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L'enseignement à Liège

La genèse des Nouveaux Instituts de la Faculté technique
et les aménagements du bâtiment principal
de l'Université de Liège.

par Marcel DEHALU, Administrateur-Inspecteur

ULG Val Benoit - Projet d'implantation de la faculté technique en 1930


PREMIÈRE PARTIE

Préliminaires historiques.


Les derniers agrandissements de l'Université de Liège remontent à 1880-1892. Ils furent la conséquence du développement que prenaient les sciences expérimentales, des besoins didactiques nouveaux qu'elles créaient et enfin de la valeur incontestable d'une pléiade de maîtres tels les E. Van Beneden, W. Spring, L. Fredéricq, F. Folie, Swaen, Gilkinet pour ne citer que les principaux.

Les nouvelles constructions favorisaient surtout les Facultés des sciences et de médecine, les autres Facultés n'ayant reçu que les locaux strictement indispensables à leurs besoins les plus urgents.

La Faculté technique avait été dotée de nouveaux laboratoires de chimie analytique et de chimie industrielle, en réalité fort étriqués, sous prétexte de former avec la chimie générale un ensemble homogène, et l'on avait affecté l'ancienne Ecole normale des Humanités à l'Institut Electro­technique Montefiore. C'était peu en présence des progrès incessants des sciences appliquées.

En 1892, Dwelshauvers-Dery avait obtenu à grand peine un modeste local situé au quai des Etats-Unis en face de la bibliothèque, pour y entreprendre l'étude thermodynamique de la machine à vapeur, installation qui cependant servit de modèle à celles qui s'édifièrent plus tard dans les Ecoles techniques supérieures de Belgique et de l'Etranger.

Ce fut seulement en 1901, que l'Institut de mécanique trouva à s'abriter dans une construction provisoire édifiée au boulevard de la Constitution.

La question de l'extension des services de la Faculté technique qui se posait déjà à l'époque de l'achèvement du programme des grands travaux que nous venons de rappeler, n'a cessé de préoccuper depuis lors tous ceux qui s'intéressent à l'avenir de notre Ecole d'ingénieurs.

Un exposé succinct des efforts qui furent tentés dans cette voie, montrera combien sont grandes, dans la situation actuelle des Universités de l'Etat, les difficultés à surmonter pour obtenir l'intervention des pouvoirs publics, même lorsqu'il s'agit d'agrandissements absolument indispensables, et d'autre part, combien nous sommes peu organisés pour aborder l'étude de questions de cette importance.

*
* *

Le 2 octobre 1900, dans un rapport qu'il adressait à M. le Recteur Dwelshauvers-Dery, le doyen de la Faculté technique, M. le professeur Krutwig, s'exprimait ainsi au sujet de l'insuffisance des locaux:

« Cet état de chose déplorable résulte de deux causes de nature différente: la première est dans l'accroissement considérable et constant du nombre des élèves qui fréquentent les cours théoriques et pratiques de notre Faculté; la seconde trouve son origine dans la mauvaise disposition et l'exiguité des locaux dont l'usage et antérieur à la création de notre Faculté en 1893 ».

A ce rapport était joint des diagrammes montrant les fluctuations du chiffre des élèves qui depuis 1870 ont fréquenté les cours de la Faculté des sciences et de la Faculté technique. La population en 1900 était de 800 élèves pour ces deux facultés, c'est-à-dire plus de la moitié de la population totale de l'Université.

Il signalait en outre que depuis 20 ans les services de la Faculté des sciences et de la Faculté de médecine sont installés dans des Instituts dont l'Université peut s'enorgueillir. Il réclamait des salles de cours en nombre suffisant, des salles de dessins et de collections, un laboratoire de chimie industrielle, un laboratoire de métallurgie générale, etc. Il ajoutait en guise de conclusion

« En un mot nous osons revendiquer pour nous un Institut technique ».

Cette demande ne semble pas avoir retenu longtemps l'attention des autorités académiques, mais l'idée fut reprise en 1906. Nous, la retrouvons amplifiée dans un rapport en date du 18 mars 1906 que le doyen H. Hubert adressait au Recteur, M. Mertens.

« Nous avons d'abord examiné la possibilité de comprendre dans le nouvel institut les cours et laboratoires de la Faculté des sciences qui sont suivis par les élèves ingénieurs, notamment ceux de minéralogie, de géologie, de paléontologie et d'analyse chimique. Mais la Faculté des sciences consultée sut ce point, nous a fait savoir qu'elle désirait ne pas voir séparer davantage ses divers enseignements, qui sont aujourd'hui donnés dans des Instituts éloignés les uns des autres. Au surplus les collections appartenant à cette Faculté ne pourraient sans de graves inconvénients être transportés en tout ou en partie. Enfin la Faculté des sciences trouvant, dans les locaux qui seraient abandonnés par la Faculté technique, un emplacement largement suffisant pour tous ses besoins, n'aurait plus aucun intérêt à voir une partie de ses services émigrer dans le nouvel institut technique.

Quant à l'objection tirée du fait que les élèves ingénieurs devraient se rendre de ce dernier à l'Université actuelle pour suivre les cours de la Faculté des sciences qui font partie de leur programme, elle peut être levée par une distribution convenable des heures de cours.

Nous nous sommes donc bornés, dans le projet que nous vous remettons, à chercher à satisfaire les besoins de la Faculté technique ».

En annexe se trouvait un plan dressé par le professeur Dechamps et comprenant:


1. Un bâtiment principal à deux étages d'une superficie de 1640 m2 avec deux ailes en retour sans étage de 638 m2, soit au total 2916 m2 de surface, destiné à l'exploitation des mines, à l'exploitation des chemins de fer, à la topographie, à l'architecture industrielle, à la construction des machines et à la technologie; une salle de réunion, un bureau pour l'appariteur et des salles d'interrogations complétaient cet ensemble.

2. Un Institut de mécanique de 104 m de façade et de 3120 m2 de superficie.

3. Un Institut de chimie industrielle de 63 m de façade et de 1931 m2 de superficie.

4. Un Institut de métallurgie de 63 m de façade et de 1931 m2 de superficie.

L'ensemble était évalué, sans le terrain, à 1.534.000 frs.

A propos de la consultation de la Faculté des sciences dont il est question plus haut, nous croyons intéressant de reproduire l'opinion émise par W. Spring dans la séance du 27 janvier 1906 de cette Faculté. Voici comment s'exprimait l'éminent professeur:

« Les propositions à faire au Gouvernement ne doivent pas aller à l'encontre de l'arrêté de 1896 qui a créé la Faculté technique et qui a défini les branches formant son enseignement et le nôtre.

Nous devons éviter de rendre possible, par des propositions trop larges, le rétablissement dans l'ordre matériel d'une ancienne confusion d'attributions contre laquelle la Faculté a lutté pendant plus de cinquante ans: l'enseignement des sciences pures doit rester chez nous et l'enseignement des applications doit appartenir à la Faculté technique.

Nous devons faire nos propositions, en raison de l'extension de nos services indépendamment des propositions que peut faire la Faculté technique.

L'Etat et la Ville de Liège se montrèrent en principe favorables à l'exécution du projet étudié par Dechamps, mais ils ne purent s'entendre sur la question du terrain et les pourparlers engagés furent rompus.

La situation de la Faculté technique ne cesse cependant de s'empirer. Le recteur Swaen la dépeint une fois de plus au Gouvernement, le 7 février 1914, l'occasion de l'envoi d'un rapport de M. Legrand, doyen de la Faculté technique, et se propose:

1° de démontrer de nouveau la nécessité de fournir à la Faculté technique les laboratoires et les installations qu'elle attend depuis nombre d'années;

2° de prouver que l'objection faite à cette création de nouveaux locaux n'a pour base qu'une connaissance inexacte des faits invoqués contre elle;

3° de demander au Ministre si, dans les conditions bien établies de l'absence de toute objction sérieuse, le Gouvernement reconnaîtra l'utilité de ces nouvelles installations et ne se refusera pas à une étude nouvelle des moyens de les réaliser. »

Survint la guerre, le pillage et la dévastation de nos laboratoires.

Pendant les années 1919 et 1920 l'Administrateur-Inspecteur C. le Paige qui n'avait cessé de signaler au Gouvernement l'urgence des mesures à prendre pour que l'enseignement universitaire fût placé à la hauteur désirable, s'appliqua tout d'abord avec un zèle des plus louables à relever l'Université des ruines accumulées par l'occupation allemande. Mais un événement nouveau en Belgique marqué les années 1921 et 1922; son importance mérite qu'on s'y arrête quelque peu.

Au lendemain de la guerre les Universités libres de Bruxelles et de Louvain s'étaient trouvées dans une situation financière si précaire que des industriels et financiers belges décidèrent de leur venir en aide. Des sommes importantes se chiffrant à plusieurs millions furent souscrites en faveur de l'enseignement technique de ces deux Universités. L'Association des Ingénieurs sortis de l'Ecole de Liège (A.I.Lg.) estima qu'une pareille intervention en faveur de la Faculté technique de l'Université de Liège s'imposait également, étant donné le mauvais état des finances du pays. -

Au -début d'avril 1921, des pourparlers s'engagèrent à cet effet entre le Recteur E. Hubert et M. Canon-Legrand, président de l'A.I.Lg., et une lettre circulaire fut adressée aux industriels de la région sollicitant leur intervention pécuniaire en vue de la transformation et de l'aménagement des locaux indispensables à la Faculté technique.

Vers cette même époque à la suite d'une démarche de MM. C. le Paige et E. Hubert, M. le Ministre Destrée se montra favorable à ce projet et, en présence de l'intervention des industrieIs, promit le concours financier du Gouvernement.

Mais la crise qui menaçait alors l'industrie faisait craindre que le moment fût mal choisi pour solliciter l'appui des indutriels: plusieurs mois en effet s'étaient écoulés depuis l'appel qui leur avait été adressé et aucune souscription n'avait encore été reçue.

C'est alors que le regretté Paul Van Hoegarden offrit d'intervenir. Grâce à lui les souscriptions atteignirent bientôt près de 500.000 frs. Sa mort inopinée, survenue le 24 juillet 1922, faillit à nouveau tout compromettre; heureusement l'Université trouva en M. le Sénateur E. Digneffe une aide si efficace que les souscriptions s'accumulèrent peu à peu jusqu'à atteindre un total de plus d'un million de francs.

Les souscriptions en espèces se répartissaient comme suit:

Solvay et Co, à Bruxelles fr. 100.000
Nagelmakers et fils, à Liège 25.000
Chambre de Commerce de Liège 1.000
Usines à Tubes de la Meuse 10.000
Compagnie Générale des Conduites d'Eau 10.000
Banque Liégeoise 25.000
Entreprises Générales de Travaux 5.000
Peltzer et fils, Verviers 5.000
Cie Internationale des Pieux Frankignoul 5.000
Société d'Electricité du Pays de Liège 10.000
Chaudronneries Smulders 5.000
Société Anonyme John Cockerill 75 .000
Etablissements Jacques Piedboeuf 3.000
Manufacture Liégeoise d'Armes à feu 1.000
Cristalleries du Val-Saint-Lambert 25.000
Bourse Industrielle de Liège 1.000
Crédit Général Liégeois 50.000
Lambert, banquier, Bruxelles 50.000
Société des Mines et Fonderies de Zinc de la Vieille Montagne 75.000
Banque Générale de Liège 50. 000
Usines à cuivre et à Zinc de Liège 25.000
Ougrée-Marihaye 75.000
Association charbonnière 203.008 .20
Espérance-Longdoz 25.000
Raffinerie Tirlemontoise 10.000
Société Liégeoise de Construction de Machines 5.000
Fonderies de Binche, Société Anonyme 1.000
Tramways Liégeois 5.000
Aciéries d'Angleur 30.000
Athus-Grivegnée 10.000
Saint-Léonard-Outils 5.000
Société Anonyme La Vesdre 5.000
J. Chaudoir et Cie 2.000
Railways Economiques de Liège-Seraing 5.000
Banque de Paris et des Pays-Bas 10.000
Etablissements Pieper 1.000
Contruéctions mécaniques de Longdoz 1.000
Métallurgique de Prayon 25.000
Fabrique Nationale d'Armes de Guerre 75.000
Total des versements 1.049.008 .20

Entre-temps le Gouvernement avait été saisi d'un projet comprenant notamment:

1. La construction d'un Institut de minéralogie, géologie et paléontologie;
2. La construction d'un Institut de métallurgie;
3. La surélévation de l'aile droite du bâtiment principal, face à la rue du Méry, soit deux étages à construire sur le rez-de-chaussée existant;
4. Des appropriations à l'Institut Montefiore.

L'ensemble était évalué à 8.500.000 frs. environ dont l'Etat devait assurer une partie.

Les deux premières constructions prévues au projet ci­dessus devaient être érigées, la première au coin de la rue de Pitteurs à l'emplacement d'une série d'immeubles, incendiés par les Allemands, la seconde sur le terrain joignant l'Institut de mécanique au boulevard de la Constitution. Pour la première, il est peu probable que les propriétaires, qui depuis lors ont reconstruit, eussent consenti à abandonner leurs droits aux réparations qui leur étaient dues, à des conditions avantageuses pour l'Université. Ils ne furent d'ailleurs jamais pressentis; pas plus que la Ville de Liège, dont l'intervention était légalement requise, ne fut mise au courant de ces projets. La Faculté technique non plus n'avait pas été consultée à leur sujet. Lorsqu'ils vinrent à sa connaissance, elle demanda à en faire un examen approfondi et me chargea de l'étude de cette question sur laquelle je lui fis rapport en séance du mai 1921. Les idées émises alors pouvant être considérées comme le point de départ des projets actuellement élaborés, il me paraît intéressant de reproduire ici l'extrait du procès-verbal de cette réunion, tel qu'il fut transmis aux autorités universitaires.


EXTRAIT DU PROCES-VERBAL
de la séance de la Faculté technique du 3 mai 1921, 2 1/2 heures.


Présents: MM. Nihoul, doyen; Legrand, Denoël, Prost, De Bast, Fourmarier, Duchesne, Hanocq, de Marneffe et Dehalu, secrétaire.

Absent et excusé: M. Lohest, professeur ordinaire à la Faculté des Sciences.


ORDRE DU JOUR: La question des locaux.

M. le Doyen donne la parole à M. Dehalu, secrétaire.

M. DEHALU. - D'accord avec M. le Paige, Administrateur­Inspecteur, la question des locaux a été mise à l'ordre du jour de cette séance. Permettez-moi de vous rappeler brièvement l'état de cette question.

Tout d'abord de quelles ressources espère-t-on disposer?

La Commission administrative de la Fondation Universitaire liégeoise qui possède un dépôt en banque de 4.500.000 francs environ propose au Gouvernement de souscrire jusqu'à concurrence de cette somme, des titres de l'emprunt belge, à la condition que ce fonds soit entièrement affecté à la construction de nouveaux locaux pour l'Université de Liège.

D'autre part l'Association des Ingénieurs sortis de l'Ecole de Liège a décidé de faire appui à la bonne volonté des industriels belges en faveur de nôtre Faculté technique, comme cela a été fait pour les Ecoles spéciales des Universités de Bruxelles et de Louvain. Elle espère ainsi recueillir une somme à peu près équivalente à la première.

M. le Ministre des Sciences et des Arts mis au courant de ces deux projets, s'y est montré favorable et a laissé entrevoir une participation financière de l'Etat au moins égale à celle des industriels.

Voilà nos espérances, voyons quels sont les projets.

A une époque postérieure à l'armistice, où F on ne prévoyait que l'aide financière, plus ou moins problématique de l'Etat, deux projets, comme vous le savez, avaient retenu l'attention de l'Administration de l'Université: le premier était la création d'un Institut de métallurgie, comprenant les laboratoires de la métallurgie générale, de la sidérurgie et de la métallurgie des métaux autres que le fer; le second, la création d'un Institut des sciences minérales, comprenant la géologie, la minéralogie, la paléontologie, etc.

Les emplacements préconisés étaient: 1° pour l'Institut de métallurgie, un terrain de 1400 mètres carrés, joignant l'Institut de mécanique au boulevard de la Constitution; 2° pour l'Institut des sciences minérales, un terrain de 1600 mètres carrés à l'angle de la rue de Pitteurs et du quai Edouard Van Beneden.

Le coût de ces constructions a été évalué, d'après des devis sommaires à

2.500.000 francs pour l'Institut de métallurgie.

4.800.000 francs pour l'Institut des sciences minérales.

Une sérieuse objection a été faite ici même au sujet de l'emplacement de l'Institut de métallurgie; c'est l'impossibilité d'assurer dans l'avenir, l'extension tant du service de la mécanique que de celui de la métallurgie. Il vous avait paru qu'il vaudrait mieux transférer, au boulevard de la Constitution, le bâtiment de la machine à vapeur qui sert aux essais des élèves et situé quai de l'Université, de manière à concentrer au même endroit tout le service de la mécanique.

Dans ces conditions il faudrait faire choix d'un autre emplacement pour l'Institut de métallurgie. Vraisemblablement on en trouverait un convenable au quai de l'industrie, où certains terrains sont encore vacants: je n'en vois pas de plus proches de l'Université.

Mais a-t-on réfléchi aux graves inconvénients qu'entrainerait la création de deux nouveaux Instituts éloignés du bâtiment central de la place de l'Université?

Je me bornerai à signaler la situation qui serait faite aux élèves de la 2e Mines, quoique celle de leurs camarades des autres années d'études ne serait guère plus enviable. Ces élèves recevraient les enseignements inscrits au programme de la manière suivante: l'électricité, rue Saint-Gilles, la construction des machines, boulevard de la Constitution, la chimie industrielle et l'exploitation des mines, place de l'Université, la géologie, rue des Pitteurs (?), enfin la métallurgie générale, quai de l'Industrie, par exemple. Ils auraient donc à se rendre en cinq endroits relativement éloignés les uns des autres.

Comment dans ces conditions établir un horaire groupant tous les cours de cette année d'études dans la matinée? Il faudrait évidemment empiéter sur les heures de l'après-midi ce qui amènerait la désorganisation des répétitions et des travaux pratiques.

Peut-on songer sérieusement à faire perdre, chaque matin, à nos élèves une ou deux heures en promenades stériles ?

Vous avez estimé que le système des Instituts isolés et distants les uns des autres ne convenait pas à une faculté, comme la nôtre, à cause des exigences des programmes et vous m'avez demandé d'examiner si avec les ressources dont nous pourrions éventuellement disposer, il ne serait pas possible d'envisager la création d'une annexe universitaire qui réunirait tous les cours suivis par nos candidats ingénieurs. C'est le résultat de cette étude que j'ai l'honneur de vous présenter.

J'ai tout d'abord procédé à l'évaluation des surfaces occupées par nos divers laboratoires et je me suis enquis auprès de la plupart de nos collègues des besoins de leur service.

MM. Hanocq et de Marneffe m'ont suggéré quelques idées que j'ai mises à profit. J'ai consulté aussi quelques spécialistes en construction de bâtiments.

Grâce à eux, et je les en remercie bien vivement, j'ai pu établir, le coût approché des constructions à édifier.

Mais pour les réunir en un ensemble et réserver la possibilité de les étendre dans l'avenir, il fallait encore trouver un terrain suffisamment spacieux et peu éloigné du centre de la ville.

Pour cela, je me suis rendu au bureau des Travaux de la Ville de Liège où, très aimablement, j'ai été renseigné sur les terrains actuellement vacants dans notre cité.

Le seul emplacement qui m'a paru convenir, tant par sa situation admirable que par son étendue, est un terrain de deux hectares, situé en face de la Statue de Gramme entre la Meuse et la nouvelle Dérivation, à l'endroit où en 1905 fut érigée l'exposition du Vieux-Liège.

Cet emplacement avait déjà été préconisé en 1906, pour y établir la Faculté technique. Un projet de bâtiments a dû être étudié à cette époque; je n'en ai pas connaissance, mais je pense qu'il aurait peu de chance d'être réalisé aujourd'hui à cause de l'augmentation des prix des matériaux et de la main-d'oeuvre.

Mon projet tient compte des difficultés du moment; il prévoit les exigences artistiques de tout bâtiment officiel d'une certaine importance et par un large emploi du béton armé assure aux constructions une solidité et une rigidité à toute épreuve, tout en diminuant leur prix de revient.

Les locaux à créer consisteraient en: 1° un bâtiment principal; 2° des laboratoires; 3° des auditoires avec salles de collections, de préparations et bureaux. Examinons-les séparément.


Le bâtiment principal

Le terrain du Vieux-Liège a la forme d'un quadrilatère dont les côtés sont respectivement 45, 120, 250 (Côté en courbe) et 200 mètres. L'axe de ce terrain dans le sens N.-SE. se dirige sensiblement vers la Statue de Gramme.

Le côté de 45 mètres, faisant face à celle-ci, serait réservé à la façade monumentale du bâtiment principal qui se continuerait des deux côtés sur une longueur de 55 mètres, parallèlement à la Meuse d'une part et à la Dérivation d'autre part. Ce bâtiment aurait une largeur de 25 mètres et occuperait ainsi un terrain de 2785 mètres, de superficie.

La partie de 45 mètres en façade et l'aile faisant face à la Meuse, soit une superficie de 2000 mètres carrés, constituerait l'Institut des sciences minérales; l'autre de 785 mètres carrés faisant face à la Dérivation serait destinée à l'enseignement de l'architecture industrielle et aux services généraux de la Faculté.

Le bâtiment principal comprendrait: des caves, un rez-de-chaus­sée et deux étages. Son ossature serait constituée par une armature en béton armé non apparente à la façade. Celle-ci pourrait être conçue en Style mosan modernisé, car de larges baies doivent être prévues pour l'éclairage des salles. Ce style s'harmoniserait d'ailleurs admirablement avec le site environnant.

Le coût d'une pareille construction avec armature en fer pouvait s'estimer avant guerre 350 frs par mètre carré de surface bâtie. En admettant le quintuple de ce prix pour notre époque et sans tenir compte de l'économie résultant de l'emploi du béton armé, on arrive à 1750 frs par mètre carré, soit pour les 2785 mètres carrés de superficie à la somme de 4.873.750 frs.


Les laboratoires.

Prenons comme modèle type de laboratoire, un local occupant un terrain de 600 mètres carrés de superficie et comprenant: un sous-sol, un rez-de-chaussée, et un étage, soit une surface totale disponible de 1800 mètres carrés. En adoptant le principe de certaines constructions industrielles, avec armature en béton armé et remplissage des panneaux en briques, murs de 24 centimètres, le prix d'un bâtiment de cette espèce, comprenant deux étages, pourrait s'élever à 260.000 frs. Mais comme il conviendrait de soigner davantage l'aménagement intérieur, pour les parquets, par exemple, nous estimerons 300.000 frs le prix d'un laboratoire.

Je compte que quatre laboratoires de ce genre seront nécessaires: un pour la chimie analytique, un pour la chimie industrielle, un pour la métallurgie générale et sidérurgie, enfin un pour la métallurgie spéciale (métaux autres que le fer).

Le coût total serait donc de 1.200.000 frs.

Pour le service de la mécanique, je prévois la construction de deux bâtiments occupant un terrain de 1200 mètres carrés chacun et comprenant un rez-de-chaussée et un étage. Si l'on suppose une construction analogue à la précédente, on peut évaluer à 350 frs le prix de revient par mètre carré de superficie: ce qui, porterait à 840.000 frs le coût de ces deux locaux.

Le prix de ces six laboratoires s'élèverait ainsi à 2.040.000 frs.


Les auditoires

La bâtiment principal comprendrait les auditoires nécessaires à l'enseignement de la géologie, de la minéralogie et de la paléontologie; dans l'aile gauche serait édifié l'auditoire du cours d'architecture industrielle, voisinant avec la salle de dessin à prévoir pour cet enseignement. Six autres auditoires placés en façade le long des côtés courant parallèlement à la Meuse et à la Dérivation seraient annexés aux laboratoires précédents.

Chaque auditoire occuperait une superficie de 16 x 10 mètres = 160 mètres carrés; sur les deux grands côtés seraient disposés deux grandes salles de collections de cours de dimensions à peu près pareilles à celles de l'auditoire. Sur un des petits côtés de celui-ci se trouverait une salle, de préparation de 12 X 4 mètres et joignant celle-ci deux bureaux de 4 X 5 mètres. Cet arrangement permettrait d'utiliser quelques uns de ces auditoires pour deux enseignements, par exemple, pour un cours à laboratoire et un cours d'exploitation. Ces cours se partageraient les deux salles de collections. Les cours d'exploitation des mines, d'exploitation des chemins de fer et de topographie disposeraient ainsi chacun d'une salle pour leurs modèles de cours. L'ensemble de cette construction occuperait environ 600 mètres carrés; le bâtiment comprendrait des sous-sols et un rez-de-chaussée; l'éclairage se ferait par le haut. En adoptant le mode de construction précédent, excepté pour la façade qui serait en briques et pierres de t'aille, on peut estimer le coût de ce bâtiment à 500 frs le mètre carré, soit pour l'ensemble des six auditoires et salles: 1.800.000 frs.

En résumé nous trouvons:

Bâtiment principal frs. 4.875 .750
Quatre laboratoires de 600 mètres carrés. 1.200.000
Deux laboratoires de 1.200 mètres carrés. 840.000
Six auditoires, salles de collections et bureaux 1.800.000
Total 8.713 .750

Je n'ai pas compté le prix du terrain qui représentait avant la guerre une somme de 600.000 frs à un million, parce que les locaux actuellement occupés par l'Institut de mécanique au boulevard de la Constitution et le terrain joignant dont l'ensemble vaut actuellement plus d'un million pourraient être offerts à la Ville de Liège en échange du terrain du Vieux-Liège.

Il me semble avoir démontré par ce qui précède la possibilité d'édifier une annexe importante de l'Université qui grouperait tous les cours et laboratoires suivis par les élèves de la Faculté technique. L'avantage qui en résulterait pour les autres Facultés serait énorme, car elles pourraient désormais se développer dans les locaux rendus libres du bâtiment central.

En particulier la Faculté des sciences pourrait utiliser les locaux occupés actuellement par la chimie analytique et la chimie industrielle pour l'expansion de la chimie générale et pour l'installation du laboratoire de physique expérimentale dont le bâtiment actuel serait mis à la disposition de la grande bibliothèque. Mais ce ne sont là que des hypothèses dont la solution n'intéresse pas directement le projet actuel et sort entièrement du domaine de la Faculté.

M. Nihoul, Doyen, ouvre la discussion sur le projet qui vient d'être exposé.

Après discussions et échanges de vue, la Faculté décide de se rallier au projet de M. Dehalu et d'en poursuivre la réalisation d'accord avec la Faculté des sciences et les autorités académiques.

Copie de ce procès-verbal sera transmise à M. le Paige, Administrateur-Inspecteur de l'Université.

M. E; Hubert, Recteur de l'Université et Président de la Commission Administrative du Patrimoine universitaire.

M. Colson, Doyen de la Faculté des sciences.

M. Canon-Legrand, Président de l'Association des Ingénieurs sortis de l'Ecole de Liège.

Le Secrétaire, Le Doyen,
M. DEHALU M. NIHOUL



La Faculté des Sciences tout en se montrant favorable à ces vues suggéra de réunir dans un même bâtiment les Cours généraux de la Candidature-ingénieur et de la Faculté technique.

D'autre part l'A.I.Lg., qui se préoccupait alors d'organiser une série de manifestations en vue de fêter le 75e anniversaire de sa fondation, fit réaliser, pour l'Exposition de l'Art de l'Ingénieur qu'elle projetait, la maquette d'un projet d'un l'Institut technique élaboré par M. le professeur Hanocq.

Elle espérait ainsi provoquer de nouvelles souscriptions et en tout cas donner à ce projet l'appui de tout le prestige et de la considération dont elle jouit tant dans les milieux officiels que dans le monde industriel.

De mon côté, je m'appliquai à réunir toute la documentation désirable sur les installations des grandes Ecoles techniques étrangères et sur les exigences des services d'enseignement de notre Faculté technique. Pour m'aider dans cette tâche, la Commission administrative du Patrimoine de l'Université jugea utile de me faire visiter en compagnie de mon collègue, M. le professeur A. Duchesne, les nouveaux bâtiments de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich dont la réputation est justement célèbre, Cette visite modifia complètement mes vues antérieures et, après de nombreux entretiens avec mes collègues, j'adressai le 28 février 1922, à M. l'administrateur-inspecteur, C. le Paige, la lettre suivante:

« La Faculté technique a eu l'honneur de vous adresser un extrait du procès-verbal de sa séance du 3 mai 1921, relatif à un projet de constructions de nouveaux locaux dont je lui avais fait part. Depuis lors de nombreux échanges de vue avec mes collègues de la Faculté des Sciences et de la Faculté technique, une visite récente à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, une documentation plus étendue sur les exigences de l'enseignement supérieur des Sciences pures et appliquées et sur les solutions préconisées pour y satisfaire, enfin la connaissance d'un projet d'embellissement de notre ville qui se lierait admirablement avec celui que nous poursuivons, m'ont conduit à revoir ma première étude et à en élargir considérablement le cadre.

En abordant pour la première fois, l'an dernier, la question des nouvelles installations pour la Faculté technique, je m'imaginais le problème beaucoup plus simple qu'il n'est en réalité et j'estimais qu'un terrain de 2 hectares 1/2 pourrait suffire aux besoins de notre enseignement pendant un grand nombre d'années. Mais, dans la suite, en procédant à une enquête minutieuse sur les superficies réclamées par nos divers services, je vis apparaître des exigences que je n'aurais pu soupçonner tout d'abord. Poussant plus loin mes investigations, je me documentai sur les installations universitaires les plus récentes et visitai avec un de mes collègues de la Faculté technique, M. A. Duchesne, grâce à la générosité du Patrimoine de l'Université de Liégé, l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, une des écoles techniques les plus célèbres du continent, qui fut récemment aménagée et agrandie par un architecte de grande valeur, M. le professeur Gull. Celui-ci ayant bien voulu nous recevoir et nous éclairer de ses conseils, je me rendis ainsi compte de l'ampleur du problème que des circonstances spéciales m'avaient amené à étudier.

La question des constructions destinées aux Universités a d'ailleurs fait l'objet d'études très nombreuses dont les plus remarquables sont, sans conteste, celles qui furent entreprises à l'occasion de la création de l'Université de Californie à Berkeley.

Un concours international, comprenant une épreuve éliminatoire et une épreuve finale, fut institué pour le meilleur projet de cette Université à établir sur un terrain de 100 hectares. La plus grande liberté fut donnée aux concurrents qui eurent à faire oeuvre d'artistes, sans avoir à se préoccuper de la question financière.

La première épreuve qui avait réuni 105 concurrents, fut jugée, en 1896, à Anvers; onze projets jurent primés.

Leurs auteurs furent alors invités à visiter, aux frais du comité organisateur du concours, les Universités les plus importantes des deux continents et l'emplacement de la future Université de Californie; puis on leur assigna un délai suffisant pour la remise des projets définitifs.

Le vainqueur de cette joute, si intéressante pour ceux qui sont appelés à étudier la construction de bâtiments universitaires, fut un architecte français, M. Bénard, dont le projet dépassa tous les autres d'une manière remarquable. Ce projet et cinq autres également primés ont été reproduits en un volume qui a pour titre: " The international competition for the Phoebe Hearst architectural plan for the University of California ".

L'architete Gull, dans ses aménagements et agrandissements de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, s'est inspiré de trois principes directeurs empruntés au projet de M. Bénard

1° Séparation complète des bâtiments destinés aux cours généraux et aux cours comprenant des laboratoires;

2° Pour les premiers, de grands dégagements et un accès facile à tous les locaux. Ces bâtiments comportent toujours une salle de pas perdus, éclairée par le haut et garnie sur tout son pourtour, aux différents étages, de galeries qui la surplombent. Cette salle, avec parfois des galeries attenantes, peut servir en partie à l'exposition de collections diverses et assure une circulation aisée des élèves à l'entrée et à la sortie des cours, de cette façon, les étudiants en attendant l'ouverture d'un cours, ne sont plus obligés de stationner dans la rue ou d'encombrer les vestibules jusqu'à en obstruer tout passage;

3° Les laboratoires sont des constructions d'architetture très simple, disposées autour d'une cour ouverte carrée ou rectangulaire. Cet arrangement a le grand avantage d'utiliser au mieux le terrain et de se prêter aux agrandissements futurs.

Partant de ces principes, en m'aidant des données qui me furent communiquées par mes collègues de la Faculté technique et par quelques-uns de mes collègues de la Faculté des Sciences (voir annexe), j'ai établi les surfaces d'encombrement des bâtiments dont il va être question.

Si l'on voulait donner à l'enseignement de nos Ecoles spéciales, tout le développement qu'elles comportent, un grand nombre de nos collègues estiment que huit nouveaux bâtiments devraient être construits. Nous les énumérons ci-dessous avec l'indication de leur superficie:

Un bâtiment polir les cours généraux de la Faculté technique à savoir: l'exploitation des mines, l'exploitation des chemins de fer, la topographie, l'architecture industrielle, la construction des machines, la technologie, l'économie politique et le droit administratif, superficie, en y comprenant un hall d'essais pour la constructtion des machines, l'architecture industrielle et un atelier pour la technologie 4736 m2
Un Institut de Métallurgie 3500 m2
Un Institut de Mécanique 3600 m2
Un Institut des Sciences minérales 1800 m2
Un Institut de chimie analytique et de chimie industrielle 3500 m2
Un bâtiment pour les cours généraux de la Candidature ingénieur comprenant: analyse infinitésimale, géométrie analytique, mécanique rationnelle, physique mathématique, astronomie et géodésie, calcul des probabilités, géométrie descriptive, graphostatique 3840 m2
Un Institut de Chimie générale 3500 m2
Un Institut de Physique 1600 m2

Mais un certain nombre de nos collègues pensent qu'il n'y a pas à présent nécessité impérieuse de construire les trois derniers bâtiments, parce qu'ils estiment que la Faculté des Sciences trouverait pour ses cours généraux suffisamment de place dans les locaux abandonnés par la Faculté technique et que le bâtiment occupé actuellement par la Chimie analytique et la Chimie industrielle pourrait être mis à la disposition de la Chimie générale et de la Physique. Le premier service s'agrandissant des laboratoires de la Chimie analytique, devenus vacants, et le second prenant possession du rez-de-chaussée et du premier étage du bâtiment B.

D'ailleurs les locaux qui deviendraient libres par le départ de tous les services de la Faculté des Sciences dépasseraient- de beaucoup les besoins actuels des autres Facultés qui sont logées dans le bâtiment principal de la place du 20 août, de l'Ecole de Commerce et de la Bibliothèque.

À mon sens une excellente solution qui donnerait en partie satisfaction aux légitimes désirs de la Facultés des Sciences, serait de réunir dans un même bâtiment les Cours généraux de la Candidature-ingénieur et de la Faculté technique et de créer un Institut pour les branches relatives aux constructions industrielles qui comprennent actuellement: l'architecture industrielle, la construction des machines et la technologie, car cette partie de l'enseignement technique est forcement appelée à prendre un grand développement par les progrès incessants de l'automobilisme et de l'aviation.

Mon projet consisterait donc dans l'édification de six bâtiments:

Un bâtiment pour les cours généraux de la Candidature-ingénieur et de la Faculté technique 3840 m2
Un Institut de métallurgie 3500 m2
Un Institut de mécanique 3600 m2
Un Institut des Sciences minérales 1800 m2
Un Institut de chimie analytique et de chimie industrielle 3500 m2
Un Institut de con constructions industrielles 3000 m2

Si l'on adopte ce projet, les surfaces bâties s'élèveraient près de 2 hectares, tandis que si l'on se borne à la construction de cinq bâtiments elle sera de 1 hectare 3/4 environ.

Partant de ces données, on peut estimer l'étendue du terrain nécessaire aux constructions projetées.

C'est un fait d'expérience que tous les laboratoires universitaires construits il y a 25 ans sont devenus partout insuffisants. Prenons l'exemple de notre Institut de chimie qui comprend les services de la chimie générale, de la chimie analytique et de la chimie industrielle.

Il occupe un terrain de plus de 7000 m2, c'est-à-dire environ 43 % de la superficie totale du terrain sur lequel sont édifiés tous les bâtiments universitaires de la place du 20 août, de la place Cockerill et du quai des Etats-Unis.

Il est bien connu que tous les services y sont maintenant à l'étroit. Spring avait d'ailleurs prévu cette situation dès le début.

On sait que ce terrain lui fut imposé par une administration aux vues étroites que l'illustre maître ne cessa de combattre. Voici ce qu'il dit page 32, dans sa brochure intitulée " L'Institut de chimie générale de l'Université de Liège ":

« Bien qu'il ait été tiré parti d'une manière aussi satisfaisante que possible du terrain imposé, il est à jamais regrettable cependant que l'Institut chimique n'ait pu s'élever sur un terrain plus vaste. On aurait non seulement pu l'isoler complètement, mais encore le placer en retrait des voies de circulation et le défendre contre les poussières de la voirie par des plantations appropriées. »

De semblables erreurs ont d'ailleurs été commises dans d'autres Universités et à Zurich même l'agrandissement du Laboratoire de Mécanique créé en 1900 nécessitera des expropriations extraordinairement onéreuses.

Il importe donc d'éviter de telles fautes en réclamant pour nos futurs Instituts un terrain suffisamment vaste. Le professeur Gull considère qu'il faut au minimum un terrain dont l'étendue soit 3 fois la surface totale d'encombrement des bâtiments. Dans ces conditions nous aurions besoin d'au moins 6 hectares.

La solution évidemment la plus pratique et de loin la plus élégante consisterait à pouvoir édifier nos bâtiments dans un parc comme cela a été fait notamment à Bruxelles pour les Instituts Solvay, établis au Parc Léopold, et à Strasbourg où sept Instituts universitaires, couvrant une superficie de 7 hectare 35 ares, sont situés dans un parc de 9 hectares d'étendue.

Mais où trouver un terrain quelque peu vaste dans une ville qui comme Liège est bâtie dans une vallée resserrée.

Depuis le jour déjà lointain où l'on agita pour la première fois la question des nouvelles installations pour la Faculté technique, l'on mit en avant l'emplacement du Vieux-Liège.

Le-terrain actuellement vacant en cet endroit n'a que 2 hectares 1/2 de superficie; il est évidemment tout à fait insuffisant. Mais eu 1906, M. Digneffe, qui préside actuellement avec tant d'autorité aux destinées de notre ville, avait conçu l'idée de transformer en parc public tout le terrain d'une étendue de 12 hectares, compris entre l'Ourthe et le canal de l'Ourthe et qui s'étend de la Meuse au moulin Marcotty.

L'exécution de ce projet, dont il est question de reprendre l'étude, nécessiterait l'expropriation d'un terrain d'environ deux hectares et de plus de 180 habitations, peu importantes à la vérité, le tout sis sur le territoire de la commune d'Angleur (voir plan n° 1 annexé).

Je ne me dissimule pas que la création de ce parc rencontrera de fortes oppositions; cependant sa réalisation nous permettrait d'entrevoir la possibilité d'y établir nos nouveaux locaux.

Désormais seraient assurés le développement continu de nos services et l'avenir de nos Ecoles spéciales.

En dehors de cet emplacement je n'en vois que deux autres de cette importance: le parc de la Citadelle et les terrains au-delà du Champ des manoeuvres.

Tous les deux sont d'accès très difficile et situés dans la zone d'exploitation des charbonnages.

Le premier exigerait l'expropriation des bâtiments militaires qui s'y trouvent; ce qui entraînerait évidemment à d'assez fortes dépenses.

L'accès du second pourrait être rendu plus facile si l'on se décidait à jeter un pont sur la Meuse, à la hauteur du parc du tir communal, comme il en a été question jadis.

Mais aucun de ceux-ci ne présentent évidemment les avantages de la situation des terrains du Vieux-Liège, qui se trouvent à un noeud de voies de communications. Aussi devons-nous souhaiter que se réalise à notre profit le projet Digneffe, qui tout en contribuant a l'embellissement de notre chère cité permettrait de donner à nos Ecoles spéciales leur plein épanouissement.

Est-il possible à l'heure présente d'évaluer le coût probable des nouvelles constructions?

Je ne le pense pas. Il faudrait, en effet, être fixé sur l'emplacement et sur le nombre d'Instituts à construire. Le prix dépendra encore du genre de constructions qu'on adoptera. A la vérité, pour les laboratoires, il ne s'agit que de bâtiments d'architecture très simple.

Néanmoins il ne faut pas se faire d'illusion les dépenses seront malgré tout très élevées, mais rien ne s'oppose à ce qu'elles soient reparties sur un certain nombre d'années.

En vain opposera-t-on la situation financière obérée de l'Etat, celui­ci ne peut cependant indéfiniment se dérober à ses obligations de développer l'enseignement supérieur. Depuis trente ans, aucune construction nouvelle n'a plus été faite à l'Université de Liège et la Faculté technique, en particulier, se trouve comprimée dans des locaux qui n' ont pas été prévus pour elle.

Le Gouvernement peut-il rester indifférent à la concurrence que vont faire à ses établissements les Universités libres de Bruxelles et de Louvain.

La Ville de Bruxelles dont la situation financière n'est cependant pas si brillante - elle a du contracter récemment un emprunt de 150 millions de francs - n'a pas hésité à souscrire 20 millions en faveur des Ecoles spéciales de l' Université Libre.

Elle a montré de la sorte que certains sacrifices ne pouvaient être différés; aux pouvoirs publics à prendre exemple sur elle.

Nos Ecoles spéciales jouissent depuis longtemps d'un renom que ne possède aucune institution similaire belge; elles ont attiré et attirent encore la population la plus nombreuse tant parmi nos nationaux que parmi les étrangers; elles accueillent maîtres et élèves quelles que soient leurs opinions politiques ou leurs convictions religieuses; elles se trouvent dans un milieu industriel qui donne à son enseignement une sanction pratique.

Ces rairons me paraissent amplement suffisantes pour obtenir des pouvoirs publics un appui financier important.

En ce qui concerne la Ville de Liège, je ne doute pas que nos édiles sauront faire le sacrifice qu'on réclame de leur clairvoyance et de leur patriotisme et qu'ils suivront le noble exemple de la Ville de Bruxelles qui, outre son don de 20 millions, a mis à la disposition de l'Université Libre un terrain de 4 hectares pour y édifier les bâtiments projetés.

Il me reste pour terminer, à attirer l'attention des autorités académiques sur un point important.

C'est qu'il me parait impossible de lier indissolublement la question de nos nouveaux locaux au projet Digneffe.

J'ai montré les énormes avantages qui en résulteraient pour nous s'il venait à se réaliser, mais en cas de non réussite il importe de dire que le terrain actuellement vacant au Vieux-Liège n'est pas assez vase pour recevoir nos nouvelles constructions et que d'ailleurs il se prête mal à leur établissement.

En effet, une grande partie de ce terrain est en excavation profonde ce qui nécessiterait des fondations très importantes et un développement inusité de sous-sols sans destination utile pour nos services.

Je pense donc qu'il importe de se réserver le choix d'un autre emplacement si le projet Digneffe n'était pas agréé par le Conseil communal ou si sa réalisation était remise à une date trop éloignée.

Veuille agréer, etc...

Un mois plus tard je faisais parvenir aux autorités académiques les deux projets représentés fig. 1 et 2.

Dans le projet n° 1 les bâtiments sont dispersés sur les terrains du Vieux-Liège aménagés en parc public et dans le projet n° 2 , ils sont alignés le long du quai du Condroz, sauf le bâtiment de la géologie qui fait face au quai Gloesener

Mon but, en dressant ces deux plans, était de montrer l'étendue du terrain nécessaire à ces constructions dans les deux hypothèses qu'on pouvait envisager. J'appelais cependant l'attention sur quelques points importants.

Projet n° 1.

Les quais Gloesener et du Condroz ont été portés à 25 mètres de largeur suivant les vues de l'Etat qui projette de transformer ces deux voies de communication en chemin de grande voirie; de même l'espace face à la statue de Gramme, est porté de 25 mètres à 50 mètres. Ce carrefour important aurait de cette manière une superficie de 50 x 70 m. environ

Ces modifications à l'état actuel des lieux, qui s'imposent de toute façon, diminuent la superficie du terrain qui pourrait être mis à notre disposition d'environ 3300 m2 dont la plus grande partie devra être remblayée.

Pour éviter la grande excavation que présente la partie nord de ce terrain vers la sthatue de Gramme, les premiers bâtiments, dans les deux projets, sont placés fortement en retrait du quai Gloesener.

Dans cette hypothèse, les pentes de ce large fossé devraient être adoucies et son centre quelque peu surélevé, de manière à réaliser un vallonnement agréable à la vue.

Le chemin droit réunissant le quai du Condroz au pont sur le canal et qui passe devant l'Institut " Sciences et Technique " serait sensiblement de niveau, car le nouveau pont prévu sur le canal devra se trouver à une certaine hauteur pour les nécessités du halage le long de ce cours d'eau; il en serait de même pour le chemin conduisant du quai Gloesener à ce même institut.

La création de ces deux chemins réclamera des travaux de terrassement importants. Enfin, tout le terrain actuel devra être remblayé de 1 mètre, pour le mettre complètement à l'abri des plus grandes crues.

Tels sont, les travaux préliminaires les plus importants à prévoir, sans compter l'aménagement du parc.

La construction des instituts dans l'ordre indiqué au plan exigera, dès le début de nombreuses expropriations.

Projet n° 2.

La réalisation éventuelle de ce projet nécessitera à peu près les mêmes aménagements du terrain que ceux prévus pour le précédent, sauf la création du parc. Son avantage sur le projet n° 1 est qu'il exigerait, actuellement, peu d'expropriations.

L'Institut de Métallurgie ne nécessiterait que l'expropriation d'une maison. Les expropriations pour la construction de l'Institut de Géologie sont plus importantes, mais elles sont déjà prévues pour l'établissement du nouveau pont sur le canal.

Le terrain situé derrière les instituts à construire devrait être réservé pour l'avenir et son expropriation par zône, assurée au bout d'une période d'une quinzaine d'années par exemple.



DEUXIÈME PARTIE

Les terrains du Val Benoît

1777 Extrait de la Carte de Ferraris - Val Benoit


Des pourparlers s'engagèrent alors entre les autorités universitaires et la Ville de Liège. Entre-temps M. le Recteur Dejace me signala que des terrains situés au delà du pont du Val Benoît et appartenant aux familles Hauzeur et Lamarche-Roman étaient offerts en vente.

Cette propriété était divisée en trois lots A, B et C dont l'ensemble couvrait une superficie de plus de dix hectares. Dans le lot B était situé l'ancienne Abbaye du Val Benoît, vaste bâtiment dont on pouvait envisager l'utilisation.

L'occasion paraissait d'autant plus belle que le prix demandé par les propriétaires était des plus raisonnables. Malheureusement une option d'achat, s'étendant sur plusieurs mois, avait été consentie par les propriétaires à une société immobilière; cela retarda forcément les démarches en cours.

En novembre 1922, M. le Paige atteint par la limite d'âge, ayant pris sa retraite, je fus appelé à lui succéder en qualité d'administrateur-inspecteur. Je fus ainsi amené à poursuivre avec M. le Recteur Dejace les démarches auprès des autorités communales.

Fin décembre de la même année nous leur adressions un rapport sur un nouveau projet dont nous reproduisons ci-dessous les principaux passages.

Messieurs les Bourgmestre et Echevins de la Ville de Liège.


Vous avez bien voulu nous inviter à prendre connaissance des études de terrains faites par votre service des travaux, en vue d'un projet d'édification de nouveaux instituts pour nos Ecoles spéciales d'ingénieur et vous avez exprimé le désir de nous entendre développer les raisons qui nous amènent à donner la préférence à l'un des deux emplacements préconisés.

Nous résumons dans cette note, les explications que nous avons eu l'honneur de vous présenter au cours de la séance du 22 décembre dernier.

De tous les terrains qui ont été étudiés pour les nouveaux Instituts Universitaires, deux ont particulièrement retenus l'attention des autorités académiques, ce sont: 1° le terrain du Vieux-Liège et 2° les propriétés Hauzeur et Lamarche-Roman au Val-Benoît.

Notre choix s'est arrêté sur ce dernier emplacement parce qu'il permet d'espérer une réalisation plus prochaine et moins dispendieuse de nos projets et qu'il assure largement les besoins de notre enseignement technique dans l'avenir.

Ce terrain a une superficie de 10 hectares environ et se trouve tout entier sur le territoire de la Ville de Liège.

Il est libre de construction sauf l'ancienne Abbaye du Val-Benoît. Ce bâtiment très pittoresque, d'ancien style liégeois, pourrait être conservé et éventuellement affecté à une hôtellerie d'étudiants. La réalisation de ce projet, dont l'Angleterre et l'Amérique notamment nous ont donné l'exemple, diminuerait dans une certaine mesure les difficultés qu'éprouvent à se loger les étudiants étrangers à la Ville et aiderait au rapprochement de jeunes gens de classes sociales ou d'opinions différentes.

Pour disposer au Vieux-Liège d'un espace aussi étendu que le précédent, il faudrait procéder l'expropriation d'environ 21 maisons dans la zone comprise entre la Meuse et la ligne du chemin de fer de Liège Namur, puis d'une cinquantaine d'autres habitations dans la partie située au delà, de cette voie ferrée. Il faudrait encore soustraire ce terrain aux inondations et l'approprier en vue des travaux que projette le Gouvernement en cet endroit, savoir l'élargissement des quais Gloesener et du Condroz et l'établissement d'un nouveau pont sur le canal de la dérivation.

Le coût très élevé de cet ensemble de travaux, est évidemment de nature en retarder longtemps encore la réalisation. C'est ce qui nous incite surtout à préconiser le premier emplacement.

Il convient cependant de faire observer que ce terrain, pas plus que celui du Vieux-Liège, n'est complètement à l'abri des fortes crues du fleuve.

Mais l'Etat a décrété l'endiguement de la Meuse depuis Seraing jusqu'au pont du Val-Benoît. Ce travail actuellement en cours d'exécution, est de nature à enrayer le danger d'inondation des terrains que nous avons en vue. Il y aurait peut-être lieu d'envisager aussi l'exhaussement et l'élargissement de la voirie longeant le fleuve depuis le pont du Val-Benoît jusqu'à la rue du Moulin.

Quant aux terrains sur lesquels seraient bâtis nos futurs Instituts, on pourrait les aménager en parc ouvert au public pendant là journée. Mais il conviendrait, selon nous, d'en interdire l'accès la nuit, afin de simplifier la surveillance et la garde de nos Instituts.

*
* *

Qu'il nous soit permis maintenant d'insister encore sur la nécessité et l'urgence de construire de nouveaux locaux universitaires.

Les Facultés de Philosophie et Lettres, de Droit, les Ecoles spéciales des Arts manufactures et des Mines (Facultés des Sciences et Faculté technique), l'Ecole spéciale de Commerce, sont à tel point comprimées dans les locaux qu'elles occupent actuellement place du Vingt-Àoût et place Cockerill, qu'il es devenu absolument impossible de faire droit aux exigences les plus strictement nécessaires de leur enseignement. Cette situation entrave notamment la création de séminaires dans la Faculté de Philosophie et Lettres et dans la Faculté de Droit et empêche la Faculté des Sciences et la Faculté technique de développer l'enseignement pratique qui s'adresse aux futurs ingénieurs.

L' Ecole spéciale de Commerce est logée dans de vieux bâtiments qui menacent ruine et dont l'occupation présente un réel danger.

Enfin la bibliothèque n'est pas mieux partagée que l'Ecole de Commerce et ses locaux sont devenus trop exigus, pour répondre à l'accroissement continu du nombre des volumes dont elle s'enrichit chaque année.

Après avoir montré l'effort accompli par les Universités libres de Bruxelles et de Louvain, grâce à de puissants appuis financiers et insisté sur l'importance et la réputation de notre Ecole d'ingénieurs, nous envisagions de la manière suivante, les moyens propres à réaliser notre projet:

« Mais pour réaliser nos projets, il faut des moyens financiers et les difficultés de l'heure présente sont sérieuses.

Nous ne les ignorons pas et c'est pourquoi nous proposons de repartir l'exécution de notre programme en trois étapes d'une durée de 2 à 3 ans chacune. Ce programme consiste, comme nous l'avons déjà indiqué dans notre précédente note de Mai 1922, à aménager le bâtiment central de l'Université et à construire six Instituts destinés aux enseignements suivants


1) Métallurgie générale, Sidérurgie et Métallurgie des métaux autres que le fer.

2) Sciences minérales (Géologie pure et appliquée, Minéralogie, Cristallographie, Pétrographie, Paléontologie).

3) Un Institut de chimie analytique et industrielle.

4) Un Institut de mécanique.

5) Un Institut de Constructions mécaniques et industrielles.

6) Un bâtiment pour les cours généraux de la Candidature et ceux de la Faculté technique qui ne comportent pas de laboratoire.

Dans la première étape nous envisagerions:

1) L'achat d'un terrain suffisamment vaste non seulement pour construire nos nouvelles installations mais pour assurer leur développement dans l'avenir.

2) La construction des deux Instituts: Métallurgie et Sciences minérales.

3) Aménagement d'une partie du bâtiment central.

La deuxième étape comprendrait la construction de deux autres instituts et l'aménagement d'une autre partie du bâtiment central.

La troisième étape comme la deuxième.

En procédant de la sorte, c'est-à -dire en menant de front la construction de nouveaux instituts et l'aménagement du bâtiment central nous donnons satisfaction aux désirs légitimes des Facultés de Philosophie et Lettres, de Droit, des Sciences, de la Faculté technique, de l'Ecole spéciale de Commerce, et de la Bibliothèque.

Pour l'exécution de la première partie de notre projet nous pouvons offrir aux pouvoirs publics un apport financier appréciable. Il consiste en ceci:

Une partie du capital de notre dotation Universitaire comporte en banque, une somme liquide d'environ 4 1/2 millions. Si nous ne pouvons, en vertu de nos statuts, investir nous-mêmes cette somme dans des constructions dont l'érection ne nous incombe pas et qui au demeurant ne resteraient pas notre propriété, nous pouvons prêter cette somme au Gouvernement, dans le but de lui faciliter une opération de trésorerie.

D'autre part les industriels du bassin de Liège ont souscrit en faveur de nos nouveaux instituts une somme d'environ un million, dont nous disposons dès à présent, et nous pouvons escompter que leur générosité éclairée ne s'en tiendra pas là.

Enfin prévoyant l'outillage de nos futurs instituts nous avons inscrit des sommes importantes aux budgets annuels du Patrimoine de l'Université depuis sa fondation.

Ces différents apports constituent pour la solution du problème financier, une contribution dont l'importance n'échappera à personne.

IL serait prématuré d'entrer dans les détails de réalisation des deuxième et troisième étapes de notre programme, mais il est permis de croire que de nouveaux concours financiers ne nous feront pas défaut.

Nous osons espérer que la Ville de Liège nous accordera largement son appui dans cette entreprise si digne d'intérêt, etc...

Copie de cette lettre fut transmise à M. Nolf, ministre des Sciences et des Arts.

M. le recteur Dejace et moi nous préoccupâmes ensuite de trouver les moyens financiers propres à réaliser cette vaste entreprise.

Des pourparlers s'engagèrent avec l'Etat, la Province et la Ville de Liège. Celle-ci en vertu de la loi du 15 juillet 1849, art. 7, doit pourvoir aux agrandissements, à l'amélioration et à l'entretien des bâtiments affectés aux Universités de l'Etat. Pour la province aucune obligation légale de cette espèce n'existe.

Toutefois nous crûmes bon de solliciter son aide, étant donné surtout le mauvais état des finances de l'Etat. Nous trouvâmes d'ailleurs auprès de M. le député permanent Laboulle un appui si bienveillant que bientôt nous pûmes escompter une large participation financière de la Province. Malheureusement la situation des finances de la Ville était moins bonne et nos pourparlers traînèrent en longueur.

D'autre part les propriétaires des terrains du Val-Benoît s'impatientant de ne point recevoir de réponse à leur offre, rompirent les pourparlers le 31 janvier 1923.

Nous n'en continuâmes pas moins nos démarches auprès de l'administration communale à laquelle nous adressâmes le 2 mai suivant la proposition suivante:

Monsieur le Bourgmestre,


Les difficultés d'ordre financier et d'ordre administratif auxquelles se heurte l'acquisition du terrain sur lequel nous espérons pouvoir édifier les nouveaux Instituts Universitaires, nous amènent à vous soumettre une proposition qui diffère de celle que nous vous avons présentée dans nos entrevues antérieures.

L'Université de Liège, agissant en vertu de la loi du 5 juillet 1920 qui lui accorde la personnalité civile, se porterait acquéreur des terrains du Val-Benoît.

Elle interviendrait pour 2/5 dans le prix d'acquisition, demanderait à la Ville de Liège d'intervenir pour une somme égale et s'efforcerait d'obtenir de la province, le 1/5 complémentaire.

Il serait procédé immédiatement à une expertise de la valeur de la propriété, de manière à fixer la part contributive de chacune des parties intervenantes.

Afin de donner une idée approximative des charges à résulter de l'opération et sans nous prononcer sur l'exactitude de cette estimation, nous dirons que l'évaluation des terrains faite par les vendeurs se chiffre à la somme de deux millions 500.000 frs.

En partant de cette base, le patrimoine affecterait à l'acquisition la somme de un million dont il dispose ou disposera bientôt, en vertu de la souscription ouverte auprès des grandes industries et établissements financiers du bassin.

Il n'aurait donc à toucher en rien à son capital primitif et échapperait ainsi à toute critique qu'on lui adresserait sinon de ce chef.

La Ville nous verserait un million qui représenterait une part de l'intervention qui lui incombe en vertu de la loi et des précédents, en matière de constructions universitaires.

La Province compléterait par un subside de 500.000 frs la somme nécessaire.

L'Université, propriétaire des terrains, mettrait successivement à la disposition du Gouvernement, les parcelles nécessaires à l'érection des nouveaux Instituts.

En attendant la réalisation complète de nos plans, les parcelles non utilisées seraient converties en un parc, dont la ville aurait la libre Jouissance, à charge de surveillance et d'entretien.

Une convention à intervenir entre elle et le Patrimoine Universitaire réglerait ce point.

Nous voyons à l'adoption de ce projet nouveau l'avantage 1° de nous assurer la propriété d'un vaste terrain qui répondra aux nécessités d'extension future de nos services Universitaires, sans imposer à l'Etat une charge financière dont il pourrait contester la nécessité et que les circonstances actuelles lui rendraient particulièrement lourdes; 2° de permettre à la ville, de réaliser sous une forme favorable pour elle, la part d'intervention légale à laquelle elle est soumise. En même temps qu'elle s'acquitterait d'une première partie de sa charge financière, elle sauvegarderait un bloc important de terrain aux portes de Liège.

Elle soustrairait ainsi à l'emprise presque certaine de l'industrie un dernier lot de verdure le long du fleuve et contribuerait à maintenir à l'un des plus beaux quartiers de la ville son caractère esthétique.

Nous nous permettons, Monsieur le Bourgmestre, d'insister vivement sur la nécessité d'activer l'étude de cette question.

Comme nous l'avons établi dans une note précédente, chaque année de retard constitue pour notre établissement de haute instruction, un péril de concurrence plus redoutable de la part des autres Universités.

Bruxelles et Louvain, spécialement favorisés par les pouvoirs municipaux, par les dons et legs, par les larges subventions d'amis Américains, développent avec rapidité leurs installations nouvelles et leur outillage.

Il serait profondément regrettable de voir notre Ecoles des Mines dont le renom dans le pays et l'étranger est si considérable, souffrir d'une situation d'infériorité technique.

C'est un devoir pour les autorités publiques de nous épargner cette déchéance et de nous aider réaliser les conditions de vie in­dispensables la prospérité d'une oeuvre qui doit nous rester chère à tous.

Dans sa séance du 30 avril 1923, la Commission Administrative du Patrimoine de l'Université, à laquelle ces propositions ont été soumises, leur a donné à l'unanimité des membres présents, son adhésion et a chargé le Recteur-Président d'en poursuivre la réalisation.

Mis au courant de nos diverses démarches le Gouvernement voulut bien se rallier à nos propositions et promettre son intervention dans la construction des nouveaux Instituts et Laboratoires pour la Faculté technique à la condition expresse que la Ville de Liège interviendrait dans les frais d'acquisition du terrain et prendrait à sa charge une partie des frais de construction.

Dans sa séance du 15 octobre 1923, le Conseil Communal vote la somme d'un million que nous avions sollicitée. Avec les 500.000 frs. de la Province et la souscription des industriels, nous disposions ainsi d'une somme de 2.549.000 frs.

Nous nous empressâmes alors de renouer les pourparlers interrompus avec les propriétaires des terrains du Val-Benoît. Une estimation faite par un agent de l'Administration des Domaines servit de base à nos négociations. Après de nombreux entretiens, nous dûmes renoncer à acquérir le lot A à cause des exigences de son propriétaire et nous proposâmes à la Ville d'agréer les offres faites pour les lots B et C qui se montaient à 2.525.000 frs.

La Ville de Liège hésitant à se prononcer, nous perdîmes bientôt tout espoir de voir se réaliser nos projets et nous fûmes réduits à envisager d'autres solutions.

Divers emplacements firent l'objet d'examens détaillés, tels les terrains proches de la rue Naimette, un autre situé à Cornillon, enfin une partie du parc communal sis à Cointe. Aucun d'eux ne pouvait convenir et la situation paraissait inextricable, lorsque j'appris qu'il était question de désaffecter la caserne des Ecoliers, située au Boulevard de la Constitution. Le terrain sur lequel s'élèvent ces constructions occupe une superficie de 4 hectares 10 ares dont 1 hectare 37 ares de surface bâtie. Il se trouve proche du Laboratoire de Mécanique dont la construction provisoire est établie sur un terrain de 45 ares. Ces conditions me parurent si avantageuses que je me décidai à en faire part à M. le minitre Nolf.

Le 7 février 1924, celui-ci adressait à son collègue de la Défense Nationale la lettre suivante:

La nécessité de pourvoir la Faculté technique de l'Université de Liège de nouveaux Instituts et Laboratoires a été reconnue par le Conseil des Ministres.

La dépense à résulter de ce chef a été évaluée deux millions et demi pour l'acquisition du terrain et huit millions pour la construction, dont six millions à charge de l'Etat.

Des négociations ont été entamées pour l'achat d'un terrain de 10 hectares situé au Val-Benoît.

Les exigences des propriétaires de ce terrain, acceptables à l'origine dépassent de beaucoup actuellement la somme prévue. Aussi ai-je dû envisager une autre solution.

M. l'administrateur-Inspecteur de I' Université m'a signalé que la caserne de cavalerie située Boulevard de la Constitution est inoccupée et il paraît qu'elle le sera encore pendant plusieurs années. D'autre part, le Conseil Communal de Liège a émis plusieurs reprises le voeu de voir la cavalerie casernée en dehors de la ville. S'il entrait dans vos intentions de donner suite à ce voeu, je vous demanderai d'envisager la possibilité de nous entendre pour arriver à une solution qui serait de nature à donner satisfaction à nos deux départements, tout en ménageant les intérêts du Trésor.

En ce qui concerne mon point de vue, l'immeuble dont il s'agit offre l'extrême avantage de ne pas être éloigné des Instituts Universitaires existants. Il est de plus, m'assure-t-on, suffisamment vaste pour abriter les nouvelles institutions prévues, et à cet effet, au lieu de bâtir à grands frais de nouveaux Instituts et Laboratoires, de simples modifications à la disposition des locaux pourraient suffire dans une très large mesure.

Il en résulterait que la somme prévue pour l'achat du terrain et constituée, pour un million, par des souscriptions déjà recueillies et pour un million et demi par des interventions de la Ville et de la Province, deviendrait disponible et pourrait être affectée à l'acquisition de la caserne.

Quant aux six millions que l'Etat était disposé à consacrer à la construction des nouveaux Instituts et Laboratoires, ils pourraient être mis en partie tout au moins, à la disposition de votre département, si vous estimez que, le cas échéant, la caserne à désaffecter devrait être remplacée.

La construction de nouveaux locaux pour la Faculté technique de l'Université de Liège présentant un caractère de très grande urgence, je me permets, Monsieur le Ministre, de recommander cette affaire à votre très bienveillante attention.

Je vous saurais notamment gré de faire examiner le plus tôt possible la solution que je préconise et de me faire connaître votre avis à bref délai.

M. le Ministre de la Défense Nationale ne se montra guère disposé à entrer dans cette voie et les espoirs que nous caressions de ce côté furent bientôt déçus. Heureusement le 20 juin de cette même année, le Conseil Communal mieux inspiré vota la décision, si longtemps attendue, pour l'acquisition des terrains du Val-Benoît.

Le 12 juillet suivant, un arrêté royal autorisait l'Université de Liège à acquérir ces terrains d'une contenance de huit hectares trente neuf ares pour la somme de deux millions cinq cent vingt-cinq mille francs et le 24 juillet, date mémorable dans nos annales, l'acte de vente était passé par devant Maîtres Auguste Aerts et Albert Remy, notaires à Liège.

Le Patrimoine devenait ainsi propriétaire des terrains et de l'Abbaye du Val-Benoît.


La partie la plus importante des bâtiments actuels de l'Abbaye du Val Benoît fut édifiée au début du XVIIe siècle.

Un remarquable portique datant de 1618, donne accès à une vaste cour de 100 x 65 mètres environ. L'Abbaye s'élève sur un des longs côtés de celle-ci.

Une pierre commémorative indique qu'en l'an 1629, l'abbesse Marguerite de Noville procéda à ]a réédification des bâtiments intérieurs et d'une partie des cloîtres. Mais l'Abbaye ayant eu à souffrir des inondations de 1643, la plus terrible dont on ait gardé le souvenir à Liège, et de celles de 1740, puis encore des guerres qui marquèrent la fin du XVIIe et le commencement du XVIIIe siècle, enfin d'un incendie qui endommagea certains locaux, l'abbesse Anne de Montfort procéda à des reconstructions, ainsi qu'en fait foi une inscription lapidaire à la façade d'un des bâtiments avec le millésime 1727. D'ailleurs au cours de la Révolution française le couvent passa par des alternatives diverses: aliéné comme bien national en 1797, son église fut démolie au début du XIXe siècle (Cf. Gobert, Les rues de Liège.). Mais tous les autres bâtiments furent conservés et une annexe à l'habitation principale fut créée au siècle dernier en partie sur l'emplacement de l'ancienne église.

Cet ensemble de belles constructions conviendrait admirablement, comme nous l'avons déjà dit, pour une cité universitaire, analogue à celles qui existent depuis longtemps en Angleterre et en Amérique ou qui plus récemment ont été édifiées à Paris. Mais c'est là un projet sur lequel je ne veux pas insister pour le moment.

La principale préoccupation de l'Université devenue propriétaire de l'Abbaye du Val Benoît et de ses dépendances fut d'examiner les moyens propres à les soustraite aux crues désordonnées du fleuve. Le remède radical était l'établissement d'une digue longeant la Meuse. Ce travail important se rattachait d'ailleurs à une vaste entreprise projetée qui consistait dans l'endiguement de la rive gauche de la Meuse en amont du Pont du Val Benoît jusqu'à Jemeppe. Une partie de ce travail était déjà effectuée sur les territoires des communes de Jemeppe et de Tilleur.

D'autre part, le 13 juin 1913, le Collège échevinal de la ville de Liège jugeant que la largeur de la rue du Val Benoît prise dans son ensemble, ne répondait plus aux nécessités de la circulation très dense en cet endroit, avait demandé au département des travaux publics la création d'un quai de 20 mètres de largeur le long de la rive gauche de la Meuse, en amont du Pont du Val Benoît.

Lors de ses pourparlers avec la ville, l'Université s'était d'ailleurs engagée à lui céder gratuitement le terrain nécessaire à l'élargissement de ce quai.

Hélas il fallut les calamiteuses inondations de 1925-26 pour décider les pouvoirs publics à hâter l'exécution de ces travaux. Aujourd'hui une digue imposante de 2,50 m. de haut, s'étendant sur toute la longueur de nos terrains les protège contre les caprices de la rivière. Le dessus de cette digue sera prochainement aménagé en une voirie de 20 m. de large, tandis que sous le quai a été établie une canalisation d'égouts à laquelle nos installations pourront se raccorder. Enfin une rue nouvelle réunira bientôt le quai de Rome à la rue du Val Benoît.

Les expropriations nécessaires à cette fin sont actuellement en cours. L'Université a cédé à la Ville un triangle situé dans l'angle sud de sa propriété et a reçu en échange un triangle d'aire équivalente à l'angle ouest. De cette manière, comme on peut le voir sur le plan reproduit figure 5, nos terrains se trouveront en bordure de trois grandes voiries et ce résultat que nous devons, pour une grande part, à la clairvoyante initiative de M. le sénateur E. Digneffe, bourgmestre honoraire de la ville de Liège, est de nature à donner à notre propriété universitaire une plus value considérable, tout en facilitant la disposition des futurs bâtiments. Il nous dédommagea en partie des retards que subissaient pour des causes diverses nos projets de construction.

De ce côté en effet le temps n'avait guère travaillé pour nous: le gouvernement hésitant toujours à nous accorder les crédits que nous sollicitions. Leur nécessité avait bien été reconnue, ainsi que nous l'avons indiqué déjà, mais la dévaluation de notre monnaie, la hausse continue des matériaux et de la main-d'oeuvre faisaient apparaître nos exigences exagérées.

Il est jute de dire qu'une étude plus approfondie de nos besoins avait révélé une situation beaucoup plus grave qu'elle n'avait apparu de prime abord, On ne pouvait y porter remède qu'en sacrifiant beaucoup d'argent.

Mais ce n'était point chose aisée de faire admettre cette nécessité à ceux qui ont pour mission d'assurer l'avenir de nos Universités. L'exemple des Universités allemandes et américaines n'est-il pas cependant suffisamment probant à cet égard? Certes les bâtiments ne suffisent pas et je suis d'avis que de bons cerveaux valent davantage. Mais comment tirer parti de la valeur des élites si l'on ne dispose ni des locaux, ni de l'outillage indispensables à leur enseignement, à leurs recherches personnelles et à celles de leurs collaborateurs, en somme s'il et impossible de répondre à leurs exigences légitimes.

Je ne vise pas seulement ici les nécessités des sciences expérimentales qui sont à ce point de vue particulièrement impérieuses, mais encore celles de beaucoup d'autres disciplines, même parmi celles qui se sont longtemps contentées de peu. Ne voyons-nous pas en effet les Facultés de droit et de philosophie et lettres, si souvent sacrifiées, réclamer aujourd'hui pour le plus grand profit des maîtres et des élèves, des séminaires et d'importantes bibliothèques spéciales.

On n'arrête pas le progrès.

Sous ce rapport, les Universités sont un peu comme certaines industries qui se développent tout à coup sous la poussée d'événements économiques. Ceux-ci sont-ils très favorables, les anciens départements prennent tout à coup une extension imprévue, de nouveaux se créent à côté des anciens, et tous finiraient faute de place par s'entremêler sans espoir d'amélioration possible, si une direction prévoyante n'intervenait à temps.

Or depuis 35 ans le corps enseignant et les institutions académiques de l'Université de Liège se sont accrus dans de très fortes proportions. En effet, le nombre des professeurs et chargés de cours qui était de 79 en 1895 est passé à 140 en 1930; celui des assistants, répétiteurs et chefs de travaux est passé de 36 à 78 au cours de la même période.

On comptait en 1895, 29 laboratoires, actuellement il y a 56 auxquels il faut encore ajouter 12 séminaires, et je ne fais pas état des bibliothèques spéciales et des collections de cours. La population estudiantine qui était de 1267 élèves en 1895, s'élève aujourd'hui au chiffre de 2500 environ; elle avait d'ailleurs atteint le chiffre de 3000 en 1914.

Or pour faire face à tous ces accroissements aucune amélioration sensible et aucun agrandissement important des locaux n'ont été effectués depuis 35 ans.

Il ne faut donc pas s'étonner s'il a fallu loger jusque dans les caves et les combles des disciplines très importantes. Il faut au contraire se pénétrer de cette idée que l'Université de Liège ne peut plus suffire à ses besoins; elle est arrivée à ce tournant de son histoire que pour éviter une déchéance certaine de nouveaux et vastes locaux lui sont indispensables.

Convaincu de cette nécessité j'avais arrêté définitivement un programme de travaux que j'estimais indispensables. Il comprenait la construction de cinq bâtiments à ériger au Val Benoît et une série d'appropriations au bâtiment principal.

Les constructions prévues représentées schématiquement figure 5, consistaient en

1. Un institut de chimie appliquée et de métallurgie;

2. Un institut des sciences minérales;

3. Un laboratoire de thermodynamique contigu à une centrale de chauffage;

4. Un institut de mécanique;

5. Un institut de génie civil.

Pour ce qui était des aménagements, je prévoyais la désaffectation des laboratoires de physique dont les locaux seraient mis à la disposition de la bibliothèque, tandis que le bâtiment devenu libre par le transfert au Val Benoît de la chimie analytique et de la chimie industrielle serait dorénavant affecté à la physique expérimentale. Enfin le bâtiment faisant face à la place Cockerill serait entièrement restauré pour y installer la Faculté de droit et l'Ecole supérieure de commerce.

J'évaluai le coût probable de l'ensemble de ces travaux, y compris l'ameublement, l'éclairage et le chauffage, à la somme de soixante quinze millions de francs. Cet effort considérable absolument indispensable, ne me paraissait pas impossible à réaliser pour un pays comme le nôtre; mais il fit hésiter ceux-là même qui m'avaient encouragé dans mes premières études.

Cependant vers la fin de l'année 1927 une circonstance heureuse se présenta qui faillit alors emporter la décision.

Nous étions à la veille de l'Exposition internationale de Liège, et l'on envisageait à ce moment l'éventualité d'installer le palais des sciences dans un de nos nouveaux instituts dont il importait dès lors de hâter la construction. Une démarche entreprise par M. le sénateur Laboulle, commissaire général de l'Exposition, M. l'ingénieur G. Moressée, directeur, et moi-même auprès de M. C. Huysmans, ministre des sciences et des arts, et de M. le ministre du travail Wauters, représentant du gouvernement au Comité du Trésor, semblait devoir aboutir, lorsque la chute du ministère survenue peu après vint détruire nos espérances.

Au début de l'année 1928 une commission fut chargée d'examiner mes propositions: elle posa des exigences auxquelles il m'était impossible de répondre d'une manière précise. Dès lors le sort de mon projet n'aurait pas été douteux, sans la nomination de M. Liégeois à la direction de l'Enseignement supérieur au département des sciences et des arts.

Ce haut fonctionnaire n'hésita pas à venir se rendre compte par lui-même de la situation précaire dans laquelle nous nous débattions et s'intéressa à notre projet. Enfin une intervention très opportune de M. le Recteur Duesberg auprès de M. le premier ministre Jaspar, aux sentiments patriotiques duquel on ne fait jamais appel en vain, amena une première décision: une somme de seize millions fut mise à la disposition de l'Université pour la construction du premier institut. D'autre part M. Vauthier, ministre des sciences et des arts, dont on ne saurait assez reconnaître la bienveillante sollicitude à l'égard de notre haut enseignement, fit porter au budget de son département pour 1930 une somme de soixante millions pour l'ensemble des travaux. C'est à concurrence de cette somme que l'Université est autorisée à entreprendre ses nouvelles constructions.

A tous les artisans directs ou indirects de ce succès nous devons une profonde reconnaissance, et c'est une agréable mission pour moi de leur exprimer ici toute la gratitude de l'Université.

Cependant à l'heure de cette aube renaissante, si riche de promesses, il serait injuste d'oublier les ouvriers de la première heure qui eux aussi ont bien mérité de notre Alma Mater: feu l'administrateur-inspecteur le Paige, les Recteurs E. Hubert, Dejace et Prost; feu le gouverneur G. Grégoire, le conseil provincial de Liège et son ancien député permanent M. Laboulle, le conseil communal de la ville de Liège et ses éminents bourgmestres MM. Digneffe et Neujean, enfin les industriels du bassin de Liège et feu le regretté P. Van Hoegarden. A tous nous rendons grâce pour l'intérêt qu'ils nous ont porté. Ce devoir accompli, je voudrais dire un mot de nos futures réalisations.

Pendant les longs pourparlers que j'ai rappelés, des études minutieuses permirent de concrétiser les vues de la Faculté technique. On, s'arrêta finalement au groupement des disciplines les plus voisines dans des instituts isolés judicieusement répartis sur le terrain du. Val Benoît.

Le choix d'instituts isolés a été dicté non seulement pour satisfaire aux nécessités des disciplines de même nature, mais aussi afin de permettre l'extension des bâtiments dans l'avenir. Négliger cette possibilité c'est créer des entraves souvent insurmontables au développement des laboratoires.

Cependant les services généraux chauffage, ventilation, force motrice, air comprimé, etc. ont été centralisés dans un bâtiment contigu au laboratoire de thermodynamique de manière à pouvoir être mis à la disposition des élèves.

Le chauffage est prévu par des chaudières à hautes pressions utilisant un combustible peu onéreux: le charbon menu. Outre le chauffage, elles serviront à alimenter une turbine pour assurer la marche des ventilateurs et d'un groupe électrogène en vue de diminuer le coût des consommations en électricité.

Actuellement tous les efforts se concentrent vers la réalisation du premier institut, qui est le plus important et qui groupera la chimie analytique, la chimie industrielle, la métallurgie du fer et la métallurgie des métaux autres que le fer.

Les plans de cet édifice de 100 x 78 mètres environ ont été confiés à M. le prof. Puters, ingénieur-architecte.

Le bâtiment (figure 6), comporte à front de la rue nouvelle un corps principal à trois étages au dessus du niveau de cette rue, ensuite deux ailes principales à quatre étages en retour aux extrémités de ce corps principal, des ailes de liaison à deux ou quatre étages, enfin un corps isolé destiné à une fonderie.

Dans cet ensemble, fruit des études poursuivies par l'architecte avec la collaboration des professeurs intéressés, on a tenté de concilier les exigences des laboratoires avec certains principes généraux réalisés dans quelques grandes écoles de l'étranger.

ULG Val Benoit - Plan Shématique du Projet des Instituts de Chimie et de Métallurgie en 1930

LEGENDE
E Entrée des auditoires L Laboratoires
E' et E'' Entrées des laboratoires F Halle de fonderie et laboratoires
H,H',H'' Halles D Ailes de liaison entre laboratoires et auditoires
A Grands auditoires C Cours
B Petits auditoires


Ainsi il a paru souhaitable d'effectuer la séparation des auditoires et des laboratoires. A cet effet, les auditoires de diverses capacités, avec leurs annexes, salles de préparation, collections de cours, vestiaires, antichambres, etc. sont groupés autour d'une entrée principale. Les laboratoires ont des entrées distinctes des auditoires; pour certains, il a été prévu un laboratoire central vers où convergent des locaux destinés à des opérations préparatoires. Les salles de collections sont disposées de manière à desservir les salles de préparation des grands et petits auditoires, tout en restant ouvertes aux étudiants. Chaque professeur dispose d'un laboratoire particulier attenant à un cabinet de travail à proximité des laboratoires d'élèves et des salles de préparations.

Deux grands auditoires à gradins l'un au rez-de-chaussée, l'autre à l'étage ont été prévus pour 150 élèves.

L'entrée de ces auditoires se fait par le hall de l'entrée principale, tandis que les salles de préparation sont accessibles par des ailes de liaisons rattachées aux laboratoires. Ces liaisons sont dans les axes des entrées latérales prévues pour les laboratoires,

Dans un étage inférieur arrivant au niveau du parc ont été logés les locaux d'approvisionnements et des laboratoires secondaires pout les divers services. L'étage au niveau de la rue nouvelle a été réparti par moitié entre la sidérurgie et la métallurgie spéciale; tandis que la chimie analytique et la chimie industrielle se partagent également le premier et le second étage.

Pour faciliter le transport des pièces lourdes dans les différents locaux, les étages qui sont desservis par des monte­charges, sont à niveau unique.

Quoique la distribution intérieure des locaux ait été étudiée minutieusement, on n'a pas perdu de vue que l'évolution continuelle des sciences chimiques et métallurgiques pouvait rendre désirable des modifications intérieures.

On a été ainsi amené à réaliser un système de constructions à grande portée avec points d'appui uniquement dans les façades. Pour les laboratoires cette portée est de 15 mètres et la division des locaux est réalisée au moyen de cloisons d'épaisseurs diverses.

Cette conception posait un problème ardu.

Fallait-il recourir à l'emploi du béton armé ou à celui d'une ossature métallique ? MM. les prof. Campus et Chantraine préconisèrent, la charpente métallique.

Le projet de celle-ci est l'oeuvre de M. le prof. Campus qui adopta une solution très élégante permettant de réduire à égalité de charge de 1,00 m à 0,70 l'épaisseur des poutres.

Cependant pour certaines portées, plus réduites on a eu recours au béton armé; c'est le cas notamment pour les ailes de liaisons et les grands auditoires.

Toute la partie métallique pesant environ 1500 tonnes et les ouvrages en béton armés qui constituent en somme toute l'ossature de cet important édifice, de même que les fondations et certains détails de construction ont été calculés et dessinés sous la direction de M. le prof. Campus par deux de ses anciens élèves récemment sortis de notre section du Génie civil, MM. Perelman et Spoliansky. Ce bureau d'études a allégé puissamment la besogne matérielle de l'architecte qui sans ce concours eût été écrasante. Il a permis en outre de se libérer entièrement pour le calcul de la stabilité de la construction de l'aide toujours onéreuse des bureaux privés et d'envisager avec confiance la réalisation de tout le programme des nouvelles constructions.

Nous fîmes encore appel à d'autres collaborateurs: sans oublier M. le prof. Chantraine dont les conseils me furent souvent très précieux, je tiens à signaler le concours dévoué de deux de nos jeunes répétiteurs, MM. les ingénieurs Bidlot et Danze qui étudièrent la question du chauffage et de la ventilation en collaboration avec deux firmes industrielles. Enfin l'étude des canalisations d'amenée et d'évacuation des eaux dans les locaux et aux tables de laboratoires fut confiée à la firme Anciaux de Bruxelles.

A tous ces collaborateurs dévoués j'exprime ici ma vive gratitude.

Leur concours me fut d'autant plus précieux que l'Université n'était pas organisée pour de pareilles entreprises et je rends grâce d'une manière toute particulière à M. Campus pour l'aide dévouée et désintéressée qu'il m'a apportée et les conseils judicieux qu'il n'a cessé de me prodiguer depuis un an, c'est-à-dire depuis le moment où nous sommes entrés dans la phase de réalisation.

Actuellement deux importantes adjudications ont eu lieu: la première se rapporte aux charpentes métalliques et l'autre aux fondations.

La première entreprise pour laquelle il a été accordé un délai de trois cents jours qui a pris cours le 12 mai 1930 a été remise à la Société métallurgique d'Enghien St-Eloi pour la somme de 5.200.000 frs., la seconde qui comporte un délai de trois mois qui a pris cours le 1 juin 1930, a été confiée à la firme Les Pieux Franki pour la somme forfaitaire de 868.226,50 frs.

L'adjudication pour la maçonnerie aura lieu incessamment, de sorte qu'on peut espérer que ce bâtiment sera prêt à recevoir les étudiants en octobre 1932.

Enfin, la construction des autres instituts sera poussée le plus activement possible de manière à achever tout le programme des nouvelles constructions dans un délai de cinq années.

Nous commençons donc une période d'extraordinaire activité d'où l'Université sortira agrandie et prête à de nouvelles tâches.

M. DEHALU.


Un beau geste de la Ville de Liège pour la création d'une cité universitaire


Tout récemment le Conseil communal de Liège sur la proposition de M. Mallieux, échevin des finances, a voté l'inscription au budget de la Ville pour 1930 d'un crédit de 500.000 francs à titre d'intervention dans les frais d'aménagement de l'Abbaye du Val Benoît en vue d'y établir une hôtellerie d'étudiants. Ce geste généreux qui montre combien nos conseillers communaux s'intéressent à notre jeunesse universitaire, remplira de joie tous les amis de l'Université.

C'est à la suite d'un appel que j'adressai au Collège échevinal en ma qualité de président de la Maison des Etudiants et dont je reproduis ci-dessous les principaux passages que cette question fut portée devant le Conseil communal où M. l'échevin Mallieux voulut bien lui accorder l'appui de sa grande autorité.

Je remplis un devoir bien agréable en lui réitérant ici ainsi qu'au Collège et au Conseil communal l'expression de la gratitude de l'Université tout entière.

Voici les passages essentiels de ma lettre datée du 20 décembre dernier.


A Messieurs les Bourgmestre et
Echevins de la Ville de Liège,


Messieurs,


La Ville de Liège verra bientôt se réaliser les importants projets qui doivent doter son Université de nouveaux instituts pour sa Faculté technique et améliorer l'installation des autres Facultés logées dans les anciens bâtiments des places du XX Août et Cockerill.

Mais ses efforts ne peuvent se limiter au seul développement de ses disciplines et de ses bâtiments d'enseignement; il faut encore qu'elle se préoccupe de la situation matérielle de sa population estudiantine. Elle se doit de lui assurer dans une certaine mesure une nourriture substantielle et des logements convenables.

Une partie de ce programme a été réalisée, il y a neuf ans, par la création d'une maison d'étudiants dont le merveilleux essor est la preuve la plus convaincante de son utilité.

Le succès qui a couronné les efforts accomplis dans cette voie et l'expérience acquise dans la gestion d'une entreprise hérissée de difficultés permettent d'envisager avec confiance le développement d'oeuvres estudiantines similaires et notamment les logements pour étudiants.

Réunir ceux-ci dans une cité universitaire où ils trouveront le confort nécessaire à leur genre de vie est une oeuvre de vraie démocratie et de haute moralité,

Les Universités américaines n'ont pas hésité à édifier à l'usage de leurs élèves des cités somptueuses qui non seulement leur ont assuré une nombreuse population d'étudiants mais ont contribué à créer entre ceux-ci des liens d'une étroite solidarité qui se manifeste plus tard en dehors de la vie universitaire dans l'ordre intellectuel, économique et social.

La France aussi est entrée résolument dans cette voie et Paris ne connaît plus le bohème du quartier latin d'autrefois.

De magnifiques cités universitaires groupant des étudiants par nationalité s'élèvent aujourd'hui au boulevard Jourdan. A aucune époque de son existence, l'Université de Paris n'a connu pareil succès: de toutes les parties du monde afflue une jeunesse avide de recevoir son enseignement.

La prospérité de l'Université de Liège est plus que celle de toutes les autres Universités du Royaume, liée à la question des logements pour étudiants. Notre ville est éloignée du centre du pays et possède moins que Bruxelles et Louvain des communications fréquentes et rapides avec le reste du pays.

Avant la guerre l'Université de Liège comptait parmi ses élèves de nombreux jeunes gens venant du Hainaut et des Flandres. Les conditions économiques d'après guerre ont éloigné de nous cette population intéressante.

Notre Université a cependant le plus grand intérêt à attirer vers elle la jeunesse studieuse de toutes les parties du pays. C'est en tout cas un devoir pour nous, au moment où l'on cherche à désunir flamands et wallons de nous efforcer de raffermir leur union en engageant les jeunes gens de Flandre et de Wallonie, à faire leurs études supérieures dans notre Université. Le seul moyen est évidemment de leur faciliter le séjour dans notre ville en leur offrant des conditions de vie avantageuses.

Ce problème a première vue difficile à résoudre et susceptible dès maintenant d'une solution tout au moins partielle.

L'Université de Liège possède en effet un vaste immeuble actuellement sans affectation spéciale, l'Abbaye du Val Benoît, qui moyennant certaines appropriations pourrait constituer une première cité Universitaire.

Elle servirait exclusivement à loger des étudiants belges habitant les régions les plus distantes de Liège, et choisis parmi les plus méritants et les plus dignes d'intérêt. Le loge­ment ne serait pas gratuit, mais à un prix réduit.

La gestion de cette oeuvre serait assurée par un organisme analogue à celui qui existe pour la Maison des Etudiants du boulevard Piercot, c'est-à-dire par une société coopérative sans but lucratif composée d'étudiants et d'anciens étudiants..

Elle exercerait sa mission sous le contrôle et la haute surveillance de la Commission Administrative du Patrimoine de l'Université de Liège.

Les travaux d'aménagement sérieux seraient entrepris par le Patrimoine Universitaire propriétaire de l'immeuble. C'est donc à lui que seraient versées les subventions que nous recevrions dans ce but.

J'ose espérer que vous voudrez bien répondre à l'appel pressant que j'ai l'honneur de vous adresser en faveur de cette oeuvre si intéressante et vous prie, Messieurs, d'agréer avec l'expression de toute ma gratitude, l'assurance de mes sentiments les plus distingués.

M. DEHALU.


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