FONDATION, ÉDIFICATION.
Le nom de Récollet, dérivé de Recollectus, recueilli, fut donné à des religieux Franciscains, qui désireux de pratiquer les vrais préceptes du saint Fondateur de leur ordre, règle dont on s'était écarté, s'assemblèrent à la fin du XIVe siècle pour opérer cette rénovation dite de l'observance.
Les plus timorés jugeant ensuite que l'on ne s'identifiait pas assez à l'austérité primitive, résolurent d'appliquer enfin la stricte rigueur de l'ancienne institution. Les maisons qu'ils ouvrirent furent dites de Récollection parce qu'ils n'y admirent que les sujets qu'ils reconnurent doués de l'esprit de recueillement. Leur costume fut celui de saint François, brun, à pièce, mais ils ne portèrent point la barbe, ce qui les distingua des Capucins issus de même souche ainsi que les Cordeliers et les Picpus.
Les Récollets adoptèrent le titre de Frères Mineurs de l'étroite observance.
Cette Congrégation prit naissance en Espagne l'an 1484 par le zèle de Jean della Puebla y Sottomayor, comte de Belalcasar. Elle fiat introduite en Italie en 1525, et y établie en 1530 par Clément VII qui lui fit donner des maisons spéciales, afin que l’on y appliquât, en leur plus grande perfection, les voeux de saint François.
La France reçut l'Ordre renouvelé en 1592, grâce aux soins de Louis de Gonzague, duc de Nevers.
Le premier couvent de Récollets en deça des monts, fut fondé en la ville de Tulle en Limousin; peu après s'ouvrirent ceux de Montargis et de Murat en Auvergne.
Partout où ces réformateurs se présentèrent, les frères dit de l'observance firent toute opposition possible à leur admission. De là, recours au Pape Clément VIII, qui par un bref adressé au cardinal de Joyeuse, lui commandait d'affermir par l'autorité apostolique, l'institution nouvelle; et le cardinal rendit en 1600 un mandement conforme aux désirs du Souverain-Pontife (1)
Les Récollets formèrent bientôt un établissement à Paris (il existait en 1603) et ils partagèrent la France en sept provinces.
Henri IV fit des dons importants aux Récollets, Marie de Médicis fut reconnue pour leur protectrice.
Eux de leur côté, recherchèrent avec empressement toute occasion de montrer leur dévouement au peuple par l'instruction, les exhortations et les services de tout genre surtout lors des maladies contagieuses, époques où leur zèle ne connaissait plus de bornes.
La réputation de ces hommes dévoués se répandit avec une rapidité remarquable et la Belgique comprise en partie dans leur province de Flandre, compta bientôt de nombreuses maisons de Récollection.
L'édilité verviétoise fut l'une des premières à reconnaître leur mérite et fit bon accueil aux membres de ces corporations, afin de les opposer comme barrière aux envahissements du protestantisme.
La venue des Pères Récollets en notre ville eut lieu dans les premières années du XVIIe siècle.
Nonobstant leur présence, un appel officiel leur fut ensuite adressé.
Detrooz, en son histoire du Marquisat, p. 138, nous apprend que:
« L'an - 1620, le magistrat et le curé de Verviers invitèrent à venir s'établir dans leur ville ces Pères Récollets de la province de Flandre, qui y prêchaient depuis longtemps les stations. »
Une chronique manuscrite que nous possédons, sans nom d'auteur, relatant les faits de 1666 à 1703, et provenant de la famille Berguenheusse de notre ville, dit à ce sujet:
« En 1627, le P. Bonaventure Bidar se présenta comme missionnaire ennvové par l'Ordre, à Verviers.
Il descendit en une maison de Craporue (qui depuis a été à Pierre Renard dit le Camu), où d'autres Récollets le rejoignirent bientôt; grâce aux libéralités des personnes auxquelles ils se présentèrent, ils purent acheter en Brou une maison qui fut après eux à Henry Dexhorez, marchand de notre ville. »
Cette maison démolie en 1855 conserva jusqu'alors, au-dessus de sa porte, une petite niche en pierre où avait posé une statuette. Le N° 37 actuel remplaça ladite construction en 1855.
Saumery en son travail intéressant, les Délices du Pays de Liège, t. 3, p. 253, ajoute:
« Ces religieux qui ont été admis à Verviers dès l'an 1627 par le prince Ferdinand de Bavière, alors Evêque de Liège, y exerçaient déjà depuis longtemps les pieuses fonctions de leur ministère.
C'est à leur zèle et à leurs travaux que l'on doit en ce pays l'extirpation de l'hérésie et des pratiques superstitieuses tendant au paganisme; c'est pourquoi ils en sont considérés comme les Apôtres. »
Si les Récollets déployèrent dès leur venue un zèle remarquable en leurs éloquentes exhortations et fonctions religieuses, ce qui concourut puissamment aussi à leur livrer toutes les sympathies, fut la manière affectueuse avec laquelle ils répandirent l'instruction alors si négligée, pour ne pas dire nulle.
La cité heureuse de posséder en eux toutes les ressources nécessaires pour éclairer la jeunesse, leur facilita l'acquisition d'un vaste terrain « dans le grand Werihas, proche la rivière, en sorte que le 30 Mars 1631, ils ouvrirent les fondements de leur couvent. Un autel fut élevé en ladite place et le révérend doyen de Theux y célébra la sainte Messe. Les travaux furent poussés avec tant d'activité, qu'à la fin de l'année les religieux eurent achevé un manoir pour y résider, et le premier jour de l'année 1632 la première messe y fut célébrée en leur oratoire. » (Ms Berg.)
Saumery donne à ce fait la date de 1633, cependant nous avons tout lieu de croire exact un écrit émanant de la localité.
La construction de l'oratoire s'étant trouvée défectueuse, il fallut le démolir moins de six ans après; en 1639, le couvent fut achevé. » (Notices historiques de M. Nautet, t. 1er, p. 25.)
Detrooz, p. 141, porte ce fait à 1739, est-ce par erreur typographique?
Enfin les Pères perfectionnant leur dessein, élevèrent bientôt tout auprès de leur maison une église spacieuse et bien ornée qu'ils dédièrent selon l'inscription de la façade:
Au Très Saint Sacrement de l'Autel, à la Vierge Marie sa mère, à son serviteur, saint François.
Hommage et dévotion du magistrat et peuple de Verviers 1647.
Ce document lapidaire se voit encore à son ancienne place sous l'autel de la chapelle de la Vierge.
« La dédicace de l'église, ne s'accomplit qu'en 1653 ou 1654 » dit le Ms Berg.
Elle dut avoir lieu par les mains d'un évêque, car les pilastres portèrent les croisettes rouges de l'onction épiscopale; on les vit reparaître, en ce siècle, lorsque l'incendie eût fait éclater le plâtras recouvrant le badigeon primitif.
Il est étrange que nos chroniqueurs et historiens se taisent sur leur origine.
Il est probable que l'hommage de 1647, fut suivi d'une bénédiction pastorale et ne reçut sa consécration solennelle que six ou sept ans plus tard, voici pourquoi:
Les troubles fomentés par les factions des Chiroux et des Grignoux dans le pays, avaient éloigné Ferdinand de Bavière de son siege; son successeur et neveu, Maximilien Henri, élu en 1650, habita souvent Bonn, ne revint que par intervalles à Liège, où de retour enfin en 1653, il célébra la messe le jour de saint Lambert (17 septembre). L'on peut donc attribuer à ce prince évêque, la consécration du Sanctuaire dont nous parlons.
De cette église primitive il reste encore une grande partie des murs de l'enceinte actuelle, mais le point resté intact est la vaste parois où s’élève l'image de la sainte Vierge: Le fond de la chapelle Notre-Dame étant l'ancienne façade, laquelle était percée à sa base d'une seule porte, surmontée de l'inscription précitée et de la niche où pose la statue miraculeuse. Au-dessus s'ouvraient trois fenêtres, deux cintrées aux côtés et une ovale, surmontant le tout, ouvertures remplies naguère. Le groupe de la Vierge et de l'enfant Jésus, taillé en pierre de sable, de bonne sculpture, mesure 6 1/2 pieds de haut. D'abord, colorié, sa teinte actuelle est noirâtre, et rien à notre connaissance ne cite l'époque où il prit cette dernière couleur qu'elle portait du reste, à la fin du siècle dernier.
L'ancienne tour de l'église brûlée en 1810, était de forme très élégante, s'élevait au-dessus du choeur et présentait une flèche élancée, soutenue de huit colonnes alternées par des arcades à jour, entre lesquelles les cloches étaient étalées.
L'ornementation intérieure du vaisseau était du meilleur goût, disent encore ceux qui l'ont connu. Ses proportions étaient les mêmes que celles de la nef actuelle, seulement le choeur double en étendue de ce qu'il est aujourd'hui, rompait par ses clôtures élevées, l'excès de longueur que l'on remarque dans le plan général.
Audit choeur, l'espace était divisé entre trois enceintes séparées; en celles de l'entrée à droite et à gauche, s'élevaient des petits autels d'ordre Corinthien.
Celui du côté de l'Evangile, montrait en sa niche la figure de la Vierge, qui le remplace â l'autel qui le remplace; celui du côté de l'Epître contenait un tableau représentant saint François à Portioncule. Dans le grand choeur, quarante-six stalles destinées aux religieux, précédaient le grand autel où se voyait un christ en croix peint sur toile et dont on vantait le mérite.
La plupart de ces oeuvres portaient les blasons de donateurs, et de nombreuses armoiries ornaient de même d'élégants lambris, ruisselants de sculptures, entourant l'église et desquels sortait une chaire dont la cuve était formée d’une ronde d'Anges. Six confessionnaux élégants étalaient des figures grandeur naturelle, représentant les vertus; le travail en était très estimé.
La tribune ou Jubé se composait de trois arcades de marbre, à rustiques, alternées de rouge et de noir, ce tout posé sur deux colonnes et deux pilastres, engagés, tous monolythes, de marbre saint Remy. Les orgues qu'ils supportaient furent d'excellente facture.
Le pavé de l'église s'orna de belles pierres tombales, et le choeur reçut iusieurs riches mausolées, entre lesquels brillait celui de la famille magistrale de Jean de Herve. Cette oeuvre était formée de vastes pièces de marbre noir, incrustées d'ornements en bronze entourant l'image de la mort, qui semblait appeler le spectateur. Cette pièce artistique échappa seule au désastre qui, au commencement de ce siècle, anéantit tout l'édifice qui nous occupe, mais elle fut vendue en 1818, vu sa valeur intrinsèque et la pénurie des finances, lors de la réédification de l'église. Comme pendant à cette tombe, était celle de Pierre Alexandre Pirons, de Verviers, seigneur de Baelen, chanoine de la cathédrale saint Lambert, à Liège, et dont le corps a été revu en entier en 1817, lors de l'ouverture des caveaux.
Une autre partie intéressante de l'ornementation du vaisseau était le plafond ou voûte en bois à cinq pans, formés de tableaux représentant les principaux sujets de l'ancien testament que l'on s'était avisé de badigeonner au début de notre siècle.
Enfin l'ensemble des bâtiments élevés par les Pères Récollets, destinés à recevoir cinquante religieux, offrait un vaste carré, dont l'église était le sud, le couvent formait au nord une parallèle, longeant la Vesdre; deux ailes reliaient à angle droit ces corps principaux: Celle de la façade était affectée au grand escalier et à la bibliothèque; la brasserie servait de fond, fermant une vaste cour intérieure entourée de portiques composant les cloîtres, constructions que remplace l'établissement Fischer et Cornet.
Une seconde cour fut formée en déça de la façade du couvent, limitée à l'ouest par le local du collége: « L'an 1665 (dit le Ms. Berg.) les Pères firent une belle et forte muraille devant ladite église avec un grand portail qui compose une cour entre le couvent et la rue.
Il est probable que cette clôture qui précéda la construction de la chapelle, partait des maisons de la place et s'étendait vers la rivière.
BIENFAITS DE L'INSTITUTION.
Tandis que les constructions élevées par les Récollets touchaient à leur fin, eux tout en payant de leur personne en ces travaux, ne négligèrent aucun des moyens propres au succès de leur double mission. Le plus ancien acte officiel les concernant, que nous ayons rencontré, existe en nos archives communales.
Il émane de Herman de Stockhem, archidiacre de Condroz, à propos de sa visite à l'église de Verviers en 1669; traçant les droits du curé de SaintRemacle, il dit:
« Comme il nous a esté remostré par les Bourgmestres susdits que s'il arrive que quelque corps soit enterré dans l'église des Pères Récollets, le pasteur prétend d'avoir autant que si ledit corps serait enterré dans son église, nous déclarons le dit pasteur en tel cas se debvoir contenter de ce qui lui est assigné dans nos statuts par l'article 21. »
Nos religieux témoignèrent souvent leur reconnaissance pour la ville qui les avait accueillis; les chroniques contemporaines ne cessent de vanter leur dévouement en présence de chaque sinistre ou calamité:
« On peut espérer que Dieu les continuera (dit le MS. Berg.) car ils ne cessent d'agir tant pour la consolation des malades que pour le maintien des bonnes moeurs, en sorte que pour décrire le bien spirituel qu'ils ont apporté, il faudrait un gros volume. »
Detrooz nous apprend que pour procurer du soulagement aux malades, ils se vouèrent à une mort certaine pendant l'épidémie de 1636. Le Ms. Berg. continue ainsi ses éloges:
« Au péril de leur vie, ils s'exposent à tout hasard au feu, aux remparts en temps de guerre et à la contagion, où je les ai vu dans les années 1668 et 1669 courir avec gaieté de coeur au secours des pestiférés, pour leur administrer les choses nécessaires à leur salut et procurer aux pauvres les remèdes.
Comme aussi en l'an 1678 où les fièvres chaudes venues du siège de Limbourg, dépeuplèrent la ville. Des milliers de gens mouraient et l'on ne voyait que ces bons Pères nuit et jour à consolation des malades.
C'est à bon droit qu'on les appelle les Apôtres de cette ville, tant par leur zèle de charité que par la sainteté de leur vie apostolique. »
Les Notices Historiques, première série, p. 27, disent que:
« plusieurs des Pères Récollets furent en 1678 victimes de leur dévouement, et qu'en d'autres temps on les vit diverses fois aider les habitants à repousser des bandes de pillards exerçant leurs déprédations dans le pays. »
Si au milieu de tant de labeur ils défendaient aussi nos murs, c'est qu'ils avaient de même aidé manuellement à les construire.
La venue des Pères avait eu lieu à Verviers, alors que l'on était près de l'entourer de défenses solides.
La localité était sur le point de conquérir enfin son titre de ville, mais son importante ceinture s'accomplissait en grande partie par corvées et les Récollets y prirent une part fort active.
« Depuis la porte d'Ensival jusqu'au vieux Stordeur à l'huile, estaient des walles de terre bien gazonnés et palisardés faits par les Pères Récollets, assistés des bourgeois; comme aussi la distance depuis la porte de la Péchérie jusqu'à celle de Limbourg, estait aussy gazonnée et palisardée par lesdits Pères. » (MS Berg.)
Ledit Stordeur est actuellement le moulin Vandresse.
Cependant ce n'était pas assez pour nos religieux d'avoir concouru à élever ces remparts de même qu'à les défendre, ils devaient aussi aider à les démolir alors qu'ils s'achevaient à peine.
En 1676, les Français ayant assiégé et pris la ville de Limbourg, obligèrent nos ayeux à raser leurs fortifications, dont ils étaient si fiers, et pour lesquelles ils avaient épuisé toutes leurs ressources.
Il fut ordonné de faire sauter tout ce qui ne pouvait être lestement abattu, tel sort fut assigné à la tour qui s'élevait au faîte des Mezelles en la prairie dite Martin. On l'avait surnommée Tour aux Rats.
Les Récollets craignant que les débris lancés par les mines ne détruisissent leur maison, adressèrent une supplique au comte d'Estrade alors gouverneur de Maestricht pour la France, afin d'être admis à raser eux-mêmes l'édifice condamné.
Le susdit gouverneur avait en janvier 1674 parcouru le Franchimont lors de l'occupation alternative des armées alliées et impériales et avait assisté au pillage de Theux y faisant prisonnier nombre d'officiers allemands. Pendant ce temps, les impériaux qui occupaient Verviers, avaient envahi le couvent des Récollets « y tenant prisonniers le comte de Corbelly et deux autres nobles officiers avec deux capitaines, qui firent rançon à Maestrich pour 3,000 écus. » (Ms Berg.)
Dès que l'église des Récollets s'était vue dédiée, l'on y établit l'an 1651 en l'honneur de son vocable, une Confrérie du Très Saint-Sacrement à laquelle s'associa la population de Verviers toute entière.
En 1687, le P. Godefroid Delvaux, de notre ville, homme très éclairé, donna un lustre extraordinaire à cette association. Cet important concours permit aux Récollets de déployer à ce sujet un entrain inconnu jusqu'alors parmi nous, en fait de solennités religieuses.
Une occasion favorable de faire montre de goût en ce genre, fut la canonisation faite par le Pape Clément IX, d'un saint de leur ordre, Pierre d’Alcantara.
« La solennité fut annoncée pour le 24 octobre 1669 avec octave, messes solennelles, prédicateurs nouveaux chaque jour, etc.
Une foule innombrable s'y rendit: l'on organisa deux magnifiques processions parmi la ville avec les figures et représentations de la vie du saint.
Jamais cette ville n'avait veu si belle solennité ni ouy si bonne musique.
Le seigneur prince de Nassau, gouverneur de Limbourg, portant le collier de la Toison d'Or y vint avec toute sa cour, ses trompettes et timballes, il suivit le Vénérable.
Le soir on fit de grands feux par les rues et des illuminations parmi les fenêtres des maisons.
La même fête se reproduisit encore en septembre 1691, au sujet des canonisations de Jean Capistran et Pasqual de Baïlon. « (Ms Berg.)
Cependant cette prospérité dont étaient entourés les PP. Récollets, se couvrit de quelques nuages pendant les années 1658 à 1664, par la venue en notre ville de nouveaux religieux, Carmes et Capucins.
Les premiers occupants mirent tout en oeuvre, pour s'opposer à leur admission, mais nous croyons ne devoir donner des détails sur ce conflit qu'en parlant d'autre part de ceux qui le provoquèrent.
RÉCOLLETS, AUTEURS AU 17e SIÈCLE.
D'entre les Récollets se livrant à l'enseignement à Verviers, plusieurs joignirent l'exemple aux préceptes littéraires en publiant le fruit de leurs études.
Le Père Valentin Marée, dont le lieu de naissance est inconnu, jouit auprès de nos devanciers d'une réputation méritée de piété, de science et d'aménité.
« Il résida successivement dans les trois maisons de son ordre à Liège, à Boland et à Verviers, où il fut vicaire et maître des novices. » (Biog. liégeoise.)
Il publia en 3 volumes in-4° le: Traité des conformités du disciple avec son maître, c'est-à-dire de saint François avec J.-C.
Chaque tome eut sa dédicace dont l'auteur favorisa les principaux protecteurs des trois couvents qu'il avait habités.
La première partie parut le 11 septembre 1656 comme hommage à Anne de Barbieux, veuve de Guillaume de Caldenbourg, haut drossard du duché de Limbourg; la seconde à Messire Fredéric de Marselier, seigneur de Parcy et autres lieux; et la troisième fut dédiée aux membres du Conseil Municipal de Verviers, en 1660.
L'auteur y représente aux membres de cette magistrature que Dieu ne les a mis si haut que pour mettre les vices en bas. « Afin de parvenir à ce but, vous devez (leur dit-il) marier la justice avec la miséricorde, et la miséricorde avec la justice. »
Le P. de Bure qualifie cet ouvrage de très rare, singulier et original.
Il est probable que Marée vécut à Boland et à Verviers sous le gardianat du P. Barthélemy Deschamps, liégeois, qui fut gardien en ces deux résidences avant d'entreprendre son voyage en Terre-Sainte.
Deschamps partit de Liège le 3 mars 1666, avec le P. Macide de Rorde professeur Récollet, était à Nazareth le 12 janvier 1667 où il reçut l'ordre d'aller à Sidon comme supérieur de la résidence des Cordeliers et commissaire de ce quartier.
Le 1er Avril il fut mandé à Rama. Le P. gardien de Jérusalem le destinait pour le Caire, comme curé des négociants français, mais la santé du P. Deschamps s'altéra. Il reprit le chemin de l'Europe le 20 Août 1667, et arriva sans avoir touché terre, à Marseille le 8 Octobre suivant, bientôt il revit Liège où dix années plus tard il publia:
Voyage de la Terre Sainte et du Levant, par le P. Barthélerny Deschamps, Récollet de la province de Flandre. « Cet ouvrage est estimé pour son style et l'exactitude de ses descriptions. » (Biog. liégeoise.)
Peu après, le Récollet Mathias Hauzeur, né à Herve en 1590, illustrait son ordre par le célèbre colloque de Limbourg, qui eut lieu le 19 Avril 1633, en présence d'une foule considérable de personnages de tout rang, dans lequel il confondit les agents du protestantisme établis en ladite localité. Cet éloquent défenseur de la foi mourut à Liège le 12 Novembre 1676, âgé de 86 ans, laissant diverses oeuvres de mérite, entr'autres:
1° Les actes de ses disputes.
2° Un traité intitulé Exorcismus catholicus magni spiritus hoeretici aculens ecclesiasticus.
3° Un traité contre la doctrine de Jansenius, titré: Anatoimae Sancti Augustini.
« En 1677, Georges Tirsay, excellent professeur de philosophie de l'université de Douay, expirait à Verviers » (Biog. liégeoise), où sans doute il enseignait au collège. Un travail ou livre dit de saint Antoine, que les PP. Récollets publièrent avec un subside de nos édiles en 1690 et dédièrent aux magistrats et bourgeois de Verviers, était sans nul doute oeuvre de l'un de nos religieux.
FAITS RELATIFS AU MIRACLE DE 1692.
S'il n'y avait eu qu'une voix pour applaudir aux faits et gestes des bons Pères, pendant tout le cours de XVIIe siècle qui allait s'achèvant, un fait merveilleux était assigné par la Providence pour donner un relief nouveau, une suprématie incontestée à leur église.
« Le 18 Septembre 1692 (dit le Ms Berg.), se produisit en cette ville un gros tremblement de terre qui abattit plusieurs cheminées, environ deux heures et demie après-midi, et vers les quatre heures encore une forte secousse. Ce fut ce jour et à ce moment qu'arriva ce prodigieux changement à l'image de N.-D. au portail de l'église des Pères Récollets à Verviers. »
Ces commotions vinrent jeter l'effroi parmi notre population qui toute entière descendit dans les rues, se porta vers les places, les églises et fut grandement étonnée à la vue du prodige qui s'était opéré à la façade de l'église du TrèsSaint-Sacrement.
La statue de la Vierge qui s'y trouvait exposée au dehors de la façade, aux regards de tous, venait de s'y présenter dans une pose toute différente de celle que son galbe offrait avant la secousse.
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Vierge Noire de Arnold Henrard
sur l'ancienne façade comprise dans le sanctuaire.
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Copie de la Vierge
dans la pose d'AVANT le miracle
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De ce fait nous ne redirons pas les attestations signées des noms les plus recommandables, apostillées par les bourgmestres et échevins de l'époque, publiées en 1697, et dont les originaux réimprimés en 1853, existent aux archives de l'hôtel-de-ville. Chacun connaît ces oeuvres, cependant citons le narré inédit d'un témoin qui semble oculaire, l'auteur du Ms Berg., disant:
« L'image de la très-sainte Vierge et de son Fils, sont deux statues de pierre de sable sculturées l'une à l'autre, placées dans une niche au frontispice de l'église sur la porte d'entrée.
Ces deux statues estoient scavoir:
L'image du petit Jésus éloignée de sa mère de plus d'un pied, de posture droite, tenant veue sur la porte d'entrée en la cour; la main droite levée et deux doigts d'icelle aussi levés comme en forme de donner la bénédiction aux passants et la main gauche estoit sur la poitrine tenant en icelle une boule bleuse pour signifier le monde, avec une, croix au-dessus.
L'image de la Vierge estoit de mine belle et fière tenant veue de même que Jésus et en sa main gauche un sceptre orange, éloigné de son corps en bonne distance. La main droite estoit cachée derrière la posture de l'enfant; en sorte que les deux mains de la mère et l'enfant estoient séparées l'une de l'autre de deux pieds et demy.
Mais le tremblement de terre arrivant le 18 septembre de l'an 1692, les deux dittes postures firent des mouvements si prodigieux que, sans aucune fraction, les deux mains, scavoir la droite de l'enfant et la gauche de la mère, se joinnirent l'une à l'autre si fortement que les mains de Jésus estoient toutes cachées dans celles de sa mère, ne ressemblant qu'à une masse de pierre; on ne voyet que des petits déligneaments qui marquaient la forme des doigts de Notre-Dame.
Leurs faces estoient fixées l'une à l'autre ne regardant plus sur la porte comme devant et restèrent en cet estat l'espace de 28 jours, après quoi on apperceu par un second miracle, les doigts de la main de la Vierge s'ouvrir et eslargir si bien que la main de Jésus sortit de celle de sa mère, eux ne se regardant plus si fortement que du passé.
A ce spectacle tout le monde y accourut en foule. Toute la nuit suivante le tremblement de terre, il n'y manqua pas qu'il n'y eut du monde assez en grande dévotion, allumant des chandelles à l'entour des dittes images, et de suite tous les jours la dévotion s'augmente par de grands nombre d'affligés qui viennent de toutes parts offrir leurs voeux à Dieu et à la Vierge Marie, aux pieds de ces saintes images. Des aveugles y ont reçu la veue, des sourds l'ouye, des hydropiques la santé comme aussi des paralitiques et des lépreux. Le sujet pourquoi elle fut appelée Notre-Dame de Miséricorde, fut, qu'au tremblement de terre susdit, chacun voyant tel prodige estre arrivé cria : Miséricorde!
Le peuple y estant alors assemblé chanta les litanies de N.-D. de Lorette, entonnées par Gérard Henry Colar, bourgeois de cette ville, et sur la fin d’icelle, avant les Agnus dei, il chanta sans sugération Mater Misericordiae ora pro nobis, à quoi le peuple réitera le même dictame. »
Le P. Duriau, liégeois, qui mourut en 1753, moine du Val-Dieu, auteur d'un recueil manuscrit, (appartenant aujourd'hui à M. le chanoine Henrotte), donne au tome 26, p. 475 les mêmes détails à peu près que ci-dessus et les résume comme suit:
« Mais le 18e jour de Septembre 1692, en ce grand tremblement de terre on vit des changements prodigieux dans les susdites deux images et plus de 4000 personnes accoururent sur la grande place pour voir ces merveilles
1° Dans celle de Jésus dont les pieds étaient fixés sur son pied d'estal, en la même manière qu'ils étaient auparavant et tout le reste du corps s'est tourné vers sa mère, la regardant en face. Pareillement, la Vierge a tourné la tête vers celle de son fils qui la regardait amoureusement.
2° Les deux mains éloignées de plus de deux grands pieds scavoir: la gauche de la Vierge et la droite de Jésus se sont empoignées devant le sein de la Vierge; celle-ci tenant sous sa main gauche la droite de celui-là et la lâchant entièrement. Ensuite, l'on a vu la main du petit Jésus se dégager peu à peu de celle de sa mère, et paraître à travers les ouvertures de ses doigts qui se sont formés distinctement et élargis comme on voit à présent. Car auparavant, cette main gauche de la Vierge qui tenait le sceptre était sans forme, c'était comme une main de pierre solide et quelques simples traits de pinceau faisaient quelqu'apparence des doigts, étroitement fermés l'un à l'autre, mais présentement la main s'est formée parfaitement, par un ouvrage invisible, avec les doigts élargis, comme au naturel et empoignant la droite de Jésus. »
De nos jours M. Collin de Plancy, a reproduit ce sujet en ses légendes de la Vierge (p. 155) seulement, il anime son récit en plaçant le changement l'issue de la messe, tandis qu'il eut lieu dans l'après-dînée. L'auteur des dites légendes a pris pour titre de sa notice: « Si une statue peut se mouvoir. »
Quoi qu'il en soit, « Mgr le grand vicaire de Liège, Faes, fit bénir solennellement ladite image par le révérend gardien du dit couvent, le jour de la close Pâques 1694. En l'an 1697, Mgr le révérendissime co-administrateur et grand-vicaire de Liege, Bernard Guillaume de Hinnisdael, permit de faire la solennité des prodiges, avec octave, le 8 de septembre, jour de la Nativité, » (Note d'un poème de l'époque.)
Detrooz, p. 142, parlant de ces faits nous apprend que « quelques années après l'arrivée du premier miracle, le Pape approuva par une bulle la dévotion qui attirait le peuple dans cet endroit et reconnut comme véritables les miracles qui s'y étaient opérés. J'ai vu (dit cet auteur) les cahiers des preuves que l'on fit parvenir à Sa Sainteté à cet effet.
Tant de personnes dignes de foi, des magistrats, tous les médecins, tous les chirurgiens de Verviers et des environs, des ecclésiastiques, ceux qui ont été favorisés par des miracles: tant de personnes ont déposé affirmativement et avec cause de science sur leur réalité que les plus incrédules qui feraient la même lecture, auraient peine à ne pas y croire. »
Quelques mots des 104 déclarations du temps publiées en 1696 par le Père gardien Sylvius, ne seront peut-être pas déplacés ici:
La première est de Jean Sanglier, de Grandmont, peintre, âgé de 34 ans, résidant à Verviers. Après avoir attesté le changement, il donne pour preuve de la justesse de ses observations et du souvenir de la première pose du groupe, que deux ans auparavant il avait employé six jours à le nettoyer et repeindre.
2. Lambert de Batis, de Verviers, âgé de 73 ans, affirme qu'il avait pris l'habitude avant 1092 de conduire souvent ses enfants et petits enfants devant la statue, « tant pour les former à la piété que pour leur faire remarquer que l'enfant Jésus avait la main levée pour les frapper ou les châtier s'ils faisaient les mal appris; » qu'après le tremblement de terre la main de la mère couvrait celle de son fils.
5. Jean Quintin, tailleur de pierre, bourgeois de Verviers, âgé de 35 ans, confirme les mêmes faits, disant qu'il avait depuis longtemps considéré cette statue autant par respect que parce qu'elle lui plaisait comme oeuvre d'art.
6. Mathieu Goffin, âgé de 40 ans, maître peintre sculpteur et graveur d'images, et Catherine Collard Bertholet, sa femme, tous deux de Verviers, déclarent que certain jour celle-ci demandant à son mari pourquoi la statue du petit Jésus posé près de la Vierge des Récollets, tenait les doigts élevés, le mari répondit que le Sauveur voulait bénir, ensuite il alla s'assurer de cette pose par lui-même. « Le jour du tremblement de terre l'épouse Goffin conduite par la rumeur publique se trouvant en présence de la statue avec deux ou trois personnes arrivées de suite après le changement, vit les deux figures tournées l'une vers l'autre tenant leurs mains réunies. »
Outre l'exposé de ces observations et des guérisons remarquables qui s'y manifestèrent, l'on trouve encore au dit recueil la confirmation des faits par le docteur Delvaux, les chirurgiens Fassin et Perpéte, ce dernier de Herve.
La célébrité médicale de l'époque, Nicolas de Limbourg, traça les lignes suivantes à ce sujet :
« Moi, Nicolas de Limbourg, chirurgien â Theux, je juge et déclare que la manière dont le jeune Meise a recupéré l'ouïe est tout à fait surnaturelle et qu'on doit la considérer comme telle.
Fait le 25 Septembre 1693. N. DE LIMBOURG chirurgien. »
Ce Mathieu Meise était sourd de naissance, âgé de 19 ans, et berger à Oneux.
CONSTRUCTION DE LA CHAPELLE DE NOTRE-DAME.
« Sous l'invocation de N.-D. de Miséricorde, il fut créé une Confrérie en l'église des Récollets, l'an 1698, par ordre de S. A. S. E. Joseph Clément de Bavière, évêque et prince de Liège, et par le bref de N. S. P. le Pape Innocent XII qui l'orna de quantité d'indulgences. Le Saint-Père les data de Sainte-Marie-Majeure, le 28 juin de la 7 année de son pontificat 1698. Mgr Hinnisdael, grand vicaire y ajouta 40 jours de pardon à ceux qui assisteraient aux litanies qui se chantent tous les jours en l'église après complies, pour mémoire â la postérité.
Or comme la niche où reposent les saintes images estoit à jour, battue du vent et pluie, un certain Frère Henri Mathieu, tertiaire conventuel, collecta peu à peu quelque denier dont il fit bâtir sur le portail, une petite chapelle toute entourée de vitres pour abriter les saintes postures.
Le bruit de tout cela ayant couru dans tous les cantons du monde catholique, les pieux pélérins y viennent au temps d'esté et temps très-fâcheux, même en hiver, y faire leurs dévotions. Des processions sont en cette ville presque chaque semaine, chacun recevant en satisfaction ses voeux par l'intercession de la sainte Vierge. »
(Ms Berg.)
Le Pape Clément XII par bref du 3 décembre 1739 attacha une indulgence plénière et perpétuelle aux fidèles visitant l'église le 18 septembre, en commémoration du miracle.
« Il faut scavoir aussi que les religieux n'ont pas toujours esté assidus aux litanies, ç'a esté le peuple qui les a induit à cette dévotion, car du premier c'estoient les bourgeois de ceste ville qui les chantoient avec quantité de peuple, principalement des ouvriers qui pendant le relâche du temps de souper alloient dévotement chanter les louanges de la Mère de Miséricorde devant son image, même en plein hiver.
Longtemps, elles furent entonnées par honaîte et vertueux jeune homme Bertrand Rigaux, secondé par d'autres personnes pieuses des deux sexes mais après l'approbation de l'ordinaire, le R. P. gardien Jacques Sylvius, remercia le dit Rigaux pour les faire chanter par ses religieux, comme ils le font.
Plusieurs enfants morts nés ont reçeu le baptême devant la ditte image, quoy que l'abrégé de l'histoire en fasse peu ou point mention; mais d'après les déclarations dont j'ai été témoin, il y a des assurances que des enfants son venus au monde sans vie et l'ont reçue à l'invocation de N.-D. de Miséricorde. »
(Ms Berg.)
Cependant la foule n'avait nul abri au-devant de l'église, le parvis semblait être devenu le vrai temple, par la foule qui ne cessait d'y stationner. C'est pourquoi l'on résolut d'entourer la sainte image d'une enceinte capable d'abriter les fidèles.
A ce sujet, nos archives communales ont conservé les trois pièces suivantes d'un intérêt tout particulier
« Messieurs les Bourgmestres et gens du Conseil de la ville de Verviers, ayant appris que plusieurs personnes tant de cette ville qu'étrangers estaient par une dévotion et zèle pour la gloire de Dieu et l'honneur de la glorieuse Mère de Miséricorde intentionnés de faire quelques aumônes pour l'érection d'une chapelle ou agrandissement de l'église des RR. PP. Récollets, ont commis et dénommés comme par cette commettons et dénommons le sieur Bourgmestre Welt-Hauzeur et le sieur Pierre Piron pour recevoir les dites aumônes et les appliquer comme dessus.
Actum ce 10 Mars 1698.
Par Ordonnance (Signé) B. Jodoci.
Les Bourgmestres et gens du Conseil de la ville de Vervier, spécialement assemblés en corps au lieu accoutumé ayant yeu et meurement considéré le plan et dessein dressés par le Frère Antoine Robet, Récollet, d'une chapelle à faire à l'honneur de N.-D. de Miséricorde au frontispice de l'église des RR. PP. Récollets de cette ville, leur présentés par le R. P. gardien dudit lieu, n'y ont rien trouvé à dire, au contraire ont approuvé autant qu'en eux est, le bon dessein de cette entreprise, souhaitant qu'il se puisse mettre au plus tôt à exécution, pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.
Fait à la Maison de Ville, dans la grande salle, le 6 Octobre 1700.
Par Ordonnance (Signé) J.-B. Jodoci.
Les Bourgmestres et gens du Conseil de la ville de Vervier, assemblés en corps, sur les instances leurs faites, par le R. P. gardien d'estre en devoir d'agrandir leur église pour y treuver une chapelle à l'image miraculeuse de N.-D., déclare pour avancement de cette oeuvre pieuse, de leur accorder par forme d'aumône et appliquer à ce dessein la somme de six cent florins BBants qui leur serat fournie en temps opportun. »
Actum, ce dernier Octobre 1700.
La réalisation du projet ne se fit pas attendre: Le 2 Novembre 1700 l'on posa la première pierre de la chapelle N.-D., faisant corps avec l'église et telle en son ensemble qu'elle existe encore.
« Cette première pierre fut posée au nom de S. A. E. évêque et prince de Liège, par le bourgmestre Pingray, et la seconde par le sieur Pierre Stembert, aussi moderne bourgmestre de Verviers, au nom du seigneur Charles Ernest de Lynden, comte d'Aspremont, gouverneur de Franchimont; la troisième au nom de la ville de Vervier, et de suite en suite selon le rang des personnes. »
(MS Berg.)
Quoique la fin de ce texte soit assez obscure, l'on peut supposer cependant que l'on se contenta de ces trois premières pierres citées.
Au demeurant, cette cérémonie donne une idée de l'importance que l'on attachait au sujet qui l'avait provoquée, et de l'impression produite par le miracle de 1692.
Peu d'années après l'adjonction de cette annexe au monument primitif, l'affluence et la générosité des fidèles donnèrent lieu à la pièce suivante:
« Joannes Baptista Dei et Sanctae sedis gratia Archiepiscopus Tarcensis, etc, etc., concedimus licentiam supra petitam; volumus tamen quod Elemosinae omnes a deputatis magistratibus diligenter in particulari libro annotentur; sicut et ipsarum conversio, quae nonnisi in casum supra dictae cappellae fiat et singulis annis mense julio de iisdem elernosinis patri guardiano conventus rationem reddi mandamus.
Datum in abbatia Sancti Laurentii prope Leodium die 29 Juny 1709
Signatum Joannes Baptista Archiepiscopus Tarcensis nuntius et visitator apostolicus et de mandato Illustriss et Rncliss Dni mei J. Roida abbreviator. »
C'est-à-dire: Nous, Jean-Baptiste, par la grâce de Dieu et du Saint-Siege, archevêque de Tarse, etc., accordons le permis ci-dessus demandé.
Toutefois nous voulons que toutes les aumônes soient consignées par les magistrats députés, dans un registre spécial, et que leur application ne puisse se faire que par la susdite chapelle, et seulement dans un cas urgent.
Nous ordonnons aussi que chaque année au mois de Juillet, il soit rendu compte de ces mêmes aumônes au Père gardien du couvent.
Donné à l'abbaye de Saint-Laurent, près de Liege, le 29 Juin 1709.
Signé : JEAN-BAPTISTE, archevêque de Tarse, nonce et visiteur apostolique et par ordre de mon très-illustre et très-révérend seigneur, J. Roida abbréviatr.
Aussitôt que la chapelle fut achevée, ses parrois se couvrirent d'ex-voto de tout genre. De nombreux tableaux y représentèrent les guérisons et voeux exaucés par l'intercession de la Vierge Marie; d'entre toutes ces oeuvres, l'on montrait comme étant la plus parfaite une religieuse Récollectine sur son lit de mort.
De nombreuses et belles pièces d'argenterie y furent appendues aux murs et dans l'espace D'entre celles-ci, l'on remarquait un chandelier à sept branches tel qu'est décrit celui du temple de Jérusalem; un riche encensoir donné par l'hermite qui en ce temps habitait la Tourette aux Mezelles, mais par dessus tout, l'on admirait un vaisseau, d'argent aussi, de trois pieds de long, portant équipage complet, toutes voiles déployées, et s'agitant à la moindre brise. Il était suspendu à la voûte par une chaîne de cuivre. Ce don était dû à un voeu fait sur mer par l'un des membres de la famille Biolley-Pirons, pendant une tempête.
DU COLLEGE ET DE SES ETUDIANTS
Le Collége des Récollets, dès sa création, fut placé sous le patronage de saint Bonaventure, célébrité de l'Ordre. Ce vocable porte à croire que le fondateur de cet établissement fut Bonaventure Bidar, appelé en notre ville en 1627, et premier gardien du couvent.
Le P. Bouille (t. 3, p. 319) rapporte que « les Récollets y enseignèrent en vertu de leur admission, les Humanités, la Philosophie et la Théologie. »
Cette dernière branche ne fut établie que vers 1675. A ces divers cours l'on y joignit les Mathématiques.
« Les Pères rendirent de si bons devoirs (dit le Ms Berg) en éclairant la jeunesse, cathéchisant les ignorants, bannissant les superstitions, que Verviers, par leurs vertus, acquit les bénédictions du Ciel. »
Le premier d'entre leurs élèves que nous trouvions cité par nos auteurs, est Jean de Sonkeux, frère de Henri, le chroniqueur fécond dont les Notices Historiques ont souvent parlé. Celui-ci traça quelques lignes à la mémoire de son puîné, disant:
« Jean naquit le dernier jour de l'an 1655, dès sa présence à l'école, il y remporta tous les premiers prix, et fut l'un des principaux acteurs dans les comédies que les Pères font tous les ans à la St Remacle. » (3 Septembre).
Il se rendit ensuite au séminaire de Liège pour continuer ses études, et y soutint des thèses sur la philosophie universelle, qu'il dédia au comte Ferdinand de LYnden, gouverneur de Franchimont.
Jean de Sonkeux en 1681, fut reçu Bénédictin de l'abbaye de Saint-Hubert, sous le nom de Dom Adalric; il y professa la philosophie, en 1687, devint trésorier du monastère, intendant de la maison et abbé coadjuteur. Son Ordre le chargea de missions importantes, entr'autres à Vienne en 1694, après la mort de Jean-Louis d'Elderen, prince-évêque de Liège, pour y mettre l'abbaye de Saint-Hubert sous la protection spéciale de l'empereur. Il fut ami de ce prince défunt et de son successeur Joseph-Clément de Bavière, qui sut apprécier les profondes connaissances de cette intelligence d'élite. J. de Sonkeux reçut des marques de satisfaction du roi Louis XIV, ayant eu l'honneur de prêcher en sa présence à Luxembourg, et de l'y complimenter au nom de toute la province, le 22 Mai 1687.
A la suite d'une fièvre violente, le 11 Mai 1694, s'éteignit en son abbaye, âgé seulement de 38 ans, ce concitoyen distingué. (Voir Notices Historiques, t. 2, p. 317 et Biog. Liég.)
En 1680, nos étudiants parurent sur la scène politique, le Ms Berg. relate ainsi leur équipée:
« Contrôleur et péagers battus et chassés de cette ville. L'impôt du 60e ayant été aboli depuis la démolition de la citadelle de Liège, les Messieurs du chapitre le voulurent rétablir par tout le pays. Ils placèrent un comptoir à Vervier, y envoyèrent un nommé Martin Wilguot avec des visiteurs à ce faire, mais ce jour leur fut fatal: La première tentative fut faite par nos étudiants, secondés par les serviteurs des métiers. Le contrôleur et les péagers furent traînés hors des maisons où ils logeaient et conduits hors de la ville par les dits serviteurs à coups de pierre, jamais Wilguot et ses adhérents ne furent en si grand péril de perdre la vie. »
Un demi siècle plus tard, l'Administration communale, vu la turbulence de la jeunesse écolière, lança du haut de son siège magistral, l'acte ci-après que nous trouvons aux archives:
« Les Bourgmestres et gens du Conseil de la ville de Vervier, assemblés en corps sur la maison de ville, apprenant avec indignation que plusieurs étudiants du collège de St Bonaventure à la fin de leurs cours font des dégâts dans ces écoles du dit collège en y arrachant et renversant les bancs, pulpîtres, et commettant plusieurs autres désordres, requièrent de rechef les RR. PP., maîtres des dits étudiants, de tenir la main et advigiler sérieusement pour empêcher de pareils dégâts et désordres et de prendre des informations pour connaître ceux des dits étudiants qui ont fait de tels dégâts afin de pouvoir les obliger aux réparations d'iceux à leurs frais et contes.
Et tandis, défendent, aux dits RR. PP. maîtres et préfect des dits étudiants, de donner des prix à tous ceux qui seront convaincus d'avoir commis des excès pareils.
Fait au Conseil le 23e Août 1737.
Etait signé par ordonnance J.-N. MERCIER, absente scriba. »
Cette semonce fut bientôt suivie du fait suivant :
« En 1739 les élèves pour un manque d'égards dus à leur adolescence, (disent les Not. Hist., t 1er, p. 27) avaient fait une petite révolution ou plutôt beaucoup de tapage pour un peu trop de sévérité de la part de trois professeurs, à l'égard de jeunes gens qui se regardaient déjà comme des hommes faits et ne pouvaient souffrir qu'on les traitât comme de petits écoliers. »
La municipalité exigea réparation par le retrait des accusés, ce qui s'exécuta selon le désir des Bourgmestres dont la lettre conservée aux archives municipales est ainsi conçue:
« Les Bourgmestres et magistrat de la ville de Vervier assembles en corps sur la maison de ville, ordonnent que les clefs tant du collège que des classes tenues par les RR. PP. Récollets, soient incessamment mises en mains de leur huissier, pour être remises en celles du dit magistrat, requérant le R. P. gardien, d'écrire au plus tot au R. P. Provincial pour qu'il fasse sortir de même les trois maîtres actuels des dites classes et en envoie et établisse d'autres, faute de quoi les RR. PP. Récollets ne devront plus s'attendre à aucune grâce ni faveur de la part du magistrat.
Fait au Conseil de la ville, le 15 Janvier 1739. Par ordonnance:
(Signé) C.-E. HANSTER. »
(Alors étaient régents MM. hubert Godin et Jean-François Delmotte).
Rien ne nous apprend si à cette époque l'instruction se donnait dans le couvent même ou dans le bâtiment que remplace aujourd'hui le local de la Société de Chant, lequel s'appelait Sodalité, servit aux cours et appartenait à la ville.
Disons par parenthèse que l'ancienne clochette de ce collège, existante encore à l'hôtel de ville, porte la date de 1648.
Il est probable que la susdite bâtisse, affectée aux besoins de l'instruction renfermait les classes d'une certaine catégorie et le couvent celle d'une autre, vu les deux espèces de clefs réclamées par la lettre précédente.
Une muraille réunissait la chapelle de la Vierge à ce collége dont la porte cintrée portait ce chronogramme
SODALITAS DoNo CONCEDIT.
C'est-à-dire qu'il fut concédé par le Conseil en 1752.
Le nombre croissant des élèves put provoquer ce don, si la magistrature n'y eut pas pour mobile un moyen d'action plus direct sur l'établissement.
Une autre inscription lapidaire, ornait extérieurement la porte de la cour donnant sur le parvis de l'église. Elle portait
Collegium et Scolae sancti Bonaventurae consulum.
JEAN-FRANÇOIS BIOLLEY ET JEAN-HENRI FRANQUINET.
Ces bourgmestres siégèrent en 1767.
Auprès de l'inscription était une niche contenant une statue de saint Bonaventure.
En mai 1756, deux étudiants, Nizet et Dujardin, s'étant avisés de lancer des pierres avec des frondes, le premier en eut la tête brisée.
L'on a vu qu'ensuite de l'incident ou conflit de 1739 les élèves jouirent cette fois d'un triomphe qui ne fut point fait pour affaiblir en eux l'ardeur belliqueuse partage de leurs ancêtres, à preuve, la scène suivante prise d'un manuscrit dû à François-Joseph Bragarde, auteur verviétois, mort en 1777, il dit:
« En 1758, le 17 du mois d'Août, un déserteur était venu se réfugier à Verviers. » Il possédait les sympathies de nos étudiants, peut-être en qualité d'ex-condisciple, le chroniqueur se tait sur ce point; bref, « un détachement fut envoyé du château de Franchimont pour s'emparer du délinquant, ce qui eut lieu.
Déjà les archers sortaient de la ville avec leur proie quand les élèves l'apprenant coururent s'emparer d'armes, de fusils, poursuivirent la troupe et l'atteignirent près de Heusy, au pied du Jonckeu.
Là un combat réel fut livré, plusieurs soldats du régiment furent blessés, mais d'entre les élèves, l'un eut la cuisse cassée et en mourut le lendemain. (2) »
Un autre malheur mit la ville en émoi, dans l'année 1775. « Le 19 Juin, le jeune Grayet de Crapaudrue, âgé de 13 à 14 ans et déjà très instruit, se noya près de la foulerie Biolley » (aujourd'hui au Chat) « il fut reporté à la Sodalité ou collège et le 21 du dit mois, il lui fut fait une belle sépulture, à la paroisse où on le porta. En tête du cortège, marchaient les professeurs, les élèves suivaient avec des étendards, puis venaient les PP. Récollets ensuite six Carmes et six Capucins. » (Ms Berg.)
Ces religieux avaient à faire à forte partie en présence de l'animation de leurs élèves et la malice de ceux-ci ne se montra pas moindre que leur résolution: Chacun connaît cette historiette affirmée par Detrooz, en son histoire du Marquisat, disant qu'un élève condamné par les Pères à gravir le mont de Hôbiet avec des petits pois dans ses souliers, éluda le douloureux de cette punition en faisant cuire les dits pois.
Nos Récollets afin d'exciter toute émulation parmi la jeunesse, donnaient aux cérémonies de reddition des prix un apparat tout à fait remarquable.
Une vaste estrade était construite sur la place qui portait leur nom; un théâtre y était élevé et l'on y offrait à l'assistance drames et comédies, voire même des ballets.
Les pièces représentées furent souvent dues à la verve locale.
Pendant la seconde moitié du dernier siècle, l'auteur en vogue en ce genre, fut François-Joseph Bragarde, dont il fut déjà parlé.
Il n'est pas à notre connaissance que ces pièces ayant été imprimées en entier cependant leur analyse ou programmes très détaillés résumant le débit des rôles étaient distribués aux spectateurs. Nous possédons l'un de ces imprimés comprenant 8 pages petit in-quarto et dont la reproduction entière trouvera mieux qu'ici sa place, en une biographie, néanmoins, voici le trait y intéressant le collége, par les noms des élèves acteurs.
BETHULIE DÉLIVRÉE, TRAGÉDIE
Dédiée à Messieurs, Monsieur Jacques-Joseph Zinch et Monsieur Jean-Joseph Fion, Bourgmestres, et Messieurs du Magistrat et Conseil de la ville de Vervier, par la libéralité desquels les prix sont distribués. Elle sera représentée par les étudiants du Collége Saint-Bonaventure, sous la direction des PP. Récollets, le 27 Août 1773, à une heure après-midi.
ACTEURS DE LA TRAGÉDIE:
JUDITH, VEUVE DE MANASSÊS, Pierre-Jos.- Arnold Pelser, de Limbourg, Syntaxien.
ABRAM, SUIVANTE DE JUDITH, Jean-Henri Lamberty, de Verviers, Idem.
HOLOFERNE, GÉNÉRAL D’ARMÉE, Antoine-Joseph Dandrimont, de Theux, Rhétoricien.
ARSACE, CONFIDENT D'HOLOFERNE, Henri-François Pironet, de Stavelot, Poëte.
MANASSES, BEAU-FRÈRE DE JUDITH, Toussaint Dandrimont, de Theux, Rhétoricien,
ELIACIM, GRAND PRÊTRE, Olivier-Joseph Renier, de Vervier, Idem.
OSIAS, SUIVANT D'ELIACIM, Pierre Joseph Bluyssen, de Vervier, Grammairien.
MÉRARÉ, COMMANDANT DE BÉTHULIE, Michel-Joseph Petitbois, de Vervier, Figuristien.
ACHIOR, ROI, Jean-Philippe Jacquinet, de Charneux, Idem.
RUBEN, OFFICIER DE BÉTHULIE, Jean-François Constant, de Vervier, Idem.
VAGAO, OFFICIER D’HOLOFERNE, Lambert Joseph Loupart, de Vervier, Poëte.
TERAMENE, OFFICIER D'HOLOFERNE, Jean Richard, de Spa, Figuristien.
LES GARDES,
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Le titre de Figuristien a trait aux figures de la Syntaxe, leur progression se nommait première et deuxième figures, correspondant aux quatrième et troisième classes des établissements actuels; alors aussi les élèves de poésie se nommaient verseurs.
Le spectacle devait se terminer par une comédie intitulée le Dissipateur.
Les acteurs y étaient les mêmes que pour la tragédie, à cette différence près que Jacquinet et Henri Richard y tenaient des rôles de femme ainsi que Pelser et Lamberty.
Mais pendant qu'une foule nombreuse goûtait toutes les péripéties de la scène biblique, tout à coup un cheval fougueux traînant une charette débouche sur la place, se rue vers l'assistance mise bientôt dans un affreux désordre, passe sur le corps d'un vieillard et le tue.
Bragarde, en sa chronique, nous apprend aussi ce fait sans indiquer si cette tragédie trop réelle interrompit la représentation.
Nous croyons utile de faire connaître quelques détails sur la manière dont l'instruction était distribuée dans le Collège de Saint Bonaventure.
Voici à ce sujet quelques passages des mémoires inédits de l'un des élèves, feu Thomas Angenot; travail que nous espérons publier un jour en entier.
Notons encore qu'à la date 1788, par laquelle l'auteur débute, notre futur poëte avait 15 ans, laissons le donc parler.
« Je revins au Collège et l'on m'y reçut comme verseur, l'instruction m'était donnée gratis; en retour, j'étais tenu de laver l'école tous les samedis et à la balayer chaque jour, mais cela me valait par mois deux sous de chaque élève payant. Ils étaient trente, je recevais donc trois florins (le florin de Liège valait 20 sous de Liège, ou 1 franc 18 et se nommait kaurlus).
Tous les verseurs réunis allaient chaque mois, avec la permission de la Magistrature, faire la quête dans les bonnes maisons de la ville, ce qui nous fournissait à chacun trois florins. Je fis des progrès; étant en syntaxe, je pus aller comme répétiteur chez les élèves de grammaire et donner des leçons de lecture. »
L'on voit que grâce à la libéralité de nos concitoyens, les élèves pauvres trouvaient encore des ressources en outre de leurs études. Laissons maintenant l'auteur susdit nous décrire un concours et la cérémonie du couronnement.
« Je devais commencer mon nouveau cours au Collège par l'étude de la poésie, mais un certain Gathoye de Stembert qui en sortait pour entrer en rhétorique avait jusque là remporté tous les prix et n'avait plus qu'à vaincre en ce dernier concours, pour obtenir le triomphe du couronnement. Cela piqua mon émulation, je sautai la poésie, j'entrai en rhétorique avec lui et nous nous escrimâmes toute l'année de manière à rendre la victoire incertaine, jusqu'à la dernière composition qui devait décider.
Le premier exercice fut l'examen sur toute la rhétorique que nous avions apprise par coeur pendant l'année; il nous fut laissé quinze jours pour nous préparer à cet examen.
J'y fus le premier.
Restait la composition. Au jour fixé, l'on nous donna le sujet à traiter en latin; j'y écrivis en recopiant un tuos pour un thuas et je perdis le prix, mais contre toute justice il ne fut pas possible de persuader au public que j'avais été vaincu.
Quoi qu'il en soit, l'on me choisit pour prononcer le discours au couronnement. Cette cérémonie avait lieu dans la salle de l'hôtel-de-ville, au premier à gauche, où se tient encore actuellement le Conseil de Régence.
Le P. Augustin Clément, notre préfet et professeur de poésie et de rhétorique qui craignait que je ne fusse intimidé par la foule, rue proposa de se mettre derrière mon fauteuil pour me souffler en cas que je vinsse à hésiter, mais je le priai de n'en rien faire, me fiant à ma mémoire.
Au jour marqué, on couronna Gathoye dans l'enceinte du Collège et de là nous le conduisîmes à l'hôtel-de-ville.
Les élèves de toutes les classes marchaient devant lui, sur deux rangs, vêtus de bazin blanc, chapeaux et souliers blancs, parce qu'ils devaient danser des ballets en l'honneur du vainqueur; chacun portait à la main une branche de laurier.
Pour moi, je marchai à côté du couronné, vêtu de bleu et coiffé comme un abbé.
En arrivant, nous trouvâmes dans la salle une nombreuse compagnie, car la révolution avait déjà éclaté en France et refoulé une partie des grands du royaume dans notre pays.
Je me trouvai donc pour prononcer mon éloge, en face d'une partie de la noblesse française, tant ecclésiastique que séculière, rangée sur des fauteuils. Après le couronnement, nous nous transportâmes chez M. François Biolley, qui était alors Bourgmestre. J'y fus de nouveau complimenté de la manière la plus flatteuse. M. Biolley me présenta sur une assiette volante un un verre de vin auprès duquel se trouvaient quatre couronnes de France, qu'il me pria d'accepter pour ma mère et me dit ensuite: si vous voulez continuer vos études allez à Cologne, je pourvoirai à votre entretien. »
Cette cérémonie de couronnement fut la dernière du genre à laquelle donna lieu l'institution de nos Récollets.
En ce temps se distinguaient entr'autres comme professeurs les Pères Etienne Leboutte, d'Ensival, André Roland, de Liège, Ernest Dejardin, de Ciney, et Archange Guittard, de Prume.
Ajoutons à propos des ballets dont il fut parlé, qu'ils étaient conduits alors par maitre Larose, de Verviers, qui, à cette fin, tenait un vaste local en la maison de Damzeaux, Pont-aux-Lions, et dite al Saule, aujourd'hui démolie. Les témoins de sa dernière oeuvre chorégraphique en parlèrent longtemps, et nous avons ouï des vieillards citer avec admiration le bouquet final, dans lequel parurent huit des danseurs les plus adroits, tenant chacun une épée dont ils soutenaient aussi haut que possible la couronne qu'ils descendirent sur la tête du vainqueur assis sur un trône, tandis que le groupe l'entourait et le couronna en mettant genou à terre. Bientôt après ce joli triomphe se présenta l'ère de dévastation pour les communautés religieuses, elle étendit ses désolantes fureurs sur notre ville. La maison des Récollets malgré tant de services rendus, ne devait point échapper aux étreintes des bandes spoliatrices se disant des disciples de la liberté.
MUNIFICENCE DE LA VILLE ENVERS LES PP. RECOLLETS.
L'on a pu remarquer ci-dessus en la lettre leur adressée en 1739 par notre magistrature, la menace faite de retirer à l'établissement les faveurs lui accordées par la cité, s'il n'était fait droit aux réclamations des étudiants.
Les Notices Historiques, t. 1, p. 27, demandent quels pouvaient être les avantages signalés; nos archives communales nous fournissent les sujets suivants:
« Le Bourgmestre et Conseil assemblé sur la maison de ville, sur proposition faite que R. P. Henry Delvaux vicaire des PP. Récollets et stationnaire de cette ville, serait obligé d'aller à Aix pour sa santé, ont trouvé à propos de lui subministrer pour son dit voyage et subvenir à ses nécessités, une somme de dix écus que le Sr Bourgmestre de Hasinelle pourra lui faire remettre à compte à ce entendu que la ville ne l'a gratifié de rien l'an passé.
Fait le 26 Mai 1690. »
Les mêmes « requièrent le Bourgmestre de Charneux de donner aux révérends Pères Récollets de Verviers, une somme de 60 florins BBants pour assister à payer l'imprimeur du livre de saint Anthoine dédié au magistrat et bourgeois de cette ville.
Actum Vervier ce 11e Novembre 1690. »
Idem « accordent aux révérends Pères Récollets de cette ville, une charité de quinze écus pour être employée à reblanchir leur église requérant le sieur Bourgmestre Franquinet leur sindicq de leur fournir et de les porter dans ses comptes.
Fait ce 12 Mai 1721.
Par ordonnance: H.-C. NIZET. »
« Les Bourgmestres et gens du Conseil de la ville de Vervier assemblés en corps sur la maison de ville déclarent de céder et donner en aulmnône et charité aux R. P. Récollets de cette ville, les matériaux bois et ferailles à provenir de la démolition de la petite loge ou bâtiment en haut du pont proche des dits R. P. sur la rivière de Vesdres provenant de Messieurs du magistrat de la dame douairière de Herve, à charge toutefois de faire à leurs frais le plustôt possible la ditte démolition.
Fait au dit Conseil le 7 Juin 1723.
Par ordonnance: H. NIZET. »
Mais d'entre les dons offerts les plus importants, sans doute, consistèrent dans la cession du local du collège, les frais de représentation aux redditions de prix et ces prix eux-mêmes (3).
Beaucoup de spécimen des prix doivent être conservés; nous en possédons plusieurs, portant sur leur couverture les armes de la ville imprimées et dorées, avec la légende:
Sigillum cousulum urbis Verviensis, et sur leur premier feuillet en blanc est écrit: Ex liberalitate et munificenciae D. D. consulum Verviensis, etc.
Après l'énumération des noms et titres vient une sentence ou un distique latin tel que celui-ci décerné à Jean-François Desamoris, de Verviers:
« Si bonus appares fac ne fallamur ocellis
Sic nostri Joannes cordis amoris eris. »
C'est-à-dire: Vous paraissez rempli de bonté, faites que nos yeux ne se trompent point et tous aurez l'affection de notre coeur.
Les vers suivants furent dédiés à Henri François Poulet, de Heusy, en 1739:
« Virtutem studium vigili curatibi quaeris
Hoec tibi prae cunctis sunt potiore loco. »
Ou bien: Efforces-toi par une application constante d'acquérir la vertu et la science, préfères-les à tout autre bien.
Ces livres de tout format jusqu'à l'in-folio, reliés en plein veau, semblent prouver par leur date et leur teneur qu'ils étaient acquis à des ventes publiques ou chez les bouquinistes, s'ils n'étaient des dons particuliers.
L'un d'eux offert en 1744 à Jean-Joseph Bohet, de Heusi, porte une note manuscrite disant qu'en 1680 « il fut à l'usage de Jean Le Beau, curé de Saint-Adalbert en Liège. » Lequel par un curieux rapprochement souscrivit avec l'abbé de Saint-Jacques, de Liège, dom Nicolas Bouxhon, la première édition des changements arrivés à la Vierge des Récollets, dont l'approbation porte la date du 7 août 1697 et qu'il signa Lebeau, curé de Saint-Adalbert, doyen des pasteurs de Liège, examinateur synodal.
Le lauréat auquel ce prix était décerné, fut rencontré par des soldats et tué dans un bois, près de la Louvetrie, comme souvenir y fut posée la croix Bohet, bien comme de nos chasseurs.
FAIT DIVERS.
L'on sait que le 8 Septembre 1678, le village de Stembert attaqué par les troupes que commandait le comte de Salme, fut secouru par les Verviétois.
Le Ms Berg., parle comme suit de l'une des victimes de ce dévouement:
« Un jeune homme de Vervier, fils à Gérard Sougnez, dit Piron, fut tiré à la fenêtre des cloches de l'église, il était près de recevoir l'habit de Capucin.
Il fut tiré à l'oeil, tué, enseveli en habit de Récollet et enterré en l'église des Récollets, proche la pierre à l'eau bénite. »
Ce fut aussi l'un de ces Pères que les blessés ennemis firent demander afin de recevoir leur confession et le secret sur le lieu de leur retraite.
En 1755, un événement rapporté par le Ms Idon, affligea la communauté.
« Au commencement d'Avril un médecin de Waremme atteint de frénésie, ne pouvait souffrir nul en sa présence, sinon un jeune P. Récollet de Vervier, le fils Gurnade, pour lors au couvent de Waremme. Une nuit son mal redoublant, il poignarda le P. Récollet, et lui froissa la tète avec la culasse de son pistolet. »
« En 1777, M. Nicolas Pirons, notabilité verviétoise, en s'agenouillant à la communion du prêtre au parvis des Récollets, tomba mort. » (Ms Brag.)
La terrible épizootie de l'hiver 1745 provoqua la détermination suivante, nous n'en extrayons que le rapport au présent sujet.
Recès, avertissement pour une neuvaine de grand'messes à célébrer dans les églises des ordres religieux, touchant la maladie épidémique dans les bestiaux.
« Messieurs du Magistrat avertissent le peuple dévot que vendredi prochain 12e du courant mois de février 1745, on commencera à l'église des R. P. Récollets à huit heures précises, et ainsi tous les jours, une neuvaine solennelle de grand'messes pour prier Dieu par la puissante intercession de la sainte Vierge, de faire cesser le redoutable fléau dont il nous châtie par la mortalité qui règne dans les bêtes à cornes.
Un chacun y étant intéressé est invité d'assister avec piété à ces saints sacrifices.
Actum ce 10e dito.
Par ordonnance:
(Signé) C.-E. HANSTER.
Il est à remarquer que jusqu'en 1793 grand nombre de ménages, à Verviers, possédaient chacun une vache.
Une spécialité produite probablement par les miracles de la Vierge des Récollets, se révèle en l'ordre ci-joint:
Messieurs du Magistrat de cette ville de Vervier,
« Ordonnent à telle vendeuse de chandelles qui peut avoir la clef de l'endroit où on expose les enfants morts sans baptême, joindant à la chapelle de la Vierge aux R. P. Récollets, de la remettre sans délai en mains de notre huissier porteur de cette, défendant à toutes telles revendeuses de chandelles d'aller quêter et importuner le monde dans la dite chapelle, à peine d'en être chassées par sergeants ou autres qu'on y enverra à cet effet à leur confusion.
Fait au Conseil le 8 Mars 1745.
Par ordonnance:
(Signé) HANSTER. »
Un passage du Ms Berguenheuse, parlant des enfants morts avant le baptême et exposés près de la statue de la Vierge note le peu de citations faites à ce sujet en la notice de 1697.
Le manuscrit de l'hôtel-de-ville rappelle plusieurs cas du genre et l'un d'eux donne une idée remarquable de l'amour des pères et mères pour leurs défunts.
La déclaration 74e, nous apprend que:
« l'enfant mort né engendré de Jean Uric et de Marie Benne son épouse, l'un et l'autre bourgeois de Liège ayant été enterré une nuit entière, son corps fut apporté par Marie Benne et Marie Perot aussi bourgeoises de Liège, pour lui obtenir de Dieu par la dite Mère de Miséricorde la grâce du saint baptême.
Environ cinq heures après-midy elles ont veu des signes de vie dans le dit enfant, scavoir un mouvement de la langue souvent réitéré apperceu et recognu non seulement par les comparantes, mais encore par François Scaureux bourgeois de Vervier et d'une grande multitude de personnes qui faisaient grand bruit à la veue de ce signe.
François Hacray, prestre, lui a conféré le baptesme sous condition, avec grand applaudissement de tout le monde présent. »
Une autre scène décrite au même recueil rapporte que non seulement l'on exposait ces corps dans la chapelle, mais que l'on y veillait auprès d'eux, selon la déclaration 104°, dont suit un extrait.
Le 10 Octobre 1696, trois personnes de Heuseu, Marie Moreau, Marie Hinan et Marie Henry Hinnan y apportèrent le corps d'une petite fille morte
« elles supplièrent Pierre Willeme jeune homme de Vervier, de veiller avec elles pour conférer le baptême au dit enfant en cas que l'on y vit des signes de vie. Tous quatre ont affirmé sous serment, presté le crucifix en main, que la nuit du septième au huitième jour de leur neuvaine, ils ont senti le corps et principalement la teste du dit enfant estre chaude et la veine du temple de la teste battre.
Ensuite de quoy le dit Pierre Willem a baptisé l'enfant. » Etc.
Quand au second incident rapporté en la lettre des magistrats du 8 Mars 1745 et concernant les marchandes de chandelles, leur importunité acquit de nouvelles proportions en 1754; le 4 Février un nouveau recès les signala disant:
« Vu l'impiété des vendeuses de chandelles, causant du désordre dans la chapelle pendant même le saint Sacrifice par leurs criailleries et vexations empêchant et troublant par ces manières indignes la dévotion des fidèles. Ordonne, tant au sergeant Martin Polis qu'aux gardes de la ville, de chasser hors de la chapelle ou l'église, toute celle des dites vendeuses qui se présumera de contrevenir à cette défense finale et de jetter leurs boutiques, chandelles et autres denrées qu'elles auront étalé indécemment et dans les lieux non convenables.
Affiché à la porte de la chapelle de la Vierge aux Récollets, le Dimanche 10 dito.
Par ordonnance
C.-E. HANSTER. »
NOUVEAU CHANGEMENT OBSERVÉ EN LA VIERGE DE RÉCOLLETS.
Le Ms de Bragarde s'exprime comme suit sur un fait que lui seul, à notre connaissance, expose:
« En 1756 le 1 de Janvier se produisit un nouveau changement dans la sainte et miraculeuse image de N.-D. Cela arriva entre 10 et 11 heures du matin, ce qui fût bientôt connu par toute la ville et occasionna un concours continuel de peuple pendant toute la semaine à raison que ce jour et les 13 et 14, cette sainte image parut toute changée de couleur suivant les uns, plus affligée d'expression suivant d'autres; le petit Jésus plus rapproché de sa mère et les yeux de la Vierge plus fermés, ce que par mon faible jugement je crois être véritable pour l'avoir pendant ces trois jours vue et contemplée dévotement plusieurs fois, mais à mon avis en différentes situations plus affaissée et triste.
Quant aux yeux qu'elle tient présentement fermés, je sais que je me suis rendu souvent à la chapelle et de quelque côté que je fusse, elle paraissait toujours me regarder. C'est aussi l'avis général de ceux qui y vont.
L'on attend l'approbation de N. S. P. le Pape. »
La perte des archives des Récollets, ne permet pas de savoir si celte approbation eut lieu.
RÉVOLUTION & SPOLIATION.
Dès que la première république française eut mis pied sur noire sol, ses représentants y furent lancés de toutes parts; le Franchimont reçut à ce litre les citoyens Vaugeois et Hébert qui destituèrent et abolirent tout ce qui avait ordre ou grade.
Le 7 Octobre 1792 les troupes françaises ayant dépouillé les églises de Liège les livrèrent aux plus vils usages. Celles de Verviers subirent bientôt le même sort.
Quant au couvent des Récollets, il fut transformé en hôpital militaire; le local du collège en boucherie, et en 1795 en caserne de gendarmerie y compris le magasin à fourrage, lequel excita les réclamations du quartier. Heureusement l'église ne fut ouverte qu'aux malades, et leur servit de promenoir.
La chapelle de la Vierge fut destinée è servir de forge, des fourneaux furent construits entre les deux piliers soutenant la galerie, des tuyaux s'élevèrent passant à travers les fenêtres et pendant plusieurs mois, cette enceinte vénérée ne désemplit de chevaux à ferrer ou de chariots défectueux.
La grosse argenterie des autels et de l'édifice avait pu être garée de la rapacité des soldats, mais dès leur apparition, on les avait vu se disputer les ex-voto décorant les parroies de la chapelle. Cette scène s'était passée sous les yeux des religieux.
L'un des pillards osa même porter les mains vers la statue miraculeuse pour lui arracher sa couronne et son sceptre, niais le gardien lui observa que ces ornements étaient en cuivre, pour cela ils furent laissés; longtemps après on reconnut qu'ils étaient en vermeil.
Malgré la terreur et la répulsion qu'inspiraient aux serviteurs de Marie la tourbe profanatrice et turbulente établie en cette enceinte pieuse, les femmes, les vieillards ne cessèrent de venir s'agenouiller dévôtement aux abords et jusque dans le sanctuaire, affrontant les blasphèmes et imprécations qui ne manquaient jamais de les assaillir.
Le service divin ne s'y célébrait plus, cependant l'un des Récollets, le P. Augustin Clément, préfet des études, encouragé par la présence des fidèles se hasarda d'y célébrer la sainte Messe un dimanche, pendant que les fourneaux activés mieux que jamais emplissaient la chapelle d'une fumée si épaisse que le prêtre fut longtemps avant de pouvoir commencer le saint Sacrifice.
Quant à l'intérieur du couvent et de l'église, ils restèrent à peu près intacts et les PP. y continuaient leur oeuvre dévouée envers les malades dont et établissement était rempli.
En l'année 1792, l'émigration de nos principaux concitoyens s'étant produite, plusieurs de nos religieux et prêtres s'étaient de même enfuis afin d'échapper aux mauvais traitements dont on les accablaient. Alors le Père Archange Guittard prit en mains les fonctions pastorales délaissées par l'émigration du curé Henri Dauchapt. Plusieurs fois le saint homme portant le Viatique fût poursuivi et sabré par des dragons du 10e régiment, alors en ville, heureusement il réussit chaque fois à leur échapper.
L'arrêté de d'Adon touchant la régistration des morts, naissances et mariages dans les communes abandonnées par leurs curés, porte :
La commune de Vervier authorise provisoirement le citoyen Archange Guittard à se conformer à l'arrêté ci-dessus repris et d'en remplir les vues.
Fait à la commune, le 10 Brumaire (1er novembre 1792).
(Signés) H. HAYEBIN, H.-F. SIMONIS, A.-J. HANLET & H. DETROOZ. »
Le 2 Mars 1793, les armées des alliés remportèrent un avantage signalé à Attenhoven; les troupes françaises abandonnèrent alors le pays de Liège non sans y commettre les plus pénibles excès, et le 21 Avril suivant S. A. le Prince Evêque reprenait possession de son siège.
Une paix durable semblait acquise, partout l'on rendit à Dieu des actions de grâces, les souillures des églises furent effacées, le concours des fidèles sembla les dédommager de leurs pertes et la chapelle N.-D. apparut bientôt plus brillante qu'auparavant.
Cependant, le 20 Juin 1794, le général Jourdan, à la tête de l'armée de la Moselle, avant vaincu les Autrichiens commandés par le prince de Saxe-Cobourg, a Fleurus, les Français reparurent en notre pays.
Le 20 Septembre suivant, ils rentrèrent à Verviers et comme un torrent dévastateur, envahirent tout ce qui appartenait aux corporations; les posseseurs en furent chassés, les églises dépouillées de tout ce qu'elles contenaient de précieux; meubles et immeubles furent enfin vendus à vil prix.
Cependant des Récollets ne voulurent point abandonner cette scène si désolée, croyant pouvoir reprendre leurs cours interrompus. Comme professeurs, ils invoquèrent les services que leur ordre avait rendus pendant deux siècles et offrirent ceux qu'ils pouvaient livrer encore; il ne leur fut accordé qu'un délai pour se disperser.
Quelques jeunes gens qui leur étaient restés fidèles se présentèrent un jour afin de recevoir encore leurs leçons et servir une messe clandestine, ils les trouvèrent sous l'habit séculier. Le gardien remarquant leur surprise leur dit:
« Ne vous étonnez, pas mes amis, nous venons de recevoir l'ordre formel de ne plus paraître aux yeux de personne à moins d'être vêtus à gens! »
En effet un crieur public battant le tambour parcourut la ville plusieurs jours consécutifs faisant savoir à chacun la singulière décision s'appliquant à tous les ordres religieux. Cette mauvaise plaisanterie s'ajoutait sans nul doute à l'arrêté officiel.
En 1796, le nombre des P. Récollets résidents était réduit à 12, lorsque fut prononcée leur expulsion de cet édifice que leurs prédécesseurs avaient élevé en grande partie de leurs mains, leur riche bibliothèque fut gaspillée et le culte de nouveau suspendu dans leur église.
Cependant, par ce respect qu'inspirent les choses vraiment saintes, l'on se hâta de préserver la chapelle des atteintes nouvelles, en la réclamant comme propriété des habitants et de la ville.
L'appui des Magistrats ne fit point défaut à ce voeu, non plus que la fervente persistance de feu l'abbé Magnée et des autres prêtres de la ville.
LISTE DES RÉCOLLETS PRÉSENTS L'AN 1795.
Voici les noms de nos Récollets que la spoliation trouva fidèles à leur poste:
1. Le Père Léonard de Moulin, né à Verviers, ex-gardien et alors définiteur, c'est-à-dire ayant passé par tous les grades de son ordre. Il avait été vicaire au couvent de Liege et pater aux Clarisses pendant 4 ans. Il mourut à Verviers dans son ex-couvent, le Jeudi-Saint de 1803.
2. Le P. Léonard Piot, de Maestricht, alors gardien; il retourna dans sa ville natale et y mourut de langueur.
3. Le P. Nicolas Mauhin, de Verviers, prédicateur stationnaire à notre paroisse Saint-Remacle; il y mourut vicaire en 1814.
4. Le P. Léonard ... du titre de discret ou conseiller du gardien.
Il avait occupé le gardianat de Waremme et fut prédicateur stationnaire à Petit-Rechain.
Sa mort arriva subitement sur le Thier de Hodimont lorsqu'il revenait de ses fonctions pieuses et au moment où l'évacuation de son couvent était prononcée.
Les Pères E. Dejardin et N. Mauhin allèrent reprendre son corps et vinrent l'enterrer dans leur cloître malgré les édits de la république. Ce fut le dernier qui jouit de cet avantage.
5. Le P. Etienne Leboutte, d'Ensival, chantre, professeur, prédicateur stationnaire à Saint-Remacle, retourna mourir au lieu natal.
6. Le P. André Roland, de Liège, professeur de poésie, de philosophie, de rhétorique et directeur du Tiers-Ordre.
Les Récollets changeaient de nom de baptême en entrant dans l'Ordre, or le P. André avait un frère, suivant à Liège la même règle. et ils échangèrent les leurs le jour de leurs voeux, le premier de notre religieux était Charles Bauduin.
Ce digne Père avait voué sa vie à Dieu et à l'enseignement; dès la suppression de sa maison de Verviers, il se rendit au collège Marie-Thérèse à Herve, qu'il dirigea jusqu'en 1808. A cette époque il fut question de reconstituer le corps professoral en notre ville, le Père André revint s'y fixer dans l'espoir d'en faire encore partie.
Il se présenta comme prêtre, M. J.-B. Ortmans le reçut en sa maison; notre population connaissant ses capacités l'accueillit avec faveur et les talents du protégé reçurent bientôt une application nouvelle, par la création du collège impérial dont il fut nommé directeur en 1809, et en même temps professeur de poésie et de rhétorique.
Il sut s'y concilier comme toujours l'estime de tous et servit ainsi de traitd'union entre l'instruction ecclésiastique et laïque en notre ville.
On sait que le collège restauré avait été transporté au couvent des religieuses Sépulchrines et que son titre d'Impérial fut changé en 1815 en celui de Royal.
Le P. Roland y portait le vêtement séculier et avait précieusement conservé son costume de Récollet, priant ses intimes de l'en revêtir à sa mort, mais il fut impossible de retrouver sa chère relique lorsqu'il expira le 18 Mars 1823, son oraison funèbre fut prononcée par G. Petitbois son élève (qui mourut curé de Herve le 14 Septembre 1852).
Les profondes connaissances de Charles Bauduin Roland, unies à un talent mué pour la poésie, rendirent son commerce des plus agréables et ses services comme professeur féconds et appréciés.
Nombre de ses élèves devinrent des hommes d'élite qui ne cessèrent ou ne cessent de le citer avec toute la vénération due à ses mérites, témoins feu le Bourgmestre David, les savants Christiand, Courtois, Massau, le docteur Lejeune, et, de nos jours, entr'autres, l'auteur de la Cinéïde et Monseigneur N.-J. Dehezelle, évêque de Namur.
7. Le P. Ernest Dejardin, de Ciney, devint vicaire de Petit-Rechain, et mourut à Verviers le 6 Novembre 1829.
8. Le P. Servais Augereau, de Verviers, fut vicaire à Theux et mourut marguiller de notre paroisse Saint-Remacle, 1814.
9. Le P. Archange Guittard, de Prum, professeur, stationnaire à SaintRemacle, préfet des études en 1789, et curé de notre ville par interim, comme on a vu plus haut. Il fut vicaire à Bodeux en 1803.
10. Le P. Augustin Clément, préfet des études en 1792, était né à Sittard et devint précepteur à Rotterdam.
11. Le P. Roch ..., sacristain.
12. Le P. Louis Lincez, de Verviers, il fut l'un des plus brillants prédicateurs en notre pays à la fin du dernier siècle. Une facilité prodigieuse jointe de vastes connaissances et à l'élégance de sa diction lui valurent le surnom de bouche d'or.
Il résida longtemps dans la maison de son ordre à Liège; nos Princes Evêques appréciant son mérite aimèrent à l'entendre et pour mettre ses talents à l'épreuve lui indiquèrent souvent le sujet du sermon au moment où il allait être prononcé.
Lors de la dispersion de ses collègues de Liège, il revint au couvent de Verviers en qualité de Récollet prêtre et fut prédicateur à Saint-Remacle (4)
Certain jour, au temps des troubles révolutionnaires il revenait d'avoir accompli ce devoir, quand passant derrière le Rain, qui alors, en face de la rue des Raines, présentait un rocher à pic descendant vers le canal, de là, le Père Lincez fut précipité sans que l'on put découvrir l'auteur de ce méfait.
Tout meurtri de sa chute, il eut cependant assez de force pour se cramponner au mur du biez afin de soutenir sa tête au-dessus des eaux; un laveur de laine l'aperçut et le délivra de ce péril. Le P. Lincez après un long évanouissement se ranima mais pour ne recouvrer jamais la raison, malgré les soins touchants dont il fut l'objet de la part de ses compagnons du couvent de Verviers. Il mourut le 26 mars 1800, âgé de 49 ans.
13. Les servants étaient au nombre de cinq, les derniers furent Frères Joseph Delwaide, de Verviers, portier, ex-sergent-major au régiment Vierset; Pascal... de Henri-Chapelle, cuisinier; François... id.; Philippe.... ...jardinier, venu du couvent de Spa; Simon .... id., et Nicolas Demarteau, né à Stembert, quêteur.
Afin de précipiter leur départ, l'on imagina divers moyens, entr'autres plaisanteries du goût de l'époque, par une belle nuit l'on éleva, au moyen de sangles, un âne à l'étage du dortoir et dans les corridors l'on se livra à des cris, â une course si bruyante que les pauvres religieux réveillés en sursaut crurent un instant que la maison s'écroulait.
Une autre fois l'on alla s'y permettre tels propos envers le P. Gardien, que celui-ci de haute taille et de force herculéenne saisit l'insolent et lui eut fait un mauvais parti si les secours ne fussent arrivés à temps pour le délivrer des étreintes du P. Piot, réputé alors le plus adroit et le plus bel homme de notre ville.
Après cette scène, ce chef se retira au grand regret de notre jeunesse studieuse dont il avait su stimuler et soutenir le zèle jusques dans les plus mauvais jours.
Les dernières preuves de dévouement qu'il fut admis à donner ainsi que ses religieux à notre population, desservirent ces jours de désolation, de famine et de mortalité de l'hiver 1794 surnommé le mauvais, et resté comme un effrayant souvenir dans la mémoire des contemporains de cette époque néfaste.
Le Récollets comme en tout temps s'y multiplièrent pour y porter secours.
Ceux d'entre eux qui possédaient encore quelques ressources, les épuisèrent en ce moment, comme offrande à l'humanité qu'ils n'avaient cessé d'éclairer, de secourir, et cela avant de dire un dernier adieu à leur saint asile.
Cependant l'ex-gardien Demoulin ne pouvant se faire à cette séparation, sollicita la faveur de finir ses jours en la cellule où il avait passé presque toute sa vie, ce qui lui fut accordé par le propriétaire.
Ainsi se termina l'existence d'un établissement d'instruction seul existant alors en notre ville, auquel durent leurs connaissances les générations de deux siècles, duquel sortirent nos célébrités industrielles et littéraires, dont la plupart furent mises en lumière par les recherches et matériaux fournis à la Biographie Liégeoise par notre savant bibliophile Jean-Laurent Massau.
LISTE DES GARDIENS.
Nous regrettons de ne pouvoir offrir ici une liste complète des gardiens de nos Récollets, la perte ou l'absence de leurs archives a rendu ce désir irréalisable jusqu'à ce jour; cependant voici chronologiquement indiqués ceux d'entre ces chefs rencontrés dans les matériaux de la présente notice
Bonaventure Bidard, fonda l'établissement, 1627
Clement de Bargiband, érigea la statue de N.-D., en 1664
Barthélémy Deschamps, visita Jérusalem en 1666
Paul de Croix, cité aux lettres des archives, 1683-84
Hubert Dodémont, nommé en une déclaration concernant le miracle, et faite le 6 Décembre 1692
Jacques Silvius, publia la notice sur le miracle en 1697
Il signa cette même année les attestations manuscrites conservées à l'hôtel-de-ville, avec ces titres: Frère Jacques Silvius, notaire apostolique et gardien du couvent des RR. PP. Récollets.
Dans la reproduction de ce travail, faite en 1853, le nom de J. Sylvestre est donné par erreur à ce gardien; à la page 17.
F. J. T. Fromanteau, de Hodimont, signa l'inventaire de la chapelle en 1760
F. Michel Bacquet, de Verviers, souscrivit le compte rendu de 1761
P. Pascal Ancion, né à Fraipont, mourut gardien en 1785
Il était docteur en théologie et sa mémoire vénérée se conserve encore parmi la population de notre ville.
Pendant son long et laborieux gardianat, il acquit à sa maison et à son ordre une série de succès par l'établissement des Calvaires, Stations ou Chemins de la Croix, dont il dota d'abord son église. Ensuite il étendit cette pieuse institution à tout le pays de Liège et à l'Ardenne. Le Ms Idon nous apprend que « le 18 Juillet 1762 le R. P. lecteur Ancion, bénit les Stations à l'église d'Ensival. »
Les ouvrages qu'il fit paraître sont encore dans les mains de personnes dévotes à cette pieuse pratique. La Biographie Liégeoise en a reproduit les titres Ils sont:
1° Instructions historiques sur les principaux points qui concernent les 14 Stations dit, Chemin de la Croix, avec les Abrégés des Bulles que les Papes Benoit XIII et Benoit XIV ont accordées pour l'extension et la confirmation des indulgences des Stations originaires de Jérusalem. Liege, Kints 1764, in-12.
2° Réflexions sur divers points de la morale et de mystères. Liege, Plomteux 1766
3° Le Chemin de la Croix divisé en XIV Stations, depuis le prétoire de Pilate, jusqu'au saint Sépulcre du Sauveur, avec un cantique sur les principaux mystères de l'enfance et de la vie de Jésus-Christ. Liège, Plomteux 1769.
4° Méditations divisées en 12 exercices sur les XIV Stations du saint Chemin de la Croix, enrichies par les Souverains Pontifes de toutes les indulgences des Stations des lieux saints de Jérusalem, que l'on peut gagner dans les églises des PP. Récollets et ailleurs où elles sont érigées; avec 14 belles gravures de Belling. Liege, Plomteux 1773, in-8°.
Il existe aussi du P. Ancion des sermons publiés d'abord séparément, puis réunis en un volume divisé en deux parties, le tout imprimé à Liège par Everard Kints et Clément Plomteux 1766 et 67, in-12.
La première partie contient 32 sujets intitulés les uns Abrégé du sermon, d'autres: Réflexions tirées du sermon fait aux tierçaires de la Congrégation érigée au couvent des FF. Mineurs Récollets à Verviers.
La première porte la date du 6 Juillet 1766; et la dernière, 1er Mai 1767 Les deux premiers sujets sont terminés l'un par douze vers et l'autre par huit.
L'approbation est jointe à chaque pièce; celle intitulée Réflexions sur les principaux points de la Passion de N.-S. -J.-C., porte le nom de Pascal Ancion, lecteur de la sainte Ecriture, 1er Avril 1767.
La seconde partie contient aussi des réflexions mais sans dédicace.
Celle datée du 30 Avril 1767 porte de même le nom de l'auteur. Il peut se faire que cette partie de l'ouvrage soit le travail cité par M. de Bec de Lièvre sous le titre de Réflexions.
Au savant et pieux gardien Ancion, succéda le P. Léonard de Moulin, né à Verviers.
Les élections au gardianat avaient lieu tous les trois ans, mais les sujets étant rééligibles, ce dernier fut revêtu trois fois de ce grade.
A son avènement, le personnel du couvent était au grand complet, c'est-àdire que pendant les offices, les quarante-six stalles du choeur étaient occupées par les Pères de la maison. Laquelle comptait en outre habituellement quatre Frères servants.
Saumery confirme ce nombre en disant que cet établissement pouvait contenir 50 personnes. (Del. du P. de Liege, t. 3, p. 253.)
Léonard de Moulin céda enfin son siège à Léonard Piot, de Maestricht dépossédé en 1798, et dernier chef de cette communauté bienfaisante dont les membres virent se briser leur pieuse mission en traversant la tourmente révolutionnaire.
LISTE DE NOMS CITÉS EN DIVERS ÉCRITS & OUVRAGES.
En outre des religieux et gardiens précités, nous trouvons d'autre part d'abord les quatre fils de Colin de Rechain, de Verviers:
Pères Richard, Martin, Pierre et Frère Nicolas.
P. Valentin Marée, auteur du traité noté ci-dessus et terminé l’an 1660
Les trois frères Mangay, de Verviers, fils de Toussaint qui mourut en 1679
P. Simon le Bourguignon, professeur de théologie en 1679
P. Englebert professeur de théologie en 1679
P. Godefroid Delvaux, de Verviers, directeur de la Confrérie du Très-Saint-Sacrement en 1687
Frère Léonard Gomzé, nommé en une déclaration du miracle, faite en 1692
F. Remade Lepas, Récollet laïc, âgé de 41 ans, alors qu'il déposa dans les déclarations de l'année 1696
P. Martin de Rechain, âgé de 69 ans, id. 1696
P. Théodore Monsen, âgé de 54 ans, id. 1696
P. François Hacray, âgé de 34 ans, id. 1696
P. Henri Delvaux, cité au Recès de 1690
avec les titres de vicaire et stationnaire à Verviers; et en une déclaration datée de Liege 1696
où il est dit prêtre prédicateur en cathédrale et secrétaire du R. P. Provincial. 1696
F. Henri Mathieu, tertiaire conventuel, collecta pour abriter la statue en 1698
P. Guillaume Simar.
P. Jean Graffart.
F. Antoine Robet, architecte de la chapelle N.-D., élevée en 1700
F. André Grivegnée, professeur de figure, signa des prix décernés en 1739 & 40
F. Laurent Henrotte, professeur de figure, signa des prix décernés en 1744
P. Arnold Biolley, de Verviers; vu ses mérites, la communauté lui offrit dès son entrée le gardianat, mais il sollicita comme grâce d'être visiteur des malades, charge qu'il remplit avec un dévouement sans bornes jusqu'à la fin de ses jours.
P. Grenade, assassiné à Waremme par le médecin malade qu'il soignait en 1755
P. Raphaël Hubignon, professeur de littérature, signa des prix en 1756
P. Louis Mauhin, professeur de littérature, signa des prix en 1756
P. Herman Thys, professeur de langues, signa des prix en 1787
P. Isidore Bragarde, de Verviers, fils de François-Joseph, auteur des comédies rappelées plus haut; il mourut a Sittard.
F. Gilles Delchambre, de Baneux.
P. Dieudonné .... de Bastogne, organiste très-renommé à la fin du dernier siècle.
P. de Herve, de Verviers, prédicateur et savant distingué, cité aux Notices Historiques, t. 1, p. 77.
P. Arnold Dejardin, de Verviers, auteur de quatre graduels manuscrits sur velin, d'une grandeur et d'un travail remarquables.
P. Florent Chausette, de Verviers.
P. Gabriel Tignée, de Verviers, chantre.
p ... Closset, de Verviers.
P. Servais Adam, fut curé à Neufville, en Condroz, mourut à Seraing.
P. Clément ..., lecteur.
P. Ambroise ....
P ..... Henuset.
P. Antoine ... de Liege.
P. Lambert Hagneux, de Liege, fut curé à Saint-Remacle, faubourg d'Amercœur, et mourut pater de la maison des Orphelines, à Liège.
P. Bonaventure Hagneux, de Liège, était avec son frère vicaire à la même église Saint-Remacle, et le suivit à la susdite maison des Orphelines.
P. Gaspard l'Ange, sorti du couvent de Verviers le 15 Juillet 1794, nommé en une pétition des archives communales.
Des Récollets ayant habité la maison de Verviers, les derniers probablement firent deux de nos concitoyens
1° Le Père Justin Devaux, qui, pendant l'émigration, fut choisi pour précepteur des enfants de l'archiduc Charles d'Autriche. Il s'acquitta de ces fonctions honorables avec tant de mérite et de zèle que les marques d'affection les plus flatteuses lui furent présentées; mais le désir d'habiter sa patrie l’y ramena au grand regret de ses illustres élèves.
Le Père Justin se fixa à Liège où sa réputation d'orateur des plus distingués s'était développée et maintenue. Il y fut reçu en qualité de vicaire de Saint-Jacques, ensuite les postes les plus désirés lui furent offerts; mais, son exemplaire modestie lui fit constamment décliner tels honneurs. Cependant on le revêtit du grade de chanoine titulaire de la cathédrale de Saint-Paul. Il mourut dans ces fonctions, après avoir distribué aux pauvres les biens acquis pendant son séjour à Vienne.
2° Le Père Hyacinthe Renson, d'abord appelé à la cure de Ciney, devint chanoine titulaire de la cathédrale de Saint-Aubin à Namur.
Son dévouement et sa piété lui valurent, de la part de ses confrères, le surnom de Sanctissime. En 1832, il revint en son ancienne église prêcher aux fêtes de la Portioncule, et mourut à Namur.
L'on sait que les Récollets étaient nommés Pères lorsqu'ils avaient reçu l’ordre de prêtrise, cependant par humilité tous se signaient Frère, comme on l'aura remarqué même pour les Gardiens: c'est pourquoi dans la précédente liste d'entre ceux qui portent le second titre, il en est qui possédèrent peut-être le premier, ces noms étant pris en partie de pièces signées de leurs mains.