On ne peut clore ce large aperçu de la famille de Fanny Chefnay, l'épouse de Jacques Mouton, sans jeter un regard sur cette propriété de la Torette, à Ramet, qui fut, à partir de 1830 et pendant plus d'un siècle, la résidence des Chefnay et dont le souvenir a si profondément et agréablement imprégné tous ceux qui y firent jadis des séjours ou y passèrent des vacances.
A l'origine, la Torette était un lieu dit d'Yvoz qui relevait alors de l'Abbaye Suzeraine du Val St. Lambert. Les archives de celle-ci mentionnent très fréquemment «El Thourette» et «Al Torrette».
Le Registre aux cens et rentes n° 85 de l'Abbaye mentionne, en 1392, les noms des possesseurs de la Torette. Ils étaient nombreux en voici que!ques uns: Jehan de Penne, Simon de Penne, Ernus, son fils, Ernus de Ramey ou ses hoirs, Collin le Galleir, Pacquay del Torette, Bertrand de Mouse, Henrotte Amele, Henry delle Spesse Haye, Henrotte del Brassine, Jacqmin le Trockeal, Simon le Trockeal, Hanès Saihadin et bien d'autres encore.
Tous ces possesseurs sont des notables fortunés; plusieurs d'entre eux sont, soit en ligne directe, soit par leurs alliances, des descendants de Motton d'Yvoz (1390-1439) et de sa belle famille, les Robereal d'Yvoz. Parmi ces derniers, mentionnons notamment Pacquay del Torret, comme on trouvera, plus tard, au XVIème siècle, Donneal delle Thourette.
Il ressort de deux chartes du Val St. Lambert des 22 août 1594 et 9 mai 1595 (1) qu'à cette époque, pour lui permettre de rembourser des rentes qu'elle était tenue de servir aux de Glymes, sur la ferme de Halledet, l'Abbaye, par un acte auquel comparaissaient l'Abbé Dom Gile de Pas et tous les moines du monastère, engageait la Maison de la Thorette à Ramet, avec toutes ses appartenances, au Procureur liégeois Guillaume Motmans, pour une somme de 1.400 florins Brabant.
C'est en 1830 que le Château de la Torette entra dans le patrimoine de François Chefnay-Demet, Avoué et Bourgmestre de Ramet, qui avait alors vingt-huit ans.
Le vendeur était le Baron Pierre Nicolas François de Hodiamont, qui l'avait reçu en partage en 1770 et qui le cédait à François Chefnay par acte du Notaire Fraikin de Chokier, en date du 4 mars 1830, pour le prix de 54.054 florins des Pays_Bas. Le château était, à ce moment, grevé d'une hypothèque de 29.700 florins. Le Parchemin, N° 88, de mai 1963 a publié une généalogie des de Hodiamont, originaires de Herve au XVIe siècle.
La Torette, dont la façade Louis XVI, au fronton en demi cintre, avait été aménagée par le Baron de Hodiamont - la façade arrière étant restée Louis XIII - faisait partie d'un ensemble comportant ferme, prés, sart, bois et jardins, plus cinq verges de prairies aux Prés de Meuse.
Le château était entouré d'un parc de 6 hectares, magnifiquement arboré, longeant le fleuve, sans berges ni quai de halage.
Depuis lors, c'est en effet l'industrialisation progressive de la Vallée de la Meuse qui devait mettre un terme au caractère pastoral de ces sites riants, dont les coteaux, jadis, étaient exploités en cortils et en vignobles (2).
En 1937, la Torette fut expropriée par l'Etat et, plus tard, démolie pour réaliser les aménagements de la Meuse et, notamment, la construction du Pont-Barrage d'Yvoz.
Au décès de la Veuve Chefnay, le Château était passé à ses enfants, les Cossée de Semeries. Ce qui restait alors des anciennes propriétés Chefnay leur échues en partage (26 Ha) fut vendu en 1954 à la Sté Ame Phenix Works, à Flémalle, soit 125 ans après l'acquisition de la Torette par François Chefnay-Demet.
Aujourd'hui, seule subsiste encore en provenance des Chefnay, La Châtaigneraie de Ramet, appartenant au Colonel Baron Alfred Leclerq. (actuellement le CWAC, Centre Wallon d'Art Contemporain)
Le château de la Torette en face de Chokier
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1725 Mathieu Xhrouet
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1738 Remacle Leloup
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(1) Inventaire analytique et chronologique des archives de l'Abbaye du Val Saint-Lainbert par O. J. Schoonbroodt, tome II, Liège, Desoer 1880.
(2) L'un des ancêtres de Jacques Mouton-Chefnay, Collaer Motton dit Gravillard d'Yvoz, fils de Motton d'Yvoz (1390-1439) l'auteur de la famille Mouton, et aïeul de l'Abbé Dom jean d'Yvoz, était au XVe Siècle l'un des plus importants propriétaires de vignobles de la région.