Les derniers agrandissements de l'Université de Liège remontent à 1880-1892. Ils furent la conséquence du développement que prenaient les sciences expérimentales, des besoins didactiques nouveaux qu'elles créaient et enfin de la valeur incontestable d'une pléiade de maîtres tels les E. Van Beneden, W. Spring, L. Fredéricq, F. Folie, Swaen, Gilkinet pour ne citer que les principaux.
Les nouvelles constructions favorisaient surtout les Facultés des sciences et de médecine, les autres Facultés n'ayant reçu que les locaux strictement indispensables à leurs besoins les plus urgents.
La Faculté technique avait été dotée de nouveaux laboratoires de chimie analytique et de chimie industrielle, en réalité fort étriqués, sous prétexte de former avec la chimie générale un ensemble homogène, et l'on avait affecté l'ancienne Ecole normale des Humanités à l'Institut Electrotechnique Montefiore. C'était peu en présence des progrès incessants des sciences appliquées.
En 1892, Dwelshauvers-Dery avait obtenu à grand peine un modeste local situé au quai des Etats-Unis en face de la bibliothèque, pour y entreprendre l'étude thermodynamique de la machine à vapeur, installation qui cependant servit de modèle à celles qui s'édifièrent plus tard dans les Ecoles techniques supérieures de Belgique et de l'Etranger.
Ce fut seulement en 1901, que l'Institut de mécanique trouva à s'abriter dans une construction provisoire édifiée au boulevard de la Constitution.
La question de l'extension des services de la Faculté technique qui se posait déjà à l'époque de l'achèvement du programme des grands travaux que nous venons de rappeler, n'a cessé de préoccuper depuis lors tous ceux qui s'intéressent à l'avenir de notre Ecole d'ingénieurs.
Un exposé succinct des efforts qui furent tentés dans cette voie, montrera combien sont grandes, dans la situation actuelle des Universités de l'Etat, les difficultés à surmonter pour obtenir l'intervention des pouvoirs publics, même lorsqu'il s'agit d'agrandissements absolument indispensables, et d'autre part, combien nous sommes peu organisés pour aborder l'étude de questions de cette importance.
Le 2 octobre 1900, dans un rapport qu'il adressait à M. le Recteur Dwelshauvers-Dery, le doyen de la Faculté technique, M. le professeur Krutwig, s'exprimait ainsi au sujet de l'insuffisance des locaux:
« Cet état de chose déplorable résulte de deux causes de nature différente: la première est dans l'accroissement considérable et constant du nombre des élèves qui fréquentent les cours théoriques et pratiques de notre Faculté; la seconde trouve son origine dans la mauvaise disposition et l'exiguité des locaux dont l'usage et antérieur à la création de notre Faculté en 1893 ».
A ce rapport était joint des diagrammes montrant les fluctuations du chiffre des élèves qui depuis 1870 ont fréquenté les cours de la Faculté des sciences et de la Faculté technique. La population en 1900 était de 800 élèves pour ces deux facultés, c'est-à-dire plus de la moitié de la population totale de l'Université.
Il signalait en outre que depuis 20 ans les services de la Faculté des sciences et de la Faculté de médecine sont installés dans des Instituts dont l'Université peut s'enorgueillir. Il réclamait des salles de cours en nombre suffisant, des salles de dessins et de collections, un laboratoire de chimie industrielle, un laboratoire de métallurgie générale, etc. Il ajoutait en guise de conclusion
« En un mot nous osons revendiquer pour nous un Institut technique ».
Cette demande ne semble pas avoir retenu longtemps l'attention des autorités académiques, mais l'idée fut reprise en 1906. Nous, la retrouvons amplifiée dans un rapport en date du 18 mars 1906 que le doyen H. Hubert adressait au Recteur, M. Mertens.
« Nous avons d'abord examiné la possibilité de comprendre dans le nouvel institut les cours et laboratoires de la Faculté des sciences qui sont suivis par les élèves ingénieurs, notamment ceux de minéralogie, de géologie, de paléontologie et d'analyse chimique. Mais la Faculté des sciences consultée sut ce point, nous a fait savoir qu'elle désirait ne pas voir séparer davantage ses divers enseignements, qui sont aujourd'hui donnés dans des Instituts éloignés les uns des autres. Au surplus les collections appartenant à cette Faculté ne pourraient sans de graves inconvénients être transportés en tout ou en partie. Enfin la Faculté des sciences trouvant, dans les locaux qui seraient abandonnés par la Faculté technique, un emplacement largement suffisant pour tous ses besoins, n'aurait plus aucun intérêt à voir une partie de ses services émigrer dans le nouvel institut technique.
Quant à l'objection tirée du fait que les élèves ingénieurs devraient se rendre de ce dernier à l'Université actuelle pour suivre les cours de la Faculté des sciences qui font partie de leur programme, elle peut être levée par une distribution convenable des heures de cours.
Nous nous sommes donc bornés, dans le projet que nous vous remettons, à chercher à satisfaire les besoins de la Faculté technique ».
En annexe se trouvait un plan dressé par le professeur Dechamps et comprenant:
1. Un bâtiment principal à deux étages d'une superficie de 1640 m2 avec deux ailes en retour sans étage de 638 m2, soit au total 2916 m2 de surface, destiné à l'exploitation des mines, à l'exploitation des chemins de fer, à la topographie, à l'architecture industrielle, à la construction des machines et à la technologie; une salle de réunion, un bureau pour l'appariteur et des salles d'interrogations complétaient cet ensemble.
2. Un Institut de mécanique de 104 m de façade et de 3120 m2 de superficie.
3. Un Institut de chimie industrielle de 63 m de façade et de 1931 m2 de superficie.
4. Un Institut de métallurgie de 63 m de façade et de 1931 m2 de superficie.
L'ensemble était évalué, sans le terrain, à 1.534.000 frs.
A propos de la consultation de la Faculté des sciences dont il est question plus haut, nous croyons intéressant de reproduire l'opinion émise par W. Spring dans la séance du 27 janvier 1906 de cette Faculté. Voici comment s'exprimait l'éminent professeur:
« Les propositions à faire au Gouvernement ne doivent pas aller à l'encontre de l'arrêté de 1896 qui a créé la Faculté technique et qui a défini les branches formant son enseignement et le nôtre.
Nous devons éviter de rendre possible, par des propositions trop larges, le rétablissement dans l'ordre matériel d'une ancienne confusion d'attributions contre laquelle la Faculté a lutté pendant plus de cinquante ans: l'enseignement des sciences pures doit rester chez nous et l'enseignement des applications doit appartenir à la Faculté technique.
Nous devons faire nos propositions, en raison de l'extension de nos services indépendamment des propositions que peut faire la Faculté technique.
L'Etat et la Ville de Liège se montrèrent en principe favorables à l'exécution du projet étudié par Dechamps, mais ils ne purent s'entendre sur la question du terrain et les pourparlers engagés furent rompus.
La situation de la Faculté technique ne cesse cependant de s'empirer. Le recteur Swaen la dépeint une fois de plus au Gouvernement, le 7 février 1914, l'occasion de l'envoi d'un rapport de M. Legrand, doyen de la Faculté technique, et se propose:
1° de démontrer de nouveau la nécessité de fournir à la Faculté technique les laboratoires et les installations qu'elle attend depuis nombre d'années;
2° de prouver que l'objection faite à cette création de nouveaux locaux n'a pour base qu'une connaissance inexacte des faits invoqués contre elle;
3° de demander au Ministre si, dans les conditions bien établies de l'absence de toute objction sérieuse, le Gouvernement reconnaîtra l'utilité de ces nouvelles installations et ne se refusera pas à une étude nouvelle des moyens de les réaliser. »
Survint la guerre, le pillage et la dévastation de nos laboratoires.
Pendant les années 1919 et 1920 l'Administrateur-Inspecteur C. le Paige qui n'avait cessé de signaler au Gouvernement l'urgence des mesures à prendre pour que l'enseignement universitaire fût placé à la hauteur désirable, s'appliqua tout d'abord avec un zèle des plus louables à relever l'Université des ruines accumulées par l'occupation allemande. Mais un événement nouveau en Belgique marqué les années 1921 et 1922; son importance mérite qu'on s'y arrête quelque peu.
Au lendemain de la guerre les Universités libres de Bruxelles et de Louvain s'étaient trouvées dans une situation financière si précaire que des industriels et financiers belges décidèrent de leur venir en aide. Des sommes importantes se chiffrant à plusieurs millions furent souscrites en faveur de l'enseignement technique de ces deux Universités. L'Association des Ingénieurs sortis de l'Ecole de Liège (A.I.Lg.) estima qu'une pareille intervention en faveur de la Faculté technique de l'Université de Liège s'imposait également, étant donné le mauvais état des finances du pays. -
Au -début d'avril 1921, des pourparlers s'engagèrent à cet effet entre le Recteur E. Hubert et M. Canon-Legrand, président de l'A.I.Lg., et une lettre circulaire fut adressée aux industriels de la région sollicitant leur intervention pécuniaire en vue de la transformation et de l'aménagement des locaux indispensables à la Faculté technique.
Vers cette même époque à la suite d'une démarche de MM. C. le Paige et E. Hubert, M. le Ministre Destrée se montra favorable à ce projet et, en présence de l'intervention des industrieIs, promit le concours financier du Gouvernement.
Mais la crise qui menaçait alors l'industrie faisait craindre que le moment fût mal choisi pour solliciter l'appui des indutriels: plusieurs mois en effet s'étaient écoulés depuis l'appel qui leur avait été adressé et aucune souscription n'avait encore été reçue.
C'est alors que le regretté Paul Van Hoegarden offrit d'intervenir. Grâce à lui les souscriptions atteignirent bientôt près de 500.000 frs. Sa mort inopinée, survenue le 24 juillet 1922, faillit à nouveau tout compromettre; heureusement l'Université trouva en M. le Sénateur E. Digneffe une aide si efficace que les souscriptions s'accumulèrent peu à peu jusqu'à atteindre un total de plus d'un million de francs.
Les souscriptions en espèces se répartissaient comme suit:
Solvay et Co, à Bruxelles |
fr. 100.000 |
|
Nagelmakers et fils, à Liège |
25.000 |
|
Chambre de Commerce de Liège |
1.000 |
|
Usines à Tubes de la Meuse |
10.000 |
|
Compagnie Générale des Conduites d'Eau |
10.000 |
|
Banque Liégeoise |
25.000 |
|
Entreprises Générales de Travaux |
5.000 |
|
Peltzer et fils, Verviers |
5.000 |
|
Cie Internationale des Pieux Frankignoul |
5.000 |
|
Société d'Electricité du Pays de Liège |
10.000 |
|
Chaudronneries Smulders |
5.000 |
|
Société Anonyme John Cockerill |
75 .000 |
|
Etablissements Jacques Piedboeuf |
3.000 |
|
Manufacture Liégeoise d'Armes à feu |
1.000 |
|
Cristalleries du Val-Saint-Lambert |
25.000 |
|
Bourse Industrielle de Liège |
1.000 |
|
Crédit Général Liégeois |
50.000 |
|
Lambert, banquier, Bruxelles |
50.000 |
|
Société des Mines et Fonderies de Zinc de la Vieille Montagne |
75.000 |
|
Banque Générale de Liège |
50. 000 |
|
Usines à cuivre et à Zinc de Liège |
25.000 |
|
Ougrée-Marihaye |
75.000 |
|
Association charbonnière |
203.008 |
.20 |
Espérance-Longdoz |
25.000 |
|
Raffinerie Tirlemontoise |
10.000 |
|
Société Liégeoise de Construction de Machines |
5.000 |
|
Fonderies de Binche, Société Anonyme |
1.000 |
|
Tramways Liégeois |
5.000 |
|
Aciéries d'Angleur |
30.000 |
|
Athus-Grivegnée |
10.000 |
|
Saint-Léonard-Outils |
5.000 |
|
Société Anonyme La Vesdre |
5.000 |
|
J. Chaudoir et Cie |
2.000 |
|
Railways Economiques de Liège-Seraing |
5.000 |
|
Banque de Paris et des Pays-Bas |
10.000 |
|
Etablissements Pieper |
1.000 |
|
Contruéctions mécaniques de Longdoz |
1.000 |
|
Métallurgique de Prayon |
25.000 |
|
Fabrique Nationale d'Armes de Guerre |
75.000 |
|
|
|
|
Total des versements |
1.049.008 |
.20 |
Entre-temps le Gouvernement avait été saisi d'un projet comprenant notamment:
1. La construction d'un Institut de minéralogie, géologie et paléontologie;
2. La construction d'un Institut de métallurgie;
3. La surélévation de l'aile droite du bâtiment principal, face à la rue du Méry, soit deux étages à construire sur le rez-de-chaussée existant;
4. Des appropriations à l'Institut Montefiore.
L'ensemble était évalué à 8.500.000 frs. environ dont l'Etat devait assurer une partie.
Les deux premières constructions prévues au projet cidessus devaient être érigées, la première au coin de la rue de Pitteurs à l'emplacement d'une série d'immeubles, incendiés par les Allemands, la seconde sur le terrain joignant l'Institut de mécanique au boulevard de la Constitution. Pour la première, il est peu probable que les propriétaires, qui depuis lors ont reconstruit, eussent consenti à abandonner leurs droits aux réparations qui leur étaient dues, à des conditions avantageuses pour l'Université. Ils ne furent d'ailleurs jamais pressentis; pas plus que la Ville de Liège, dont l'intervention était légalement requise, ne fut mise au courant de ces projets. La Faculté technique non plus n'avait pas été consultée à leur sujet. Lorsqu'ils vinrent à sa connaissance, elle demanda à en faire un examen approfondi et me chargea de l'étude de cette question sur laquelle je lui fis rapport en séance du mai 1921. Les idées émises alors pouvant être considérées comme le point de départ des projets actuellement élaborés, il me paraît intéressant de reproduire ici l'extrait du procès-verbal de cette réunion, tel qu'il fut transmis aux autorités universitaires.
EXTRAIT DU PROCES-VERBAL
de la séance de la Faculté technique du 3 mai 1921, 2 1/2 heures.
Présents: MM. Nihoul, doyen; Legrand, Denoël, Prost, De Bast, Fourmarier, Duchesne, Hanocq, de Marneffe et Dehalu, secrétaire.
Absent et excusé: M. Lohest, professeur ordinaire à la Faculté des Sciences.
ORDRE DU JOUR: La question des locaux.
M. le Doyen donne la parole à M. Dehalu, secrétaire.
M. DEHALU. - D'accord avec M. le Paige, AdministrateurInspecteur, la question des locaux a été mise à l'ordre du jour de cette séance. Permettez-moi de vous rappeler brièvement l'état de cette question.
Tout d'abord de quelles ressources espère-t-on disposer?
La Commission administrative de la Fondation Universitaire liégeoise qui possède un dépôt en banque de 4.500.000 francs environ propose au Gouvernement de souscrire jusqu'à concurrence de cette somme, des titres de l'emprunt belge, à la condition que ce fonds soit entièrement affecté à la construction de nouveaux locaux pour l'Université de Liège.
D'autre part l'Association des Ingénieurs sortis de l'Ecole de Liège a décidé de faire appui à la bonne volonté des industriels belges en faveur de nôtre Faculté technique, comme cela a été fait pour les Ecoles spéciales des Universités de Bruxelles et de Louvain. Elle espère ainsi recueillir une somme à peu près équivalente à la première.
M. le Ministre des Sciences et des Arts mis au courant de ces deux projets, s'y est montré favorable et a laissé entrevoir une participation financière de l'Etat au moins égale à celle des industriels.
Voilà nos espérances, voyons quels sont les projets.
A une époque postérieure à l'armistice, où F on ne prévoyait que l'aide financière, plus ou moins problématique de l'Etat, deux projets, comme vous le savez, avaient retenu l'attention de l'Administration de l'Université: le premier était la création d'un Institut de métallurgie, comprenant les laboratoires de la métallurgie générale, de la sidérurgie et de la métallurgie des métaux autres que le fer; le second, la création d'un Institut des sciences minérales, comprenant la géologie, la minéralogie, la paléontologie, etc.
Les emplacements préconisés étaient: 1° pour l'Institut de métallurgie, un terrain de 1400 mètres carrés, joignant l'Institut de mécanique au boulevard de la Constitution; 2° pour l'Institut des sciences minérales, un terrain de 1600 mètres carrés à l'angle de la rue de Pitteurs et du quai Edouard Van Beneden.
Le coût de ces constructions a été évalué, d'après des devis sommaires à
2.500.000 francs pour l'Institut de métallurgie.
4.800.000 francs pour l'Institut des sciences minérales.
Une sérieuse objection a été faite ici même au sujet de l'emplacement de l'Institut de métallurgie; c'est l'impossibilité d'assurer dans l'avenir, l'extension tant du service de la mécanique que de celui de la métallurgie. Il vous avait paru qu'il vaudrait mieux transférer, au boulevard de la Constitution, le bâtiment de la machine à vapeur qui sert aux essais des élèves et situé quai de l'Université, de manière à concentrer au même endroit tout le service de la mécanique.
Dans ces conditions il faudrait faire choix d'un autre emplacement pour l'Institut de métallurgie. Vraisemblablement on en trouverait un convenable au quai de l'industrie, où certains terrains sont encore vacants: je n'en vois pas de plus proches de l'Université.
Mais a-t-on réfléchi aux graves inconvénients qu'entrainerait la création de deux nouveaux Instituts éloignés du bâtiment central de la place de l'Université?
Je me bornerai à signaler la situation qui serait faite aux élèves de la 2e Mines, quoique celle de leurs camarades des autres années d'études ne serait guère plus enviable. Ces élèves recevraient les enseignements inscrits au programme de la manière suivante: l'électricité, rue Saint-Gilles, la construction des machines, boulevard de la Constitution, la chimie industrielle et l'exploitation des mines, place de l'Université, la géologie, rue des Pitteurs (?), enfin la métallurgie générale, quai de l'Industrie, par exemple. Ils auraient donc à se rendre en cinq endroits relativement éloignés les uns des autres.
Comment dans ces conditions établir un horaire groupant tous les cours de cette année d'études dans la matinée? Il faudrait évidemment empiéter sur les heures de l'après-midi ce qui amènerait la désorganisation des répétitions et des travaux pratiques.
Peut-on songer sérieusement à faire perdre, chaque matin, à nos élèves une ou deux heures en promenades stériles ?
Vous avez estimé que le système des Instituts isolés et distants les uns des autres ne convenait pas à une faculté, comme la nôtre, à cause des exigences des programmes et vous m'avez demandé d'examiner si avec les ressources dont nous pourrions éventuellement disposer, il ne serait pas possible d'envisager la création d'une annexe universitaire qui réunirait tous les cours suivis par nos candidats ingénieurs. C'est le résultat de cette étude que j'ai l'honneur de vous présenter.
J'ai tout d'abord procédé à l'évaluation des surfaces occupées par nos divers laboratoires et je me suis enquis auprès de la plupart de nos collègues des besoins de leur service.
MM. Hanocq et de Marneffe m'ont suggéré quelques idées que j'ai mises à profit. J'ai consulté aussi quelques spécialistes en construction de bâtiments.
Grâce à eux, et je les en remercie bien vivement, j'ai pu établir, le coût approché des constructions à édifier.
Mais pour les réunir en un ensemble et réserver la possibilité de les étendre dans l'avenir, il fallait encore trouver un terrain suffisamment spacieux et peu éloigné du centre de la ville.
Pour cela, je me suis rendu au bureau des Travaux de la Ville de Liège où, très aimablement, j'ai été renseigné sur les terrains actuellement vacants dans notre cité.
Le seul emplacement qui m'a paru convenir, tant par sa situation admirable que par son étendue, est un terrain de deux hectares, situé en face de la Statue de Gramme entre la Meuse et la nouvelle Dérivation, à l'endroit où en 1905 fut érigée l'exposition du Vieux-Liège.
Cet emplacement avait déjà été préconisé en 1906, pour y établir la Faculté technique. Un projet de bâtiments a dû être étudié à cette époque; je n'en ai pas connaissance, mais je pense qu'il aurait peu de chance d'être réalisé aujourd'hui à cause de l'augmentation des prix des matériaux et de la main-d'oeuvre.
Mon projet tient compte des difficultés du moment; il prévoit les exigences artistiques de tout bâtiment officiel d'une certaine importance et par un large emploi du béton armé assure aux constructions une solidité et une rigidité à toute épreuve, tout en diminuant leur prix de revient.
Les locaux à créer consisteraient en: 1° un bâtiment principal; 2° des laboratoires; 3° des auditoires avec salles de collections, de préparations et bureaux. Examinons-les séparément.
Le bâtiment principal
Le terrain du Vieux-Liège a la forme d'un quadrilatère dont les côtés sont respectivement 45, 120, 250 (Côté en courbe) et 200 mètres. L'axe de ce terrain dans le sens N.-SE. se dirige sensiblement vers la Statue de Gramme.
Le côté de 45 mètres, faisant face à celle-ci, serait réservé à la façade monumentale du bâtiment principal qui se continuerait des deux côtés sur une longueur de 55 mètres, parallèlement à la Meuse d'une part et à la Dérivation d'autre part. Ce bâtiment aurait une largeur de 25 mètres et occuperait ainsi un terrain de 2785 mètres, de superficie.
La partie de 45 mètres en façade et l'aile faisant face à la Meuse, soit une superficie de 2000 mètres carrés, constituerait l'Institut des sciences minérales; l'autre de 785 mètres carrés faisant face à la Dérivation serait destinée à l'enseignement de l'architecture industrielle et aux services généraux de la Faculté.
Le bâtiment principal comprendrait: des caves, un rez-de-chaussée et deux étages. Son ossature serait constituée par une armature en béton armé non apparente à la façade. Celle-ci pourrait être conçue en Style mosan modernisé, car de larges baies doivent être prévues pour l'éclairage des salles. Ce style s'harmoniserait d'ailleurs admirablement avec le site environnant.
Le coût d'une pareille construction avec armature en fer pouvait s'estimer avant guerre 350 frs par mètre carré de surface bâtie. En admettant le quintuple de ce prix pour notre époque et sans tenir compte de l'économie résultant de l'emploi du béton armé, on arrive à 1750 frs par mètre carré, soit pour les 2785 mètres carrés de superficie à la somme de 4.873.750 frs.
Les laboratoires.
Prenons comme modèle type de laboratoire, un local occupant un terrain de 600 mètres carrés de superficie et comprenant: un sous-sol, un rez-de-chaussée, et un étage, soit une surface totale disponible de 1800 mètres carrés. En adoptant le principe de certaines constructions industrielles, avec armature en béton armé et remplissage des panneaux en briques, murs de 24 centimètres, le prix d'un bâtiment de cette espèce, comprenant deux étages, pourrait s'élever à 260.000 frs. Mais comme il conviendrait de soigner davantage l'aménagement intérieur, pour les parquets, par exemple, nous estimerons 300.000 frs le prix d'un laboratoire.
Je compte que quatre laboratoires de ce genre seront nécessaires: un pour la chimie analytique, un pour la chimie industrielle, un pour la métallurgie générale et sidérurgie, enfin un pour la métallurgie spéciale (métaux autres que le fer).
Le coût total serait donc de 1.200.000 frs.
Pour le service de la mécanique, je prévois la construction de deux bâtiments occupant un terrain de 1200 mètres carrés chacun et comprenant un rez-de-chaussée et un étage. Si l'on suppose une construction analogue à la précédente, on peut évaluer à 350 frs le prix de revient par mètre carré de superficie: ce qui, porterait à 840.000 frs le coût de ces deux locaux.
Le prix de ces six laboratoires s'élèverait ainsi à 2.040.000 frs.
Les auditoires
La bâtiment principal comprendrait les auditoires nécessaires à l'enseignement de la géologie, de la minéralogie et de la paléontologie; dans l'aile gauche serait édifié l'auditoire du cours d'architecture industrielle, voisinant avec la salle de dessin à prévoir pour cet enseignement. Six autres auditoires placés en façade le long des côtés courant parallèlement à la Meuse et à la Dérivation seraient annexés aux laboratoires précédents.
Chaque auditoire occuperait une superficie de 16 x 10 mètres = 160 mètres carrés; sur les deux grands côtés seraient disposés deux grandes salles de collections de cours de dimensions à peu près pareilles à celles de l'auditoire. Sur un des petits côtés de celui-ci se trouverait une salle, de préparation de 12 X 4 mètres et joignant celle-ci deux bureaux de 4 X 5 mètres. Cet arrangement permettrait d'utiliser quelques uns de ces auditoires pour deux enseignements, par exemple, pour un cours à laboratoire et un cours d'exploitation. Ces cours se partageraient les deux salles de collections. Les cours d'exploitation des mines, d'exploitation des chemins de fer et de topographie disposeraient ainsi chacun d'une salle pour leurs modèles de cours. L'ensemble de cette construction occuperait environ 600 mètres carrés; le bâtiment comprendrait des sous-sols et un rez-de-chaussée; l'éclairage se ferait par le haut. En adoptant le mode de construction précédent, excepté pour la façade qui serait en briques et pierres de t'aille, on peut estimer le coût de ce bâtiment à 500 frs le mètre carré, soit pour l'ensemble des six auditoires et salles: 1.800.000 frs.
En résumé nous trouvons:
Bâtiment principal |
frs. 4.875 .750 |
Quatre laboratoires de 600 mètres carrés. |
1.200.000 |
Deux laboratoires de 1.200 mètres carrés. |
840.000 |
Six auditoires, salles de collections et bureaux |
1.800.000 |
|
|
Total |
8.713 .750 |
Je n'ai pas compté le prix du terrain qui représentait avant la guerre une somme de 600.000 frs à un million, parce que les locaux actuellement occupés par l'Institut de mécanique au boulevard de la Constitution et le terrain joignant dont l'ensemble vaut actuellement plus d'un million pourraient être offerts à la Ville de Liège en échange du terrain du Vieux-Liège.
Il me semble avoir démontré par ce qui précède la possibilité d'édifier une annexe importante de l'Université qui grouperait tous les cours et laboratoires suivis par les élèves de la Faculté technique. L'avantage qui en résulterait pour les autres Facultés serait énorme, car elles pourraient désormais se développer dans les locaux rendus libres du bâtiment central.
En particulier la Faculté des sciences pourrait utiliser les locaux occupés actuellement par la chimie analytique et la chimie industrielle pour l'expansion de la chimie générale et pour l'installation du laboratoire de physique expérimentale dont le bâtiment actuel serait mis à la disposition de la grande bibliothèque. Mais ce ne sont là que des hypothèses dont la solution n'intéresse pas directement le projet actuel et sort entièrement du domaine de la Faculté.
M. Nihoul, Doyen, ouvre la discussion sur le projet qui vient d'être exposé.
Après discussions et échanges de vue, la Faculté décide de se rallier au projet de M. Dehalu et d'en poursuivre la réalisation d'accord avec la Faculté des sciences et les autorités académiques.
Copie de ce procès-verbal sera transmise à M. le Paige, Administrateur-Inspecteur de l'Université.
M. E; Hubert, Recteur de l'Université et Président de la Commission Administrative du Patrimoine universitaire.
M. Colson, Doyen de la Faculté des sciences.
M. Canon-Legrand, Président de l'Association des Ingénieurs sortis de l'Ecole de Liège.
Le Secrétaire, |
Le Doyen, |
M. DEHALU |
M. NIHOUL |
La Faculté des Sciences tout en se montrant favorable à ces vues suggéra de réunir dans un même bâtiment les Cours généraux de la Candidature-ingénieur et de la Faculté technique.
D'autre part l'A.I.Lg., qui se préoccupait alors d'organiser une série de manifestations en vue de fêter le 75e anniversaire de sa fondation, fit réaliser, pour l'Exposition de l'Art de l'Ingénieur qu'elle projetait, la maquette d'un projet d'un l'Institut technique élaboré par M. le professeur Hanocq.
Elle espérait ainsi provoquer de nouvelles souscriptions et en tout cas donner à ce projet l'appui de tout le prestige et de la considération dont elle jouit tant dans les milieux officiels que dans le monde industriel.
De mon côté, je m'appliquai à réunir toute la documentation désirable sur les installations des grandes Ecoles techniques étrangères et sur les exigences des services d'enseignement de notre Faculté technique. Pour m'aider dans cette tâche, la Commission administrative du Patrimoine de l'Université jugea utile de me faire visiter en compagnie de mon collègue, M. le professeur A. Duchesne, les nouveaux bâtiments de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich dont la réputation est justement célèbre, Cette visite modifia complètement mes vues antérieures et, après de nombreux entretiens avec mes collègues, j'adressai le 28 février 1922, à M. l'administrateur-inspecteur, C. le Paige, la lettre suivante:
« La Faculté technique a eu l'honneur de vous adresser un extrait du procès-verbal de sa séance du 3 mai 1921, relatif à un projet de constructions de nouveaux locaux dont je lui avais fait part. Depuis lors de nombreux échanges de vue avec mes collègues de la Faculté des Sciences et de la Faculté technique, une visite récente à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, une documentation plus étendue sur les exigences de l'enseignement supérieur des Sciences pures et appliquées et sur les solutions préconisées pour y satisfaire, enfin la connaissance d'un projet d'embellissement de notre ville qui se lierait admirablement avec celui que nous poursuivons, m'ont conduit à revoir ma première étude et à en élargir considérablement le cadre.
En abordant pour la première fois, l'an dernier, la question des nouvelles installations pour la Faculté technique, je m'imaginais le problème beaucoup plus simple qu'il n'est en réalité et j'estimais qu'un terrain de 2 hectares 1/2 pourrait suffire aux besoins de notre enseignement pendant un grand nombre d'années. Mais, dans la suite, en procédant à une enquête minutieuse sur les superficies réclamées par nos divers services, je vis apparaître des exigences que je n'aurais pu soupçonner tout d'abord. Poussant plus loin mes investigations, je me documentai sur les installations universitaires les plus récentes et visitai avec un de mes collègues de la Faculté technique, M. A. Duchesne, grâce à la générosité du Patrimoine de l'Université de Liégé, l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, une des écoles techniques les plus célèbres du continent, qui fut récemment aménagée et agrandie par un architecte de grande valeur, M. le professeur Gull. Celui-ci ayant bien voulu nous recevoir et nous éclairer de ses conseils, je me rendis ainsi compte de l'ampleur du problème que des circonstances spéciales m'avaient amené à étudier.
La question des constructions destinées aux Universités a d'ailleurs fait l'objet d'études très nombreuses dont les plus remarquables sont, sans conteste, celles qui furent entreprises à l'occasion de la création de l'Université de Californie à Berkeley.
Un concours international, comprenant une épreuve éliminatoire et une épreuve finale, fut institué pour le meilleur projet de cette Université à établir sur un terrain de 100 hectares. La plus grande liberté fut donnée aux concurrents qui eurent à faire oeuvre d'artistes, sans avoir à se préoccuper de la question financière.
La première épreuve qui avait réuni 105 concurrents, fut jugée, en 1896, à Anvers; onze projets jurent primés.
Leurs auteurs furent alors invités à visiter, aux frais du comité organisateur du concours, les Universités les plus importantes des deux continents et l'emplacement de la future Université de Californie; puis on leur assigna un délai suffisant pour la remise des projets définitifs.
Le vainqueur de cette joute, si intéressante pour ceux qui sont appelés à étudier la construction de bâtiments universitaires, fut un architecte français, M. Bénard, dont le projet dépassa tous les autres d'une manière remarquable. Ce projet et cinq autres également primés ont été reproduits en un volume qui a pour titre: " The international competition for the Phoebe Hearst architectural plan for the University of California ".
L'architete Gull, dans ses aménagements et agrandissements de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, s'est inspiré de trois principes directeurs empruntés au projet de M. Bénard
1° Séparation complète des bâtiments destinés aux cours généraux et aux cours comprenant des laboratoires;
2° Pour les premiers, de grands dégagements et un accès facile à tous les locaux. Ces bâtiments comportent toujours une salle de pas perdus, éclairée par le haut et garnie sur tout son pourtour, aux différents étages, de galeries qui la surplombent. Cette salle, avec parfois des galeries attenantes, peut servir en partie à l'exposition de collections diverses et assure une circulation aisée des élèves à l'entrée et à la sortie des cours, de cette façon, les étudiants en attendant l'ouverture d'un cours, ne sont plus obligés de stationner dans la rue ou d'encombrer les vestibules jusqu'à en obstruer tout passage;
3° Les laboratoires sont des constructions d'architetture très simple, disposées autour d'une cour ouverte carrée ou rectangulaire. Cet arrangement a le grand avantage d'utiliser au mieux le terrain et de se prêter aux agrandissements futurs.
Partant de ces principes, en m'aidant des données qui me furent communiquées par mes collègues de la Faculté technique et par quelques-uns de mes collègues de la Faculté des Sciences (voir annexe), j'ai établi les surfaces d'encombrement des bâtiments dont il va être question.
Si l'on voulait donner à l'enseignement de nos Ecoles spéciales, tout le développement qu'elles comportent, un grand nombre de nos collègues estiment que huit nouveaux bâtiments devraient être construits. Nous les énumérons ci-dessous avec l'indication de leur superficie:
1° |
Un bâtiment polir les cours généraux de la Faculté technique à savoir: l'exploitation des mines, l'exploitation des chemins de fer, la topographie, l'architecture industrielle, la construction des machines, la technologie, l'économie politique et le droit administratif, superficie, en y comprenant un hall d'essais pour la constructtion des machines, l'architecture industrielle et un atelier pour la technologie |
4736 m2 |
2° |
Un Institut de Métallurgie |
3500 m2 |
3° |
Un Institut de Mécanique |
3600 m2 |
4° |
Un Institut des Sciences minérales |
1800 m2 |
5° |
Un Institut de chimie analytique et de chimie industrielle |
3500 m2 |
6° |
Un bâtiment pour les cours généraux de la Candidature ingénieur comprenant: analyse infinitésimale, géométrie analytique, mécanique rationnelle, physique mathématique, astronomie et géodésie, calcul des probabilités, géométrie descriptive, graphostatique |
3840 m2 |
7° |
Un Institut de Chimie générale |
3500 m2 |
8° |
Un Institut de Physique |
1600 m2 |
Mais un certain nombre de nos collègues pensent qu'il n'y a pas à présent nécessité impérieuse de construire les trois derniers bâtiments, parce qu'ils estiment que la Faculté des Sciences trouverait pour ses cours généraux suffisamment de place dans les locaux abandonnés par la Faculté technique et que le bâtiment occupé actuellement par la Chimie analytique et la Chimie industrielle pourrait être mis à la disposition de la Chimie générale et de la Physique. Le premier service s'agrandissant des laboratoires de la Chimie analytique, devenus vacants, et le second prenant possession du rez-de-chaussée et du premier étage du bâtiment B.
D'ailleurs les locaux qui deviendraient libres par le départ de tous les services de la Faculté des Sciences dépasseraient- de beaucoup les besoins actuels des autres Facultés qui sont logées dans le bâtiment principal de la place du 20 août, de l'Ecole de Commerce et de la Bibliothèque.
À mon sens une excellente solution qui donnerait en partie satisfaction aux légitimes désirs de la Facultés des Sciences, serait de réunir dans un même bâtiment les Cours généraux de la Candidature-ingénieur et de la Faculté technique et de créer un Institut pour les branches relatives aux constructions industrielles qui comprennent actuellement: l'architecture industrielle, la construction des machines et la technologie, car cette partie de l'enseignement technique est forcement appelée à prendre un grand développement par les progrès incessants de l'automobilisme et de l'aviation.
Mon projet consisterait donc dans l'édification de six bâtiments:
1° |
Un bâtiment pour les cours généraux de la Candidature-ingénieur et de la Faculté technique |
3840 m2 |
2° |
Un Institut de métallurgie |
3500 m2 |
3° |
Un Institut de mécanique |
3600 m2 |
4° |
Un Institut des Sciences minérales |
1800 m2 |
5° |
Un Institut de chimie analytique et de chimie industrielle |
3500 m2 |
6° |
Un Institut de con constructions industrielles |
3000 m2 |
Si l'on adopte ce projet, les surfaces bâties s'élèveraient près de 2 hectares, tandis que si l'on se borne à la construction de cinq bâtiments elle sera de 1 hectare 3/4 environ.
Partant de ces données, on peut estimer l'étendue du terrain nécessaire aux constructions projetées.
C'est un fait d'expérience que tous les laboratoires universitaires construits il y a 25 ans sont devenus partout insuffisants. Prenons l'exemple de notre Institut de chimie qui comprend les services de la chimie générale, de la chimie analytique et de la chimie industrielle.
Il occupe un terrain de plus de 7000 m2, c'est-à-dire environ 43 % de la superficie totale du terrain sur lequel sont édifiés tous les bâtiments universitaires de la place du 20 août, de la place Cockerill et du quai des Etats-Unis.
Il est bien connu que tous les services y sont maintenant à l'étroit. Spring avait d'ailleurs prévu cette situation dès le début.
On sait que ce terrain lui fut imposé par une administration aux vues étroites que l'illustre maître ne cessa de combattre. Voici ce qu'il dit page 32, dans sa brochure intitulée " L'Institut de chimie générale de l'Université de Liège ":
« Bien qu'il ait été tiré parti d'une manière aussi satisfaisante que possible du terrain imposé, il est à jamais regrettable cependant que l'Institut chimique n'ait pu s'élever sur un terrain plus vaste. On aurait non seulement pu l'isoler complètement, mais encore le placer en retrait des voies de circulation et le défendre contre les poussières de la voirie par des plantations appropriées. »
De semblables erreurs ont d'ailleurs été commises dans d'autres Universités et à Zurich même l'agrandissement du Laboratoire de Mécanique créé en 1900 nécessitera des expropriations extraordinairement onéreuses.
Il importe donc d'éviter de telles fautes en réclamant pour nos futurs Instituts un terrain suffisamment vaste. Le professeur Gull considère qu'il faut au minimum un terrain dont l'étendue soit 3 fois la surface totale d'encombrement des bâtiments. Dans ces conditions nous aurions besoin d'au moins 6 hectares.
La solution évidemment la plus pratique et de loin la plus élégante consisterait à pouvoir édifier nos bâtiments dans un parc comme cela a été fait notamment à Bruxelles pour les Instituts Solvay, établis au Parc Léopold, et à Strasbourg où sept Instituts universitaires, couvrant une superficie de 7 hectare 35 ares, sont situés dans un parc de 9 hectares d'étendue.
Mais où trouver un terrain quelque peu vaste dans une ville qui comme Liège est bâtie dans une vallée resserrée.
Depuis le jour déjà lointain où l'on agita pour la première fois la question des nouvelles installations pour la Faculté technique, l'on mit en avant l'emplacement du Vieux-Liège.
Le-terrain actuellement vacant en cet endroit n'a que 2 hectares 1/2 de superficie; il est évidemment tout à fait insuffisant. Mais eu 1906, M. Digneffe, qui préside actuellement avec tant d'autorité aux destinées de notre ville, avait conçu l'idée de transformer en parc public tout le terrain d'une étendue de 12 hectares, compris entre l'Ourthe et le canal de l'Ourthe et qui s'étend de la Meuse au moulin Marcotty.
L'exécution de ce projet, dont il est question de reprendre l'étude, nécessiterait l'expropriation d'un terrain d'environ deux hectares et de plus de 180 habitations, peu importantes à la vérité, le tout sis sur le territoire de la commune d'Angleur (voir plan n° 1 annexé).
Je ne me dissimule pas que la création de ce parc rencontrera de fortes oppositions; cependant sa réalisation nous permettrait d'entrevoir la possibilité d'y établir nos nouveaux locaux.
Désormais seraient assurés le développement continu de nos services et l'avenir de nos Ecoles spéciales.
En dehors de cet emplacement je n'en vois que deux autres de cette importance: le parc de la Citadelle et les terrains au-delà du Champ des manoeuvres.
Tous les deux sont d'accès très difficile et situés dans la zone d'exploitation des charbonnages.
Le premier exigerait l'expropriation des bâtiments militaires qui s'y trouvent; ce qui entraînerait évidemment à d'assez fortes dépenses.
L'accès du second pourrait être rendu plus facile si l'on se décidait à jeter un pont sur la Meuse, à la hauteur du parc du tir communal, comme il en a été question jadis.
Mais aucun de ceux-ci ne présentent évidemment les avantages de la situation des terrains du Vieux-Liège, qui se trouvent à un noeud de voies de communications. Aussi devons-nous souhaiter que se réalise à notre profit le projet Digneffe, qui tout en contribuant a l'embellissement de notre chère cité permettrait de donner à nos Ecoles spéciales leur plein épanouissement.
Est-il possible à l'heure présente d'évaluer le coût probable des nouvelles constructions?
Je ne le pense pas. Il faudrait, en effet, être fixé sur l'emplacement et sur le nombre d'Instituts à construire. Le prix dépendra encore du genre de constructions qu'on adoptera. A la vérité, pour les laboratoires, il ne s'agit que de bâtiments d'architecture très simple.
Néanmoins il ne faut pas se faire d'illusion les dépenses seront malgré tout très élevées, mais rien ne s'oppose à ce qu'elles soient reparties sur un certain nombre d'années.
En vain opposera-t-on la situation financière obérée de l'Etat, celuici ne peut cependant indéfiniment se dérober à ses obligations de développer l'enseignement supérieur. Depuis trente ans, aucune construction nouvelle n'a plus été faite à l'Université de Liège et la Faculté technique, en particulier, se trouve comprimée dans des locaux qui n' ont pas été prévus pour elle.
Le Gouvernement peut-il rester indifférent à la concurrence que vont faire à ses établissements les Universités libres de Bruxelles et de Louvain.
La Ville de Bruxelles dont la situation financière n'est cependant pas si brillante - elle a du contracter récemment un emprunt de 150 millions de francs - n'a pas hésité à souscrire 20 millions en faveur des Ecoles spéciales de l' Université Libre.
Elle a montré de la sorte que certains sacrifices ne pouvaient être différés; aux pouvoirs publics à prendre exemple sur elle.
Nos Ecoles spéciales jouissent depuis longtemps d'un renom que ne possède aucune institution similaire belge; elles ont attiré et attirent encore la population la plus nombreuse tant parmi nos nationaux que parmi les étrangers; elles accueillent maîtres et élèves quelles que soient leurs opinions politiques ou leurs convictions religieuses; elles se trouvent dans un milieu industriel qui donne à son enseignement une sanction pratique.
Ces rairons me paraissent amplement suffisantes pour obtenir des pouvoirs publics un appui financier important.
En ce qui concerne la Ville de Liège, je ne doute pas que nos édiles sauront faire le sacrifice qu'on réclame de leur clairvoyance et de leur patriotisme et qu'ils suivront le noble exemple de la Ville de Bruxelles qui, outre son don de 20 millions, a mis à la disposition de l'Université Libre un terrain de 4 hectares pour y édifier les bâtiments projetés.
Il me reste pour terminer, à attirer l'attention des autorités académiques sur un point important.
C'est qu'il me parait impossible de lier indissolublement la question de nos nouveaux locaux au projet Digneffe.
J'ai montré les énormes avantages qui en résulteraient pour nous s'il venait à se réaliser, mais en cas de non réussite il importe de dire que le terrain actuellement vacant au Vieux-Liège n'est pas assez vase pour recevoir nos nouvelles constructions et que d'ailleurs il se prête mal à leur établissement.
En effet, une grande partie de ce terrain est en excavation profonde ce qui nécessiterait des fondations très importantes et un développement inusité de sous-sols sans destination utile pour nos services.
Je pense donc qu'il importe de se réserver le choix d'un autre emplacement si le projet Digneffe n'était pas agréé par le Conseil communal ou si sa réalisation était remise à une date trop éloignée.
Veuille agréer, etc...
|
Un mois plus tard je faisais parvenir aux autorités académiques les deux projets représentés fig. 1 et 2.
Dans le projet n° 1 les bâtiments sont dispersés sur les terrains du Vieux-Liège aménagés en parc public et dans le projet n° 2 , ils sont alignés le long du quai du Condroz, sauf le bâtiment de la géologie qui fait face au quai Gloesener
Mon but, en dressant ces deux plans, était de montrer l'étendue du terrain nécessaire à ces constructions dans les deux hypothèses qu'on pouvait envisager. J'appelais cependant l'attention sur quelques points importants.
Projet n° 1.
Les quais Gloesener et du Condroz ont été portés à 25 mètres de largeur suivant les vues de l'Etat qui projette de transformer ces deux voies de communication en chemin de grande voirie; de même l'espace face à la statue de Gramme, est porté de 25 mètres à 50 mètres. Ce carrefour important aurait de cette manière une superficie de 50 x 70 m. environ
Ces modifications à l'état actuel des lieux, qui s'imposent de toute façon, diminuent la superficie du terrain qui pourrait être mis à notre disposition d'environ 3300 m2 dont la plus grande partie devra être remblayée.
Pour éviter la grande excavation que présente la partie nord de ce terrain vers la sthatue de Gramme, les premiers bâtiments, dans les deux projets, sont placés fortement en retrait du quai Gloesener.
Dans cette hypothèse, les pentes de ce large fossé devraient être adoucies et son centre quelque peu surélevé, de manière à réaliser un vallonnement agréable à la vue.
Le chemin droit réunissant le quai du Condroz au pont sur le canal et qui passe devant l'Institut " Sciences et Technique " serait sensiblement de niveau, car le nouveau pont prévu sur le canal devra se trouver à une certaine hauteur pour les nécessités du halage le long de ce cours d'eau; il en serait de même pour le chemin conduisant du quai Gloesener à ce même institut.
La création de ces deux chemins réclamera des travaux de terrassement importants. Enfin, tout le terrain actuel devra être remblayé de 1 mètre, pour le mettre complètement à l'abri des plus grandes crues.
Tels sont, les travaux préliminaires les plus importants à prévoir, sans compter l'aménagement du parc.
La construction des instituts dans l'ordre indiqué au plan exigera, dès le début de nombreuses expropriations.
Projet n° 2.
La réalisation éventuelle de ce projet nécessitera à peu près les mêmes aménagements du terrain que ceux prévus pour le précédent, sauf la création du parc. Son avantage sur le projet n° 1 est qu'il exigerait, actuellement, peu d'expropriations.
L'Institut de Métallurgie ne nécessiterait que l'expropriation d'une maison. Les expropriations pour la construction de l'Institut de Géologie sont plus importantes, mais elles sont déjà prévues pour l'établissement du nouveau pont sur le canal.
Le terrain situé derrière les instituts à construire devrait être réservé pour l'avenir et son expropriation par zône, assurée au bout d'une période d'une quinzaine d'années par exemple.
La partie la plus importante des bâtiments actuels de l'Abbaye du Val Benoît fut édifiée au début du XVIIe siècle.
Un remarquable portique datant de 1618, donne accès à une vaste cour de 100 x 65 mètres environ. L'Abbaye s'élève sur un des longs côtés de celle-ci.
Une pierre commémorative indique qu'en l'an 1629, l'abbesse Marguerite de Noville procéda à ]a réédification des bâtiments intérieurs et d'une partie des cloîtres. Mais l'Abbaye ayant eu à souffrir des inondations de 1643, la plus terrible dont on ait gardé le souvenir à Liège, et de celles de 1740, puis encore des guerres qui marquèrent la fin du XVIIe et le commencement du XVIIIe siècle, enfin d'un incendie qui endommagea certains locaux, l'abbesse Anne de Montfort procéda à des reconstructions, ainsi qu'en fait foi une inscription lapidaire à la façade d'un des bâtiments avec le millésime 1727. D'ailleurs au cours de la Révolution française le couvent passa par des alternatives diverses: aliéné comme bien national en 1797, son église fut démolie au début du XIXe siècle (Cf. Gobert, Les rues de Liège.). Mais tous les autres bâtiments furent conservés et une annexe à l'habitation principale fut créée au siècle dernier en partie sur l'emplacement de l'ancienne église.
Cet ensemble de belles constructions conviendrait admirablement, comme nous l'avons déjà dit, pour une cité universitaire, analogue à celles qui existent depuis longtemps en Angleterre et en Amérique ou qui plus récemment ont été édifiées à Paris. Mais c'est là un projet sur lequel je ne veux pas insister pour le moment.
La principale préoccupation de l'Université devenue propriétaire de l'Abbaye du Val Benoît et de ses dépendances fut d'examiner les moyens propres à les soustraite aux crues désordonnées du fleuve. Le remède radical était l'établissement d'une digue longeant la Meuse. Ce travail important se rattachait d'ailleurs à une vaste entreprise projetée qui consistait dans l'endiguement de la rive gauche de la Meuse en amont du Pont du Val Benoît jusqu'à Jemeppe. Une partie de ce travail était déjà effectuée sur les territoires des communes de Jemeppe et de Tilleur.
D'autre part, le 13 juin 1913, le Collège échevinal de la ville de Liège jugeant que la largeur de la rue du Val Benoît prise dans son ensemble, ne répondait plus aux nécessités de la circulation très dense en cet endroit, avait demandé au département des travaux publics la création d'un quai de 20 mètres de largeur le long de la rive gauche de la Meuse, en amont du Pont du Val Benoît.
Lors de ses pourparlers avec la ville, l'Université s'était d'ailleurs engagée à lui céder gratuitement le terrain nécessaire à l'élargissement de ce quai.
Hélas il fallut les calamiteuses inondations de 1925-26 pour décider les pouvoirs publics à hâter l'exécution de ces travaux. Aujourd'hui une digue imposante de 2,50 m. de haut, s'étendant sur toute la longueur de nos terrains les protège contre les caprices de la rivière. Le dessus de cette digue sera prochainement aménagé en une voirie de 20 m. de large, tandis que sous le quai a été établie une canalisation d'égouts à laquelle nos installations pourront se raccorder. Enfin une rue nouvelle réunira bientôt le quai de Rome à la rue du Val Benoît.
Les expropriations nécessaires à cette fin sont actuellement en cours. L'Université a cédé à la Ville un triangle situé dans l'angle sud de sa propriété et a reçu en échange un triangle d'aire équivalente à l'angle ouest. De cette manière, comme on peut le voir sur le plan reproduit figure 5, nos terrains se trouveront en bordure de trois grandes voiries et ce résultat que nous devons, pour une grande part, à la clairvoyante initiative de M. le sénateur E. Digneffe, bourgmestre honoraire de la ville de Liège, est de nature à donner à notre propriété universitaire une plus value considérable, tout en facilitant la disposition des futurs bâtiments. Il nous dédommagea en partie des retards que subissaient pour des causes diverses nos projets de construction.
De ce côté en effet le temps n'avait guère travaillé pour nous: le gouvernement hésitant toujours à nous accorder les crédits que nous sollicitions. Leur nécessité avait bien été reconnue, ainsi que nous l'avons indiqué déjà, mais la dévaluation de notre monnaie, la hausse continue des matériaux et de la main-d'oeuvre faisaient apparaître nos exigences exagérées.
Il est jute de dire qu'une étude plus approfondie de nos besoins avait révélé une situation beaucoup plus grave qu'elle n'avait apparu de prime abord, On ne pouvait y porter remède qu'en sacrifiant beaucoup d'argent.
Mais ce n'était point chose aisée de faire admettre cette nécessité à ceux qui ont pour mission d'assurer l'avenir de nos Universités. L'exemple des Universités allemandes et américaines n'est-il pas cependant suffisamment probant à cet égard? Certes les bâtiments ne suffisent pas et je suis d'avis que de bons cerveaux valent davantage. Mais comment tirer parti de la valeur des élites si l'on ne dispose ni des locaux, ni de l'outillage indispensables à leur enseignement, à leurs recherches personnelles et à celles de leurs collaborateurs, en somme s'il et impossible de répondre à leurs exigences légitimes.
Je ne vise pas seulement ici les nécessités des sciences expérimentales qui sont à ce point de vue particulièrement impérieuses, mais encore celles de beaucoup d'autres disciplines, même parmi celles qui se sont longtemps contentées de peu. Ne voyons-nous pas en effet les Facultés de droit et de philosophie et lettres, si souvent sacrifiées, réclamer aujourd'hui pour le plus grand profit des maîtres et des élèves, des séminaires et d'importantes bibliothèques spéciales.
On n'arrête pas le progrès.
Sous ce rapport, les Universités sont un peu comme certaines industries qui se développent tout à coup sous la poussée d'événements économiques. Ceux-ci sont-ils très favorables, les anciens départements prennent tout à coup une extension imprévue, de nouveaux se créent à côté des anciens, et tous finiraient faute de place par s'entremêler sans espoir d'amélioration possible, si une direction prévoyante n'intervenait à temps.
Or depuis 35 ans le corps enseignant et les institutions académiques de l'Université de Liège se sont accrus dans de très fortes proportions. En effet, le nombre des professeurs et chargés de cours qui était de 79 en 1895 est passé à 140 en 1930; celui des assistants, répétiteurs et chefs de travaux est passé de 36 à 78 au cours de la même période.
On comptait en 1895, 29 laboratoires, actuellement il y a 56 auxquels il faut encore ajouter 12 séminaires, et je ne fais pas état des bibliothèques spéciales et des collections de cours. La population estudiantine qui était de 1267 élèves en 1895, s'élève aujourd'hui au chiffre de 2500 environ; elle avait d'ailleurs atteint le chiffre de 3000 en 1914.
Or pour faire face à tous ces accroissements aucune amélioration sensible et aucun agrandissement important des locaux n'ont été effectués depuis 35 ans.
Il ne faut donc pas s'étonner s'il a fallu loger jusque dans les caves et les combles des disciplines très importantes. Il faut au contraire se pénétrer de cette idée que l'Université de Liège ne peut plus suffire à ses besoins; elle est arrivée à ce tournant de son histoire que pour éviter une déchéance certaine de nouveaux et vastes locaux lui sont indispensables.
Convaincu de cette nécessité j'avais arrêté définitivement un programme de travaux que j'estimais indispensables. Il comprenait la construction de cinq bâtiments à ériger au Val Benoît et une série d'appropriations au bâtiment principal.
Les constructions prévues représentées schématiquement figure 5, consistaient en
1. Un institut de chimie appliquée et de métallurgie;
2. Un institut des sciences minérales;
3. Un laboratoire de thermodynamique contigu à une centrale de chauffage;
4. Un institut de mécanique;
5. Un institut de génie civil.
Pour ce qui était des aménagements, je prévoyais la désaffectation des laboratoires de physique dont les locaux seraient mis à la disposition de la bibliothèque, tandis que le bâtiment devenu libre par le transfert au Val Benoît de la chimie analytique et de la chimie industrielle serait dorénavant affecté à la physique expérimentale. Enfin le bâtiment faisant face à la place Cockerill serait entièrement restauré pour y installer la Faculté de droit et l'Ecole supérieure de commerce.
J'évaluai le coût probable de l'ensemble de ces travaux, y compris l'ameublement, l'éclairage et le chauffage, à la somme de soixante quinze millions de francs. Cet effort considérable absolument indispensable, ne me paraissait pas impossible à réaliser pour un pays comme le nôtre; mais il fit hésiter ceux-là même qui m'avaient encouragé dans mes premières études.
Cependant vers la fin de l'année 1927 une circonstance heureuse se présenta qui faillit alors emporter la décision.
Nous étions à la veille de l'Exposition internationale de Liège, et l'on envisageait à ce moment l'éventualité d'installer le palais des sciences dans un de nos nouveaux instituts dont il importait dès lors de hâter la construction. Une démarche entreprise par M. le sénateur Laboulle, commissaire général de l'Exposition, M. l'ingénieur G. Moressée, directeur, et moi-même auprès de M. C. Huysmans, ministre des sciences et des arts, et de M. le ministre du travail Wauters, représentant du gouvernement au Comité du Trésor, semblait devoir aboutir, lorsque la chute du ministère survenue peu après vint détruire nos espérances.
Au début de l'année 1928 une commission fut chargée d'examiner mes propositions: elle posa des exigences auxquelles il m'était impossible de répondre d'une manière précise. Dès lors le sort de mon projet n'aurait pas été douteux, sans la nomination de M. Liégeois à la direction de l'Enseignement supérieur au département des sciences et des arts.
Ce haut fonctionnaire n'hésita pas à venir se rendre compte par lui-même de la situation précaire dans laquelle nous nous débattions et s'intéressa à notre projet. Enfin une intervention très opportune de M. le Recteur Duesberg auprès de M. le premier ministre Jaspar, aux sentiments patriotiques duquel on ne fait jamais appel en vain, amena une première décision: une somme de seize millions fut mise à la disposition de l'Université pour la construction du premier institut. D'autre part M. Vauthier, ministre des sciences et des arts, dont on ne saurait assez reconnaître la bienveillante sollicitude à l'égard de notre haut enseignement, fit porter au budget de son département pour 1930 une somme de soixante millions pour l'ensemble des travaux. C'est à concurrence de cette somme que l'Université est autorisée à entreprendre ses nouvelles constructions.
A tous les artisans directs ou indirects de ce succès nous devons une profonde reconnaissance, et c'est une agréable mission pour moi de leur exprimer ici toute la gratitude de l'Université.
Cependant à l'heure de cette aube renaissante, si riche de promesses, il serait injuste d'oublier les ouvriers de la première heure qui eux aussi ont bien mérité de notre Alma Mater: feu l'administrateur-inspecteur le Paige, les Recteurs E. Hubert, Dejace et Prost; feu le gouverneur G. Grégoire, le conseil provincial de Liège et son ancien député permanent M. Laboulle, le conseil communal de la ville de Liège et ses éminents bourgmestres MM. Digneffe et Neujean, enfin les industriels du bassin de Liège et feu le regretté P. Van Hoegarden. A tous nous rendons grâce pour l'intérêt qu'ils nous ont porté. Ce devoir accompli, je voudrais dire un mot de nos futures réalisations.
Pendant les longs pourparlers que j'ai rappelés, des études minutieuses permirent de concrétiser les vues de la Faculté technique. On, s'arrêta finalement au groupement des disciplines les plus voisines dans des instituts isolés judicieusement répartis sur le terrain du. Val Benoît.
Le choix d'instituts isolés a été dicté non seulement pour satisfaire aux nécessités des disciplines de même nature, mais aussi afin de permettre l'extension des bâtiments dans l'avenir. Négliger cette possibilité c'est créer des entraves souvent insurmontables au développement des laboratoires.
Cependant les services généraux chauffage, ventilation, force motrice, air comprimé, etc. ont été centralisés dans un bâtiment contigu au laboratoire de thermodynamique de manière à pouvoir être mis à la disposition des élèves.
Le chauffage est prévu par des chaudières à hautes pressions utilisant un combustible peu onéreux: le charbon menu. Outre le chauffage, elles serviront à alimenter une turbine pour assurer la marche des ventilateurs et d'un groupe électrogène en vue de diminuer le coût des consommations en électricité.
Actuellement tous les efforts se concentrent vers la réalisation du premier institut, qui est le plus important et qui groupera la chimie analytique, la chimie industrielle, la métallurgie du fer et la métallurgie des métaux autres que le fer.
Les plans de cet édifice de 100 x 78 mètres environ ont été confiés à M. le prof. Puters, ingénieur-architecte.
Le bâtiment (figure 6), comporte à front de la rue nouvelle un corps principal à trois étages au dessus du niveau de cette rue, ensuite deux ailes principales à quatre étages en retour aux extrémités de ce corps principal, des ailes de liaison à deux ou quatre étages, enfin un corps isolé destiné à une fonderie.
Dans cet ensemble, fruit des études poursuivies par l'architecte avec la collaboration des professeurs intéressés, on a tenté de concilier les exigences des laboratoires avec certains principes généraux réalisés dans quelques grandes écoles de l'étranger.