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Industries Liégeoises

Les Alunières à Flemalle et dans la vallée de la Meuse

par la Commission Historique de Flemalle - 1992 - 144 pages

L'office du tourisme de Flemalle
organise des parcours découverte des alunières.

AGENDA de l'office du tourisme

Extrait de l'ouvrage

QU'EST CE QUE L'ALUN ?

Pour la plupart d'entre nous, l'alun est une pierre incolore dont les hommes se servaient après s'être rasés.

Pour les plus avertis ayant quelques notions de chimie, ALUN est un terme désignant un sulfate double (le sulfate étant un sel résultant de l'action de l'acide sulfurique sur une base). (1)

L'alun proprement dit est un sel (sulfate double) composé de sulfate d'aluminium, de potassium ou d'ammonium, et d'eau de cristallisation.

L'aluminium, sous forme d'hydroxyde ou d'oxyde (alumine), est le constituant essentiel des argiles.

L'alun est un solide incolore, cristallisant sous forme d'octaèdres (solides à 8 faces).

Dans l'Antiquité, chez les Egyptiens, les Grecs, et les Romains, l'expression ALUMEN dont on a fait ALUN avait une signification bien plus large qu'aujourd'hui. Elle désignait les efflorescences de certaines roches.

On distingue 2 sortes d'alun: l'alun naturel ou natif et l'alun factice.

Les Anciens connaissaient l'alun naturel et en faisaient un très grand usage. Ils en distinguaient de 2 sortes: le sec et le liquide (ce dernier était seulement humide ou mouillé, il attirait l'humidité de l'air et était plus ou moins pur). Ces aluns avaient leur nom propre.


L'alun naturel

L'alun naturel se rencontre dans les fissures du schiste alunifère (2) et entre ses feuillets. Il se présente en gros paquets composés de filets déliés comme de la soie la plus fine, argentés, luisants, longs de 4 à 5 cm. On l'appelle parfois alun de plume parce que ces filets déliés sont disposés de telle façon qu'ils font penser aux barbes d'une plume. Exposé à l'air, l'alun naturel prend très vite une teinte jaune sale.

On trouvait notamment l'alun naturel en Auvergne, dans la Bavière rhénane, en Perse; l'alun à potasse dans l'ancien Duché de Piombino (Italie).

A Tolfa (commune située dans une région de collines au Nord de Rome) l'alun existait tout formé, en provenance de la calcination de l'alunite (sulfate d'alumine naturel). C'est le volcan présent dans cette région qui avait opéré cette calcination lors de son éruption.

Dans la solfatare (de l'italien "solfatara" c'est-à-dire soufrière) de Pouzzoles, près de Naples, l'alun effleurissait chaque jour à la surface de la lave (une solfatare est un terrain d'où se dégagent des vapeurs sulfureuses et où se dépose du soufre; elle représente l'état de repos d'un volcan non éteint).


L'alun factice

L'alun factice est obtenu au départ du schiste alunifère. Il y a des millions d'années, l'argile pénétrée de pyrite est devenue schiste sous l'effet de pressions.

Plusieurs opérations étaient nécessaires pour obtenir des cristaux d'alun. Nous les détaillons dans un chapitre spécial.


L'alun artificiel.

Au tout début du XIXème siècle, les chimistes Chaptal et Curaudeau trouvèrent le moyen de fabriquer l'alun de toutes pièces et montèrent aussitôt, pour exploiter leur invention, deux usines importantes la première à Javel près de Paris, la seconde à Montpellier.

C'est grâce à M. Desbrières, pharmacien aide-major aux armées, qui a publié en 1819 une étude intitulée "Nouveaux Secrets des Arts et Métiers, recueillis et mis en ordre", que nous connaissons leur façon de procéder

"M. Curaudeau a publié un procédé sûr, et d'une exécution facile, pour fabriquer l'alun. Il consiste à délayer 100 parties d'argile dans une dissolution de 5 parties de sel marin, à former une pâte qu'on réduit en pains, pour les calciner dans un fourneau à réverbère. On broie le résidu calciné et on verse dessus un quart de son poids d'acide sulfurique concentré en agitant le mélange avec soin. Dès que les vapeurs d'acide muriatique (chlorhydrique), se sont dissipées, on ajoute autant d'eau qu'on a employé d'acide et on continue à brasser le mélange. Il se produit une forte chaleur; la composition se gonfle; on continue à verser de l'eau et on finit par y ajouter une dissolution de potasse, où l'alcali fait le quart du poids de l'acide employé. Il suffit du refroidissement de la liqueur pour produire, en cristaux d'alun, 3 fois le poids de l'acide employé. Un procédé que Chaptal a exécuté dans sa fabrique, consiste à mêler ensemble 100 parties d'argile, 50 de nitrate de potasse, et 50 d'acide sulfurique à 40°. On met le mélange dans une cornue, on adapte un récipient, et on procède à la distillation. L'acide nitrique est chassé par l'acide sulfurique et, lorsque la distillation est terminée, le résidu n'a besoin que d'être lessivé, pour donner un alun de première qualité".

La fabrication de cet alun artificiel porta un coup fatal aux alunières qui avaient eu jusqu'alors le privilège de fournir à l'industrie tout l'alun dont elle avait besoin. L'alun artificiel ne fut importé chez nous que dans la 2ème moitié du XIXème siècle.



USAGES DE L'ALUN

Le schiste alunifère lui-même, ou ampélite (du grec "ampelos" vigne, et "lithos" pierre), fut très tôt utilisé pour l'amendement des vignobles.

On sait aussi que, plusieurs millénaires avant Jésus Christ, les Chinois se servaient des efflorescences de certaines roches comme médication.

D'autre part, comme en fait état un papyrus, les Egyptiens connaissaient l'alun.

Dès le Moyen-âge, l'alun fut principalement utilisé dans l'industrie textile, au moment du mordançage, c'est-à-dire l'application d'un mordant. Les étoffes à teindre possédant rarement la propriété de s'unir aux matières colorantes, on les trempait dans une lessive d'alun. Ensuite, imprégnées puis débarrassées par lavage de l'excès de mordant, on les plongeait dans le liquide colorant. Le mordançage a pour effet de transformer, sur une fibre textile, la matière colorante en laque insoluble. Il constitue ainsi une teinture d'une grande solidité. C'est une opération essentielle pour la fixation de couleurs fondamentales telles que le rouge, le jaune, le noir, ou les nuances voisines issues de pigments végétaux.

Mais l'utilisation de l'alun ne s'est pas arrêtée là. Les tanneurs s'en servaient pour raffermir les peaux, les maroquiniers pour les teindre. Les mégissiers tannaient à l'alun les peaux très souples de mouton, d'agneau ou de chevreau, généralement destinées à la ganterie.

Les fabricants de chandelles mêlaient l'alun au suif pour lui donner plus de fermeté.

Au XVIIème siècle, on revêtait les maisons à pan de bois d'un crépi fait à la détrempe et composé de chaux additionnée de lait et d'alun, ce qui formait une couche imperméable ne s'écaillant pas.

Les graveurs l'utilisaient pour préparer l'eau-forte de Callot (nom du célèbre graveur français, 1592-1635), l'eau-forte étant une estampe obtenue au moyen d'un support mordu par une solution d'acide nitrique.

Dans les conserveries de morues, une assez grande quantité d'alun était nécessaire au moment où l'on préparait le poisson pour le faire sécher. On l'employait aussi pour la conservation des gélatines.

L'alun entrait dans la préparation de la laque, du papier, notamment le parchemin vealin (velin) réservé aux manuscrits de luxe. (3)

L'alun faisait aussi partie des mélanges avec lesquels on a cherché à préserver les corps combustibles de l'inflammation. On a même proposé de faire séjourner pendant quelque temps les bois de charpente dans des dissolutions d'alun à base de potasse pour les nettoyer de leur résine jusqu'à un point tel qu'ils puissent résister aux flammes.

Les menuisiers chargés de colorer en jaune ou en orange des planchers ou des parquets ne pouvaient y réussir qu'en ajoutant de l'alun.

Il entrait en outre dans la fabrication de certains verres (comme celui de Venise) et de la colle végétale.

Dans les moulins, un mélange de borax et d'alun permettait de cimenter et de réparer les pierres de meules.

Son utilité est reconnue pour clarifier bon nombre de liquides, par exemple l'eau potable boueuse. Dans ce cas, l'alun absorbe l'alumine du limon et passe à l'état d'alun insoluble. Les impuretés suspendues dans l'eau sont enveloppées par l'alun qui précipite. Le liquide est ainsi clarifié.

En médecine naturelle, l'alun est un excellent astringent et un antiseptique. Les aphtes, les boutons de fièvre disparaissent rapidement lorsqu'ils ont été frottés avec un bout d'alun. Placé dans le creux d'une dent, c'est un remède populaire contre la carie douloureuse (pharmacien Ch. Semertier-1891).

L'alun est toujours vendu actuellement. Certains teinturiers s'en servent encore. Des peintres l'utilisent pour la fixation des peintures. On l'ajoute à la chaux pour l'aider à adhérer à la surface à badigeonner.

Il entre encore dans le collage des vins (pour les clarifier).

Pour bleuir les hortensias, il suffit de verser un peu d'alun dans l'eau d'arrosage.

Un peu d'alun dans de l'eau chaude salée serait efficace pour dégivrer les vitres.



LE LONG VOYAGE DE L'ALUN.

Pendant très longtemps, l'alun fut exclusivement fabriqué en Orient: en Syrie (à Rocca), en Egypte, en Anatolie (pays situé à l'Est de Constantinople) et surtout en Grèce.

Au XIIème siècle, on trouve déjà des traces de négoce en Flandre. Un courant commercial partait de la Mer Noire pour aboutir à Bruges.

Mais dans la seconde moitié du XVème siècle, la conquête turque provoqua la raréfaction de l'alun oriental sur les marchés orientaux, ce qui eut comme conséquence la montée des cours. Les sommes versées aux Turcs pour les achats d'alun étant considérables, il devenait urgent de trouver une solution.

Une première fabrique européenne avait été fondée au XVème siècle dans l'île d'Ischia (à l'Ouest de Naples) par un Génois appelé Perdix qui, dans ses voyages en Orient, était parvenu à connaître les procédés employés à Rocca.

D'autre part, en 1462, on découvrait l'alun de Mazzaron (S-E de l'Espagne) et les mines du Mont Tolfa (au Nord de Rome). C'est encore un Génois, Jean de Castro, qui avait remarqué lors de ses voyages en Orient que le houx poussait facilement sur les roches alumineuses. Il fut frappé par la concentration de ces arbustes à Tolfa et en tira des conclusions qui se révélèrent heureuses. Bientôt, l'Etat Pontifical fut capable de fournir à lui seul autant d'alun que tout l'Orient en produisait précédemment. En outre, sa qualité était supérieure. Profitant de l'aubaine, le Pape Paul II qui régnait alors, prétendit imposer aux commerçants de la Chrétienté l'achat du Seul alun de Tolfa. Il alla même jusqu'à menacer d'excommunication tous ceux qui achèteraient de l'alun étranger ou en permettraient la vente. Le Saint Siège n'étant pas à même d'écouler lui-même la production que lui procurait la "Societas Aluminium", il en donna l'adjudication à de grandes familles, notamment les Médicis qui dirigeaient un vaste réseau de succursales et de filiales (entre autres à Bruges et Londres). Ainsi progressivement, Rome anéantit la concurrence du Royaume de Naples.

Par contre, dans les Pays-Bas, en Allemagne, en France, la Papauté ne parvint pas à imposer son monopole (de façon définitive tout au moins) et cela malgré un accord conclu entre Paul II et Charles le Téméraire début 1469.

L'Europe Centrale, elle aussi, semble avoir échappé en grande partie à l'emprise économique de Rome les Vénitiens eux-mêmes ayant organisé des prospections dès 1461 dans le Tyrol, elles aboutirent à la découverte de gisements alunifères sur les bords de l'Inn (cette exploitation ne fut jamais très importante, bien qu'elle ait survécu jusqu'au début du XIXème siècle). Des mines furent aussi découvertes en Silésie, en Bohême et en Saxe. Le XVIIIème siècle vit également la fortune, dans cette partie de l'Europe, de l'alun de Schwensal, près de Leipzig.

De même, les pays de la Baltique se fermèrent au XVIIème siècle à l'alun de Rome. Mais ceci fut la conséquence de l'ouverture, entre 1630 et 1637, de deux mines en Suède. Des carrières furent aussi exploitées en Norvège.

Les débouchés de l'alun romain allèrent donc en se rétrécissant constammment.

Il faut souligner qu'entretemps, l'Empereur Maximilien et son fils Philippe le Beau avaient octroyé à Anvers l'étape de l'alun (en 1491), ce qui fut à l'époque un des éléments fondamentaux de la prospérité du port. Au XVIème siècle, l'alun espagnol et l'alun romain se partageaient le marché d'Anvers, mais dès 1592, l'alun castillan s'épuisa. L'alun de Rome aurait pu être favorisé si la guerre n'avait pas constitué une entrave (en effet, depuis 1572, les "Gueux de Mer" (4) tenaient les bouches de l'Escaut. En outre, Anvers fut coupée de la mer par les Hollandais en 1585). Mais c'est aussi l'époque où de nouveaux gisements étaient découverts en Europe Occidentale, ce qui renforça la concurrence et malmena le monopole des aluns de Tolfa.

Entre 1590 et 1614, alors que nos alunières locales fonctionnaient déjà depuis un demi siècle, les mines anglaises font leur entrée. En 1619, les alunières du Yorkshire comptaient 6 ou 7 usines.

Après 1614, la prospérité des mines de Tolfa diminua à cause de la concurrence mais aussi par l'épuisement de certains filons. L'alun de Rome restait le meilleur mais l'industrie montante de l'Europe avait besoin de quantité. (5)

En réalité, l'industrie de l'alun ne connut aucun rival sérieux chez nous avant la fin du XVIIème siècle et, malgré la consommation des teintureries de Verviers, on put exporter la plus grande partie de notre production. A la fin du XVIIIème siècle, les 5/6 de cette production étaient exportés; la Hollande, la Suisse et l'Allemagne étaient nos principaux clients. Le schiste alunifère tenait le 2ème rang pour les richesses minérales de notre arrondissement.

En conclusion, on constate que l'alun fut au centre des grands changements économiques et de la redistribution des positions-clés qui se produisirent à la fin du XVIème siècle et au début du XVIIème.



LE SCHISTE ALUNIFERE EN WALLONIE

Un vaste ensemble de terrain houiller et de calcaire s'étend depuis Liège jusqu'à Valenciennes, au Nord de la France. Il présente des alternatives de renflements considérables qui forment les bassins houillers de Liège, Charleroi, Mons, et de resserrements où les couches de houille sont peu nombreuses et de mauvaise qualité. C'est dans ces resserrements, et spécialement dans celui qui s'étire entre Liège et Namur, que se présente le schiste alumineux, entre le calcaire et le terrain houiller, car l'assise houillère qui succède immédiatement au calcaire carbonifère ne contient pas de houille. Par contre, ses schistes renferment de l'ampélite

Avant les bouleversements qui ont profondément modifié l'aspect de l'écorce terrestre, les différentes couches géologiques se présentaient comme suit:

HOUILLER


Schiste alunifere


CALCAIRE

A cause des bouleversements qui se sont produits il y a plusieurs millions d'années, un changement s'est opéré à la suite de pressions horizontales auxquelles il faudrait ajouter un renversement. (voir page suivante)

Dans la vallée de la Meuse, les mines d'alun sont connues sur une longueur de 20 Km, depuis Loyable (près de Huy) jusqu'à Flémalle-Haute.

Elles consistent en couches de schistes alumineux et pyriteux, dirigées de l'Est à l'Ouest, presque verticales et inclinées de 80° vers la Meuse. Celles de la rive gauche sont les plus considérables et les plus importantes par leur régularité et leur richesse. Celles de la rive droite ne sont connues que depuis Ramioule jusqu'à Ivoz, sur une longueur de plus ou moins 3 Km.

Meuse d'Alun du pays de Liège

Mais l'alun a été exploité ailleurs également. Par exemple à Souvré, près de Visé, on voit les "terrisses" d'une exploitation qui s'est terminée en 1728. Il y en a une autre, probablement sur la même veine, à Richelle, près d'Argenteau. A un kilomètre de là, tirant au Sud, on découvre l'emplacement de deux alunières sur la commune de Dalhem.

Sur la droite du chemin de Chaudfontaine, il y a encore un tas de "terrisses" appartenant à l'alunière de la Rochette.

Des minerais d'alun ont été reconnus à Prayon, Forêt-Trooz, Francorchamps, Bévercé, et le long de l'Ourthe et de l'Amblève.

Selon les mineurs, les schistes alumineux se divisent en 15 couches appelées aussi "bancs". Les plus proches du calcaire sont noirâtres, très feuilletées, bitumeuses, et sont les plus rentables. Les plus éloignées se divisent en feuillets plus épais, grisâtres intérieurement et assez souvent rougeâtres à leur surface (A. Dumont).

Entre le calcaire et le schiste alunifère, on trouve parfois du minerai de fer (notamment à Ramioul).

L'épaisseur moyenne des couches alumineuses est de 8, 12 et 16 mètres. Tantôt elle augmente jusqu'à 28 m comme à la Mallieue, tantôt elle se réduit à moins de 2 m et devient inexploitable comme entre Dosquet et la Mallieue.

Une tonne d'alun exige en moyenne 60 tonnes de schistes.

Sur cette ancienne carte postale, on voit très bien les bancs calcaires s'incliner avant de former un pli et passer sous la Meuse (inexistante à l'époque de ces bouleversements).

Comment nos ancêtres ont-ils pu deviner que notre sol contenait du schiste alunifère?

Il est possible que lors de l'exploitation du plomb et de la calamine (antérieure à celle du schiste alunifère) ils avaient remarqué la présence de pyrite. Or, le schiste alunifère est une argile pénétrée de pyrite. Donc...



FABRICATION DE L'ALUN

Remarque préliminaire

Les descriptions qui vont suivre ne sont pas nécessairement valables pour toutes les alunières. Il est bien certain également que les méthodes de travail ont évolué tout au long des 3 siècles pendant lesquels cette industrie a vécu. Le lecteur trouvera donc ici le fonctionnement d'une alunière-type, à une certaine époque qui pourrait se situer au XVIIIème siècle. Néanmoins, les différences ne furent jamais énormes.

Encyclopédie Diderot et d'Alembert - Exploitation du schiste alunifere a Engis

Pour obtenir des cristaux d'alun différentes phases de travail étaient nécessaires:

1. l'extraction et la préparation du minerai

2. le grillage

3. le lessivage

4. la cuisson et l'évaporation

5. la cristallisation

Fabrication de l'alun


1. L'EXTRACTION

L'extraction du schiste alunifère était assez semblable à celle du charbon. Elle rencontrait les mêmes problèmes, c'est-à-dire l'aération et l'évacuation des eaux.

En général, on creusait un puits hors de la couche de schiste et on l'approfondissait jusqu'à environ 6 mètres.

On pratiquait alors une galerie à travers bancs, qui aboutissait dans la couche de schiste à exploiter. A ce premier niveau, on établissait ce qu'on appelle un premier ouvrage, c'est-à-dire qu'à droite et à gauche, on menait des galeries d'allongement qu'on prolongeait d'une cinquantaine de mètres de chaque côté. Au fur et à mesure du creusement, les schistes étaient amenés au puits et remontés à la surface. Venait alors l'exploitation systématique, de l'extrémité des galeries vers le puits, tout en laissant des piliers pour soutenir la partie supérieure. Ce travail terminé, on enlevait les piliers en commençant évidemment par les plus éloignés. On récoltait alors le schiste effondré.

L'exploitation du premier niveau terminée, le même processus était appliqué 6 mètres plus bas. En général, on comptait 3 niveaux.

Mine d'extraction du schiste alunifère

Cette façon de procéder "par foudroyage" provoquait bien sûr des affaissements qui se répercutaient à la surface du sol. Ce sont les "fondris", couramment rencontrés en bordure de la couche calcaire. Remarquons toutefois qu'il était interdit de foudroyer sous les routes, les châteaux, les églises, les maisons et les champs cultivés.

Cette méthode avait ses avantages: économie de main-d'oeuvre et absence de boisage. Cependant certaines exploitations utilisaient le boisage qui rendait inutile le maintien de piliers. Dans ce cas, l'effondrement se produisait au moment du retrait des étais. Ici aussi, la méthode était économique car les mêmes étais servaient plusieurs fois.

Quant à Diderot, dans son Encyclopédie datant du XVIIIème siècle, il décrit l'extraction dans ces termes:

"Trois hommes commencent une bure: ils tirent les terres; les autres étançonnent avec des perches coupées en 2. Quand le percement est poussé à une certaine profondeur, on place à son entrée un tour avec lequel on tire les terres dans un panier qui a 3 pieds de diamètre sur 14 de profondeur. Six femmes sont occupées à tirer le panier, 3 d'un côté du tour, 3 de l'autre. Un brouetteur reçoit les terres au sortir du panier et les emmène. Il y a quelquefois 7 personnes dedans et 7 au-dehors. De ceux du dedans, les uns minent, les autres chargent le panier, quelques-uns étançonnent... Quand on trouve la terre bonne, on la suit par des chemins souterrains qu'on fraye en la tirant; on étançonne tous ces chemins avec des morceaux de bois qui ont 6 pouces d'équarrissage sur 6 pieds de haut; on place ces étais à 2 pieds les uns des autres sur les côtés; on garnit le haut de petits morceaux de bois et de fascines; quand les ouvriers craignent de rencontrer de l'eau, ils remontent leur chemin."

Sorti du puits, le schiste était transporté dans des hottes ou des brouettes jusqu'à un endroit pas trop éloigné où on en faisait des tas pouvant mesurer 6 m de haut et 18 m en carré (selon Diderot). On laissait alors le minerai subir l'action de l'air, de l'eau, de la lumière, du vent, du soleil, et ce pendant un temps très variable. Il se délitait et était prêt pour l'opération suivante.


2. LE GRILLAGE

Le but de cette opération était de transformer la majeure partie du soufre contenu dans le schiste, en sels de fer et d'aluminium. C'était la phase la plus déterminante et la plus délicate. Elle exigeait beaucoup de surveillance et d'attention. Trop peu grillé, le schiste donnait du mauvais alun, très chargé de fer. Trop grillé, on en retirait fort peu d'alun.

Le sol sur lequel se faisait le grillage devait, si possible, avoir une légère pente venant aboutir à une rigole destinée à recueillir les eaux pluviales. On commençait par préparer une surface plane, un peu surélevée, afin que l'eau ne s'introduise pas sous le tas lors des fortes pluies, et on la garnissait d'argile battue. On y disposait un lit de fagots, long d'une trentaine de mètres et large de 2 à 3 mètres, qu'on recouvrait d'une couche de schiste d'une soixantaine de centimètres d'épaisseur. On continuait alors l'élévation du tas, qui devait comprendre 8 à 10 couches doubles. L'ensemble portait le nom de "fade" ou "faude". On terminait par une couche de minerai très fin que l'on disposait en dos d'âne pour éviter que les pluies ne pénètrent à l'intérieur de la pyramide et ne viennent ainsi laver et refroidir les schistes. Pour la même raison, les côtés devaient être le plus possible perpendiculaires au sol.

Dans le pays de Liège, on commençait à mettre le feu par le côté tourné vers l'Ouest. C'est d'ailleurs de là qu'on enlevait continuellement du minerai grillé qui, de noir qu'il était, devenait rouge par le grillage. Lorsque le tas s'éloignait trop des cuves à lessiver, on en construisait un autre.

Au côté opposé, on ajoutait régulièrement de nouvelles couches de bois et de schiste, de manière que le feu reste toujours dans la pyramide. Ce côté, tourné vers l'Est, était à l'abri des vents humides du Sud-Ouest. Il présentait des gradins sur lesquels on plaçait des échelles qui servaient à amener les charges. On avait toujours soin de couvrir les côtés du tas au moyen de minerai fin et mouillé, de même que les gradins, afin que les vapeurs sulfureuses ne s'échappent pas par là et soient obligées de traverser l'ensemble de bas en haut. La combustion devant se faire de façon uniforme, des ouvriers donnaient de l'air avec une pioche, là où c'était nécessaire. Des injections d'eau à la surface, fréquemment répétées, maintenaient la température à un point convenable de façon à rendre la décomposition aussi complète que possible.

Le grillage durait au moins 10 jours. La matière était bonne quand elle "sonnait" d'une façon que seul le préposé pouvait reconnaître.


3. LE LESSIVAGE

Le schiste grillé était amené par les "cuveleurs" dans des bassins (ici au nombre de 12) de 16 pieds de côté sur 2 de profondeur.

Encyclopédie Diderot et d'Alembert - Aluniere

«Chaque bassin pouvait contenir 44 brouettées, soit environ 3.500 Kg. Dans l'espace séparant les 2 rangées de bassins, on trouve 3 puisards de 3 pieds de long sur1 ½ de large et 2 de profondeur. Chaque groupe de de 4 bassins communique avec un puisard central. Des bouchons permettent d'établir ou d'interrompre cette communication. Bassins et puisards sont tapissés de madriers. Leur fond est constitué de planches et de fascines afin de laisser passer l'eau chargée de sels d'alun, tout en retenant les terres.» (d'après Diderot)

En commençant la campagne, on était d'abord obligé de faire agir l'eau pure sur du minerai sec. Mais quand le processus était en train, le travail se passait de la manière suivante:

L'eau pure arrivait le matin sur du schiste qui avait déjà été lessivé 2 fois. Le lendemain matin, on laissait passer cette eau dans le puisard d'où un "happeur" la prenait avec un "seau à queue" (sorte de grande louche) pour la verser dans des bassins où le schiste n'avait été lessivé qu'une fois. Au bout de 24 heures, il la reprenait de nouveau pour la déposer sur du schiste sec. Toujours après 24 heures, l'eau étant bien chargée de sels d'alun, il la laissait s'écouler dans une première "coûve-à-rapaire" (cuve dépuratoire) où elle déposait les molécules terreuses restées en suspension.

Le minerai épuisé (boue) restant au fond des bassins après la troisième lessive était transporté par les cuveleurs qui en faisaient les "terrisses rouges" qu'on voit encore aujourd'hui, couronnant le calcaire qui borde la vallée de la Meuse.

Cuve à rapaire

De la première "coûve-à-rapaire", l'eau alunée était acheminée vers une seconde près de l'officine (usine) parfois distante de plusieurs centaines de mètres. Son écoulement avait lieu dans des chenaux de bois blanc (demi-troncs d'arbres évidés) reposant sur des chevalets ou tout simplement posés sur le sol si on pouvait remédier à ses irrégularités. Les chenaux s'encroûtaient et se pétrifiaient en quelque sorte par les précipités de sels insolubles que l'eau alunée charriait dans les pores du bois. Certains pouvaient ainsi résister un demi-siècle et ne devaient leur remplacement qu'à des accidents parce que devenus très cassants.


4. LA CUISSON

Dans ce cas-ci, l'officine disposait de 4 chaudières en plomb mesurant 12 pieds de long sur 8 de large et 3 de haut (le nombre de chaudières n'était, pas fixe). Elles étaient rigidifiées par des barres de fer (raidisseurs) pour éviter leur déformation au contact du fourneau sur lequel elles reposaient.

Les raidisseurs étaient fixés au moyen de lamelles de plomb soudées aux extrémités

L'eau alunée, stockée dans la "coûve_a_rapaire" extérieure, était amenée dans 2 de ces chaudières et on réalisait une "première cuite" (ou raffinage). Le liquide ayant acquis une certaine consistance, on l'amenait, par des chenaux, jusqu'à des auges en maçonnerie situées à l'autre extrémité de l'officine. Ces auges étaient destinées, non seulement à faire reposer le liquide, mais aussi à laisser déposer les impuretés qui auraient pu nuire à la beauté de l'alun et à sa qualité.

On puisait alors le liquide avec des seaux pour le déverser dans les chenaux (7) qui le conduisaient dans les 2 autres chaudières.

Commençait dès lors une "deuxième cuite" après avoir ajouté de l'urine récoltée dans le village (8) ou de la potasse, deux alcalis dont le but était de provoquer la précipitation de l'alun et sa cristallisation finale (9). A mesure que le liquide diminuait dans les chaudières, on ajoutait de l'eau claire pour le purifier et pour conserver une certaine fluidité.

Il ne restait plus qu'à laisser s'écouler ce liquide épais dans des tonneaux où se réalisait la cristallisation.


5. LA CRISTALLISATION

On laissait la matière dans les tonneaux pendant plusieurs jours sans y toucher.

Selon les usines, ces tonneaux avaient une capacité de 1.500 à 2.000 litres. Ils étaient formés de douves en chêne réunies par des cercles en fer et numérotées pour permettre leur réutilisation. Le joint avec le sol dallé de l'officine était luté avec de l'argile.

La solution d'alun était donc laissée à refroidir. L'alun cristallisait d'abord sur les parois et sur le fond et, au bout d'une huitaine de jours, on pouvait dévêtir la masse, c'est-à-dire enlever les douves du tonneau. Le bloc d'alun ainsi obtenu, et désigné sous le nom de "masse d'alun", était encore laissé quelque temps au repos.

Le refroidissement complet durait 15 à 20 jours. Au bout de ce temps, la parois de la masse avaient atteint 25 à 30 cm d'épaisseur. Il restait au centre, de l'eau qui n'avait pas cristallisé et que l'on récupérait pour être réemployée au lessivage ou à la cuisson.

A l'aide d'une hache, on divisait alors la masse d'alun en blocs puis en morceaux. On obtenait ainsi l'alun ordinaire ou alun de glace. Seul, ce qu'on appelait "le lard" (c'est-à-dire la portion la plus rapprochée du tonneau) pouvait être considéré comme alun marchand, excepté une partie du pied, rendue grisâtre par des impuretés et qui était demandée par les corroyeurs (qui apprêtaient le cuir) qui l'appelaient "alun gris". Les plus belles parties des déchets étaient, après leur passage au moulin, vendues sous le nom d'"alun écrasé". On vendait aussi l'alun sous la forme de poudre fine qui s'obtenait par broyage.

Forme et Masse d'alun



ALUNIERES DE LA VALLEE MOSANE

Bien que notre but soit l'étude de l'histoire locale, il nous est impossible de nous arrêter aux limites de notre commune. En effet, la couche de schiste alunifère s'étend d'une façon continue depuis Huy jusqu'à Flémalle-Haute (sur la rive gauche) puis, après un pli qui lui fait traverser la Meuse (voir croquis page 10), remonte de Ramet à Clermont.

Nous nous devons donc de signaler les exploitations ayant existé entre Huy et Flémalle. Nous avons essayé de les situer et de donner, pour chacune, quelques éléments de leur histoire. Le premier pas étant fait, il se trouvera peut-être quelques curieux qui désireront approfondir leurs connaissances en ce qui concerne les alunières situées sur leur commune.

Mais il est évident que ce sont les alunières flémalloises qui ont retenu toute notre attention.

Partant donc de Huy, nous avons rencontré les alunières suivantes: Corphalie, St Nicolas, Wahairon, Rémont, Flône, Vignis, le Dosquet, le Dos, les Fagnes à Engis, Gibouhis, avant d'entrer dans notre entité.

Les alunières du pays de Liège

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Note: Seules les alunières de Flemalle sont transcrites ici.


ALUNIERES D'AWIRS

Les alunières des Awirs

Deux alunières se sont partagé le filon de schiste alunifère sur le territoire d'Awirs TRO CWAHEUR et AIGREMONT.

Toutes deux se trouvaient sur la seigneurie d'Aigremont mais la concession de minerai du TRO CWAHEUR dépendait en partie du seigneur de Haultepenne (Gleixhe) qui était en même temps seigneur de "la moitié supérieure d'Engis".

Il semblerait que la plus ancienne mention concernant l'alunière du TRO CWAHEUR remonte à 1601. C'est de cette époque en effet que date un contrat d'exploitation où est concerné Robert de Ligne, alors seigneur d'Aigremont. Ce dernier mandate son châtelain de Haultepenne, Jean de la Chostellerie, et celui d'Aigremont, Jean Gaen, pour "accorder permission d'extraire soufre, alun couperose et fer, à Pierre Nihoul et consorts".

Obligation est faite au sieur Nihoul (10) de conduire ses produits à son usine située au lieu-dit Neumolin, moyennant "une redevance de 1/28 d'alun, 1/20 de soufre et couperose, et 1/10 de plomb, fer et chalmine". L'acte stipule encore que "les dites marchands commencent a faire besoigner leur uzine le 15 avril 1601". Cette "uzine" est en réalité l'officine de l'alunière qui s'étendait au-dessus du massif calcaire abritant la grotte dite du Trô Cwaheur, cette dernière ayant donné son nom tant à l'alunière qu'à cette portion du village.

L'officine était donc située au lieu-dit Neumolin, entre le moulin Valentin et le Neumolin lui-même (ce dernier a porté successivement les noms de "moulin Gendebien" puis "moulin Bovy" mais s'appelait déjà "Neumolin" dès 1435).

En 1603, dans un acte de partage de divers biens, on note "...reportation de Gérard fis Anthoine Malpas à Toussaint Anseau et Wilkin Pirotte de mollin alle farinne et az papis, soierie âs planches, cop d'eawe, uzine à faire alun platinnerie, maison, jardin, prairies et toutes leurs appartenances séant sous la haulteur d'eingis". (11)

La confirmation quant à l'implantation de l'usine nous est encore fournie dans un autre acte daté de 1605 où le seigneur d'Aigremont accorde concession à Jacques aux Brebis et Wilkin Pirotte, marchands d'alun à Liège, qui vont mettre en marche une "uzine à faire alun au lieu-dit marteal sous Aigremont" (12).

L'usine démarre effectivement le 15 avril 1606. Jacques aux Brebis et Wilkin Pirotte ne la conserveront pas longtemps car, en 1621, elle passe dans les mains de Gilles Fourneau (13).

Cette même année 1621, Jean Jacques de Belgiojoso, seigneur de Chokier, intente un procès à Gilles Fourneau parce que les cendres de son usine emplissent les biefs de son moulin.

Il faut savoir que le moulin banal de Chokier était l'ancien moulin Collin, situé en aval du Marteau, à la limite Awirs-Engis, derrière les anciens abattoirs. (14)

L'industrie de l'alun devait être rentable car, tout au long des années qui vont suivre, on verra souvent s'affronter dans d'interminables procès les protagonistes du début.

C'est ainsi qu'en 1622, les frères Jean et Henri Nihoul sont accusés par le Prince de Ligne d'avoir détourné à leur profit des "charrées d'alun" destinées à son intendant, le châtelain Jean Caen.

En 1628 apparaît un fait nouveau: Gilles Fourneau se propose de dresser "un engin avec mollin et rues pour tirez et épuiser les dites eawes". Cette expression curieuse annonce l'arrivée, sur le ruisseau d'Awirs, d'un engin encore plus curieux, et gigantesque. Il s'agit d'une énorme pompe mue par des roues (rues) établies sur le ruisseau dans le but d'extraire les eaux souterraines qui envahissaient les ouvrages et arrêtaient leur progression. Or, dans ce "fond de Neumolin" fonctionnaient déjà deux moulins à eau: Neumolin et le Marteau, desservis par le même bief. L'industrie de l'alun, toute importante qu'elle était par les revenus qu'elle procurait, ne pouvait se permettre de nuire à la meunerie qui existait à cet endroit depuis le début du XIIème siècle (15).

Les alunières des Awirs au XVIIe siècle Les alunières des Awirs au XVIIe siècle

L'année suivante, donc en 1629, on trouve un nommé Jean Dengis qui autorise "le passage de wères vers la haute-awirs pour faire tourner les pompes a effet de travailler aux chalmines sous la hauteur d'engis". Les pièces de bois commencent donc à arriver sur le chantier. Et dans un autre acte: "ils auront estés encore convenable d'entreprendre sous la conduite et invention d'un bon espert et estranger de dresser un mollin avec rues pour pompes tirez et espuiser les eawes et xhorrer le bassinage". Les pompes dont il est. question semblent donc devoir remplir deux fonctions: tirer les eaux des puits d'extraction et xhorrer le bassinage.

Remarquons que dans cet acte de 1629 on ne cite pas l'alunière de Trô Cwaheur mais celle d’Aigremont. Il est possible que le scribe ait confondu les deux, l'une et l'autre étant sur la juridiction d'Aigremont. D'autre part, il es! malaisé d'affirmer que l'alunière d'Aigremont était déjà en activité à cette époque.

Plus tard, c'est-à-dire entre 1629 et 1644, un deuxième engin sera installé de l'autre cote du ruisseau. Ceci est confirmé en 1643: "au lieu nommé gros bushon ils pourront dresser une rue a faire tourner engin ou instrument pour explulser les eawes et xhorrer le bassinaige".

Nous avons la preuve de l'existence de ces deux engins dans un récit que fit James Hope, un Anglais voyageant dans la région liégeoise dans le but de visiter les industries locales et s'initier ainsi à diverses techniques pour lesquelles les Wallons étaient passés maîtres. James Hope arrive le mercredi 29 avril 1646 "a une lieue de Jonky (Chokier) à côté du château d'Engremont (Aigremont) tout près d'un ruisselet affluent de la Meuse où il visite les alunières dont l'eau est évacuée par des pompes et des moulins à eau - un de chaque côté du ruisseau...". Le carnet de route de James Hope est précis: en 1646, il existe bien deux engins aux Awirs. Ils appartiennent à l'industrie de l'alun et desservent deux alunières, celle de "troc a hur", comme il l'écrit, et, celle d'Aigrernont, en face.

Les alunières des Awirs au XVIIe siècle

Revenons à l'officine construite vers 1600 pour les besoins de Trâ Cwaheur. Elle fut également utilisée plus tard par l'alunière d'Aigremont. En effet, en 1633 "l'usine de Trô Cwaheur se trouve aux mains d'Amel delle Garde de Dieu, de Hubart son frère et de Valante Benoît, et Jacques aux Brebis établit alors un contrat avec Grégoire Gaen (d’Aigremont) et Marie Rougraff son épouse afin que ces derniers lui livrent de l'alun à son usine de Trô Cwaheur en dessous du château d'Aigremont".

Nous apprenons ensuite que l'usine "est à 3 chaudières et 4 si peut se faire" et "les époux Gaen devront faire alun belle et blanche recevable aux dires des cognoisseurs et constituée en bons tonneaux livrer a la cité de liège". Pour ce faire, les époux Gaen reçoivent 1600 florins de la part du sieur Brebis. Voilà qui prouve que l'usine de Trô Cwaheur est utiliée également par les gens du seigneur d'Aigremont.

Si l'année 1646 est importante par la visite de James Hope, elle l'est également par la mort de Gilles Fourneau dont la fille, Marthe, va reprendre la direction des parts de son père jusqu'en 1689, année de sa mort, sans laisser de descendance.

La seconde moitié du XVIième siècle va se dérouler sans faits saillants si ce n'est la création, en bord de Meuse, d'un "rivage Fourneau" ou "rivage Fornea", soit un quai d'embarquement des produits de l'officine de Neumolin à destination de Liège, et réservé à Fourneau.

Les actes de cette époque portent toujours les mêmes noms qu'auparavant car le passage devant, notaire est obligatoire lorsqu'il y a modification dans la répartition des parts. C'est ainsi que Anne Marie Rougraff apparaît en 1669 dans un procès qu'elle intente à Jacques Nihoul, ce dernier ayant "fait arrêter les chaudières et ustensiles servant à l'ouvrage de Trô Cwaheur".

Avant d'aborder le XVIIIème siècle, il convient de se pencher sur ce qu'était la seigneurie d'Aigremont entre 1640 et 1715.

En 1640, Albert de Ligne ayant engagé (hypothéqué) la seigneurie d'Aigremont, il en fut dessaisi par les notaires Lefèvre et Nivolara qui la conservèrent jusqu'en 1663, année de son acquisition par Mathias de Grady, alors bourgmestre de Liège. Elle fut de nouveau reprise en 1690 par Nivolara pour finalement aboutir entre les mains de Mathias Clercx en 1715. Toutes ces tribulations eurent évidemment une influence néfaste sur les industries locales, dont les alunières. C'est, là l'origine des nombreuses péripéties judiciaires et notariales entre les concessionnaires des alunières d'une part et les autres propriétaires (Nihoul, Médart, Pirotte...) d'autre part. Les uns et les autres utilisant la même force motrice unique, c'est-à-dire le ruisseau des Awirs, les contestations étaient inévitables.

L'arrivée de Mathias Clercx allait faire évoluer les esprits vers un sens plus positif.

Clercx est un homme d'église, riche, puissant, archidiacre du Condroz, chanoine tréfoncier de la cathédrale St Lambert. Ses titres ne se comptent. plus et lorsqu'il rachète Aigremont et ses créances, c'est dans le but de faire fructifier son domaine. Après quelques années consacrées à la construction de son nouveau château (de 1716 à 1727), il s'occupe efficacement des industries locales qui seront pour lui une source de revenus non négligeables.

Dès 1731, il accorde à la veuve du sieur Gilles Fourneau, "maîtresse de plusieurs ouvrages d'alun dans la juridiction d'Aigremont", l'autorisation de "renettoyer et renfoncer quelques vieux bures pour voir s'il n'y aurait pas encore des terres à travailler dans les bures du seigneur moyennant de laisser une serre (16) de 7 toises pour les sentiers des canaux, bures et chemin du seigneur". En outre, elle ne pourra "ni fader, ni mettre ses cuves sur les terres du dite seigneur et sera obligée de remettre ses immondices dans les fondrisses et devra préférer la main-d'oeuvre des manants de M. Clercx à toute autre étrangère aux lieux".

M. Clercx traite également avec l'alunière voisine, celle du Bois des Moines sur Hozémont, dont les exploitants voudraient foncer des bures sur Awirs, vers la Crâne et le Trokay. Les relations entre M. Clercx et Bois des Moines ne seront pas toujours des plus cordiales et un procès les opposera en 1740 au sujet de "cens d'areine" (17). Les maîtres du Bois des Moines, pour éviter les frais importants qu'entraînerait le creusement d'une areine, auraient voulu utiliser "illicitement" celle de M. Clercx. Or, ce dernier accorde de l'importance aux revenus que lui procurent ses areines d'Aigremont et Trô Cwaheur, ce qui l'oppose souvent aux divers exploitants. En 1740 encore, il s'attaque aux maîtres de Trô Cwaheur et Gibouhis parce que les eaux de leur alunière se jettent. dans "son" ruisseau et que les concessionnaires ne prétendent pas payer leur cens. M. Clercx exige donc la centième livre d'alun comme redevance et, d'autre part, il discute avec la veuve Fourneau qui s'engage à lui payer la 30ème charrée. d'alun lorsqu'elle travaille sur sa juridiction et la centième livre (1%) quand elle est en dehors.

Pendant ce temps, en 1735, l'usine de Neumolin étant en mauvais état, on décide de la reconstruire, au même endroit. Dans cette opération on voit intervenir les mêmes personnages qu'auparavant, soit M. Clercx et Nihoul, mais aussi un greffier des Awirs, Gabriel Rome, ainsi qu'un nommé Colette, tous deux associés aux ouvrages de Trô Cwaheur et qui se déclarent disposés à "foire besoigner l'uzine". Mais ils trouvent utile de faire appel à un connaisseur local en la matière, le sieur Dosquet, qui possède des ouvrages sur Engis, commune dont il est le maire (le juge).

En 1741, de nouveaux conflits surgissent entre M. Clercx et l'alunière de Gibouhis, proche de Trô Cwaheur, qui déverse ses eaux dans le ruisseau des Awirs sans payer de redevance.

Vers 1741 encore, un sieur Fourneau ayant amené des schistes alumineux sur la juridiction de M.Clercx, il s'ensuivra une série de problèmes pour s'en débarrasser. Mathias Clercx décède en 1744. C'est Jean Michel Guillaume de Clercx son petit-neveu, qui devient seigneur d'Aigremont. Ce dernier, en 1751, décide de vendre ces fameux schistes pour 425 florins à Rome et Coune, exploitants du Trô Cwaheur, mais les héritiers de Fourneau n'appréciant pas la proposition, ils intentent un procès. En 1762, les discussions à propos de ces "vieilles terres" ne sont pas encore terminées. Or, depuis 21 ans qu'ils sont exposés à tous les vents, ces schistes sont devenus stériles. Jean Michel G. Clercx propose alors à la communauté d'Awirs d'estimer leur valeur et de les vendre car ils encombrent sa juridiction (18).

En 1763, à la suite du décès des concessionnaires Rome et Coure, leurs veuves et héritières décident de céder Trô Cwaheur à Jean Michel G. Clercx. Et on voit resurgir dans l'acte de cession, les fameuses "terres" déposées "alle chauchie", à la chaussée, soit près des actuels fours à chaux.

L'acte de fusion entre Trô Cwaheur et Aigremont est enfin signé le 6 juin 1765 devant le notaire Laurent.

Jean Michel Guillaume Clercx décède en 1779. En 1780, sa veuve, Marguerite de Hayme, aimerait faire placer une machine d'exhaure à Trô Cwaheur pour "continuer l'ouvrage que son cher mari a acquis". En effet, depuis 1749, les travaux à Trô Cwaheur étaient arrêtés par les eaux. Les veuves Rome et Coune préfèrent vendre l'exploitation devenue sans intérêt pour elles, à une personne suffisamment riche pour envisager le placement de cette machine.

Quant à la deuxième pompe, celle qui épuise les ouvrages d'Aigremont, elle semble toujours en activité car, régulièrement, on trouve des "notes de frais pour l'engin", émanant de Jean Michel G. Clercx. Par exemple en 1763 "trois crettes" (19) pour la pompe de l'usine".

En outre, la nouvelle officine de Neumolin a subi de grosses réparations en 1764. Une importante facture à l'attention d'un entrepreneur nommé Posson fait état de

  • 32 taques pesant 12.551 livres (environ 6 tonnes).
  • une chaudière en plomb avec ses barreaux, demi-taques, risteaux et barres pesant 21.475 livres.
  • une chapine de. 20 pieds pour le puits.
  • quatre pieds de bois pour la rapaire.
  • 88 livres d’acier de Hongrie
  • 171 livrees de fer aremberg
    pour avoir fait des ferrailles au gibet du puits
    pour avoir livré une platine pour faire la fournure à l’usine.
    pour
    12 accroches pour attacher la forme pesant 31 livres
    pour
    3 palettes pour liguer le sable pesant 5 livres
    pour avoir fait un tocfeu
    pour un rave de chaudière pesant 110 livres ½
    pour un thirer et y mettre quatre livres de fer
    pour un stry pour mettre aux poudres de l’usine

L'usine d'Aigremont est donc bien saine et rentable. Il est vrai que depuis 1706, année de la fusion Houlbouse-Aigremont, cette dernière n'a pas cessé de s'étendre, reprenant encore Bois des Moines puis Trô Cwaheur, ce qui représente un filon allant des Fagnes à Engis jusqu'à l'entrée de Flémalle-Haute, soit à peu près 3 km. Ces fusions étaient facilitées par le fait que, les petites exploitations étant envahies par les eaux, il leur en coûtait trop de faire installer des pompes d'exhaure efficaces. Seul, un seigneur financièrement puissant, comme Clercx, pouvait se permettre de grosses dépenses.

L' exploitation' du schiste alunifère se continuera donc dans ces diverses entreprises sous l'appellation générale d'alunière d'Aigremont. On trouve des preuves d'exploitation en 1767, 1769 et 1770. Là, il semble qu'un arrêt assez long soit intervenu car on n'a plus d'actes importants jusqu'en 1793, année où il est mentionné 104 ouvriers travaillant aux alunières de Clercx, y compris Bois des Moines et "usine mâge".

En 1792, la veuve Graindorge et son fils sont contraints à la vente de "l'usine delle chaucie" (officine de Neumolin) suite à des arriérés non payés. Lors de cette liquidation, apparaissent "un chaudron de 6.000 livres, une cuve de 20.000 livres, une autre de 12.000 livres, six pièces de fer servant à un fourneau, le faux-fond de la grande cuve, ...". L'usine semble toujours en bon état.

En 1799, les exploitations de Trô Cwaheur et Gibouhis sont arrêtées et définitivement abandonnées.

Mais cette fin du XVIIIème siècle est également marquée par deux événements importants: la Révolution Française de 1789 et la Révolution Liégeoise de 1792. Les petits seigneurs locaux, comme Clercx, doivent alors "rendre des comptes" à la nouvelle autorité qui ne s'embarrasse pas de ces petits dieux du terroir jusqu'alors tout puissants dans leur domaine.

Nous voilà donc englobés dans le "Département de l'Ourte". Un préfet et des commissaires sont chargés d'établir un relevé des revenus de chaque entreprise. Lorsque le préfet se présente à Aigremont, c'est pour s'entendre dire par Jean Guillaume Clercx (fils du précédent) que "les salaires sont à peine couverts par le montant des ventes". Faudrait-il considérer Clercx comme un philanthrope? Le préfet n'en croit rien et, dès 1813, il décide de mieux surveiller les comptes de l'alunière.

En juillet 1810, un incendie ravage la hutte qui couvre le bure contenant la pompe de l'engin. Tous les bois et combustibles y entreposés (pour une valeur de 5.975 frs) sont détruits.

Clercx entreprend la reconstruction et dès décembre 1813, la finition est assurée.

En attendant, Aigremont produit. On y trouve des résultats positifs en 1807, 1810, 1811, 1812 (où 105 ouvriers sont occupés ainsi que 10 "privés") et 1813.

En 1816, cessation momentanée des ventes qui serait due à un problème commercial.

Tout en continuant d'exploiter, les concessionnaires "gèlent' leurs produits en attendant une solution. Cette situation va se prolonger jusqu'en 1830 mais ceci ne signifie pas que l'alunière chôme complètement car on trouve des preuves d'activité. C'est ainsi qu'en 1825, l'engin de l'alunière d'Aigremont est démonté par le messager Redelle. Or il avait été monté en 1804, mis en activité en 1805, et avait coûté plus de 3.000 florins.

En octobre 1827, Jean Michel Mathias de Clercx (neveu du précédent) paie à la Députation Permanente les frais d'affichage relatifs à une demande en concession de mines d'alun. Cependant, la même année, le démontage de l'engin continue. C'est ainsi qu'en mars, le menuisier Libon, des Awirs, "enlève la charpente de la hutte à l'ouvrage d'alun d'Aigremont", et la même année, Armand Plumier, également des Awirs, est "occupé pendant 40 journées à retirer du bois hors du bure d'extraction" (ce bure était situé à l'entrée du sentier qui va du château vers la ruelle des 16 pieds).

A cette époque, le filon de schiste alunifère devait encore être rentable car en 1830, une autorisation de la Députation Permanente permet à Jean Michel de Clercx de "jouir de la mine qu'il exploita jusqu'en 1816".

Plan de la concession de l'alunière d'Aigremont

Mines et usines
2è direction
5è district

Bornement

Procès-verbal d'abornement de la concession de mine d'alun d'Aigremont, appartenant au sieur J.M. de Clercx de Waroux.

L'an 1855, le 10 juillet

Je soussigné, Edouard Defize, aspirant ingénieur des mines, dument assermenté, de résidence à Liège, déclare avoir procédé dans la journée du 5 courant, par suite de la délégation de Me Radoux, ingénieur du 5è district, a l'abornement de la concession de la mine d'alun d'Aigremont, accordée par arrêté royal du 25 juin 1852 et s'étendant sous la commune des Awirs.

Cet abornement a eu lieu en présence du propriétaire de la mine, le Sieur J.M. de Clercx de Waroux, des Awirs et du Sieur H. Carpentier directeur de la mine de houille de Sart d'Avette, située sur la même commune, au moyen de quatre bornes en pierre calcaire, qui ont une hauteur totale de 0,70m et qui sont terminées par une pyramide quadrangulaire tronquée, ayant 0,20m de côté au sommet et 0,40m a la base. Les signes suivants sont tracés en creux de manière a êtres facilement lus sur les faces de la pyramide: sur la 1ère face "Con"; sur la 2è "Aig"; sur la 3è "N°" et sur la 4è face 1,2,3, ou 4 d'après le n° de placement de la borne. Ils signifient concession d'Aigremont numéro 1,2, 3 ou 4.

Les bornes ont été plantées comme suit :

La borne N° 1 contre une terre de Marianne Jadoul épouse de Joseph Kak, à l'intersection des chemins des Fagnes et de Bovrai, à l'endroit dit Bouhisse, au lieu d'être plantée au centre du carrefour.

La borne N° 2 à un angle Nord Est du bois d'Aigremont, appartenant au propriétaire de la mine et à l'intersection d'un chemin qui va de la Crâne vers le bois St Remacle et d'un autre se dirigeant vers le bois des moines.

La borne N° 3 contre une terre appartenant à Mr de Clercx et portant le N° 294 sur le plan cadastral et à l'intersection du chemin de la Crâne précité portant le N° 92 sur le plan des chemins vicinaux et d'un autre sentier se dirigeant vers une ancienne usine du bois des moines au lieu d'être plantée au centre de l'intersection.

La borne N° 4 a gauche du chemin de Bovrai à 240m vers le Sud de la borne N° 1 et contre une terrain vague appartenant la commune d'Engis.

Elle aurait du être plantée dans l'axe du chemin.

Au moyen de ces quatre bornes il sera toujours facile de retracer la concession susmentionnée en réunissant les N° 1, 2, 3 par des lignes droites et en remontant le chemin de Bovrai sur une longueur de 240m depuis le N° 3 jusqu'au N° 1.

E. Defize

En 1837, Jean Michel de Clerx s'oppose à une demande de concession s'étendant sous sa juridiction, introduite par Mme de Serdobin et la Comtesse Loison (héritières de la terre de Chokier) car, dit-il, "les anciens propriétaires de la terre d'Aigremont possédaient déjà au XVIème siècle l'alunière d'Aigremont" et il estime avoir sur cette éventuelle concession des droits ministrables.

Il faut aussi savoir que, depuis 1740, Bois des Moines-Chokier est démergée par une xhorre qui conduit ses eaux dans l'areine d'Aigremont, ce qui n'est pas sans intérêt pour les de Clercx. En effet, dès 1731, on trouve: "rendage par l'écolâtre Clercx pour 1/30 de l'usine Mâge".

Les concessions de Chokier, Bois des Moines et Aigremont vont se régulariser en 1838 et l'exploitation continuera.

En 1852, Jean Michel de Clercx procède à un nouvel abornement de sa concession qui s'étend depuis le chemin des Fagnes à Engis jusqu'à la limite de sa juridiction vers l'Est, c'est-à-dire l'enclave de Stavelot.

L'alunière d'Aigremont cessera toute activité en 1867.

E. Defize

ALUNIERES DE CHOKIER

ALUNIERE DU BOIS DES MOINES

Les alunières du Bois des Moines

Avant d'aborder l'historique de cette alunière, il est utile d'avoir quelques notions à propos de l'enclave de Stavelot, dans laquelle se trouvait. l'exploitation.

La Principauté de Stavelot-Malmedy constituait une entité indépendante. C'était plutôt une grosse seigneurie d'environ 600 Km2 qui avait pu éviter l'absorption par un de ses voisins immédiats.

Au IXème siècle, l'abbaye de Stavelot, qui était déjà propriétaire de Horion, Lhonneux et Cahottes, reçut des Comtes de Hozémont, une portion de territoire lui donnant accès à la Meuse, ce qu'on appelle "l'enclave de Stavelot" (voir carte ci-jointe).

La fin de l'existence de cette enclave commença en 1885 lorsque les hameaux de la Crâne, Trokay et Usine Mage furent réunis à Chokier. Le reste fut rattaché à Flémalle en 1977, lors des fusions de communes.

L'alunière du Bois des Moines (entre Aigremont et Chokier) fut peut-être appelée ainsi parce que située sur le territoire des Moines de l'abbaye de Stavelot à moins que l'abbaye de St Jacques, dont Chokier constituait un domaine au Xlème siècle, ne soit à l'origine de son nom (20).

Les droits de l'enclave de Stavelot étaient partagés entre les moines de Stavelot, les anciennes religieuses d'Awirs qui avaient habité la ferme dOthet, la seigneurie de Chokier, celle d'Awirs, et les seigneurs de Hozémont.

Cette situation complexe allait créer d'interminables problèmes car le sous­sol de cette enclave contenait charbon et alun, et les exploitants allaient devoir composer avec toutes les autorités.

La première mention d'une alunière au Bois des Moines remonte à 1617, au moment où le Comte Jean Jacques Barbiano de Belgiojoso, seigneur de Chokier, donne en location au Comte Jean de Marche 15 bonniers de terre appelés "bois de Horion". De Marche est un marchand bourgeois de Liège intéressé dans cette nouvelle industrie qu'est celle de l'alun. Il obtient en 1619 l'autorisation de "chercher et user des 15 bonniers pour une mine d'alun et usine, prendre, raffiner et livrer à la rive de Meuse en tonneaux le dit alun". La même année un autre acte nous apprend "... qu'il (De Marche) payera en outre 13 florins de rente pour placer des chenaux dans le reste du bois aux fins d'amener les eaux alunées depuis l'usine jusqu'à l'officine qui est sise au pied du Trokay". L'exploitation se trouvait donc au bois de Horion (au Sud de l'actuelle rue de la Crâne, ancienne campagne des Trixhes) tandis que l'officine était dans la vallée.

Mais il semblerait que le sieur De Marche gère mal son alunière car en 1627 la relicte (veuve) du Comte de Belgiojoso lui reprend ses 15 bonniers, son usine et un vignoble proche, pour cause de non paiement.

Après diverses vicissitudes, exploitation et officine passent, en 1631, en mains du beau-frère de la dame, Ludovic Barbiano. Ce dernier réside habituellement en Italie. Dans le courrier qu'il échange avec sa belle-soeur, on lit que, en plus de négliger ses paiements, le sieur De Marche a "détérioré grandement ses 15 bonniers". Les chenaux qui conduisent l'eau alunée depuis l'exploitation jusqu'à l'officine descendent à travers prés, bois et rochers, et c'est précisément la pose et la surveillance de ces chenaux qui détériorent les 15 bonniers en question. On parle, dans plusieurs actes relatifs à la seigneurie de Chokier, de dégâts causés par les exploitants de l'alunière qui ne se gênent guère pour couper des arbres afin de fabriquer les chevalets nécessaires à la pose des chenaux, laissant ce qui ne les intéresse pas "traîner dans les bois jusqu'à pourriture". Il apparaît aussi que De Marche loue uniquement l'espace nécessaire à la pose des chenaux, le reste du bois demeurant propriété du seigneur. Or, ce dernier y loue des parcelles pour la coupe et la vente des arbres, mais à cause des abus de J. De Marche, les locataires deviennent rares.

En 1640, Paul de Berlo devient seigneur de Chokier et traite avec Belgiojoso au sujet de l'alunière.

En 1648, l'alunière est exploitée par Gilles Fourneau, celui-là même qui est connu aux Awirs depuis 1621. Il prend possession de l'Usine Mâge et en érige une autre sur un bien appartenant à Amel delle Garde de Dieu (nom déjà vu également) au pied des "vignes de coweis" (Mage est l'appellation wallonne de Marche, et c'est sous ce nom que l'on désigne l'alunière, même quand elle aura d'autres propriétaires). Les vignes de coweis seraient au pied du Trokav. On les retrouve souvent. dans des actes de cette époque: "...chenals qui estoit sur une pièce de terre au pied des vignes de coweis et sur un rocher sarts et bocages jusqua riwes de moese a trokeal".

En 1667, une maison Mage est mentionnée comme se trouvant au Sud du hameau qui voisine le Trokay, c'est-à-dire la Tesnière. Cet acte concerne des "terres, prés, jardins et appartenances".

En 1670, Jean De Marche étant décédé, l'usine est "rendue" à Mathieu Fourneau de Jemeppe, fils de Thomas Fourneau, lui-même fils de Gilles. Malgré 3 générations de Fourneau, l'exploitation est toujours considérée comme "ouhène Mâdge" dans certains actes.

L'alunière va encore fonctionner jusqu'au 20 novembre 1699. Le 2 décembre suivant, Jean Stiennon, maître et comparchonnier de l'ouvrage, fait apposer une affiche sur la porte pour signifier la fermeture mais aussi pour spécifier que les aluns qui s'y trouvent appartiennent à Hubert Fourneau le vieux et à la veuve d'Amel delle Garde de Dieu.

Le 18 août 1700, un autre avis défend aux ouvriers et maîtres-ouvriers de brûler ou d'emporter de l'alun hors de l'usine. La mise à l'arrêt d'une alunière ne signifie donc pas la fin totale des activités. On peut ainsi la mettre en sécurité sans nuire à sa reprise éventuelle, même après plusieurs années.

En 1707, apparaît dans un acte notarial "...maison, cour, jardin, prairies, appendices et appartenances, appelés communément usine Marche".

L'ensemble est donc resté intact, et, en 1715, Fourneau remet. l'usine en activité et l'exploite jusqu'en 1730. A ce moment, elle est fortement freinée par l'abondance des eaux. Les exploitants s'orientent alors vers l'alunière d'Aigremont où ils savent qu'une areine de bonne qualité pourrait les aider.

Dès 1731, on voit arriver à l'usine Mâge, M. Clercx, maître de l'ouvrage voisin et qui fait rendage pour 1/30; La même année, la concession s'étend vers l'Est. En 1732 et. 33, l'usine ne produit pas, ce qui ne signifie pas la cessation de l'exploitation puisqu'en 1734-35 elle sort 4.600 livres d'alun.

Il faut voir ici que, même si l'usine est en veilleuse, on continue l'extraction du schiste qu'on emmagasine sur les paires où il subit l'influence des intempéries, ce qui lui est bénéfique. Pendant ce temps, on procède aux réparations intérieures et extérieures de l'officine, travaux impossibles quand tout le mécanisme fonctionne.

L'extraction, elle, on l'arrête quand les eaux montent, dans les galeries souterraines. C'est certainement la raison pour laquelle, en cette même année 1731, la veuve Fourneau est autorisée par M. Clercx à "Periettoyer et enfoncer quelques vieux bures pour voir s'il ne resterait pas des terres à travailler". Mais les eaux étant un obstacle, il ne sera pas possible de foncer les bures plus profondément. Mme Fourneau envisage donc de remettre en activité d'anciens bures moins profonds mais contenant encore du schiste propre à permettre le fonctionnement de l'usine.

L'année 1736 produit 3.000 livres d'alun tandis que 1737 voit la production tomber à 2.000 livres. Bien que l'usine soit en état de produire, il semble que les difficultés naissent du manque de matière première.

C'est en 1740 que le problème sera résolu grâce à la fusion entre le Bois des Moines et Aigremont.

Un acte du 15 septembre 1739 nous révèle qu'on pêchait dans le ruisseau du Trokay: "les eaux des ouvrages de Bois des Moines portent préjudice et dommage puisque avant l'écoulement des eaux, il y avait des truites et des poissons dans le ruisseau qu'on ne voit plus maintenant".

En 1757, Hubert fourneau et les enfants Villette, marchands de Liège, sont cités comme exploitants du Bois des Moines.

En 1758, un nommé Lambert Tilkin "demeure à l'usine mâge, terre de Stavelot".

En 1762, on effectue des réparations à l'usine pour une somme de 1.421 florins pour "le xhorè, l'enfoncement et le ressortement des aluns". Bénéficiant maintenant de l'areine d'Aigremont, le Bois des Moines peut aménager ses xhorres et y déverser ses eaux au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

De août à septembre 1762, on sait que 3 botteresses font partie du personnel de l'ouvrage du Bois des Moines.

En 1765, l'occasion d’un partage des parts dans l'entreprise, on voit apparaître Mathieu Hardy. A ses côtés, intervient Gérard Louis Lambermont, Révérend Abbé agissant au nom de demoiselle Wauthier, religieuse d'Aulne.

En 1209, la Communauté Cistercienne d’Awirs émigra dans le Brabant wallon et donna le nom d'Aywières à leur monastère, en souvenir du village où leur couvent était né. Or, l'abbaye d'Aulne était leur maison-mère. C'est la raison pour laquelle le nom de ce Révérend apparaît dans des actes concernant l'alunière du Bois des Moines dont les galeries d'extraction s'étendaient en partie sous les terres des abbesses. Dans un autre acte, et la même année, les dames d’Aywières font rendage de la propriété des aluns, à François Fourneau, Jean Sacré, Hauzeur et Mathieu Hardy, des terres qui sont "sous les vieux dommaiges de Loncin" (la famille de Loncin fut locataire-fermier du bien d'Othet pendant plus d'un siècle, de 1630 à 1734, d'où cette formulation).

L'usine est remise en marche en 1768 après de nouvelles répartitions et partages des revenus, et dès 1769 il est de nouveau question "d'ériger une xhorre".

La production continue jusqu'en 1775 saris interruption mais un nouveau procès oppose Bois des Moines à Clercx, toujours au sujet des xhorres et areine.

En 1775, c'est Mathieu Hardy qui est maître de l'usine. Lambert Tilkin y habite. On l'y retrouvera encore en 1781.

En 1787, Bois des Moines se propose de reprendre l'alunière St Pierre à Flémalle-Haute, laquelle est à l'arrêt.

En 1789, survient une transaction entre Bois des Moines et Aigremont pour un montant de 8.000 florins, afin de permettre à Bois des Moines de construire une xhorre rejoignant celle d'Aigremont. Hardy et Clercx pensent qu'il serait bon de la construire "au rabais" dans la terre dite "le blanc pays qui cotoie les veines" (le "blanc pays" est le grand terrain qui s'étend entre le hameau de la Crâne et le Trokay, et le besoin d'y entreprendre une xhorre atteste que l'exploitation de la veine s'est fortement étendue). Le projet a-t­il abouti ? On ne sait pas. Mais en 1795, Rome et Hennay se plaignent. à propos d'une "areine tierce" qui aurait son oeil sur Chokier, dans le Trokay. Il faut savoir que Rome et Hennay étant concessionnaires de l'alunière d'Aigremont, cette "areine tierce" orientée vers Chokier leur fait perdre des droits dont ils pourraient user si Bois des Moines se servait de l'areine d'Aigremont.

En 1794, un Commissaire français estime que l'alunière peut fournir 12.000 livres d'alun.

La même année, un nouveau rendage fait apparaître les noms de Martine Stienne et les 4 enfants de Lambert Tilkin. Ils cèdent l'exploitation à Hubert Namur.

En 1798, alors qu'on trouve au Bois des Moines les nommés Hardy, Byleine et Mélotte, le problème de l'évacuation des eaux reste prioritaire et les difficultés à ce propos semblent impossibles à résoudre.

En 1800, l'exploitation étant profondée jusqu'à 80-90 m, il est devenu totalement impossible d'extraire les eaux.

En 1810, fort ralentissement. La veuve Hardy, maîtresse de l'ouvrage, demande qu'on évalue la galerie d'écoulement des eaux. En même temps, elle voudrait transférer, depuis l'alunière St Pierre, des ustensiles qui pourraient être utiles au Bois des Moines.

En 1812, l'alunière occupe 106 ouvriers sous la direction de la veuve Hardy et du sieur Mélotte.

1822 voit la fermeture du Bois des Moines. Le 19 novembre 1824, devant le notaire Fraikin à la résidence de Chokier, a lieu la vente des "meubles et ustensiles qui ont servi à la fabrication de l'alun".

Reproduction de plan dressé au début du XIXème siècle, lorsque l'alunière du Bois des Moines se proposait de reprendre la partie Est située sur Chokier. Alors qu'auparavant l'officine se trouvait au pied du Trokay, elle est ici renseignée sur la colline. Serait-ce une conséquence des dégâts causés dans le bois par la pose des chenaux?

En 1827, une nouvelle demande de pousuite de concession est refusée par la Députation Permanente, les demandeurs ayant négligé de régulariser les précédentes.

On trouve une dernière mention du Bois des Moines dans un acte du notaire Delbrouck en 1834. Il met en adjudication le château d'Aigremont et signale que l'acheteur bénéficiera des redevances dues par le Bois des moines pour la faculté de se servir de "la bonne xhorre existante dans les biens compris dans le chateau".

L'emplacement de l'officine du Houlbouse doit avoir varié au cours du temps. D'une part, un acte du XVIIème siècle la situe à cheval sur le ruisseau. Un autre, de la fin du XVIIIème, nous dit qu'elle se dressait "derrière le moustler" (église), ce qui,est très imprécis. Et sur le plan que nous possédons et qui date du début du XIXème (page 85), on la trouve sur la rive droite du ruisseau. Nous ne connaissons pas la durée de vie d'une officine et, dans ce cas-ci aucun acte ne révèle les raisons de son déplacement.

Quoi qu'il en soit, ces anciennes demeures auraient pu abriter des ouvriers de l'alunière...



ALUNIERE DU HOULBOUSE

Les alunières du Houlbouse

Enserrée entre le Bois des Moines et l'alunière St Pierre, Houlbouse paraît avoir eu moins d'importance que ses voisines.

Sachons d'abord qu'à Chokier comme ailleurs, c'est le seigneur local qui concédait l'exploitation du minerai d'alun en se réservant un certain tantième de la production. D'autre part, l'usine étant édifiée sur les communes, les manants du village exigeaient. une redevance annuelle.

La plus ancienne mention de l'alunière du Houlbouse remonte au 4 janvier 1606, quand Louis Ketwich, un étranger demeurant, alors à Chokier, s'engage en qualité de maître ouvrier aux mines et usines d'alun appartenant, à Thomas de Sclessin (commissaire de la Cité de Liège qui avait pris des participations dans le financement des industries nouvelles). Ce même Ketwich avait d'ailleurs déjà fait des recherches en 1605.

En mars 1606, on trouve mention d'alun dans de la correspondance envoyée à Gian Giacomo Barbiano di Belgiojoso (ou de Bellejoyeuse), seigneur de Chokier, par sa seconde épouse, Anne de Pottier (la seigneurie de Chokier avait été dévolue à Belgiojoso par le décès de sa première femme, Marie de Senseille, qui l'avait reçue en héritage de son premier mari, George de Berlaymont, décédé en 1582).

En avril 1620, un acte est signé devant notaire, dans lequel Bartholomé Trocquea, résidant à Chokier, sera tenu de surveiller "les terres d'alun au mieux qu'il lui sera possible advisant si les ouvriers font bien leur devoir dedans les fosses et si iceux livrent ce qu'il aptient, ceux qui travaillent à journée qu'il s'en acquitera comme ils doivent, que les cuveleurs besognent bien et. comme il convient…"

Après la mort de Thomas de Sclessin, ce sont sa veuve et son gendre qui reprennent l'usine. Cette succession est, confirmée dans un écrit du 5 août 1620: "Isabeau, relicte de feu Thomas de Sclessin, Jean Guillaume demeurant à Choquier... pour gouverner l'usine de Choquier", et un autre du 13 mai 1622: "mise en arrêt de tous les alluns à Choqier, usine de la relicte de feu Thomas de Sclessin jadis commissaire de la Cité, et Loys de Cartier son gendre".

Léon Halkin, dans "Itinéraire de Belgique" de Dubuisson-Aubenay (1623-1628) nous livre ce détail: "A côté du château, dans un fond, est une officine où l'on fait l'alun de sable ou terre avec urine, qui vaut bien au château 6.000 livres de rentes" (alun de sable = alun en menus grains).

Vers 1625, le seigneur de Bellejoyeuse loue l'usine à Hubert Jennin demeurant au Chaffour et Amel del Garde-de-Dieu de Chokier. Le 6 août 1628, le premier cité cède sa part au second moyennant 1950 florins.

En 1643, l'entreprise est concédée à Pacquea delle Garde de Dieu, Hubert delle Garde de Dieu et Louis du Chesne de Flémalle-Haute, beau-frère des précédents. La même année, ces derniers reçoivent "le pouvoir d'achever la xhorre qu'ils ont commencée sur la hauteur de Flémalle au dessous d'un chemin appelé Houlbousse". Il s'agit probablement de l'areine tracée sur le plan.

En 1663, l'usine érigée dans "l'héritage appelé le Bois de Cheval" appartenant à Amel delle Garde de Dieu, possède 6 fourneaux et se trouve à cheval sur le ruisseau, ce dernier formant. limite entre les deux communes. Ceci est confirmé par un acte du 7 août 1686 : "il y a une usine bâtie sur la juridiction de Flémalle et de Choquier dont les fourneaux sont bâtis sur celle de Flémalle". Les fourneaux étaient donc sur la rive gauche du ruisseau. (Entre cette époque et la fin du XVIIIème siècle, on a certainement, dû reconstruire l'usine car le plan nous la situe sur la rive droite)

En 1699, Gabriel Mantanus est, maître ouvrier de l'ouvrage de Houlbouse. L'année 1706 voit la fusion Houlbouse-Aigremont, devant le notaire Destordeur.

En 1707, la Collégiale St Pierre à Liège s'insurge contre les maîtres de l'usine de Houlbouse, Michel de Lonchin et Pierre de Chesrie, qui ont l'intention, sans sa permission, de creuser une xhorre sur la commune de Flémalle­Haute (il faut savoir que St Pierre possédait les alunières voisines, celles situées sur Flémalle-Haute).

De 1707 à 1712, nous apprenons qu'on a tiré les schistes sous les biens de feu Michel de Lonchin, des dames d'Aiwir et du Comte de Berloz. A l'époque, Piron Renard est l'un des maîtres ouvriers.

Août 1712: fin de l'ouvrage du Houlbouse qui restera à l'abandon pendant presque un siècle. En 1801, Maximilien Hennay d'Engis et Gabriel Théodore Rome des Awirs reprennent l'alunière. Ils constatent que les anciens maîtres "ont indubitablement, travaillé ces mines, vu la grosseur de leur terrisse, et qu'ils ne les ont abandonnés que par rapport qu'ils n'ont plus trouvé le moyen d'en tirer parti ... il ne reste plus aucun vestige de terre alumineuse, bures, puits, usine".

L'activité renaît donc, et l'usine occupe 20 à 25 ouvriers. En juillet 1810 permission est accordée de diriger les eaux sur la galerie d'écoulement de St Pierre. Grâce à la ténacité des maîtres d'ouvrage, on dénombrera 106 ouvriers en 1812. Cependant ce succès sera de courte durée car l'alunière sera définitivement abandonnée pendant la période hollandaise.



ALUNIERE DU CHÂTEAU DE CHOKIER
(non repris dans l'étude sur les alunières de Flemalle)

Sur le domaine immédiat du château, face à celui-ci au dessus de la 3eme terrasse des jardins, on peut encore apercevoir une dalle massive qui recouvre un puits assez profond. A une centaine de mètres en contrebas, un éboulement de surface laisse apparaître une areine éventrée alignée sur le chemin menant au Trokay.

Cette galerie assez importante possède la particularité de ne présenter que peu de déchets d'extraction. Ceux-ci ont utilisés pour combler les fossés du château et l'excédent a nivelé pour réaliser la troisième terrasse. Cette terrasse dispose d'un ancien terrain de tennis dont la surface réalisée en déchet d'Alun est l'ancêtre des terrains de tennis en brique pillée. Cette surface à la particularité d'être aisément nivelée à l'état humide et d'être extrêmement dure à l'état sec.

Alunières du château de Chokier.



ALUNIERE St PIERRE

Alunière St Pierre

Cette dénomination est due au fait que les terrains où furent exploités les schistes alunifères appartenaient la Collégiale St Pierre à Liège. Pendant plusieurs siècles, la quasi-entièreté de Flémalle-Haute a été la propriété de cette même Collégiale, nous y avons d'ailleurs déjà fait, allusion dans notre étude sur le Château de la Petite Flémalle.

L'alunière St Pierre fut très importante. On peut en juger par l'épaisseur des "terres rouges" accumulées au-dessus des roches, aux Trixhes. Dans une lettre adressée aux Echevins de Liège le 23 mai 1730, il est dit: "... qu'il est vrai qu'au sommet de la montagne il y a un mont de vieilles terres d'aluneries d'environ 30 pieds de hauteur" (environ 9 mètres).

Cette ancienne carte postale montre bien l'épaisseur de la couche de "terres rouges" au-dessus des rochers calcaires.

Il apparaît que l'exploitation du schiste alunifère a commencé au pied de la rue du Fort et s'est poursuivie en montant, jusque sur le plateau des Trixhes. Cette façon de procéder est logique car il fallait, parallèlement, prévoir une galerie d'écoulement des eaux, galerie qu'on prolongeait au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

Le premier bure s'appelait "bure quarré". Chaque bure portait un nom. Ainsi, nous avons relevé "bure d'Antoine", "fosse dite pelotte", "bure sous l'herby", "bure St Mathias", "bure de germé champs".

Ce graphique est extrait de "Trente sondages dans l'anticlinal carbonifère de Flémalle" (Ministère des Affaires Economiques - Administration des Mines - Service géologique de Belgique).

Ces sondages ont été nécessaires, avant d'entreprendre la percée du tunnel permettant de prolonger l'Avenue Gonda jusqu'au pont-barrage d'Ivoz-Ramet. Dix d'entre eux ont révélé la présence de schiste pyriteux, ce sont les numéros 3, 4, 7, 13, 14, 16, 17, 18, 19 et 20. Le n° 24 révèle que le schiste ampélitique a été exploité. Les auteurs de l'ouvrage ont en outre constaté que les schistes ampélitiques ont été exploités par galeries souterraines creusées sous le Thier des Trixhes, approximativement entre les cotes 70 et 80. Les sondages 24 et 25 ont traversé des schistes peu compacts descendus par foudroyage naturel, dans les vides résultant de l'exploitation. Des bois de mine ont été rencontrés. Le sondage 26 a traversé des schistes non exploités mais perturbés par la proximité des anciens chantiers. Les schistes n'ont pas été exploités sous la cote 70, vraisemblablement faute de moyens d'exhaure.

C'est donc ici, à la sortie du tunnel, que des sondages ont révélé la présence de puits d'extraction. Un document écrit vient d'ailleurs corroborer cette affirmation: " 4 février 1702 - au pied du chemin devant la maison Gabriel Fivé le vieux, un bur muré et remply d'où l'on a tiré boue et trigus d'alun" (la maison G. Fivé était en réalité le vieux moulin) … " un peu plus haut le long de la haie du dit Gabriel Fivé le jeune encore un autre puits".

Un autre puits d'extraction a été découvert lors de la construction de la nouvelle aile de l'école de l'Ermitage (aile aval), ce qui a nécessité un remblayage minutieux.

Il y avait encore un bure sous le préau de l'ancienne école qui s'élevait un peu plus haut à droite, dans le Thier des Trixhes (juste avant la maison portant le n° 112). Cette école a été démolie lors du percement du tunnel sous la route.

Les bures s'échelonnaient ainsi jusqu'à la petite salle de gymnastique que l'on découvre au bout de la rue Sapinière aux Trixhes. C'est par hasard que ce puits fut découvert car il n'existe aucun plan précis renseignant leur emplacement. Là aussi des travaux de remblayage ont été nécessaires.

Continuons à monter...

La petite clairière qui s'ouvre derrière la maison portant le n° 143 et qui fait partie du lieu-dit "l'herbier", laisse supposer qu'à un moment donné, les bassins de lessivage ont dû s'y trouver.

Les bassins auxquels nous avons fait allusion sous la photo précédente auraient pu être alimentes par l'eau de l'étang qui couvrait une partie de la place, face aux numéros 232 et 234 (on trouvait, là aussi, un puits à eau).

A mesure que l'exploitation progressait vers le plateau des Trixhes, les bassins de lessivage, de même que les fades, devaient aussi se déplacer. C'est ainsi que sur le plan, on les retrouve sur l'actuelle plaine de jeux. L'eau était alors amenée depuis le réservoir et le puits situés à l'extrémité de l'ancienne rue du Cheval.

Extrémité de l'ancienne rue du Cheval. Il faut remarquer que, toujours à l'heure actuelle, lors de fortes pluies, une mare se reforme à cet endroit, l'eau envahissant même le trottoir et la route.

Suivons maintenant, dans l'ordre chronologique, les principaux événements qui ont marqué la vie de l'alunière St Pierre.

Il est certain que l'alun a été fabriqué jadis sans qu'aucun acte écrit n'ait été conservé. C'est ainsi que, dans un document daté du 23 juillet 1598, on cite l'année 1502, mais sans aucune autre précision.

Il faut attendre le 21 mars 1586 pour lire: "St Pierre accorde à Jean Banelt, Jean Westenraede et consors l'autorité et le pouvoir d'ouvrir la terre en la hauteur de Flémalle pour y chercher mine de toutes sortes que trouver plomb, fer, chalmines, même kisses pour faire soufre et couperose et autres noires terres pour faire l'alun" Et dans la charte n° 1019 du 17 août 1588, "mise en sauvegarde de l'alunière par les huissiers d'armée du prince". Il est donc certain qu'à cette époque, on exploitait déjà l'alun à Flémalle-Haute.

Dès lors nous relevons une série de troubles et de procès. Par exemple:

"Le 5 avril 1590 - violent renversement, ruptures, coupures et taillage en pièces des dits tuyaux, buses, perchement des dites cuves, périssement des eaux, abattement des huttes et instruments des bures et fosses". De nombreuses contestations auraient surgi entre les Doyen et Chapitre St Pierre d'une part, et les manants, et surcéants de Flémalle-Haute d'autre part. (Notons en passant que cette réaction devant une innovation existe toujours à l'heure actuelle).

En 1591 l'usine dispose de "3 grandes chaudières de plomb par lesquelles se cuisent les fortes eaux et lessives - une autre chaudière de plomb servant de refroidissoir".

En 1598 les manants désirent quand même se réconcilier avec leurs seigneurs. Ils reconnaissent donc que le droit de travailler les mines appartient à leur seigneur, le Chapitre St Pierre.

Le 16 juillet 1599 une convention est signée entre Jean Curtius, bourgeois et marchand, seigneur d'Oupeye et de Liège (notamment), et le Doyen du Chapitre St Pierre, pour un bail de 3 ans "Curtius acquiert pour lui seul le droit que ses consors possèdent au sujet des mines (droit d'extraire et droit de recherche)". Curtius chiffre à 10.400 florins brabançons les déboursements que lui et ses associés ont dû effectuer pour les entreprises de Flémalle. C'est peu de chose en réalité pour cet homme qui est le plus riche de Liège.

Et le 18 août 1600 "Jean Curtius obtient place pour faire paire a grand tilhou au chaffort".

Les différends vont se succéder entre Curtius et St Pierre. Après 1602, Curtius ne renouvelle pas son bail mais, faisant fi de cette convention, il fait foncer un bure et creuser une areine en 1618.

Le 4 mars 1619, on trouve une demande de visitation, coutume normale lors d'un changement de propriétaire. Cette demande concerne uniquement l'usine située au Chaffour. Ce sont Michel Walkener (propriétaire du château de la Petite Flémalle) et Henry de Hallinghe qui font la reprise à "Pierre Curtius, échevin de Liège, et damoiselle Francyke Bexhe, relicte de feu le sieur Jacques Curtius, enfant du dit Jean Curtius". A l'époque, l'usine comprend 5 fourneaux et chaudières. Son état laisse, fortement à désirer et les réparations sont conséquentes.

En avril 1620, les maîtres et comparchonniers de l'usine et ouvrage d'alun sont: Michel Walkener, Lambert le Clerque, Henry de Halinghe et Jaspar de Trixhe. Le 11 août, M. Walkener dresse une sixième chaudière, à l'encontre du contrat.

Le 13 octobre 1633, après un arrêt de plusieurs années de l'exploitation, Michel Walkener achète les terres et minéraux d'alun "pour un terme de 14 ans commençant à même pour que l'usine soit usinante, voir la dite usine doit commencer avant 2 ans prochains au plus tard". M. Walkener décédera en 1635.

Le 28 janvier 1648, pollution! Tiens ! Les habitants de Basse Avignon se plaignent des fumées de la fade (voir plan).

En 1649, le travail est arrêté. En 1655, la paire est vendue à Jean de Villégia, et le reste de l'usine à Jean François de Sprimont (petit-fils de M. Walkener et constructeur de l'Ermitage) qui le cédera bientôt au premier nommé. Une visitation s'avère donc nécessaire. Apparemment, les dégâts sont importants car "place de l'usine au lieu des couvelettes y avons trouvé monts de terre... et ordures... et nécessaire de démolir les murs et caves sur lesquelles étaient assises les chaudières et de labourer et cultiver la cour…"

Le 23 novembre 1679, Englebert de Magnery (de Jemeppe) et Jean Sacré (de Chokier) sont qualifiés de nouveaux maîtres à partir de 1680, pour 15 ans.

Enfin, le 16 mai 1681, c'est la mise à feu des chaudières. Il a fallu "récupérer les minéraux abandonnés et submergés depuis de longues années".

Le 2 septembre 1682, les maîtres et comparchonniers de l'usine St Pierre, c'est-à-dire Magnery, Sacré, Louis Berlo et Jean Dechesne, comparaissent, suite à la "réclamation de propriétaires de pièces de vignobles en thier des roches". Il est question de "dommages et dégâts causés par les fumées et puanteurs de l'usine". L'usine se situant au Chaffour et les vents dominants venant de l'Ouest, ce sont naturellement ces vignes qui reçoivent les nuisances.

Si de nombreux conflits éclatent, s'il règne un malaise chez les manants, il ne faut pas oublier que leur vie n'est pas rose. Outre les nuisances que nous venons d'évoquer, les exploitants des mines n'hésitent pas, bien souvent à se créer un chemin à travers les terres cultivées. Dès lors, il n'est pas étonnant de voir les manants poser des obstacles ou bien saboter les ouvrages. C'était leur façon d'apaiser leur colère. A cet inconvénient il faut encore ajouter les dégâts causés par le passage de troupes, tant françaises que hollandaises ou espagnoles. Non seulement les récoltes étaient piétinées, mais la population devait héberger les soldats, les rafraîchir, les nourrir, eux et leurs chevaux. Enfin, fermiers et surcéants étaient pressurés de toutes sortes de taxes, que leurs revenus soient assurés ou non.

Avril 1685: création d'une xhorre qui va tarir "plusieurs grandes et petites fontaines... tellement que dans tout le quartier des Trixhes il ne reste présentement qu'une source d'eau qu'on appelle le flot Marly où toutes les bêtes de ce quartier sont en été obligées d'aller boire". En outre, les fermiers "emploient les étrangers à leurs ouvrages préférablement aux surcéants et disent toujours avoir travaillé avec grande perte jusqu'ici à cause que les marchandises se vendent à trop bon marché".

Octobre 1685, autre problème celui causé, par temps de pluie, par l'eau qui descend des alunières, entraînant avec elle des terres d'alun qui causent la mort de haies et d'arbres fruitiers.

Les areines aussi ont toujours été sujet de discussion. En avril 1686, le Doyen J-F de Sprimont "intime les usiniers de ce qu'ils ont mis la main à l'areine et xhore qu'il dit lui appartenir".

Par contre, les surcéants de Elémalle-Haute se plaignent en juillet 1686 parce que "les eaux de la xhore sont venimeuses, corrosives, soufrées, infectées d'arsenic". Aussi, le 8 décembre suivant, "la cour de justice de Elémalle-Haute se rend en corps auprès du bassin de la fontaine communément appelé le chena qui est contigu à la maison du Révérend Doyen de St Pierre" pour vérification.

Dans un rapport du 8 décembre 1687, on apprend que "les mineurs reçoivent 12 patars par jours alors que les botys et botteresses en ont 8, 6 ou 5, sans distinction de sexe. Mais ces derniers travaillent, toute l'année. Les travailleurs à l'usine n'apparaissent qu'après la mise à feu. Il est utile de savoir que le travail extérieur, c'est-à-dire grillage et lessivage, était interrompu pendant les mois d'hiver où la gelée se manifestait. Par conséquent, le raffinage, qui se faisait à l'officine, manquait de matière première pendant un certain temps. D'où la nécessité de remettre le feu dans les fours, sous les chaudières, après les mois d'hiver.

On sait qu'à l'alunière St Pierre, les comptes sont tenus par quinzaine c'est-à-dire par période de 35 jours. Le début de l'exercice coïncide avec la remise à feu de l'usine, qui dépend des conditions atmosphériques. Généralement, l'usine ferme complètement ses portes en février et en mars. Le recrutement du personnel est aisé sauf pendant le mois d'août qui sollicite beaucoup de bras pour la moisson.

Fin 1687, suite à une plainte émanant des fermiers, les chanoines de St Pierre, J-Fr Marrotte et M-J Hasenne, viennent visiter les usines que tiennent le sieur Sacré et consors. Il s'agit d'examiner "le lieu le plus propre à établir une xhore afin par là de rendre les ouvrages plus aises et ouvrables"... "ils ont commencé par le bassin de la fontaine communément appelé le chenna gisante icelle tout contigu de la maison du Révérend Doyen de St Pierre J-F de Sprimont et puis se transporte de la dite fontaine jusqu'au by (bief) conduisant l'eau sur le bas moulin proche de la maison Fivez (pied de la rue du Fort), pour examiner la pendée qu'il pourrait avoir depuis le dit by jusque au source de la dite fontaine". C'est dans le même acte que nous apprenons que le premier bure d'extraction s'appelait "bure quarré". Ce dernier étant submergé, il est nécessaire de créer une nouvelle xhorre tout en ne causant aucun préjudice à la fontaine en question.

Le 5 janvier 1688, les surcéants de Flémalle-Haute se manifestent. Ils craignent l'infection des eaux de la fontaine appelée "le chenna", son tarissement, le périssement des poissons; le bétail ne pourra plus s'abreuver, il deviendra impossible de laver le linge...

Le 21 janvier, le procès est porté devant l'official par les usiniers au sujet de la xhorre à entreprendre.

Le 23, St Pierre ayant défendu de travailler, Jean Sacré et Engl. Magnery, représentant feu Louis Berlo, se plaignent car "leurs ouvriers au nombre de 30 ou environ sont obligés de demeurer sans travail". Ils demandent au Chapitre de reconsidérer la demande qu'ils lui ont faite.

En attendant, les ouvriers manifestent leur mécontentement. Le 20 avril de l'année 1688, vandalisme au "bure quarré". On a "abattu les bois et voies souterraines qui servent à la conduite des eaux des maîtres de l'usine". En outre, on a "dérobé veloutes (fascines), bois, stansons (étançons) et xhorrons (madriers) et autres ustensiles servant à la conduite de l'ouvrage et usine".

Juin 1688, rencontre entre J-F de Sprimont et les enfants de feu Louis Berlo, "lesquels pour assoupir les procès et difficultés qu'ils ont à raison des fumées des fades de leurs ouvrages et d'écoulement des eaux, se sont entre accordé".

En 1689, les ouvrages sont submergés. Cependant une areine a été commencée 2 ans plus tôt, suite aux plaintes des fermiers.

Le 14 mai 1692, un acte constate une nouvelle fois la déprédation des installations. Le Chapitre demande au maire de faire son devoir. Ces "sabotages" ont pour but d'obliger les fermiers à abandonner leurs ouvrages car leurs façons de travailler contrarient constamment la population environnante.

12 mars 1693, "supplique des masuirs et autres surcéants au sujet du recès capitulaire (décision du Chapitre) du 5 mars 1693".

Précisons que le Chapitre St Pierre retirait de substantiels revenus des droits concédés tant aux exploitants des alunières qu'aux masuirs et membres des communautés villageoises et ce pour les mêmes terrains! Pareille situation ne pouvait évidemment qu'entraîner des réactions parfois violentes d'un côté comme de l'autre.

Comme nous l'avons signalé précédemment, les troupes causaient des dégâts sur leur passage. Pour preuve, le 14 juillet 1694, Marenne de Sprimont, veuve de Libert, se plaint d'avoir été pillée par les gens de guerre 7 fois en 3 semaines. Des faits semblables sont attestés le 9 mars 1695: des dégâts ont été commis dans les usines. Or, le travail venait encore d'être interrompu à cause de la sécheresse. En outre, les guerres qui sévissaient depuis 5 à 6 ans avaient été la cause du "peu de rapport des minéraux".

Le 29 mai 1696, Jean Sacré, Nicolas du gardin, Denys Manoy, Phil. François Buyrette et Louis Berthon (ou Berlo), tous représentant Englebert Magnery, reprennent les ouvrages de terres et minéraux d'alun à Flémalle-Haute.

Dans un acte du 19 avril 1698, nous découvrons un nom connu aux Trixhes "Lambert Mantanus, maître fadeur des usines aux aluns de Flémalle-Haute" et "Jean Sacré, maîtres d'iceux ouvrages et comparchonnier pour 1/3 part".

Le 18 juillet 1699, est signalée "la voie à la chaux", endommagée par les ornières. Cette voie était utilisée tant par les maîtres de l'usine d'alun que par ceux des fours à chaux. Il s'agit de la "ruelle à la Chaux" conduisant à la Meuse, et qui existe encore.

2 septembre 1699 , nouvelles déprédations: "qui sont ceux, celle ou celluy qui s'est ou se sont osé présumer le jour de St Laurent dernier retournant de minuit du cabaret de rompre et briser les conduits et canaux des eaux servant aux usines appartenant aux fermiers de messeigneurs les Révérends Doyen et Chapitre de St Pierre en Liège seigneur de Flémalle-Haute".

Le 29 janvier 1701, on reparle du "chenna": la cour de justice de Flémalle-Haute a visité "la fontaine voisine à la maison qui fut au très Révérend J-F de Sprimont Doyen de la Collégiale St Pierre en Liège tant en-dedans que dehors l'eau de laquelle avons trouvé trouble et après l'avoir goûtée avons trouvé icelle avoir un goût méchant semblable à iceluy d'alun".

La méthode appliquée pour l'extraction du schiste alunifère, appelée "par foudroyage", et expliquée précédemment, n'était pas sans inconvénients.

4 avril 1701: menace d'effondrement en surface, "Pierre Sacré fait défense et prohibition des maîtres de l'usine de Flémalle les Srs Mannoy (marchand bourgeois de Liège et l'un des maîtres de l'usine), Smackers et consors, de travailler les mines restant sous le fond du dit Sacré ... qui peuvent occasionner l'écroulement du dit héritage".

On retrouve ce même souci le 11 avril 1702: "réclamation de Elias au sujet de dommages dus à l'extraction d'alun sous une terre lui appartenant".

Et encore le 12 septembre 1751: "Gabriel Fivé le jeune a fait adjourner les Srs Mannoy, Smackers et Canto le jeune, faire visitation maison dans laquelle ils se retrouvent plusieurs grands crevassements menaçant de crouler et aller en ruine".

Janvier 1702: problème d'eau. Lors des plaids généraux, des protestations s'élèvent à l'encontre des maîtres d'usine car "les eaux provenant de leurs ouvrages gâtent entièrement le rieu (ruisseau) et fontaine". Certaines personnes demandent aussi qu'ils rendent le chemin appelé herdavoye praticable, et protestent "contre le meunier du bas moulin de ce que par la retenue des eaux et de ce que en nettoyant le by ou rieu, ils jettent les trigus dans le chemin tendant de Flémalle à Souxhon entièrement impraticable au grand préjudice tant de la communauté que du public".

Septembre 1703, on reparle de pollution: "attention que les arbres étant dans son jardin vont toujours de mal en pis par les fumées". Et en mai 1707 "la communauté a aussi protesté contre les dits maîtres d'usine de ce que les fruits, arbres et vignobles sont notablement détériorés et souffrant grand intérêt au regard des fumées de leur fade et usine".

Au 1er avril 1718, il est intéressant de noter comme maîtres de l'usine St Pierre, Léopold Joseph de Bonhomme chevalier du Saint Empire, conseiller de la souveraine Cour Féodale de Liège (de Bonhomme était alors propriétaire du château de la Petite Flémalle), et Nicolas Canto, chanoine et écolâtre de St Pierre.

Avril 1755, "à Jean Comhaire pour 30 pots de bière aux ouvriers de l'usine quand on posa les cuves". Il s'agit d'une coutume fréquemment mentionnée et que nous avions déjà rencontrée lors de nos recherches à propos de la construction du château.

En juillet 1755, on prend des précautions avant les pluies et les neiges hivernales "j'ai fait travailler à 2 couples afin d'avoir vidé les 2 tailles avant le rehaussement d'eaux qui se fait toujours en hiver".

Comme on le sait, l'entretien des areines est important. Le 8 octobre 1755 "Martin Malaise déclare qu'il a travaillé comme ouvrier de fosse sous la direction de Pierre Renard directeur des ouvrages aux alluns de la petite Flémalle à renettoyer et reboihir le voye de xhore depuis l'oeil jusqu'au premier bure".

4 février 1757 l'arpenteur certifie avoir mesuré "en commençant à l'oeil de l'areine qui est dans le vivier du bas moulin (pied de la rue du Fort) en montant jusqu'à l'onzième bure appelé bure au pougnette sur les Trixhes = 419 toises de 7 pieds (environ 840 m) ... Depuis le dit bure au pougnette jusqu au 13ème bure, 93 toises de 7 pieds et 4 pieds (environ 200 m)".

Treize bures ont donc été creusés dans l'exploitation de St Pierre. Nous ne les avons pas retrouvés tous.

En 1762 et 63, on a remis en état la petite et la grande usines. La petite contenait 2 chaudières. On ajoute une 5ème à la grande usine. En outre, "les cuves (bassins de lessivage) étant pour la plupart d'une caducité reconnue, ont été renouvelées et transportées tout contre le bure au pougnette où on a construit une nouvelle pompe avec son réservoir" (nous supposons que ce bure au pougnette est celui découvert par hasard lors de la construction de la petite salle de gymnastique aux Trixhes) ... "un nouveau jeu de chenals pour rejoindre la partie qui descend les roches a aussi été fait tout à neuf. L'écoulement des eaux étant bouché dans la xhore on s'est mis en devoir d'y remédier".

Le "jeu de chenals" qui descend les roches serait à l'origine du sentier qui va de la plaine de jeux vers les Chaffours car c'est là que se trouvait l'officine.

En 1763, "un bâtiment sur les Trixhes a été achevé iceluy servant, de forge au maréchal aussi bien qu'à retirer les outils, les chandelles, les bois, qui étaient ci devant exposés à être volés..." Il s'agit, bien sûr, de "la forge aux ânes" qui se trouvait, vers le milieu du terrain de football actuel et qui a été démolie précisément lors de la préparation du terrain.

La forge aux ânes", devenue, à la fin de son existence, une très modeste demeure où les habitants élevaient quelques bêtes.

Un acte nous apporte la preuve que le transport des boues d'alun était effectué par des ânes: "pour entretien de 4 ânes pendant cette année - pour achat de 2 autres et entretien d'icelles pendant 5 mois y compris le salaire du conducteur - 750 florins".

En 1765, le toit de la forge aux ânes brûle et le mur qui sépare l'étable de la forge doit êre réparé.

A partir du 1er juillet 1765, "l'alunerie de Flémalle-Haute est sous la direction de Messieurs Hoyoux de Fromanteau Jean et Antoine, députés au Chapitre Général de la Collégiale St Pierre". Et en 1770, l'usine est confiée à H.L. Gigot, chanoine de St Pierre.

Le 30 octobre 1762, on lit: "il est tombé des pluies continuelles pendant 2 mois, qui ont entravé les travaux". Qui prétendra encore que le climat d'aujourd'hui n'est plus ce qu'il était?

Quelques noms relevés en 1764 parmi les ouvriers: Arnold Plenus (maître ouvrier), A. Malaise, Jacques Mathy, Henri Jacob, Pierre Bernard, Jean Bricteux, Marie Mathy, Lisbette Martin, Jenton Epelvy, Gabrielle Wéry, Jean Jeunehomme, Jean Comhaire (maître charpentier). Peut-être allez-vous y reconnaître quelque ancêtre ?

Mais intéressons-nous un instant à la production.

1755: compte des charrées d'alun fabriqué à Flémalle: 48 charrées à 2100 livres d'alun = 100.800 livres d'alun (St Pierre touche 962 florins sur un bénéfice total de 2.446 florins. Pas mal !)

1756: 86.883 livres d'alun

1757: 98.000

1758: 108.000

1759: le 30 janvier, un marché est conclu avec Mr Jean Planchart, chanoine de St Lambert, pour la future réédification d'une partie de l'usine à condition de livrer les matériaux pour la somme de 68 écus. 100.000 livres d'alun

1760: 96.355 livres d'alun

1761: 88.940

1762: 80.680

1763: 84.767

1764: 93.487

1765: 107.832

1766: 107.731

1767: 129.692

1768: 118.645

1769: 93.455

1770: 63.272

1771: 51.182

1772: 44.200

1773: 89.543

En 1770, un certain Charles Evrard est le conducteur des bêtes.

En 1772, il a fallu "refondre les chaudières, réparer les fourneaux et faire les réparations qui seront absolument nécessaires, à moindre frais possible".

Pour assurer le grillage, de grandes quantités de bois étaient nécessaires:

17 novembre 1770: "François Comhaire mène 300 stansons (étançons) d'Ivoz au Chaffour". - "Mons. le Chanoine Dumeir a payé à Jean Rouf 14 florins pour avoir mené 14 ploples (peupliers) avec 200 moussades (fagots)".

10 mars 1772: Jaspar Bernard, maître ouvrier, est autorisé à "faire abattre la partie de bois St Remacle (Awirs) qui est à couper cette année conformément aux conditions de la reprise du dit bois" - et le 14 août de la même année: "Messeigneurs sont d'avis qu'on fasse porter les terres du bure d'Antoine sur la fade pour être mêlée et que le maître ouvrier achète 2 cordes de bois pour la fade" (1 corde = 2 1/2 à 5 stères selon la région).

Comme nous l'avons déjà signalé, le Chapitre St Pierre retirait de confortables revenus des alunières de Flémalle. Jusqu'en 1767, 100 écus étaient retenus d'office sur les revenus de l'usine pour St Pierre. Dès 1767, ce seront 200 écus.

25 septembre 1772: grève? " Mess. ont ouï leur maître ouvrier de leur alunerie de Flémalle au sujet des gossons (transporteurs) qui ont quitté l'ouvrage, sont d'avis qu'on augmente la voiture d'un demi liard par charge" (le liard = 1/4 de sou).

29 mars 1773, crise dans la vente des aluns. Les aluniers de la vallée mosane se réunissent et décident de réduire la production à 100.000 livres par usine. Les quotas ne sont donc pas une Invention récente.

De 1778 jusque 1783, on relève souvent le nom de Gille Graindorge, qui loge dans l'usine.

Sous le régime français, c'est-à-dire après 1795, Maximilien Hennay (d'Engis) et Gabriel Rome (d'Amay), possédant l'alunière de Chokier, projetteront de reprendre la concession de Flémalle-Haute. Déjà en 1787, Bois des Moines nourrissait le même projet.

Le 6 mai 1798: acte qui concerne la veuve Hardy (née Marie Anne Sacré et belle-mère de Rome) d'Ans et Jean Robert, banquier, son gendre "le Chapitre cède pour 80 ans le droit de travailler l'alun sous la juridiction de Flémalle-Haute. Les repreneurs devront livrer le 30ème du produit net de l'alunière ou en payer le montant au prix courant de l'année. Ce droit sera pour le gouvernement, le Chapitre étant supprimé. Le local de l'exploitation se nomme Flémalle-Haute".

En l'an 10 (1802) les archives signalent: "puits et galeries à bras" et "les nouveaux propriétaires seront chargés de l'entretien et des réparations des xhores et canaux de l'alunière de Flémalle-Haute".

En 1809, la veuve Hardy abandonne l'alunière St Pierre. Le 20 janvier 1810 un rapport dressé par un ingénieur approuve la demande que Rome avait formulée et souhaite que la fusion des 2 alunières se fasse rapidement car "la mobilité des terres alumineuses est telle et la pression qu'elles exercent est si considérable que les étais qui les soutiennent doivent être renouvelés ou réparés continuellement" ... "On peut en dire autant des bures à l'eau c'est-à-dire des puits qui fournissent l'eau au lessivage, des chenaux qui les conduisent, des bassins qui les reçoivent, et enfin des cuves elles-mêmes. Tous ces objets subissent nécessairement une grande détérioration s'ils cessaient pendant longtemps d'être assujettis à un service journalier". Et il ajoute "qu'il n'y a dans les environs aucun exploitant qui puisse actuellement donner de l'occupation aux ouvriers qu'elle employait, les fosses de Marhaie (Marihaye) commencent à peine à jeter de la veine et celles des Kessales sont encore loin de pouvoir être ouvertes". Enfin, dit-il, il n'y a pour occuper tous les bras des communes de Jemeppe, Flémalle-Grande, Flémalle-Haute et Chokier, que les bures du Bois des Moines et ceux qui ont été percés depuis quelque temps dans l'enceinte demandée par les Kessales, mais qui suffisent à peine à la subsistance de ceux qui les ont établis". Et il poursuit: "la galerie de St Pierre, qui était établie au point le plus bas où il soit possible de saigner la veine d'alun, doit être considérée comme l'espoir de toutes les alunières qui existent sur la rive gauche de la Meuse et comme devant leur offrir à toutes un dernier moyen d'épuisement lorsque leurs travaux seront portés au-dessous des areines qui les démergent actuellement. Sous ce rapport il est essentiel non seulement de veiller à l'entretien de la partie de cette galerie déjà exécutée, mais encore d'accélérer le percement de ce qui reste à faire pour qu'elle puisse remplir ce but important auquel sa position semble l'avoir destinée". Voilà qui montre bien l'importance de l'alunière St Pierre.

Le temps allait donner raison à cet ingénieur. En effet, un acte du 15 avril 1810 révèle que "l'oeuvre de St Pierre est abandonnée par la veuve Hardy et la galerie d'écoulement des eaux, les biens et les ouvrages s'éboulent de plus en plus chaque jour".

Rome rappelle alors sa demande en concession et la réunion de St Pierre et Houlbouse, qu'il exploite. Il sollicite l'appui de Mr de Crassier, chef de division de Liège, "vu qu'un grand nombre d'ouvriers ont les bras croisés et attendent d'être réemployés à cette entreprise délaissée". Il déclare en outre "qu'il est le seul qui convient à cause de son exploitation de Houlbouse qui pourra à grand frais être bénéficiaire par l'areine de St Pierre plus profonde de beaucoup que l'autre".

Le problème suscité par l'écoulement des eaux dans les mines mettra longtemps avant d'être résolu. Il en est encore question dans une lettre adressée le 28 août 1810, par Rome, au Baron de Micoud, Préfet du Département de l'Ourthe:

La galerie d'écoulement de l'alunière du Houlbouse descend vers Chokier. Elle est "totalement indépendante et séparée de celle de St Pierre" mais cette dernière ayant "une profondeur plus conséquente que l'autre, c'est ce qui incite le soussigné à demander à reprendre l'ouvrage de St Pierre dans l'espoir qu'en réunissant les deux ouvrages, ils se fructifieront l'un et l'autre ... Mais la galerie de St Pierre n'est poussée qu'à un tiers de distance des 2 bures et qu'il faut la poursuivre encore 2 tiers de plus pour atteindre l'ouvrage de Houlbouse".

Quant à la galerie d'écoulement de l'alunière de Flémalle-Haute, "elle se termine dans le chemin de la Moxhenière (ancienne rue Gurdebeke) où elle verse ses eaux dans un petit aqueduc qui longe d'abord ce chemin et ensuite la grand route jusqu'à Meuse dans l'endroit appelé le chaffour". Or "cet aqueduc n'étant pas couvert, il se comble et s'obstrue et ces eaux n'ayant pas de décharge, elles se répandent sur la grand route et la rendent impraticable. Les voitures et charrettes s'y embourbent très souvent et ne peuvent s'en tirer que par le secours des habitants et chevaux de la commune et les efforts que l'on fait font que la plupart s'y brisent. La malle-poste et la diligence ont eu des accidents pendant l'hiver. Les piétons et cavaliers l'évitent. Pour remédier, il faudrait que la régie des domaines, propriétaire, prolonge la galerie depuis le chemin de la Moxhenière jusqu'à la Meuse en lui donnant la pente nécessaire. Les eaux sont imprégnées d'un sel tellement corrosif que les terres où elles se répandent sont impropres à la culture".

Enfin, le 1er octobre 1810, "la préfecture de Département de l’Ourthe arrête que Gabriel Rome est autorisé définitivement à entretenir provisoirement les travaux de l'usine St Pierre. Dame Hardy sera autorisée à remettre sur le champ les clefs de l'usine et des huttes élevées à l'orifice des bures. L'indemnité pour valeur des bures et machines laissées sera réglée et déterminée par le gouvernement".

En 1813, l'alunière est exploitée par Otto Dargent, qui fut Conseiller Communal de Flémalle-Haute de 1821 à 1848.

En 1816, elle ne compte plus que 40 à 45 ouvriers. Elle chôme pendant 6 mois l'année et appartient au Domaine Royal.

En 1819, De Villenfaqne édite un ouvrage dans lequel il écrit:

"On obtenait il y a 12 ans, des mines ouvertes sur la rive gauche de la Meuse, 15.000 quintaux d'alun; et des mines ouvertes sur la rive droite, 1.000 quintaux".

Si ce n'étaient les terres rouges qui couronnent les roches, qui pourrait deviner que tant d'événements se sont passés dans ce coin de Flémalle-Haute?

Il s'agit des mêmes chenaux que ceux de la page 22, mais placés de façon à bien voir l'emboîtement femelle.


1. Un des grands types de réactions chimiques est la réaction acide-base.

Un acide, selon Brönsted, est une substance qui, en solution aqueuse, libère des ions hydrogènes (H+).

Une base, toujours selon cette même théorie, libère, elle, des ions hydroxyles (OH+).

Ces ions hydrogènes (chargés positivement) et les hydroxyles (chargés négativement) réagissent entre eux pour former de l'eau (H2O).

Une base (par exemple un hydroxyde métallique, l'hydroxyde d'aluminium) réagit avec un acide (par exemple le sulfate d'hydrogène mieux connu sous le nom d'acide sulfurique) pour donner un sel, plus de l'eau.

Dans le cas de la formation de l'alun;

hydroxyde d'aluminium (base) + sulfate d'hydrogène (acide sulfurique) donne sulfate d'aluminium (sel) + eau

hydroxyde de potassium (base) + sulfate d'hydrogène (acide sulfurique) donne sulfate de potassium (sel) + eau.

On obtient ainsi les 2 sels permettant de former le sulfate double d'aluminium et de potassium, c'est-à-dire l'ALUN.

2. Un échantillon de schiste prélevé dans l’alunière St Nicolas (Ampsin) a été analysé en 1833. A l'intention des spécialistes, nous publions sa composition:

acide sulfurique 0,337

protoxyde de fer 0,172

alumine 0,083

magnésie 0,010

silice 0,005

eau 0,437

reste 0,006

3. Le papier fait à partir de la pâte de bois absorbant mal l'encre, les ingénieurs y ajoutèrent de l'alun et de la résine pour en améliorer la surface. Ils n'avaient pas prévu qu'avec le temps, l'alun et la résine mélangés à l'oxygène libéreraient des composants acides qui rongeraient le papier.

4. Nom donné aux gentilhommes flamands qui se liguèrent contre l'administration espagnole et catholique de Philippe II.

5. En 1621, les aluniers liégeois constituent une "Compagnie des usiniers d'alun de la Cité et Pays de Liège", préfiguration du cartel moderne, surveillant la production, maitre des prix de vente, autorisé à prendre des mesures contre ses membres défaillant (Lejeune - Conseil Privé, dépêches).

6. Lampélite est un schiste riche en matières charbonneuses et contenant souvent de la pyrite; celle-ci donnant par altération du sulfate de fer.

7. Les chenaux servant à véhiculer les eaux alunées reposaient sur des chevalets amovibles.

8. On sait que des particuliers conservaient l'urine dans des tonneaux appelés "tonês al pihote" ou "tonês al hlé" (hlé = urine). Ils la revendaient alors aux industries dès que la putréfaction en avait accru la qualité et donc, la valeur.

9. Lors de son passage à Chokier en mai 1646, James Hope faisait remarquer que les ouvriers avaient l'habitude de "verser de la pisse dans la lessive, dans une proportion de 1 à 12, afin de précipiter le sel".

10. Les Nihoul étaient non seulement propriétaires-meuniers du Neumolin mais ils possédaient en outre les terrains environnants qu'ils partageaient avec les seigneurs d’Awirs (à cette époque, les de Ligne)

11. (Le moulin à farine qui est également à papiers et scierie aux planches, c'est le moulin du Marteau, actuellement Valentin. - La platinerie, sorte de laminoir métaux, jouxtait ce moulin. - Le "cop d'eawe" = "le coup d'eau" du ruisseau, c'est-à-dire le bief, alors seule force motrice disponible mais indispensable.)

L'usine à faire l'alun est comprise dans la portion de terrain située en aval de Neumolin où se trouvent également les maisons d'habitation, jardins et prairies, avec sentiers et chemins d'accès appelés ici "appartenances" Tout ce territoire s'étend sous le Thier Ardent et la colline du Marteau, lesquels font partie de "la hauteur d'Engis").

12. Selon le scribe, le lieu-dit "Marteau" ou "marteal" est localisé sous Aigremont ou sous Engis, mais il s'agit du même endroit).

13. Il n'est d'ailleurs pas impossible que Jacques aux Brebis ait conservé une part d'intérêts dans l'affaire car on le retrouvera encore plus tard dans de nombreux actes et contrats relatifs à cette alunière.

14. Il devint par la suite l'usine de lessiveuses "La Prodigieuse"

15. 3 moulins dont 2 banaux: le moulin Collin pour Chokier et le Neumoulin pour la Basse Awir).

16. Espace non exploité.

17. Les utilisateurs d'une areine appartenant à un autre propriétaire devaient payer une redevance, un cens.

18. Il aurait peut-être pu y penser plus tôt.

19. Bagues en fer cerclant un moyeu.

20. J. Stiennon "Etude sur le Chartrier et le Domaine de l'Abbaye de St Jacques de Liège"

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