L'ALLEMAGNE

Comité de patronage: Président, M. HERZ, Président de la Chambre de Commerce de Berlin. Vice-Président, M. PAASCHE, Vice-Président du Reichstag.
Comité Exécutif: Président, M. von MENDELSSOHN, Consul général de Belgique, à Berlin. Vice-Président: M. LOEWE, Directeur général des Usines Ludw. Loewe et co, à Berlin.
Commissaire général: M. RIESSE, Directeur général de la " Deutsche Waffen und Munitionsfabriken, " à Berlin et Karlsruhe que la mort frappa, en janvier 1905, et qui fut remplacé par le colonel KEPPEL, de Berlin.
Commissaire général adjoint: M. Louis REBLE, Directeur de la Manufacture Liégeoise d'Armes à Feu.
Directeur de la Section: M. P. F. DUJARDIN, Ingénieur, à Dusseldorf.
Comité local de Liège: Président, M, L. REBLE, Directeur de la Manufacture Liégeoise d'Armes à Feu. Membres: M. ENGELMANN, industriel; M. GRAEVE, Sous-Directeur à la Fabrique Nationale d'Armes de Guerre, à Herstal.
Elle avait 437 exposants. Elle a obtenu 466 récompenses, dont 60 grands prix, 58 diplômes d'honneur, 149 médailles d'or.
Une façade massive, imposante de force et de majesté avec ses colonnes qui s'enracinent dans le sol et semblent défier les six mois d'éphémère durée qu'elles ont à vivre, son groupe de belle envolée qui symbolise la puissance du travail, ses médaillons enguirlandés d'or arborant fièrement les noms des grandes villes d'Allemagne, ses lourdes bannières constellées d'écussons et de blasons qui descendent des frises, ses masques de Germanie aux yeux absents qui sont comme le sceau dont l'Empire marque sa propriété.
Bien que cette façade soit masquée par la Collectivité des diamantaires, étranglée par l'étroitesse du passage, elle a vraiment grande allure et noble tenue dans la sobriété de ses lignes, l'harmonie de son décor.
Ses baies s'ouvrent largement aux visiteurs. Le Syndicat des Charbonnages Westphaliens fait le premier les honneurs de la section.
Il en a bien le droit, car c'est un seigneur de haute lignée qui a en vasselage tout un peuple d'industries auquel il octroie le pain nourricier de la terre, celui qu'une armée de mineurs arrache d'un sol qui prodigue ses trésors et dont la générosité ne craint pas l'épuisement.
Le Syndicat des Charbonnages Westphaliens est le roi de la province rhénane et sa suzeraineté nous fait envie.
Nous nous croyons riches parce que la Belgique extrait 15 millions de tonnes de charbon par an; lui, il puise dans ses gisements et en ramène 70 millions. Il est toujours un peu humiliant d'avoir comme voisin immédiat un monsieur qui sans grande peine éclipse vos pauvres petits millions.
Un seigneur de cette importance ne pouvait avoir qu'un ajustement digne de lui. Son stand se carre à l'aise dans la section allemande.
Quatre tableaux glorifiant le travail du mineur dominent le stand. Des réductions minutieuses et fignolées comme des pièces d'art initient le profane au chargement avec transport et au déchargement par câbles sans fin. Les wagonnets glissent, dociles et soumis, happés au passage par les pinces qui les mettent dans le droit chemin et les abandonnent à point voulu; des maquettes agencées à ravir font connaître les services que rend l'électricité aux machines des houillères; des modèles présentent des batteries de fours à coke avec pompe aspirante.
Et tout cela est si précis, si fouillé, si vivant, que de ce coin de section se dégage un singulier respect mêlé d'admiration pour tous ces joujoux merveilleux qui dans leur délicatesse et leur ingéniosité nous parlent plus éloquemment de l'industrie que bien des in-folio criblés de chiffres, armés de tableaux, parce qu'ils parlent à l'âme des foules eu touchant son imagination.
Le Syndicat Westphalien a centralisé une moisson de documents, de plans, de graphiques, de statistiques où il est parlé du volume d'air qu'il lance par dixième de seconde dans les galeries, du charbon qu'il remonte à la surface, de l'eau qu'il extrait, de la construction de ses remblais par la découverte des matériaux pulvérisés (Pulversatz).
Et pour prouver que les veines de Westphalie sont de respectable épaisseur, à côté des reproductions de taille figurent des blocs de charbon qui inspirent la déférence. Dans le fond du stand se joue une tragédie qui, heureusement, ne compte pas de victimes, les acteurs n'étant que des mannequins, la scène, du cartonnage, et les gaz délétères, fiction. Dans une grande galerie, un simulacre d'éboulement.
Des houilleurs, munis d'un appareil respiratoire perfectionné, un masque que deux caoutchoucs relient à une boîte renfermant de l'oxygène, collaborent sans péril au sauvetage. Dans cette taille, la Société Mannröhrenwerke expose des échantillons d'étançons en métal que des leviers peuvent grandir ou raccourcir sans que l'ouvrier ait à redouter l'éboulement.
Et nous ne pouvons que décerner de vifs éloges à ce compartiment si intelligemment compris et si bien ordonnancé. C'est de l'utile, certes, encore de l'utile, du sérieux et toujours du sérieux, mais de l'utile et du sérieux qui ont su se dépouiller de ce qu'ils peuvent avoir de rébarbatif et de scientifique pour instruire et enseigner par une forme légère et compréhensible.
La Section allemande n'est pas l'oeuvre du Gouvernement dont l'effort considérable s'était concentré sur Paris, Dusseldorf et Saint-Louis, mais le résultat fécond de l'initiative d'une poignée d'industriels vigoureusement secondés par un Comité liégeois qui fut à la tâche, à la peine dans un élan de vaillance et de volonté.
Un pavillon plaisant est celui de la Société de la Carbonit qui a des appareils très cotés pour l'étude des explosifs et leur façon de se comporter dans leur brève existence.
On note la température dégagée, on étudie la durée des flammes, on calcule la pression et la vitesse, on apprécie la force de l'explosion et ainsi ces méchants engins ont des dossiers bien garnis.
Une poudre brune repose dans une caisse, c'est de la carbonite. Cela ne vous dit rien; dans le monde des explosifs elle détient le record de la violence et du désastre, elle est, jusqu'à présent, le nec plus ultra d'une série qui cependant ne manque pas de représentants meurtriers. Signalons aussi les installations si intéressantes pour les sondages à grandes profondeurs de « La Deutsche Tiefbohrgesellschaft Nordhausen » et de « l'Internationale Bohrgesellschaft », d'Erkelenz.
C'est un alignement ininterrompu de choses intéressantes: la Westdeustche Steinzeug Chamotte und Deniesweche dresse des cuves et des tuyaux en grès brun de respectable dimension, des produits réfractaires voisinent avec des blocs de ciment écrasés sous une pression énorme, des coffres-forts témoignent qu'ils ont subi sans succomber les assauts de l'incendie; une fabrique d'appareils téléphoniques et télégraphiques nous assure qu'elle couvre l'Allemagne de ses réseaux, qu'elle est en train de doter Hambourg des derniers perfectionnements du genre en même temps qu'elle soumet à l'appréciation des phonographes nouveau modèle. Des instruments aratoires bien compris font opposition avec des grues, des petits ponts-roulants et des meules d'émeri, un monument s'étage en briquettes de lignite.
Il fut un temps où la grisette de Paul de Kock haussait son ambition jusqu'à la possession d'une armoire en acajou. Cela dura jusqu'au jour où la machine à coudre la détrôna. Ainsi vont les moeurs.
Des maisons allemandes en ont ici à profusion: des silencieuses, des bruyantes, des couseuses, des brodeuses, des modestes, des princesses, tout un système de savantes combinaisons d'aiguilles qui cheminent honnêtement suivant le vieil usage ou qui dessinent des courbes variées, multiformes, capricieuses. Les Gretchen sont femmes heureuses, elles ont pu délaisser la quenouille familiale pour se livrer à plaisir, grâce à ces machines si complaisantes, à ces ouvrages féminins que la mode tient en si grande faveur aujourd'hui.
Un joli travail mécanique qu'accomplissent les machines expertes de M. Jagenberg. Elles taillent le papier et le Carton et, en petites fées serviables et bonnes, découpent des étiquettes de bouteilles, créent des boîtes, manipulent des tubes de carton, et en font sortir une succession de jolies choses.
L'art industriel n'est certes pas à dédaigner et l'étain, depuis le bibelot jusqu'à la pièce, est aux mains d'ouvriers habiles et d'artisans distingués qui le soignent avec joie. Crefeld a cette spécialité et la technique des fabricants réussit des trouvailles de formes remarquables.
La céramique d'art a des porcelaines de Copenhague et des biscuits de Sèvres qui, pour n'être ni de Danemark ni de France, ont du cachet et de l'expression, du fini et de la délicatesse. La verrerie est au rang d'honneur avec l'exposition de la Société des Verreries rhénanes, dont les cristaux scintillent, les verres flamboient, ruissellent de clartés - le grand art du verrier qui enferme de la lumière dans la coulée transparente qu'il tourne, manie, assouplit avec élégance et beauté.
Sont venus de Thuringe coffrets, cadres, boîtes en amadou ayant déserté le briquet devenu inutile, encombrant et le jaune des ornements en cuivre s'apparente très bien avec le fauve du produit.
L'industrie du livre a délégué des plieuses, des presses, des machines à cartonner, à brocher, à composer; les fabriques de pianos sont présentées avec des spécimens de valeur, la première nous rappelant que le livre plus que l'épée a fait l'Allemagne moderne, les secondes que la musique est en grand honneur dans ce pays qui s'honore légitimement de musiciens géniaux.
Et quand on a fait le tour, musé le long des stands, on ressent quelque contrariété. On avait rêvé d'une section plus vaste, plus étendue et on la trouve exiguë et rétrécie. C'est une impression première qui s'évanouit vite quand on sait que l'Allemagne s'est divisée, éparpillée, qu'aux halls des machines elle triomphe, elle rayonne dans un emplacement de 5.000 mètres carrés, où elle gagne des batailles pacifiques dans le champ industriel. C'est là que les usiniers livrent ces combats pour lesquels ils se dépensent aux quatre coins du monde, superbes d'audace et d'initiative, enragés de volonté pratique, fouettés par l'ardeur de la concurrence et cherchant partout à prendre nettement les devants.
C'est l'Allemagne d'aujourd'hui qui forge de toute pièce l'Allemagne de demain, enflammée par ces harangues impériales qui sonnent comme des fanfares toutes frémissantes d'énergie, toutes palpitantes de patriotisme et qui semblent faire reculer les frontières de l'empire jusqu'aux confins de l'univers.
Si elle a vécu longtemps, très longtemps repliée sur elle-même, recueillie dans le silence et l'étude, penchée sur le travail lent et austère de sa constitution et de son organisation, c'est qu'elle préparait les voies de ses prochains triomphes, c'est qu'elle ensemençait patiemment et labourait profondément le terrain sur lequel devaient s'épanouir les moissons futures.
Elle n'a que 35 ans de date l'Allemagne contemporaine et sur les registres de l'état-civil où l'histoire inscrit les naissances des nations, elle est presque la dernière venue dans cette Europe qui a vu crouler tant de dynasties et s'effondrer tant de trônes, mais au livre d'or où le progrès parafe son bilan, elle a plus d'un siècle par la rapidité foudroyante de son expansion, par la rigoureuse logique et l'admirable ténacité de ses buts, par la grandeur et la beauté de son émancipation.
Dès qu'elle sortit de sa veillée d'armes, elle secoua d'un coup tout ce qui pouvait entraver sa marche, paralyser son essor. Elle brisa le mur d'enceinte derrière lequel se pelotonnaient les vieilles nations, et s'installa résolument au coeur d'elles avec l'audace de ceux qui ne connaissent que le succès, avec l'assurance de ceux que la destinée a marqués pour un avenir brillant. L'élite de ses savants l'avait éduquée, la légion de ses ingénieurs l'avait façonnée, la pléiade de ses diplomates et de ses militaires l'avait élevée et mûrie. L'oeuvre sortit de l'ombre et monte par bonds prodigieux vers le zénith éblouissant.
Sa vie industrielle, intellectuelle, commerciale et sociale déborde d'activité et de passion.
L'Allemagne n'est plus en Allemagne, elle est partout dans l'univers, s'implantant là où il y a une mer à franchir, un domaine à exploiter, une terre à conquérir, plantant orgueilleusement son étendard armé de l'aigle impérial.
C'est cette Allemagne-là que le buste en marbre blanc de Guillaume Il, placé au centre de la section, semble encourager, et qu'illustrent à la fois la magnificence de son industrie, l'internationalisme de son commerce et l'éclat de ses philosophes et de ses penseurs.
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L'ANGLETERRE

Comité exécutif: Président, M. Charles GODCHAUX;
Vice-Président, M. Jules WUIDARD;
Secrétaire, M. Edgard de KNEVETT.
Commissaire général: M. Imre KIRALFY.
Directeur de la Section: M. Russel STANHOPE.
Comité de patronage sous les auspices de S. E. le Comte de LALAING, envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de S. M. le Roi des Belges à Londres.
Président, Sir Albert KAYE ROLLIT;
Vice-Président, Sir Alfred JONES.
Elle réunissait 109 exposants. Elle a obtenu 120 récompenses, dont 24 grands prix, 18 diplômes d'honneur, 38 médailles d'or.
Il serait d'une fatuité téméraire, d'une présomption cavalière de songer à présenter l'Angleterre à nos lecteurs et de jouer à leur intention notre petit Christophe Colomb. Ce serait du reste fatigant de présentation, car elle a un don d'ubiquité extraordinaire, se trouvant à la fois en Europe, en Asie, en Afrique, en Amérique, en Océanie, avec 23 millions de kilomètres carrés de domaine éparpillés sous toutes les latitudes, et des millions d'habitants que protège et défend le pavillon britannique. Toutes les mers sont jalonnées de ses navires, tous les continents sont marqués de sa domination; son commerce s'enorgueillit d'un bilan d'affaires qui accapare le cinquième du commerce mondial; son industrie puissante et productrice s'essore vers tous les horizons; son crédit est solidement étayé par une fortune publique, libéralement gouvernée par la prévoyance et l'habileté de ses hommes d'Etat qui, en dépit de leurs divergences politiques, de leurs dissentiments de partis, sont avant tout des patriotes qui mettent en commun leur ambition et leur génie pour agrandir le patrimoine intellectuel et social de la nation.
Nous autres Allemands, nous ne craignons que Dieu, disait M. de Bismarck dans une de ces boutades incisives et cinglantes qu'il jetait comme un gant à la face de l'Europe. Nous autres, pourraient dire les Anglais, nous ne craignons ni Dieu ni diable. Ne vont-ils pas toujours droit devant eux, le regard rivé obstinément vers le but, l'effort bandé vers des fins qu'ils convoitent, et marchant sur tout, à travers tout avec l'assurance et le calme des gens qui savent ce qu'ils font, et qu'ils le font bien?
Ils sont venus à notre Exposition et leur stand, sans être de dimensions grandioses, est remarquable et méritant. On en fait le tour frappé par une variété d'impressions greffées de pratique et d'utilité.
Tel détail suggère plus de réflexions, tel coin incite à plus d'observations que tout un compartiment de section voisine.
Voici Cook Thomas et Son, qui a appris à des millions d'Anglais à connaître les quatre coins du monde avec son organisme solide qui étend en tous lieux son réseau de communications et de renseignements, les modèles de ses bateaux qui, chargés d'excursionnistes, sillonnent le Nil, le paysage en relief du Vésuve sur les flancs duquel serpente un funiculaire lui appartenant en bonne et nette propriété.
Voici de « Kelly's Directorees Ltd » les livres d'adresses de la Grande-Bretagne, de ses colonies et des commerçants du monde entier.
Tous deux nous apparaissent un peu comme deux symboles de prise en possession de l'univers par le cycle ininterrompu des voyages d'où l'on rapporte un butin de connaissances, par le développement monstre d'une carte d'indications dressée pour les affaires.
Pays de voyageurs, de colons, d'explorateurs, l'Angleterre devait nous amener en quantité étuis, boîtes et fournitures médicales, antiseptiques, anesthésiques, trousses ingénieusement agencées, tout le bagage sanitaire des expéditions navales et militaires qui ont autant à redouter des fièvres et des pestilences que des armes des indigènes. Il y a des pharmacies de poche ravissantes comme des boîtes à bijoux, à donner envie d'être malade pour avoir prétexte à les utiliser, il y a des trousses de chirurgiens militaires salies, déformées par leur circulation sur les champs de bataille; et cela serre le coeur malgré soi, dans une évocation rapide de plaintes de blessés, de râles de mourants, de charpies sanglantes et d'uniformes déguenillés.
Mentionnons au passage des machines à composer qui, dès leur première apparition, ont révolutionné l'imprimerie; des machines à additionner d'une simplicité déconcertante; des articles de pêche devant lesquels les chevaliers de la gaule restent béats d'admiration; des bobines perfectionnées et brevetées, à filer, à tresser, à doubler, des navettes en bois de corne de buis allongées comme des bateaux, sont là, nous disant que l'industrie textile est un des éléments prépondérants de la fortune anglaise; un assortiment de poteries artistiques et monumentales (Eton), de vases en émail flambé et marbré et cristallin, qui retiennent l'attention; des cloisonnés qui, pour n'être pas japonais, n'en sont pas moins d'une fabrication curieuse.
Les Indes nous apportent des cuivres jaunes de Bénarès, des bronzes de Madras et Delhi, qui décèlent le fini et le talent d'artistes obscurs et ignorés; des broderies aguichantes, de la bijouterie amoureusement fouillée, du thé qu'elles produisent en si grande abondance qu'elles entament sérieusement la suprématie des thés chinois et la battent en brèche sur tous les marchés.
Si l'Anglais dépense sans compter son activité physique et intellectuelle, il aime à se restaurer de choses fortes et substantielles, de saveur relevée, pimentée et de boissons toniques, suggestives, Stout, Pale-Ale, Scotch, triumvirat fameux, dont les brasseries inondent le continent et que nous avons adopté avec ferveur au détriment de nos bières locales, sont prêtes à arroser toutes les viandes conservées qui attendent notre bon plaisir dans le mystère de leur prison métallique, tandis que devant nous brillent, scintillent, rutilent, alignés sur le comptoir, barbotant dans leurs sauces, pickels, oignons, cornichons, qui forment la respectable armée de condiments qui raclent le gosier et galvanisent l'estomac.
Les mânes de Gargantua peuvent en tressaillir d'aise. Et ainsi l'exposition de l'Angleterre se présente sous des angles divers, sous des facettes multiples dans une heureuse juxtaposition d'art, de commerce et d'industrie.
Il faut nous féliciter vraiment de ce rapprochement qui scelle d'une nouvelle sympathie des rapports de vieille date, des relations de longue haleine, des liens commerciaux et industriels qui rendent la Belgique et l'Angleterre tributaires l'une de l'autre dans l'incessant chassé-croisé de leurs importations et de leurs exportations respectives et dont l'ampleur se fortifie de jour en jour.
Si la reconnaissance n'est pas un vain mot, nous lui devons de la gratitude pour le bien qu'elle nous a fait en veillant sur notre indépendance à des heures critiques où l'horizon politique s'assombrissait de lourdes nuées. Il lui fallut du courage pour accomplir cette tâche, car les rôles de tutrices ne figurent guère au théâtre dramatique sur lesquels les nations s'arrogent à qui mieux mieux les emplois du capitaine Fracasse pour avoir le droit de se mettre à mal et de chercher à se nuire.
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L'AUTRICHE

Commissaire délégué de la Commission autrichienne: M. Gustave HARTBERGER, commissaire délégué aux Expositions de Bruxelles et d'Anvers;
Secrétaires, MM. le baron Maurice FORGEUR et Maurice BEGASSE.
Comité de Patronage:
Président d'honneur: M. le baron GUIDO de GALL de ROSENBURG et KULMBACH, Ministre du Commerce à Vienne;
Président, M. le chevalier Jules de KINK, à Vienne;
Président suppléant, M. Léon DORET, Consul général de Belgique, à Vienne;
Elle comportait 105 exposants. Elle a obtenu 105 récompenses, dont 7 grands prix, 12 diplômes d'honneur, 31 médailles d'or.
L'Autriche s'est mise en grands frais de coquetterie. Elle a de la variété dans le pittoresque, de l'éclectisme dans le choix. Elle est artistique, commerciale, industrielle avec un judicieux discernement. Les envois ont été triés avec un soin jaloux et l'arrangement s'est complu à les disposer avec goût. Si bien que tout un chacun ayant mis du sien et rivalisé de galanterie charmante, la section autrichienne s'est trouvée sous les armes dans un joli défilé de parade.
Point de devanture écrasante, de façade tarabiscotée qui blesse et violente le regard; mais du léger et du pimpant. Un extérieur de bois teinté en rouge clair à peine parsemé d'or sur lequel une guirlande de grappes de raisins court en frise délicate et ajourée. Les drapeaux de l'Empire tombant droits du plafond, lui font une sorte de ciel d'emblèmes bariolés et chatoyants.
Au fond, la ville de Vienne tient salon.
Il y a deux capitales en Europe qui rivalisent d'élégance et de luxe, c'est Paris et Vienne.
Elles ont toutes deux leurs fervents passionnés et leurs admirateurs irréductibles aussi intransigeants dans leur amour, mais nous préférerons les aimer l'une autant que l'autre. Vienne nous apparaît dans tous ses enchantements et les aquarelles signées d'artistes en renom nous la dévoilent à vol d'oiseau, nous révèlent ses hôtels de ville, nous profilent l'architecture de ses églises, de ses édifices, de ses monuments publics.
Des vues curieuses nous parlent de sites fameux: Schoenbrun, le Kahlenberg, la Wachau avec la ruine du château de Durntein-Moedling, le Schneeberg et le Raxalpe qui sèment autour de Vienne la joaillerie de leurs beautés. Les effigies de Beethoven, de Mozart, de Bruckner, de Brahms, de Schubert, de Strauss, en marbre, en bronze, en peinture, sont là comme des témoignages de l'admiration filiale que Vienne a vouée au culte de ses immortels musiciens.
Si Vienne a voulu que nous pénétrions dans le sanctuaire de ses souvenirs avec tout ce qui lui tient au coeur par les choses du passé et les traits du présent, elle nous initie aussi à sa vie intellectuelle et à ses catégories d'écoles dont les albums et les brochures disent éloquemment l'intensité de l'enseignement dans toutes les branches de la science.
De quelque côté que le regard se porte, il est arrêté par les verreries. Vases à reflets métalliques qui semblent avoir gardé le feu de la fusion et emprisonnent dans leurs flancs des gerbes de lumière; verres de Bohême, de M. Tschernich et verres de la cristallerie de Carlsbad, taillés, gravés, plaqués d'or, s'irradiant de teintes jaunes, mauves, vertes, séduisantes, élégantes et splendides, une gamme de pierres précieuses serties dans la blancheur du cristal, tous proclamant une suprématie verrière qui remonte le cours des siècles et dont le sceptre n'est pas près de s'abaisser. C'est de l'art transmis par la tradition comme ces fines céramiques d'une facture particulière, ces porcelaines « Vieux-Vienne » si somptueusement décorées de peintures à la main, ces grès aux teintes adoucies, presque effacées, ces terres-cuites qui dénotent une compréhension d'art qui, pour être tournée vers le bibelot, n'en est pas moins de l'art, ces bronzes aux lignes gracieuses, ces cuivres repoussés qui ont du cachet.
La maroquinerie et le mobilier ont été de tous temps l'apanage de l'Autriche. Les fabriques de meubles s'éparpillent nombreuses sur le sol autrichien; on les trouve partout où les chutes d'eau les alimentent gratuitement, où la main-d'oeuvre est basse et les matières premières abondantes.
Elles sont très habiles, produisent énormément à bon marché et elles savent à ravir faire ressortir du hêtre rouge ces mobiliers à bois courbé d'aspect si agréable et que l'on a baptisés du nom de mobilier viennois.
La maroquinerie viennoise en a le monopole sans conteste. C'est un article à elle, bien à elle, depuis le cuir souple que l'on dépose sous une forme de valise dans le filet du wagon, jusqu'au cuir dur, frappé, gaufré, enluminé, imagé de figurines botticellistes ou d'ornementations généralement gothiques.
Les industries sont quelque peu sommaires, le carbonundum et l'électrite, en cristaux, en limes, en meules, triomphent de l'émeri par la dureté; des isolateurs électriques en porcelaine défient l'accumulation des volts; un stand d'appareils et de produits de la laiterie toujours chère aux Viennois; un lot d'instruments de musique rappellent, si besoin était, que la valse fleurit sur les bords du Danube bleu. Le Tyrol a exporté un vieil intérieur tyrolien. Scène de reconstitution toujours intéressante par son mobilier fruste taillé à même le bois, ses acteurs drapés dans d'authentiques costumes, cet archaïsme fleurant les siècles défunts et qui contraste si violemment avec la banalité de nos maisons et la monotonie de nos habits.
Un syndicat de négociants, d'industriels et d'hôteliers, qui a des ramifications dans le pays, invitent les touristes par une active propagande de panoramas et de brochures à péleriner vers la splendeur des sites autrichiens.
L'exposition de l'Autriche, dans son ensemble soigné, instructif et seyant, est bien faite pour inciter la curiosité et diriger nos sympathies vers ce pays florissant, riche de par ses industries, ses manufactures, ses mines, ses forêts, ses vignobles et dont la dynastie des Habsbourg au blason chargé de siècles porte le lourd poids d'une gloire qui fut éclatante, mais assombrie par la mélancolie et la douleur des infortunes.
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LA BULGARIE

Commissaire général: M. Q. VERNAZZA.
Commissaire général adjoint: M. Georges S. GUINEFF.
Commissaire général adjoint: M. V. LASCOFF.
Secrétaire: M. BOYADJIEFF.
La Bulgarie, qui groupait 944 exposants, a obtenu 612 récompenses, dont 18 grands prix, 30 diplômes d'honneur et 135 médailles d'or.
L'ancien royaume bulgare, bien connu dans l'histoire générale du moyen-âge, resta cinq siècles sous la domination ottomane; son indépendance ne date que de 1878.
Celle-ci fut reconnue à la suite de la guerre que, le 12 avril 1877, la Russie déclara à la Turquie. A cette époque, le Gouvernement impérial russe ayant pris en main la cause bulgare, affirmait, dans une note qu'il faisait remettre aux représentants des grandes puissances à Saint-Pétersbourg, avoir épuisé tous les moyens pacifiques pour mettre fin à la situation intolérable des Bulgares sous le joug ottoman et annonçait qu'il déclarait la guerre à la Turquie.
La Turquie vaincue, un premier traité signé à San Stefano, près de Constantinople, reconstitua la Bulgarie dans les limites qu'elle possédait au moyen-âge. Mais le traité de Berlin, signé le 13 juillet 1878, les restreignit considérablement et une importante province, la Macédoine, resta notamment sous la domination turque.
La Bulgarie n'a donc que vingt-cinq années d'existence autonome, et pourtant que progrès elle a déjà accomplis!
Dans ces contrées où naguère vivaient des raïas attachés à la glèbe, grandit aujourd'hui un peuple dont les aptitudes pour le progrès, pour les sciences et l'industrie ont déjà donné des résultats très appréciables. Des villes entières ont été construites, des chemins de fer sillonnent le pays en tous sens, des routes nationales bien entretenues relient les plus petites bourgades, indices péremptoires de la marche de la civilisation dans tout pays neuf.
Des ports, construits selon toutes les exigences modernes, ouvrent, pour la Bulgarie, les meilleures perspectives de développement du commerce maritime. Près d'un milliard a été dépensé pour ces différents travaux, mais plus encore que l'argent dépensé, la grande somme d'énergie déployée contribua à mettre un pays absolument inculte et arriéré, au niveau de la culture européenne.
En effet, le traité de 1878 ne changea pas seulement la condition politique de la Bulgarie, mais sa vie sociale elle-même. Il fallut créer tout d'une pièce une administration nouvelle, car rien de l'ancienne administration ne pouvait être utilisé. On se heurta tout d'abord à des difficultés sans nombre, par suite de l'effervescence que produisit dans le pays la transformation complète des institutions; on tâtonna, on trébucha, mais finalement la persévérance dans la voie du progrès fut couronnée de succès.
Désireuse de prouver à l'Europe son souci de se mettre au niveau de la culture générale des principaux, pays d'Occident, et d'affirmer par là ses droits à une existence nationale, la Bulgarie participe dans la mesure de ses moyens, à toutes les entreprises internationales de progrès.
C'est ainsi que dans notre pays, notamment, elle prit part à l'Exposition d'Anvers 1894. A l'Exposition de Liège, sa participation fut très importante et même une des plus brillantes et des plus remarquées.
Avant d'envisager les différents aspects sous lesquels se montrait à Liège le pays bulgare, donnons quelques renseignements sur le pays lui-même et sa population.
La principauté de Bulgarie représente, au point de vue orographique, une combinaison heureuse de hautes chaînes de montagnes entourant des plaines vastes et fertiles. Au pied de gigantesques montagnes dont les sommets atteignent plus de deux mille mètres d'altitude, s'étendent, à perte de vue, des vallées dont le niveau moyen est de deux cents mètres au dessus de la mer.
Sur ces montagnes, la végétation est assez abondante; elle comprend surtout des chênes et des hêtres auxquels viennent parfois se joindre le charme, l'orme, le platane, le sapin, etc.; dans les campagnes ainsi que sur les hauteurs moyennes, il n'existe pas de forêts; on y voit des arbrisseaux, des broussailles, des épines de toutes espèces; les plus caractéristiques de ces sortes de maquis sont d'immenses massifs de lilas.
Depuis quelques années, de sages efforts, en vue du reboisement, sont faits dans le pays.
L'autre aspect de la Bulgarie, c'est la plaine; la plus importante est la plaine du Danube.
Ce fleuve puissant a une largeur de lit variant entre 700 et 1.200 mètres, il possède de nombreux affluents dont un, l'Isker, traverse de part en part la Stara-Planina, formant par les montagnes, une série de cascades du plus riant aspect. Les eaux dévalent de toutes les hauteurs, recueillies par les roues à godets de primitifs moulins qui trouvent là une force motrice peu coûteuse.
Mais les eaux de l'Isker s'avancent bientôt dans la plaine où elles ralentissent leur marche et approfondissent leur lit.
La Maritza est le fleuve de la Bulgarie du sud; tout d'abord impétueux comme l'lsker, il ralentit son cours à partir de Tatar-Pezardjik; on en profite pour y effectuer le transport des bois qui, liés grossièrement, sont conduits comme des embarcations primitives.
Les productions de la Bulgarie sont très variées; la Bulgarie du sud, protégée contre les vents du nord par la Stara-Planina, est riche en plantes méridionales; le mûrier, la vigne, le riz, le maïs y croissent abondamment; dans les autres parties du pays, on cultive le blé, l'orge, le seigle, l'avoine, le millet, l'épeautre, le coton, l'anis, le pavot, ainsi que les roses dont on extrait une essence très réputée.
La faune n'est pas moins variée; c'est ainsi qu'on trouve au milieu des hautes montagnes et des terrains inhabités, des ours, des loups, des chacals, et un peu partout des renards, des sangliers, des chats sauvages.
Le gibier y est celui de nos pays; les animaux domestiques sont les nôtres, sauf cependant le buffle que nous ne connaissons pas et qui est employé là-bas comme bête de somme.
Tel est l'aspect général du pays; voyons à présent quelle est l'origine des peuples qui l'habitent. Lorsqu'on étudie l'histoire des peuples de la péninsule balkanique, la première difficulté qu'on rencontre est la question des races. D'après l'opinion la plus répandue et la plus autorisée, la Bulgarie était habitée primitivement par les Thraco-Illyriens, les Thraco-Macédoniens, et les Thraco-Daces. Au IIIe siècle, les Slaves passèrent le Danube et vinrent s'installer dans la plaine comprise entre le fleuve et les montagnes des Balkans; plus tard, ils s'avancèrent vers le sud et formèrent partout des colonies parmi les Thraco-Illyriens, les Romains et les Grecs. Au VIIe siècle, une tribu de race ougro-finnoise vint s'établir sur les rives du Danube, entre ce fleuve et la Mer Noire. C'étaient là les Bulgares on Bolgares, auxquels les Slaves avaient déjà donné leur langue et leurs moeurs, mais qui se distinguaient d'entre ceux-ci par leurs rares qualités d'énergie et leur talent d'organisateurs.
Le royaume ainsi fondé s'agrandit et devint même très puissant. Un événement très important marque la fin du IXe siècle; c'est l'apparition des frères Cyrille et Méthode, les pères de l'alphabet cyrillien adopté de presque tout le monde slave, sans en excepter le peuple russe. Les bases d'une culture nationale se trouvaient ainsi jetées; aussi voyons-nous, à partir de cette époque, se dessiner un mouvement littéraire en Bulgarie.
Le pays atteignit son apogée sous le règne du Tsar Siméon; l'autorité de celui-ci s'étendait non seulement sur la Bulgarie actuelle mais encore sur la Valachie, sur une partie de la Hongrie et de la Transylvanie, sur une partie de l'Albanie, sur l'Epire, la Macédoine et la Thessalie.
Malheureusement, des luttes intestines divisèrent les forces du pays; de nombreuses guerres eurent lieu; parfois la nation semblait renaître mais bientôt elle retombait sous le joug étranger; enfin, en 1393, la Bulgarie perdit pour longtemps son indépendance politique et devint une simple province ottomane.
Nous venons de dire à la suite de quelles circonstances elle redevint indépendante et quels progrès elle accomplit dès lors, principalement pendant le règne d'un prince éclairé, S. A. R. Ferdinand 1er, prince de Bulgarie.
Nous avons précédemment rappelé que c'est à Anvers, en 1894, que la Bulgarie participa pour la première fois à une Exposition belge.
En venant exposer à liège les produits de son sol, de son commerce et de son industrie, elle montrait encore les sentiments de sympathie qu'elle a pour notre pays, et témoignait de l'importance qu'elle lui accorde au point de vue du commerce international. Son magnifique pavillon avait été édifié en face du Palais des Beaux-Arts et du Pavillon du Canada, par une équipe d'ouvriers bulgares envoyés de Sofia. Il occupait un emplacement de 600 mètres carrés et était l'oeuvre de M. Anton Torneff, architecte au Ministère des Travaux publics, à Sofia.
Formé des éléments typiques des maisons de Bulgarie, ce pavillon lui-même constituait un objet d'exposition.
Surgissant avec ses couleurs chaudes de bois bruni et sa façade vert d'eau, sur un fond de peupliers au feuillage aminci et grouillant de reflets, il attirait les regards par sa masse un peu trapue, son toit à versants peu inclinés surmontés d'une sorte de belvédère large et bas. On remarquait à sa façade ses balcons en encorbellements, ses fenêtres à trois baies, à vitraux, ses coins de terrasse taillés à même la masse du bâtiment. Le Commissaire général de la Bulgarie à Liège, était M. Georges Vernazza, directeur des affaires politiques au Ministère des Affaires étrangères et des Cultes à Sofia. Il s'était entouré en qualité d'adjoints de MM. Georges S. Guineff, chef-adjoint de la section du Commerce au Ministère du Commerce et de l'Agriculture, Marino V. Lascoff, directeur du Musée commercial et industriel bulgare à Sofia, et enfin, en qualité d'attaché honoraire, de M. Georges Kousseff, industriel à Sofia.
Le Commissariat général avait comme secrétaire M. l'ingénieur Krestu Boyadjieff et M. Georges Tabakoff, comme secrétaire-adjoint.
Dès l'entrée dans ce pavillon, une délicieuse odeur d'eau de rose, fraîche en elle-même et chaude par le paysage ensoleillé qu'elle évoquait, imprégnait le visiteur, en même temps que son regard était attiré par les couleurs vives des tapis et par l'agencement qui avait présidé au groupement des produits agricoles.
La vue d'une frise d'un beau jaune d'or formée de plantes de maïs, l'odeur délicieuse des roses, la clarté de l'intérieur du pavillon suscitant une idée de grand air, contribuaient à donner une impression de bien-être physique, frais et reposant.
Le rez-de-chaussée du pavillon groupait les céréales, les farines, les tabacs, les vins, l'essence de rose, la sucrerie, les peaux et chaussures, le mobilier, les produits des mines et des carrières.
Les céréales, dont l'importance en Bulgarie ressortait objectivement de la décoration de l'intérieur du pavillon, se trouvaient contenues dans des sacs ou dans d'élégants vases posés sur des étagères garnies elles-mêmes d'appliques en paille et entourées de plantes vertes.
On y remarquait le blé dur et tendre, le blé de printemps et le blé d'automne, le seigle, l'orge, l'avoine, les vesces, le maïs, le froment, le millet, les haricots et les lentilles, le colza, le riz, le sésame, les pois, etc.
En Bulgarie, les trois quarts des terres productives sont consacrées aux céréales et un quart seulement aux autres catégories de cultures, dont la plus importante est celle des fourrages. La récolte annuelle des céréales est évaluée à trente millions d'hectolitres.
Le Ministre du Commerce et de l'Agriculture ne cesse d'encourager activement l'introduction des instruments et des machines les plus perfectionnés. Ses efforts sont secondés, sous ce rapport, par la Banque Agricole Bulgare et par la Société Nationale d'Agriculture.
A côté des céréales, on remarquait des étalages de farines, de tourteaux, d'huiles de diverses provenances.
Puis, les vins et les liqueurs se groupaient en un amusant fouillis de bouteilles réunies en kiosque. Ça et là émergeaient de cet essaim décoratif une grappe de raisin, des feuilles vertes; des rubans, réunissant entr'eux des récipients, donnaient aux liquides qu'ils contenaient un air de chose précieuse et rare. On se figurait ces bouteilles posées pieusement sur la table débarrassée des débris du banquet et savourées, les yeux clos, dans l'apaisement d'une heureuse digestion.
Sur leurs étiquettes élégantes, on lisait: cognac, anisette, absinthe, vermouth, eau-de-vie de cerises, vin « Mavroud », vin Muscat, liqueur de café, eau-de-vie de framboise, chartreuse, bitter, malaga, etc.
Tout un compartiment s'offrait d'ailleurs à l'attention pieuse des gourmets. A côté des liqueurs, les compotes de cerises, de prunes, les pruneaux, les noix, les conserves de piment, de concombres, les saucissons de Bulgarie, des nougats, des sirops, des marmelades, des gelées, des bonbons, des confitures, s'offraient en des étalages très savoureux.
En compagnie de grains de pavot, d'huile de grains, de tourteaux, on notait encore du miel et des cocons de vers à soie. La sériciculture vient de prendre naissance là-bas, et une société, la « Svila », s'est constituée en vue de l'exploitation rationnelle du ver à soie.
A différents endroits du pavillon, des feuilles séchées, du tabac coupé, des cigarettes, incitaient le visiteur à déguster ce produit qui avait ici l'arome délicat des tabacs d'Orient.
La culture du tabac est particulièrement répandue dans les départements du sud et dans les départements de Silistra. et de Kustendil. On évalue à 3.000 hectares la superficie totale des plantations de tabac et la production à 1.600.000 kilos. Les trois quarts de cette production sont consommés par la population indigène; le quart seulement est destiné à l'exportation.
Au point de vue de la qualité, les tabacs bulgares peuvent se comparer aux tabacs turcs, de Macédoine et de Enidjé.
Quelque intérêt que puissent offrir les expositions des produits que nous venons d'énumérer, ceux-ci ne pouvaient empêcher le visiteur, flatté par une pénétrante odeur de rose, de se diriger immédiatement vers le lieu d'où semblait provenir ce parfum.
C'était vers le centre du pavillon, sous une grande niche qu'occupait dans un fouillis de roses dont la clarté s'atténuait de palmes vertes, une « Nymphe qui se baigne », de Spiridonoff. Celle-ci, dans un geste alangui, pressait, au-dessus de sa tête, une éponge. Des gouttes d'eau de rose en tombaient, descendaient le long de sa joue, accusaient la courbe harmonieuse du cou, du corps frais pour dessiner ensuite par reflets la ligne voluptueusement assouplie des jambes et tomber enfin, goutte par goutte, dans une vasque à moitié pleine.
Derrière elle, un paysage s'étendait, rose, lumineux, immense. Ça et là, on apercevait le blanc mouchoir de tête d'une moissonneuse; on pensait à une fantaisie XVIIIe siècle. Cette scène champêtre aurait rencontré les sympathies de quelque Madame de Maintenon
En Bulgarie, la culture des roses, par son importance numérique, vient immédiatement après celle du tabac. Les roses sont employées exclusivement à la distillation de cette fameuse essence bulgare, connue et estimée dans le monde entier.
La culture des roses est limitée à 148 communes des départements de Philippopoli et de Strara-Sagora et occupe une superficie totale de 5.094 hectares.
L'abondance et la qualité de l'essence dépendent beaucoup des conditions atmosphériques au moment de la floraison et de la récolte. La production, en 1900, atteignit 5.346 kilogs pour une valeur de 3.707.943 francs. L'essence de rose, qu'il ne faut pas confondre avec l'eau de rose, se rencontrait dans le pavillon, renfermée en des flacons de cristal taillé à facettes et noués de faveur:
Quelques vitrines en contenaient pour de grandes sommes; la province de Liège, tout entière, aurait pu en être parfumée.
Etranges auprès de ce joli décor qui semblait ravi à quelque tableau de Watteau et au milieu duquel Boucher aurait consenti à faire vivre ses « amours », des minerais se montraient aux visiteurs, groupés en des entassements frustes.
La Bulgarie possède une réelle richesse minière non encore utilisée très activement, mais dont les débuts d'exploitation sont pleins de promesses.
Les gisements miniers qui semblent avoir joué un rôle très important dans les temps anciens, étaient complètement abandonnés jusqu'à ces dernières années. Les recherches auxquelles on a procédé depuis dix ans, ont mis à jour de vieux travaux datant des Romains, des amas considérables et des tas de scories sont les vestiges de ces exploitations d'autrefois; il semble même que quelques-uns des travaux de l'époque romaine ont été repris an XlVe siècle par les Saxons. L'abandon de ces gisements est dû, en partie tout au moins, à l'infériorité des méthodes anciennes de traitement, car nombre d'entre eux actuellement exploités, fournissent du minerai de bonne qualité, en quantité très appréciable.
La première mine, exploitée par l'Etat, le fut en 1879; actuellement, tout en s'étant réservé différentes mines et deux grands bassins lignitifères, l'Etat Bulgare a cédé à des particuliers quinze concessions de charbon de terre; quatre concessions de minerais de cuivre; deux concessions pour les minerais de manganèse; quatre concessions pour les minerais de fer; pour les minerais de plomb, de cuivre et de zinc mélangés; pour les schistes bitumeux.
L'exploitation des carrières suit la même marche.
Les minerais exposés en échantillons dans le pavillon étaient surtout l'anthracite, les houilles, le fer, le zinc, le cuivre, le manganèse, le plomb argentifère; dans les produits de carrières, on remarquait les pierres lithographiques de Negochevo, des marbres et des calcaires.
Le rez-de-chaussée du pavillon s'augmentait encore de deux pièces, situées derrière le panneau occupé par le groupe décoratif de l'industrie de l'essence de rose. Elles groupaient les expositions de la métallurgie et du mobilier.
La métallurgie était représentée par quelques vases, quelques plateaux en cuivre battu et en argent, des haches et des ustensiles; c'était la première utilisation pratique les richesses minières du pays.
Actuellement une question de réelle importance pour l'avenir de la Bulgarie est celle de savoir si ce pays doit rester un pays agricole ou s'il est destiné à suivre la voie des pays industriels. Il y a sept on huit ans que le problème est posé, et les économistes bulgares ne sont pas encore parvenus le résoudre.
Un grand nombre d'entre eux prétendent cependant que la Bulgarie, ne possédant pas les qualités nécessaires au développement d'une industrie nationale, restera toujours un pays agricole. Néanmoins, les partisans d'une Bulgarie agricole reconnaissent aussi que la force invincible du progrès universel imposera à la Bulgarie la production industrielle, parallèlement avec la modernisation de l'agriculture, ainsi que cela s'est passé dans d'autres pays, tels que la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, etc.
Telle est la question qu'évoquaient les quelques instruments de fabrication industrielle bulgare.
L'industrie du mobilier se manifestait par des meubles de luxe et ordinaires, envoyés par le Musée Commercial et Industriel de Sofia.
Ce musée, ainsi que les Musées Commerciaux établis dans d'autres villes, a pour but de contribuer au développement de l'industrie locale et de faciliter le trafic avec l'étranger. Ceux-ci montrent encore aux commerçants qui lui envoient des échantillons de leurs produits, les perfectionnements dont ils sont susceptibles et de les mettre en relation avec les acheteurs. Les musées se chargent de chercher des acquéreurs pour les produits de qualités supérieures, capables de concourir avec les produits similaires fabriqués à l'étranger. Les collections de machines et d'outils achetés à l'étranger sont toujours à la disposition des intéressés qui peuvent ainsi prendre connaissance des perfectionnements et des facilités à apporter dans leurs spécialités.
En outre, le Musée Commercial et Industriel Bulgare, de Sofia, fait des avances aux petits industriels; il achète pour son propre compte certains produits de l'industrie locale, vend aux agriculteurs des machines et autres instruments aratoires, au meilleur marché possible, protège certaines industries telles que la chapellerie, la coutellerie, les tapisseries, etc.
Le Musée Commercial et Industriel Bulgare, de Sofia, ressortit au Ministère du Commerce et de l'Agriculture et est, d'ailleurs, dirigé par un fonctionnaire de ce département.
Des tapis, que l'on retrouvait surtout ornant la galerie du premier étage, se montraient également ici; la plupart étaient de genre persan, en laine ou en poils de chèvre; cependant l'Ecole des Tapisseries exposait un tapis style bulgare d'une exécution et d'un dessin originaux. Enfin, l'examen de quelques galons brodés, de tabliers de couleurs, de chaussures en cuir indigène permettait au visiteur, qui dés lors avait vu le rez-de-chaussée, de se rendre par un double escalier, au premier étage du pavillon. Une grande galerie l'entourait; sa balustrade était découpée originalement. Ça et là des baies s'ouvraient et permettaient de se rendre dans les différentes pièces. La pénétration orientale dans l'élément bulgare s'avérait dans l'une d'elles, par une exposition de soie, de tapis, de passementerie, d'étoffes couvertes de filigranes. Non loin, une belle collection de costumes nationaux nous montrait entr'autres, une jolie fille rieuse et un peu sauvage avec le mouchoir de tête rouge et jaune jeté sur ses cheveux noirs, un corsage largement échancré, d'où sortaient les manches amples d'une chemise à broderies rouges.
Le groupe de l'Education et de l'Enseignement était largement et clairement représenté par des photographies, des graphiques, des travaux d'élèves. Outre les nombreuses écoles primaires et moyennes, on remarquait l'Université de Sofia, qu'un cartogramme nous indiquait, débutant avec 40 élèves et arrivant rapidement à une fréquentation scolaire de 500 unités.
L'Enseignement spécial d'une si grande importance à l'heure présente, est là-bas très florissant.
L'Enseignement agricole y est donné dans quatre écoles; à chacune d'elles est annexée une ferme destinée à l'enseignement pratique.
Outre les photographies de ces écoles, le Ministère de l'instruction publique avait exposé à Liège des collections de céréales, de liqueurs et de soies provenant des fermes susdites.
L'Enseignement industriel et commercial est également en pleine prospérité. Outre l'Ecole commerciale de l'Etat, les écoles de menuiserie, de poterie, de modes, de fleurs artificielles, de boiserie, de confection, nous étaient représentées dans le pavillon par des travaux d'élèves exécutés avec soin et ayant un caractère réellement original.
L'Enseignement spécial artistique était représenté par l'Ecole des Beaux-Arts de Sofia; quelques travaux d'élèves étaient remarquables, et il semble que les noms de quelques-uns d'entre eux compteront dans les Expositions internationales d'Art. Ils ne feront du reste que continuer la tradition de leurs aînés dont les toiles occupaient un compartiment spécial du Palais des Beaux-Arts.
Dans toute exposition à laquelle il participe, un pays se révèle dans ses grandes masses, documentairement et objectivement; de l'exposition bulgare, un enseignement émanait limpide: les efforts de la Bulgarie pour se mettre au niveau des premières nations modernes, tout en s'attachant à conserver son caractère nettement national.
C'est là un programme splendide, digne de l'intelligence la plus large et la plus éclectique.
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LE CANADA

Commissaire général: Colonel W. HUTCHISON.
Commissaire général adjoint et Secrétaire général: M. J. BRODIE.
Commissaire spécial pour la Province de Québec: le Baron de l'EPINE.
Il a obtenu 12 diplômes de grand prix et 1 diplôme d'honneur.
Le Canada a tenu à faire grand et sans exagération ni surcharge apparente, il a réussi; il a tenu à faire beau, et sans grand effort qui trahisse la peine ou la recherche, il a atteint le but.
Il s'est offert le luxe d'un palais, parce qu'il n'avait que des richesses à mettre dedans et le palais couvre 2.000 mètres carrés. Il s'étage superbement, flanqué de quatre tourelles qui s'essorent jusqu'à 22 mètres de haut, tandis qu'une tour de 30 mètres domine l'entrée principale. Sur la façade, il a simplement collé son modeste emblème mais qui est comme le sceau d'un seigneur opulent et fastueux, une feuille d'érable et un castor. Tous deux symbolisent hautement les vertus d'une race hardie et entreprenante, dédaigneuse des obstacles, méprisante des difficultés qui s'épand sur un territoire de six millions de kilomètres carrés et qui appelle à la rescousse tous ceux qui étouffent dans la vieille Europe, rêvent d'horizons infinis dont la borne recule sans cesse.
Et le flot des émigrants roule sur cette terre féconde et luxuriante. Il en vient de partout, des Etats-Unis qui sont tout proches et des profondeurs de l'Europe; c'est une armée hétéroclite et bigarrée dans laquelle toutes les langues se croisent, tous les idiomes se marient, tous les instincts galopent côte à côte.
Et tout cela va infatigablement, coule éperdument vers ce grenier d'abondance du monde moderne, aux territoires gigantesques fourrés d'une épaisse toison de moissons, tandis que les richesses minières encore vierges d'exploitation attendent dans le mystère de la terre les forces de l'industrie qui les ramèneront à la surface.
Dès l'entrée, c'est un enchantement et une révélation. Il semble qu'un metteur en scène de premier ordre ait disposé ses ressources pour en tirer de jolis effets de théâtre. C'est clair, vif, pimpant, dans une apparence de fête, de cordialité et de bienvenue. Le drap rouge jette des tons de pourpre sur les murs, les gerbes de toutes nuances et de toutes couleurs dessinent des colonnes, sculptent des arches, s'épanchent en guirlandes, s'étirent en festons. On a la sensation d'une richesse surprenante, insoupçonnée et qui éclate brusquement aux yeux comme surgie de derrière un rideau de féerie. Tout cela savamment groupé, admirablement disposé pour des oppositions de teintes, pour des rapprochements de lumières. Chaque province du Canada, de l'Atlantique au Pacifique, est là, drapée dans la somptuosité de son décor original, dans la magnificence de ses produits incomparables, indéfinis, qu'ils viennent des forêts majestueuses que la hache entame à peine, des pêcheries immenses qui sont d'incalculables réservoirs de fortune ou des pâturages du Far-West où la mer d'herbages envahit quarante-cinq millions d'hectares.
Et l'on ne sait par où commencer cette visite, parce que l'étonnement et l'admiration défaillent à chaque compartiment. Au premier plan, les machines agricoles, superbes et imposantes, font une ceinture à un assortiment éclectique de spécimens de gros gibier: l'élan, le buffle, le caribou, le loup de prairie, tous ces nomades qui ont dû fuir et abandonner la place à la civilisation.
A gauche, l'agriculture trône en reine incontestée. Toutes les herbes fourragères du Canada sont là, massées en bataillons drus et compacts; des échantillons de blé, de seigle, de fèves, etc., dorment dans des bocaux, et pour fond de tableau, seize peintures d'artistes canadiens reconstituent la vie de la ferme, la genèse du travail d'un producteur dix ans durant, tandis que des panneaux surchargés de statistiques, épinglés de renseignements, criblés de notes explicatives édifient une sorte de panorama éloquent et de plaidoyer vivant sur la beauté du climat et la fertilité du sol.
Plus loin, au centre, on arrive aux minerais. Ils s'étalent là dans toute leur gloire, ils accaparent l'attention et la curiosité, se dressent en pyramide de nickel ou de plombagine, de cuivre, d'asbeste ou de phosphate, se campent en échantillons de corindon qui dispute au diamant le record de la dureté, d'aluminium dont le Canada est riche à ne savoir presque qu'en faire, d'argent, de cobalt dont il a des approvisionnements considérables.
Et voici un pavillon construit en pierres aurifères, quartz, chaléopyrite, sodalite, qui sert de temple à un coffre renfermant 250.000 francs de pépites et de lingots d'or. Cet ensemble exerce sur le passant une fascination particulière, excite une attention respectueuse. On ne saura jamais combien ce vil métal, tant décrié par les poètes, fait rêver de gens!
N'avons-nous pas dit que le Canada a des pêcheries et des forêts dont la renommée est proverbiale? Lacs, fleuves, rivières regorgent de poissons à la chair délectable; forêts ténébreuses et colossales s'enorgueillissent de 123 essences différentes, dont s'étale ici le tableau édifiant.
Et les fruits? L'étage leur sert de domaine, d'empire plutôt. Ces fruits canadiens sont presque irréels. On les dirait pétris dans une belle cire et enluminés par la science d'un retoucheur. Il y a là soixante-quinze variétés de pommes dont la robe a des douceurs de soie et des pâleurs rosées, vraies merveilles qu'on croirait saccager en enfonçant dans leurs quartiers un couteau meurtrier.
Et tout du long de la galerie, gelées et confitures de toutes sortes sont rangées en lignes imposantes et originales.
Si le coup d'oeil d'ensemble est d'aspect séduisant par la coquetterie, sereine par le but, tout le détail est ravissant par le goût qu'on a déployé, exquis par la minutie et le souci qui ont présidé à leur installation.
Il n'y a pas lieu de s'étonner que le Pavillon du Canada ait suscité tant d'éloges et trouvé dans le public aussi chaleureux accueil.
Il était difficile de faire mieux, plus démonstratif, plus méthodique, pour prouver que le Canada a le droit de revendiquer la première place parmi les 48 colonies de l'Empire britannique et qu'il la doit autant à la belle vaillance et à la valeur morale d'un peuple laborieux et agissant qu'à la formidable richesse que la nature s'est plu à accumuler dans ses territoires comme si elle avait voulu en faire une perle du Pacifique.
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LA CHINE

Commissaire général: Son Excellence M. YANG TSAO-YUN, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de Sa Majesté l'Empereur de Chine auprès de Sa Majesté le Roi des Belges.
Président ex-officio: Sir Robert HART, Baronnet, Directeur général des Douanes et des Postes impériales de Chine.
Commissaire délégué: M. J. A. VAN AALST, Directeur des Douanes et des Postes impériales de Chine.
Adjoints au Commissaire général: M. SHEN SOEU-LING, Secrétaire de la Légation impériale de Chine, à Bruxelles;
M. SHU KIA SIAN, Secrétaire Interprète de la Légation impériale de Chine, à Bruxelles;
M. LIOU SY TCHANG, Secrétaire Interprète de la Légation impériale de Chine, à Bruxelles.
Secrétaire du Commissariat: M. D. PERCEBOIS, du Service des Douanes impériales chinoises.
Elle groupait 97 exposants et a obtenu 100 récompenses, dont 29 grands prix, 10 diplômes d'honneur et 13 médailles d'or.
Le fait que la Section chinoise constituait une participation officielle, la marquait d'un relief particulier. La Chine avait bien pris part à d'autres Expositions belges antérieures, mais ces manifestations, dues à des entreprises privées, ne nous avaient donné qu'une Chine d'opéra-comique, celle que chacun connaît pour avoir bu de son thé, acheté de ses porcelaines ou de ses soies, les unes ou les autres plus ou moins authentiques.
Il est très compréhensible que les relations importantes qui, grâce à l'initiative de notre Roi, se sont créées entre notre pays et le Céleste-Empire, ainsi que la présence parmi nous, en qualité d'étudiants, de Chinois de haut rang et les places de hauts fonctionnaires occupées là-bas par des Belges y aient puissamment aidé.
Assurément, ce n'est point par la visite, même scrupuleuse, d'une installation de 700 mètres carrés, que le visiteur verra se dévoiler les secrets d'un Empire possédant plus de 400 millions d'habitants et une histoire de cinquante siècles.
Un coin du voile cependant a été soulevé; on nous a montré une Chine industrieuse et productive; on nous a fait voir sa civilisation vieille et sage, les ressources de son industrie, de son commerce et de ses arts.
Dans la plupart des dix-huit provinces de la Chine propre, une ou plusieurs villes, en outre de celles stipulées par les traités, sont ouvertes au commerce étranger. Dans chacune d'elles fonctionne un bureau des Douanes Impériales, placé sous la direction d'un Commissaire étranger, qui peut être en même temps directeur des Postes, des Phares, des Octrois ou titulaire de quelque autre fonction officielle. La direction générale des Douanes, établie à Pékin, a été confiée par le Gouvernement Impérial, à Sir Robert Hart, baronnet d'Angleterre, Mandarin du plus haut degré, honoré par l'Empereur de Chine du titre éminent de Gardien de l'Héritier Présomptif du Trône Impérial et anobli rétrospectivement de trois générations. Par ordre de Sir Robert Hart, président ex-officio de toutes les sections chinoises aux Expositions étrangères, les directeurs des Douanes des divers ports de la Chine, avaient rassemblé des collections de tout ce que leurs districts respectifs pouvaient offrir d'intéressant; des Vice-Rois avaient spontanément offert de précieuses collections d'objets d'art et de curiosité; des négociants et des particuliers y avaient joint des articles se rapportant à leur commerce. Telle était la provenance des précieux objets qui furent exposés à Liège. Sa Majesté l'Empereur de Chine avait nommé, pour le représenter, en qualité de Commissaire général à l'Exposition de 1905, son Ministre à Bruxelles, Son Excellence M. Yang Tsao Yun, Mandarin du plus haut degré, Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire auprès de S. M. le Roi des Belges, ayant comme adjoints MM. Shen Soeu Ling, secrétaire de la Légation Impériale de Chine à Bruxelles, Shu Kia Sian et Lion Sy Tchang, tous deux secrétaires interprètes à la dite Légation.
Un Commissaire délégué avait été adjoint à Son Excellence le Ministre de Chine.
C'était un Belge, M. van Aalst, directeur des Douanes Impériales, Mandarin du troisième rang, portant le double dragon du deuxième degré. Ce fut lui qui s'occupa spécialement de l'installation et de la direction des sections. Enfin, le Secrétariat du Commissariat avait été confié à M. D. Percebois, du Service des Douanes Impériales chinoises.
La splendide participation de la Chine à l'Exposition de Liège se divisait en deux parties: l'une, surtout documentaire, occupant une partie des halls d'amont, l'autre attractive et commerciale s'érigeant au jardin d'Acclimatation, sur la butte de l'ancienne Cage aux Ours, et s'étendant jusqu'au lac voisin.
LA SECTION CHINOISE DES HALLS
Le plan de la merveilleuse section chinoise des halls, conçu et élaboré par M. van Aalst, avait été exécuté de la manière la plus heureuse par M. Meringuet, architecte-conseil du Commissariat et ses entrepreneurs: MM. Clerfeuille et Derussy.
Avec ses toits relevés en arêtes, son fouillis de dragons sculptes dans le bois, les embriquements de tuiles jaunes de son pavillon central, la section chinoise constituait un décor approprié et riche aux trésors artistiques que recélaient ses vitrines.
Comprise entre l'Allemagne, l'Amérique et le japon, la section occupait une superficie de construction de 700 mètres carrés. L'entrée principale se trouvait en face du japon. Elle consistait en un pailow ou arc de triomphe à trois baies, sa partie supérieure richement ciselée et ornée portait un écusson, couvert de caractères indéchiffrables pour nous et qui signifiaient: « Empire de Chine ».
On se trouvait alors sur une sorte de place publique entourée de pailows, réductions de deux places célèbres de Pékin nommées: Place des quatre portiques.
L'un de ceux-ci représentait l'ancienne entrée du Ministère des Affaires étrangères à Pékin, le Tsoungli Yamen.
Comme là-bas la même inscription cordiale s'y lisait: « Waï Ti Fou », Que les relations entre la Chine et l'Etranger soient paisibles et heureuses.
Ce portique donnait accès à un Yamen, c'est-à-dire à la résidence d'un fonctionnaire de haut rang. C'était d'abord une première cour d'entrée à droite et à gauche de bâtiments, ceux-ci réservés au bureau du Commissariat, en Chine, de bureaux et de logements pour les divers employés et subordonnés du mandarin. Une nouvelle porte donnait ensuite accès à la cour intérieure, résidence propre du mandarin. Devant se dressait un superbe pavillon, entouré d'une terrasse en simili-marbre. Ses vitraux finement découpés en forme d'arabesques, ses toits aux arêtes embriquées de tuiles jaunes d'or faisaient de ce pavillon un véritable bijou exotique, dont on eut volontiers possédé une réduction, destinée à orner quelque appartement. Un large escalier conduisait à la pièce centrale du pavillon, élevé d'un mètre au-dessus du niveau de la cour. Un double toit le recouvrait; le premier carré représentait la Terre que les anciens Chinois croyaient de cette forme, le second, de forme ronde, simulait le firmament reposant sur la terre. Copie réduite d'un temple de Pékin, ce pavillon, luxueusement meublé de sièges recouverts de soie aux dossiers originalement découpés, servait de salon de réception pour le Ministre.
Un autre pailow de la place des quatre portiques permettait de se rendre dans la rue chinoise où l'on trouvait une succession de cases dont les devantures en bois découpé étaient peintes et ornées de dessins divers, copiés dans des documents authentiques. Chaque case donnait asile à une vitrine chinoise et à une collection particulière du Gouvernement.
La grande rue chinoise se continuait par une rue plus petite où se trouvaient des boutiques aménagées pour recevoir divers négociants chinois. On arrivait enfin à une double porte en forme de lune par où l'on sortait de la section et entrait en Allemagne.
La participation de la Chine à l'Exposition de Liège pouvait se synthétiser en cette devise, écrite en caractères K'aï, sur une paire de banderoles: Dans une Exposition où toutes les choses rares sont rassemblées, le génie de l'artisan appelle l'admiration des visiteurs.
C'est en effet dans l'effort individuel, dans le génie et la patience de l'artisan chinois que réside la vie intime du Céleste Empire. Les oeuvres d'art, les soies tissées, les porcelaines sont l'oeuvre d'un homme travaillant en particulier dans sa maison. La méthode a ses avantages et ses désavantages. Travaillant seul et en toute liberté, l'artisan chinois apporte à l'oeuvre conçue toute la libre efflorescence de son génie propre, un amour du bien et du beau qui ne se rencontrent pas chez nos ouvriers qui ne sont souvent que des machines perfectionnées par une longue habitude, mais ignorantes du résultat final. Par contre, ces divisions du travail réduisent considérablement le temps employé à la fabrication.
Quoiqu'il en soit, la méthode chinoise serait impossible parmi nous; elle est là-bas aisée, un artisan chinois a une rémunération journalière de six sous.
L'individu, mis dans cette obligation de travailler seul et sans maître, cherchera surtout à produire une oeuvre qui mettra en valeur son ingéniosité, sa patience, le caractère qui peut le différencier de son voisin et lui faire acquérir sur lui une suprématie. De là, la multiplicité des oeuvres d'art en Chine.
Dans la section chinoise à Liège, elles foisonnaient. C'étaient surtout les porcelaines, les statuettes en grès sculpté, les figures en bois sculpté et doré, etc.
Toutes ces oeuvres revêtaient un caractère d'utilisation pratique; la chose ressort trop clairement des vases et des récipients en porcelaine ou en cloisonné pour que nous les fassions apparaître; quant aux statuettes, aquarelles sur banderoles de soie, il est à remarquer qu'elles ont toutes un caractère religieux. La valeur décorative que nous leur accordons, très réelle du reste, n'en est qu'une adaptation européenne et non une assimilation intime de gouts.
Parmi les figurines exposées à Liège, trois sont surtout populaires en Chine. Elles représentent « Kwan Ti », le dieu de la Guerre, dont la grande influence est propice au bien de la nation, « Tsao Chun Kong », l'ange tutélaire du foyer, et enfin « Fou Té Yeh », le seigneur de l'heureuse vertu, c'està-dire du bonheur selon Boudha et les désirs terrestres.
Quelques_unes des oeuvres d'art exposées à Liège avaient un grand caractère d'ancienneté ou de rareté.
Son Excellence M. Yang Tsao Yun, le Ministre de Chine, avait confié aux vitrines de la section chinoise plusieurs objets précieux de sa collection particulière. On y relevait un vase antique, en bronze, ayant servi à contenir l'eau ou le vin dans les cérémonies religieuses et datant de la dynastie des Tchow qui régnait sur la Chine septentrionale depuis l'an 1122 jusqu'à l'an 225 avant Jésus-Christ.
La collection la plus riche et la plus précieuse avait été envoyée par le Gouvernement provincial du Houpeh. C'étaient des vases à fleurs en jade, en malachite, en porcelaine, des presse-papier ou autres objets dans les mêmes matières ou en ambre, presque tous datant du temps des Huns, dont le règne, qui commença 206 ans avant notre ère, fut l'époque la plus brillante pour l'activité intellectuelle de la Chine. A cette époque, la grande muraille longue de plus de mille lieues, construite en grosses briques d'une solidité remarquable, existait déjà depuis 25 ans. L'art de faire des briques est donc très ancien en Chine.
Parmi les multiples objets précieux, on notait encore un vase ancien en porcelaine, en cinq couleurs sur fond noir, semé de chrysanthèmes, de mains de Boudha, de pêches et fleurs de pêcher, de feuilles de bambou, etc., fait pendant le règne de l'Empereur Kangsi (1622 à 1723). Un spécimen du même genre, mais fêlé, avait été vendu à Pékin, en 1900, pour 25.000 francs. Exemplaire unique au monde, d'une perfection idéale, le vase exposé à Liège était d'un prix inestimable.
Différents documents, envoyés par des directeurs de douanes, initiaient encore l'Européen à diverses manifestations intimes de la race chinoise. Au hasard, signalons les costumes spéciaux portés par les lettrés, une machine à calculer et une boussole chinoise dont l'aiguille marque le sud, à l'encontre des nôtres où l'aiguille est dirigée vers le nord, indices d'une civilisation antique, les modèles de maisons ordinaires et de magasins, les brouettes remplaçant nos voitures, des modèles de jonques de guerre, d'octroi, de bateaux. Parmi ceux-ci, signalons en raison de la curiosité qu'il a pu susciter, le modèle d'un « bateau de fleuve », au tonnage variant ordinairement de 50 à 150 tonnes, et garni intérieurement de meubles en bois noir, coussins en satin, ainsi que d'autres ornements.
En dehors de ces oeuvres d'art et de ces objets de musée, une multitude d'échantillons de produits du sol, les uns miniers, les autres agricoles, indiquaient tout au moins, dans le Céleste-Empire, un réel développement commercial.
En première ligne, venait naturellement le thé, une des principales ressources de la Chine. Indépendamment du thé exporté dans nos pays, le Chinois pauvre emploie, pour son usage personnel, des tablettes et des briques de thé, formées des poussières agglutinées des précieuses feuilles, tamisées pour donner le thé de première qualité. Au point de vue de l'importance commerciale, la culture du ver à soie peut être mise en parallèle. Celle-ci remonte à l'an 750 avant Jésus-Christ, la production de la soie est si considérable que même le Chinois pauvre peut se vêtir du précieux tissu.
Signalons encore la culture des perles artificielles, la fabrication des parfums dont le musc, le suif, et parmi les produits agricoles, notons le maïs, le chanvre, le ricin, les féverolles, le tabac, dont il est fait un très grand usage en prises, l'anis, le riz, les multiples industries du vêtement et des tissus, les cuirs, les peaux et les fourrures et, enfin, les mines de houille, de fer, de plomb, d'étain, de cuivre, de zinc, de mercure, d'arsenic, d'or en alluvions exploitées par des sociétés européennes, dont quelques-unes, notamment, sont belges.
Telle était la participation de la Chine à l'Exposition de Liège. Une multitude de documents initiaient à sa civilisation antique, à ses moeurs, à son caractère, quand ils s'étaient manifestés dans quelque oeuvre créée. A côté de cette Chine atavique, la Chine nouvelle se révélait par les nombreux produits de son sol, utilisé selon les méthodes européennes. C'était l'indication du premier pas de la civilisation dans ce pays immense qui reste encore le mystérieux Céleste-Empire.
LE VILLAGE CHINOIS
L'appel fait aux directeurs des douanes des villes chinoises, ouvertes au commerce étranger, avait rencontré un tel empressement que le Commissariat de Chine à Liège avait vu s'accumuler sur le plancher des halls une quantité d'objets à exposer qui n'auraient pu trouver place dans la section.
Aussi, l'honorable Commissaire-délégué, M. Van Aalst, saisit-il avec plaisir l'occasion qui lui fut offerte de reprendre à M. G. Rutten, un espace de terrain, de 2.000 mètres carrés, lui concédé au Parc de l'Acclimatation.
L'emplacement convenait parfaitement à sa destination nouvelle. Certains objets de Chine parqués dans les halls, ne s'y mettraient en relief que par leur valeur documentaire, leur valeur de musée si on veut, tandis que là-bas, parmi les arbres et près d'un lac, les objets, outre leur valeur individuelle, constitueraient par leur groupement harmonique un merveilleux décor, susceptible de mettre en relief la beauté particulière de l'architecture extrême-orientale.
La pagode de 25 mètres de hauteur, érigée sur la colline de l'ancienne Cage aux Ours, attirait les regards. Avec ses multiples toits relevés, le geste puérilement allègre des arêtes portant vers le ciel, leur air un peu tordu, un peu contorsionné, elle était bien un élément représentatif de l'architecture de Chine, autant qu'une manifestation spontanée d'un sol dont elle révélait l'âme.
La construction de cette pagode et des divers bâtiments du village chinois avait été réalisée par M. Davreux-Collard, de Namur, secondé, pour la partie artistique, par son distingué concitoyen, M. Courtin.
Quant à l'ameublement lui-même, il était rigoureusement authentique. De grandes vitrines contenant des Boudas, des porcelaines, des ivoires, venaient directement de Chine et étaient elles-mêmes sujets d'exposition. Rien ne pourrait donner une idée du fouillis contorsionné de monstres sculptés aux angles, à même le bois, un bois savoureux d'une belle couleur brune de vieux chêne. Parmi les objets exposés dans ces vitrines, les Boudas méritaient une attention spéciale, il en était surtout un très grand, en cuivre, qui constituait une réelle oeuvre d'art, ayant une certaine parenté avec certaines toiles de primitifs. Dans l'attitude connue du corps affaissé sur les talons, nus jusqu'au ventre, ces Boudas baissaient les yeux et semblaient rêver doucement. Un sourire vague de contentement, de béatitude, de songerie, excessivement douce et lointaine, errait sur leurs figures frustes. A les contempler pendant un certain temps, on commençait à les craindre, tant on les sentait loin de nous. En eux, résidait la Chine secrète et non cette Chine qu'on nous montrait, la seule susceptible de se manifester dans une Exposition, au reste. Ces vitrines qui se groupaient autour de la pagode chinoise, faisaient face à un café chinois, édifié sur la pente de la butte. On y servait le thé. Lors de l'inauguration du Village Chinois, nous y entendîmes un orchestre composé de quelques musiciens extrème-orientaux. Ceux-ci pinçaient leurs instruments assez semblables à nos guitares et lui faisaient rendre un son aigre, un peu cuivré, mystérieusement sauvage. Ce décor musical mettait en vraie valeur les Boudas énigmatiques des vitrines et donnait une valeur plus péremptoire à leurs sourires de rêveries béates.
L'ascension de la pagode chinoise, ascension que nous avons déjà décrite lors de notre promenade-itinéraire à travers l'Exposition entière, valait à elle seule la visite de ce quartier.
Après l'avoir faite, on redescendait la butte et on passait ensuite entre des échoppes sculptées à jour et peinturlurées selon les usages de là-bas. On y vendait du thé, des sculptures sur grès, des porcelaines; enfin, anachronisme inattendu, un superbe pavillon de même style donnait asile à une exhibition cinématographique. La sortir s'effectuait par des pailows qui s'agrémentaient d'un délicieux cadre de verdure et d'eau.
L'impression était superbe, les fonds de feuillage mettaient en relief la valeur décorative des portiques à trois baies, surmontés d'un toit aux arêtes relevées, le tout se répétait dans l'eau du lac proche.
L'impression étreignante du Village Chinois, la sortie par les pailows, le jardin japonais voisinant, donnaient à cette eau calme on ne savait quel charme inattendu d'exotisme, de rêverie figée, ayant une parenté étroite avec l'impassibilité souriante et rêveuse des grands Boudas de cuivre.
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L'ETAT INDEPENDANT DU CONGO

L'ÉTAT INDÉPENDANT DU CONGO
Délégué de l'État Indépendant: M. le Chevalier LE CLEMENT de SAINT-MARCQ, à Bruxelles.
Il groupait 97 exposants qui ont obtenu 109 distinctions, dont 15 grands prix, 19 diplômes d'honneur et 32 médailles d'or.
Après avoir participé de la façon la plus brillante et la plus remarquée aux Expositions d'Anvers 1894 et de Bruxelles 1897, l'Etat Indépendant du Congo semblait avoir décidé de ne plus se manifester dans les World's Fair.
Son abstention fut vivement regrettée à l'Exposition de Paris 1900 où nombre de Belges et d'étrangers constatèrent, avec déception, l'absence de toute participation coloniale belge.
Mais une manifestation aussi haute, aussi importante que celle de l'Exposition universelle de Liège, son but élevé, la glorification de trois quarts de siècle d'indépendance et de progrès, ne pouvait se passer d'une démonstration de la « plus grande Belgique » qui vint y affirmer sa marche vers le progrès. Ce Congo, d'ailleurs, n'est-il pas doublement grand parce qu'il est le résultat merveilleux de l'initiative de S. M. le Roi, et qu'il est encore un admirable exemple de ce que peuvent produire les qualités de travail et d'endurance des hommes de notre pays!
Aussi, le Comité Exécutif de notre Exposition employa-t-il tous ses efforts pour assurer l'érection d'un pavillon du Congo dans la grande World's Fair. M. Paul Van Hoegaerden, vice-président du Comité Exécutif, spécialement chargé de la mise à exécution du projet, y travailla avec un infatigable dévouement.
Secondé par M. Jacques Desoer, un des secrétaires généraux adjoints du Comité et par les divers services de l'Etat Indépendant, il eut la satisfaction de pouvoir assurer l'organisation d'une très intéressante section coloniale belge. Celle-ci mit en un lumineux relief l'oeuvre si hautement humanitaire de S. M. le Roi et montra le gigantesque travail accompli dans ce pays sauvage, encore ignoré et inabordable, il y a trente ans. Travaux d'assainissement de tous genres, institutions de lois sages, répression des féroces coutumes des nègres, tout ce qui, en un mot, constitue le bienfait de la civilisation, fut introduit et répandu sur cet immense territoire.
Avant d'entrer dans des détails concernant le pavillon lui-même, détails qui, présentés de cette façon, n'auraient qu'une valeur de reportage, il nous paraît nécessaire de donner d'abord quelques notes sur l'Etat Indépendant, afin de montrer les efforts énormes qui furent dépensés pour faire d'une contrée inhabitée et sauvage, la colonie florissante que cet Etat constitue à l'heure actuelle.
APERÇU HISTORIQUE
Il y a trente ans, le Congo dont on ne connaissait que la partie voisine de l'embouchure du fleuve du même nom, était une vaste contrée peuplée de sauvages, couverte de forêts impénétrables, domaine d'une faune abondante et féroce; ça et là, des rivières, de grands fleuves impétueux encombrés d'obstacles, marquaient encore l'abandon d'un pays au seul caprice de la végétation et de sa destinée naturelle.
L'état constant de guerre régnait entre les peuplades qui l'habitaient; de tribu à tribu et même de village à village, c'étaient des luttes continuelles avec leurs conséquences les plus terribles: meurtre, rapt, pillage, violence, cannibalisme; vie de perpétuelle alarme ou de défensive constante qui permettait à peine la chasse, la pêche, la cueillette de quelques fruits, la construction de huttes rudimentaires, l'entretien de quelques cultures hâtives.
Dans le village lui-même, la situation n'était pas moins horrible: le droit du plus fort constituait toute la justice et il n'était pas jusqu'aux fêtes qui ne présentassent comme principal attrait, la seule satisfaction de passions grossières et sauvages nées de la férocité instinctive de races non civilisées.
Les habitants humains, féroces comme les animaux de la brousse, rebelles à l'instinct universel de sociabilité, n'avaient d'autre préoccupation que de faire prévaloir sur les faibles le droit de la force brutale.
Cependant, la richesse entrevue de cette contrée, la possibilité d'y créer des débouchés pour nos produits nationaux avait attiré l'attention de Léopold II qui, après tous les progrès réalisés depuis 1830, rêvait pour la Belgique d'une expansion plus grande vers des pays nouveaux. C'était là une idée grandiose que S. M. avait déjà exprimée en 1861, dans un ouvrage intitulé: Le complément de l'oeuvre de 1830.
En 1876, il avait réuni à Bruxelles, de son initiative propre, une conférence géographique à laquelle il fit connaître ses vues. Il exposa un programme de pénétration en Afrique et demanda que l'on mit à l'étude les questions suivantes:
1) Désignation précise des bases d'opération à acquérir sur la Côte de Zanzibar et à l'embouchure du Congo.
2) Désignation des routes à ouvrir et des stations hospitalières à créer.
3) Création d'un Comité international central et de Comités nationaux pour poursuivre l'exécution de l'oeuvre une fois bien définie.
Le 14 septembre 1876 fut constituée l'Association internationale africaine dont le Roi des Belges fut proclamé Président sur la proposition de Sir Bartle Frère, et qui adopta comme drapeau le pavillon bleu orné d'une étoile d'or. Peu après se constituait le Comité national belge de cette institution internationale.
Sur ces entrefaites, Stanley, parti trois ans auparavant de Zanzibar et ayant traversé l'Afrique et reconnu le cours du Congo, arrivait à Boma et revenait en Europe.
En février 1879, le célèbre explorateur était engagé par le Comité d'Etudes du Haut Congo, fondé trois mois auparavant. Il retournait aussitôt à Zanzibar, y recrutait le personnel nécessaire à une nouvelle expédition et arrivait au mois d'août suivant à Banana. En février 1880, il commençait le long des chutes de la Stanley-Pool, le transport du matériel de l'Expédition du Comité d'Etudes.
De 1881 à 1884, l'explorateur, dont l'énergie et l'activité furent réellement étonnantes, fonda plusieurs stations, entre autres celle de Léopoldville, découvrit un grand lac qu'il nomma Lac Léopold II, et peu après, procédait au lancement sur les eaux du Pool du premier bateau à vapeur, l'En Avant, construit, ainsi que deux autres, par la Société Cockerill, pour ce service spécial.
Déjà une période d'activité se dessinait, le terrain se préparait, et dès 1882, le Comité d'Etudes était remplacé par l'Association internationale du Haut-Congo, dont la souveraineté fut successivement reconnue par le Sénat de Washington, la France et l'Allemagne.
Le 3 novembre 1884, cette dernière puissance, d'accord avec la France, invita les représentants des pays à se réunir à Berlin pour régler, par une entente internationale, la question africaine.
Cette conférence, à laquelle 14 puissances participaient, proclamait d'emblée la liberté absolue du commerce dans le bassin du Congo, et après trois mois de travail, elle aboutit à la rédaction de l'Acte Général de Berlin.
Au nouvel Etat, il manquait encore un souverain. Le 1er août 1885, avec le consentement du Parlement belge, Léopold Il notifie aux puissances la constitution de l'Etat Indépendant du Congo et son avènement à la souveraineté de celui-ci. Immédiatement le nouvel Etat organise son gouvernement central qui comprend, dès ce moment, trois Départements, Affaires étrangères, Finances, Intérieur, ayant leur siège à Bruxelles.
D'importantes mesures politiques et sociales marquent encore l'avènement du Congo au rang de puissance moderne. C'est ainsi que l'Etat Souverain adhère à la convention postale universelle de Paris, crée des bureaux de postes, tandis qu'il met en vigueur, le 10 mars 1886, le décret organisant la justice répressive: Au mois d'août 1887, commence la frappe des pièces de monnaie en argent et en cuivre. Pendant ce temps, de hardis explorateurs pénètrent dans des régions encore vierges de toute trace européenne et ouvrent ainsi la voie à l'élément civilisateur.
Cependant, l'oeuvre essentiellement humanitaire de l'Etat Indépendant se trouvait entravée par des adversaires redoutables, les Arabes, vendeurs d'esclaves, qui trouvaient au Congo un champ à d'amples et lucratives récoltes. Déjà, le 28 août 1886, ils avaient pris la station de Stanley-Pool qui, heureusement, put être réoccupée par les troupes de l'Etat, le 5 juin 1888.
Cet échec n'arrêta pas leurs tentatives néfastes; leurs incursions se multipliaient, les troupes de l'Etat étaient harcelées sans cesse. On ne pouvait songer à les attaquer immédiatement si l'on voulait avoir pour soi quelques chances de plein et entier succès. Il fallait se créer une base solide par l'organisation des deux camps retranchés de Basoko et de Lusambo.
Les Arabes furent enfin battus, les chefs ennemis se soumirent, mais dix-neuf mois furent nécessaires pour mener à bonne fin la campagne de Manyema, pendant laquelle l'Etat eut malheureusement à déplorer la perte de trois chefs intelligents et dévoués, Hodister, Emin Pacha et Ponthier.
Cette victoire donna une nouvelle activité au commerce dans l'Etat: le 30 juillet 1889, la première vente publique d'ivoire eut lieu à Anvers; en mars 1890, commencèrent les travaux de construction du chemin de fer de Matadi, tandis que le Katanga devenait l'objectif de remarquables explorations. Peu à peu, on occupa le Katanga, le bassin de l'Uelle et la partie occidentale de Bahr-El-Ghazal jusqu'au Nil, de Dar-Banda jusqu'aux confins de Darfour et de Kuka, malgré la présence dans la région de Madhistes, vendeurs d'esclaves.
Le 9 janvier 1895 voit s'établir le premier lien de communication moderne et rapide entre la vieille patrie et la grande terre nouvelle; le steamer Léopoldville, récemment lancé, effectue la traversée Anvers-Boma, en dix-sept jours et demi.
Enfin, le 17 février 1897, les troupes de l'Etat, sous le commandement du major Chaltin, mirent le siège devant Kedjof et enlevèrent la place de haute lutte, contribuant à la défaite définitive des Madhistes fanatiques et barbares.
Dés lors, sauf les contretemps provoqués par les révoltes de tribus, l'Etat Indépendant du Congo organise partout l'administration de son territoire. A cet effet, un emprunt est contracté et le succès qui l'accueille marque la confiance de tous dans l'Etat Souverain; des tronçons de lignes de chemins de fer, des voies de navigation, des routes carrossables sont créés; dernier venu des pays participant à l'Economie générale du monde, l'Etat Indépendant du Congo s'annonce comme devant être une des colonies les plus florissantes dont puissent s'enorgueillir les vieux pays.
Fruits d'une succession continue d'efforts et de dévouement, les résultats obtenus sont immenses. De quelque côté qu'on les envisage, ils sont dignes d'une oeuvre dont l'idée créatrice fut hautement humanitaire et dont le but philanthropique rivalise avec la haute pensée patriotique.
Vouloir citer tous les progrès si rapidement accomplis serait impossible, nous risquerions d'en omettre, même de très marquants. Signalons cependant, au point de vue propre à l'élément indigène, l'abolition de l'esclavage, la suppression de la polygamie, la répression du cannibalisme, l'amélioration marquée des conditions de la vie matérielle, la création d'hôpitaux pourvus de tous les progrès, la prohibition de l'alcool.
Au point de vue belge, les résultats ne sont pas moins appréciables. Nos nationaux trouvent au Congo un débouché, sans cesse accru, des produits belges qu'ils échangent contre les produits naturels dont l'indigène ignorait jusque-là la valeur. En même temps, la découverte des hauts plateaux du Katanga prépare aux Belges un terrain de colonisation par le peuplement digne de retenir l'attention, puisque la Belgique est le pays où la densité de la population est la plus grande.
Dans un ordre d'idées plus spécial, faut-il dire encore que si la vitalité d'un peuple est en raison directe de sa capacité d'expansion, l'oeuvre de S. M. le Roi a définitivement poussé les Belges dans cette voie qui est leur avenir. En présence d'un tel fait, n'est-on pas saisi d'admiration pour la largeur de pensée de S. M. Léopold II? Et n'est-on pas amené tout naturellement à dire: OEuvre superbe que celle-là qui unit à son côté utilitaire la plus grande portée morale qu'une entreprise humaine puisse avoir.
LE PAVILLON DU CONGO
Le pavillon du Congo à l'Exposition de Liège rappelait aux visiteurs l'histoire presque entière de l'oeuvre, la lente et pacifique assimilation d'éléments européens à un pays sauvage. Aucun vestige de construction publique indigène de quelque importance n'existant au Congo, il ne fallait pas y chercher un élément représentatif, susceptible d'adaptation plus ou moins stylisée; aussi jugea-t-on préférable de reconstituer à la World's Fair wallonne la résidence du Gouverneur générai du Congo, à Boma. Celle-ci fut toutefois appropriée aux besoins d'une section d'Exposition par M. l'architecte bruxellois Sneyers.
Le glorieux drapeau bleu, étoilé d'or, flottait sur ce pavillon dont l'agréable teinte blanche perçait. à travers le feuillage du parc. Un escalier: conduisait au rez-de-chaussée surélevé; celui-ci s'entourait entièrement d'une grande galerie.
Les esprits qui aiment une chose plutôt pour ce qu'elle évoque que pour ce qu'elle représente étroitement, voyaient en ce pavillon un rappel de la vie coloniale dans les pays torrides; ils se plaisaient à évoquer quelque Européen en casque blanc, étendu sous ces longues galeries, dans la fraîcheur des matins ou l'apaisement des soirs.
Les arbres qui entouraient le pavillon pouvaient remplacer le décor local de baobabs et de palmiers géants; certains beaux jours de notre été pouvaient évoquer le grand soleil de là-bas, et il n'était jusqu'au ciel doucement bleuté, miroitant clairement entre les jours dentelés du feuillage, qui ne put aider à l'illusion.
Deux groupes de nègres, dans des attitudes défensives, ornaient l'entrée et se retrouvaient, sous des manifestations plus pacifiques, dans la première pièce du pavillon, sorte d'antichambre où se synthétisait l'oeuvre coloniale. Des groupes des sculpteurs Rombaux et Jacques Marin, au nombre de quatre, représentaient: le Potier Basoko, le Chasseur Azandi, les Perles Kassai, et la Toilette Sango.
Le panneau du fond se couvrait d'une grande fresque symbolique: L'entrée de la Civilisation an Congo, dans la manière de Puvis de Chavannes, du Bruxellois Ciamberlani. Ça et là, sous de claires vitrines, les statuettes en ivoire ou les orfèvreries sur ivoire jetaient la note élégante d'un art décoratif d'une somptuosité délicate.
Nous avons particulièrement conservé le souvenir d'un magnifique coffret en ivoire, oeuvre de l'orfèvre Wolfers, de Bruxelles.
Le vieil argent des serrures et des plaques s'harmonisait à merveille avec la blancheur laiteuse de l'ivoire. Ce spécimen précieux et unique était acquis par le Musée de l'Etat.
L'ivoire tenta encore d'autres sculpteurs, et pour cause, certains reflets de cette matière précieuse donnent, plus que le marbre, l'idée de la chair elle-même, dans ce qu'elle a de tendre et de lumineux.
Une simple énumération des spécimens exposés dans le pavillon nous est imposée. C'étaient saint Michel (ivoire, bronze, pierres, émaux), de Ch. Samuel, Coquetterie, (ivoire et onyx), et l'Inspiration (ivoire et onyx) du même; l'Etoile du Soir, de P. Braecke; Rêverie, de Rousseau; Psyché, Jeune Bacchuss; l'Offrande, Vase à Fleurs; Avant le Bain, de Van Bemden; l'Ange du Foyer, de Lagae; Captive, de Herain; Eva et Merita, de J. Marin, enfin, Pandore (ivoire et bijoux) de J. de Rudder.
La seconde salle du pavillon, à laquelle on accédait par des baies pratiquées dans le panneau du fond, renfermait la plupart des produits à l'usage du commerce d'importation et d'exportation au Congo.
Les articles importés, quelle qu'en puisse être la banalité, avaient leur signification spéciale: ils disaient le besoin de l'Européen au Congo et marquaient l'utilité des produits auxquels nous ne prêtons dans nos pays qu'une importance très secondaire. Il était curieux, par exemple, de voir des clous, de vulgaires clous, prendre une place importante dans ce Musée.
Les produits d'alimentation et leur mode de conservation y occupaient aussi une grande place; la liste, quelque suggestive qu'elle puisse être, serait interminable et deviendrait fastidieuse. Il est cependant intéressant de noter dans cet ordre de choses, le sel, soit pour la consommation, soit pour l'agriculture, les thés, le lait, le chocolat, le jambon, les légumes en conserves: asperges, petits pois, haricots, céleris, épinards, jets de houblon; enfin les gibiers en pâtés, diverses viandes, les poissons, les fruits et les confitures.
A côté des vitrines occupées par ces produits comestibles, d'autres offraient à notre observation les vêtements susceptibles de s'adapter au climat du pays: toiles légères et résistantes, pour la plupart blanches, afin de ne pas absorber les rayons solaires. Venaient ensuite des casques coloniaux, des bâches imperméables destinées à constituer un abri temporaire dans le cas de quelque intempérie surprenant le voyageur dans un lieu éloigné, enfin des pièces de hanarchement pour chevaux.
A côté de l'élément civil et colon, représenté encore par des malles-lits, des valises, des chaussures résistantes, on trouvait l'élément militaire, évoqué par les mêmes vêtements légers couverts de quelques galons ou dorures qui seuls en marquaient la destination.
Des perles orientales, des miroirs à cadre de cuivre poli, des rocailles, divers objets de fantaisie genre bazar, donnaient indirectement un indice amusant du caractère enfantin des nègres.
La parfumerie qui se trouvait représentée par des savons de toilette, des eaux et poudres diverses marquaient déjà une européanisation plus avancée; des allumettes chimiques faisaient penser à l'étonnement des nègres devant ces tisons diaboliques.
Après ces divers hors-d'oeuvre - bien peu y rangeront la pipe dont on voyait ici des spécimens respectables - nous retrouvons l'utile: les canifs, les couteaux de table, les coutelas avec gaine et courroie, les rasoirs, enfin, une amusante olla-podrida d'articles de ménage où la quincaillerie dominait.
L'industrie métallurgique voisinait et nous montrait surtout des clous, de précieux clous sous diverses formes et différentes grandeurs; celle-ci comprenait encore la tréfilerie, des outils de serrurerie, des batteries de cuisine en émail, cuivre, nickel, aluminium, des outils pour les chemins de fer, le Génie civil et militaire.
L'éclairage qui devait surtout se subordonner aux ressources locales, était représenté par des spécimens de lampes, lanternes, suspensions à l'huile de palme; quelques-unes cependant étaient au pétrole.
Voici les parapluies: dans un pays de soleil et de grandes averses, ils sont d'un très grand usage et les nègres en sont particulièrement friands. Ceux-ci le considèrent comme un objet de marque, et qu'il pleuve ou que le soleil luise, ils le portent sous le bras comme un vade-mecum de grande distinction.
Quand nous aurons cité encore du crin animal frisé pour meubles et literies, diverses huiles destinées à différents usages, des câbles et des cordes en chanvre et en acier, une spécialité de la ville de Termonde, nous aurons passé brièvement en revue les différentes catégories de produits d'importation exposés.
Dans la même salle, l'exportation dont nous avions déjà vu, sous une forme artistique ou brute, un des principaux éléments, se détaillait encore par divers types de caoutchouc à des états divers, des graines de kola, de cacao, de café, du tabac, de la vanille, enfin par différents échantillons de minerais et des spécimens d'une rare beauté de bois pour ébénisterie de luxe. En paquets, sur des étals, des morceaux de lianes nouées, brutes, intriguaient le visiteur; c'était du caoutchouc.
C'est dans la grande forêt centrale où l'enchevêtrement serré des lianes, oppose à l'homme la barrière naturelle la plus infranchissable, que se trouvent la plupart des plantes à caoutchouc de la région congolaise.
Le caoutchouc congolais est produit par différentes lianes, divers arbres et même par des plantes herbacées dont la partie aérienne atteint au maximum une cinquantaine de centimètres de hauteur. C'est souvent loin des yeux du blanc, que l'indigène récolte le caoutchouc brut, tantôt par incisions pratiquées dans la tige, et par lesquelles s'écoule un suc laiteux qu'il coagule, soit par la chaleur, soit par l'action de sucs végétaux variés, tantôt, comme c'est le cas pour le caoutchouc des herbes, par battage de la partie souterraine de la plante ou rhizome. Il obtient ainsi une masse jaunâtre, rougeâtre ou noirâtre; c'est le caoutchouc brut, tel qu'il arrive à Anvers.
Mais la réglementation de la récolte de ce riche produit a permis à l'indigène de coaguler le latex par des moyens plus sus et plus rapides et bien que la récolte de caoutchouc soit encore susceptible d'améliorations qui du reste ne manqueront pas de se produire, l'Etat Indépendant du Congo est actuellement le plus grand producteur de gomme élastique, tandis que le port d'Anvers devient l'un des plus importants marchés caoutchoutiers du monde.
Un double escalier conduisait à l'étage; quatre missions, celles de Stanley Falls, de la Compagnie de Desirs, des Frères Rédemptoristes et l'OEuvre des Vieux Timbres, avaient éparpillé sur les murs de la cage de l'escalier des photographies intéressantes: fétiches, sociétés de musique congolaises, types divers d'indigènes, vues du Congo, indigènes récoltant du vin de palme, oiseaux, animaux, etc.
La salle du premier étage était grande, claire, lumineuse; au fond, entre deux baies par lesquelles on accédait à une galerie extérieure, un panneau s'ornait d'une grande fresque décorative.
Les murs s'agrémentaient d'une décoration appropriée et amusante. C'étaient des panoplies d'armes indigènes, des tams-tams, des objets en osier tressé; ça et là de belles photographies aidaient à l'évocation vivante déjà suscitée par des documents en nature, tandis qu'une grande carte murale, à l'échelle de 1/1.000.000, attirait l'examen et le repérage des documents en nature aux lieux dont ils étaient originaires.
Des tablettes entourant la salle à environ un mètre du plancher, supportaient les documents en nature de diverses sociétés coloniales.
La Société des Chemins de fer du Grand Lac africain s'y trouvait représentée par des réductions de locomotives et de wagons; des réductions encore, amusantes de petitesse et de précision, représentaient les bateaux à vapeur, soit à voyageurs, soit à marchandises, qui sillonnent actuellement les grands fleuves navigables. Une collection remarquable de bois indigènes y était encore exposée.
Une carte en relief occupait le centre de la salle; par son ampleur, sa valeur documentaire, concordant avec les découvertes les plus récentes, elle constituait l'élément le plus instructif du pavillon.
Cette carte, qui occupait plus de 100 mètres carrés, avait été dressée par l'institut cartographique de Bruxelles. Le cours du Congo s'y suivait avec la plus grande facilité, son sillon profond s'alimentait des innombrables veines de ses affluents: le Sukenie, le Kasaï, le Kouango, le Sonori, le Maringo, l'Uelle et combien d'autres; des dépressions bleutées désignaient les lacs, des éminences, les montagnes. On ne pouvait lire cette carte sans avoir un juste sentiment d'admiration pour les civilisateurs. Sans eux, elle n'aurait pu se produire; elle représentait la conquête et les difficultés qui l'entravèrent.
L'élément civilisateur y apparaissait clairement et n'était pas moins curieux à observer; les lignes télégraphiques étaient simulées par de petits poteaux, ils partaient de Boma, atteignant Matadi, remontaient le Congo jusqu'à l'embouchure du Busipa; une seconde ligne reliait la rive du Tanganika aux Portes d'Enfer; de petites locomotives marquaient les points de départ et d'arrivée des différentes lignes de chemin de fer; on les suivait de Boma-Matadi à Léopoldville, de Stanleyville à Ponthierville, de Bulé à Sendive, là où le fleuve n'est pas navigable.
Partout de petits drapeaux tricolores, piqués à même la carte, indiquaient les différents postes et les stations.
Par un retour naturel de la pensée, après avoir ainsi parcouru le pavillon tout entier, le visiteur accordait un hommage d'admiration et de reconnaissance à l'oeuvre humanitaire, dont un Roi très actif, accessible aux idées les plus hautes et les plus clairvoyantes, avait pris l'initiative.
Il avait pu voir par les différents objets exposés dans le pavillon, les vestiges de la sauvagerie qui, peu à peu, recule devant la civilisation; sur le passage de celle-ci, il trouvait un pays renouvelé, assaini, sillonné de lignes télégraphiques, de chemins de fer, de fleuves navigables parcourus par de grands bateaux à vapeur.
Il voyait déjà, dans un avenir plus ou moins proche, notre pays débordé par une surproduction intense et par une population enserrée dans des frontières d'un développement minime. Mais la colonie était là pour recevoir tous ceux dont l'énergie individuelle se noyait dans la masse; elle leur livrait son territoire immense, son sol riche et non encore pressuré de toutes les manières. Et là-bas se fondait une seconde Belgique qui livrait à l'ancienne les précieuses matières premières; l'ancienne, à son tour, lui en renvoyait une partie, transformée diversement.
C'était là le côté utilitaire, accompagnant l'idée philanthropique de l'oeuvre, qui n'en pouvait paraître que plus grande. C'est, du reste, le propre des entreprises élevées, d'avoir à côté de leur but essentiel, une foule d'heureuses conséquences qui, bien que d'un autre ordre, n'en sont pas moins la suite naturelle.
Le peuple belge, depuis son avènement à la liberté, avait prouvé ses rares qualités d'énergie, sa faculté à suivre le progrès et à en tirer le plus grand parti possible. Le Roi avait voulu que le peuple belge fut ainsi le véhicule de la civilisation dans une contrée que l'on surnommait « La terre des ténèbres ». En même temps, la religion la plus douce, la plus consolante remplaçait peu à peu l'idolâtrie aux rites féroces, aux exigences sanguinaires.
L'histoire perpétuera le nom de Léopold Il comme celui d'un prince aux larges conceptions, aux idées élevées, et lui fera peut-être de l'oeuvre congolaise l'un de ses plus beaux titres de gloire.
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LA REPUBLIQUE DOMINICAINE

Commissaire général: M. PENSO, Consul de la République Dominicaine, à Bruxelles;
Secrétaire, M. PETERS d'ELHOUGNE;
Secrétaire-adjoint, M. Adolphe VERMEULEN.
Elle comportait 75 exposants. Elle a obtenu 67 récompenses, dont 4 diplômes d'honneur et 20 médailles d'or.
Tout au fond de la Section internationale, son exposition se dissimule un peu à l'écart comme par une sorte de coquetterie volontaire. Bien curieuse, bien gentille est la petite exposition d'une nation qui vient de loin, mais qui tient à montrer que dans la chaîne de ses montagnes aussi bien que dans ses plaines luxuriantes vit et travaille un peuple libre et actif, intelligent et brave.
Christophe Colomb la découvrit en 1492 et les Espagnols, en 1495, bâtirent San Domingue, qui peut revendiquer la gloire d'être la première ville européenne née en Amérique. L'histoire de cette république est tourmentée et orageuse, car elle connut les heures de gloire et de détresse. Domptée par la domination étrangère, elle en subit toutes les amertumes, mais se barricada dans un patriotisme ardent jusqu'au jour où elle tailla en pièces l'expédition que Bonaparte, premier consul, lança contre elle pour la contraindre à l'obéissance et où elle baptisa sa liberté dans le sang de ses enfants et proclama son indépendance sur les corps de ses héros.
Dans l'archipel des Antilles, son pavillon flotte superbement sur 53.344 kilomètres carrés.
Le stand est surtout remarquable par une multiplicité d'échantillons de bois dont la seule nomenclature constitue un catalogue forestier: grenadier, mûrier, cèdre, acajou de rose, palissandre, chêne, mora capa, mancenillier et tous ces jolis bois des îles aux noms exotiques dont l'ébénisterie locale tire si grand profit.
Les Haciendas nous ont expédié leurs florissantes plantations: les cafés de Saint-Domingue qui tiennent à justifier leur réputation, les cacaos dont la culture se généralise fort, les sucres qui font vivre plus de cent usines, les tabacs qui croissent avec une facilité si prodigieuse qu'on en fait deux récoltes par an.
Si la République dominicaine est essentiellement agricole, l'industrie minière nous montre qu'elle participe énergiquement à la prospérité du pays et elle aligne devant nous des sables aurifères, des blocs de sel gemme, de minerais de cuivre, de fer, tandis que la savonnerie et la cordonnerie s'efforcent de nous prouver qu'elles peuvent toutes deux rivaliser avec celles de l'Europe.
Les diverses Chambres de Commerce et les particuliers qui ont eu la louable initiative de nous apporter cette exposition charmante, intéressante et instructive, ont réussi au-delà de toute espérance.
Si la République dominicaine a voulu montrer à la petite Belgique que les petites nations sont capables de grandes énergies et de hautes visées, nous aurions mauvaise grâce à nous plaindre, puisqu'elle nous a permis de retrouver en elle ces qualités et ces vertus qui font notre mérite comme elles sont le sien.
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LES ETATS UNIS

Commissaires généraux: M. GORE, professeur à l'Université de Washington; M. LEWIS S. WARE.
Directeur de la Section: M. Jean VERHAEGEN.
Ils avaient réuni 211 exposants. Ils ont obtenu 174 récompenses, dont 20 grands prix, 18 diplômes d'honneur, 52 médailles d'or.
Il y a deux âmes de peuple qui s'opposent le plus par la violence de leurs contrastes, l'antithèse flagrante de leurs divergences, la personnalité accusée de leurs caractères, et qui pourtant gardent dans leurs tréfonds la même foi orgueilleuse, la même exaltation de vanité, la même confiance en soi.
C'est l'âme japonaise, compliquée, hermétique, impénétrable, inexplicable, c'est l'âme américaine, nette, tranchante, expéditive et franche.
La psychologie de celle-ci est facilement accessible et M. Roosevelt l'a analysée et mise à nu dans un discours prononcé au Hamilton-Club à Chicago, le 10 avril 1899, sur « la vie intense ». Nous admirons l'homme qui incarne l'effort victorieux, l'homme qui ne fait jamais de tort à son prochain, qui a les qualités viriles nécessaires pour l'emporter dans la sévère lutte de la vie actuelle.
Il est dur d'échouer, mais il est pire de n'avoir jamais essayé de réussir. Dans cette vie nous n'arrivons à rien que par l'effort. Etre affranchi de l'effort dans le présent signifie simplement qu'il y a eu de l'effort amassé dans le passé.
Un homme ne peut être affranchi de la nécessité de travailler que par le seul fait que lui ou ses pères ont travaillé avant lui avec fruit. Si la liberté ainsi acquise est bien employée et si l'homme fait encore un travail actuel, quoique d'espèce différente, il montre qu'il mérite sa bonne fortune. Mais s'il traite cette période où il est affranchi de la nécessité du labeur actuel comme une période non de préparation, mais de simple jouissance, il montre qu'il est simplement un encombrement à la surface de la terre et il se rend sûrement incapable de tenir sa place parmi ses camarades, si le besoin de faire ainsi surgissait de nouveau. Une simple vie d'aise n'est pas à la fin une vie vraiment satisfaisante et, par dessus tout, c'est une vie qui, finalement, rend ceux qui la mènent incapables d'un travail sérieux dans le monde.
Comme sur une table de dissection, l'âme américaine étale ses modèles et ses motifs, ses désirs et ses raisons, ses volontés et ses espérances, telle nous la voyons encore dans « La démocratie triomphante » de M. Carnegie.
Ici, nous la retrouvons à peine, il faut la chercher, courir après, l'exhumer presque de dessous les envois qui, à défaut d'être américains, pourraient être anglais. C'est une question de jeux d'étiquettes.
Elle se blottit au fond des halls, masquée par un fouillis d'étalages. C'est le musée organisé par « l'American Institut of social service » où sont accumulés les faits, les expériences de l'amélioration sociale, où sont enregistrées les lois du travail. Centre d'investigations et de recherches, distributeur des résultats obtenus.
Beaucoup ont passé à côté de cette alvéole, la soupçonnant un peu, l'ignorant peut-être, sans se douter que la vie économique et sociale des Etats-Unis était là, enfermée dans ces armoires qui s'entrebaillent rarement, dans ces casiers qui s'entr'ouvrent à peine. Il y a là des notes, des tableaux, des panneaux, des photographies, qui constituent le bilan formidable d'une nation qui puise dans l'initiative particulière de ses citoyens les éléments d'un développement moral et matériel incomparable. Les fabriques américaines mettent leur point d'honneur à travailler au relèvement de la classe ouvrière, elles fondent des salles de plaisir, des locaux de réunion, des salles de bains, créent des cours de tous genres, améliorent considérablement tout ce qui apporte un peu de confort, de joie, de salubrité et de sécurité dans la vie, s'efforçant d'élever l'homme au-dessus de sa condition en lui apprenant à se gouverner et à se perfectionner. La fabrique de produits alimentaires de Heinze, de Pittsburg, l'établissement de la « National Cash Register Company », et tant d'autres donnent de bienfaisantes leçons à la vieille Europe.
Les sectes religieuses qui sont là-bas libres et indépendantes, dégagées de toute influence d'Etat, coopèrent de toutes leurs forces à ce mouvement. Elles essaiment sur l'étendue du territoire américain la variété de leurs institutions pratiques, appelant vers elles la multitude des croyants parce qu'elles se savent condamnées à la mort si elles ne parviennent pas à retenir leurs fidèles dans l'armature d'une protection efficace faite de toutes les oeuvres de charité et de droit qui assurent, défendent, adoucissent la vie humaine, misérable épave que le malheur et la douleur ballottent et déchiquètent.
L'avons-nous assez bafouée, ridiculisée, chansonnée, cette Armée du Salut qui débarqua un beau jour en Europe, poursuivant sa mission de prosélytisme? Nous sommes-nous assez cruellement moqués de ces pauvres filles qui, sacrifiant leur jeunesse, déambulaient par les rues, engoncées dans une robe bleue sans luxe, ni même de coquetterie, une mesquine pèlerine jetée sur les épaules, la tête emprisonnée dans ce chapeau de paille dont les ailes se rabattent sur la figure et assujetti par un cordon quelconque noué à la diable sous le menton.
Eh bien, l'Armée du Salut livre d'intéressants combats contre la misère. Elle a fondé des orphelinats, des maisons de vieillesse et de secours, des bureaux de placement et des refuges dans 52 villes.
N'est-ce pas que le rire se fige soudain devant cette simple énumération et que l'on se sent puni de quelque remords en songeant à notre cruauté irréfléchie, à notre médisance impudente avec la mauvaise excuse que nous ne savions pas.
Notre âge est sans pitié, eut dit La Fontaine. Et ce trait plus que tout autre nous révèle une Amérique que nous ne connaissons guère, que des passants ou des voyageurs croient posséder, parce qu'ils ont sauté d'un paquebot dans un sleeping et emporté dans leurs souvenirs les vues cinématographiées d'un peuple vibrant, bouillant, trépidant, lancé à corps perdu dans le tourbillon des affaires, fasciné par le gain, hypnotisé par les chiffres et que nous le jugeons uniquement dans les impressions si bien enlevées, soient-elles d'un littérateur comme Paul Bourget qui nous donne « Outre-Mer », d'un reporter comme Jules Huret qui nous rapporte de là-bas son « De New-York à la Nouvelle-Orléans ».
Il ne faut pas la voir dans cet important escadron de machines à compter, à écrire, etc., qui visent à économiser le temps, dans ces bureaux, ces casiers, ces classeurs si intelligemment compris, ces boissons et ces breuvages déconcertants ou s'amalgament tous ces alcools, ces boîtes de conserves qu'elle débite à l'infini, ces lunettes et ces pince-nez dont les marchands exaltent l'excellence, il faut l'aller quérir dans ce musée social où elle se tient silencieuse et vaillante, où elle paye généreusement la redevance humanitaire que sa fortune publique, qui fait pâlir celle des autres nations, doit exclusivement à la constance dans l'énergie, à la virilité dans l'effort, à la témérité dans l'initiative d'une race qui va sans cesse de l'avant, résolument, impérieusement, ruée tout entière à la poursuite d'un but dont sa fière ambition recule toujours la limite.
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LA GRECE

Directeur de la section: M. KNOPF.
Elle comptait 108 exposants. Elle a obtenu 63 récompenses, dont 1 grand prix, 1 diplôme d'honneur, 14 médailles d'or.
Pour visiter la Section grecque, il est inutile de dresser dans notre mémoire les souvenirs qu'une éducation classique a pu y laisser, ni d'évoquer les mânes des illustres guerriers dont les noms emplissaient l'univers.
Ce serait bagage plutôt encombrant et embarrassant.
La Grèce contemporaine a déjà assez de mal de vivre et à faire bonne figure sans qu'on l'humilie à tout propos d'une gloire, défunte depuis des siècles, qui eut ses ensoleillements incomparables et ses splendeurs uniques et dont le rayonnement s'est projeté à travers les temps, pour envelopper de ses lueurs mourantes de déclin la Grèce actuelle, qui ne peut que veiller pieusement au culte d'Achille, d'Hector et d'Hélène, sans songer à les faire revivre.
L'histoire des peuples ne traverse jamais deux fois le même orbe de gloire. Elle ne connaît qu'un jour cette extase indicible faite de toutes les lumières et de toutes les clartés du triomphe, puis l'ombre descend, s'épaissit, la nation quitte le zénith qu'elle avait escaladé, rentre dans le cycle ordinaire dont une autre se détache pour ascensionner à son tour.
Pour juger les hommes d'aujourd'hui, il faut nous délivrer de nos préventions. A travers le prisme de notre imagination et dans le recul de l'histoire, les héros antiques nous apparaissent grandis, démesurés, surhumains.
Nous leur prêtons toutes sortes de vertus qu'ils n'eurent peut-être pas, nous les enrichissons de qualités dont ils ignoraient peut-être l'existence, nous ne les entrevoyons que taillés dans le Paros ou le granit, le front nimbé de lauriers, et non pétris dans la pauvre argile. Si bien que les Grecs d'aujourd'hui en paraissent amoindris, rapetissés, abâtardis, dégénérés presque, alors qu'ils supportent avec une belle vaillance des détresses qui les accablèrent, des revers qui les frappèrent, des désastres qui tes culbutèrent.
Il ne faut voir en cette exposition qu'un catalogue de produits: tabacs et cigarettes, huiles d'olives, savons et huiles, broderies et chaussures, chapeaux et cuirs tannés, parfums, tapis et vins, et songez que ce ne sont là que des éléments disparates d'une activité agricole et industrielle qui, sans allure prétentieuse, va doucettement son petit bonhomme de chemin.
La viticulture y est extrêmement florissante, elle constitue même une source inépuisable de richesses, puisqu'elle donne dans les 400 millions de litres bon an mal an. La Grèce a des carrières de marbre qui ont une réputation universelle, des mines de fer et de magnésie très productives, des huileries et des tanneries qui exportent en grande quantité.
Il y a surtout chez elle un effort sérieux et méritoire à s'élever, à chercher dans les ruines du passé de quoi établir un présent et préparer un avenir. Lourde tâche qui réclame impérieusement toutes les bonnes volontés.
Le passé n'est qu'un linceul si l'on s'y accroche trop désespérément, c'est l'avenir qu'il faut regarder hardiment et résolument.
C'est vers ce port d'espérance que la Grèce doit appareiller ses voiles.
Là est le salut, là est la vie!
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LA HOLLANDE

Commissaire général: M. le sénateur J.-E. SCHOLTEN;
Secrétaire général: M. G. P. BAKKER, Consul de Belgique à Groningue;
Commissaire délégué: M. le Jonkheer W. G. de GEER.
Comité d'honneur:
M. O.-W.-G. BRIEGLEB, membre de la Chambre de Commerce, Amsterdam.
M. J.-T. CREMER, ancien Ministre des Colonies, La Haye.
M. S.-P. van EEGHEN, président de la Chambre de Commerce, Amsterdam.
M. F-B. S' JACOB, bourgmestre à Rotterdam.
M. Johon LAAN, industriel, à Wormerveer.
M. P.-U.-A. TYDEMAN van LEDE en OUDEWAARD, docteur en droit, à Tiel.
M. H.-C. REHBOCK, membre de la Chambre de Commerce, Amsterdam.
Comité Exécutif:
Président: M. J.-E. SCHOLTEN, sénateur, à Groningue.
Vice-Président: M. E. JONKEER, industriel, à Amsterdam.
Secrétaire-Trésorier: M. G.-P. BAKKER, Consul de Belgique, à Groningue.
Elle comptait 113 exposants. Elle a obtenu 110 récompenses, dont 9 grands prix, 14 diplômes d'honneur, 19 médailles d'or.
On le retrouve un peu partout ce sourire confiant et calme de la jeune souveraine en qui la Hollande a mis tous ses espoirs et ses aspirations. Les portraits d'elle, accrochés ça et là, ou enfermés dans des cadres somptueux, les bustes qui mettent dans le bariolage de la section leur tache claire et frissonnante sont d'époques diverses, mais le sourire reste éternellement le même, ni figé, ni stéréotypé, gardant son infinie douceur et sa radieuse jeunesse, le sourire d'une femme qui se sent entourée d'une solide affection qui monte du coeur même de la race, sourire d'une souveraine dont la pensée vit en communion avec celle de ses sujets.
Il semble qu'il plane sur la section, flotte de ce vieux cabaret des Pays-Bas, tout imprégné d'archaïsme où le vieux Batave tire philosophiquement de savoureuses bouffées de sa longue pipe en dégustant béatement, en fin connaisseur, l'eau de vie qui scintille en son verre, à cette frégate, pointant ses 70 canons, merveilleuse reproduction en argent délicatement ouvragé du dernier vaisseau que commanda au XVIIe siècle, l'amiral de Ruyter, qui rêvait de conquérir pour sa belle Hollande la suprématie de la mer.
Ce vieux Batave et ce vaisseau sont les deux personnifications de ce peuple pétri des plus nobles traditions de fermeté et de bravoure, fidèle jusqu'à l'héroïsme, qui ne se reprend plus quand il s'est donné et dont la vie se tourne sans cesse vers cette Mer du Nord qui lui sert de frontière naturelle et qu'il aime de ce même amour violent et farouche qui emporta jadis les ancêtres vers de lointaines colonies que la mère-patrie considère comme ses filles.
La Hollande n'est pas franchement industrielle, elle est maritime, agricole. L'industrie s'y est implantée par la force même des choses, surtout parce qu'il fallait mettre en valeur les innombrables produits rapportés des colonies et tirer profit des richesses naturelles du pays; elle est plutôt un accident de nature que la manifestation d'un besoin réel et d'une nécessité économique.
Elle est seyante à ravir cette exposition, si pimpante, si coquette. La minutie et la propreté hollandaise si réputées en sont les grandes ordonnatrices.
La collectivité de la « Chambre frisonne » ressuscite avec un goût parfait une chambre de cette contrée de Prise dont les habitudes et les moeurs se gardent religieusement à travers les vicissitudes des temps et de la mode.
Chef-d'oeuvre de mobilier rustique, fouillé au canif avec quel amour! Vieux lustres aux formes si archaïquement jolies! Cuivres martelés, repoussés, qu'on dirait de l'or bruni et, dans une vitrine, bijoux d'or et d'argent dont l'exécution est un modèle et qui sont là comme des reliques aux mains des belles Frisonnes qui aiment à se parer comme des châsses quand les jours de fête épandent leur gaîté sur la nappe féconde de la plaine frisonne.
Et voici les faïences à l'imitation de Delft dont le bleu rayonne sur l'émail clair. C'est du moderne, du contemporain que des usines proches de nos frontières livrent chaque jour au commerce. Services de table, vases, colonnades, tout ce que le caprice ou le talent d'artistes crée en porcelaine, étale devant vous la délicatesse de ses pâtes et la finesse de sa décoration. Les potiers d'aujourd'hui valent bien ceux d'hier et les Hollandais progressent toujours dans cet art de la céramique où ils sont des ancêtres, témoins ces panneaux de céramique décorative qui évoquent coins et types de la vie hollandaise.
Majoliques et céramiques de Maastricht décorent superbement le stand et donnent cette impression que les collectionneurs ont peut-être tort de pourchasser de si vieilles choses, quand il leur serait si facile de laisser leur admiration en arrêt devant les majoliques et les céramiques modernes qui font très bravement la nique à leurs aînées et ne redoutent certes aucune comparaison désavantageuse. La Hollande est maritime, disions-nous, quoi de plus naturel que ses colonies exposent la diversité de leurs produits. Les grosses maisons de Hollande étalent à l'envi café, chocolat, sucre, sagou, riz, céréales, tabacs, girofles, muscades, de tous grains, de tous poils, de toutes qualités, de toutes senteurs et de toutes provenances. C'est, en définitive, la richesse exotique du pays. Les fabriques de Schiedam tiennent haut le drapeau de leur vieille réputation et d'autres maisons s'enorgueillissent à juste titre du millésime de leur création. Les beurres de Prise et les fromages rappellent l'excellence de l'agriculture de ce pays; des modèles de dragueurs puissants, disent la technique des ingénieurs hollandais. Il y a aussi des instruments de précision d'une sensibilité remarquable, des instruments de musique provenant d'une fabrique qui se classe parmi les premières du monde, de l'orfèvrerie qui ne manque ni de goût ni de cachet. N'oublions pas un coffre-fort gigantesque, au mécanisme particulièrement ingénieux, quelque chose comme un grand cuirassé dans la flotte des coffres-forts et qui prouve que si le Hollandais est tenace, travailleur, économe, il tient à mettre ses économies à l'abri des pinces-monseigneurs.
Et sur ce charmant assemblage de curiosités, de produits, le sourire de la Reine erre sans cesse et semble dire au passant: « Tu n'as ici que des aperçus solides et sommaires de la vie et de l'intelligence d'un petit peuple, mais son loyalisme et sa probité sont proverbiaux et l'histoire te dira combien est ardent son amour de la liberté et profond le culte de son pays ».
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LA HONGRIE

Commissaire général: M. Andor SAXLEHNER, Consul de Belgique, à Budapest.
Secrétaire du Comité: M. DEMETER KOPERLY;
Directeur chargé de l'installation: M. Edmond FARAGO;
Président: M. Joseph SZTERENYI, Conseiller ministériel.
Elle réunissait 103 exposants. Elle a obtenu 52 récompenses, dont 8 grands prix, 4 diplômes d'honneur, 15 médailles d'or.
Elle est peut-être trop lapidaire et sommaire cette définition d'un voyageur résumant ses impressions par cette petite phrase simpliste: « De belles femmes, de beaux chevaux, du bon vin et de la musique tzigane, voilà la Hongrie ».
Il y a trois sourires de la vie là-dedans et on se contenterait à moins.
Mais la Hongrie a une littérature passionnée, véhémente, qui chante magnifiquement la gloire et les revers de la patrie, les transports et les navrements du coeur; des hommes politiques en qui s'incarnent le chevaleresque et l'honneur de la nation; un patriotisme ardent, fougueux, intransigeant, qui est son orgueil national et qui lui a fait toujours tenir tête haute quand les invasions balayaient le pays de leurs rafales sanglantes.
Indomptés ils furent, indomptables ils demeurent dans la fierté et le fanatisme de leur liberté.
« Quand ce nom de Hongrie frappe mon oreille, disait Henri Heine, mon gilet de flanelle allemande me devient trop étroit; c'est comme si une mer s'agitait en lui et je crois entendre le son des clairons. Dans mon coeur résonnent de nouveau les exploits légendaires oubliés depuis si longtemps, le chant bardé de fer des vieux âges, le chant de la ruine des Niebelungens.
C'est le même labeur héroïque, ce sont les mêmes histoires de héros; les hommes sont les mêmes, seulement les noms ont changé.
Il faut les remercier d'avoir apporté leur appoint à notre Exposition et d'avoir érigé pour nous une section particulière qui, pour n'être pas consacrée par la protection officielle, est d'une disposition avenante et intéressante.
A côté de l'exposition de l'Union de Viticulteurs qui dresse une collection de ces crus au bouquet si réputé, les eaux minérales naturelles hongroises qui sont légion, affichent leurs étiquettes diverses et croisent leurs noms multiples: Agnes, Csizi, Malnas, Salvator, Huyandi-Janos, etc.
L'industrie céramique a des vases à reflets métalliques gracieux, des formes coquettes, variées, charmantes et dont l'étalage est un arc-en-ciel. Le rouge, le bleu, le vert se mêlent, se fondent, se succèdent sans transition, sans heurt, tamisant, dégradant leurs lumières dans une sorte de mystère.
Beaucoup de broderies. La Hongroise l'aime comme un peu d'elle-même. Il semble qu'il y ait de son âme légère, gracieuse, fantasque dans l'arabesque qui court et se contorsionne décrivant des courbes, emprisonnant des dessins. Et son goût naturel, sa science innée amalgament les couleurs avec une virtuosité surprenante.
II y a aussi des céramiques, des vitraux, des mosaïques, des maroquineries et des velours flambés, des lustres et du mobilier qui décèlent une jolie note d'art appliqué à l'industrie et au commerce et qui est comme la patine esthétique dont le Hongrois se plaît à décorer le pratique et l'utilitaire.
C'est ainsi que le caractère d'un peuple perce malgré tout en saupoudrant ses produits d'un impalpable vernis qui tombe à son insu de son tempérament même.
L'exposition de la Hongrie porte en soi sa caractéristique de grâce et d'élégance qui contraste singulièrement avec le compartiment de la Suède qui lui fait vis-à-vis et dont l'austérité et la sévérité lui sert d'opposition.
C'est bien l'exposition d'une race fine, nerveuse, amoureuse des arts, fervente de l'agriculture et de l'élevage et dont le tempérament est un rare alliage de chevaleresque et de pratique, d'héroïsme et de probité, de culte dans la tradition et de volonté dans le progrès.
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L'ITALIE

Président d'honneur: S. E. le Comte Bottin LONGARE, Ministre plénipotentiaire, envoyé extraordinaire d'Italie à Bruxelles;
Vice-Président d'honneur: M. GILLON, Consul d'Italie à Liège.
Commissaire général: M. Alexandre UTTINI;
Secrétaire: M. Joseph DARCHE;
Secrétaire-adjoint: M. le baron Adrien FORGEUR.
Délégué aux Beaux-Arts: M. Saverio SORTINI;
Elle a obtenu 110 récompenses, dont 16 grands prix, 28 diplômes d'honneur, 39 médailles d'or.
L'Italie est l'hôtellerie artistique que l'Europe aime à visiter, s'y attardant volontiers, ne s'en détachant qu'à regret. Ce n'est pas l'hôtel américain d'un modernisme aigu, dont les huit étages escaladent le ciel, dont les ascenseurs grimpent et descendent avec leur chargement humain, aux halls vastes et sonores où s'engouffrent des convois de voyageurs - caravansérails de gens auxquels la flânerie est interdite et la musardise refusée.
C'est l'hôtellerie du passé douce et paisible que la lumière du ciel baigne voluptueusement, qui s'éveille gaîment dans la clarté du soleil répandant sur elle l'or attendri de ses rayons, qui s'endort dans la splendeur des crépuscules ouatés d'ombre légère et de grâce défaillante, dont les fenêtres regardent un passé qui ne meurt pas et les portes ouvrent sur des voies où passent la beauté des femmes et la joliesse des enfants.
Terre bénie que les poètes ont chantée en strophes divines, que les peintres et les sculpteurs de tous les temps et de toutes les époques ont habitée pour l'interroger et surprendre les secrets de sa munificence, que les musiciens de tous les génies ont célébrée en hymnes fervents, dont les amoureux ont rêvé et rêvent encore, lui demandant d'abriter leurs premières amours et de sceller leurs premiers baisers.
« Bella Italia », chantent les barcarolles. Oh! Oui, belle Italie légendaire et classique tabernacle du Beau, devant lequel les générations ont ployé le genou dans une indicible communion d'admiration, somptueux jardin d'Art dont les peuples suivent les allées dans le recueillement pieux et passionné du culte du Beau.
C'est ce caractère qui frappe d'emblée dans la section italienne où le marbre tressaille, frissonne, parle, vit. Florence a vidé ses magasins pour nous envoyer toute une légion de gladiateurs et de centurions, un peuple d'enfants et de femmes, une théorie de nymphes et de vierges issus de ces marbres d'Emilie et surtout de Carrare - ces marbres qui semblent irréels tant ils sont merveilleux d'une blancheur immatérielle, immaculée, faits de sourires et de larmes, de caresses et de tendresses, un poème de cette symphonie en blanc majeur qu'exalte Théophile Gautier dans ses Emaux et Camées:
« Les grandes figures de l'antiquité ressuscitent dans la splendeur du marbre, les grands hommes que vénèrent l'Italie revivent en effigie, les héros qu'elle admire forment une cohorte d'une sereine majesté, tandis que le ciseau du sculpteur fouille l'albâtre en une princière orgie d'imagination et de caprices qui tire de la mièvrerie, de la mignardise, des lignes infiniment élégantes, des contours gracieusement harmonieux.
Des grincheux reprochent à l'Italie de traîner dans les expositions universelles ces sempiternelles imitations et reproductions et s'encolèrent de voir des serpents de pancartes avec la mention « Vendu » s'enroulant presque à tous les socles et les piédestaux.
Critique singulière! Un peuple expose ce par quoi il est vraiment lui-même, ce qui porte un reflet de sa race et l'empreinte de sa personnalité. On en trouvera l'explication dans ce que dit M. Alfred Fouillé, dans une brève étude: Traits psychologiques du caractère italien. Ce n'est pas sans vérité que les Italiens d'aujourd'hui s'attribuent d'eux-mêmes comme trait le plus commun peut-être le goût de l'art, le sentiment du Beau dans ses manifestations, surtout dans les manifestations visibles et diverses.
Un tel sentiment se diversifie avec les diverses régions de l'Italie, mais il est toujours celui qui a, avec plus d'intensité que d'autres, unit entre eux les italiens. L'âme du peuple italien pourrait se définir une manière comme de sentir le Beau. Ce que notre peuple a de spiritualité, il le doit uniquement au sentiment artistique ».
Le goût classique renouvelé a plus d'une fois rapproché les Italiens dans un même sentiment national. C'est qu'en Italie le sentiment du Beau plus que tous les autres a un vrai et propre office social.
A tort, nous reportons un peu sur les sculpteurs italiens de nos expositions, le grief dont nous accablons le marchand ambulant qui, à l'angle des rues, des ponts, débite pour quelques sous des moulages dont les éditions innombrables assiègent les petits logis et les humbles demeures.
Ne soyons pas trop sévères pour cette pacotille qui a remplacé avantageusement la hideur de nos anciennes terres-cuites affreusement modelées et sachons admirer la finesse, l'originalité, l'ingénuosité de l'art italien qui sait descendre à la compréhension des foules sans rien sacrifier à la noblesse de la ligne, à la sveltesse de la forme.
Les Italiens sont maîtres aussi dans les céramiques, les majoliques, les mosaïques. Ils en font des chefs-d'oeuvre de coloration intense et subtile, et leur technique savante s'assouplit et se discipline à cette patience inlassable qui fut la qualité dominante de ces Bénédictins qui passaient leur existence courbés sur l'enluminure des missels gothiques.
Venise nous offre de ces mosaïques monumentales; elle triomphe dans ces glaces dont la renommée a franchi les siècles, dans ces lustres de cristal d'une délicatesse sans égale d'où les fleurs vont délacer leur gaine transparente, dresser leurs corolles, épanouir leurs pétales en un enchantement de lumières que décochent les facettes des cristaux, dans ces cuirs repoussés et dorés, assujettis en reliure, en coffrets ou retombant en lourdes portières et qui défient leurs rivaux de Cordoue.
Puis c'est Naples avec la blondeur de ses écailles et le poli de ses coraux qui se dégradent imperceptiblement en une gamme fondante de nuances du rouge au rose tendre, avec ses mandolines où dorment ses chansons d'amour dont la plainte douce et sentimentale s'égrènera par les beaux soirs d'un ciel criblé d'étoiles. Puis c'est la Vénitie, c'est la Ligurie avec leurs terres-cuites métallisées, aux ombres épaisses, aux couleurs crues et brûlantes comme si elles étaient cuites au four d'enfer ou détachées de la lave incandescente qui coule des hauts-fourneaux. Puis encore c'est Côme avec ses soieries de prix; c'est Milan aux fabriques d'armes à feu, qui ne valent pas les nôtres et ses fabriques de meubles artistiques qui ne sont pas sans cachet.
Des marbres rares, jaunes comme des topazes brûlées ou verts comme des émeraudes, des dentelles au point ravissant, des galeries de cadres dorés d'un dessin charmant, des camées de toute beauté, et, encore des vases, des vasques, des statues, des bustes, des amours qui palpitent, des deuils qui se penchent, des grâces qui s'alanguissent, des bouches qui fleurissent, des regards qui sourient ou se mouillent, voilà l'appoint d'art considérable, distingué et original de cette Italie artiste toutefois, qui fut la mère de la Renaissance, tandis que l'Italie industrielle d'aujourd'hui étale modestement ses échantillons de fibres textiles de Stibium et de revêtement de la Compagnie Villa, contre les déprédations des fleuves et des torrents.
Au fur et à mesure que l'on prend possession de son exposition qui a 1.800 mètres carrés, on aime davantage ce peuple qui, suivant l'appréciation d'un diplomate, a été une de ces nations qui se sont levées pour protester contre la fatalité des dominations illégitimes, pour conquérir la liberté, l'indépendance et qui, plus que toute autre, a été heureuse, a réussi! L'Italie a vécu par la puissance des revendications du droit, par le déchaînement victorieux du sentiment national, par la dextérité de sa politique audacieuse et souple reprenant et repoussant plus loin l'oeuvre des armes.
Et tout ce que l'on en voit, tout ce que l'on en apprend dans ces stands établit notre jugement conforme à la conclusion de M. A. Fouillé que nous citions tantôt, quand il dit à juste titre que l'Italien moderne a su traverser toutes les crises sans jamais désespérer de sa patrie, a subi toutes les servitudes en gardant l'amour de la liberté.
Il est arrivé à ses fins qui étaient de nobles fins, il s'est relevé de toutes ses chutes, il a eu assez d'intelligence et de volonté persévérante pour se mettre au niveau de l'Europe moderne, pour s'instruire de toutes les idées scientifiques, pour s'enrichir de tous les procédés industriels. Il a développé toutes les qualités qui, d'une nation naguère abaissée et partiellement asservie, devaient refaire une grande nation.
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LE JAPON

Commissaires du Gouvernement: MM. MINORA OKA, Délégué du Gouvernenient Impérial Japonais; HALOT, A., Consul impérial du Japon, à Bruxelles; TOYOSAUKE HADA, Conseiller du Gouvernement, en mission.
Président d'honneur: S. E. M. TSUNETADA KATO, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire.
Commissaires de l'Association: MM. KAHEI OTANI, Président; TAICHE TAKESAWA; le Baron CHAZAL.
Secrétaires: MM. MORINOFU HIRATA; YOSHIO TAKANOSSE; RIKIA KOBAYASHI.
Il réunissait 330 exposants, a remporté 296 distinctions, dont 44 grands prix, 32 diplômes d'honneur et 103 médailles d'or.
L'Exposition de la Section japonaise a été l'un des principaux succès de la World's Fair liégeoise.
La beauté exceptionnelle des produits exposés, leur originalité, leur mérite artistique ont d'emblée conquis les suffrages des visiteurs. Pour quelques-uns, cette exposition a été une véritable révélation; chez tous elle a provoqué un sentiment d'admiration voisin de l'étonnement; M. le Ministre de l'Industrie et du Travail ne l'a-t-il pas qualifiée de « miracle »?
Cette stupéfaction dont s'est nuancé l'enthousiasme du public a son explication naturelle. Aujourd'hui, il est vrai, le japon nous est à peu près connu et, alors même que les victoires de Tsushima et de Port-Arthur n'auraient pas affirmé au monde sa puissance, les vingt-sept expositions internationales auxquelles il a pris part depuis 1873 suffiraient à établir la supériorité du peuple japonais dans les domaines infiniment variés de l'industrie et de l'art Mais cette réputation n'a pas encore pénétré dans tous les milieux occidentaux: il ne faut pas oublier, en effet, que, jusqu'en 1868, l'Empire du Soleil Levant, fermé avec un soin jaloux, était demeuré, pour les Européens, le pays par excellence de l'inconnu et du mystère. Son industrie, sa littérature, on ne les soupçonnait même pas; au point de vue artistique, on ne connaissait les japonais que par quelques produits d'exportation, fabriqués spécialement pour l'Europe; on possédait de rares exemplaires de leur art ancien; encore en attribuait-on la paternité à des influences chinoises. En un mot, le japon était, il y a quarante ans, généralement compris dans les pays barbares et, aujourd'hui encore, beaucoup de gens, partant de cette vieille idée fausse, sont étonnés, autant peut-être qu'émerveillés, devant les témoignages tangibles de l'activité nipponne; ils sont trop disposés à voir dans l'esprit d'assimilation le principal, sinon le seul facteur de la soudaine expansion des japonais, et ils ne peuvent encore se persuader que les résultats de cette expansion sont l'aboutissement logique d'une longue et brillante période de formation.
En réalité, le japon est actuellement la nation la plus civilisée de tout l'Extrême-Orient; au point de vue matériel, sa civilisation ne diffère plus guère de la nôtre qu'en ce qu'elle 'est plus vieille.
Elle a traversé des phases analogues. Basée sur la conquête, elle remonte à plus de 600 ans avant Jésus-Christ. Vers cette époque, un prince indigène, Liumou-Tennô, commença l'oeuvre de domination en s'emparant de l'île de Nippon et en refoulant vers le Nord l'antique race des Aïnos; sa dynastie a continué à régner jusqu'à nos jours. La conquête se poursuivit pendant six siècles: ce fut la période de la monarchie absolue. En l'an 33 avant notre ère, Souzin, dixième mikado, ne réussissant pas à venir à bout des Aïnos, divisa le pays en quatre grands commandements militaires, qu'il distribua à ses plus habiles généraux, en les décorant du titre de Shogouns (généralissimes): la féodalité commençait; elle dura jusqu'au milieu du XIXe siècle. La soumission de la Corée (200 ans après Jésus-Christ) marque le début de la belle époque de la civilisation japonaise; grâce au contact avec la Chine, les arts s'introduisent dans l'Empire du Soleil Levant; l'industrie, l'agriculture, l'instruction y progressent; le courage militaire s'y développe de plus en plus. Quelques familles féodales commencent, vers le VIIIe siècle de notre ère, à profiter des services rendus par leurs membres au cours des guerres coréennes pour s'emparer du maniement des affaires: les « maires du palais » entrent en scène et, avec eux, les querelles intestines et les conflits de préséance. Les Shogouns deviennent tout puissants et annihilent l'autorité des mikados, bientôt réduits au rôle de « rois fainéants ».
A la fin du XVIe siècle, la famille Tokugawa s'empare du pouvoir; pendant plus de 250 ans, elle détient seule le Shogounat. En 1867, l'empereur Komeï étant mort, Moutson-Hito lui succède et décide de reprendre le pouvoir. Une révolution éclate. Les princes prennent parti pour le nouvel empereur et mettent leurs troupes à sa disposition; la famille Tokugawa est vaincue, le Shogoun contraint d'abdiquer, l'empire restauré. 1868 ouvre l'ère des grandes réformes; à partir de cette époque, le japon marche à pas de géants dans la voie moderne de la civilisation. Des traités sont conclus par lui avec les puissances étrangères et, pour la première fois, des ports y sont ouverts à l'Europe. Le régime féodal est aboli en 1871; les inventions européennes, chemins de fer, électricité, photographie, sont introduites. Le calendrier grégorien est adopté, des bourses de commerce créées, un code pénal promulgué, l'armée, la marine, l'administration entière complètement réorganisées sur des bases européennes. Pour couronner cette oeuvre, l'empereur donne enfin, le 11 février 1889, une constitution à son peuple.
L'innovation était grande: le japon est le seul pays d'Asie qui ait une constitution; celle-ci est, d'ailleurs, visiblement inspirée des chartes européennes.
La monarchie est héréditaire; le mikado exerce seul le pouvoir exécutif: il partage le pouvoir législatif avec les deux Chambres: la Chambre des pairs et la Chambre des députés. La Chambre des pairs comprend 325 membres, parmi lesquels les princes de sang, de nombreux représentants de la noblesse, des membres nommés à vie par la Couronne, d'autres élus pour sept ans par un corps électoral très restreint; la Chambre des députés se compose de 300 membres âgés au moins de trente ans, élus pour quatre ans par tous les sujets masculins ayant atteint l'âge de vingt-cinq ans et pavant annuellement 15 yens (environ 39 francs) d'impôts.
L'empereur gouverne par l'intermédiaire de ses ministres; la justice est rendue en son nom par la cour suprême, les cours d'appel, les tribunaux locaux et les tribunaux de district; l'empereur a le droit de décréter des ordonnances en dehors du Parlement, d'opposer son veto aux lois, de convoquer les Chambres, de clôturer leurs sessions et de dissoudre la Chambre des députés; de déclarer la guerre, de faire la paix, de conclure des traités. Les sujets japonais ont la liberté de la parole de la presse et des cultes, ainsi que les droits de réunion et d'association, sous certaines réserves. Tous sont astreints au service militaire. L'instruction primaire est obligatoire.
La Constitution a accordé une large autonomie aux pouvoirs locaux. L'Empire est divisé en 43 préfectures ayant chacune un conseil général électif, sorte d'assemblée législative locale, et un collège exécutif. Les villes et les villages sont administrés par des conseils communaux élus, détenant les pouvoirs législatif et exécutif; le maire est élu lui aussi et n'agit qu'en qualité d'organe du conseil communal. Entre les préfectures et les communes se placent les provinces, qui sont au nombre de 541, également pourvues d'assemblées électives.
Esprit d'assimilation! dira-t-on, en comparant ces institutions à celles qui régissent la plupart des nations de la vieille Europe. Mais, n'est-ce pas déjà un trait de génie que d'avoir compris la nécessité des réformes et d'y avoir fait face sans faiblir?
Il fallait que le Japon, sous peine de mourir d'étouffement, développât son industrie, son commerce, se répandît au dehors, s'affirmât comme grande puissance; il lui fallait, pour lutter efficacement sur le marché du monde, s'organiser fortement, prendre exemple sur ses concurrents et greffer sur une civilisation vieillie, les cadres modernes des Etats européens. C'est ce qu'a fait le Japon et on doit l'en louer d'autant plus qu'il ne s'est pas borné à emprunter ailleurs des farines nouvelles: il s'est approprié, dans la mesure nécessaire l'esprit de nos institutions, les a adaptés à ses propres conditions d'existence et a su en faire un usage judicieux: la guerre contre la Russie vient de le démontrer péremptoirement.
D'autre part, le japon, tout en se modernisant, a gardé sa personnalité. Loin de faire fi de son passé, il en glorifie le souvenir et s'en sert pour développer sans cesse, parmi les habitants, l'esprit national. Il a réussi à se maintenir dans des voies originales, et ceci nous ramène à l'Exposition de Liège et aux résultats tangibles de l'activité japonaise.
Dans aucun domaine peut-être, la personnalité des japonais ne se révèle à nous d'une manière aussi intense que dans leur industrie et, plus particulièrement, dans leurs industries d'art. L'Exposition de Liège l'a prouvé, surabondamment, comme aussi elle a mis en relief l'esprit d'organisation et de méthode qui caractérise essentiellement les entreprises des Nippons.
Le japon avait commencé par décliner l'invitation du Gouvernement belge à participer à notre World's Fair: celle-ci lui fut adressée en 1903, alors que le Japon préparait sa brillante exposition de Saint-Louis.
De nouvelles tentatives furent faites, par notre Ministre à Tokyo, M. le baron d'Anethan, et par M. Pierre Bure, notre distingué consul général au Japon; M. le baron Chazal, délégué du Comité Exécutif de l'Exposition, fit, de son côté, des démarches pressantes à la cour du mikado; l'acceptation du japon arriva enfin, en octobre 1904. Six mois restaient pour tout organiser, pour réunir et transporter à une distance énorme des produits de toute nature, et l'on était en pleine guerre russe et des milliers d'artisans se trouvaient sous les drapeaux... Ces graves difficultés n'arrêtèrent pas un instant les commerçants japonais. M. Oka, conseiller au ministère du Commerce et directeur de l'Industrie, prit la présidence du Comité d'exposition. Une association des exposants fut constituée sous la direction de M. Takesawa, les invitations lancées au public.
Les hésitations du début firent bientôt place à un enthousiasme si grand qu'on dut refuser une foule d'adhésions: la Section ne disposait à Liège que d'un espace de 1.800 mètres; c'était trop peu pour placer le tiers de ceux qui offraient leur concours.
Une sélection fut faite, qui assurait une représentation aux diverses régions et aux principales industries du pays; M. Oka se rendit en Belgique et dressa les plans de la section: celle-ci fut ouverte le 29 mai, - plusieurs semaines avant la plupart des autres.
Si l'installation de la Section japonaise a été un prodige de rapidité, l'exposition elle-même a dépassé l'attente générale. Je ne puis songer à relater ici toutes les distinctions qu'à values an japon sa participation, encore moins à rappeler tous les noms des exposants: ceux-ci étaient au nombre de 328; ils ont obtenu 44 grands prix, 32 diplômes d'honneur, 103 médailles d'or.
Sans m'attarder à décrire le cadre de la Section, très heureux dans son extrême sobriété, je passe à un examen rapide des principaux produits exposés. Ceux-ci étaient groupés par centres industriels villes ou provinces, chaque catégorie de produits ayant sa vitrine dans la collectivité régionale dont il faisait partie; le visiteur de la Section pouvait ainsi faire, en quelque sorte, un voyage industriel au Japon et se rendait immédiatement compte de la provenance des objets exposés.
Les japonais s'étaient proposé, d'une part, de faire connaître les produits naturels du pays, de montrer que l'on y trouve du cuivre, du camphre, du charbon, de l'antimoine, de la soie, des bambous, et, d'autre part, de prouver, que, pour l'adresse et le goût, les industriels du japon moderne ne le cèdent en rien à ceux des périodes antérieures.
Parmi les produits industriels proprement dits, il faut citer en première ligne les beaux échantillons de soies brutes, de fils d'or et d'argent, les nattes et les chapeaux en fine paille tressée, les tapis, le thé de Formose, enfin les curieux essais de culture de perles de la maison Mikimoto (Tokyo).
Mais, comme je le disais plus haut, ce sont les industries d'art représentées à Liège qui nous ont permis d'entrevoir le japon d'aujourd'hui, c'est ici qu'apparaissent, dans toute leur force, le traditionalisme des japonais et leur respect d'un glorieux passé.
L'art japonais est resté, dans ses tendances et ses formes générales, ce qu'il était aux premiers siècles de l'ère chrétienne. Moins grandiose et moins noble que l'art grec, moins élevé que l'art ogival, on peut le définir d'un mot en disant qu'il est fait pour le plaisir des yeux.
Tous ses caractères dérivent de là. D'abord, cet art est populaire, parce qu'il est l'image synthétique de la vie et du peuple japonais, parce qu'il est en corrélation intime avec le climat, les aspects, les moeurs, les habitudes du pays, parce que tout en lui est vivant et inspiré de la nature.
Mais, de plus, l'art japonais est aimable et séduisant: profondément réaliste, il est, en même temps, empreint d'une grâce exquise, d'une grâce poussée parfois jusqu'à la mièvrerie.
C'est, avant tout, un art de décor et il n'est point de recherches de formes ou de couleurs, point de raffinements qui lui soient étrangers: tout est ramené à ce but: reproduire la vie, avec son maximum d'intensité expressive, et charmer par l'ordonnance savante de la composition, l'équilibre parfait des lignes, l'harmonie délicate de la coloration.
Pour réaliser cette conception, il ne suffit pas d'avoir des artistes de génie, il faut encore des artisans de premier ordre: à ce point de vue, le japon est servi à merveille. Les ouvriers d'art ne s'y comptent pas; le sens du décor, le goût, l'habileté de mains sont choses innées dans le peuple, et l'on voit de tout jeunes enfants exceller déjà dans la broderie, dans la confection des émaux, dans la fabrication des porcelaines et des somptueux cloisonnés, dans les précieuses ciselures du métal et les incrustations de nacre et d'or.
Ces ouvriers artistes travaillent tantôt sur les dessins des grands maîtres, tantôt au gré de leur propre inspiration; ils se transmettent leur art de génération en génération et restent fidèles aux procédés anciens. Parfois des formules nouvelles sont introduites dans la fabrication et, de ci de là, l'atelier familial a fait place à l'usine, mais c'est à titre exceptionnel; la plupart des grandes firmes, loin de chercher à « européaniser » l'art national, s'attachent à restaurer les méthodes et les formes esthétiques d'autrefois; à ce point de vue, le siècle qui vient de finir a été le témoin d'une véritable résurrection artistique, et l'on 'est en droit de considérer l'art moderne, au japon, comme l'une des plus frappantes manifestations de l'esprit national.
Parmi les objets d'art exposés à Liège, les porcelaines et les cloisonnés attiraient tout d'abord le regard. Beauté du coloris, élégance des formes; tels sont les principaux caractères des célèbres porcelaines Kutani; ce groupe comprenait, au surplus, une assez forte quantité d'objets de second ordre, destinés à l'exportation et médiocrement appréciés, paraît-il, des connaisseurs japonais. A signaler aussi les faïences très décoratives de la maison Rin-Kozan et une série de merveilleux objets en porcelaine Satzuma.
C'est la reine des porcelaines, par la finesse de sa décoration et la richesse des ornements en or buriné qui encadrent ses compositions à personnages; ses fonds d'un bleu profond ont inspiré, il y a trois siècles, la manufacture de Sèvres.
Les cloisonnés japonais ont soulevé l'universelle admiration. La variété en est extrême: tantôt ce sont de fines assiettes, des vases délicats en cloisonné d'or ou d'argent, comme ceux qu'exposent les Maisons Ikéda et Komaï; tantôt ce sont des pièces de grandes dimensions, urnes, vasques, corbeilles, comme celles de la firme Ando.
Remarqué, dans la vitrine Komaï, un plat en bronze incrusté d'or, représentant un Samurai à cheval, qui menace un fuyard de son épée, composition d'un style superbe; chez Ando, quelques pièces rappelant à s'y méprendre les plus beaux produits anciens, et deux vases énormes, d'un galbe remarquablement pur, décorés de chrysanthèmes et d'autres fleurs sur fond bleu vif.
Outre les cloisonnés, l'orfèvrerie proprement dite est représentée par quelques jolis exemplaires de plats, de boutons et de broches en or damasquiné et par de nombreux bibelots en argent martelé ou incrusté. Depuis quelques années, les objets de laque - une autre industrie d'art, éminemment japonaise celle-ci et remontant jusqu'au moyen-âge - sont également incrustés de figures d'or et d'argent en relief.
Quelques meubles curieux, en ébène orné d'argent et de nacre, fauteuils, cabinets, dressoirs; la plupart sont d'aspect assez lourd et dénotent une destination européenne ou américaine. Quelques-uns ont un vague cachet Louis XV, plutôt déplaisant.
Très remarquable, la section des bronzes et des ivoires. Le réalisme des japonais s'est donné ici libre carrière. Le naturel de leurs statues est inimitable. Les bronzes ont généralement grande allure. Les ivoires se distinguent surtout par la grâce et la familiarité charmante des sujets traités: dans ce dernier genre on n'a jamais fait mieux que les délicieuses figures d'enfants et de vieillards de M. Watanabe, et l'on dépasserait difficilement le Paysan au travail, l'Aïno attaqué par un Aigle et la Paysanne égrenant le riz du fondeur en bronze Kaneka Kanejiro. A noter encore quelques beaux spécimens de bronzes exposés par M. Shima Sahei, un magnifique Aigle aux ailes déployées de la firme lamanaka, un Combat singulier de deux Samuraïs de la maison Miyagawa.
J'ai réservé pour la fin de cette trop sommaire revue l'industrie des tissus de soie et de velours et suis tenté de lui donner la palme; aussi bien est-ce, de toutes les industries japonaises représentées à Liège, la plus décorative au vrai sens du mot, la plus véritablement japonaise par conséquent; et c'est également celle que les grands artistes nippons, dessinateurs et coloristes, ont empreinte le plus fortement de leur originalité.
Observation réaliste, de la nature, souveraine élégance, raffinements incroyables dans la recherche des formes et des couleurs, tout l'art japonais est résumé dans ces merveilleux tissus; l'habileté de main de l'artisan y est poussée à un point qu'on n'a pas égalé. Deux procédés sont surtout employés: la broderie de soie au plumetis et le velours épinglé; ce dernier procédé consiste à teindre d'outre en outre une pièce de velours en réservant les contours du dessin; on renouvelle l'opération autant de fois qu'il y a de tons différents à reproduire. La broderie au plumetis est plus vive, plus tranchée, le velours épinglé plus doux et mieux nuancé. Les deux méthodes ont donné des résultats splendides. Trois maisons de Tokyo doivent être mises hors de pair: la firme S. lida Takashimaya, la firme Mishimura Sazaémon et la maison Tanaka Rishichi.
De la première je me bornerai à rappeler un « tableau » en velours épinglé, de quatre mètres de haut, représentant un Vol de hérons sur la mer, composition de belle allure, très douce de coloris, très réaliste d'interprétation.
Chez Tanaka, un énorme Lion au clair de lune, brodé au plumetis, attirait tous les regards: l'animal est placé de face et gravit une roche escarpée, dont on devine la silhouette dans la nuit: la tête et la poitrine se détachent sur un fond noir; dans un coin, à droite, un buisson couleur de sang. De la même maison, plusieurs autres effets de nuit au plumetis, d'une exécution surprenante: un Tigre dans les hautes herbes, une femme à la silhouette à peine estompée, un paravent avec quatre paysages lunaires. Plus loin encore, un autre paravent - des chrysanthèmes jaunes et roses sur fond bleu - et une paire d'admirables rideaux de soie noire également brodés de chrysanthèmes aux tons éclatants.
La maison Mishimura l'emporte toutefois sur ces deux firmes. Son Tigre dans la neige, en velours épinglé, est un chef-d'oeuvre d'observation et de coloris; la peinture la plus réaliste ne donnerait pas plus de relief, et jamais on n'a mieux fait sentir la vie: trois paysages au plumetis - deux cascades et une lisière de forêt inondée - donnent presque l'illusion de la nature; la troisième de ces oeuvres, surtout, est exquise par la finesse de ses tons dégradés.
Que dire enfin des délicates robes d'intérieur - chrysanthèmes d'or sur satin rose, iris jaunes et violets sur soie turquoise, - du magnifique paravent aux paons, des Pigeons sur des branches de cerisier et de ces deux petits tableaux au plumetis: le Faisan et les Trois têtes de chevaux? C'est le dernier mot de l'art décoratif japonais: on ne saurait davantage charmer les regards avec des éléments fidèlement empruntés au monde extérieur.
Je termine par une mention toute spéciale de la maison Kawashima, de Kyoto, et de son Salon des cent fleurs et des cent oiseaux: les quatre tentures murales en soie tissée à la main et le velum brodé au plumetis valent, sous le rapport décoratif, quelques-unes des meilleures productions de ce salon. L'exécution, ici encore, ne laisse rien à désirer. Un détail digne de remarque: la décoration florale des murs comporte cent espèces de fleurs différentes, et les oiseaux plafonnants du velum sont, eux aussi, au nombre de cent. Pour exécuter ce magnifique ensemble, - la salle à laquelle il est destiné ne mesure pas moins de 24 pieds de long, sur 20 de large et 10 de haut, - il a fallu des années d'études et de travail; 4.000 espèces de soies ont été employées.
L'examen qui précède n'a pas la prétention d'être complet. J'ai cherché à établir une seule chose: c'est que les Japonais, au milieu des transformations les plus extraordinaires et les plus brusques qu'un peuple ait jamais eu à subir, ont su garder intacte leur personnalité; j'ai montré ce qu'ils ont fait pour rester eux-mêmes dans le domaine des industries artistiques: ils sont restés fidèles aux traditions de leurs aïeux; ils ont gardé avec un soin jaloux leur ancien art national.
Les résultats qu'ils ont obtenu inspireront peut-être de salutaires réflexions aux novateurs à outrance de notre vieille Europe; ils auront eu pour effet, en tous cas, d'impressionner favorablement les Belges et de favoriser des relations plus étroites entre notre pays et l'Empire du Soleil Levant
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LE LUXEMBOURG

Commissaire général: M. Maurice PESCATORE, directeur des usines de Sept-Fontaines.
Secrétaires: MM. NEUMAN Léon, RUPPERT et GILBERT, ingénieurs.
Il comptait 103 exposants. Il a obtenu 42 récompenses, dont 3 grands prix, 7 diplômes d'honneur et 6 médailles d'or.
Il y a des coins bénis où la nature dans ses caprices et ses fantaisies semble avoir accumulé la munificence de ses dons, entassé la joaillerie de ses beautés, égrené le romantisme de ses sites, sculpté la sauvagerie de ses vallées, ouvragé le pittoresque de ses coteaux, comme si elle s'était complue dans une besogne qui devait lui faire grand honneur.
Nous avons près de nous une Suisse qui vaut presque l'autre - la vraie - et nous ne nous en doutons guère. Elle a des vallées qui s'étirent sur un lit d'émeraudes et dont les flancs ruissellent de vignes, la Moselle, l'Alzette, l'Attert, la Syre, la Sure, dont la grâce et la coquetterie valent bien celles de leurs soeurs helvétiques, et nous courons au loin à la recherche de ce qui est proche de nous, dans un hallali d'impressions neuves et originales. Le Grand-Duché de Luxembourg est trop à notre portée. Ce doit être son seul défaut.
Heureusement, nous commençons à nous corriger et à nous dépouiller de ce sot préjugé. Nous apprenons chaque année à le mieux connaître et à l'aimer davantage.
Et ainsi, par les crochets de nos voyages, nous nous rapprochons d'un peuple dont le coeur bat à l'unisson du nôtre et dont la vie s'écoule, paisible et heureuse; dans l'exiguïté d'un territoire qui semble se pelotonner sur lui-même comme s'il voulait se faire oublier dans la modestie de son cadre et se remparer derrière sa neutralité contre les tempêtes et les crises diplomatiques qui secouent parfois la carte de l'Europe, la bouleversent, bousculant empereurs et nations.
On ne peut demander à un prince le faste et l'apparat d'un roi. Le Luxembourg n'a eu d'autres ambitions que de figurer en place très honorable dans le cortège des nations et il se présente plein de tact, de correction et de simplicité, avec un air d'élégance et de bel aloi qui lui va à ravir.
Il ne cherche pas à nous apparaître sous des aspects neufs qui nous feraient découvrir un Luxembourg inédit et ignoré. Il nous vient tout simplement avec ses produits qui ont solide réputation, ses vins de Moselle, ses roseraies, ses grès, ses ardoises, ses porcelaines, les unes et les autres présentées avec goût dans un joli ensemble d'une tonalité discrète et distinguée.
Les vignobles luxembourgeois ont très vieille renommée. Ils n'ont peut-être pas des généalogies glorieuses comme certains bourgognes ou certains bordeaux à la pourpre sombre, mais ils chantent clair dans la blancheur du verre, ils coulent limpides dans l'estomac avec une fraîcheur légèrement acidulée qui invite aux lampées bienfaisantes quand le soleil de l'été flamboie de toutes ses ardeurs et que les treilles épandent sur les buveurs la complicité de leur ombre douce.
Du vin et des fleurs. Toutes les chansons nous les donnent comme les deux grandes joies de l'existence et le Luxembourg nous signale, dans le catalogue de ses rosiéristes, les Ketten, les Lamesch, les Soupert et Notting, les Gemen et Bourg, des collections de 2.600 variétés de roses, de quoi inspirer tous les poètes de l'avenir et donner du courage aux jeunes latinistes qui s'évertuent à décliner « rosa ».
Elles sont là couchées comme dans un armorial. On croit les voir superbes, fières, éclatantes, portant blasons, drapées de velours et de satin, titrées de noms célèbres, frémissantes d'orgueil et de vanité; fleurs altières créées pour le luxe et dont la destinée est de mourir après avoir exhalé leur âme avec leur dernier parfum, par un soir languissant de fêtes dans l'atmosphère chaude et énervée des salons.
L'industrie compte 20 exploitants de ces carrières luxembourgeoises qui se laissent arracher les magnifiques blocs de pierres de taille pour sculpture et constructions, les grès rouges et les grès de Gilsdorf et de Dilligen, les grès blancs de Born que l'on recherche tant pour leurs belles qualités. Il y a aussi des compteurs d'eau, système Stern et la Société des Forges d'Eich expose un système refroidisseur et épurateur de gaz de hauts-fourneaux dont les spécialistes disent grand bien.
L'instruction est représentée par des programmes de gymnases de Luxembourg, Diekirch, Echternach, des écoles professionnelles, industrielles et commerciales de Luxembourg et d'Esch-sur-l'Alzette, des cartes de routes et du réseau téléphonique du Grand-Duché, des ouvrages d'enseignement et de vulgarisation, des rapports de l'inspection du travail. Et tout cela bien précis et bien coordonné, nous montrant que dans ce domaine l'activité ne se ralentit pas un instant et s'efforce de se hausser à tous les progrès.
Un salonnet abrite des meubles fort coquets, des orfèvreries inédites composées avec talent, tandis que des porcelaines blanches et bleues indiquent un art qui n'a pas de servilisme avec les poteries d'autres pays.
Un grand panneau peint nous représente un homme s'arcboutant pour soulever des rocs qui laisseront libre passage à la cascade d'eau bouillante frangée d'écume qui doit guérir notre pauvre humanité; c'est Mondorff-les-Bains, station thermale de l'Etat, dont je n'ai pas mission de vous exalter les vertus et les bienfaits contre des maladies dont on se dispense avec un plaisir dosé d'égoïsme.
Telle quelle, l'exposition du Grand-Duché de Luxembourg vaut d'être louée en toute sincérité. Elle est un peu comme l'image et l'esprit de sa population avenante et honnête, qui n'a d'autre ambition que de vivre dans la paix et dans le travail, certaine que si elle n'y trouvera pas de rêves qui leurreraient sa sagesse et fausseraient son jugement, elle y trouvera le calme, le repos, la quiétude qui permettent de progresser lentement et sûrement. Elle a bonne estime de soi parce que les autres lui confèrent ce droit.
Avec l'intelligence du coeur, elle a l'intelligence du bonheur et elle est pleinement heureuse, puisque suivant le mot du poète:
Tout bonheur que la main n'atteint pas n'est qu'un rêve.
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LE MAROC

Commissaire général: L'Amin CID ABDERRHAMAN BENANI.
Commissaire adjoint: M. D. SIFICO.
Il comptait 5 exposants.
Il a obtenu 7 récompenses, dont 1 grand prix, 1 diplôme d'honneur, 1 médaille d'or.
Tanger-la-Blanche est comme la sentinelle avancée de l'Afrique, tandis que Gibraltar, campée à l'extrême sud de l'Espagne, monte la garde de l'Europe; une mer étranglée dans un détroit sépare plus profondément les deux civilisations que des milliers de lieues.
L'Europe, hérissée de baïonnettes et de canons, mouchetée de fabriques, couverte d'un quadrillé de voies de chemin de fer, plafonnée d'un treillis aérien de fils téléphoniques et télégraphiques, formidable usine et gigantesque arsenal; le Maroc, le plus occidental des pays d'Islam où est venu s'éteindre la grande foulée des Arabes guidés par Mahomet, pays du fatalisme et de l'immobilisme, prosterné sous l'incessante prière que les muezzins laissent tomber des minarets à l'heure fatidique du soir.
Farouchement il s'est gardé de la civilisation comme d'une lèpre, muré dans le mystère dans lequel il s'enfonce depuis des siècles, se calfeutrant dans ses maisons aux portiques dentelés, aux portes festonnées, aux inimitables ogives, voilant ses moeurs, ses traditions, ses coutumes comme le visage de ses femmes.
Voyez ces tapis, ces couvertures lamées d'or et d'argent, ces broderies qui servent à parer les cheveux dénoués, ces armes ciselées, ces fusils à la crosse évasée pour encastrer l'épaule, ces harnachements brodés d'or agrafés d'argent, vous ne pouvez leur assigner aucune date, les frapper d'aucun millésime de fabrication.
Ils sont merveilleux d'art et de coloris, de teintes nuancées et exquise, mais sont-ils d'hier ou d'il y a trois siècles? Les fiers cavaliers qui, au XVe siècle, martelaient le sol du sabot de leurs chevaux nerveux, devaient être équipés comme ces Beni-Hanen, ces Cherarbas, ces tribus qui vivent leur vie nomade en marge du Maroc officiel.
Plats bariolés, cuirs rouges, bijoux barbares, sabres à poignées recourbées, poignards méchants, courts, dont la lame donne un frisson, empilement de babouches rouges et jaunes qui s'accumulent dans les échoppes des bazars marocains, dans les petites boutiques obscures miroitant d'armes, de soie et d'or, aujourd'hui comme hier, hier comme il y a des siècles. Et ces objets ne parlent à nos yeux que par leur splendeur ou leur étrangeté. Ils n'ont pas de reflet qui dise un progrès, qui marque une étape, d'empreinte qui précise une époque, ils ont toujours été ainsi. Ils n'ont pas d'âme qui trahisse les oscillations et les soubresauts qui travaillent, mouvementent la destinée d'un peuple et dans lesquels se lisent, comme dans un livre ouvert, l'élan de ses admirations, la crise de ses colères, la marche de ses idées. Ils ne sont que stéréotypés d'âge différent, encadrés dans un même décor immuable et passif.
Et on se remémore en la comprenant mieux la phrase de Pierre Loti: « O Maghreb sombre, reste bien longtemps encore, impénétrable aux choses nouvelles, tourne bien le dos à l'Europe et immobilise-toi dans les choses passées. Dors bien longtemps et continue ton doux rêve, afin qu'au moins il y ait un dernier pays où les hommes fassent leurs prières.
Qu'Allah conserve au sultan ses territoires insoumis et ses solitudes tapissées de fleurs, ses déserts d'asphodèles et d'iris pour y exercer dans l'espace libre l'agilité de de ses cavaliers et les jarrets de ses chevaux; pour y guerroyer comme jadis les paladins et y moissonner des têtes rebelles.
Qu'Allah conserve au peuple arabe ses songes mystiques, son immuabilité dédaigneuse, ses haillons gris... »
Et ainsi il sera jusqu'au jour où le Maroc ne sortira de sa léthargie que pour mourir peut-être aux sons des tambourins de ce que la diplomatie appelle élégamment le concert européen. Ils sont là trois ou quatre qui rôdent autour, se penchent à son chevet, l'accablent de prévenances, tout en surveillant attentivement leurs bons soins.
C'est trop de quatre Esculapes, fussent-ils d'Espagne, de France, d'Angleterre et d'Allemagne pour le vacciner de civilisation. C'est un vaccin qui n'est pas une garantie contre les appétits et les ambitions.
Et le Maroc qui se contente de sa vie uniforme et monotone, se trouve trop d'amis empressés et charitables pour l'éduquer à la civilisation européenne.
Il ne se sent ni velléité ni humeur à jouer le rôle du malade par persuasion.
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LE MONTENEGRO

Commissaire général: M. GIUSEPPE VOLPI, Consul de Serbie, à Venise.
Commissaires généraux adjoints: MM. J. HOGGE-FORT, Consul de Serbie, à Liège; T'HOEN, Consul général du Monténégro, à Bruxelles.
Il a obtenu 8 récompenses, dont 3 grands prix et 3 médailles d'or.
Il y a toujours plaisir à voir le pavillon d'un petit pays.
Il semble que les grands pays soient, en quelque sorte, obligés de venir à une Exposition. Ils doivent à eux-mêmes, à leurs nationaux de ne point faire défection en pareille circonstance et ils sont là autant pour eux que pour nous; tandis que les petits, leur participation leur impose de plus lourds sacrifices, aussi leur présence est-elle une marque d'extrême courtoisie et de réelle sympathie. Dans une corbeille d'hommages, les bouquets de violettes à deux sous vous causent souvent une joie aussi intime que les gerbes d'orchidées gainées de rubans éclatants.
Le Monténégro participait pour la première fois à une Exposition. Son pavillon gracieux, frais et élégant, cousinait avec celui de la Serbie, établissant entre leurs architectures des liens de parenté comme il en est entre les deux gouvernements.
Modeste, coquet, il apparaît sous le dôme de verdure que lui font les grands arbres du Parc, d'un style serbe modernisé, arborant sur le clair de sa toiture l'aigrette bariolée de son drapeau sur lequel veille, en son costume de Petiatrik, un superbe soldat, type remarquable de sa race.
Pour décorer intérieurement ce pavillon, oeuvre de M. Carbonaro, artiste de Venise, S. A. R. le prince Danilo, héritier du trône, et le Ministre président, le Voivode Petrovitch, ont prêté une superbe collection d'armes orientales digne d'un musée, car on ne la conçoit pas autrement que derrière le rempart fragile de la vitrine, loin du toucher indiscret et faite seulement pour la joie de l'oeil. Pièces rares, curieuses, devant lesquelles les amateurs tombent amoureux.
Pour compléter la décoration, il y avait aussi des tapis, des étoffes, des broderies et des costumes attestant que tous ces Orientaux ont un instinct merveilleux pour mélanger les couleurs, les assortir, les combiner, faire jaillir les contrastes, nouer les broderies en arabesques osées et délicates.
La « Régie Co-intéressée des tabacs du Monténégro », organisation nouvellement créée, a apporté des tabacs d'or pâle dont on doit presque avoir le regret de faire évanouir la couleur blonde en volutes bleues et aromatisées.
Et à voir les nuances de ces feuilles et le choix de ces cigarettes bien roulées, on comprend les fumeurs d'Orient qui ont l'air d'observer les rites d'une religion vénérée, quand, s'adonnant au détachement et à la nonchalance du fumeur de Tchibouk, ils déroulent en spirales longues et odorantes ces tabacs dont leurs palais s'enivrent
Plus loin, des échantillons de pyrètre, de lanioc et de laine représentaient les produits du sol.
Puis, quelques tableaux et des photographies montraient divers aspects de ce pays si caractéristique. Enfin, une brochure de 100 pages sur le Monténégro achevait d'édifier le visiteur.
Et l'on sortait de là en songeant longuement à ce patriarcal Monténégro où les femmes sont si belles et les hommes si farouches, où l'amour de la liberté ne se sent pas jugulé sous un pouvoir large, paternel et débonnaire, où le prince ne veut être qu'un citoyen comme tous les fiers habitants de ses montagnes, avec une grande maison pour palais au lieu de la chaumière de ses sujets!
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LA NORVEGE

Commissaire général: M. BRACONIER, Vice-Consul de Suède et de Norvège.
Adjoint au Commissariat général: M. Ghislain de MACAR.
Président du Comité Exécutif: M. NILS VOLL.
Elle comptait 53 exposants. Elle a obtenu 51 récompenses, dont 4 grands prix, 5 diplômes d'honneur, 11 médailles d'or.
Est-ce par pressentiment d'un divorce subit avec la Suède, avec laquelle elle vivait depuis longtemps en mésintelligence, qu'elle situa son exposition loin de celle de sa compagne? Peut-être bien, car à quelques mois de là, le conflit scandinave s'aiguisait en crise irrémédiable, la Norvège ressaisissait son autonomie et sa personnalité.
Et ce déchirement se fit sans dresser des barricades ni allumer des révolutions, sans tempêtes de bouleversement, ni choc des armes, comme si la Scandinavie avait voulu donner à l'Europe cette fière et sereine leçon de philosophie politique en accomplissant sagement un acte si viril et si décisif qu'en tout autre pays il eut été le prélude d'événements tragiques teintés du sang de nombreux citoyens.
Les deux pays ne pouvaient plus être frères, mais ils restaient amis, parce que, malgré les divergences d'opinions et l'acuité de leurs dissentiments, ils ont trop vécu accolés dans la même étreinte pour que leurs deux coeurs n'aient pas à certaines heures des battements communs.
Elle est donc le plus jeune Etat d'Europe avec un territoire plus grand que dix fois la Belgique, maîtresse d'une flotte et d'une armée puissantes, d'un commerce prospère et florissant.
Les Norvégiens sont gens de mer et de forêts; la nature les a taillés pour cela en leur donnant 20.000 kilomètres carrés de baies sauvages et de golfes dentelés, des forêts d'une beauté incomparable dans lesquelles ils puisent la vie à pleine cognée.
Ils sont l'avant-garde de l'Europe vers le Pôle Nord, aussi nous ont-ils apporté tout ce qui rappelle les neiges et les fjords, les forêts et la mer.
Le pavillon norvégien? Une maison en bois, basse, trapue, enluminée de rouge et de vert, toits singulièrement inclinés, fenêtres vers l'extérieur, auvent protégeant l'entrée, toute en défense contre les rafales de vent qui hurlent furieusement et les tourmentes de neige qui se ruent à l'assaut des maisons.
Et si coquette dans sa rustique simplicité!!
Des collections de patins et de skis sont appendues aux murailles. De tous modèles et de toutes élégances; en chêne ou en frêne, en acier ou en aluminium et sans lesquels le Norvégien ne serait qu'un éclopé quand il doit traverser les champs de neige qui déroulent leur désespérante monotonie ou glisser le long des pentes armées de glaces.
C'est un peuple de pêcheurs habitué à jouer son existence sur l'Océan. Tout le proclame ici, fanons et huile de cette baleine qu'il traque depuis des siècles, huiles de morue et de phoque, conserves de sardines, d'anchois, de harengs dont les premières marques s'étagent en hautes pyramides, car les fabriques de conserves qui sont légion là-bas ont fait toits les envois imaginables, depuis les selles de rennes et les truites fumées jusqu'aux confitures d'airelles.
N'est-elle pas le grenier d'abondance où le monde entier se ravitaille de conserves!
Et les bois du Nord que les gigantesques forêts fournissent sans s'appauvrir, ne partent-ils pas vers toutes les destinations en tas énormes ou en pâte de bois qui sera plus tard du Papier.
Divers meubles assurent la sûreté du goût de l'ébénisterie norvégienne, deux cheminées en saponite sont curieuses, des tapisseries de valeur sorties des écoles et ateliers appartenant à l'Etat sont d'un dessin et d'un fini remarquables; des minerais de fer, de cuivre et de nickel gracieusement offerts à notre Université et des photographies relatant les phases de l'exploitation des carrières, complètent dignement une installation qui, ramassée sur elle-même, est intéressante à tous les points de vue dans ses coins et ses détails.
Et, par dessus tout, des diagrammes qui sont autant de chants de victoire, nous donnent des renseignements précieux et réconfortants sur le recul nettement marqué de l'alcoolisme en Norvège. En 25 ans, la consommation a dégringolé de 9 litres à 2,46 et c'est par là même que le Norvégien se montre incomparablement supérieur, puisqu'il a vaincu ce fléau de l'alcoolisme dont les races sont gangrenées jusqu'aux moelles.
L'exiguïté de ce compartiment a forcé divers exposants à chercher refuge dans les halls. Il y a là un assortiment de traîneaux, des échantillons de fabriques d'allumettes chimiques, des filigranes ravissants et des émaux transparents sertis dans un métal doré qui sont comme du rêve renfermé dans la pâleur des pierres.
Heureuse nation qui n'a pas encore eu le temps d'avoir une histoire; que la rudesse du climat et la détresse du pays condamnent à l'isolement et à la solitude; peuple hardi, entreprenant, économe, ouvert à toutes les idées nouvelles et sachant se les assimiler, dignes fils de ces Vikings au coeur cerclé du triple airain dont parlent les légendes en strophes enflammées et belliqueuses.
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LA PERSE

Commissaire général: M. COETERMANS, Consul général de Perse à Anvers.
Président délégué: M. GOLDZIEHER, Consul général de Perse à Bruxelles.
Secrétaire général: M. RYZIGER André.
Elle avait réuni 70 exposants. Elle a obtenu 70 récompenses, dont 6 grands prix, 8 diplômes d'honneur, 30 médailles d'or.
Ce n'est pas dans les « Lettres persanes » de Montesquieu que nous apprendrons à connaître la Perse
Au temps où le maître d'école défrichait notre cerveau et le meublait de notions historiques, nous savions que la Perse était un des empires dont l'origine remontait bien avant l'origine du Christ.
Les noms de Cyrus et de Darius flamboyaient dans le recul d'un passé de gloire et de sagesse, que Rome n'était pas née, et une longue dynastie de souverains avaient illustré ce trône que les lois de Zoroastre enveloppaient de la vertu de leurs préceptes.
Mais on a désappris tant de choses que c'est à peine s'il est resté dans nos mémoires quelques fragments bien pâles et bien rudimentaires de l'histoire des Perses, tout juste de quoi en savoir à peu près rien.
Le populaire a chargé son imagination de l'instruire sur la Perse. Un grand désert avec des oasis et des chameaux, des cuirs, des armes, des tapis extraordinaires, un Roi des Rois dont il lui est impossible, en dépit de sa bonne volonté, de retenir le nom guttural et emphatique qui, de temps à autre, abandonne ses palais et ses jardins de Téhéran, ses harems et ses favoris pour visiter les capitales d'Europe et qui, comme un héros de mille et une nuits, se meut dans une constellation de pierres, une auréole de diamants. Voilà qui suffit à sa soif de connaissance et satisfait son appétit historique.
II y cependant autre chose que cette conception par trop simpliste.
Il y a une Perse qui, depuis 2.500 ans, est toujours là quand tant de nations et de royaumes secoués par des révolutions, foulés par des invasions, volés par les conquêtes, sont rayés de la carte d'Europe, et c'est déjà beaucoup que d'atteindre à l'âge des grands patriarches.
Il y a une Perse qui, durant de longs siècles, est restée figée dans son fatalisme oriental, incarcérée dans l'immobilité de ses traditions, ensevelie dans la léthargie de ses idées, autour de laquelle les bruits de progrès venaient mourir comme les flots de la mer se brisent éperdument contre l'hostilité des rocs, et qui, depuis cinquante ans, repousse cette torpeur qui l'atrophiait, refoule cette paresse qui la minait et la rongeait et retrouve de la vaillance, du courage et de la volonté pour se moderniser, se couvrir de chemins de fer et de routes, accueillir de nouvelles industries, s'ouvrir affablement à l'étranger, se rapprocher insensiblement des autres nations et leur faire cortège dans leur marche civilisatrice.
Et c'est peut-être pour cela que de tous les peuples d'Orient, vers elle vont les meilleures sympathies et les meilleurs encouragements, parce que l'on sent combien l'effort lui doit être forcément rude, l'étape pénible, l'ascension lente et il y a bien du mérite à se ressaisir par une orientation nouvelle.
La section persane s'ouvre par une porte monumentale minutieusement copiée sur celle du palais de Téhéran, égayée de ces tons verts et bleus, dont la crudité n'est pas outrancière dans ces pays aux clartés irradiantes. Au fronton, le lion persan, le glaive, le diadème impérial. Au fond de la section, un salon minuscule, mais somptueux, que domine un beau portrait du Schah, la poitrine barrée d'un grand cordon bleu clair. Fauteuils et tabourets de satin blanc, semé de broderies or et bleues, tentures et tapis de haut luxe en forment l'ameublement.
Au centre du compartiment, des échantillons superbes nous parlent de la richesse du pays: Noix de galle, soufre, opium, riz, figues, amandes, raisins, sésame, coton, et l'eau de rose, avec la délicatesse de sa senteur, la suavité de son parfum remémore que la rose est aussi chère aux Persans que le chrysanthème aux japonais, l'oeillet poivré à l'Espagne, l'édelweiss à la Suisse.
Une vitrine enferme lampes, amphores, colliers, coupes, cadres, coffrets, toute une collection de bijoux gravés, ciselés à ravir, avec un amour exquis du détail; la collectivité des manufactures persanes a rassemblé des turquoises de prix inestimable qui gardent éternellement ce bleu énigmatique et presque humain qui fonce vers le vert quand la pierre s'achemine vers la mort, des plateaux parés de dessins ivoirins; des monnaies de la plus haute antiquité et enfoncés dans le sol à des époques lointaines; des cuivres rouges dont huit siècles n'ont pu ternir l'éclat. Et puis, il y a, de M. Sifico, des pièces rarissimes, des morceaux de musée par l'admirable de leur travail et la respectabilité de leur âge, un Coran dont le parchemin se décore d'enluminures d'une exécution extraordinaire, des armes incrustées et damasquinées par des ouvriers qui semblent mettre toute leur âme dans la perfection de leur travail, un gilet du roi Antiochus, des mosaïques et des faïences de toute splendeur, des tapis...
Des tapis! Que peut-on en dire qui n'a été dit cent fois. Des richesses incalculables amassées lentement, jour par jour, comme si des générations successives se transmettaient pieusement comme un héritage sacré la formule d'enfermer le prisme miroitant des couleurs dans le canevas de la laine, la science des combinaisons nuancées et diaprées, le secret des couleurs sur lesquelles l'usure n'a pas de prise et dont un siècle ne peut parvenir à atténuer la vivacité et faner l'éclat; des merveilles dont les mains s'attardent à caresser le velouté comme si elles dégageaient un magnétisme doux et voluptueux de chair laiteuse ou de duvet de ces cygnes noirs dont l'indolente beauté glisse sur les étangs profonds étoilés de nénuphars.
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LA ROUMANIE

Commissaires délégués: MM. Georges SIMONIS, Consul de Roumanie à Liège; Oscar JAUMOTTE, Consul de Belgique à Bucarest, Chargé spécial du Pavillon;
Charles CORRENI, Président des Commissions;
E. MAVRODI, Ministre de Roumanie à Bruxelles.
La Section Roumaine comptait 11 exposants, elle a obtenu 15 distinctions, dont 5 grands prix, 1 diplôme d'honneur et 2 médailles d'or.
D'égales conditions politiques et la parenté des familles régnantes ont établi entre notre pays et la Roumanie - qu'on dénomme parfois la Belgique de l'Orient - un courant de vives sympathies. La province de Liège, spécialement, est connue là-bas d'une façon très intime. Faut-il s'étonner quand on considère que le nombre de fils des meilleures familles roumaines viennent faire leur études à notre université et que des rapports fréquents s'établissent entre les industriels de Roumanie et les nôtres. C'est ainsi que dernièrement la Société Cockerill fournit le matériel à l'administration des chemins de fer roumains.
De tels rapports commerciaux et moraux devaient inciter les Roumains à participer à notre Exposition universelle. Cependant, malgré les vives sollicitations et un voyage à Bucarest de M. O. Simonis, consul de Roumanie à Liège, l'intervention du baron Beyens, ministre de Belgique à Bucarest, la Roumanie avait décidé de ne pas participer à l'Exposition liégeoise. Des considérations économiques et la nécessité de se réserver pour la possibilité éventuelle d'une Exposition jubilaire en 1906, à l'occasion du XIe anniversaire du règne de S. M. le Roi Charles, l'en empêchaient.
Le baron Beyens, le distingué et actif ministre belge près le gouvernement roumain, dont on ne pourrait assez faire l'éloge, s'adressa alors aux diverses administrations et rencontra chez M. C. Ahmanestiano, directeur de l'industrie, du Commerce et des Mines au Ministère de l'Agriculture, de l'industrie, du Commerce et des Domaines, l'appui le plus autorisé et le plus actif.
Le baron Beyens pensa alors que si la participation de la Roumanie était limitée à un produit qu'elle avait tout intérêt à faire connaître, puisqu'elle a besoin des capitaux étrangers pour l'exploitation, à un produit digne d'attirer l'attention des financiers et des industriels des autres nations, c'est-à-dire au pétrole destiné certainement à devenir dans le royaume danubien l'objet d'une grande exploitation industrielle, il serait peut-être possible de décider le gouvernement roumain à figurer à l'Exposition de Liège où l'abstention complète de la Roumanie aurait été des plus regrettables.
D'accord avec lui, M. Alimanestiano, qui avait pour la Belgique une admiration que suffirait à expliquer la présence chez nous de deux de ses plus jeunes frères en qualité d'étudiants, l'un à Liège, l'autre à Gembloux, établissait que la Roumanie pouvait participer d'une façon partielle à notre Exposition et y représenter, par exemple, toute l'importance et la vitalité de l'industrie pétrolifère qu'il connaissait plus que tout autre, en sa qualité de président de l'Association des Exploitants et des Fabricants de pétrole de Roumanie.
Ils parvinrent à rallier à leurs vues MM. Bratiano, ministre des Affaires étrangères et Stoicesco, ministre de l'Agriculture, de l'industrie, du Commerce et des Domaines, qui obtinrent de M. Stourdza, président du Conseil, outre la promesse d'un subside, son consentement à ce que l'Association des Fabricants et Exploitants de Pétrole de Roumanie organisât, avec l'appui du Gouvernement, l'exposition du Pétrole roumain à Liège.
La chose semblait donc décidée, quand, en décembre 1904, le parti libéral fut remplacé au pouvoir par le parti conservateur; ce changement inattendu paraissait compromettre à jamais le projet d'une participation roumaine à l'Exposition de Liège.
Cependant, dès mars 1905, notre Ministre à Bucharest et M. Alimanestiano qui, fin 1904, avait donné sa démission de Directeur au Ministère, ne se découragèrent pas et reprirent ce projet avec une ardeur dont les Liégeois lui savent gré. Ils menèrent une vigoureuse campagne, obtinrent l'approbation précieuse de M. Take Jonesco, ministre des Finances, de M. J. Lahovari, ministre des Domaines.
Grâce à ces hautes influences, la participation roumaine à l'Exposition universelle de Liège fut définitivement décidée, un subside de 25.000 francs accordé et versé à l'Association des Fabricants et Exploitants de Pétrole en Roumanie.
Des compétences et des dévouements s'occupèrent alors de son organisation rationnelle. Citons tout d'abord M. Alimanestiano qui s'aida du puissant concours de M. le professeur universitaire docteur L. Mrazec, membre de l'Académie roumaine, de M. le Dr Edeleano, directeur du Laboratoire de chimie du Ministère des Domaines, des membres de la Commission du pétrole dont il convient de citer spécialement M. V. Bratiano, de tout le personnel de la Commission et du Laboratoire et enfin de M. N. Mancas, secrétaire de l'Association et de notre dévoué Consul à Bucarest, M. Jaumotte.
Le Comité de l'Exposition roumaine était composé de MM. Eugène Mavrodi, ministre de Roumanie à Bruxelles, Georges Simonis, consul de Roumanie à Liège et commissaire de cette Exposition, Max Lohest, professeur à l'université de Liège, baron Forgeur, Alfred Ancion et Fernand Petit, secrétaire du congrès du Pétrole, tous habitant la Belgique; MM. C. Alimanestiano, ingénieur en chef des Mines et président de l'Association, O. Jaumotte, consul de Belgique à Bucarest, également Commissaire de la section, O. Boamba, administrateur-délégué de la Steana Romana, G. Olie, directeur général de l'Internationale, Max Schapira, administrateur-délégué de la Société Bouschtenon, joseph Dupont, directeur du Crédit Belgo-Roumain, et N. Mancos, secrétaire de l'Association, tous résidant à Bucarest.
A Liège, ce fut M. G. Simonis qui, avec une activité, un dévouement qu'on ne peut assez admirer quand on songe aux multiples et absorbantes occupations qu'il assuma, s'occupa de l'érection du pavillon roumain et de l'organisation de la section, puissamment aidé par son collègue M. Jaumotte (dans les premiers temps surtout), que ses occupations rappelèrent par après à Bucarest. En quelques semaines, le Pavillon fut édifié! Oeuvre du jeune architecte roumain, M. G. Cerchez, il s'érigeait blanc et pimpant à l'entrée du pont des Vennes. Un double escalier conduisait à l'étage où d'élégantes vitrines claires groupaient d'une façon très heureuse les divers produits pétrolifères du sol roumain et leurs différents états; les murs s'ornaient de photographies, de diagrammes, de graphiques, de cartes, de dessins, etc.
Dès l'abord et sans fatigue, on pouvait se rendre compte des utilisations de ce produit si utile, acquérir la notion de son développement en Roumanie, avoir en un mot tous les détails techniques qui pouvaient intéresser les commerçants internationaux, visiteurs de notre Exposition, tandis que pour ceux que la chose intéressait, diverses études dues à des spécialistes compétents permettaient de se rendre compte d'une façon très approfondie du développement pétrolifère.
L'une, due à la Commission du Pétrole dont fait partie MM. Alimanestiano, V. Bratiano et L. Mrazio, rendait compte de la géologie des régions à pétrole et de l'importance des diverses chantiers d'exploitation, tandis qu'une autre, due à MM. L. Edeleano et J. Tanesko, présentait une étude approfondie des qualités technologiques et industrielles des divers pétroles roumains.
Un manuscrit de la nouvelle charte géologique de la Roumanie, une collection de diverses formations géologiques du pétrole, complétée par des échantillons qu'obtinrent des sondages pratiqués dans différents puits et à des profondeurs diverses, une charte spéciale des régions pétrolifères, une collection des pétroles bruts des nombreux chantiers formaient l'élément géologique et savant de la formation du pétrole en Roumanie.
Les commerçants, les industriels pouvaient à leur tour étudier les qualités et les utilisations diverses de ce merveilleux produit du sol, en même temps que se rendre compte de la possibilité éventuelle de rapports commerciaux avec les fabricants de pétrole roumains.
Ce but fut atteint par une exposition intelligemment présentée de chartes industrielles du pétrole indiquant les centres d'exploitation, les pipelines, les routes et les lignes de transports, par terre et par eau, les points-frontières d'exportation, les stations de dépôts, etc. Des graphiques donnèrent une idée de la production totale et par chantiers, par formations géologiques depuis 1857, le nombre et l'importance des entreprises, les quantités exportées et les pays d'importation, les capitaux engagés dans cette industrie, le nombre, l'importance et la distribution dans le pays des raffineries à pétrole.
Divers documents s'y ajoutaient encore: photographies des divers chantiers et des principales sources en éruption, collection des produits des plus grandes raffineries, plan et photographies du puits à pétrole de Constantza, collection des brûleurs employés par la direction des chemins de fer et destinés à utiliser comme combustible les résidus du pétrole, dessins de ces brûleurs, photographies des locomotives et des grands bateaux du Danube et de la Mer Noire utilisant ces résidus, diagrammes des économies réalisées sur la dépense en houille par leur emploi, etc.
Enfin, une collection des produits du Laboratoire de chimie du Service des Mines qui exposait également des tableaux représentant les compositions chimiques des divers pétroles bruts ainsi que leur teneur en benzines légères, huiles lampantes, huiles à graisser, résidus et autres sous-produits achevaient de compléter tout ce qu'il était possible d'exposer concernant le gisement pétrolifère de Roumanie, son exploitation, ses utilisations, la facilité des débouchés, etc.
Nous ne pouvons mieux finir cette notice consacrée au pétrole roumain qu'en donnant sur son exploitation quelques renseignements historiques, puisés dans des documents officiels.
Depuis des temps immémoriaux, les habitants de Valachie et de Moldavie utilisent les suintements de pétrole; Monseigneur Bandinus, en 1640, Raicevich, en 1750, le comte A. Déminoff, en 1837, en font déjà mention.
Ce n'est cependant qu'en 1857 que les exploitations régulières commencèrent dans cinq départements: Prahova, Dambovita, Buzen, Râmnik-Sarat, Bacau. Il y eut alors une activité sérieuse: les chiffres de l'exportation en pétrole brut sautant de 41.018 fr. en 1851 à 1.685.545 fr. et en pétrole raffiné de 74.353 fr. en 1861 à 2.398.128 fr. en 1867 en constituent la preuve la plus péremptoire.
Malheureusement, la concurrence américaine et l'état misérable des voies de communication en Roumanie rendirent peu à peu vains les efforts des industriels roumains et l'exploitation, diminuée de plus en plus, devint bientôt nulle. En 1890, seulement, la constitution d'une « première société roumaine pour le commerce et l'industrie du pétrole, au capital de 4.000.000 de lei », marque l'accentuation d'une nouvelle reprise de l'exploitation.
Il y eut encore des tâtonnements, dus à l'inexpérience, mais dès 1900 l'exploitation était sur le pied d'une activité très grande et l'arrivée en Roumanie, en 1904, de 25 grandes banques et institutions financières, marque bien l'importance de l'exploitation des richesses pétrolifères dans la Belgique de l'Orient. Ce n'est du reste qu'un début - très beau, on put en avoir une preuve en visitant le pavillon roumain - et il est permis d'espérer que les produits de provenance roumaine s'assureront bientôt une place de premier rang sur les marchés internationaux.
Outre l'exposition pétrolifère, si complète et intéressante à tous les points de vue, désireux, aussi, de donner à leur très aimée reine Carmen Sylva un hommage très respectueux, les membres de l'Association des fabricants de pétrole avaient réservé une petite place dans leur pavillon à l'exposition d'une société de bienfaisance: « La Furnica » (la Fourmi), placée sous le haut patronage de S. M. la Reine Elisabeth.
Cette société exposait des broderies originales, oeuvre de l'industrie domestique de la paysanne roumaine, et celles-ci plurent tant aux visiteurs, et notamment aux Liégeois, qu'un débouché a été créé à Liège même. Il est vrai que des dames d'un beau dévouement pour tout ce qui ressort d'une intelligente philanthropie et d'un patriotisme éclairé, y employèrent toute leur activité persuasive. Ce furent surtout Mmes Bilcesco et Alimanestiano respectivement secrétaire et trésorière de la Société qui vinrent à Liège elles-mêmes pour en organiser l'exposition et furent puissamment aidées par Mme G. Simonis, femme de notre distingué concitoyen, consul de Roumanie, à Liège.
La Régie des Monopoles de l'Etat avait également été admise à exposer dans le pavillon ses tabacs bruts et manufacturés, qui obtinrent en notre ville un succès mérité et furent classés parmi les meilleurs par le jury, puisque celui-ci lui octroya la plus haute distinction, le diplôme de Grand Prix.
Tel fut ce pavillon roumain qui représenta tant d'efforts, tant d'activités dévouées et dont le Congrès du Pétrole, tenu la même année à Liège, consacra le succès.
Il fait honneur au pays qu'il évoquait et à ceux qui coopérèrent à son érection.
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LA RUSSIE

Commissaire général: M. de BILBASSOFF, fonctionnaire pour missions spéciales au Ministère des Finances.
Commissaires généraux adjoints: M. STOYANOWSKY et M. de NIKIPHOROFF, fonctionnaires pour missions spéciales au Ministère des Finances.
Secrétaire général: M. E. de WEISS, attaché à la section de l'industrie du Ministère des Finances.
Commissaires: MM. A. PROTOPOPOFF, ingénieur, Ch. Du LOUP, conseiller d'Etat, J. ZAROUBINE, attaché an Ministère de l'Agriculture; APOSTOL, fonctionnaire au Ministère des Finances; SEGUEL, docteur en médecine; W. BREDOFF, chef de bureau au Département des Mines, M. Alexis RAFFALOVICH.
Attachés au Commissariat: MM. RONDNITZKY, ingénieur; A. ANDREEVSKY, chef de bureau; G. FOURNIER, secrétaire de la Chambre de Commerce russe à Paris; W. DATT, secrétaire-adjoint de la section russe.
Secrétaire du Commissaire général: M. WARSCHAVSKY.
Collaborateurs: MM. de KOKOVTZEFF, conseiller privé, cecrétaire d'Etat,
Ministre des Finances; B. de TIMIRIASEFF, conseiller privé adjoint ait Ministre des Finances; N. de LANGOWOY, directeur du Département de l'industrie au Ministère des Finances.
Elle comptait 396 exposants.
Elle a obtenu 330 récompenses, dont 30 grands prix, 22 diplômes d'honneur, 85 médailles d'or.
Vingt-deux millions de kilomètres carrés qui s'avancent presque au centre de l'Europe et touchent aux mers de Chine, montent à la conquête du Pôle Nord et plongent hardiment vers le Bosphore et les Indes, formidable empire pétri dans vingt races diverses, sculpté dans la glace et la neige, couché dans les splendeurs du midi, campé sur l'Europe et l'Asie avec le Mont Oural qui lui sert de selle et regardant d'une part l'Europe et sa civilisation qui roulent dans le torrent des siècles et de l'autre l'Asie figée, immobile et hiératique emprisonnée volontairement dans le passé et qui ne s'en détache qu'avec regret et de douloureux déchirements.
Sur cette terre si grande dont seul un Charlemagne ou un Napoléon pouvait rêver l'étendue, 135 millions d'hommes naissent, vivent, travaillent, meurent, s'ignorant presque dans ces parages infinis, mais sachant qu'il est par là, à Saint-Pétersbourg, un être qui, magnifié de toute la puissance souveraine et pontificale, est le dieu qui protège toutes les Russies.
Toutes les Russies! Ce mot grandiose et émerveillé fut la pensée de ce Pierre-le-Grand quand il quitta secrètement la steppe pour venir en Hollande apprendre le métier de charpentier. Dans les rudes travaux et les longues veillées, cette vision hanta le cerveau du manieur de rabot dominant son règne et il la légua à ses successeurs dans ce célèbre testament politique qui est une sorte d'évangile où la politique russe puise sa force et sa gloire.
Ce n'est qu'en décembre 1903 que Nicolas Il consentit à ce que l'Empire participât à l'Exposition de Liège et désigna M. Bilbassof, fonctionnaire pour missions spéciales du Ministère des Finances, en qualité de commissaire général de la section russe.
L'heure était sanglante en Extrême-Orient. Le drame militaire déroulait ses lugubres péripéties, les canons crachaient la mort, les armées s'entrechoquaient comme des ouragans. La vie du pays s'absorbait dans l'oeuvre de la mort. C'est dans cette atmosphère d'angoisses poignantes et de tristes préoccupations qu'éclot la participation de la Russie.
Et il n'y paraît guère. Un spacieux velum étoilé d'une vive rosace, rayé de bandes orange très simples et très artistiques à la fois, abrite la section russe dans un éparpillement de beautés et d'exhibitions qui dénotent une extrême recherche jointe à une entente savante de l'originalité et de l'imprévu.
Au centre, un stand tendu de bleu, un buste de l'Empereur émerge et dont le marbre blanc tranche sur les marbres veinés de mauve, de rouge, de vert, des objets qui appartiennent au cabinet de l'Empereur dès qu'ils sont sortis des fabriques de Kolyvano et d'Ekaterinbourg.
Il y a là toute une collection arrachée aux mines de la Sibérie et de l'Oural, jaspe, malachite, agate, une palette de couleurs magnifiques, une gamme de tons diaprés et nuancés dont le rare travail exige d'infinies précautions de patience et d'habileté. Et pourtant le vétéran est absent, car il est resté au musée de l'Ermitage, ce vase en jaspe de Renoneff qui a cinq mètres de haut et qu'on considère comme le chef-d'oeuvre.
Les manufactures impériales de porcelaine, fondées en 1774, et de cristaux, en 1777, qui appartiennent au domaine impérial, font à ces jaspes une ceinture éclatante de porcelaines et de cristaux du plus somptueux effet et d'un prix inestimable.
Et voici qui nous parle de guerre. Tente avec deux infirmiers, une soeur de charité, un médecin, un blessé. Ailleurs, équipement de camps volants, matériel de pansements pour blessés, sacs pour ambulances, brancards-charrettes pour blessés, trousseaux de linges pour camp volant.
Quand le génie de l'homme perfectionne les engins de mort, on dirait que, poussé par de troublants remords de conscience, il s'ingénie à panser avec plus de douceur, à recoudre avec plus de sécurité.
La Société de la Croix-Rouge russe, fondée en 1867, possédant 895 succursales, a déployé sa bienfaisante bravoure sur tous les champs de bataille depuis sa fondation, ramassant mourants et blessés, confondant vainqueurs et vaincus dans la même commisération, les enveloppant de la même compassion. C'est son matériel qu'elle nous montre avec la fierté de pouvoir faire tant de bien quand les humains se font tant de mal.
A côté de la section de la Croix-Rouge sont les oeuvres d'assistance publique et de bienfaisance privée de l'Empire russe qui, par leur caractère spécial, jouent un si grand rôle dans la vie sociale russe.
Les institutions de l'Impératrice Marie, comprenant 500 établissements d'assistance et d'enseignement, méritent une mention toute particulière. Le Ministère de l'Instruction publique, avec ses rapports, ses brochures, ses photographies, ses statistiques, nous convie à constater les progrès de l'instruction depuis 20 ans dans toutes les branches de l'enseignement et nous apprend qu'un projet d'instruction primaire accessible à tous est à l'étude.
Le grand duc d'Oldenbourg fait admirer divers produits de ses manufactures et des photographies de ses établissements philanthropiques, dont le grand palais du peuple, à Saint-Pétersboug; une suite de vitrines renferment, les unes des céréales que le midi de la Russie transporte aux quatre coins du monde, d'autres de ces étoffes toutes brochées d'or, lourdes et étincelantes, somptueuses et altières, orgueil des manteaux de cour ou de toilettes de grand apparat. Les flacons de kummel et de vodka s'alignent, une collection de bijoux du Caucase dévoile ses émaux translucides qui arrêtent les regards, le comptoir des cuirs de Russie exhale son parfum caractéristique avec ses fabrications si réputées - une seule usine exporte pour 15 millions.
II y a pour les petits un assortiment de jouets si joliment gauches, si gentiment naïfs qui nous trahissent l'âme un peu enfantine et simple du bon peuple qui travaille le bois et en fait sortir tout un musée de traîneaux, toute une armée de moujicks; il y a pour les femmes un lot de ces fourrures soyeuses et riches dont la Russie a le monopole; il y a pour les hommes ces tabacs et ces cigarettes au parfum doux dont une seule usine produit pour 130 millions par an. Il y a encore des samovars et s'il n'y avait pas des icônes, ce ne serait pas la Russie.
Et si vous voulez une image vraie et forte, jetez les yeux sur une carte de la Russie d'Europe appendue à une cloison et se dresseront devant vous tous les produits de chaque région. Ainsi, il vous semblera que la Russie consciente de sa force et de sa personnalité, vous apparaîtra dans l'extraordinaire armature de son exportation qui se hausse jusqu'au milliard et demi.
Mais quels que soient la meilleure volonté et le vif désir des commettants, il est matériellement impossible d'enfermer dans le cadre étroit d'une section d'exposition la physionomie complète d'une nation aussi puissante que la Russie. Il faudrait toute une exposition. Ici, chaque objet ne peut être qu'un rappel au souvenir, qu'une esquisse d'un tableau aux proportions énormes.
L'ensemble apporte un reflet, une impression, une sensation, et tout cela dégage une note claire et raisonnée de l'indestructible vitalité d'un empire qui apparaît comme un immense réservoir de forces formidables et inconnues.
Si nous n'exportons, en Russie, que pour six millions de roubles, nous avons plus de six millions de bonnes raisons pour nous répéter cette parole antique que rien de ce qui l'intéresse ne saurait nous être étranger.
Si on a pu dire avec infiniment de justesse que la France est le bas de laine dans lequel la Russie a puisé pour des emprunts successifs, la Belgique y a fondé 116 sociétés industrielles, embrigadant l'élite de ses ingénieurs et de ses techniciens et fait dans son actif la large brèche de 450 millions pour enrichir la Russie d'entreprises que celle-ci ne parvenait pas à implanter.
Dans les annales de l'industrie russe, la Belgique peut revendiquer la première place par son industrie et par son courage.
Ce n'est pas trop espérer qu'elle lui en serait reconnaissante et que l'industrie belge trouverait chez elle l'appui et la récompense bien dus à ses lourds sacrifices et dignes du renom d'un grand pays.
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