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Le village de Chaudfontaine, situé à 10 kilomètres de Liège, est assis dans un vallon entouré de hautes collines boisées, et de rochers. Au milieu du vallon coule la Vesdre, une petite rivière qui prend sa source dans la forêt de Hertogenwaldt pour rejoindre l’Ourthe à Chénée après un parcours d’environ 55 Km. Son lit est souvent étroit et sinueux au point qu’en temps de pluies soutenues, d’orages, ou de dégel, il n’était pas rare, qu’en moins de trois heures, ses eaux inondent la vallée à des hauteurs variant de 0m 30 à 1m 20.
En 1607, Jean de Ruyschenberg, seigneur de la Rochette, avoué de Fléron, défendant ses droits seigneuriaux sur le pont de Chénée déclarait: « Car, comme il y a roulant entre haultes montaignes, une rivière appelée la Vesdre, laquelle pour la moindre pluye que soit, incontinent se vient à desborder … Mais comme à force des eaues et pour la fréquente inondation, ce pont (de bois) ne valoit résister, et que les eaux le surpassoient, que le ponteneur tant peu se trouva sublevei ... »
Le caractère torrentueux de la Vesdre a favorisé l’apparition d’îlots, et de chenaux où furent bâtis des moulins à eau pour en utiliser la force motrice. En 1831 la Vesdre était navigable de Nessonvaux jusqu’à Chénée, et comptait 15 digues de barrage, formant autant de prises d’eaux qui alimentaient 37 usines (1).
Les deux premiers moulins de Chaudfontaine furent:
- Warnier de Gulpen, seigneur de la Rochette (1536-1564), cède le premier coup d’eau connu à Raes de Chokier, et Renkin Mulneart & fils qui « acceptent ung cop d'eaue pris hors de certaine eaue audit père et fil appartenante, venante longe et par desseur Prailhon, condist l'eaue de Vesde, pour sur teldit cop d'eaue faire ériger, droit et emprès ung lieu condit Bausereit, ung martea ou moullin » (2) (voir plan ci-dessus)
- En 1568, Lambert d’Ynane, alias Lambert le Godet de Ninane, établit un moulin sur « le coup d'eau gisant desoub Ninane, en lieu condist le pré aux chennaux, commençant au costé d'ammont à lislea Thierry et devallant jusque à la roche à l'échelle. » (2) (Voir plan ci-dessus)
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Première Forge (à droite)
Raes de Chockier & Renkin Mulneart
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Seconde Forge (à gauche)
Lambert d’Ynane, alias Lambert le Godet de Ninane
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Jusqu’au XVIIIe siècle les méandres de la Vesdre entre les collines rocheuses en rendaient l’accès difficile. Le seul mauvais chemin obligeait sans cesse à traverser la Vesdre, et c’est à pied, à cheval, ou par les bateaux qui acheminaient le charbon et effectuaient le service des forges qu’il fallait s’y rendre.
Le voyage était parfois périlleux, et il arriva que des voyageurs, ou des cargaisons, tombent dans la Vesdre. En sa qualité d’avoué de Fléron, le seigneur de la Rochette avait juridiction sur la Vesdre, et réclamait une amende pour récupérer les objets engloutis, et les corps qu’il inhumait dans la chapelle castrale.
« Le 14 février 1629, un ponton chargé de vingt personnes descendait la Vesdre, vis-à-vis du château de la Rochette; ce bateau portait une joyeuse société, une noce. La rivière, grossie par la fonte des neiges, devait être très dangereuse en cet endroit, où elle forme un coude assez brusque; le ponton fit naufrage « en dessous du Bois- des-Dames » et dix des malheureux qui le montaient périrent dans les flots. De ces dix personnes, neuf furent retrouvées sur le territoire du seigneur de la Rochette et, pour obtenir l'autorisation de les retirer de l'eau, il fallut payer un florin d'or par tête. »
de Harenne, Le château de la Rochette, 1891
PREMIERE EPOQUE
1676 - Les bains Simon Sauveur
« Le lieu étoit si désert qu’il n’étoit presque fréquenté que par des forgerons qui y avoient leur domicile, et par quelques bergers ou paysans des environs, qui par l’expérience qu’ils avoient de quelques petits sourdons d’eau chaude qui coulaient au bord de la rivière, y conduisoient pour chercher la guérison à leurs maux. »
AEL: Chaudfontaine - Fond Echevins 12, fol. 20
En 1676, Simon Sauveur, né dans la paroisse de St André à Liège, et baptisé à Notre Dame-aux-Fonds le 30 mai 1631 (3), eut l’idée de rassembler et de collecter à l’aide d’une petite pompe les quelques filets d’eau chaude qui se jetaient dans la Vesdre. Il obtint de son beau frère, le major de Beaufays Laurent de Chession (1656-1712), propriétaire du terrain, l’autorisation d’y édifier des bains. Le major Laurent de Chession, descendant de Franck delle Roche (4), premier seigneur de la Rochette connu au XIIIe siècle, tenait probablement cet ilot de ses ancêtres..
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1666 - Fontis Bilseldiani
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Plan des Bains Simon Sauveur
AEL: WETZLAER Procès 2291
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On peut supposer que dans un premier temps, les bains furent établis dans des abris semblables à ceux des eaux thermales de Bilefeld illustrées dix ans plus tôt. (Voir Fontis Bilseldiani 1666) car un abri semblable est encore représenté en 1829 par J.N. Ponsart dans « Vue de Henne et de la montagne de Chêvremont près de Chaudfontaine ».
Suite au succès de ses bains, Simon Sauveur édifia un petit bâtiment en argile, ou plus probablement en bois car on pourrait s’étonner qu’il commit l’erreur de construire en terre, en zone inondable, un bâtiment destiné à héberger des bains chauds.
Ces bains chauds apparaissants 170 ans la (re)découverte de l’hygiène par Hignaz Semmelweis en 1847, leurs effets bénéfiques durent être indéniables car le ph alcalin 7,4 de l'eau Thermale de Chaudfontaine avait le bienfait de laver sans savon.
Simon Sauveur s’enquit ensuite avec une insistance importune auprès Dr Werner Xhrouet de savoir si l’on pouvait également boire l’eau de la source. Ce dernier réalisa une étude vers 1690 comme il nous le déclare en 1815.
« Mr. Bresmal me reproche que ∫i pa∫∫é 25 ans j'avois poussé mon analyse aussi loin qu'elle pouvoit aller, ∫ur les Eaux du Bain de Sauveur…»
Dr W Xhrouet, Lettre écrite à un ami, 1715.
Le Dr Xhrouet y relate la découverte de l’action curative des eaux par ingestion:
« D’abord que j'eus reconnu la qualité de l'eau de Sauveur, je conclus qu'elle étoit bonne, non ∫eulement à s'y baigner, mais au∫∫i à boire. Mais la difficulté étoit de per∫uader le monde à en venir là. On vouloit des exemples, qui en fait de remédes per∫uadent bien mieux que les rai∫ons les plus fortes. D'ailleurs j'étois jeune Médecin, & par con∫equent fans grande autorité ∫ur les Malades. Je fus donc plus de deux ans ∫ans rencontrer per∫onne qui voulut commencer le prémier. Mais enfin le hazard me fournit une occa∫ion pour en faire l'épreuve, ∫ans m'expo∫er à aucun reproche en cas de mauvais ∫uccès.
Une Femme âgée de quarante ans étant attaquée d'une espèce d'Ana∫arque, avec une enflure con∫idérable à la region hypogastrique, ne trouvant aucun ∫oulagement dans les remédes de la Pharmacie, me communiqua l'envie qu'elle avoit d'éprouver les Bains de Chaud-fontaine, dans la pen∫ée que ∫i elle pouvoit ∫uer fortement, toutes ∫es enflures ∫e di∫∫iperoient. Je pris la bale au bond, & je lui répondis qu'ils feroient merveilles; mais que pour y ∫uer bien fort il falloit, étant dans le Bain, avaler, comme cela ∫e pratique à Bor∫et, quelques verres d'eau prise à la ∫ource.
Elle ∫uivit mon con∫eil, & dès le prémier jour cette eau fermenta tellement dans ∫on corps, qu'elle vomit plu∫ieurs fois très copieu∫ement. Le lendemain les gens qui s'étoient baignez avec elle, lui voyant le vi∫age, les mains, & les jambes à demi de∫enflées, l'encouragérent encore à boire & à ∫e baigner, & ayant continué ce manege quatre ou cinq jours elle les quitta, delivrée non ∫eulement de ∫on Ana∫arque mais au∫∫i de cette e∫pêce d'Hydropi∫ie de matrice qu'elle y avoit apporté. Cet exemple a ∫ervi en∫uite comme de pont pour y faire pa∫∫er plu∫ieurs per∫onnes incommodées de différentes maladies, qui ∫ans cela n'auroient jamais voulu les boire & ju∫ques à pré∫ent je n'en connois aucune qui ∫e ∫oit repentie de les avoir bûes. »
Dr W. Xhrouet, La connoissance des eaux minérales, 1714
Afin d’atteindre la température souhaitée par les baigneurs, une portion de l’eau de source était chauffée avant de l’incorporer à l’eau des bains.
« II attira d'abord quelques femmes crédules, & comme il vit qu'on ∫e plaignoit qu'ils n'étoient pas a∫∫ès chauds il y remédia en fai∫ant chauffer une partie de cette eau ∫ur le feu. Plu∫ieurs perfonnes y ayant trouvé du ∫oulagement, leur réputation s'e∫t tellement accrue ces derniéres années, que pré∫entement on y vient de tous côtez. »
Dr W. Xhrouet, La connoissance des eaux minérales, 1714
De son côté, le major de Chession avait bâti un hôtel afin d’héberger la clientèle des bains.
« Pour-lors les étrangers étoient obligez de ∫e loger dans la maison du proprietaire du lieu (Laurent de Chession), qui e∫t un gros bâtiment antique peu éloigné de la ∫ource, ou dans les forges voi∫ines. »
Dr J. F. Bresmal, Parallèle des eaux minérales,1721
Hôtel du major Laurent de Chession
Les Bains Sauveur s’étaient installés sur une île fréquemment submergée par la nécessité de la proximité de la source, et chacun comprend que le major de Chession n’y ait pas bâti son Hôtel! On pourrait cependant s’étonner de l’implantation d’un Hôtel en un lieu où l’espace entre la colline et le chenal du Gadot soit si exigu, et si peu propice à la réception de la clientèle. Il est probable que le major de Chession effectua quelques heureuses fouilles, et décida de bâtir son Hôtel sur la source dite du Gadot afin de s’en assurer l’exclusivité.
« j’avouerai que ce n'a pas été en creu∫ant les fondemens de la maison; mais bien en creu∫ant un puit »
Dr W. Xhrouet, Lettre écrite à un ami
Ce bâtiment avait également l’avantage de protéger la source des débordements de la Vesdre qui pouvaient s’élever jusqu’à 1m20.
« le puit du Gadot étoit tellement ∫itué que l'eau de la riviere y pouvoit entrer toutes les fois que les pluyes la fai∫oient gro∫∫ir »
Dr W. Xhrouet, Lettre écrite à un ami
La difficulté d’accès à Chaudfontaine lui avait conservé un aspect campagnard proche de Liège, et au delà de leur valeur curative, les Bains Sauveur devinrent un lieu de villégiature fort prisé des liégeois. Ils offraient, à quelques lieues de Liège le voyage en bateau pimenté des franchissements des barrages, le plaisir des bains, l’hygiène, la santé, le dépaysement de la campagne... ainsi que le plaisir des rencontres dans des allées boisées.
Dans son vallon désert, attendant l'avenir,
Chaudfontaine dormait; et sa source profonde
Fumait et jaillissait, mais inconnue au monde.
En la voyant fumer dans sa douce tiédeur,
Un pauvre paysan, nommé Simon Sauveur,
Se dit: « Par Saint Lambert, cette source excellente
Pourrait fort bien servir l'humanité souffrante;
Nous allons l'arranger, la soigner, la peigner;
Puis nous inviterons les gens à se baigner;
Et si quelque docteur veut nous prêter main forte,
La foule avant deux ans fera queue à la porte. »
Le pauvre paysan disait la vérité.
Il donna Chaudfontaine à la postérité,
Et lui mourut, hélas! dans sa triste indigence.
Mais si d'un siècle injuste il endura l'offense,
Si, marquant dans l'histoire un exemple nouveau,
La noire ingratitude a fermé son tombeau,
Si notre âge a lui-même oublié sa mémoire,
Au moins pour le venger, pour le remettre en gloire,
Nos vers lui resteront: honneur, toujours honneur
Au pauvre paysan, au bon Simon Sauveur!
Joseph Grandgagnage
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SECONDE EPOQUE
1713 - Le Grand Hôtel des Bains

1. L'avènement de l'Hôtel des bains
Le succès des Bains Sauveur ne manqua pas de faire des envieux parmi ceux qui estimaient pouvoir en tirer de meilleurs avantages, et l'on se prit à rêver de l’intégrer dans un parcours curatif entre Aix-la-Chapelle et Spa.
A cette fin, on eut recours à des méthodes pour le moins indélicates pour s’emparer de l’entreprise des Bains Sauveur.
En 1696, Simon Sauveur tenta de s’en défendre en s’adressant à Joseph-Clément de Bavière, prince de Liége, et en lui exposant que « le public jouissait, par son assiduité et ses soins, des Bains qu'il avait établis à grands frais sur un chemin Royal ». Sur ce simple allégué, Joseph-Clément lui donna par octroi du 19 juin 1696, sous une redevance de trois ou quatre chapons, la source qui lui fournissait l’eau pour ses Bains.
On peut s’étonner que Simon Sauveur s’en remîit à la juridiction du Prince Evêque de Liège sur un Chemin royal qui, pour lors, n’existait pas, et non à la Souveraine Justice de Liège dans une affaire où il jouissait de son plein de droit.
Mais on avait cru découvrir une antériorité du lieu au travers d’une charte du 2 mai 1250 mentionnant le nom de Chaueteau fontaine. La fille de Jean Remy le Godet, témoin le plus proche de l’affluence aux bains Sauveur, semblant oublier son nom, se nommait désormais de Chauxfontaine, épouse de Nicolas Chestret, greffier des échevins de la souveraine justice de Liège. Il en fallait de l’audace pour attacher à son nom le fond de commerce de son voisin, et l’on peut se demander si l’audace n’allait pas aller jusqu’à en réclamer la possession.
Joseph STEKKE a démontré que chaueteaul fontaine mentionné dans un acte du 2 mai 1250 était situé non loin de Jupille; chozfontaine en 1339 désignait l'hôpital Saint-Julien en Chocfontaine à Liège; et Choufontaine en 1390 s'appliquait à un lieu-dit de Vaux-sous-Chèvrement (3).
Il est peu probable que les Chanoines Tréfonciers, qui étaient en mesure de connaître précisément la mouvance des propriétés, n’aient pu identifier un lieu mentionné dans une charte seulement connue par une copie du XVIIe dont Joseph STEKKE va jusqu’à suspecter l'authenticité.
L’octroi permit à Simon Sauveur de disposer paisiblement de ses bains jusqu’en 1707.
A cette époque, on découvre dans un acte une première tentative de s’approprier les biens du Major de Chession via une action contre un certain « Théodore Lariveir », que l’on retrouve par la suite sous le nom de Théodore Sauveur, neveu de Simon Sauveur.
Cette tentative vise
- La propriété du major de Chession car pour obtenir l’octroi sur l’eau de Chaudfontaine, il était nécessaire d’obtenir la propriété du terrain où la source jaillissait.
- Théodore Larivier (Sauveur) dont on peut supposer qu’il venait de reprendre l’exploitation de son oncle Simon puisque l’on n’en connaissait pas encore précisément le nom. Simon Sauveur, qui avait exploité ses bains durant un trentaine d’année, avait 76 ans. Il était entendu que la source était bienfaisante, mais enfin… Il suffisait d’attendre. La reprise des bains Sauveur par Theodore, alors âgé de 36 ans, ne dut pas être étrangère à cette nouvelle tentative de captation des bains.
« Premières pièces pour voir à acquérir les biens de Chaudfontaine parmi 100 pistoles a donner à Monsieur l’avocat Chestret, (fils de Sophie Le Godet) qui cependant a obtenu une huitième parts dans l’entreprise des bains par accomodement comme voir par les pièces suivantes.
Sur remise tenue entre nous ce jour d’hui 20 février 1707 au sujet des biens de Chaudfontaine, les soussignés déclarent que convenir & tomber d’accord de la manière suivante savoir.
Que de l’avocat Chestret dictera en son nom une action de purgemens aux Srs. Renard & Moray pour voir apurgements des biens du Sr major de Chaudfontaine laquelle sera aux seuls frais risques et dépens du Sr Ghysen.
Que ledit Sr Ghysen indemnisera pareillement le Sr Chestret au regard de l’adjonction que celui ci fera au procès ventillians de la chambre des comptes entre lesdits Renard, Moray & Theodore Lariveir pour les Bains & Sources qu’il tient par subecsbrepsion… »
AEL: Chaudfontaine - Fond Echevins 12, fol. 1 - 1707
Cette tentative fut infructueuse, et il fallut attendre le décès du major Laurent de Chession en 1712, ainsi qu'une régence de la Cour des comptes en l’absence du Prince-Evêque Joseph-Clément de Bavière en 1713 (1694-1723) pour s’approprier l’entreprise des Bains Simon Sauveur.
Voici le déroulé de l’action
1. A la mort du Sr de Chession, la cour des comptes s’enquit des héritiers...
« Messeigneurs requièrent les Tréfonciers et Conseillers Abbé Dammay et de Schel de prendre les informations convenables des biens et héritages qui ont autrefois appartenus au major de Chaudfontaine. »
AEL Cour des compte 25 - mardi 31 maye 1712
2. La Chambre des Comptes relança l’action des avocats pour « apurgement » des biens des héritiers du major Laurent de Chession
« Soit donné a chacun des trois juris assumez dans l’affaire de Chaudfontaine contre Theodor Sauveur, demy souverain d’or a charges pour honoraires. »
AEL Cour des compte 25 - vendredi 22 juillet 1712
3. Renard et Moreau obtinrent le fond des héritiers de Chession, la prairie des Desaiway, à titre de saisine
« ... il at etes convenu et arestez que lesdits Srs Morau et consort cederons et transporterons comme ils cedeur & transporseur des a presens audis Srs avocas Chestret et a la ditte Demoiselle Ghysen pris acceptans, la prairie Desaiway située en lieu qu’on dit le godet entre ses limites et joindans, en telle sorte et maniere qu’il la possedeur a titre de saisine pour la posseder & manier libre & exempte de toutes rente »
AEL Echevins Chaudfontaine 12 - p. 1 verso - 11 janvier 1714
4. Renard et Moreau intentèrent une action visant à l’expulsion de Theodore Sauveur qui abouti le 20 décembre 1712.
« Les Srs Jean Morau & Bart: Renard si qu’? ? des dits biens auraient Justenté action pdt Messires de la Chambre des comptes pour la principaute de Liege contre le Sr Theodore Sauveur pour voir declare quitte et subreptice la cause que le Sr Simon Sauveur son oncle avait obtenu des Srs de la chambre des comptes une fontaine d’eau chaude prenant sa source comme dit est sur ladite prairie sur laquelle il aurait même fait construire une hutte de la permission de feu le major de Chaufontaine »
AEL Chaudfontaine Echevins 12 - fol. 9
« Messeigneurs ayants entendu la proposition du prelocuteur Amoré et de Theodor Sauveur et considerant le defaut du Sr Sauveur de donner par action a leur action du 20 xbre (décembre) dernier, ordonnent audit Amoré de reprendre au nom et d’autorité de cette Chambre la possession des bains et sources de Chaufontaine et des batiments existants dans le chemin où le dit Sourdon le prenne, pour de suite en être disposé au plus grand profit et utilité de la table Episcopale, ordonnant aussi a l’officier du lieu et a tous autres qu il appartient de prester la main a l’execution de la presente. »
AEL - Cour des comptes 25, fol. 299 - Mardi 25 avril 1713
5. Theodore Sauveur fut donc expulsé par la cour des comptes le 11 mai 1713, et il semble que l’on effectua quelques fouilles qui permirent de trouver la source-mère (Prince Albert).
« Messeigneurs ayants entendus le raport des conseillers deputez que le jour d’hier onsième du courant, le sindicque Amoré auroit repris possession du sourdon des Chau fontaine, et des batimens qui se trouvent dans le chemin qui est audit lieu, et fait migrer ensuitte le nommé Theodor Sauveur, et que les dits Conseillers deputez ont ordonné l’ouverture d’un petit bassin qui s’y trouve et par la découvert une très grande abondance d’eau chaude propre a servir a quantité de bains, dont il peut revenir un bien infini au publicque et de l’utilité a cette Chambre, mesdits seigneurs demeurant empres de leur reus? du 9 courant de ce mois, requerent et authorisent les memes conseillers de continuer leur soin, et ordonner ultérieurement tout ce qui serat le plus souhaitable et utile pour achever leur ouvrage pour retenir les eaux et fournir aux bains a construire avoit lieu. »
AEL Cour des compte 26, fol. 1 - Vendredi 12 May 1713
6. Le 26 mai 2013, Renard et Moreau obtinrent la 9e part des eaux, et la 9e part du profit des eaux avant de transmettre la prairie des Desaiway à Chestret & consort.
« ... comme quoy il y aurait entre les Srs precomparans & le Sr avocat Chestret des proces et difficultes au sujet du purgemens qu iceluy entendoit faire, des biens qui ont cy devant apartenu a feu le Sr Major de chaufontaine … la prairie des Desaiway située en lieu qu’on dit le godet entre ses limites et joindans, en telle sorte et maniere qu’ils la posséder a titre de saisine, pour posseder & manier libre & exempte de touttes rente parmy pour ledit Sr Avocat Chestret & laditte Demoiselle Ghysen associans lesdits Srs Renard et moreu comme ils associeur dez apresans dans la 9e parte des eaux chauds qui sour et se trouvereur dans ladite prairie & aux environs, & dans la 9e parte du profit qu’elle pourra cy après faire avec les dittes eaux. »
AEL Echevins Chaudfontaine 12 - p. 1 verso - 11 janvier 1714
7. Le 9 juin 1713, la Chambre des Comptes donne l’octroi à Jean-Remy Chestret, avocat, Arnold delechef, marchand, et Jacques-Laurent Ghysen, son gendre, après avis du Chapitre Cathédral.
« Les présidents & gens de la Chambre des Comptes pour sa Majesté Impériale dans la principauté de Liege savoir faisons a tous & un chacun que personnellement sont comparant à la Chambre des Comptes Jean Remy Chestret Avocat et Arnold Delechef marchand, beau pere de Jacques Laurent Ghysen, partie faisant tant pour soy même que pour iceluy ghysen associés proprietaires & possesseurs de la prairie ditte au godet lesquels pour fais valoir les eaux chaudes qui se retrouvent a Chaufontaine, et procures au pays les avantages qui résulterait immanquablement si on y construit des Bains beaux et commodes avec des batimens convenables embellis d’accès feuillus plantages réguliers & plaisants conformement aux intentions de cette Chambre, laquelle est déjà en terme de ces convenances, nous ont présentez de les faire construire a leur frais et mettre en perfection dans le terme de deux ans a commencer de la date de ce jour d’huy sur ladite prairie et terrain y contigu tous tels baings & bâtiment avec pierre & briques assortis des accès plantages & promenades, la où et ainsi que la chambre trouvera bon de leurs prescrire & de leurs en donner & agréé le dessein & model dans l’etendue des posessions des suppliants, encore bien qu’ils y deveroient employer 50 a 60 milles (Frans ?) bb. Item de paier annuellement pour vus reconnaissance au receveur de la principauté deux cens chapons de cens seigneuriaux privilegies et ce au cas & des si avant que la chambre veuille bien leur accordes et accenses le sourdon d’eau chaude que Simon Sauveur a eu maniez cy devant duquel Theodore Sauveur son neveu est pour le present adjugés par sentence de la chambre comme aussi ceux qui pourons se retrouver dans la predites prairie & terrain contigu pourveu que la chambre soutienne a ses frais les procès actuels et ? par Theodore Sauveur a raison de l’adjudication susmentionnee & ceux qui ce poura former en après pour la même raison, offrons en ? ? le dedomagemens qui sera juges convenable par la Chambre audit Sauveur (Theodore) ensuite de la sentence posée par la dite Chambre, voir qu’il ne pourra etre a leurs charge plus avant qu’a la somme de dix milles florins bb si la chambre trouve a propos de lui accorder une telle somme. La liberté de disposer d’une telle cette somme restante a la chambre tant pour le dit dedomagement que pour les frais que le dit Sauveur aura causez a la chambre sur lesquels offres & autres propositions faittes ayants délibérés & veu l’avis de chapitre cathedrale du 8 juin 1713 courant nous avons déclares comme déclarons par cette d’accepter les prédites offres et propositions et d’accorder en accense auxdits Chestret Derechef & associez les sourdons prementionés sous les clauses et conditions suivantes. » (S’ensuivent 7 conditions sur 2 pages)
AEL Chaudfontaine Echevins 12 - fol. 7 et suiv. - 9 juin 1713
8. Theodore fit appel, mais afin que nul n’ignore le caractère inopportun de la sentence, nous découvrons une tentative d’intimidation des Echevins de la Souveraine Justice de Liège...
« Comme le proces touchant Chaudfontaine doit être decidé Messieurs du Conseil Privé sont priés de faire venir quelques Eschevins audit Conseil et leurs remontrer la juridiction de la Chambre pour qu’ils ne fassent rien au préjudice des regaux d’Icelle. »
AEL Cour des comptes 26, f. 44 v - En Mardy 8 aoust 1713
Les Echevins ne se laissèrent cependant pas si facilement intimider. Ces faits semblent indiquer que de telles pratiques n’étaient pas courantes, puisqu’elles ont nécessité une convocation de quelques Echevins, et que ces derniers ont cependant jugé en faveur de Sauveur.
« Messeigneurs étants informez que les Eschevins de Liège auroient porté sentence dans la cause touchant Chaudfontaine en faveur de Sauveur sont d’avis qu’il convient d’en appeler ad Cauteleur et demander les motifs au plutost. »
AEL Cour Compte 26, fol. 76 v & fol. 77 r - En Mardy 5 xbre (décembre) 1713
9. Les plans furent agréés tant par le Chapitre Cathédral, que par la cour des comptes.
« Messeigneurs ayant veus le plan des batimens a faire au lieu de Chaudfontaine produit ce jourd’huy et l’aggreation du Chapitre Cathedrale declarent d’aggreer pareillement le dit plan pour être exécuté et être mis en perfection le plus tôt que faire se pourrat. »
AEL Cour des comptes 26, f. 76 v & f. 77 r - En Mardy 5 xbre (décembre) 1713
10. Le Grand Hôtel des Bains fut bâti en très peu de temps, en si peu de temps pourrait-on dire, que l’on est en droit de se demander s’il ne s’agissait pas de placer le prince Joseph-Clément de Bavière devant un fait accompli à son retour à Liège... ou pour le moins de présenter la chose comme telle.
« Voici la Figure du Bâtiment, auquel on travaille fans relâche, malgré la rigueur de l'hyver, afin que tout foit prêt au commencement du mois de Mai, tant pour y loger, que pour s'y baigner commodément. »
Dr Werner Xhrouet, La connoissance des eaux minérales
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Projet de l'Hotel des bains de Chaudfontaine
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Projet des Bains de Chaudfontaine
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11. La société des bains fut constituée le 26 février 1714
Répartition des parts
Jean Remy Chestret
Arnold del Schiff
Jacques Laurent Ghysen
Bart Renard
Jean Moreau
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1/8
1/8
4/8
1/8
1/8
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Theodore Sauveur refusa le 1/8e des parts de société qui lui fut proposé par le Chapitre Cathédral. On peut supposer que ce 1/8 lui était offert puisque nous avons vu dans l'octroi que le Chapitre Cathédral proposait de lui accorder 10 000 Florins bb moins les frais de procédures, ce qui doit correspondre au 1/8 de l'estimation des frais d'établissement des bains évalués à 60 000 frans (?) bb.
Simon Sauveur reçu, sur sa demande, 56 fb en 1713, et 10 écus en 1714.
« Messeigneurs ayant entendu la proposition et demande de Simon Sauveur, lui accordent par charite et sans consequences Cinquante six fb (florins brabants) une fois à lui donner par le Thresorier General de Prayon. »
AEL - Cour Compte 25
« Sur la requete Simon Sauveur, Messeigneurs ordonnent au Thresorier General de Prayon de lui donner dix escus et ce sans consequence n’entendant prejudicer en aucune manière aux droits de la Chambre. »
AEL - Cour Compte 26, f. 120 v - En Vendredy 2 mars 1714
12. On s’attela ensuite à la résolution du problème de l’accès à Chaudfontaine et à son embellissement
« Son excellence le chancellier et gens du Conseil imperial pour la principaute de Liege considérant que l’entreprise de Chaudfontaine apportera beaucoup d’utilité au pays et particulierement a cette cité, et qu’elle a été commencée après meure deliberation, et meme apres avis du chapitre de la cathédrale sont d’avis de requérir les bourguemaitres et conseil de la dite cité de concurir de leur coté a l’embellissement d’une chose qui serait si util au public, et de travailler a ce qui serat nécessaire tant pour faire un chemin commode et un accès facile avec les ponts convenables selon le plan qui en at été fait que pour l’embellissement dudit lieu, les autorisant en cas de besoin pour faire ce qui sera convenable au sujet du premis: fait au dit Conseil ce quatrième juin 1714 … »
AEL - Chaudfontaine Echevins 12 - fol. 12 v - 4 juin 1714
Laurent Ghysen établit un service régulier de barques couvertes.
« Sur la requete presentee par Jacques Laurent Ghisen au sujet de la necesite quil y est d’etablir des barques de Liege à Chaud fontaine pour le service publicque pendant la saison des bains, messeigneurs lui accordent la permission d’en établir deux decement couvertes, une desquelles partirent a six heures le matin et l’autre a une heure apres midy, parmy payant annuelement au proffit de la table Episcopale quattre Chapons de cens seigneuriaux en mains du Receveur aux nouvelles acquettes qui escadrons pour la première fois a la St Jean prochain dans un an. »
AEL - Cour Compte 26, fol. 120 v - En Vendredy 2 mars 1714
Ce service de barques faisant concurrence à celui des bateliers, les barques couvertes eurent le privilège exclusif des départs à horaire fixe, laissant aux autres la faculté de conduire les personnes deux heures après leur départ, et a toute heure lors du retour au matin ou le soir lorsque la barque couverte est partie. Ces retards semblent confirmer la liberté des chanoines de retenir les barques couvertes à leur guise telle que décrite dans « Les amusements des eaux de Spa ».
« Sur la remontrance des batteliers de l’eau de Vesre au suiet de la permission donnée aux accenseurs des eaux de chau fontaine en dacte du 2 mars dernier d’établir deux barques pour conduire les personnes qui souhaiteront de se rendre au lieu de Chau fontaine, Messeigneurs voulants favoriser les predits bateliers, declarent de circonduire comme par cette ils circonduisent la dite permission au regard au regarde de la barque qui devoit partir a une heure apres midy, parmy payans toustefois par lesdits accenseurs les quattre chapons repris dans la permission submentionnée, laisant aux memes batteliers la faculté de conduire sur leurs batteaux touttes personnes qui se presenteront pour aller a Chau fontaine, et cela deux heures après le départ de la premier barque qui deverat partir a sept heures du matin, comme aussi de ramener touttes personnes qui voudront se servir de leurs batteaux lors que le matin en descendant ils passeront par Chau fontaine ou le soir, après la barque partie et venant point. »
AEL - Cour Compte 26, fol. 161 r - En Vendredy 8 juin 1714
Le voyage en bateau est illustré dans un opéra burlesque en 3 actes en wallon liégeois « Li voiège di Tchôfontinne » sur une composition musicale de Jihan-Noë Hamal, Maiss' di Chapelle dè l'Cathedrale St Lambiet à Lîge, et des paroles de S. de Harlez, de Vivario, de Cartier, et Fabry. Il fut exécuté la première fois en 1757.
Li bagne est prett; jans, mes èfants!
Por mi, ji so déjà d'grappée;
Ji'a d'fait m'corsulet à crèvée,
Cà, tapans là cotte et jipon,
El cmincans l'bouwée sains savon.
Oh, louk! ouss qui volà Marèie
Ji creus, so mi’ám', qui ciss' gobèie.
Po wagni temps,
Bac et tot, est moussée divains.
Souch! souch! èie, qu'il fait bon!
Habèie, Adile, habèie, Tonton;
A vraie, ji creus d'ess' on pèhon.
Jî a tant d'bin cial, qui ji n'veus gotte:
Ji sins, so m'foi, qui j' tresseill' totte.
Li voiège di Tchôfontinne
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Le bain est prêt; allons, mes enfants!
Pour moi, je suis déjà dégraffée;
J'ai défait mon corset à crevé.
Cà, jetons là cotte et jupon,
Et commençons la lessive sans savon,
Oh, regarde! où voilà Marie!
Je crois, sur mon âme, que cette guénille
Pour gagner du temps;
Hardes et tout, est entrée dedans.
Souch! souch! Ah, qu'il fait bon!
Vite, Odile; vite, Catherine;
Au vrai, je crois être un poisson.
J'ai tant de bien ici, que je ne vois goutte:
Je sens, sur ma foi, que je tressaille toute.
Traduction de Joseph Grandgagnage
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Nous avons vu ci-dessus que le tracé de la route, menant de chênée à Chaudfontaine, avait été établi dès le 4 juin 1714. Il passait par la rive gauche de la Vesdre qui léchait les collines en de nombreux endroits. Le travail de la taille des roches des bases de collines fut fastidieux, et ce n’est qu’en 1779 que la route fut ouverte à la circulation.
C’était une route poussiéreuse en été mais « quand il pleut, les roues plongent jusqu'aux essieux, et les chevaux jusqu'au ventre, dans une boue liquide et blanchâtre. Boue ou poussière, il n'y a pas de milieu. J'ai vu des voitures stationnant aux relais et où chevaux, conducteurs, malles et voyageurs, ressemblaient au Gille de la foire, après qu'Arlequin lui a versé sur la tête un sac de farine. » (7).
On comprend aisément pourquoi les curistes vinrent par la route, mais, au sortir des bains, préférèrent rentrer par la barque et apprécier les sensations des franchissement des digues de la Vesdre.
2. Les eaux de source
L’Hôtel des Bains fut construit sur la source Sauveur (sous la tour amont de la Vesdre). Celle-ci fut probablement utilisée durant les premières saisons car la première pierre du bâtiment destiné a exploiter la source mère mise à jour lors de l’expulsion de Theodore Sauveur fut posée fin avril 1714.
« Soit payé par le Thresorier General Six fl(orin)s en metant la premier piere du bassin de chau fontaine. »
AEL Cour des comptes 26, f. 139 v - En Mardy 17 avril 1714
Ce bâtiment fut pourvu de pompes Renkin Sualem actionnées par une roue de 30 pieds de haut (VanderMaelen) sur chenal du Gadot. On reconnaît ce bâtiment aux croupes de toiture semblables à celles du Grand Hôtel des Bains.
« Ces Bains reçoivent les Eaux de la ∫ource chaude, par le moyen de quatre gro∫∫es pompes, qu'une roue actionée de l'eau d'un bras de la riviere fait agir ∫ans ce∫∫e, avec des balanciers, à la façon de ces machines que l'on employe à Marly pour les Fontaines de Versailles, & de celles dont on ∫e ∫ert pour vuider les eaux qui noient les minieres: ce qui fait qu'on peut entretenir les eaux des Bains dans un même degré de chaleur pour y re∫ter au∫∫i long-temps qu'il e∫t nece∫∫aire; & que l'on a de plus l'avantage & l'agrément de renouveller les Bains, ∫i on le ∫ouhaite; parce que les eaux y découlent ∫ans di∫continuer un moment. »
Dr J. F. Bresmal, Parallèle des eaux minérales,1721
Ce bâtiment dut être achevé pour la saison 2017 car nous découvrons une demande d'achat d’une servitude de passage sur le chemin contigu à l’Hotel des Bains par lequel les conduites d'eau chaude devaient passer pour alimenter les bains.
L'achat de cette servitude de passage semble indiquer que les nouveaux propriétéaires du fond avaient vendu une portion du terrain, probablement celle recelant la source-mère car il était impératif pour les chanoines de s'assurer la fidélité de Chestret et consort. Le retard dans l'édification du bâtiment hébergeant cette source semble confirmer cette hypothèse.
« Sur la requeste des Entrepreneurs des Bains de Chaudfontaine Suppliant pour l’agreation et confirmation de l’acquisition qu’ils ont fait d’un droit de passage sur un héribage contigue a la prairie des Baings. S.A.S.E. Depute son Conseiller le Treffoncier de Charneux pour visiter l’endroit mentionné, prendre les informations convenables a l’egard de la demande des Suppliants et en faire raport. »
Cour Compte 27, f. 187 V - Le 4 May 1717
En 1717, les bourgmestres de Liège firent édifier un Perron à Chaudfontaine pour un montant de 800 Fl (6). Celui-ci était destiné à affirmer la juridiction de la cité sur les eaux de Chaudfontaine, et de fournir les eaux de source en boissons aux curistes. Ce fait tend à confirmer les propos de Joseph Grandgagnage qui déclarait que l’eau coulait autrefois de la bouche de deux lions. Les lions pouvaient toutefois n’être que des têtes de lions comme elles apparaitrons sur les Belles-fontaines, et non des lions supportant le perron.
« Les Magistrats de cette année (Gilles de Stier - Hubert du Château), non contens d’avoir donné les soins, dont il est fait mention, pendant tout le cours de leur Con∫ulat, pour l'embellissement de notre Cité, n'oublierent pas les Eaux de Chaud-Fontaine, qui sont aux environs d'une lieuë & demi de cette Cité dans sa Banlieuë, & qui continuent de produire des effets tres-avantageux aux personnes affligées de diver∫es maladies. Ils trouverent bon de faire dresser un Perron en cet endroit, tant pour marquer la jurisdiction de la Cité, que pour di∫tribuer les eaux aux personnes qui s'en servent en boisson par ordonnance des Medecins. »
Recueil héraldique des bourguemestres de la cité de Liège, p. 564
L'exploitation de l'Hotel des Bains pouvait dès lors véritablement commencer.
Mais le 13 novembre 1711, un an avant son décès, le major de Chession avait obtenu l’approbation du Collège des Médecins de Liège sur la nature bénéfique de la source du Gadot.
« Approbation de la Fontaine tiede nommée vulgairement Gadot, ∫ituée dans le Vallon de Chaud-fontaine, donnée le 13. Novembre de l'An 1711. par les Prefect Medecins compo∫ans le College de Liege, ∫pecialement convoqués au lieu ordinaire, à la requête du S. de Che∫sion, Capitaine de Beaufays.
Nous Préfet & Medecins compo∫ans le College de Liege, vu? le raport des Burdo & Bro∫mal ∫pecialement deputés à la vi∫ite de cette Fontaine nouvellement decouverte, les experiences réiterées en nôtre pre∫ence, & celles que nous y avons adjoutées pour un entier éclairci∫sement. Declarons que cette fource e∫t impregnée du ∫oufre & du Mars, & par con∫equent très utile au public. Premierement pour debara∫ser par la boi∫son de ces eaux les premieres voyes, retablir les levains viciés, corriger l'acrimonie des humeurs, ôter les ob∫tructions des vi∫ceres, & guerir plu∫ieurs maladies de la poitrine. Secondement, nous jugeons ces eaux propres à faire des Bains pour diver∫es maladies de l'exterieur. En foy de quoy avons ordonné à nôtre Greffier d'enregistrer la pre∫ente Approbation, & d'en donner copie au dit Sieur de Che∫ion, & d'y appo∫er nôtre ∫eel ordinaire. »
Lieu (†) du Séel
A. Anraet, Greffier du College de la Medecine
Ces eaux à peine dégourdies ne pouvaient être utilisées en l’état. L’Hôtel de Chession avait été investissement qui nécessitait une rentabilité, et comme Sauveur avant eux, les héritiers chauffèrent les eaux, et firent concurrence à l’Hôtel des bains allant jusqu’à tenter de publier de la publicité comparative.
« Sur information donnée que des particuliers seraient d’intention de faire des manifestes au sujet des eaux de Chaudfontaine et de celles au Gadot a effect de faire valoir les unes plus que les autres ce qui ne peut produire que des animosités entre les parties interessees et d’autres inconvénients, Messeigneurs requierent le conseil Privé de défendre a tous et a chacun de faire ou debiter aucun manifeste ny livres concernant les dittes eaux sans préalables aggreation et approbation du dit conseil. »
f. 172 v - En Vendredy 20 juillette 1714
« Messeigneurs étants informez qu’il y auroit un livre nouveau imprimé préjudiciable aux bains de Chaudfontaine requièrent le Conseil Privé de prier les ordres nécessaires pour en empêcher le débit jusqu’a ce que l’on eust connu de son contenu. »
f. 183 r - En Mardy 9 8bre (octobre) 1714
Et ce qui devait arriver, arriva! Sur la requête de Laurent Ghysen, la chambre des comptes interdit l’exploitation des bains du Gadot aux héritiers de Chession au prétexte que leur eaux avaient les mêmes qualités que celles de l’Ourthe!!! De l’Ourthe et non de la Vesdre, dont le Gadot est un bief, reniant par là, l’avis du Collège des médecins donné 3 ans plus tôt.
« Messeigneurs ayants entendus le rapport des conseillers leurs députez qui ont conféré avec les députez du Chapitre Cathedrale sur l’affaire de Chaudfontaine et le mémoire présente par Laurent Ghisen et associés sont d’avis que les bains du capitaine de Chession et consort faits d’eau froide et chauffée sont entièrement contraires et détruisent l’intention que l’on a eu d’establir et mettre en vogue les bains d’eau chaude qui se trouvent dans le dit lieu pour le plus grand bien et avantage de cette cité et pays et du publiques, et attendu que dans sa visite faite en présence des médecins députez du chapitre cathédrale et du conseil impérial, il a resté reconnu que cette fontaine de Chession ou Gadot est tout froide et que l’eau de la rivière d’Ourthe avait les memes qualités de souffre et mines que cette fontaine, lesdits seigneurs sont d’avis pour ne pas détruire l’intention susdite de la chambre que ces bains d’eau froide soient défendus et qu’on désintéresse raisonnablement les possesseurs de ces maisons et bains. »
AEL Cour des compte 26, f. 191 r - En Mardy 6 9bre (novembre) 1714
Mais le public dû se plaindre de la tiédeur des bains et l’on dû probablement se résoudre à chauffer l’eau du Grand Hôtel des bains car en 1721, l'exploitation de la source de l’Hôtel de Chession semble reprendre ses activités sous le nom de Bains du Gadot dans le dialogue 6 du Dr Bresmal.
«
D. Pourquoi appelle-t'on ces Bains Gadot?
R. Parce qu'ils font fituez dans un endroit appellé vulgairement de ce nom.
D. Y a t'il beaucoup de Bains?
R. Il y en a plufieurs, des grands & des petits, bâtis affez commodément, & des logemens propres pour la commodité de ceux qui vont s'y baigner. »
Dr J. F. Bresmal, Parallèle des eaux minérales,1721
Mais il fallait encore que la température satisfasse aux désirs de chacun, et nous découvrons via Margareth Calderwood qu’en 1756 « l’eau est pompée dans des pompes en plomb, si chaude qu'il faut la mélanger à de l'eau froide avant de pouvoir l'utiliser » (7)
Mais d’où provenait cette EAU FROIDE ????
On peut supposer que les gestionnaires des bains canalisèrent une source s’écoulant de la colline, et bâtirent un réservoir pour en disposer à leur guise. Mais l’on n’arrête pas une source sous peine de la voir prendre un autre chemin, et le trop plein du réservoir dut être évacué, probablement via la fontaine datée de 1744 située au pied des Belles fontaines.


Cette fontaine incita la cité de Liège d’établir le monument des Belles-Fontaines achevé trois ans plus tard.
On pourrait s’étonner du curieux cadrage des Belles-Fontaines dans la gravure qui les représente. Elles semblent en retrait par rapport à une pierre posée sur le sol, elle-même surélevée sur deux autres pierres à la manière des bassins du monument. Ce ne peut être une marche d’accès à ce qui pourrait être un sentier puisqu'elle est surélevée. Ce fut probablement le bassin primitif, recueillant les eaux de deux écoulements, qui initia le captage de l’Hotel des bains.
Cette hypothèse semble confirmée par un différent intervenu entre la cité de Liège, et l’Hotel des bains. La cité de Liège avait réalisé un important investissement dans son monument, et entendait en assurer l’accès au public. Mais il était impératif pour l’Hôtel des bains de se réserver l'exclusivité de la liaison depuis les belles fontaines jusqu’à la Maison-Blanche, et de là, au chemin qui alimentait les bains en eau chaude... et froide.
Cette Maison Blanche hébergeait le responsable de l’entretien, et probablement de la gestion de l’eau. Si ce dernier était indispensable à une utilisation commerciale de l'eau, il l'était beaucoup moins aux belles fontaines.
Le Chapitre cathédral avait rêvé de préserver les seules eaux naturellement chaudes de Belgique, mais comme Sauveur, comme les héritiers de Chession, ils durent se résoudre à les chauffer. En premier lieu pour le confort de la clientèle, mais également par la nécessité de rentabiliser leur investissement en augmentant artificiellement le débit de la source par l’addition d’eau froide.
Aspirant au meilleur, les chanoines durent se résoudre à détériorer les propriétés curatives de l’eau.
L’Hotel de Bain utilisait une base thermale chauffée, donc dénaturée, qu’il refroidissait par l’ajout d’une portion d’eau minérale. L’eau était collectée à l’aide de grosses pompes.
L’eau était distribuée par des tuyaux en plomb.
Simon Sauveur utilisait une base d’eau thermale préservée, à laquelle il ajoutait une portion d’eau thermale chauffée, donc dénaturée.
Il collectait l’eau à l’aide d’une petite pompe.
L’eau était servie par du personnel oeuvrant pour un bien nommé Sauveur.
On découvre dans une publication du Touring Club de 1923 que l’on eut recours à un sourcier pour détecter de nouvelles sources, en estimer la quantité d'eau, la direction du courant, et sa profondeur. Le plus puissant traversait par 10 mètres de fond le parc de l'hôtel des bains.
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Pavillon Fourmarier
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Intérieur du Pavillon Fourmarier
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La profondeur de 10 mètres fut longtemps la limite de pompage, et ce n’est qu’en 1962 qu’il fut exploité avec l’édification du pavillon dédié au professeur Fourmarier. Cette même année, la socité Piedboeuf avait acquis la mise en bouteille de l'eau de source. Aujourd'hui, il est probable que la pompe trop ancienne à été remplacée par deux plus petites dont l'une se situe probablement sous une oeuvre fort judicieusement nommée " la source ".
Le témoignage de Margareth Calderwood en 1756.
« Nous partîmes le 20 septembre sur deux carrioles et arrivâmes à un endroit appelé Chode-Fountain, à trois milles de Liège: nous avions l'intention de prendre le bateau de là, et de descendre la rivière jusqu'à Liège, mais comme la nuit était froide, nous restâmes là. L'endroit doit son nom aux bains chauds, qui sont très fréquentés; l'eau est pompée dans des pompes en plomb, si chaude qu'il faut la mélanger à de l'eau froide avant de pouvoir l'utiliser. Il y a toute une série de bains, tous dans de petits cabinets, très bien aménagés, avec des tuyaux d'eau chaude ou froide selon votre choix, et vous avez le bain comme poêle, et un feu pour vous habiller.
Cet endroit est la chose la plus jolie et la plus romantique que j'aie jamais vue; tout le long de la rivière, sur une bonne distance, les rives sont si proches qu'il n'y a qu'une route en contrebas d'un côté; mais en ce lieu, les rives d'une hauteur d'un acre de terre se jettent de tous côtés comme en demi-cercle, de chaque côté de la rivière. Il y a d’un côté une grande et bonne maison avec les bains, et d'autres maisons, telles que des écuries, etc.; de l'autre, qui forme une cour, un jardin derrière la maison, et la petite hauteur de l'autre côté devant les rives, qui monte très fort tout autour, couverte de bois.
Ce lieu appartient à un homme des environs de Liège, qui le loue, et il sert de taverne, et la meilleure que j'aie jamais vue. Les Liégeois proches l'occupent, y dînent, ou restent quelque temps pour les bains. J'ai pris le bénéfice d'un bain, et j'ai trouvé cela très agréable. C'est près d'ici que sont fabriqués tous les canons, et il y a plusieurs moulins à fer pour les battre. Il y a des promenades coupées dans le bois, et j'ai pensé qu'on pourrait y passer deux ou trois semaines très agréablement. Les bois sont très jolis, rien de maigre, et il n'y avait pas une seule feuille décolorée à cette époque.
Nous avions traversé une région froide et marécageuse, et très lentement, où notre cocher marchait à pied, et nous avions très faim. Il était quatre heures, et nous sommes allés directement à la cuisine, où tout le monde était assis à prendre le thé, un certain nombre de personnes bizarres, comme des bateliers et des porteurs, car chaque mortel boit du thé. La viande de toutes sortes était prête à être préparée, et nous avons dîné si tôt, comme si cela avait été fait par la vertu d’un tour de passe-passe. Nous avons eu, le lendemain, une voiture de Liège, et la route, comme je vous l'ai écrit, n'était qu'un verger continu ou une houblonnière, et des champs d’eau bleue. »
Letters and journals of Mrs. Calderwood of Polton from England, Holland and the Low Countries in 1756
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Le village de Chaudfontaine en1734
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Le village de Chaudfontaine en 1762 - A Leloup
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Le village de Chaudfontaine en 1824 - Madou
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Le village de Chaudfontaine en 1829 - Ponsart
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TROISIEME EPOQUE
1842 - L'Hotel des Bains de Chaudfontaine

En 1842, l’exploitation de la source lui avait fait gagner quelques degrés, et il semble que l’on soit revenu à l’utilisation des bains chauds sans apport de chaleur artificielle.
Pour ce faire, les deux ailes latérales des bains furent abattues, et rebâties contigües aux premières de manière à agrandir l’espace de la cour centrale. Les deux tour latérales arrières dégagées furent percées de fenêtres et de portes avec de petites terrasses à l’&tage. Les tours à front de Vesdre furent supprimées, découvrant la source Sauveur.
Un petit bassin d’eau de thermale fut établit au milieu de la cour.
Selon le témoignage du Dr Lee, les bains furent conçu de manière à laisser l’eau chaude entrer à flux continu, en s’échappant par un trop plein afin d’en conserver la température. Il semble que Thomas Madden qui nous rapporte ce fait n’en a pas assimilé le fonctionnement car on se demande en effet comment un vanne de trop plein pourrait vider complètement un bain.
« Le Dr. Lee dit que la quantité d'eau fournie est si grande que l'on peut laisser la vanne de trop-plein ouverte, et ainsi assurer un courant constant de la même température. En conséquence, je l'ai fait, mais en quelques instants, je me suis retrouvé bloqué dans le bain vide, comme un poisson hors de l'eau, le tuyau d'échappement étant beaucoup plus grand que celui pour l'entrée de l'eau.
…
Le prix des bains à Chaudfontaine, par rapport aux bains allemands et français, est extrêmement modéré; ainsi
Un bain simple
Un bain simple avec du linge
Un simple bain de première classe
Une douzaine de billets, idem
Un bain froid
Douche
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75 centimes
75 centimes
1 fr 50 centimes
15 fr
1 fr 50 centimes
2 fr |
»
Madden, The Spas and their use, 1874
Le pont reliant l'Hotel des bains à la gare
Le Kursaal (salle de Cure) sur le site de l'actuel Casino
QUATRIEME EPOQUE
1922 - La société THERMALE-CHAUDFONTAINE

En 1914, la guerre porta à Chaudfontaine un coup funeste. Le bel établissement fut saccagé et pillé par l'envahisseur et resta abandonné. Ce n'est que quelques années après la guerre que la famille Canter entreprit de relever les ruines de l'établissement.
On notera qu'une terrasse Bain de soleil semble avoir remplacé la toiture de l'aile centrale. Un balcon traverse agréablement l'ensemble de la façade, et dispense un peu d'ombre dans les chaleurs de l'été au travers d'une agréable colonnade.
La source Sauveur a été mise en valeur par un petit pavillon rappelant ceux de Spa, et dispense l'eau de sa source chaude aux curistes.
La source thermale était gérée par la « Société Anonyme Eau Minérale Thermale Chaudfontaine », dont la parfaite organisation fit connaitre au loin la réelle valeur de ses bains et la qualité exceptionnelle des eaux embouteillées selon les procédés les plus modernes et les plus hygiéniques.
A cette époque, le Professeur Eugène Prost découvrit la nature radioactive des eaux de Chaudfontaine qui est probablement à l'origine de ses qualités énergétiques bienfaisantes. Ces qualités ne perdurent malheureusement pas au delà de quelques jours.

Le Kursaal (salle de Cure)
1951 à 1987 - L'Hotel des Bains de Chaudfontaine
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(1) van der MAELEN, Dictionnaire gÉographique de la province de Liège, 1831
(2) de Harenne, Le Château de La Rochette, 1891
(3) Joseph STEKKE, Histoire de Chaudfontaine, 1957
(4) Les Chession, des chevaliers delle Roche aux brasseurs de Beaufays, mémoire de Bruno Magermans (1999-2000)
(5) Joseph STEKKE, Les origines de Chaudfontaine, dans Bulletin de la Société d’Art et d’Histoire du Diocèse de Liège, t. XXXV (1949), p. 77-87.
(6) Extrait des dépenses de la Cité, Bial 7, p. 395
(7) Letters and journals of Mrs. Calderwood of Polton from England, Holland and the Low Countries in 1756
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