D'autre part, les pièces d'archives citées par Édouard Poncelet dans son article Notes de Topographie liégeoise (2) nous permettent de nous représenter la porte du Vivier vue de l'intérieur.
Édouard Poncelet nous dit en effet:
« Désaffectée au XIIIe siècle en même temps que les remparts notgériens, la porte du Vivier servit surtout, dès lors, comme c'était le cas habituellement pour les fortifications démantelées, à épauler des constructions, à servir de dépendances à des habitations. Ici, on n'utilisa pas seulement les montants des arcades et les murailles, mais on tira parti aussi de la partie supérieure de l'ouvrage: en 1409, il s'y trouvait un four à chaux et un préau (2bis) A Liège, comme dans les autres villes fortes, les portes survivent aux murs: la porte du Vivier resta debout jusque dans la seconde moitié du XVI siècle.
« On possède deux actes intéressants concernant la disparition de la porte du Vivier: dans le premier, daté du 7 avril 1573, il est rappelé que Goffin, fils de feu Piron de Jemeppe, charretier, citain de Liège, avait eu précédemment l'usage et la possession de la partie supérieure d'une arche placée au-dessus de la chaussée tendant de Souverain Pont à la Meuse, c'est-à-dire Chéravoie, laquelle arche joignait d'amont à la maison du dit Goffin; or, comme, sur l'ordre des bourgmestres, jurés et conseil, la voûte de cette arche a été, depuis peu, démolie au grand dommage du concessionnaire, la Cité, d'accord avec le receveur de la mense épiscopale, a autorisé Goffin à abattre le pied, autrement dit l'assise, la culée de l'arche du côté d'amont, joignant à sa maison, laquelle était située sur Meuse aux Mairniers, joignant vers Meuse à la maison de Gheurt le Corbesier et vers Souverain Pont à la maison de Jean le charron, et, ce fait, à reconstruire sa maison au même alignement que celle dudit Gheurt. Une autre ordonnance fut prise le 4 juillet, concernant la deuxième arcade de la porte; on l'appelait: l'arche de la Mère-Dieu et la maison contiguë portait la même dénomination; le dessus de cette arche avait été mis à la disposition de Gérard Warnier, mairnier; elle joignait, d'aval, à la maison dudit Warnier et d'amont, à la première arche, dont il a été question plus haut. Comme cet ouvrage encombrait malencontreusement Chéravoie, le concessionnaire s'accorda avec le receveur de la mense épiscopale et avec celui de la Cité pour que cette arche fût, de même que l'autre, abattue à l'alignement du rez de son édifice qui était en partie érigé sur la dite arche, moyennant quoi, Gérard pourra «rencloir et érigier ung murailhe prendant de costé vers Moese à l'angle de son abbatu ou buwerie tirant iceluidit muraille du costé vers le Marché par desoubz le susdit arche, droit à la ligne et à plon de l'angle de sondit édifice érigé sur ledit arche, afin tel dit édifice sustenir. »
On ne peut plus, actuellement, se rendre un compte exact de l'économie de ces travaux, dont on retrouve pourtant des vestiges rue Chéravoie, mais il ressort de ces actes analysés ci-dessus que les deux entrées de la porte du Vivier furent démolies en 1573 et que les édifices qui s'y appuyaient furent reconstruits à un nouvel alignement, de manière à ne pas gêner la circulation et le charroi, qui s'intensifiaient de jour en jour en Chéravoie. »
Ces textes nous montrent qu'il y avait deux ouvertures dans la porte du Vivier, puisque les locaux situés au-dessus de la porte charretière furent loués à la maison du Chaudron d'Or; tandis que les locaux situés au-dessus du guichet furent loués à la maison de la Mère-Dieu (fig. 3).
Nous savons, par les mêmes archives, que lorsqu'on sortait du SouverainPont et que l'on traversait Sur-Meuse-aux-Mairniers, on avait devant soi, en Chéravoie, à droite: les maisons de l'Ancre, de l'Étoile et du Chaudron d'Or; tandis qu'à gauche, il y avait la maison de la Mère-Dieu (fig. 4).
Voyons maintenant ce que racontent les deux tableaux:
Dans le tableau de Van Eyck, on ne voit qu'une grosse tour qui cache la porte elle-même, mais la tour est bien détaillée et comporte même à sa hase une petite ouverture qui doit être due à l'imagination de Van Eyck car elle déforce la défense de la porte.
Lorsque Van Eyck a peint ce tableau, la Meuse ne venait certainement plus battre de ses flots le pied de la porte et les bateaux ne pouvaient plus y aborder, car, depuis presqu'un siècle, la Légia y avait accumulé du limon hesbayen et formé de larges espaces en terre-plein comme nous le montre l'acte suivant
Année 1350 - « maisons seyantes sur Meuse aux mairniers dedans les murs et defour les murs, à savoir devant sur la chaussée et jusqu'aux murs de la fermeté del cité et des dits murs jusqu'en Meuse (3) »