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LES ENCEINTES DE LIEGE

DÉFENSE DE LA VILLE - FORCE PUBLIQUE

Extrait de Les rue de Liège par Théodore GOBERT


CHAPITRE PREMIER

REMPARTS, PORTES, CITADELLES, ETC.


I. - Remparts.

A. - PREMIÈRES FORTIFICATIONS DE LIÉGE.

Après la question de l'origine de notre ville et de son nom, il n'en est point qui aient intéressé davantage les érudits liégeois, de nos jours surtout, que celle des premières fortifications de Liége. Elle est intimement unie aux développements et à l'histoire même de la cité.

Exceptionnels pourtant sont les historiens qui en ont fait une étude approfondie. L'immense majorité d'entre eux, même dans les temps modernes, se sont bornés à prendre leurs renseignements à l'inépuisable fonds du conteur liégeois qui, avant tout autre, a écrit en langue vulgaire, en vieux français, à Jean d'Outremeuse.

Grâce à son imagination féconde, il n'a pas hésité à résoudre le difficile problème que n'avaient osé entreprendre ses devanciers. Pour cet écrivain du XIVe siècle, c'est saint Hubert qui, au début du VIIIe siècle, a entouré la cité naissante de murs épais, reliés au-dessus des voies principales par trois portes solides: la porte Saint-Pierre, au pied de Publémont, la porte Hasselin, au travers de Féronstrée, et la porte du Vivier, en face de Souverain-Pont. En vue de garantir mieux encore les approches de l'agglomération, ajoute Jean d'Outremeuse, sur la colline de Publémont, au-dessus de la Haute-Sauvenière, a été dressé le château Saint-Michel ou Sylvestre, qui dominait la ville et ses abords (1).

Un siècle après, l'an 810, selon le même auteur, son héros légendaire de prédilection, Ogier le Danois, serait venu rendre plus forte la position de Liége par l'adjonction d'ouvrages avancés: le château Saint-Georges, près de l'église de ce nom, et le château Sainte-Catherine, aux environs de ce qu'on appelle maintenant rue du Pont (2).

Inutile de s'arrêter ici au manque complet de fondement des remparts et des châteaux-forts qui auraient été construits par saint Hubert, voire au siècle suivant par Ogier le Danois. Au moindre contact de la critique historique ils disparaIssent comme par enchantement. On n'en connaît d'ailleurs que ce que l'historien romancier du XIVe siècle en a dit. Aucun annaliste, aucune charte, aucun document quelconque antérieur à cet écrivain n'émet la moindre allusion à ces constructions chimériques.

Sous le pontificat de saint Hubert, Liége ne formait qu'une bourgade. Par conséquent, en aurait-on eu les moyens, nul n'aurait songé à fortifier cette modeste localité. Aussi comprend-on que, dès le XVIIe siècle, le sérieux historien Foullon se refusât d'ajouter foi à l'existence de fortifications en notre ville à cette époque éloignée (3).

Kurth l'a parfaitement établi: c'est seulement à la fin du IX· siècle, en suite des incursions désastreuses de peuplades à demi-barbares, que les villes de la Germanie, d'origine romaine, relevèrent leurs murs d'enceinte. Au suivant, d'autres centres populeux, imitant cet exemple, se munirent de remparts protecteurs (4). Mais, notons-le, à ce temps, bien des grands centres urbains ne seront pas capables de s'environner de murs défensifs en pierre; ils devront se contenter de dresser une ligne de barricades entourées de fossés, même au XIIIe siècle; Tongres est du nombre.

Les circonstances s'opposèrent à ce que notre cité se mît de bonne heure à l'unisson des agglomérations impériales. Les cruels Normands, en 881, pénétrèrent à Liége, sans être retenus par le moindre obstacle. En 954, des pillards hongrois trouvèrent aussi la ville ouverte à leur irruption et à leurs violences, comme l'attestele véridique Anselme (5).


B. - SOUS ERACLE.

C'est dans ces désolantes conditions matérielles qu'Eracle vit notre cité lorsqu'il monta sur le siège épiscopal l'an 959. La position se présentait d'autant plus pénible, d'autant plus désespérée, que, de toutes parts, les vassaux se rebellaient, se coalisaient en vue de se soustraire à la dépendance impériale et de s'attribuer par les armes une souveraineté effective. Ces dispositions subversives des petits princes se manifestaient avec plus d'intensité encore dans les territoires ressortissant pour le spirituel à l'Eglise liégeoise. A une lieue et demie à peine de Liége, l'orgueilleux comte Immon, retranché fièrement dans le château-fort de Chèvremont, montrait envers tous une arrogance dédaigneuse.

Les efforts du chef du diocèse durent tendre avant tout à garantir la cité contre les incursions d'aventuriers, voleurs, incendiaires parfois, au moyen d'une enceinte fortifiée. Plus que tout autre, il avait regretté l'impossibilité absolue de l'établir en présence du désarroi général et de l'extrême pénurie des finances publiques.

Ce ne fut pas assez pour amener l'inaction du pontife liégeois. Il n'ignorait pas la propension qu'avait eue la ville dans le principe, qu'elle manifestait plus que jamais, à se développer vers l'Ouest. C'est alors – nous l'avons dit dans la Première Partie - qu'il chercha à déplacer le centre de la cité en transférant sur la hauteur voisine le siège des services généraux. Dans le projet d'Eracle, un temple dédié ultérieurement à Saint-Martin devait former notre plus ancien ouvrage défensif. Il était appelé à faire l'office d'une citadelle, capable d'abriter partIellement une section de la jeune milice liégeoise.

Des scènes d'insubordination se produisirent de ce côté avant la réalisation du plan susdit. On peut croire que cette vive opposition populaire aura empêché le faible prélat de persister dans son dessein mûrement conçu, car ce dessein a été abandonné par lui.


C. - L'ENCEINTE NOTGÉRIENNE. - DESCRIPTION.

Eracle mourut le 27 octobre 971. Son successeur, Notger devint le véritable fondateur de la principauté et il agit en souverain. Tandis qu'il fortifie prudemment le pays sur les frontières les plus menacées, Liége, qui vient de prendre le rang de chef-lieu du nouvel Etat, voit, sous l'égide de son premier prince, s'ouvrir pour elle une ère pleine de promesses. Notger tint à la défendre contre des ennemis extérieurs. A Notger, en effet, revient l'honneur d'avoir doté notre cité de ses plus anciens murs d'enceinte. Tous les annalistes sont d'accord pour faire ressortir que, dès cet âge printanier de notre civilisation, la jeune capitale de la Wallonie était protégée par un solide rempart (6).
Déterminer d'une manière précise et complète le tracé que parcourait ce rempart est l'un des problèmes les plus ardus de l'histoire topographique de Liége. Jean d'Outremeuse s'est naturellement cru en état de le résoudre. Voici en quels termes il s'exprime:

« Liége avoit troix portes. Le thour deI Offichial en estoit ly une, si l-appelloit-ons le porte Saint-Piere, car l'égliese Saint-Piere seoit tantoist al defour deI porte, et alloient les murs deI citeit tout altour de Pissevaiche et encor les poïeis veoir en Palais à Liege, où les maisons de Pissevaiche sont susfondees, et avaloient devant les Freres Minneurs desquendant jusques à Hasselhien-Porte qui estait la seconde porte. Et alloient les murs parmy l'Evesque Court où ly Palais l'evesque estoit, venant à la riviere de Mouse, et par Mernier ruwe jusques à Viviers où la tierche porte estoit et encor est. De laquelle porte les murs alloien, tout solonc les preis où Mouse court ors, à Pont d'Isle, et alloient solonc les preis jusques à lieu où la Saubleniers est maintenant, passant tout parmy l'encloistre Saint-Lambert par derier l'hosteit deI prevosteit en revenant à la porte Saint-Piere desseurdit (7).

Rien dans le chroniqueur du XIVe siècle ne révèle un archéologue sérieux; mais quelques sections des fortifications notgériennes - qu'il attribue faussement à saint Hubert - demeurant visibles de son temps, lui ont permis de fournir des indications assez exactes sur ces parties du circuit des murs. Dès que les données palpables lui ont fait défaut, l'écrivain, laissant libre cours à son imagination inventive, est tombé dans les erreurs les plus saugrenues. Il incombe à l'historien de faire de ces dires le départ du vrai ou du faux.

A ce propos, Kurth, dans son Notger de Liége, publié en 1905, s'est plu à nous rendre ce témoignage:

« Un seul homme à ma connaissance, a essayé depuis Jean d'Outremeuse, de donner une idée de la primitive enceinte de Liége. Dans son beau livre sur les Rues de Liége, M. Th. Gobert est revenu à diverses reprises sur l'enceinte notgérienne (8). »

Le savant professeur citait ensuite la description faite par nous en 1898, dans les Rues de Liége, à l'article Remparts, et où nous nous exprimions ainsi:

« Les murs de Notger partaient, pour employer les termes topographiques modernes, de la station du Palais, se rattachaient au Palais qu'ils suivaient le long de la rue de ce nom, se prolongeaient directement en laissant à l'extérieur la rue Hors-Château, jusqu'à peu de distance de la rue de la Rose. Obliquant ensuite à droite, les remparts passaient au-dessus de la rue Féronstrée, au moyen de la porte Hasseline ou Hasselier, et se dirigeaient vers la Meuse à travers l'emplacement des propriétés séparant les rues de la Clef et Sur-le-Mont du quai de la Goffe. Ils remontaient le fleuve par le côté gauche des rues de la Cité et Sur-Meuse (9), pour gagner la porte du Vivier, à l'intersection des rues Souverain-Pont et Chéravoie. Par une nouvelle courbe, la ligne fortifiée aboutissait à une autre branche de la Meuse, qu'elle côtoyait le long de la place du Théâtre et de la rue Basse-Sauvenière jusqu'aux degrés des Bégards. Là elle escaladait la colline, passait derrière l'église Saint-Martin pour redescendre vers Saint-Séverin et revenir au point de départ en face de la rue Saint-Pierre. »


D. - THÉORIE DE G. KURTH ET DE GUST. RUHL.

De concert avec Gust. Ruhl, sincère amateur du vieux Liége et de l'étude comparative des anciens ouvrages militaires en maintes villes régionales (10), Kurth émit à son tour une théorie quant au système défensif de Notger. Tout en se ralliant à de rares parties de notre description, il s'en écartait grandement en faisant courir les remparts à travers la place Saint-Séverin, puis à mi-côte de la colline de Saint-Servais, de Pierreuse et de Hors-Château, jusqu'à la Montagne de Bueren. Selon nous, le mur suivait la vallée avec la Légia pour fossé protecteur. Ensuite, Kurth veut retrouver le rempart grimpant la première moitié de la Haute-Sauvenière, le fait alors obliquer à gauche pour longer les terrasses des propriétés des rues Saint-Hubert et Mont-Saint-Martin jusqu'aux Degrés-des-Bégards.

Ces assertions étaient en contradiction absolue avec les principes de la vieille stratégie militaire, comme avec les données archéologiques et les textes les plus convaincants. Il allait de notre devoir, dans l'intérêt de la vérité historique, de les combattre. Nous le fîmes successivement dans deux brochures spéciales (11).

Entretemps, nos conclusions recevaient une confirmation éclatante à plusieurs années d'intervalle, par des découvertes archéologiques faites dans le sol même, sur divers points de la ville. Nous crûmes sage de les consigner lors de la dernière trouvaille, l'an 1913, en une brochure intitulée: L’enceinte de Liége en l’an mil; nouvelles découvertes.


E. – ETAT DE LA QUESTION.

Jusqu'à la fin du Xe siècle, en l’île de Liége, le futur quartier de l’Ile, on ne rencontrait qu'une vaste plaine basse, bourbeuse en partie et entrecoupée de massifs de broussailles et de buissons. Naturellement, le grand pontife ne pouvait tenter d'entourer de remparts ce vaste quartier inhabité pour bonne part. La branche du fleuve qu'il venait de redresser et de rendre plus navigable, jointe au cours principal de la Meuse qui le baignait au Sud-Est, le protégeait plus ou moins contre une agression du dehors. Le cours d'eau de la Sauvenière devait aussi servir de fossé aux remparts voisins.

Il est une autre portion du territoire liégeois que, avant tout, Notger tenait à défendre puissamment. Au temps auquel nous nous reportons, les limites de Liége s'arrêtaient à l'Est en Féronstrée vis-à-vis de la rue Sur-Ie-Mont, et à l'Ouest, un peu au delà de la Haute-Sauvenière. En somme, Liége restait enserrée entre les flots de la Meuse et le mont escarpé de Pierreuse.

L'accord subsistait pour reconnaître que Notger, dans l'établissement des fortifications a escompté, à l'Ouest au moins, l'extension de la cité. Cette thèse est contraire aux dires de Jean d'Outremeuse qui manquait, sous ce rapport, d'éléments positifs, mais elle est conforme aux témoignages d'Anselme et du biographe anonyme de Notger, du XIe siècle. C'est assez pour considérer le problème comme tranché d'une façon absolue.

Notger visa donc à fortifier ce qui désormais allait être qualifié Mont-Saint-Martin. Tandis qu'à la tour, crénelée et percée de meurtrières, de l'église de ce vocable, il maintient son rôle d'observation militaire, il renforce la position par un rang épais de murs solides qui se projettent un peu en amont, mais forment, grâce aux flancs abrupts du Mont-Saint-Martin, une ligne défensive ininterrompue avec le rempart de la cité proprement dite.

Par où passaient les remparts à partir de la place appelée maintenant de la République française? Dans notre description première du circuit de la fortification notgérienne, nous disions évasivement qu'elle s'étendait « le long de la rue Basse-Sauvenière jusqu'aux Degrés-des-Bégards ». Ce n'est pas à dire qu'elle était dans la vallée. Il n'aurait pu venir à l'esprit de Notger, ou de n'importe qui, de placer des remparts sur ce sol bas, irrégulier, très exposé, alors qu'il existait tout à côté, sur la colline, des défenses naturelles superbes, inaccessibles pour ainsi dire, d'où l'on dominait admirablement la ville et ses abords.

Peut-être aurait-on été en droit de nous reprocher de n'avoir pas précisé davantage la ligne que décrivait le rempart en quIttant ce qui forme la place de la République française. Notre silence a été intentionnel. En l'absence absolue de témoignages écrits, il a paru de notre devoir d'indiquer seulement la direction générale qu'avaient ces remparts avant d'atteindre le Mont-Saint-Martin.

Si, cependant, il nous avait fallu essayer de fixer le point de rencontre du tronçon d'enceinte venant de l'ancienne place aux Chevaux avec celui de Publémont, nous eussions opiné que la jonction s'effectuait là où s'échelonnent les degrés de la rue de la Montagne. C'est à partir de cet endroit que commence le Mont-Saint-Martin; c'est là que la colline offrait directement son flanc à pic, à l'ancien canal de la Sauvenière, qu'elle en était baignée pour ainsi dire, tant il s'en approchait. A proximité de ces mêmes Degrés-de-la-Montagne, en arrière de l'hôtel qui, partagé, porte aujourd'hui les numéros 9 et 11 au Mont;Saint-Martin (Hôtel de Sélys), se dresse une tour imposante, aux murs d'une épaisseur extraordinaire. Elle apparaît distinctement avec ses créneaux dans toutes les vues de Liége les plus anciennes. Connue il y a plus de six centaines d'années sous la désignation

« la grosse tour de Saint-Martin-en-Mont » (12), mais renouvelée depuis, cette antique et massive bâtisse aura servi primitivement de redoute, au point de réunion des deux sections de l'enceinte. Nous le pensons d'autant mieux que contre la base de cette tour, sous la terrasse de la même propriété, se développent de très vastes souterrains, véritables casemates. Leur appareil en pierre de grès, leur caractère architectural imposant, l'épaisseur et la solidité des murailles avèrent que ces spacieuses cavités ont été destinées, à une époque éloignée, à abriter éventuellement la milice liégeoise, on ne peut plus commodément, contre toute attaque du dehors.

On sait que Kurth avait abouti à d'autres conclusions que les nôtres. Voici ce qu'il estimait « le seul tracé possible »:

« De la place du Théâtre », écrit-il, « la muraille remontait la Haute-Sauvenière, passait le long de la terrasse qui porte l'église Sainte-Croix, continuait par le Mont-Saint-Martin jusqu'à l'église de ce nom où elle retrouvait la ligne de défense attestée par les plus anciens documents (13). »

Pour admettre cette ligne de démarcation comme étant celle de l'enceinte défensive de Notger, les promoteurs de l'idée déclaraient avoir rencontré en maints immeubles « differents pans de murs dont l'appareil en blocage fruste et sans art, semble », écrivait-on, « non seulement remonter à une époque très reculée, mais rappelle en tous points, comme structure, nos plus vieux édifices de l'époque contemporaine de Notger ou celle qui l'a suivie immédiatement (14) ».

On le voit, les auteurs de la thèse n'avaient pas la certitude que ces fragments de murs « remontent à une époque très reculée » - c'est une simple présomption - encore moins qu'ils sont contemporains de Notger. De fait, en de nombreux endroits de Liége qui n'ont certes rien eu de commun avec les remparts notgériens, subsistent des murs en grès houiller auxquels la juxtaposition irrégulière des moellons, la construction grossière, l'épaisseur des parois et l'état de vétusté extérieur pourraient faire attribuer aussi une origine neuf fois séculaire, alors qu'en réalité, elles datent de cinq centaines d'années au plus. La confusion provient de ce que, dans l'édification des murs, pareil système a continué longtemps avec l'emploi des mêmes matériaux. Plusieurs siècles après Notger, les Liégeois persistaient à se servir, pour les bâtisses de ce genre, de grès houiller qu'ils extrayaient fort aisément des roches voisines, sur place parfois: Tel était particulièrement le cas au Mont-Saint-Martln et plus bas sur la colline. Il paraît donc fort dangereux de s'appuyer trop sur ce prétendu rempart, si robustes qu'en soient les murailles.

Mieux vaut se rallier à l'avis de Kurth quand il dit que « le bras de la Meuse (de la Sauvenière) était compris dans le système défensif de la ville et qu'il servait essentiellement à compléter les ouvrages d'art militaire (15) ». C'était déjà l'opinion de Gausechin en la seconde moitié du XIe siècle.

Cette rivière coulait à l'emplacement des boulevards d'Avroy et de la Sauvenière, ainsi que de la partie pavée de la place de la République française entre le parc-Grétry et les rangées d'arbres en face. Or, à ce temps, toute ligne fortifiée impliquait un fossé adjacent. Dès lors, admettre avec Kurth que Notger a jeté le rempart immédiatement sous l'église Sainte-Croix et sous les propriétés de la rue Saint-Hubert, c'est-à-dire' à une distance considérable de la rivière qui devait former le fossé de ce rempart dans la pensée du Prince, n'est-ce pas prêter à ce dernier une ignorance profonde des règles élémentaires de la stratégie militaire? C'est au pied même du rempart que le fossé avait sa raison d'être. Privée ainsi de ce fossé, de quelle utilité, au Xe siècle, aurait pu être cette section de l'enceinte? Eût-elle été capable, à si longue distance, d'empêcher les ennemis d'effectuer le passage du cours d'eau? De ce chef, la sécurité de la ville entière se fût trouvée grandement menacée.

De plus, en fixant aux emplacements dits le mur d'enceinte, c'eût été abandonner à l'extérieur des remparts presque tout l'important bourg de la Sauvenière sur lequel la juridiction du prévôt de la cathédrale Saint-Lambert a été reconnue et confirmée solennellement dans un diplôme du 23 décembre 1107, de Henri V, roi des Romains. Dans ces conditions, est-il logique de croire que Notger aurait tenu, de gaîté de coeur, à provoquer le mécontentement, l'opposition acharnée du chapitre cathédral en son représentant le plus autorisé, en abandonnant au dehors des fortifications le quartier de prédilection de ce haut corps ecclésiastique?

Inexécutable moralement, le projet prêté à Notger devenait irréalisable en fait. C'est très avant dans le XIIIe siècle qu'il a été procédé de ce côté de la ville à l'extension du circuit stratégique: A cette époque seulement les murs de l'enceinte notgérienne auront pu être désaffectés, auront perdu leur caractère militaire. Conséquemment, si cette enceinte s'était étendue à la place préconisée par Kurth et Ruhl, il eût été impossible, du point de vue de la défense, d'édifier des habitatlons au quartier de la Sauvenière, entre ce rempart et la branche de la Meuse, depuis le règne de Notger jusqu'en la seconde moitié du XIIIe siècle. Nous ne dirons pas que cette ample surface de terrain tombait sous la servitude militaire - cette expression était inconnue alors -, mais cette large zone aurait été forcément dans le rayon stratégique. Les bâtisses élevées là auraient empêché la milice liégeoise gardant le rempart d'apercevoir les ennemis éventuels. Tout en annihilant le rôle défensif de l'enceinte, elles eussent servi d'embuscade à ces ennemis.

Or, dès avant Notger, le territoire en discussion était habité et bâti. Au bas du coteau, rue Basse-Sauvenière, l'évêque Eracle, à la demande des moines de Stavelot leur avait concédé, par charte du 1er juillet 961, un terrain (saticum) pour y installer un refuge. Ce dernier allait bientôt avoir pour voisin un second refuge, celui des chanoines d'Aix-la-Chapelle, qui s'ouvrait rue Haute-Sauvenière, au n° 19 actuel. Sa place est prise par la propriété Terwangne-de Hasse. C'est précisément dans le jardin de cette propriété que Kurth s'est plu à reconnaître de prétendus fragments de remparts Les refuges - le nom le fait deviner - avaient surtout pour objet premier de servir d'asile aux religieux en temps de trouble ou de guerre. Qui voudrait croire que les chefs des deux refuges les auraient maintenus plusieurs centaines d'années durant à cet endroit périlleux, en dehors et au pied même des remparts, où chanoines et religieux eussent été exposés plus qu'en toute autre situation, à tous les maux, à toutes les dévastations pendant les événements militaires ..

Mais il n'y avait pas que les deux refuges en ce quartier. Un grand nombre de demeures privées y apparaissaient, à côté de l'église Saint-Michel, voire des résidences des serviteurs du chapitre de Saint-Lambert des suppôts ou sujets quelconques de la cathédrale dont fait état le diplôme impérial du 23 décembre 1107. Il serait difficile d'expliquer comment l'édification de ces groupes serrés d'habitations entre le fossé, la rivière de la Sauvenière d'une part, et les remparts supposés de l'autre, aurait pu se concilier avec l'établissement de ces remparts à mi-côte du versant de la colline.

Il y a plus. En admettant la réalité du tracé qu'indique Kurth au soi-disant mur défensif de la Haute-Sauvenière, il faudrait, pour des motifs autres que ceux d'ordres variés déjà relevés, il faudrait, disons-nous, nier l'existence, avant le milieu du XIIIe· siècle, d'hôtels et autres demeures en l'endroit, de l'église Saint-Michel même. En effet, conformément à ce qui avait été pratiqué chez les Romains et qui sera maintenu à Liége jusqu'au XIX· siècle (16), tout autour des remparts, en deçà et au delà, à seize pieds de distance, régnait jadis le pomoerium ou wérixhas. Sur cet emplacement, indispensablement affecté au service de la défense, pesait l'interdiction de planter, à plus forte raison de bâtir. Le pomoerium devait demeurer un terrain vague, car il fallait que les vigies des remparts eussent la vue libre de toute entrave. Notons que ce pomoerium se retrouve partout le long des parties sérieusement relevées de l'enceinte de Notger.

Aurait-on trouvé dans la rue spécifiée, Haute-Sauvenière, dès lors bordée de constructions, et plus étroite que de nos jours, aurait-on trouvé la place nécessaire pour faire courir un rempart de trois mètres et demi d'épaisseur, entouré à droite et à gauche de bandes de terre libre, larges de seize pieds chacune, soit un développement total de douze à treize mètres, tandis que la voie s'ouvrait sur trois à six mètres au plus? La condition. ancienne de la localité étant connue, poser cette question n'est-ce pas la résoudre négativement? N'est-elle pas suffisante à elle seule pour faire crouler par la base même, les murs fortifiés de Sainte-Croix et de Saint-Hubert, et en reporter le souvenir dans le musée des fictions?

Au sujet des Degrés des Bégards, nous devons faire cette remarque: les murs en briques avec pierres boutisses, qui subsistent le long du Thier de la Fontaine ne datent pas du Xe siècle, tout le monde en est assuré. Dans le cours des siècles, ils ont été renouvelés à plusieurs reprises. Leur emplacement n'en aura pas moins été compris dans le premier circuit de défense de la cité. Aussi les fossés qui les contournaient au Thier de la Fontaine et dans la rue ayant conservé le nom de ces fossés (la rue des Fossés), sont mentionnés comme choses connues d'une façon coutumière dans des actes du XIIIe siècle, dont un de l'an 1239 (17)

De sérieuses raisons stratégiques, au surplus, exigeaient que les murs de la cime de Publémont descendissent jusqu'au bas de la colline à cet endroit. C'est parce que nous avions cette conviction que, dans la description, faite en 1898, de l'enceinte notgérienne, nous disions qu' « aux Degrés-des-Bégards, elle escaladait la colline, passait derrière l'église Saint-Martin », etc. Là, même dans la valléê, le mur avait un rôle important à remplir pour la défense. Il avait pour objectif principal de permettre les rapports constants, avec le gros des combattants postés sur les hauteurs, des vigies qui gardaient la poterne dressée à peu près au pied de la montagne, vis-à-vis de l'église Saint-Jean. Cette poterne, désignée dans le principe postiche de la Sauvenière et ensuite tour ou porte des Bégards, est montrée debout dans les sources locales les plus anciennes. La porte et la tour avaient chacune une mission notable mais distincte à exercer. Nous revenons sur ce sujet à la rubrique Bégards.

Sans l'ouvrage militaire des Bégards, le rôle· défensif que Notger avait assigné à la collégiale Saint-Jean en l'édifiant entre les années 990 et 997 n'eût pu être rempli d'une façon efficace. A cet égard, tous deux dépendaient l'un de l'autre, et conséquemment, tous deux ont pour auteur le premier prince-évêque de Liége. Du reste, l'existence de cette portion de rempart et de sa porte fortifiée avait plus de raison d'être sous Notger qu'après l'érection de la seconde enceinte.

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Arrivons· à la section de la première ligne fortifiée du versant opposé de Publémont.

Les données sur le tracé exact que suivait, de ce côté, la première partie de la ligne défensive de Notger, font absolument défaut. Il est seulement permis d'émettre de simples suppositions. Tel est le motif pour lequel dans notre description du circuit général, nous nous bornions, en 1898, à indiquer vaguement qu'il « passait, derrière l'église Saint-Martin pour redescendre vers Saint-Séverin et revenir au point de départ, en face de la rue Saint-Pierre ». Pourtant, en tirant profit d'inductions sérieuses, en nous appuyant sur des faits certains et sur les principes de l'architecture militaire de l'époque, nous aurions pu conjecturer, avec beaucoup de vraisemblance, la voie que parcourait ce tronçon de rempart. Descendant la colline entre ce qui a nom maintenant rues des Fossés et des Tisserands, il devait traverser la rue Saint-Séverin au moyen de la porte Sainte-Marguerite, signalée en des temps très reculés, allait, en longeant la rue dite des Cloutiers, joindre la Légia, suivait plus ou moins les contours de ce ruisseau par derrière les immeubles de la rue Saint-Séverin, puis les rues Agimont et Table de Pierre, enfin, continuait entre le Fond-Saint-Servais et ce qui est appelé présentement rue de Bruxelles. Ici le rempart avait pour fossé, à gauche, la Légia encore, à droite, le faux-Rhieux ou fausse branche de la Légia.

Ce tracé plaçait à l'intérieur de l'enceinte la presque totalité des maisons élevées dans le vallon de l'Ouest avec l'emplacement de l'église paroissiale Saint-Séverin. Il avait surtout l'immense avantage de munir les murs défensifs, dans tout leur parcours, d'un fossé naturel formé par le lit relativement large et profond de la Légia, rivelette aux eaux plus abondantes alors que de nos jours.

Un fait caractéristique donne un sérieux appui à notre croyance. Au moment où la ligne de ceinture fut démantelée, au XIIIe siècle, une rue nouvelle apparut à la place qu'occupait le rempart présumé, ou plutôt ses dépendances, en face du Fond Saint-Servais; elle prit immédiatement et conserva jusqu'au XIXe siècle, le nom rue Neuve. Aujourd'hui considérablement élargie et rectifiée, cette voie est devenue la rue de Bruxelles.

Suivant le plan Kurth et Ruhl, l'enceinte dévalait du haut de Publémont par la place Saint-Séverin, « passait le ruisseau (la Légia) sur une voûte, remontait la côte opposée derrière la place Saint-Séverin... encastrait l'église Samt-Servais... ». Comment les auteurs de ce plan ne se sont-ils pas aperçus que sa réalisation eût rendu impossible du Xe au XIIIe siècle, la construction du sanctuaire Saint-Séverin? Celui-ci, en effet, avec son cimetière qui lui était adjacent ainsi qu'aux immeubles de la rue Saint-Séverln, couvrait les trois quarts de la superficie occupée actuellement par la place de ce nom, laquelle n'existait pas jadis. L'église Saint-Séverin fut cependant, sinon contemporaine de Notger, au moins peu postérieure à ce pontife (18). Pour ces auteurs, il y a là des difficultés qui ne peuvent être aisément vaincues.

Il en est d'autres qui se présentent aussi insurmontables. En traversant, au droit de la place, perpendiculairement, la rue Saint-Séverin, artère indispensable, à grande et active circulation, le soi-disant rempart aurait obstrué là complètement le passage. II aurait, en tout cas, nécessité à cet endroit, la création d'une porte fortifiée que Kurth ne mentionne pourtant pas dans son relevé des portes notgériennes. De fait, on n'a jamais découvert de ce côté, ni la moindre trace de porte, ni une indication.

En se plaçant à un autre point de vue, il serait non moins malaisé d'expliquer le motif qui aurait 'incité Notger à porter la ligne de défense à la rive gauche de la Légia, privant de la sorte ce mur fortifié d'un fossé continu, comme l'exigeait la défense stratégique.

Aussi bien les partisans de ce plan n'ont-ils point été en état de mettre en avant quelque texte de source autorisée ou de s'appuyer sur de vieux pans de murailles quelconques aux places déterminées par eux. L'unique témoignage invoqué en l'occurrence est celui de... Philippe de Hurges, le touriste fantaisiste du XVIIe siècle, qui ne précise rien d'ailleurs, et cela s'explique.

Personne ne s'étonnera, dès lors, que nul de nos vieux historiens, voire de nos chroniqueurs vulgaires, n'ait songé à découvrir, danst les pseudo- « antiquités » extraordinaires, révélées légèrement et vaguement par Ph. de Hurges, des documents se rattachant de près ou de loin à l'enceinte notgérienne. Le voyageur, au surplus, se garde de les donner pour tels. Sur ces documents, le silençe a été observé d'une façon absolue même par Jean d'Outremeuse qui, vivant deux siècles et demi avant le touriste, aura étudié plus complètement et plus compétemment que lui les débris du Liége antique.

A la vérité, Jean d'Outremeuse s'est occupé de la partie des remparts notgériens des environs du Palais princier, puisque nous avons reproduit son texte disant que les murs de la Cité couraient autour de Pissevache « et avaloient (19) devant les Frères Mineurs ». C'est même en s'autorisant de ce texte, mal interprété en la circonstance, que Kurth et RuhI, les auteurs du système combattu ici, soutinrent l'opinion d'après laquelle les remparts se développaient à mi-côte des collines de Pierreuse et de Hors-Château.

Ne nous arrêtons point sur le fond de la question puisque en suite d'un mémoire publié par nous en 1907 (20) Kurth a dû abandonner sa thèse (21). Jeter des murs défensifs au milieu de cette côte escarpée, eût été irréalisable stratégiquement parlant. D'abord, dans cette situation, un rempart aurait été forcément dépourvu du fossé continu, indispensable à l'époque. En outre, dressée à mi-côte, la ligne de ceinture eût été dominée par la crête de la colline et ses défenseurs eussent été cruellement exposés. Le rempart aurait été non seulement à découvert, inefficace par conséquent, mais encore très dangereux au point de vue de la sécurité de la cité. Pour rendre la fortification utile, il eût fallu lui donner une hauteur si phénoménale que les ressources financières de Notger auraient été insuffisantes à faire face aux frais, tandis que ces murs pouvaient être placés sous cette colline plus avantageusement au point de vue stratégique, sans presque bourse délier.

Aussi n'avons-nous point été surpris quand, en 1913, le creusement de la tranchée opérée au haut de la place Notger pour la pose d'une grosse conduite des eaux alimeptaires vint prouver d'une façon péremptoire le bienfondé de notre doctrine. II amena la découverte du rempart notgérien même en face de la station, entre le trottoir du square Notger et les voies du tram. La direction de cette forte maçonnerie, ses fondements extraordinaires qui pénètrent dans le sol jusqu'à trois mètres et demi de profondeur; sa largeur de trois mètres et demi également, sa composition en gros moellons de grès, la juxtaposition irrégulière des pierres, la dureté et les autres caractères du ciment hydraulique usité, établirent, à ne pas s'y tromper, que cette massive muraille constituait un vaste ensemble avec les sections relevées en d'autres endroits du circuit indiqué par nous au rempart de Notger; ils établirent aussi qu'ils ont été bâtis à la même époque, pour une fin similaire.

En présence des masses énormes de granit maçonné, du haut de la place Notger, l'entrepreneur des ouvrages de canalisation, Fernand Auriel, ne put s'empêcher d'affirmer que les Obstacles rencontrés par ses terrassiers à travers les épaisses fondations de l'antique basilique Saint-Lambert n'avaient aucune, importance en les comparant avec les soubassements monstrueux qu'il perça proche de la gare centrale. Et Auriel, Tongrois peu initié à la topographie ancienne de Liége, mais qui s'est distingué dans de nombreux travaux de recherches archéologiques en sa ville natale et ailleurs, nous a dit à nous-même: « A mon avis, ces amples et puissantes maçonneries n'ont servi qu'à des fortifications. Leur existence ne peut' s'expliquer autrement ».

Ces trouvailles justifièrent, de plus, nos déductions quant à la direction suivie par la ligne d'enceinte dans la vallée, à l'emplacement de la rue de Bruxelles. C'est bien en l'ancienne rue Neuve, à son débouché, entre la Légia et le Faux-Rhieux, qu'a été reconnu le mur défensif de Notger en alignement avec le Palais, comme nous l'avancions dès 1891.

Sans doute, on ne doit guère s'a!tendre maintement à le retrouver dans ses méandres. Le sol a été si profondément remué depuis un siècle pour bâtisses, canalisations, égout, établissement du chemin de fer de ceinture, etc., qu'en de très nombreux endroits on l'a fait disparaître par pièces et morceaux sans que l'on y prît garde. En l'occurrence, les limites restreintes de la tranchée n'ont point permis de suivre ce mur dans toute sa partie conservée. Néanmoins, il a été possible de constater qu'une section se dirigeait vers la rue de Bruxelles, tandis qu'une autre obliquait vers la porte d'entrée de la station centrale, conformément ici encore, à ce que nous annoncions dans nos descriptions antérieures du rempart Notgérien, d'accord, au reste, avec le chroniqueur du XlVe siècle Jean d'Outremeuse.

En toute certitude, ce chroniqueur a affirmé de visu que les fortifications premières se développaient tout autour de Pissevache. A l'époque de Notger, Pissevache constituait un lieu-dit comprenant à peu près tout le terrain, en pente continue alors, renfermé entre la rue Volière et la rue de Bruxelles. Ce terrain était entièrement libre de bâtisses particulières, même à rue. C'est seulement autour de ce lieu-dit, de proportion relativement restreinte, que Jean d'Outremeuse fait courir les remparts, non - comme les auteurs du plan visé plus haut l'ont cru - à travers Pierreuse et les hauteurs environnantes.

Pissevache, voilà précisément l'endroit, l'emplacement de la station centrale où, tout à fait d'accord avec le chroniqueur du XIVe siècle, nous avons placé le point initial de l'enceinte dès 1891 et 1898. Cette manière de voir nous là maintenons pleinement, fort d'ailleurs de la découverte rappelée plus haut. Qu'on nous objecte que là aussi le circuit défensif s'écartait de la Légia. Soit. Cet éloignement exceptionnel avait sa raison d'être. En Pissevache, en effet, il n'y avait pas que de simples murs. A gauche et à droite on remarquait deux fortins dont nous expliquons la nécessité et que nous faisons connaître en détail à la notlce Pissevache. Là aussi nous établissons que s'ils étaient jetés aux flancs de la colline, les deux ouvrages militaires ne se dressaient pas à mi-côte et que la position avait été ingénieusement choisie pour motifs divers.

Au-dessus de la Légia passait la ligne défensive de Pissevache pour venir se rattacher au Palais et s'y confondre avec lui. Le Palais formait le noeud de l'enceinte, comme il en a été postérieurement du Louvre à Paris. Notger aura voulu que, l'édifice, où la population eût été obligée de se réfugier en cas d'extrême péril, fût en rapport direct avec l'enceinte défensive et fût protégé plus que tout autre. Tel est aussi le mobile qui l'a guidé en érigeant les deux fortins de la hauteur adjacente.

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Du Palais, le rempart gagnait, en la coupant, perpendiculairement la rue des Mineurs, puis, par un coude plus ou moins prononcé, s'engageait vers la Meuse en traversant la rue Féronstrée perpendiculairement au moyen de Hasselinporte et en empruntant la place où s'élèvent les bâtisses situées entre les rues de la Clef et Sur-le-Mont.

Tâchons de déterminer la position exacte qu'occupait la partie de l'enceinte la plus rapprochée de Hors-Château. Il est une rue dont tous les historiens qui s'en sont mêlés n'ont jusqu'ici interprété le nom que très problématiquement. C'est la voie appelée officiellement de nos jours rue des Airs, dénomination énigmatique s'il en fût. Qu'on se reporte à six et sept siècles en arrière: l'expression Airs n'apparaît plus. On écrivait Sur les Ars pour la voie proprement dite, et Derrière les Ars, pour la localité située immédiatement au delà. Or, nous le démontrons, textes à l'appui, sous la rubrique rue des Airs, le terme ancien Ars s'applique ici à des ouvrages de fortifications. II faut reconnaître dans l'expression ancienne Derrière les Ars, une similitude absolue avec l'appellation de date plus rapprochée Derrière les Murs, que recevait la rue Montagne-Sainte-Walburge pour un motif identique. Ajoutons que notre interprétation du nom Sur les Ars apparaît plus probante encore quand on sait que, jusqu'au commencement du XIXe siècle, la rue des Airs, débutant comme de nos jours rue des Mineurs, en prolongement direct avec le Palais, se portait à droite au lieu d'obliquer à gauche. Ensuite, par ce qui est devenu l'impasse Babylone, elle aboutissait rue Féronstrée, précisément vis-à-vis dela rue de la Clef, laquelle suivait aussi les fortifications de ce côté. On ne peut donc en douter, la rue dite actuellement des Airs contournait à l'intérieur de la cité la ligne de rempart arrivant du Palais et son antique dénomination renseigne d'une façon certaine sur le tracé de cette partie de l'enceinte primitive.

De ce côté aussi, des travaux de terrassement sont venus donner une consécration formelle, palpable, à notre enseignement quant à l'alignement suivi par le rempart notgérien. En juillet 1907, les fouilles pratiquées rue des Mineurs pour la pose d'une grosse conduite à gaz mirent à nu un gros pan de rempart qui coupait perpendiculairement la voie. L'épaisseur régulière de trois mètres et demi telle que nous l'avions déterminée jadis, la solidité du mur, sa composition en grès cimenté, sa direction ne laissaient aucun doute sur son affectation ancienne. Il tenait bien la situation que, à l'aide de déductions, tirées de dénominations locales et de données topographIques et archéologiques, nous avions fixée seize ans auparavant. Il se trouvait en prolongement direct du Palais. (V. la rubrique rue des Mineurs.)

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Poursuivons la démonstration, quelque surabondante qu'elle soit. Si l'enceinte avait été placée à mi-côte de la colline, le nom de Hors Château, aurait dû être donné seulement à la section de la voie située au delà de la rue de la Rose. Or, des archives locales les plus anciennes, il appert que le vocable Hors-Château s'appliquait au tronçon de la rue compris entre les rues des Mineurs et de la Rose, dès l'époque de Notger. A la notice Hors-Château: nous prouvons par la charte de fondation du couvent des Mineurs de l'an 1243, contemporaine à peu près du morcellement des remparts notgériens, que ce couvent se trouvait en dehors de l'enceinte fortifiée. Ainsi le déclarait à son tour Jean d'Outremeuse en disant que les murs « avalloient (22) devant les Frères Mineurs ». Avec le système fortifié des hauteurs, le lieu où s'installèrent ces religieux aurait été renfermé dans l'enceinte. La charte atteste le contraire, confirmant notre opinion derechef et sans appel possible. Cette confirmation apparaît, en outre, dans un acte écrit de l'an 1237, antérieure donc·à la pièce invoquée ci-dessus. Il déclare formellement que les maisons situées en face de l'église dite maintenant Saint-Antoine étaient en dehors des Remparts, étaient Hors-Château (23).


F. - LES FOSSÉS.

On ne manquera pas de poser cette question: Ce rempart établi dans la vallée avait-il un fossé? Aucun doute ne subsiste à cet égard. La voie longeant le Palais constituait par elle-même un véritable fossé. Ce fossé était renforcé par le lit profond de la Légia et ses deux accotements larges de quatre pieds chacun. A coup sûr, ce ruisseau; venant du Fond-Saint-Servais, pénétrait dans le Palais à l'emplacement de la loge du concierge du Gouvernement provincial, à l'angle nord-ouest de la cour principale qu'il coupait obliquement. N'oublions pas pourtant qu'une branche de la Légia, se séparant de celle-ci précisément au moment où elle se rendait sous le Palais, roulait ses eaux à ciel ouvert le long de la rue du Palais et rue Hors-Château où elle décrivaIt une courbe accentuée à droite. Plusieurs ponceaux avaient aussi été jetés sur cette partie du ruisseau, dès le XIIIe siècle au moins. Il est patent que, dans ce cours, la Légia n'avait point son lit naturel. Pourquoi avait-il été creusé? C'est évidemment et uniquement pour que le cours d'eau put servir de fossé au rempart dont il suivait l'alignement. Son volume était d'ailleurs augmenté par la venue d'une forte portion des eaux de Richonfontaine, près des Frères Mineurs. S'il a eu ultérieurement des usages industriels et autres, la cause en a été la désaffectation des remparts de Notger.

Cette branche de la Légia nous amène à une dernière constatation. Rue Hors-Château même, vis-à-vis de l'égIise Saint-Antoine, une impasse au tracé des plus bizarres s'ouvrait au XIXe siècle encore. La première partie était perpendiculaire à la rue Hors-Château; la seconde, parallèle à la même voie se développait à droite et à gauche. Cette très vieille impasse avait nom Sur le Bougnoux. Pareille expression introduite au XIIIe siècle (24) indiquait que la modeste voie avait occupé l'emplacement partiel de ce bougnoux, lequel formait une nappe d'eau profonde et étendue. Il avait pour raison d'être unique de constituer primitivement un second fossé protecteur au mur d'enceinte adjacent. Sans cette mission, l'installation du bougnoux ne s'explique aucunement. Son existence atteste donc, elle aussi, l'érection de la fortification à l'endroit précité, devant l'église Saint-Antoine, en prolongement du Palais et dans les meilleures conditions de défense.

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Notger, au reste, dota son système défensif de tous les progrès de l'art militaire de l'époque. Autour des remparts, on l'a vu, il créa de larges fossés et, là où la chose fut possible, il se servit, à cet effet, de la Meuse elle-même. Tel a été le cas en la Sauvenière; il utilisa encore le fleuve à cette fin, le long des emplacements dits maintenant place de la République française, rue de la Régence, quais sur Meuse et de la Goffe, où couraient les remparts.


G. - ASPECT GÉNÉRAL. - TOURS, ETC.

Les points les plus exposés de l'enceinte, comme certaines positions stratégiques, furent renforcés, par le même pontife, de tours, de poternes et de bastions avancés, ainsi que l'écrivait, l'an 1050, un biographe de ce prince. Nombre d'entre eux avaient· leur siège au Mont-Saint-Martin principalement (25).

Quel cachet original et sévère à la fois présentait alors la jeune capitale liégeoise avec sa ligne de remparts épais qui l'enserraient de toutes parts! Coupée à de rares endroits seulement par des portes à l'aspect austère, qui étaient fermées d'un côté à l'aide de herses solides, de l'autre au moyen d'énormes verroux en fer ou de grosses poutres en bois, l'enceinte laissait émerger ici des fortins avec donjons couronnés de créneaux, là des tours rondes armées d'échauguettes et de mâchicoulis.

Il n'est pas jusqu'à certaines églises qui n'apparussent appropriées à la défense de la place. Telle la collégiale Saint-Martin, du haut de laquelle on pouvait surprendre les manoeuvres de l'ennemi Sur tous les alentours de la ville et protéger les portes voisines de Saint-Martin et de Sainte-Marguerite. Il en aura été de même pour la collégiale Saint-Jean, quoique située en dehors de l'enceinte, ainsi que le consigne un diplôme peu postérieur à Notger.

Aucun édifice religieux ne pouvait remplir pareil office pour la Hasselinporte qui gardait la rue Féronstrée. A cause de la valeur stratégique de cette route, son approche a dû être défendue par des ouvrages militaires spéciaux. Il fut du nombre le château-fort dont le rôle est défini à la rubrique Hors-Château. Il avait été élevé immédiatement au delà de la rue des Airs, entre Hors-Château et Féronstrée. La première de ces deux rues, qui était en dehors du fortin ou castel, en a reçu le nom, comme la rue des Airs - Sur les Arces originellement - tenait le sien des remparts.

Un autre édifice fortifié avait été aménagé entre la rue Féronstrée et la Meuse vers l'emplacement de la rue Sur-le-Mont. Cette dénomination transmet aussi le souvenir d'un fortin.

En l'année 1864, lors de l'établissement de l'égout latéral, le 14 mai 1891, à l'occasion de la pose de conduites d'eau alimentaire, la pioche des terrassiers s'est butée, vers l'extrémité de la rue Sur-le-Mont, en creusant le sol assez profondément, à de solides murailles et à des voûtes très résistantes. Quelques amateurs du vieux Liége ont cru à là légère voir là des débris des châteaux-forts attribués à saint Hubert uniquement par Jean d'Outremeuse. S'il est err'oné de les rapporter à des fortifications du début du VIIIe siècle, on est en droit d'y reconnaître des restes de quelque autre fortin avancé posé de ce côté par Notger. Ce fortin avait d'assez grands développements, garni qu'il était le long de la Meuse jusqu'à la rue Saint-Jean-Baptiste d'une muraille défensive de laquelle font état des documents du moyen âge (26).

On pourrait indiquer d'autres ouvrages avancés. Nous avons dit que les remparts venant de la Goffe couraient sur ce qui a nom officiel quai Sur Meuse. Là où le fleuve s'élargissait, le mur s'avançait dans les eaux comme les travaux effectués dans le sous-sol de ce quai en 1910 l'ont prouvé à leur tour. Une partie des eaux formant un port était séparée du cours de la Meuse. De là le nom de Vivier que recevait la porte fortifiée dont l'ouverture pratiquée dans le mur permettait aux bateaux de pénétrer en ce port (27).

Le rempart se prolongeait par derrière Florimont (28) jusqu'à la rencontre du bras d'eau qui occupait plus ou moins l'emplacement de la rue de la Régence. Lorsque, en 1897, fut fouillé le sol pour édifier le nouvel hôtel des Postes, la pioche des travallieurs mit au jour de robustes maçonneries qui avaient toutes les apparences de restes de très vieux ouvrages militaires. Cette croyance est d'autant plus admissible que le mur d'enceinte bifurquant à la place susdite, s'y rattachait à une autre fortifIcation avancée, puis suivait ce même cours d'eau pour gagner la place aux Chevaux et rejoindre la ligne défensive du Mont-Saint-Martin.

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Tels sont les renseignements que l'étude attentive de la topographie et de l'archéologie locales, non moins que les sources écrites du moyen âge fournissent sur la plus ancienne enceinte de Liége.

Dès le XIe siècle, les annalistes faisaient ressortir les heureux fruits que retirait la capitale de sa position armée. Ils exaltent principalement la vigilance assidue qui, de la part de la jeune mais courageuse milice liégeoise, s'exerçait jour et nuit du haut des fortifications, et le dévouement généreux, unanime, déployé par les Liégeois, pour défendre ces remparts et, avec ceux-ci, la liberté et l'indépendance de la patrie (29).

Pourquoi ne pas le proclamer? La sécurité que procuraient les remparts dans le principe, ne contribua pas peu à la prospérité matérielle et morale de la cité; elle contribua aussi à conquérir à celle-ci la brillante renommée dont elle jouit, dès cette époque, dans toutes les nations du monde connu.


H. - EXTENSION DE L'ENCEINTE FORTIFIÉE

(XIIIe SIÈCLE) .

Effet même de cette prospérité et de cette sécurité pour la Cité, la population s'accrut dans de fortes proportions et devint rapidement très dense. Les maisons s'élevèrent de toutes parts aux abords de l'enceinte bientôt trop restreinte. Etendre sa circonscription était oeuvre de prévoyance et de profonde sagesse. Ce travail présentait pour Liége un caractère de double utilité: il favorisait le développement de la ville et plaçait l'agglomération urbaine qui avait débordé de tous les côtés à l'abri des coups de main éventuels.

Il fallut murir longuement le projet avant d'oser le mettre à exécution, car il s'agissait d'une entreprise extrêmement dispendieuse pour l'époque.

Est-il exact, comme plusieurs auteurs anciens sérieux l'ont affirmé, que l'empereur Henri IV, à qui Liége avait prêté assistance dans ses infortunes politiques, prêté aussi une généreuse hospitalité, s'était rendu compte de la nécessité d'étendre la circonvallation fortifiée de notre ville, qu'il prit l'initiative de réaliser ce projet avantageux et grandiose; qu'il aurait même fait venir d'Allemagne, l'an 1106, douze- cents ouvriers dans ce but? Au milieu du XIIIe siècle, Gilles d'Orval notait cette intervention impériale, mais la rapportait par voie de tradition (30). Il est avéré, du moins, qu'à l'époque où Henri IV s'abrita chez nous, on raffermit les ouvrages de défense de la ville (31) sur certains points. Sur un plus grand nombre, toutefois, les murs continuèrent à porter des marques trop manifestes de leur vétusté. C'est que, à mesure que l'enceinte cessait d'enfermer la cité entière, elle n'était plus entretenue d'un façon générale, d'autant qu'une longue période de paix avait jeté dans l'oubli l'importance de cette coûteuse défense. Les murs finirent par s'effondrer successivement sous l'action de la négligence et du temps, du moins les parties les plus exposées. Evidemment ceux qui subsistaient n'eussent pu suffire pour résister à une attaque éventuelle.

L'établissement d'un nouveau pourtour fortifié et largement développé devenait donc nécessaire pour empêcher la riche cité et ses faubourgs d'être victimes de quelque incursion d'ennemis. Cette combinaison stratégique revint sérieusement à l'ordre du jour aussitôt après la reconnaissance de la commune, au dernier quart du XIIe siècle.

On sait que les forteresses qui, sur les divers points de la principauté, mettaient le pays à l'abri de l'invasion étrangère: Bouillon, Dinant, Huy, Moha, Franchimont relevaient du commandement du souverain. Jusqu'alors la défense de la capitale aussi dépendait exclusivement de la puissance du chef de l'Etat. De la sorte avait-on vu sous Wazon, par exemple, dans les moments de danger, les échevins, émanation directe du prince, organiser la garde des remparts.

Un changement absolu se produisit après l'émancipation de la cité. A celle-ci désormais incomba la mission de construire et d'entretenir ses remparts. La commune de Liége voulut accomplir sa tâche.

L'an 1198, la guerre qui ravageait une partie de l'Allemagne, menaçait de se propager jusque dans notre patrie. Les nouveaux chefs communaux liégeois tentèrent, de concert avec le prince Albert de Cuyck, de mettre Liége à l'abri de toute surprise. Tous s'entendirent sur les moyens de défense.

Rapidement, les fossés furent remis en état et les murs renforcés et reculés en maints endroits. Quand il s'agit de couvrir les dépenses, la Cité, du consentement du prince, réclama des gens d'église les mêmes impôts que des laïcs. Fort de ses privilèges antérieurs, le clergé protesta. De là sortit un vif conflit (32), qui parut apaisé le 14 février 1199 par la promesse que l'immunité ecclésiastique serait respectée.

Le dessein dont l'exécution avait été entreprise l'année précédente était de développer considérablement l'enceinte de la ville. La ligne de fortification nouvelle devait notamment aller de Saint-Martin à Hocheporte et de cet endroit jusqu'au delà de Sainte-Walburge.

Elle descendrait ensuite directement le coteau de Vivegnis et, en longeant l'emplacement de notre rue du Nord et de l'ancienne place Maghin, aboutirait à la Meuse.

Ce plan était loin d'être réalisé l'an 1203, par suite du défaut de moyens financiers. En attendant, sur plusieurs points, la ville restait ouverte, ce qui offrait un danger d'autant plus grave que les relations avec le Brabant n'avaient rien de pacifique. L'an 1203 même, l'évêque Hughes de Pierpont parvint à mettre d'accord le clergé, la Cité et la noblesse pour créer aux portes de la cité un droit d'entrée sur les marchandises, lequel droit, joint aux revenus d'une autre taxe frappant les bourgeois, contribuerait à mener à bien les travaux défensifs (33).

Dans le dessein encore d'activer l'oeuvre de reconstruction des murs, on aliéna en forte partie l'an 1204, la vaste et épaisse forêt de Glain pour y affecter le tiers du produit de la vente (34). Toutes ces ressources réunies permirent seulement de terminer le rempart courant de Païenporte à la porte Sainte-Walburge, ainsi que les tours et les petites redoutes qui le renforçaient (35).

Par les côtés sud et est de la ville, l'envahissement d'un ennemi était peu à craindre. En face des faibles procédés d'attaque dont on disposait à ces âges éloignés, la Meuse formait là un obstacle naturel. Un groupe d'hommes courageux suffisaient pour le rendre infranchissable. II n'en allait pas de la sorte pour les parties nord et ouest de la ville. Elles étaient le plus exposées et de toutes façons. C'est pourquoi nos pères s'attachèrent avant tout à dresser la ligne de remparts s'étendant de Saint-Martin au coteau du faubourg Vivegnis.

Ils n'y mirent pas, cependant, l'activité nécessaire, puisque en 1212, cette ligne fortifiée était loin d'être terminée. Cette année-là même, le 3 mai, Henri Ier, duc de Brabant, se présentait avec ses hommes d'armes sur les hauteurs de Sainte-Walburge. Le duc et sa troupe purent escalader aisément les murs à peille sortis de terre et descendre sans encombre jusqu'au coeur de la ville où ils se livrèrent, pendant plusieurs jours, à d'affreuses scènes de pillage et de violence (36).

A la suite de cette terrible leçon, le peuple liégeois sentit combien il était indispensable de compléter le système de défense de la ville. Une généreuse émulation s'empara des habitants. Unanimement on s'occupa à la réédification des remparts et de leurs ouvrages supplémentaires. Il y avait vraiment plaisir à voir l'entrain avec lequel, non seulement les bourgeois, mais encore, comme le dit le moine contemporain Reiner, de Saint-Jacques, les prêtres, les religieux, les dignitaires de l'Eglise même, travaillaient de leurs propres mains à la restauration et à la consolidation des murs d'enceinte par lesquels l'ennemi avait pénétré en ville (37).

La cité entière déploya un tel zèle qu'en sept mois de temps, Liége se trouvait complètement fermée de solides murailles. Quand, l'année suivante, le même duc de Brabant se présenta avec son armée aux abords de Liége, espérant renouveler de riches butins, il se vit en présence d'une ville puissamment garnie d'épais remparts, de redoutes et de fossés. Il ne put s'empêcher de pousser des exclamations d'étonnement sur le tour de force patriotique exécuté par les Liégeois. Furieux et honteux à la fois, il reprit le chemin de son pays. Liége avait été sauvée par son énergie et par l'union de ses enfants mises en oeuvre dans la construction de l'enceinte (38).

La population entière continua à parachever l'œuvre de défense durant les années 1214 et 1215. En cette dernière année, une section des murs, élevée trop hâtivement sans doute, s'éboula près de Païenporte. Ils furen rétablis plus solidement l'année même (39).


I. - DROITS DE POSSESSION DE LA CITÉ.

Dès cet âge reculé, on l'a vu, la Cité s'occupait des remparts. Elle exerçait à leur égard des droits d'autorité absolue. C'est elle qui, sauf à des moments tout exceptionnels, nommait aux offices de portiers; c'est elle qui organisait la défense des fortifications, qui veillait à leur entretien et en avait la plénière jouissance. C'est à la cité qu'elles appartenaient. Cette possession a été confirmée sans contestation aucune, dans la suite des siècles, tantôt par les Trois Etats du Pays et par des Paix solennelles, tantôt par les chefs de la principauté, tantôt par les Empereurs.

Pour subvenir aux frais de restauration des remparts, la Cité, aux premiers temps de son organisation politique, avait créé un impôt spécial sur les denrées alimentaires. Cette taxe reçut un nom qui rappelait son affectation particulière: la fermeté, tiré de firmitatem qu'on peut traduire, « ce qui enfermait la ville », « l'enceinte fortifiée», « les remparts» (40). Quelques années après, le terme fermeté avait passé à l'impôt lui-même destiné à l'entretien ou à la restauration des murs de la ville (41). L'expression n'était pas limitée à notre cité. On s'en servait avec le même sens dans diverses parties de la principauté, à Dinant, comme dans le comté de Namur (42). -

C'est un droit de cette nature qui avait été établi l'an 1198 à Liége et y souleva la vive hostilité du clergé. Des dissensions semblables, ayant une origine identique, se reproduisirent à maintes reprises dans le cours du XIIIe siècle et risquèrent de tourner au tragique. De cette manière les remparts faits pour éloigner les effets de la guerre faillirent susciter des luttes violentes à l'intérieur de l'enceinte. (Voir Dixième Partie, chap. II, §2.)

Conformément à ce qui avait été pratiqué chez les Romains, avons-nous dit, tout autour des remparts en deçà et au delà, à seize pieds de distance, se développait le pomoerium ou « werixhas ». Sur cet emplacement, affecté au service de la défense, il y avait interdiction de bâtir ou de planter. Ce wérixhas était, par conséquent, un terrain vague. On en avait toléré l'accès aux habitants de l'intérieur de la cité. Ici, ces bandes de terrain furent transformées naturellement à la longue en chemins publics ou ont servi de werixhas aux remparts. De cette façon ont pris naissance les voies dites maintenant rues du Palais, des Airs, impasse Babylone, rues de la Clef, de la Halle, quai de la Goffe, etc., qui toutes longeaient les remparts interieurement ou extérieurement.


J. - DÉMANTÈLEMENT DE L'ENCEINTE PRIMITIVE.

Au XIIIe siècle, après que l'enceinte fortifiée eut été portée au delà du circuit primitif, les murs de Notger furent déclassés, suivant l'expression moderne. Ils étaient abandonnés comme ouvrages défensifs, dès l'an 1244. Plusieurs documents de cette date font connaître que l'avoué de Liége percevait des redevances fixes sur toutes fenêtres donnant « sour le Vies fremetet » (43).

La Cité, propriétaire de ces constructions et de leurs annexes, s'empressa d'en tirer un parti pécuniaire. Elle permit à maints bourgeois, dont les demeures étaient à proximité, d'utiliser ces murs et leurs dépendances moyennant bien entendu un cens annuel.

La Cité exigeait souvent que le produit de ces cens entrât exclusivement en sa caisse, mais le prince éleva des réclamations à ce sujet. La Paix de Flône, du 1er juin 1330, tout en proclamant et confirmant le droit de la Ville à « le proprieteit, le warde (la garde) et l'administration des dis pons, murs et fosseis », droit reconnu solennellement cinq ans auparavant par la cour des échevins, décida que dorénavant, le prince et la Cité jouiraient chacun de la moitié des revenus de ce genre (44). Remarquons toutefois que maints actes antérieurs, même du XIIIe siècle, démontrent que ce partage par parité entre le prince et la Cité était généralement en usage, dès lors, en la matière (45).

Des werixhas adjacents aux remparts furent cédés à des personnalités diverses moyennant un assez faible cens annuel. Peu à peu, dans des moments de détresse financière, la Ville permit le rachat de cette rente. Ainsi autorisait-elle en 1328, Thiry dit Raskin des Prés, le détenteur d'une de ces parcelles de terrain située Sur-Meuse-aux-Mairniers, à racheter le cens de 3 sous et demi annuel par une somme de six livres tournois petits (46).

En vue aussi d'être agréable à certains personnages, on finit par aliéner l'emplacement même des fortifications surannées. Au milieu du XIVe siècle, celle qui avait été érigée en Pixhevache, entre Volière et le sommet de ce qu'on nomme maintenant place Notger, n'était plus debout. Le terrain qu'elle avait occupé fut cédé à perpétuité, le 29 mai 1357, moyennant deux sous de cens annuel au profit du Prince et de la Cité, au notable Jean Pevereal, changeur, qui, l'année suivante, fut appelé à la suprême magistrature de Liége (47).

Le rempart qui courait en avant de la rue des Airs n'avait point disparu. En 1330, Jean Coldeiar, forgeron, avait au prix de deux sous également, la jouissance d'« une pieche de mur deI Viez (48) fermeteit derier sa maison, derier les Ers (49).

En Vesquecourt aussi, où sont les rues de la Clef et de la Halle, bon nombre de personnes disposaient des antiques remparts et des terrains qui en dépendaient (50). De ce côté, les remparts de Notger restaient partiellement debout au XVIe et au XVIIe siècle. On continuait de les mentionner sous le nom les Vieux murs de la Cité (51).

Ainsi en était-il pour ceux longeant les rives de la Meuse entre le pont des Arches et Chéravoie. De ce côté encore, ils avaient été adjoints de bonne heure aux immeubles des particuliers qui s'étaient établis le long de ces remparts peu après leur déclassement (52). Une section du mur défensif restait debout au XIVe siècle à l'ancien lieu dit au Vivier (53).

Au même temps, le sol de notre place de la République française conservait ses vieux remparts et, de plus, une petite redoute. Cette section de l'enceinte était dans une condition toute spéciale. L'endroit qui la portait appartenait, en effet, non à la Cité, mais à la cathédrale. La Ville ne pouvait donc disposer à son gré des fortifications élevées là. Les droits furent nettement établis en 1331 (54).

On se garda de démanteler le rempart bordant le sommet de Basse-Sauvenière, lequel rempart remplissait le rôle de mur de soutènement. Mais des parcelles du « tier » ou du versant de la colline de Saint-Martin continuèrent d'être accordées en accense à l'un ou l'autre personnage. Messire Fastré Baré, dont parle Hemricourt en son Miroir des Nobles, avait là, en 1330, une concession de ce genre. De ce chef, il payait à la Ville une somme annuelle de six sous (55). Un sieur Massons de Columbres avait eu, à la même époque, la partie du coteau qui se trouvait au delà du postis de la Sauvenière, qu'on devait appeler ultérieurement la porte des Bégards (56).


K. - QUARTIER DE L'ÎLE -FORTIFIÉ.

Il serait injuste d'accuser d'imprudence les chefs de la cité du XIIIe siècle pour avoir désaffecté les remparts côtoyant tant le bras principal de la Meuse que celui de la Sauvenière. Au delà de ce dernier, un nouveau quartier avait pris naissance à la suite dé la rectification de cette voie d'eau par Notger au Xe siècle. La population s'y faisait extrêmement dense au XIIIe. Elle aussi réclamait d'être protégée contre les attaques armées de l'extérieur. Nos pères n'ont pas failli à ce devoir.

Bon nombre d'historiens liégeois ont cru que le quartier de l'Ile a été muni de remparts depuis l'an 1549 seulement. Il en possédait plusieurs siècles antérieurement.

Au XIIIe, nous l'avons montré, l'enceinte avait été considérablement développée au Nord et à l'Ouest de la ville. Alors a été construit le mur défensif qui, du haut du Mont-Saint-Martin et de la porte Sainte-Marguerite (57), se dirigeait vers Sainte-Walburge. En formant une courbe-prononcée, il rencontrait la Hocheporte. De là il se prolongeait en un tracé plus ou moins direct jusque non loin de la première église Sainte-Walburge (58). Obliquant de nouveau, il arrivait à la cime du coteau de Vivegnis pour dévaler jusqu'à la Meuse à travers l'emplacement de la prison et de la place des Déportés (59).

A l'Est et au· Sud également, la ligne de défense a été, au XIIIe siècle, beaucoup éloignée de la délimitation primitive. Le rempart de Saint-Martin, après avoir contourné les Degrés-des-Bégards, venait expirer au pied de ces Degrés, là où s'élevait une porte fortifiée, laquelle commandait le canal de la Sauvenière. Au-dessus de ce canal, pour intercepter mieux encore le passage des bateaux ennemis, de solides chaînes étaient tendues entre la porte des Bégards et l'église Saint-Jean-l'Evangéliste.

En vue toujours de surveiller ce cours d'eau et en même temps d'assurer le quartier de l'Ile contre tout coup de main de l'extérieur, un nouveau mur eut cette église Saint-Jean pour point initial. C'était, en quelque sorte la continuation du rempart des Bégards; Il courait au bord de la rivière de la Sauvenière sur la rive droite jusqu'au pont d'Avroy, qui se trouvait défendu, en outre, par la porte de même nom. Ce mur a été désigné dans la suite rempart de la Sauvenière. Nous le retrouvons à l'intitulé Sauvenière.

De la porte d'Avroy, le rempart, gardant la même rive, s'avançait sur l'emplacement des maisons de gauche du boulevard d'Avroy. On appelait communément cette partie de l'enceinte rempart d’Avroy (60). Ce rempart se poursuivait jusqu'à la tour aux Lapins, ou, si l'on veut, jusqu'à la rencontre de la branche principale du fleuve, dont l'emplacement est pris par le boulevard Pièrcot.


(1) T. II, pp. 389 et 416.

(2) T. III, pp. 8 et 9.

(3) Urbs Leodiensis nondum tune moenibus videtur fuisse firmata. (Compendium, anno 709, p. 38.)

(4) Notger, T, 1. pp. 133-134.

(5) Adhuc eo tempore civitas Leodiensis parva erat irruptioni violen. torum patens. (MGS. t. XXV, p, 57.)

(6) «Urbem muris dilatavit et reparavit ». (ANSELME, dans PERTZ, MGH. t. VII, c. 25, p. 203.) - « Notgerus urbem muro circumcinxit. » (SIGEBERT DE GEMBLOUX, éd. de SCHARDIUS, 1566, f. 119 v°.)

Reparavit n'a pas la signification «répara », mais il doit être interprété rempara.

Ajoutons que SCHAYÈS (La Belgique et les Pays-Bas, t. III, pp. 328-329), attribue aussi à Notger les remparts primitifs de Liége.

Nous nous limitons ici à ces citations nous réservant d'en invoquer d'autres dans le cours du travail.

(7) T. III, p. 7.

(8) Kurth aurait pu ajouter le nom de Ferd. Henaux. Ce dernier, il est vrai, n'a pas fait une étude de la question. N'importe, avec une hardiesse extrême, il n'hésita pas à déclarer que « lorsqu'ils eurent conquis le pays, les Romains fortifièrent le bourg de Liége comme tête du pont qui traversait la Meuse ». (Charlemagne. éd. 1878, p. 187). Or, ni Tacite ni d'autres auteurs ne signalent de pont à Liége, pour le bon motif que Liége n'existait point alors. Sans s'arrêter davantage à la date d'origine de la première enceinte, Henaux se borne à déterminer son pourtour, en le variant d'une édition à l'autre. Après avoir, dans sa notice de 1854 Sur la naissance de Charlemagne, fait courir la ligne défensive jusque « rues Derrière Saint-Georges et Grasse Poule », (p. 48), dans l'édition de 1871, il la renferme, avec moins d'exagération « entre les rues de la Rose, Potiérue, Quai de Chéravoie et les rues de la Régence, de la Basse-Sauvenière, Degrés-de-Saint-Hubert, Agimont, Derrière-le-Palais et Hors-Château. »

(9) Depuis la rédaction de ce texte, la rue Sur Meuse est devenue le commencement de la rue de la Cathédrale.

(10) G. RUHL, Les remparts de Liége de l'an mil (Conférence à la Société d'Art et d'histoire, en mai 1902). - Leodium, 1902, p. 42. – Gazette de Liége, 5 juin 1902.

(11) Dans une première brochure publiée en 1907, sous le titre: La plus ancienne enceinte de Liège, nous rencontrâmes les arguments émis à ce sujet par Kurth dans son Notger de Liège.

Ce même auteur a repris la question en 1910, dans la Cité de Liège au moyen âge (t. I), en y consacrant tout un chapitre des appendices, où finalement il déclare adhérer à notre thèse en ses grandes lignes. En réponse, nous publiâmes, quelques jours après, une seconde brochure intitulée: La Cité de Liége au moyen. Age, I’Enceilnte de Notger et M. Kurth.

(12) Charte de la collégiale Saint·Pierre, du 28 février 1325. (PONCELET, ICSP, 1906, p. 32.)

(13) Le Notger de Liége, t. II, p. 22.

(14) RUHL, Les remparts de I’an mil.

(15) OP. cit., t. I, p. 132.

(16) Le 1er mars 1524, l'autorité prenait des mesures pour que le pomoerium de 16 pieds fut libre le long des remparts. (Cart. de la Cité.) – Le 14 juillet 1542, Corneille de Berghes ordonna à quiconque avait des demeures contiguës aux murailles de la Cité, de les démolir dans le délai de trois jours, faute de quoi la Cité y procéderait d'office. (BOUILLE, t. II. P. 350). - En 1814. le gouvernement, par mesure de sûreté, défendait encore aux propriétaires de bâtir à certaine distance du pied du mur exté· rieur des remparts et interdisait la vente des terrains bordant ceux-ci.

Ces prescriptions furent conservées sous le régime belge.

(17) Chartes de Sain-Martin, de mars 1239 et de mars 1265. n° 43 et 86.

(18) V. Saint-Séverin.

(19) Descendaient.

(20) La Plus ancienne enceinte de Liége, p. 38.

(21) La Cité de Liége au moyen age, t. I.

(22) Lire « descendaient ».

(23), 1237. Domum sitam extra Castrum sur le Bunghu. (PI, Carlul, f. 239 v°,)

(24) Voir la note précédente.

(25) « Claustrum exterius eiusdem ecclesie Sancti Martini, inciso colle Publici Montis, triplici vallo et muro cum propugnaculis et turribus sublimibus communivit et eandem muri et turrium munitionem circa ambitum civitatis sua longitudine et latitudine sicut adhuc hodie videtur perduxit, (Vita Notgeri, MGH et BCRH, s. 4, t. XVII.)

(26) 1437: Maison seante sur les murs delle fermeteit, en Tinteneuruwe, par. S. Jean.B., joind. d'aval à Saint-Jehanriwe, d'amont a pouheur. (EL, r. 9, f. 75 v°). - 1455, A coron delle rue Saint-Jean·Baptiste, avec le poubeur sur les murs delle fermeté. (EL, r. 19, f. 233 v°.) - 1479. Maison a coron delle rue Saint-Johan·Baptiste seiante sur les murres delle fermeteit de Liége. (Hop. S. Abraham, r. 2, f. 52.) - 1481. Maison sour les murres delle citeit de Liége qui font le coutiron de Saint-Johanriwe. (BIAL, t. XXX, n° 608.) - 1505. Maison en Draperie joind. derr. az émoluments de la cité et à l'eawe. (EL, r. 63, f. 17 v°.)

(27) V. Vivier.

(28) 1330: Estuve Matrulhar et l'aisemenche des murs de sa cheminée. (LA, CESL. t. III, P. 367.) - Maison defours les murs à Viviers. (Ibid., pp. 365, 366.) - 1423: Maison en le rue Sainte-Aldegonde faisant le cutiron delle rualle delle Stueve Matruilhar et ralante en arière jusque as murs delle fermeteit. (EL, r. 3, f. 99 v°.) . .

(29) « Urbem pro tempore et loco munitam per statutos in arce vigiles, et claustra portarum jugiter obserata die noctuque, ab incursu hostium tutam reddidit: domos. tam clericorum quam laicorum armis refertas esse: cives nonnunquam in armis, esse praecepit. » (ANSELME, cap. 54 et 96.)

(30) GILLES D'ORVAL, III, 15, addit., p. 92.

(31) Annalista Saxo. - Historia monasterii. S. Laurentii, Ampl. coll. t. IV, c. 1080. - Annales Hildesheimenses, p. 110.

(32) Reineri Annales, Annales sancti Jacobi, p. 61.

(33) Reineri Annales, p. 70.

(34) Reineri Annales, p. 42.

(35) 1204: Muri cum turribus a porta sanctae Walburgis usque ad portam Pagani, sicut evidens est, sunt consummati. (Ibid., p. 72.)

(36) Reineri Annales, p. 93. - Vita odil. , III, 3, p. 175.

(37) Ad aggerem reparandum Leodii per quem hostes introierunt, non solum laici, set et prelati cum clericis et monachis vadunt propriis manibus operantes. (P. 95.)

(38) Vita Odilae, III, 9, p. 181.

(39) Reineri Annales, ad. ann. 1215.

(40) 1239 :Domus exeuntem usque ad firmitatem. (Charte des hospices de Dinant.)

(41) CESL, t. l, p. 406.

(42) BORMANS, Cartulaire de Dinant, t. II, p. 52, note 4. – Annales de la Soc. archéol. de Namur, t. IV, pp. 282 287.

(43) CESL. PP. 469-471, nos 381 et 382.

(44) Art. 14 et 15 de la Paix de Flône, ROP, S. Ire p. 204.

Le record des échevins de Liége, connu sous le nom de Lettre aux Assailles avait constaté à nouveau, le 10 septembre 1325, le droit de possession de la Cité sur les ponts, murs et fossés; il ajoutait même qu'en cas de nécessité, mais alors seulement, elle pourrait emprendre des propriétés voisines, pour y construire des forteresses et autres ouvrages défensifs à l'effet de renforcer l'enceinte de la Cité. (Pawilhart A, f. 198 v°.)

(45) 1270: La charte de cession d'une partie de terre près la porte de Beaurepart, porte textuellement: « desquels deux sols devant només notre sire l'esvecque doit avoir douze deniers, et, la Cité de Liége, les autres douze deniers ». (Cart. de Beaunpart, r. I, f. 61 v°.)

(46) HSM, charte n° 51.

(47) Par. Sainte-Catherine, stock 1440-1480, f. 69.

(48) Vieille.

(49) LA du 25 octobre 1330, CESL, t. III. p. 366.

(50) 1330: Marons Wike, por les murs deI viez fermeteit derier sa maison, trois solz et siz deniers; - item Hanes Sculceaus, li boulengiers frères Hanet Voion, por l'aisemenche des viez murs en le Vesquecurt ensi que sa maisons s'estent, quatre solz ; - item ilh meismes por une pieche de terre joindante à vies murs deI fermeteit en le Vesquecurt, quatre solz; item Colins Flokeles, pour l'aisemenche des murs del vies fermeteit derier le maison signeur Makaire qui fut le poindant, 1 obole. (LA.)

(51) 1501; Maison Sor le Mont, joind vers le Roge Porte à .... allante par derière sor les vieux murs de la Cité. (EL, r. 58, f. 125 v°.)

(52) 1350 : Maison Sour Mouse az Mairniers dedens les murs et defours les murs, assavoir devant sur le chaucie et jusques as murres delle fermeteit delle Citeit et desdis murres jusques en Mouse. - (Cathédrale: Compt. des Anniversaires, r. l, f. 150 v°.) - 1444 : Maison aveucque ung staul en Marnierruwe, sur les mures delle fermeteit de Liége, par derier allant jusque a Moese. [Par. St-Nicola, (O.-M.), r. 52. f. 110 v°.] – 1505: Maison sur Meuse à Mairniers, a dehors del fermeteit de la Cité, joind. vers murs, à ... et d'amont ale voie qui tend de Mairnieruwe à Meuse. (EL, r. 63, f. 39.)

(53) 1330: Li femme Larion, pour se maison defours les murs a Viviers, siz solz. (LA.) - 1384 : Maison seiant az Vivirs defours les murs deI Citeit. (Cart. des Chartreux, f. 189.)

(54) CESL. t. III, p. 394.

(55) 1330; .Messires Fastreis Bareis, pour le tier en le Savenière, six solz. (LA.)

(56) 1330: Pour le lier qui siet fours de pastiche deI Sauvenière contre-mont, trois solz. (Ibid.)

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