with the beds of mica and with the presence of calcareous elements.

5) This composition means that the deterioration is principally physical, with sulphatation of the salts coming from the calcareous elements.

6) Comes further an enumeration of some protective and strengthening devices, about which the author of the communication would like to know the opinion of the members of the meeting, so as to be able to validly direct his own researches. Among the main treatments, the silicone the fluates and the acrylic resins can be frequently found again.

7) The results achieved by these protections have to go through an experimentation before we can propose their application to the effective stones. This lab-experimentation must comprise physical test and reinforced deterioration tests. The concrete experimentation of several years gives a feeling of general scepticism for the outdoor realizations.

1. Comme le mentionnait bien le premier communique du CREO, la détérioration des pierres en oeuvre exige des échanges entre les laboratoires et les architectes, exige bien une étroite liaison entre tous ceux qui s’intéressent à la maladie de la pierre: cvependant il ne faut pas que la maladie cache le malade, que la dispersion fasse perdre de vue l’édifice en cause. Toute intervention comme toute déduction doit se faire par une approche globale, par niveaux successifs imbriqués, et dans la perspective de l’entité de l’œuvre. C’est dans la valorisation de cette entité que doit se reconnaître l’intervention de l’architecte:

Cette entité dans le patrimoine culturel est porteuse de valeurs: valeur d'espace et d'équilibre, valeur de stylistique et de langage: rythme et couleurs, matériau.... valeurs éthiques... L'analyse seule ne peut cerner ces valeurs. La compréhension de l'entité de l'oeuvre ne sera complète que par le dialogue avec l'oeuvre, à un niveau au-delà de l'analyse et qui tend vers la synthèse des phénomènes « perçus ». Parmi ces phénomènes « ressentis » peuvent être les intentions esthétiques et fonctionnelles de l'auteur, les raisons du choix du matériau, les modes de façonnage, l'environnement physique et humain...

Cette entité, est-elle celle des origines, celle de l'état primitif, l'état de l'oeuvre au moment où son auteur la considère comme achevée? Il y a souvent pluralité d'auteurs, et les faits sont toujours interprétables. Cet état primitif est donc problématique: c'est une hypothèse que l'on s'efforcera de cerner le mieux possible, avec toutes les ressources disponibles. L'entité ne peut être que celle d'un état évolué: évolution même de l'état matériel de l'édifice dans son environnement socio-économique et physique, évolution dans les conceptions esthétiques... : peut-on maintenant concevoir la polychromie antique des temples grecs (le Parthénon bariolé :), la polychromie des portraits romans et gothiques. Au château d'Attre (Hainaut belge), les tons pastels retrouvés dans un salon classique, étaient en réalité très vifs au début, comme l'ont montré les rouleaux de papier d'origine retrouvés biens conservés. Nous connaissons certains monuments véritables écorchés vifs, sous prétexte de décapage de la maçonnerie; nous connaissons aussi les prétentions du néo-gothique à vouloir faire du « gothique véritable ».

2. Des modifications sont intervenues, inéluctables, au cours de l’ « histoire » de l'édifice: processus naturel de dégradation, fonctions diverses, interventions ultérieures, atmosphérisation... L'état primitif en est modifié: que signifient ces altérations? Cela dépend nécessairement de la nature de la pièce concernée: moellon de parement ou saillie sculptée. Cela dépend aussi de la nature et de la signification de l'œuvre: pour une oeuvre précaire, on acceptera une chute rapide. Pour une oeuvre plus durable, son évolution dans le temps se fera en « dents de scie »: descentes par dégradations naturelle ou dépréciation culturelle (édifice du XIXe siècle, souvent déprécié), remontée (parfois supérieure à la valeur d'origine) par un courant culturel ou par une promotion d'affectation. La signification de l'altération dépend aussi de l'intention esthétique dans la création artistique: un détail modifié pourra disparaître dans une plastique de masse, comme celle de l'édifice qui sera considéré.

En raison de l'entité de l'oeuvre, même dans le sens évolué, comment vont se traiter les altérations? Peut-être simple conservation, mais souvent l'état de vétusté ou la fonction ne permettent pas de s'y limiter. Ce sera le plus souvent une restauration intégrée discrète. Dans sa forme modeste, cette restauration atténue par des ajoutés les dégâts les plus gênants, tout en tolérant que l'oeuvre reste dans un état fragmentaire et avec des apports d'âges successifs. Elle reste pourtant une interprétation critique, appuyée sur une sensibilité critique; elle est essentiellement subjective, sans toutefois être arbitraire, puisqu'elle est basée sur une meilleure connaissance de la matérialité de l'oeuvre et de tout le contexte physique et humain, et sur l'analyse critique qui en aura été faite. Cette tâche est essentiellement et nécessairement une entreprise humaine et la solution la plus naturelle est souvent la plus difficile à trouver. Toute intervention devrait être discrètement discernable pour un oeil averti, mais parfaitement intégrée à l'ensemble; elle devrait être aussi « récupérable » si elle s'avère nocive dans le temps. Cette identification d'intervention préconisée par la notion édifice = document d'histoire est une notion du XVIIIe siècle seulement. La fonction, l'entretien, le vieillissement inévitable… font admettre des interventions. La reconstitution ou la réinvention des formes perdues n'est qu'un simulacre de création: les éléments reflètent immanquablement l'esprit de leur époque et l'interprétation personnelle de leur auteur. Le matériau original lui-même a vieilli et a atteint un stade d'équilibre relatif; le nouveau matériau aura aussi un comportement historique, qui pourra diverger.

L'appréciation de la patine et son traitement présenteront plusieurs alternatives, d'allure fort émotive. C'est pourtant l'aspect qui résulte des divers phénomènes dus au vieillissement, à l'usage; ce sont des évolutions normales, qui affectent l'aspect de l'oeuvre sans la défigurer. Là encore une saine critique, aussi bien esthétique que technique devra intervenir, malgré toutes les incertitudes actuelles et les évolutions inconnues.

3. Connaître le mieux possible le cadre historique et artistique qui a vu naître l'édifice permettra encore de mieux en saisir l'entité et son évolution, La partie occidentale (le Westbau) de l'église Saint-Jacques à Liège (Belgique) provient de la fin du XlIe siècle et appartient à l'architecture romane rhénane. Les constructeurs germaniques développèrent les anciens porches couverts syriens ou narthex, encadrés de deux tours. Ils en firent cet ouvrage, situé à l'opposé de choeur habituel, dénommé pour cela westwerk ou westbau, monumental et de structure autonome.

a) L'intérieur est divisé en deux niveaux: la « crypte » au rez-de-chaussée conservait à Saint-Riquier (France) le reliquaire majeur de l'abbaye, et à l'étage se déroulaient les stations de certains offices; à Corvey (Allemagne), l'étage du westbau servait à la chorale. Le soubassement est d'allure compacte, comme une forteresse, accusant bien son massif-coffre: non-sens d'une porte percée fin XIXe à la face sud du westbau de Saint-Jacques (problème posé de la nouvelle maçonnerie). Le rez-de-chaussée est couvert par des voûtes d'arête et les arcs brisés y sont apparus avant 1173.

A l'extérieur, l'édifice se présente comme un massif de 10 x 23 m en plan et de 22 m en hauteur; la partie supérieure est une médiocre maçonnerie; une tour centrale octogonale émerge d'une toiture à deux versants. A l'origine l'édifice était pourvu de deux tours jumelles latérales sur plan rectangulaire 3t à flèche rhomboidale (art rhénan de Maria-Lach ou des Saints-Apôtres à Cologne) et d'une tour centrale octogonale, avec toiture en bâtière; les deux tours latérales ont été endommagées par la foudre et ont été abattues ensuite au XVIIe siècle, pour être remplacées par les maçonneries en briques qui coiffent affreusement le tout. La disposition en plan se comprend à partir de celle des tours: les arcatures sur le rez correspondent aux tours, suivant un plan « pensé par le haut ». Quelques fenêtres sont percées dans les maçonneries épaisses de plus d'un mètre, en rapport avec les « bandes lombardes ». Les églises de Saint-Barthélémy à Liège ou de Saint-Servais à Maastricht (Pays-Bas) peuvent aider à comprendre celle de Saint-Jacques.

Le relevé précis de l'état actuel du westbau fait apparaître une mensuration à partir du « pied carolingien » de 28,4 cm, avec ses multiples comme la toise de 170 cm, et ses sous-multiples comme la palme de 7,1 cm; ce pied carolingien se retrouve dans les autres parties romanes récemment découvertes dans l'église Saint-Jacques. Cette mensuration permettra d'évaluer l'érosion des parements.

b) Le Westbau de l'église Saint-Jacques s'apparente au premier art roman propagé par les vallées du Rhin et de la Meuse, à partir de la Lombardie, ou région des lacs italiens Majeur et de Côme, là où s'étaient réfugiées les populations refoulées par les barbares; mais aussi région aux nombreuses carrières de marbre, avec nombreux lits fragmentés, propices à la construction des terrasses de la culture agraire. Dans la seconde moitié du Xe siècle ce petit appareil dit « lombard » et ses modes rustiques de bâtir succèdent à l'opus romanum, aux assises à grand appareil, à la taille soignée. L'appareil lombard, petit, allongé, cassé au marteau, est la solution idéale, populaire et rapide pour l'expression de l'occident chrétien. L'animation murale de ces vastes surfaces planes se fera par des bandes légèrement en relief et par les festons de petites arcatures. Les architectes rhénans, en relations commerciales suivies avec la Lombardie par le Grand Saint-Bernard et les plateaux du Jura, adoptèrent l'architecture lombarde dès 1025, tout en conservant un solide appareil régulier même pour les surfaces: les survivances impériales perdurèrent longtemps en Wesphalie. Cette architecture et les arcs brisés ont certainement influencé l'abbatiale de Cluny, achevée au début du XIIe, et à laquelle travailla l'architecte Hezelon de Liège.

Dans cette architecture mosane rhénane, le matériau prend une signification bien particulière:

- Signification constructive: l'artisan roman sait exploiter les qualités de son matériau, en vrai « facteur de la pierre »: assises plus fortes dans les bandes lombardes que dans les panneaux (de remplissage !), resserrement d'une travée transversale par tassement différentiel obtenu par des hauteurs d'assise différentes, répartition des charges par coussin de petites assises, raidissement et consolidation par assises plates...

- Esthétique: la rareté du matériau ou ses possibilités de finition déterminent la beauté propre du matériau; il est d'ailleurs généralement choisi pour sa résistance et pour ses possibilités de façonnage.

- Prix de revient: transport très onéreux et à Liège utilisation des matériaux fournis par les houillères toutes proches, ou amenés par la Meuse: pierres de Lorraine ou de Maastricht.

- L'artisan du Moyen-Age est bien différent de l'artiste de la Renaissance et à l'antipode de l'académisme du XIXe: pour cet artisan, la pesée permanente du matériau sur l'ouvrage fut une servitude, mais aussi une grandeur! Malgré cette noblesse, des marques lapidaires, véritables seings d'une hiérarchie technique, n'ont pas été retrouvées au westbau de Saint-Jacques.

c) Les altérations de cet édifice roman se marquent aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. A l’intérieur, les parements au rez ont été ravalés mais des détails de moulure ou de mensuration montrent que les parements ont été retaillés sur une épaisseur de 2 à 3 cm; à l'étage, les parements verticaux s'épauffrent et se moulinent, tandis que les parements des arcs et des voûtes se ravinent sur près de 10 cm de profondeur. Même les parements récents au rez ont tendance à s'exfolier à nouveau. A l'extérieur, les profils moulurés sont éliminés, les bases et les chapiteaux sont disparus, et avec eux des colonnes calcaires; des claveaux des arcatures et autres fragments tombent, ce qui a exigé une palissade protectrice; des moellons qui demeurent en relief indiquent une érosion d'au moins 10 ou 15 cm des parements, et des alvéoles sont parfois encore plus profondes; les arêtes des bandes lombardes ne sont plus discernables. L'altération des parements du massif-coffre laisse d'ailleurs beaucoup plus de moellons en relief sur les 2/3 inférieur de la hauteur, que sur le tiers supérieur, d'altération plus uniforme. La tour centrale a l'une de ses faces originales protégée par la toiture de la nef centrale: l'altération y est aussi avancée, et le dégagement de cette partie ne pourrait se faire sans en provoquer la dégradation rapide.

Cette altération du matériau affecte les autres édifices romans de la ville de Liège, assez nombreux.

En comparaison avec d'autres matériaux, le grès houiller est constaté plus vulnérable que le tuffeau de Maastricht et que les mortiers de joint. A Strasbourg, une identité absolue a été constatée entre les maladies du calcaire (secondaire ?) et celles du grès; au westbau de Saint-Jacques, cette constatation n'est guère perçue avec les calcaires primaires (calcaires de Meuse ou petit-granite).

Face à cette situation, il importe de mieux connaître le matériau, ses conditions d'environnement, les causes d'altération les plus communes, des méthodes de protection... Il importe surtout de connaître à leur propos les avis des spécialistes et de favoriser les échanges de vue, de manière à pouvoir valablement engager le chantier de sauvegarde et sa préparation.

4. Le grès houiller constitue le matériau du westbau de Saint-Jacques.

a) Il fait partie des formations supérieures des terrains primaires et se situe dans le houiller.

Formations supérieures du primaire:

- Permien

- Carbonifère

a) houiller: stéphanien
westphalien
namurien
dans le bassin franco-belge (grès)
b) dinantien: viséen
tournaisien
calcaires

- Dévonien: famennien (psammites).

L'ensemble du houiller est marqué par des cycles de sédimentation: alternances régulières de stériles, toit, veine de houille, mur; résultant chaque fois d'une sédimentation houillère (formation de houille). Les stériles sont marqués par la présence de schistes très riches en illite (minéral argileux dont la composition et la structure s'apparentent au mica), mais la teneur de ces schistes en kaolinite est toujours inférieure à 40%; les grès houillers sont le plus souvent à ciment argileux, et parfois calcaires. Le westphalien a un faciès plus continental et molassique: séquences de grès quartzeux à cipient calcaires et tendre, et dans chaque séquence la dimension des grains va diminuant du bas vers le haut; le namurien à un faciès marin flysch: séquences où alternent grès ou conglomérats, marnes schisteuses, marnes calcaires, mais dans l'ensemble plus schisteux et moins marneux que les mollasses; les assises gréseuses sont plus importantes et plus nombreuses dans le namurien.

Dans le bassin de Liège, le westphalien H2 contient en particulier les grès de Désirée, à base conglomératique, et les grès de Lairesse et de Stenaye, et ceux de la couche Maret que l'on trouve dans les carrières souterraines de la couche Domina dans la colline Sainte-Walburge à Liége. Ces grès sont formés de grains de 0,1 à 0,2 mm et composés de 75 à 80% de silice, avec forte teneur en Al2O3, plages sériciteuses et quelques paillettes de mica; la texture est parfois quartzitique. Dans la même formation se trouve le grès de Flémalle, encore exploitable dans la vallée de la Meuse, à Flémalle Grande et aux Awirs, en amont de Liège. Le grès de Flémalle contient de nombreux grains de feldspath et de petits points charbonneux; il est souvent assez abondamment micacé (paillettes de muscovite et pâte sériciteuse à siliceuse); grains de 0,15 à 0,3 mm ; plages abondantes de matières organiques; composition silice 67 à 73% (assez faible), Al2O3 10 à 13% (assez élevé) Fe2O3, 2,2 à 2,8%, CaO 2 à 5,7% (assez élevé), MgO 1,4 à 3,5% (assez élevé), Na2O + K2O 1 à 1,4 %, autres 5 à 9%.

Dans les vallées avoisinant Liége affleure le H1b ou assise d'Andenne du namurien, spécialement:

- Le grès de Sarolay, assez argileux, grains de quartz anguleux et irréguliers de 0,1 à 0,3 mm, réunis par une pâte phylliteuse, avec paillettes abondantes de muscovite, et quelques points kaolineux; composition moyenne : SiO2 76,8%, Al2O3 10,35%, Fe203 2,21%, CaO 2,37%, MgO 1,4%, FeO 3,4%, Na,O + K2O 0,68%, autres 2,92 à 6%.

- Le grès de la Berwinne: grains de 0,1 à 0,5 mm, avec grains de feldspath altéré et de phtanites, rares paillettes de mica composé en moyenne de SiO2 81,1%, Al2O3 8,14%, Fe2O3 2,43%, FeO 2,71%, CaO 1,22%, MgO 0,72%, autres 2,70%, Na2O + K2O 1,06%. Ce grès se retrouve sur la rive gauche à Vivegnis.

- Le grès d'Andenne, exploité à la carrière de Rieudotte: teinte claire gris blanchâtre, grains de 0,2 à 0,7 mm; teneur élevée en Si O2 91%, faible en Al2O3 2,75%, faible en Fe2O3 1% et FeO 1,16%, ce qui peut laisser craindre une patine différente.

Le grès houiller utilisé au Lestbau de Saint-Jacques est proche du grès de Vivegnis H1, ou de ceux de Flémalle ou de la couche Maret H2; les carrières éventuelles sont dans les collines de la Meuse, proches de Liège. Les grès du H2 sont plus vulnérables que ceux du H1 à cause de leurs teneurs plus élevées en matières terreuses, micasées et calcareuses.

b) L'altération du grès houiller semble associée d'après l'examen sur place à la présence de concentrations de séricite, apparaissant le plus souvent en stratification fine bien marquée. La séricite est un mica du type muscovite (mica blanc), mais plus tendre et soyeux. Le mica est un silico-aluminate en feuillets; dans les feuillets, formés de tétraèdres SiO4 et AlO4, l'Al+++ se substitue en partie à Si++++ avec compensation Na, K..., cet Al+++ étant souvent remplacé par Mg++ ou Fe++. Les micas, aisément clivables, sont facilement déhydratés par quelques heures d'insolation; de nombreuses fissures apparaissent et l'effritement s'en suit. Les pierres micacées sont reconnues vulnérables à la gelée: grès Fa2 d'Ecaussines, macignos ayant cédés à Florence et à Fiesole pour quelques gelées à - 5 "C ; grès bigarré remplacé à la cathédrale de Strasbourg par du grès vosgien, de formation plus ancienne, de grains plus gros, sans lits apparents et dépourvu de mica.

A l'intérieur de l'église, aux parements ravalés au XIXe, se décèlent des chancres ampoulés, avec sable et masselottes poudreuses blanches: ces chancres font penser à ceux de calcaire, déjà décrit par B. HERTEL à la cathédrale de Cologne. La présence d'éléments calcareux dans les altérations se comprend à partir du CaO reconnu à l'analyse ou à partir d'éléments voisins, mortiers ou moellons calcaires. De même à Strasbourg la présence du CaO dans le grès à meules semble décisive pour les altérations parce qu'on en retrouve dans les surfaces protégées d'évaporation, où la maladie est intense et le gypse abondant. Des altérations semblables se constatent dans un matériau proche le psammite, proche de constitution et de formation géologique; altérations qui ont l'avantage ( ?) d'être plus proches parce que plus récentes et plus répandues: feuilletage à une maternité, dont les soubassements en psaminite (grès micacé) datent du début du siècle. Feuilletage avec partie ouverte et soulevée, et présence de poussières et masse pulvérulente blanchâtre; parties détachées très micacées. Dans un autre soubassement, altération en relation avec la proximité des joints: aspect dissous à la partie supérieure des moellons, aspect stratoide en gradins à la partie inférieure. Cette altération du psammite est d'ailleurs généralisée pour un certain type dans la région du plateau de Havelange, où les extractions se font dans les formations supérieures du Fa2, très stratoides et micacées.

5. A A ces altérations peuvent être recherchées des causes chimiques éventuelles dans les constituants mêmes du grès hio

5. A 1) Les matériaux du ciment d'un grès migrent vers la surface par les alternances de sécheresse et d'humidité et s'y modifient ; la surface durcit et pèle, la partie arrière est affaiblie

cela est possible surtout pour les parements extérieurs. Cette croûte n'a que 1 à 2 mm pour le grès à ciment calcaire, pour 2 à 4 cm pour les calaires. Le carbonate CaCO, n'occupe pas ici une place prépondérante. Cependant, s'il provient du ciment du grès même ou de celui du joint, ou d'un moellon voisin en calcaire, il est aisément entraîné par les eaux de pluie, il s'infiltre dans le grès et y précipite la réaction du CaCO, avec le H2S04 produit le gypse qui altère ce nouveau milieu. Ce processus doit être présent puisque l'on constate des ' coulées d'altération

correspondant à l'écoulement de seuils en calcaire.

Les alcalis Na,O et K» peuvent réagir avec les composés siliceux et produisent une expansion par pression osmotique, sous forme d'un craquelage, les « D lines «.

Les sulfates s'accompagnent d'ampoules, avec sable et poudre blanche, ampoules qui se détachent à cause de la plus grande dilatation thermique du sulfin (croûte de CaSO4 et MgSO4) par rapport à la base. Ces croûtes sont rendues très fragiles par la présence de plages de séricite et de muscovite. Ces sulfates gonflent par hydratation de plusieurs fois leur volume. Le Na,O a tendance à migrer vers les couches externes du grès, d'où son importance pour la sulfatation et son foisonnement est de 4 fois à l'état Na,S04. 10H20 : cryptoefilorescences qui désagrègent le pores.

5. A 2 Ces causes chimiques peuvent être des apports atmosphériques. La composition moyenne de ces constituants atmosphériques peut être :

- Fumées de combustion :

- Gaz d'échappement: en CO, quelques % en volume; les oxydes d'azote 400 x 10-6 en volume, les aldéhydes 10 à 12 x 10-6 en volume

- Les matières solides: 200 à 800 t/km2 en zone industrielle et par an, 80 à 160 t/km2 par an en ville

- Le SO2: 0,05 à 1 msg/m3 (5 mg/m3 étant le seuil toxique pour l'homme).

D'une manière plus précise, l'ambiance urbaine près de l'église Saint-Jacques à Liège

En été En hiver
S02 mg/j: 2 à 3 4 à 7
Poussières mg/j : 1,72 à 2,5 7 à 10

La réduction de la pollution par les combustions industrielles et domestiques est compensée par l'accroissement de la circulation automobile et par la réduction de vitesse, qui perturbe le régime des moteurs. A Londres la production annuelle de SO2 semble devoir se stabiliser aux environs de 5,5 t. Des scientifiques U.S.A. sont sérieusement concernés par le postbrûleur à haute température imposé aux voitures pour 1975: les oxydes de l'azote peuvent causer de plus sérieux problèmes que les actuels hydrocarbones imbrûlés.

Le grès à ciment calcareux peut aussi pâtir des eaux de pluie acidifiées par le CO2 des combustions.

L'accroissement de la pollution urbaine et de ses effets a été constaté: à la cathédrale de Cologne une concentration en sulfates sur des pierres a été constatée jusqu'à 4,5% après quarante ans à partir de simples traces dans la pierre; à l'hôtel de ville de Bruxelles, des emplacements pour affiches sont apparus intacts à l'enlèvement de celles-ci à la fin du XIXe, et depuis leur altération s'est généralisée. Les brouillards acides (le smog » = smoke + fog) sont bien connus dans les régions industrielles, de même que les brouillards mortels comme celui du bassin industriel Seraing-Engis, en amont de Liège, des années 28. Cette pollution industrielle se propage d'ailleurs très loin par les aérosols: gouttelettes microscopiques animées d'un mouvement brownien qui les soustrait à la gravitation et elles ne sédimentent plus.

A l'intérieur du westbau de Saint-Jacques, le chauffage par poêles pollue d'une manière semblable.

La sulfatation est souvent accompagnée par une nitrification, dont sont responsables certains microorganismes: ils ont besoin du H2S, du NH2, du NO2 et NO3, pour leur métabolisme, et produisent du HNO2 et HNO3, corrosifs. Des micro-organismes ont été constatés dans les chancres de la maladie en plaques des matériaux calcareux et dans le délitage (physique et/ou chimique) des grès à ciment calcareux.

Généralement, les faces extérieures les plus affectées sont celles du nord et de l'est abritées des pluies, permettant ainsi aux dépôts sulfureux noirâtres d'entretenir des milieux agressifs. Dans le cas présent, les faces sud et ouest, et même spécialement l'angle sud-ouest, sont délavés et subissent l'action dissolvante des eaux agressives. Les faces favorables à la rosée et à la gelée blanche subissent des agressions considérables du SO2: il y a 40 fois plus de suie et une acidité 50 fois supérieure que dans les autres plages. De même les zones plus exposées aux émanations industrielles ou urbaines: rive droite surélevée de la Senne à Bruxelles, la colline de Cointe à Liège qui affronte avec une soixantaine de mètres de relief les fumées sidérurgiques de Seraing-Ougrée (Cockerill et autres), le flanc SW de la butte de Montmartre...

Les agents d'altération chimique ne peuvent pas provenir exclusivement du sol: ils ne pourraient atteindre les parties hautes; les parties inférieures ne sont d'ailleurs pas plus attaquées que les autres, que du contraire !

5. B Aux altérations chimiques se joignent les altérations physiques

5. B 1) Tout d'abord, les variations relatives de volume dues aux variations thermiques: les différences de coefficient de dilatation: silex 13,37 x 10-6, calcaire 8,1 x 10-6, grès 10 x 10-6 dissocient les constituants du grès. Les strates détachées s'échauffent plus que la masse d'une pierre en délit. L'altération des parties hautes de la tour de la cathédrale de Strasbourg serait due en partie aux dilatations thermiques. Ces altérations thermiques différentielles sont très cisaillantes: des pointements calcaires étaient en majorité fraîchement écrétés sur un flanc sud d'un vallon du Houyoux lors d'une journée ensoleillée d'automne! La conductibilité thermique du quartz vaut 4 fois celle du mortier; d'où dissociation de la maçonnerie. Les écarts de température à considérer sont de 25 à 30° pour les variations diurnes, et de 60 à 70 °C pour les variations annuelles.

Les variations relatives de volume peuvent en être produites par humidification (distincte de l'hydratation d'un sel anhydre): le « grès rouge » gonfle de 6,46 x 10-6 par humidification. L'exfoliation pelliculaire (2 à 3 mm) par plaques de certains grès paraît associée à la profondeur d'humidification, et la pellicule a ses pores colmatés. Si l'on peut considérer un grès comme un micro béton, un béton pauvre gonfle de 0,5% par l'humidité. Les minéraux colloïdaux des grès, agissent comme ciment entre les grains de silice et augmentent de 0,03% en volume par humidification, ce qui provoque l'exfoliation. Les minéraux phylliteux subissent aussi expansion et favorisent la pénétration de l'eau dans les micas des joints. Dans le processus de séchage, se faisant de l'intérieur vers l'extérieur, la migration des sels peut amener une contraction de la masse. Cette vitesse de séchage est uniquement fonction de la surface exposée à l'air et cette surface se comporte comme étant saturée tant que la capillarité peut amener l'eau en surface. De toutes les données analytiques, la teneur en eau (dans les micas facilement clivables, dans les produits de décomposition...) est celle qui a l'influence la plus nette. En général, le vieillissement (hydratation, carbonatation, action des sulfates...) produit une expansion des mortiers.

5. B 2) Le comportement du grès aux agents atmosphériques (l'atmosphérisation) dépend étroitement de la structure capillaire du grès, et spécialement de celle des plus fins, les micropores.

La perméabilité est expérimentée par l'écoulement au travers d'un cube de 50 cm2 de face, sous pression constante. Si la perméabilité est suffisante ou s'il y a fissuration, elle peut être décelée par le passage d'air chargé de sulfhydrate ammonique, impressionnant un papier sensibilisé à l'acétate de plomb. La structure capillaire peut être observée en lame mince et aux rayons ultraviolets, ou encore par l'examen en lame mince d'un produit type silicate, teinté et figé dans les pores.

L'absorption capillaire est éprouvée sur des éprouvettes 4 x 4 x 16 cm posées verticales sur un sable saturé d'eau, dans une enceinte étanche et à 50% d'humidité relative et à 20°C: si cette absorption est inférieure à 1,5 g/m2 à 7 jours un béton peut être considéré ingélif. Cette absorption capillaire renseigne sur le réseau capillaire, d'une manière plus proche de la réalité que l'imprégnation forcée par le vide ou par l'ébullition, utilisées en d'autres expérimentations. La Building Research Station (B.R.S.) a constaté une correspondance entre l'atmosphérisation et l'abondance des micropores. Ces micropores ont un diamètre inférieur à 0,005 mm; leur volume est la différence entre l'eau absorbée par ébullition et celle extraite par une succion de 600 cm d'eau (ou 44 cm de mercure). Cette succion de 600 cm CE peut s'obtenir par une différence entre deux niveaux de mercure appliquée par une ventouse, ou par une force centrifuge de 600 g cm/sec,. Les éléments en terre cuite à structure poreuse grossière (tuiles colorées de Beaune) ont un comportement satisfaisant: structure grossière par des pores supérieurs à 0,3 mm, le facteur L 300 reconnu d'importance primordiale pour la résistance au gel.

5. B 3) La microporosité doit être mise en relation avec la teneur critique en eau (critique par rapport à la gélivité). Elle peut être expérimentée par le coefficient de saturation S: c'est le rapport entre la quantité C d'eau absorbée librement et la quantité B d'eau absorbée de force. Le coefficient S est appelé « coefficient de Hirschwald, de Reuger ou de Schurecht », pour C par immersion dans l'eau froide pendant 24 heures, et B par l'immersion de 5 heures dans l'eau bouillante avec C pendant 48 heures et B de 5 heures, il est appelé coefficient de Carisson ou de Mc Burney ». La signification concrète de S doit lui venir des conditions de saturation, qui doivent se rapprocher des conditions réelles: la saturation forcée serait 30 fois supérieure à la saturation réelle. Ce coefficient doit être associé à d'autres caractéristiques pour être vraiment significatif, comme la microporosité, la résistance mécanique, le module d'élasticité, des tests de cristallisation. Il doit être associé aussi au type d'exposition réelle que subira la pierre, bien plus éprouvée par exemple en corniche qu'en parement. Il peut surtout servir à comparer des matériaux identiques et dans certaines limites. Si S est inférieur à 0,8, le comportement à la gélivité sera en général satisfaisant; cette teneur 80% peut être dépassée par l'eau de carrière, par certaines imbibitions de pluie, par des remontées capillaires. De plus le calcin et/ou le sulfin peuvent réduire la perméabilité de près de la moitié; comme aussi l'eau de pluie peut s'accumuler dans une pierre poreuse dans les régions au-dessus d'une pierre ou d'un mortier moins poreux. Ces particularités localisent la signification du S inférieur à 0,8.

5. B 4) La teneur critique en eau se définit en relation avec la gélivité. Par sa congélation, l'eau augmente en volume de 9%; cette augmentation de volume produit une pression hydraulique dans les capillaires. Si cette pression ne peut se dissiper à temps, la pierre éclate; cette pression est produite par la formation de lentilles de glace (théorie de POWERS). Ces lentilles de glace sont alimentées par l'eau avoisinante, aspirée par la dépression de 600 m CE à l'interface glace-eau, dépression provoquée par la chute de température de la vapeur d'eau au contact de la glace: cette aspiration se constate aisément dans les sols gelés, détrempés lors du dégel. Ce sont surtout les micropores qui empêchent la dissipation de la pression hydraulique: ils devraient comporter un chapelet de petites cavités, entre distantes d'au plus quelques dixièmes de millimètres, et cavités demeurant libres d'eau pour y permettre l'expansion. Ce sont surtout les alternances gel/dégel qui sont pernicieuses: la vitesse de gelée y est grande, les microcavités tampons risquent d'être remplies progressivement d'eau; ces alternances sont à craindre lors des coups de soleil, les jours de gel: il faut quasi doubler le nombre des jours de gel pour apprécier le comportement des pierres.

Les roches contenant des minéraux alumineux ou argileux sont plus naturellement gélives: par exemple la gélivité stratoide du calcaire de Tournai, la gélivité de toutes les croûtes de ce même calcaire. Les matières argileuses du grès houiller absorbent jusqu'à 40 à 70% d'eau. Les grès micacés sont spécialement sensibles au gel parce que l'angle de contact de l'eau avec le mica est très réduit, ce qui abaisse la température de l'eau en surfusion et augmentera le choc lors de la prise soudaine par le gel (phénomène d'épitaxie). Il en résulte un feuilletage parallèle à la surface, avec écaillage progressif, et les dilatations thermiques peuvent encore accentuer cette altération, bien constatée au westbau de Saint-Jacques. Cette gélivité structurale se constate aussi dans les psammites gélifs des Ecaussines (tour de la cathédrale de Malines, église du béguinage à Bruxelles) et dans le grès triasique de la cathédrale de Strasbourg.

La gélivité peut être aussi granulaire en dissociant les grains de sable, comme à la colonne du Congrès à Bruxelles, en grès miocien. L'altération de la mollasse par essais de gélivité à l'Ecole Polytechnique de Lausanne, est semblable à l'altération constatée au Westbau de Saint-Jacques.

Puisque l'action du gel est due à un gonflement, BRARD a pensé expérimenter la gélivité par un cycle immersion dans une solution saturée de Na2SO,, puis séchage, mais les résultats concrets en sont discutables. La méthode fut améliorée par ORTON, qui utilisa une solution de Na2SO4 à 14%; d'autres méthodes essayèrent des solutions de Na2SO4 et de MgSO4, dont l'expansion par cristallisation et hydratation produisait une désagrégation surtout en surface; l'appréciation des résultats se faisait par pertes en poids. Ces méthodes par cristallisation ne donnent pas de résultats probants à elles seules. Les cycles saturation et gel en frigo par - 15 ° C, puis dégel, ne donnent pas non plus de résultats concrets probants: parfois trop sévères parce que le gel n'est pas aussi brusque (présence de microcristaux, possibilité de surfusion...), saturation inadéquate... En se rapprochant des conditions réelles, la méthode de la coupelle est plus significative: la pierre plus ou moins saturée est partiellement plongée dans l'eau d'une coupelle, et y subit un cycle gel-dégel de la partie émergée: des conditions sont bien représentatives de la migration de l'eau vers les parties gelées pour la formation de la lentille de glace (hypothèse de POWERS), et représentative des dilatations différentielles.

Les effets de la gélivité expérimentale sont contrôlés le mieux par le gonflement de la pierre (degré d'expansion = degree of expansion by frost DEF), par la variation brusque du module d'élasticité E dynamique mesuré par des ultra-sons, ou par le nombre de cycles réduisant le rapport (E dynamique / E initial) à moins de 50% (WALKER). Les conditions d'expérimentation seront adaptées aux conditions réelles d'exposition de la pierre: une pierre destinée à un parement ne sera arrosée que sur une face, elle sera refroidie sur la face opposée (favoriser la migration de l'eau à l'intérieur) et imperméabilisée sur le pourtour; une pierre destinée à être en saillie, subira une saturation renforcée. L'eau d'expérimentation sera chargée d'acide pour figurer une ambiance urbaine, ou de micro-organismes pour éprouver les effritements par nitrification. Le bain pourra encore être de la saumure à 25% de CaCl2, avec gel à -15 °C ou -20 °C, pendant une heure, puis dégel par lavage à l'eau pendant 23 heures (d'autres concentrations en CaCl2 ont été utilisées; ce type d'essais est surtout appliqué pour éprouver le béton, soumis au gel en présence de sels épandus contre le verglas).

5. C Dans les conditions concrètes de mise en oeuvre, le grès houiller est associé au mortier des joints. Le profil même d'un moellon altéré montre que le grès houiller pâtit de la présence du mortier: partie supérieure du moellon « évanouie » quasi, partie supérieure plus en relief mais attaquée par paliers. C'est la chaux libérée par le mortier et emportée par les pluies, qui se sulfate dans les pores du grès: cette dégradation est évoquée par la Commission des maladies du grès à la cathédrale de Strasbourg. Même dans les maçonneries récentes en psammites, une décoloration des moellons se marque par franges au contact des joints au mortier de ciment. Le mortier au ciment pur semble devoir être exclu: retrait important et fissurations (le retrait passe de 1 à 7 pour une proportion passant de 1/5 à 1/2); l'évaporation par le joint est réduite et toutes les matières cristallisables s'évacuent par le grès, qu'elles détruisent. A l'inverse, la chaux conserve une certaine plasticité au mortier et en augmente la résistance à traction; c'est de la chaux grasse, éteinte sur le chantier des semaines à l'avance, et en provenance du bassin de Huy, qui se révèle préferable dans la région liégeoise, de préférence à la chaux hydraulique de Tournai, plus riche en SO4. La BRS déconseille le mortier à base de chaux pour les maçonneries de grès, surtout à joints épais: cete chaux peut de fait migrer dans les pores du grès et, dans les parties humides, s'y combine avec le SO3 pour engendrer le gypse. Ce type d'altération est constaté à la cathédrale de Strasbourg au grès triasique: bien que résistant à l'atmosphère polluée, ses arêtes se moulinent; même altération aussi pour certains grès de l'Ourthe (le psammite du famennien, dans le dévonien supérieur). Un mortier bâtard est donc plus indiqué: par exemple, 1 chaux / 1 ciment / 6 sable rude, suivant la SPAB (Society of the protection of ancient building), ou 1 chaux / 2 sable rude + un adjuvant comme tuileaux pilés (mortier romain) ou cendres volantes, qui bloquent la chaux libre. La proportion 1/1/6 confère au mortier l'élasticité qui manquerait au mortier 1 ciment / 3 sable; si des fissures capillaires se produisent, elles peuvent s'auto cicatriser; la résistance mécanique du mortier bâtard est aussi très proche du mortier au ciment. Certains praticiens conseillent 1,5 chaux / 2 ciment / poussières de pierre (déchets d'une ciselleuse automatique, dont la granulométrie est variée). Des particules trop fines dans le sable (sable argileux) produisent un retrait plus important et la fissuration. La meilleure adhérence aux moellons des mortiers à la chaux (absence de retrait) confère à l'ensemble une meilleure imperméabilité et une meilleure résistance à compression. Le problème du joint semble donc l'emploi d'un mortier ne comportant qu'une partie seulement de ciment et le restant de chaux grasse, mais avec la préoccupation de bloquer cette chaux dans le mortier.

Le mortier du joint ne doit pas être lissé lors de l'éxécution, mais simplement coupé à la truelle (pratique constatée au couvent d'Agnès la Bienheureuse à Prgue, pour des joints originaux du XVe siècle) ou passé à la brosse humide; un joint passé à la dague s'appauvrit en surface. La maçonnerie doit être maintenue suffisamment humide pour permettre la prise de la chaux.

Dans le cas particulier du grès houiller, l'adhérence des mortiers peut être rendue difficile par l'altération des feldspaths: les assises sériciteuses sont difficilement mouillables.

Tout récemment, le parement d'une brique d'épaisseur, posé au XVIlle siècle, a été enlevé, en vue de reconnaître l'état des parements originaux: les moellons en grès houiller n'ont pas soufferts aux joints et le parement n'accuse guère de dégradation (à peine l'ébauche de quelques exfoliations).

6. A Le traitement de la pierre à l'extérieur donne des résultats plutôt négatifs dans la majorité des cas; pour l'intérieur, des résultats satisfaisants sont obtenus à une certaine échelle: par exemple, à la cathédrale de Lausanne, on renonce à consolider des statues extérieures en molasse (grès calcaire tendre, mêlé d'argile), pour y substituer simplement des copies pratique d'ailleurs préconisée en maintes autres situations !

Un traitement en surface risque de modifier la structure capillaire: n'empêchant pas la pénétration des vapeurs, la masse peut s'humidifier et lors de l'évaporation, les sels dissous précipitent derrière la croûte; de même, il peut y avoir une dilatation en surface différente (par la température, par hydratation...). Le traitement doit donc réaliser une imprégnation progressive et ne pas laisser de sels solubles.

6 A 1) L'imperméabilisation capillaire de la surface peut s'obtenir par des hydrofuges masse: savons-métalliques + sels minéraux, albuminoïdes + protéines; ou par hydrofuges de surface, appliqués dans un solvant volatile: paraffine (obélisque égyptien à New-York), cire ou huile, résines vinyliques, résines silicones.

D'autres traitements en surface :

- Silicate de soude ou de potassium + NaCI pour précipiter les silicates de soude insolubles (procédé Ransome); silicate de soude + acide arsénique, pour précipiter aussi les silicates de soude insolubles (procédé Hemingway). Le silicate de soude seul, préconisé au XIX, en particulier par Violet le Duc, a laissé suffisamment de dégradations pour que l'on s'en méfie!

- Silico-fluorures: réagissent avec le calcaire pour donner des fluorures et de la silice insolubles, et des produits volatiles CO2, qui la laisse une couche poreuse et permet à la pierre de respirer; parmi les fluosilicates (ou fluates) préconisés ZnSiF4, MgSiF4, AI2SiF4 (procédé FAURE ET KESSLER): nombreuses références favorables.

- Fluorure de NH4: le FHFNH4 réagit avec le CaCO3 pour donner CaF2 qui précipite et est aisément enlevé par brossage à l'eau, et NH3 et CO2, qui s'évaporent en laissant la couche poreuse; des essais ont montré que cette imprégnation ne produit pas de variations préjudiciables dans le calcin, la dureté superficielle, la perméabilité et l'évaporation.

- Vernis à base de méthyle-cellulose: vernis très transparent et laissant l'aspect intact: employé aux ruines de l'amphithéâtre de Eraclea Minos (Sicile) par le professeur LIBERTI (t956).

- Polymétacrylate de méthyle: utilisé au site préconlombien Chimu à Chan-Chan (Pérou); la polymérisation d'un monomère peut s'obtenir par irradiation aux rayons X: des études sont actuellement en cours en divers laboratoires, dont celui de Grenoble (M. DE NADAILLAC).

- Imprégnation par un monomère époxy en solution dans du toluène et de l'éther glycidique, polymerisation par un catalyseur polyamine; cette imprégnation ne produit pas de variation dimensionnelle.

- Silicone hydrophobe, appliqué en émulsion (siliconate métallique): laisse un résidu de carbonate ou de sulfate qui facilite l'effeuillement (par difficulté de respiration); donne de meilleurs résultats en solution dans du white spirit ou du toluène.

Pour l'intérieur, l'imperméabilisation capillaire de la surface peut s'obtenir par imprégnation de résines acryliques (par badigeonnages répétés et séjour dans une chambre en atmosphère saturée de solvant); par imprégnation d'acétate de polyvinyle.

6. A. 2) Pour la consolidation, imprégnation:

- Polybuthyl-nsétacrylate + charge minérale: application à diverses pièces architecturales à Pendjikent (Sibérie).

- Polymétarcylate de méthyle, en dissolution dans toluène + alcool méthylique.

- Polybuthyl-métacrylate en dissolution dans du white-spirit.

- Métacrylate de méthyle, catalysé par du peroxyde de benzoyle et paratoluédine de diméthyle: application au pistolet à air comprime (4 passes) à un portail du monastère Sainte-Marie de Ripoli.

- Résilies acryliques en dissolution dans de l'eau.

- Acétate de polyvinyle en solution alcoolique (sensible à l'eau) ou en solution à 2,5% dans acétone-toluène.

- Bain chaud de 2 parties en poids de cire d'abeilles / 8 parties de paraffine / colophane et résine dammar (excès enlevé par terpène et CCI4.

- Silicate d'éthyle un dissolution dans l'alcool: le silicate s'hydrolyse par l'humidité et précipite la silice colloïdale qui consolide le grès.

- Fluate MgSiF, (par aspersion ou par rigoles): utilisé pour les bas-reliefs en marbre de Carrare à la cathédrale de Padoue, pour le macigno (grès calcarifère et argileux) de la tour lanterne de l'église Saint-Laurent à Florence, pour un grès à ciment calcareux.

Pour l'intérieur, imprégnation avec produits à base d'oléine et de paraffine, ou imprégnation par de la cire sur les surfaces chauffées aux infra-rouges; imprégnation par nylon soluble dans l'alcool (consolidation du mastabah de Neferirteneff.

6. B Pour l'amélioration des mortiers:

- Acétate de polyvinyl (1/5 de PVA en poids du ciment): évite la fissuration; un optimum de durabilité est obtenu avec 2% de PVA en poids du ciment.

- Alcool de polyvinyl + méthyl cellulose: augmente la résistance et l'adhérence et imperméabilise les mortiers à la chaux.

- Polymèthyl de métocrylate: à 10% en poids du ciment.

Ces divers traitements ont leurs conditions particulières de pose et de comportement: des essais préalables et de durée suffisante décideront surtout, bien que les références de réalisations orientent les recherches.

7) Une expérience préalable rapide peut d'ailleurs opérer une première estimation en des délais assez courts.

7. A - Distribution des pores étudiée en lames minces.

- Porosité.

- Absorption d'eau.

- Coefficient de saturation.

- Capillarité.

- Variation de volume par humidification.

- Les effets d'une cristallisation intérieure et de la gelée.

L'étude du E par la vitesse de propagation des ultra-sons et de la dureté superficielle (largeur ee rayure) compléteraient utilement l'expérimentation de la BRS.

7. B Des essais accélérés de corrosion autres que ceux déjà indiqués

- Solution de NaCI à 2% baignant l'échantillon.

- Cycle immersion dans une solution Na2SO4 et séchage.

- Cycle d'imprégnation par SO2, immersion dans l'eau puis séchage; une certaine correspondance a été obtenue pour les grès.

- Immersion dans l'eau de mer diluée au 1/5e puis cycle gel-dégel: bonne prévision après sept jours (Gaca en Pologne et Lyse en Norvège). Des recherches effectuées en Belgique sous le patronage de l'l.R.S.I.A. sur des grès ou terres cuites et sur des pierres blanches calcaires, ont montré une corrélation étroite entre la gélivité et la texture capillaire, déterminée par le poromètre au mercure. Des essais effectués sur des calcaires exposés au SO2 ont montré dus différences de comportement plus compréhensibles par le volume des pores que par la composition chimique.

Ces essais accélérés ne suffisent pas pour accepter ou condamner définitivement un matériau ou un procédé, en particulier sous l'aspect gélivité: ils permettent de sélectionner au vue d'essais mieux circonstanciés.

7. C Un septicisme assez généralisé résulte des expérimentations, surtout pour les applications extérieures, à la suite d'une observation concrète de 20 à 30 ans. Il conviendrait de s'orienter dès le départ vers un matériau reconnu sain, que de vouloir corriger un matériau douteux !

C'est bien encore ce qui ressort de l'expérience de la Commission britannique pour les tombes de guerre pour le Commonwealth. Son expérience porte sur un million de tombes, de divers âges, de diverses natures et exposées en tous pays. Dans un article de la revue « The Architects' Journal » W.H. DUKES constate (23-8-1972) qu'aucun traitement d'imperméabilisation n'est durable

Ils altèrent l'aspect de la pierre et y déposent des précipités qui perturbent la porosité et aggravent la gélivité. Les hydrophobes (silicones) permettent l'entrée de la vapeur, mais empêche la sortie des sels entraînés par un mouvement inverse, d'où risques d'exfoliation. Les consolidants (les plus courants: silicates d'éthyle et les esters de silicone) ont une action durable et sont connus en fonderie pour faire les moules, mais il y a difficultés réelles d'imprégnation. Le traitement aux fluates de zinc ou de magnésie sur un demi million de tombes en Portland, devrait être renouvelé tous les deux ans pour être efficace.

En conséquence, l'emploi des produits hydrophobes ou consolidants peuvent être utilisés en certaines circonstances exceptionnelles, mais non plus en prophylaxie générale.

Comme moyen de protection, il a été proposé le nettoyage régulier. L'architecte J. ASHURST, de la Direction des anciens monuments et des bâtiments historiques, discute cette question dans la même revue AJ 30-8-72.

- Nettoyage à l'eau, principalement par brouillards d'eau atomisée, pour éviter l'imprégnation trop grande de la maçonnerie, avec l'aide éventuelle d'un brossage ou d'une projection; risques éventuels de rejet de taches et d'altération de pièces métalliques noyées dans la masse.

- Projection de sable, voie sèche ou voie humide: risques très grands d'éroder le parement et les détails, jusqu'à en faire disparaître la netteté de ligne; convient parfois pour certaines pierres très dures.

- Nettoyage chimique: en particulier l'acide fluorhydrique, qui ne laisse pas de dépôts nuisibles à la pierre, peut convenir pour des pierres siliceuses, mais sa manipulation est dangereuse pour l'homme.

En conclusion quant au nettoyage, toute abrasion et toute saturation doit être évitée, et il semblerait que la voie chimique permette de résoudre, a la suite de recherches, les inconvénients imputables aux autres méthodes,

8. Dans l'optique actuelle, mais simplement à titre de proposition, le traitement suggéré pour le Westbau de l'église Saint-Jacques à Liège serait

a) Pour l'extérieur: deux alternatives

- Renouveler le parement par un matériau analogue l'actuel, choisi: pour ses caractéristiques géologiques et physiques ; pour son comportement aux essais; pour son comportement en réalité. Cela en lui-même et en association avec le mortier et avec les conditions d'environnement.

- Protéger le parement actuel: peignage préalable puis imprégnation (produit et modes) à déterminer par essais: peut être les fluates, les résines acryliques (avec polymérisation contrôlée).

b) Pour l'intérieur: traitement du parement par peignage et imprégnations, comme précédemment.

Discussion.

M. MONNET: Donne des précisions sur les raisons exactes. qui ont conduit au remplacement du grès bigarré par le grès vosgien. Le grès bigarré ancien ou récent est abîmé par la pollution. Il devenait nécessaire de remplacer des pierres placées depuis moins de trente ans. Une commission de la maladie du grès a reconnu quatre raisons principales:

a) Absence séculaire d'entretien,

b) Existence d'armature en fer,

c) Pose en délit du decor,

d) Trace de calcium conduisant au phénomène de sulfatation (jusqu'à 40%). -

La commission a conclu au remplacement du grès bigarré par une pierre aussi semblable que possible, mais sans calcium et non litée. Le grès vosgien a été retenu.

Réponse:

a) Le grès vosgien (de grains plus gros, sans lits apparents aussi marqués et dépourvu de mica) est adopté parce qu'on en attend un meilleur comportement aux diverses sollicitations, en raison même de sa constitution.

b) Exemple cité de la vulnérabilité en général des pierres micacées comme le grès bigarré.

M. GERARD: Tient à préciser que le choix des matériaux étudiés au C.S.T.D. est fait dans des commissions (Groupes de travail et Comités techniques). J'ai parlé des pierres blanches françaises ce matin car c'était là l'objet de ma communication !

J'informe que nos travaux portent également sur des pierres belges: Balegem, Gobertange, calcaire de Tournai, et qu'une note d'information technique concernant le Petit Granit (calcaire du bassin de Soignies) va être publiée incessamment.

PLAN DU SITE