Le château de la Rochette, situé dans un des plus beaux sites de la vallée de la Vesdre, sur la rive droite de cette rivière, entre Chaudfontaine et Prayon, et sur le territoire de la première de ces deux cominunes, est bâti au sommet d'une roche, ce qui nous dispense de rechercher l'étymologie de son nom. Sa construction du siècle dernier se compose d'un vaste bâtiment, flanqué de deux ailes en saillie du côté du couchant et dont la façade principale est surmontée d'un fronton.
Le rocher sur lequel il s'élève, escarpé et à nu au levant, est revêtu de maçonnerie au midi, où il est côtoyé par la route de la Vesdre; vers le couchant, une pente douce mène au parc; enfin, vers le nord, se trouvent les dépendances. Un chemin carrossable relie la terrasse du château à la route de Romsée, en passant sous la voûte d'une porte de style ogival construite depuis quelques années seulement.
Primitivement, et peut-être encore à l'époque où ce château appartenait à la famille de la Roche ou delle Roche, à laquelle il donna son nom, il ne se composait sans doute que d'un donjon, avec quelques dépendances; mais , au XVIe et au XVIIe siècles, ses propriétaires augmentèrent considérablement les constructions, au point d'en faire une forteresse d'une certaine importance.
L'énorme bloc de grès qui servait de base à l'édifice était alors complètement isolé; il ne devait y avoir d'accès que vers le nord-est, par un pont-levis. La situation au point de vue stratégique, était certes bien choisie, surtout si nous nous reportons aux premiers temps de la féodalité. Au siècle dernier, le sommet de cette roche fut en partie nivelé pour donner à la nouvelle demeure seigneuriale plus d'espace, et il est à supposer que les déblais provenant de ce nivellement servirent à combler le vide qui se trouvait au couchant et à former ainsi l'avenue en pente douce dont nous parlions plus haut.
Jusqu'au quinzième siècle inclusivement, le château porta le nom de « delle Roche »; ce n'est qu'à partir du seizième que nous voyons apparaître la dénomination de « la Rochette ».
Dans le château actuel on retrouve une partie des anciennes constructions; le donjon, entre autres, est très reconnaissable: il forme la partie du bâtiment principal vers la Vesdre, à laquelle est accolée l'une des deux ailes. Les murailles de ce vieux souvenir du moyen-âge mesurent deux mètres d'épaisseur au rez-de-chaussée. On retrouve au grenier, vers l'ouest, l'embrasure d'une fenêtre transformée en porte: cette ouverture n'a jamais été garnie de chassis,l es vitres étaient fixées dans une rainure de la pierre; à cette hauteur, ces murailles mesurent encore plus d'un mètre d'épaisseur. C'est, certainement, le plus ancien vestige du château primitif.
Quoi qu'en disent Bovy (1) et Del Vaux (2), le château de la Rochette ne fut jamais une forteresse d'État; si sa situation a pu lui donner quelque importance au moyen-âge, à partir du jour où l'usage de la poudre à canon fut devenu général, l'escarpement de la roche sur laquelle il était bâti pouvait tout au plus le mettre à l'abri d'un coup de main.
Jusqu'au milieu du XVIIe siècle, il fut habité par ses seigneurs; mais depuis cette époque, les vieilles constructions, avec leur aspect guerrier et rustique, ne répondant plus aux besoins de confort et de luxe de ses propriétaires, furent entièrement délaissées par eux et affectées au logement d'un intendant.
Pendant quelque temps même, un de sesseigneurs, sans respect pour l'âge et la noblesse de ce vieux manoir, s'associa avec son receveur pour y ériger une verrerie, qui couvrit de ses fumées les toits surmontés encore de la girouette à l'aigle impériale, monument de la sauvegarde d'un empereur, comme nous le verrons plus loin.
L'industrie verrière, bien que en grand honneur à cette époque, devait enlever au vieux castel son caractère, en le ravalant au rang des usines de la vallée.
Quelques années après, le comte d'Arberg vint habiter la Rochette et fit transformer le château-fort en château de plaisance; depuis lors, sa destinée n'a plus changé (3).
Jadis , la Vesdre arrivait presque au pied d u château, où elle formait un coude et un gouffre appelé le «bouillon ». Lors de l'établissement du chemin de fer, son lit fut rectifié tel que nous le voyons actuellement.
La rivière formait alors la grande voie de communication entre la Rochette et les autres localités, tant en amont qu'en aval. Il existait bien un chemin qui serpentait au milieu des prés et des marécages, mais les méandres de la Vesdre resserrée entre deux montagnes, l'obligeaient à se trouver tantôt à droite, tantôt à gauche de son lit (4). On devait passer la rivière à gué ou en barque parfois même, le chemin grimpait dans la côte, pour éviter un passage dangereux, et redescendait plus loin dans la vallée, fatiguant le voyageur par ses détours, que compensaient cependant, dans une certaine mesure, les horizons toujours nouveaux qui se déroulaient à ses yeux.
Si nous nous reportons au temps où la Vesdre claire et limpide était navigable, où ses bords verdoyants ne connaissaient pas encore la fumée des usines, nous pourrions, sans crainte d'être démenti, dire que cette vallée comptait parmi les plus belles et les plus pittoresques. Mais, depuis lors, quels changements! Les Fagnes, cette vaste éponge qui peu à peu laissait couler l'eau qu'elle avait absorbée en hiver, et alimentait ainsi d'un courant à peu près égal les affluents de la Vesdre; les Fagnes furent drainées en grande partie. De grands fossés desséchèrent des étendues immenses et permirent ainsi d'utiliser, en plantations, des milliers d'hectares absolument perdus auparavant. Il en résulta qu'à la fonte des neiges, les affluents de la Vesdre se changèrent en torrents qui venaient grossir outre mesure la rivière, la forcer à sortir de son lit et à ravager les campagnes environnantes; tandis qu'en été, ils n'avaient plus qu'un filet d'eau à lui donner.
Ajoutons l'industrie verviétoise, toujours croissante, avec ses milliers de chevaux -vapeur, absorbant sur tout le parcours de la Vesdre l'eau qu'elle change en fumée; les lavoirs de laine et les teintureries, autres consommateurs, rendant au lit de la rivière une partie de cette eau malheureusement changée en boue liquide, et qui sur un parcours de quatre à cinq lieues, en infecte les rives.
Le barrage de la Gileppe construit pour mettre l'industrie verviétoise à l'abri de la sécheresse, ne modifie en rien la pureté de la Vesdre, en aval de Verviers; loin de là, nous la voyons chaque année tendre de plus en plus à changer son nom de rivière en celui d'égout.
On ne peut s'empêcher de regretter l'onde claire et limpide, poissonneuse et navigable, que nos pères ont connue. Tout cela n'est plus, et ne sera jamais plus qu'un souvenir!
Nous n'avons trouvé aucune gravure, aucune description convenable, qui puisse donner une idée exacte des constructions antérieures à celles du château actuel de la Rochette.
Au XVIIe siècle, il se composait entre autres bâtiments, du donjon, construction primitive placée à l'ouest du rocher vers la rivière; de la tour dite de Brabant, qui servait de corps de garde et se trouvait près de l'entrée du château; du corps de logis occupé par les seigneurs, dont une partie, qui venait d'être construite, conserva le nom de « neubeaume » de l'allemand « neue bauen », et avait une porte surmontée des armoiries de Ruys- chenbergh et de Plettenberg, avec la date 1616; de la chapelle, des écuries et autres dépendances, y compris un cachot dans lequel se trouvaient « seps de bois, chaisnes et ferrailles, et aussy aultres instruments servant pour donner la torture et gehenne aux malfaiteurs ». Indépendamment de l'entrée principale du château, il existait encore une petite porte donnant communication avec la basse-cour.
En dessous du rocher, d'un côté de la porte d'entrée, on voyait le moulin banal, dont la roue était mise en mouvement par l'eau du ruisseau descendant de Géloury, et, de l'autre côté, se trouvaient la brassine » et les bâtiments de la ferme dite « d'embas », dont les murailles baignaient dans l'eau de deux étangs étagés, destinés non-seulement à activer le moulin en cas de sécheresse et à fournir une abondante provision de truites aux seigneurs, mais encore à isoler le château de ce côté le plus accessible. Ces étangs furent desséchés vers la fin du XVIIe siècle, par le sieur Lambotte, alors receveur du comte d'Arberg, pour en faire un jardin et une prairie à son usage.
Un passage d'eau existait à proximité du château (la maison du passeur est encore debout), d'où un chemin se rendait dans la vallée de Géloury.
Au pied du rocher, où passent maintenant la route, la rivière et lechemin de fer, se trouvaient le jardin et une prairie, bornés par le coude que formait la Vesdre (5).
Il est difficile de préciser l'époque de la construction de la Rochette, mais, en rapprochant certains faits, il nous est permis de supposer que cette construction, si elle n'existait pas lors de la prise et de la destruction du chateau de Chèvremont, en 986, les a suivies de près.
La forteresse de Chèvremont, qui renfermait dans son enceinte un monastère fondé, dit on, par Pépin d'Herstal, constituait une véritable seigneurie, comprenant une quantité de villages, qu'elle tenait de la générosité de différents souverains (6).
Or, en 972, l'empereur Othon, par acte daté de Pavie, fit donation du monastère, avec tous ses biens et dépendances, qu'il érigea en alleu, à l'église de Notre-Dame d'Aix-la- Chapelle; le chapitre de cette église devait en percevoir les revenus et en nommer le chef (7). Quatorze ans plus tard cette forteresse, que l'on croyait imprenable, fut détruite de fond en comble. Le monastère lui-même ne fut pas épargné.
Le chapitre de Notre-Dame d'Aix se trouvant donc en possession du domaine de Chèvremont, dut constituer un avoué pour veiller à ses intérêts, et comme au XIIIe siècle cet avoué était Franck delle Roche, seigneur de la Rochette, et que cette charge était héréditaire dans sa famille, on peut supposer qu'il n'en fut pas le premier titulaire. Le chapitre de Notre-Dame n'aurait pas attendu jusqu'à cette époque pour remettre en mains fermes le soin de faire respecter ses intérêts et ses droits seigneuriaux.
Il est vrai que l'avouerie a pu être l'apanage d'une autre famille avant le XIIIe siècle, mais il est aussi permis de supposer le contraire et, dans ce cas, l'hypothèse de l'existence du château de la Rochette lors de la donation de l'empereur Othon, ne serait pas trop hasardée.
Le domaine de Chèvreinont prit la dénomination de «vouerie de Notre-Dame » ou « vouerie de Fléron »,du village qui fut le chef-lieu de sa juridiction.
La seigneurie de la Rochette était un fief dépendant et relevant du comté de Dalhem. Elle ne comprenait, outre le château et ses dépendances, que cent et vingt-quatre bonniers, sans village ni hameau, et sans juridiction, comme nous le verrons plus loin.
Les seigneurs de la Rochette acquirent surtout une certaine importance par la charge d'avoué de Fléron, dont ils furent investis depuis les temps les plus reculés. Ils y joignirent, par succession de Frédéric de Withem au XVe siècle, celle de maréchal héréditaire du duché de Limbourg, qui restera en possession de ses héritiers et des différentes familles qui se succéderont à la Rochette, jusqu'à la Révolution française.
La Rochette formait avec l'avouerie de Fléron une enclave dans le pays de Liége. Elle relevait des comtes de Dalhem; mais en 1243, le comte Thierry de Hostade, ayant vendu au duc de Brabant le château de Dalhem qu'il tenait de lui en fief et lui ayant également transporté les biens appartenant au dit château et mouvants du duc de Limbourg (8), la seigneurie de la Rochette releva des ducs de Brabant comme comtes de Dalhem.
Après l'extinction des ducs de Brabant, leurs différentes principautés et seigneuries passèrent aux ducs de Bourgogne dont la dernière héritière ,fille de Charles-le-Téméraire, transmit, par son mariage avec Maximilien d'Autriche, à la maison de Habsbourg la plus grande partie des vastes provinces que la maison de Bourgogne avait réunies sous son sceptre. Après l'abdication de Charles-Quint, les Pays-Bas devinrent l'héritage de Philippe II, roi d'Espagne; mais Philippe IV, son petit fils, ayant fait la guerre aux États-Généraux de Hollande, dut abandonner à ces derniers une notable partie du pays d'Outre-Meuse.
Le traité de Munster, qui avait mis fin en 1648 aux hostilités entre les Espagnols et les Hollandais, assignait à chacun des belligérants les localités qui étaient en ce moment occupées par leurs troupes (9). Or, le comté de Dalhem se trouvait précisément divisé une partie avec la ville et le château était aux mains des Hollandais, tandis que l'autre partie restait au pouvoir des Espagnols; mais le territoire de la Rochette, tout-à-fait en dehors du comté et isolé dans le pays de Liége n'avait pas été occupé et il n'en avait pas été question lors du traité de paix.
En 1661 (10) un partage avait été conclu entre les deux pays, donnant Dalhem et quelques villages à la Hollande; mais il ne fut encore fait aucune mention spéciale du château et de la terre de la Rochette. Il y était dit: «Les États-Généraux auront, tiendront et posséderont éternellement et héréditairement, pour eux et pour leurs successeurs, en pleine et libre propriété supériorité et souveraineté, la ville et château de Daelhem; de plus, les bans et seigneuries et villages de Trembleur, Olne, Bombaye, Feneur, Cadier et Oost, avec tous leurs hameaux, ressorts, juridictions, droits, fiefs, vasselages, aides, domaines et autres régales et revenus y appartenans, de quelle nature ils puissent être et quel nom qu'ils pourront avoir, comme aussi toutes leurs appendances et dépendances, y compris spécialement tous les fiefs étrangers consistants en seigneuries, villages, censes et autres biens dépendant dudit château . »
Les États-Généraux, se basant sur la lettre du traité, s'arrogèrent la souveraineté du fief de la Rochette, dont le relict par chaque seigneur devait s'effectuer à la Cour féodale de Dalhem.
Ces prétentions amenèrent de si grandes difficultés que les États de Liége, qui avaient acheté en 1626 la terre de Fléron, cédèrent en 1671 la seigneurie de Lith aux États-Généraux, en échange des droits que ceux -ci avaient ou pouvaient avoir sur la Rochette.
Dans la suite, le comte d'Arberg, seigneur de cette terre, refusa de reconnaître la souveraineté des princes-évêques, et le gouvernement des Pays -Bas, informé, protesta également contre la validité de cet échange, revendiquant des droits qu'il prétendait n'avoir jamais aliénés.
Ce ne fut qu'en 1781 que cette affaire fut définitivement vidée, et que la souveraineté de la Rochette fut reconnue par le gouvernement des Pays -Bas, comme appartenant au Pays de Liége.
Les seigneurs de la Rochette, alternativement feudataires de ces différents pays, continuèrent à faire reliefou hommage à la Cour féodale de Dalhem, chef-lieu du comté, qui conserva, jusqu'à la Révolution française, une certaine autonomie.
Nous trouvons, dans une estimation faite en 1688, que la seigneurie de la Rochette « relève en plein fief des ducs » de Brabant ou comtes de Dalhem, avec 120 bonniers de bois et 4 bonniers de prés; que le bien a été estimé, selon de vieux records exhibés en justice, à 1,700 bonniers; mais que, selon toute apparence , dans cette estimation doivent être comprises les communes et terres qui doivent rentes foncières à la Rochette: que la propriété en elle-même ne contient que 4 à 500 bonniers d'héritage (11).
De ces 4 à 500 bonniers, 124 représentaient donc le fief de Dalhem et le surplus se trouvait sur les territoires de l'avouerie de Fléron et du Pays de Liége.
Le château de la Rochette et les 124 bonniers qui en dépendaient, étaient soumis en matière féodale à la juridiction de la Cour féodale du comté de Dalhem. Nous en citerons, pour preuve, une sentence du Conseil souverain de Brabant, en date du 5 septembre 1531, renvoyant pardevant la Cour de Dalhem le comte de la Marck, qui s'était emparé du château, et Renier de Gulpen qui en réclamait la restitution.
Quant à la juridiction ordinaire, tant du château et du domaine faisant partie du fief de Dalhem, que des autres biens se trouvant sur le territoire de l'avouerie, elle appartenait à la Cour de Fléron (12); les dépendances qui se trouvaient sur le territoire de Liége étaient seules du ressort de la Cour de Jupille.
Les échevins d'Aix-la-Chapelle jugeaient en appel des sentences rendues par la Cour de Fléron, et ceux de Liége, des décisions de la Cour de Jupille.
Le seigneur de la Rochette n'était pas haut justicier, il n'avait que des cours foncières de « maswirs » ou de tenants, l'une à Fléron pour les biens situés sur le territoire de l'avouerie, l'autre à Forêt pour ceux situés sur le Pays de Liége (13) La Cour de Forêt fut, dans la suite, remplacée par celle de Jupille (14), dont elle relevait d'ailleurs.
Cette organisation judiciaire persista jusqu'à la réunion du pays à la France, réunion qui fit disparaître toutes les anciennes juridictions et fondit le territoire qui nous occupe dans le département de l'Ourthe.
Nous avons dit que les seigneurs de la Rochette étaient avoués héréditaires de Fléron; à ce titre, ils devaient faire reliefdans la collégiale de Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle, et prêter serment au chapitre de veiller à la conservation de tous ses droits et privilèges, ainsi que de ceux de ses sujets, et de les défendre contre tout empiètement ou violence.
L'avoué renouvelait ce serment à Fléron, en présence de la Cour et des habitants; ensuite les échevins le conduisaient en cérémonie à l'église, où avait lieu la remise de la cloche, symbole de la prise de possession de l'avouerie.
Nous trouvons dans un record que, lorsque Guillaume de Ruyschenbergh eut prêté serment comme avoué, « la Cour se transporta sur le cimetière de l'église de Fléron, où les clocks pendoyent, à cause que la thour d'icelle ditte église estoit non parfaite, et illecque lui avons livré la clock, et mis en possession de la ditte vouerie ».
En retour de la protection qu'il garantissait au pays, l'avoué y prélevait le tiers de toutes les amendes de justice; les deux autres tiers appartenaient au chapitre de Notre-Dame. Il y percevait également certains impôts, corvées et chapons.
Les localités dépendantes de l'avouerie de Notre-Dame, comprenaient, suivant un vieux record dont nous respectons l'orthographe:
« Vaulx et Nessonvaulx soub Olne, Ayneux, Wégimont, Troischaines, Ressonsart, Retinne, quelques maisons à Chaisnée, José, Vaulx soub Chevremont, Romsée, la l'Heure, Chamont et quelques maisons à Fléron (15). Chacun maswiers (habitant) d'iceulx villages, estant enmariage, doibt annuellement une pouille à payer au jour de St -Etienne, landemain de Noël, soub pene et amende de quinze blancs deniers de Coulogne, et deux courwées soub même amende. - Les dittes courwées se debvent faire la première au Noël et l'autre à la St-Jean. Et les vefves, tant hommes que femmes, doivent la moitié part, tant de la ditte pouille, que de laditte courwée ».
Ces redevances revenaient au seigneur de la Rochette, comme avoué héréditaire de Fléron; l'amende de 15 deniers pour ceux qui ne s'acquittaient pas des dites redevances en temps utile, est mentionnée dans un jugement de la justice de Fléron en date du 17 octobre 1547.
La cour de justice de Fléron se composait d'un mayeur et de sept échevins; elle avait mission, au nom du chapitre d'Aix , d'exercer la juridiction tant au civil qu'au criminel (16).
Au civil, on pouvait appeler des décisions de cette cour, à celle des échevins d'Aix-la-Chapelle et de là, à la Chambre impériale de Wetzlar; mais au criminel, la justice de Fléron jugeait en dernier ressort et sans appel (17).
L'avoué était chargé de l'exécution des jugements portés par la cour de Fléron, de faire incarcérer les prisonniers dans les cachots de l'avouerie, voire même de leur faire trancher la tête ou de les faire pendre au gibet qui se trouvait au sommet de la montagne de Chèvremont. L'avoué jouissait du droit de chasse et de pêche sur tout le territoire de l'avouerie. Le droit de chasse fut aliéné faute d'usage au profit du souverain officier et mayeur de Fléron (18), après la mort de Jean de Ruyschenbergh.
L'avoué avait le droit de convoquer les habitants de l'avouerie et les plaids, c'est-à-dire les réunions de la cour, qu'il présidait tenant en main la verge de justice.
Les plaids généraux avaient lieu trois fois par an, le lundi après la fête des trois Rois, le lundi de Pâques et le lundi après la St-Remy (19).
Les échevins de Fléron étaient choisis par le chapitre de Notre -Dame d'Aix, parmi les habitants des localités faisant partie de l'avouerie ou du pays de Liège. Ces échevins étaient nommés à vie, et devaient être agréés par l'avoué.
Cette dernière clause ne fut pas toujours respectée et devint l'origine d'un procès sans fin, entre Jean de Ruyschenbergh et ses suzerains, pendant lequel l'avouerie fut plongée dans la plus complète anarchie.
L'avoué, refusant de reconnaître les échevins nommés par le chapitre, s'opposait à ce qu'ils rendissent la justice. Il ne craignit pas, à différentes reprises, de cerner avec une troupe armée la maison affectée aux séances judiciaires, à Fléron, de s'emparer des échevins qui s'y trouvaient et de les emmener à la Rochette, où il les emprisonnait.
La cour de Fléron avait juridiction sur une partie de la Vesdre, comme nous le voyons par une attestation donnée le jour des Rois de l'an 1565, où plusieurs échevins et témoins très-âgés furent entendus, et affirmèrent que quarante ans environ auparavant, un bateau chargé de fer descendait la
rivière, lorsqu'arrivé « en lieu dit Baserée, auprès d'elle roche a chodron » (entre Chaudfontaine et V aux-sous-Chèvremont), ce bateau sombra, entraînant plusieurs personnes qui furent noyées. A cette occasion, le mayeur de Fléron, représentant le chapitre d'Aix, usant de son droit d'arrêt sur tout bateau coulé dans la Vesdre, transigea avec le propriétaire moyennant une certaine quantité de fer « duquel fer certaine traille attachée à leur maison à Fléron estoit faicte ».
Le 9 janvier 1542, la cour de Fléron ajourna aux prochains plaids certain Gielet de Chierff, de Chênée, à cause d'une digue qu'il avait construite dans la Vesdre pour la détourner de son cours; le 6 mars suivant, elle rendit une sentence contre le même individu parce qu'il enlevait du gravier de la rivière pour le transporter à Liège.
Un record de la cour de Fléron, en date du 18 décembre 1536, atteste également la haute juridiction de cette Cour sur la Vesdre, mais ses limites ne sont pas indiquées.
Le gouvernement des Pays-Bas autrichiens prétendait que la rivière lui appartenait depuis Limbourg jusqu'à son émbouchure dans l'Ourthe; mais, selon toute apparence, ce point ne fut jamais établi (20).
L'avouerie relevait directement de l'Empire. Ses habitants comme ceux de la cité et ceux du bailliage de Jupille, jouissaient à Liège de la franchise de l'octroi appelé « le tourny », mais en revanche, ils pouvaient être requis par le prince-êvêque de Liège pour garder le pont d'Amercœur (21). Nous avons cité plus haut, à propos des droits perçus par l'avoué, les localités qui se trouvaient comprises dans l'avouerie de Notre-Dame. Il n'est pas sans intérêt de connaître leur importance en l'année 1597: José, près de Herve, avait 50 maisons; Vaux-sous-Olne et Nessonvaux, chacune 23; Ayneux, 34; Vaux-sous-Chèvremont, 33; Romsée, 19; Marets ou Wégimont et Rissonsart, chacune 12; Retinne, 7; Hotteux, 6; Foxhalle, Trois-Chênes et Chaumont, chacune 4; Beaudrihaye, 2; Parfondvaulx, 1 ; quelques maisons à Fléron et à Chênée (maisons et huttes)(22).
Au XVe siècle, chaque bonnier qui n'était ni fief ni alleu et qui se trouvait dans une de ces localités, payait, le dimanche après la Saint-André, une certaine redevance au chapitre d'Aix. Cette redevance différait selon les localités (23).
LE MARECHALAT HEREDITAIRE DU LIMBOURG
ET LE PONT DE CHÊNÉE.
Indépendamment de la charge d'avoué de Fléron, dont la possession par les seigneurs de la Rochette se perd dans la nuit des temps, ceux-ci devinrent, à partir du XVIe siècle, maréchaux héréditaires du duché de Limbourg. Quoiqu'on en ait dit, le maréchalat n'était nullement attaché à la possession de la seigneurie. De ce que cet office se perpétua à la Rochette, on ne doit pas en déduire que les possesseurs du château pouvaient seuls en être investis; et cependant ceux-ci paraissaient le croire eux-mèmes, à en juger par une lettre du comte Albert d'Arberg aux commissaires des États du Limbourg, laquelle commence par ces mots: « Il vous est sans doubte connu que ma terre de la Rochette me donne le titre de maréchal héréditaire du duché de Limbourg, etc. »
Le fait que ce fief parvint aux sires de la Rochette par voie d'héritage, est une preuve suffisante que le maréchalat était tout-à-fait indépendant de la possession du château.
Frédéric, seigneur de Withem, Weiswiler, Machelen, Colonster, chevalier, drossard et chatelain du comté de Dalhem, avait été investi de la charge de maréchal héréditaire du Limbourg, le 22 mars 1451, par lettres-patentes de Philippe de Bourgogne, et par suite du décès de Jean de Pallant dit Kersselys d'Eupen, son oncle. Cette investiture portait également sur une maison située dans la ville de Limbourg et qui était la résidence des maréchaux héréditaires du duché.
Après le sac de Liège par Charles-le-Téméraire en 1468, la seigneurie de la Rochette, qui était un fief de Dalhem et qui avait été possédée par des Liégeois, fut pendant plusieurs années tenue sous séquestre, et Frédéric de Withem, en qualité de drossart du comté de Dalhem, dont elle relevait, en eut la gérance et les profits, puisqu'il prêta le serment comme avoué de Fléron, le 9 février 1469.
Jean de Withem, seigneur d'Ische et écuyer de Louis de Bourbon, prince-évêque de Liège, ayant acquis, en 1478, la seigneurie des héritiers du dernier seigneur de la famille delle Roche, en fut investi par son frèreFrédéric, agissant en qualité de châtelain de Dalhem et représentant le duc de Brabant. Ce ne fut qu'à la mort de Frédéric de Withem que la charge de maréchal héréditaire du Limbourg passa au seigneur de la Rochette, son héritier, et y resta jusqu'à la Révolution française, époque où elle fut abolie.
Au moyen-âge, la charge de maréchal du Limbourg, était l'apanage d'un grand feudataire du duché. Ce n'était pas un vain titre: celui qui en était décoré avait pour mission de conduire les troupes au combat; il en était le chef suprême après le prince. Mais, dans la suite, quand cette charge devint le partage des sires de la Rochette, elle ne fut plus qu'une marque honorifique, que chaque nouveau seigneur s'empressait de relever dans la ville de Limbourg, par devant la Cour féodale du duché.
Le droit de passage de la Vesdre, ou en d'autres termes, le Pont de Chênée, était aussi un fief limbourgeois qui devint la propriété des sires de la Rochette à peu près en même temps que le maréchalat. Il était d'une origine toute différente du précédent, et n'avait avec lui aucun rapport, mais la circonstance que ces deux fiefs se trouvèrent réunis dans les mêmes mains et que, par conséquent, on les relevait en même temps, a pu faire naître l'idée qu'ils étaient inséparables.
Les seigneurs de la Rochette, propriétaires de ce droit de passage, l'affermèrent à un tiers moyennant une redevance annuelle et à charge par lui d'entretenir le pont en bon état. C'était là une source de revenus beaucoup plus fructueuse que le maréchalat.
Pour prouver l'indépendance réciproque des deux fiefs en question, il suffira de remonter à leurs possesseurs précédents. Avant que la charge de maréchal héréditaire du Limbourg fût possédée par Frédéric de Withem, elle appartenait à Jean de Pallant d'Eupen, seigneur de Crapoel et de Stockem, conseiller du duc de Bourgogne, lequel décéda en 1451 et était fils de Carsillis de Pallant, également maréchal du Limbourg, lequel vivait vers la fin du XIVe siècle (24). Quant au pont de Chênée, Frédéric de Withem en hérita d'Eustache Chabot, son beau-père; nous dirons tantôt comment et pourquoi ces deux fiefs ayant été réunis, on put les relever simultanément et n'acquitter qu'un seul droit de relief, ce qui fit croire, dans la suite, que leur origine était la même.
Le recueil intitulé: Livre des feudataires de Jean III, duc de Brabant, nous fournit trois reliefs du passage d'eau de Chênée, dont voici la copie:
Page 25: « Barreit de Beffrepont de uno passagio jacente apud Chynnez supra rivum. Dominus Hubin Barrez tenet. Factum est. »
Page 46: « Domicella Elysabeth de Beaufrepont filia quondam Wilhemi de Beaufrepont unum passagium situm apud Cheneeis sur le rivages. Dominus Hubinus Barrex tenet modo. »
Page 117: « Hubinus dictus Barreit filius domini Barreti militis de Leodio, relevavit a Domino duce unum feodum dictum passagium de Cheinees supra rivum. Quod feodum acquisivit erga Domicellam Elysabeth, filiam quondam Willelmi de Beaufrepont. Deleatur Elysabeth (25). »
De Hubin Baré, le fief passa par héritage à Henri du Lardier, chevalier, et à son fils Jacquemin, lesquels le cédèrent à Jacques de Sainte-Marie, chanoine de Liège, fils de Gille Chabot, chevalier, qui le releva et en fit hommmage à la duchesse de Brabant le 21 juin 1389.
Voici cet acte:
« Johanne, par la grace de Dieu ducesse de Lutcembourg et Lothier, de Brabant et de Lembourg, marchise du Saint Empire, faisons scavoir à tous, que au jour et date de cez présente lettres, vient en propre personne, pardevant nous et nos homes de fief, a savoir sont Mess. Jehan seigneur de Bouchaut, castelain de Brouxelle, Mess. Claes Waef, et Mess. Gille Chabot, chevaliers, Reynier Holland, notre receveu de Brabant, Jehan de Weert et Guilliaume de Gras, escuiers, notre amé et féal home de fief Jacquemins dou Lardier, avuec son père, mess. Henrys dou Lardier chlr, en dissant et confessant coment pour une certaine some d'argent, luy vut payet, il avoit vendut en tele, et loyal vendaige a nre bin aimé Jacque de Sainctemarie canone de Liège, fil a nostre aimé et feal chlr et home de fief, mess. Gille Chabot la présent estant, un fief quon dist le passaige de Chaisnées sur la Rivière, avuec toute ses appartenances riens y exceptet, ainsy qu'il muet de nous en fief de Brabant, et de nous jadit tenir soloit mess. Barys dou Saint Pol (Baré de Beaufraipont), qui des mesmes come par forme de testament et diraine volontet audit Jacquemin laissat la proprieté et treffond, et a mess. Henry père audit Jacquemin susdit ses humiers, sy come audit testament de mess. Bary, que de no ossy, si come apparoit y puet aggreet avons et confirmet contenut est plus plainnement. En désirant dudis fief luy adevestir, et le dit Jacque de Sainctemarie ens advestir et assignier selonc le loy et usaige, de nre court, en nous priant et requerant amiablement que consentir le volsissiens, et sur se faite semonce un de nos devandits homes, coment ce faire devoit, sur quoy a le priere dudit Jacqmin come treffonchier des dis lieus, et de mess. Henry son pere ossy qui a ses humiers les tenoit, nous nre consent donasmes, et en fismes semonce un de nos homes qui avoit les aulte ses pers la présent se conseilloit, et consilliez nous raportoit par plaine sieute d'eaulx rendant pour jugement que mess. Henry dou Lardier chlrs porteroit sus ez noz mains ses humiers et y renoncheroit sus effectivalement, en luy recognissant nul droit ne action aulcune ez dis biens, plus a retenir ne pooit demander en nulle manière, a oelx de Jacqmin dou Lardier son fil, le quel ansy que noz homes jugeit avoient, mess. Henry fist parfaitement, et ce fait par la semonce de nous et le jugement de noz homes, portat sus noz mains ledis Jacqmin dou Lardier le dit fief entièrement selon l'usage de nre court à oelx dou dit Jaque de Saintmarie et warpit sus et renunchat et fist tout ce que à ce appartenoit à faire; ainsy que tout chu fait, nous receusme ledit Jaque de Saintemarie des dis biens en notre homaiges, salvez tousiours notre seigneurye fienaule et le droit d'un cascun, qui nous en fist foy et serement, avec tout ce que uns homes de fief est tenus de faire a son droit seigneure et mement ez case susdict toux poins et articles de droit qui selont l'usaige de notre court y appartenoient a faire rien oblijet ne mis ariere, tous mal enghiens ossi fours mise. Par le tesmoignage de ces présentes, as quelles nous ducesse et nous Johans seigr de Bouchaut castellains de Brouxelle, Claes Le Waef, et Gille Chabot, chevaliers, Reyniers Holland, pour le temps rentiers de Brabant; Johans de Weert, et Guilliames de Gras, citain de Liège, escuiers dessnoumés, pour tant a toutes ces coses ensi a faire come dessus sont escript, nous come homes de fiefs a notre dicte tresredoubtée Dame la Ducesse de Lutcembourg, de Brabant et de Lembourg avons esté présent, a comandement d'elle et requeste des parties, avons avec le saels de notre tresredoubtée ame devandite fait appendre noz saels en signe de véritet. Donné à le Fure le vintenoemme jour dou mois de jun, lan MCCC quatre vints » et noef (26)».
Le 4 mars 1426, Isabeau, femme de feu Henry Oseaul, lequel était possesseur du pont de Chênée, reconnaît devoir une rente de 20 muids d'avoine et 20 muids d'épeautre, affectés sur le dit pont, au profit de Hubin Chabot, seigneur d'Omesées (27). Ce dernier, ou son père, avait donc cédé le fief, sur lequel il avait conservé une rente.
A la mort de Hubin Chabot, le pont fut relevé , le 6 octobre 1434, par Gilles Gobbin, chanoine de St-Barthélemy, qui donna pour homme féodal Jean de Bernau. Celui-ci prêta le serment de fidélité au lieu du chanoine (28).
En 1437, le 11 novembre, nous trouvons un nouveau relief; Gilles de Saint-Hubert, chanoine de Saint-Martin, à Liège, relève le pont de Chênée, comme plus proche parént de Gilles Gobbin, chanoine de St-Barthélemy; et, moyennant 506 florins d'or du Rhin, il transmet ses droits à Jean Bragart de Remouchamps, bourgeois de Liège, qui fait relief et prète hommage à son tour:
« Nous Johan de Ranst, le joven, castelain pour le temps delle coure de Limbourg, et semonneur des homes de fyefs de chelz mesme lowe et de thier de Limborg, à chu commis et deputeiz de par noble et poisant prince et très redobté sangnour, duck de Lothier, de Brabant et de Limborg, fay savoir à tous et à cascuns, que l'an de grace delle nativiteit notre sire Jesu Crist, mil quattre cent et trente sept, de mois de novembre le onzieme jour, comparut pardevant moy et les homes des fiefs dudit thier chydesoz nommez, en sa propre persone pour chu à ce qui sensiet, sire Giele de Sain Hubert chappelain en l'église collegial Sain-Martin en mont à Liège, come plus proisme, et hoir marle de sire Giele jadis Gobbin, dont qui la viskeit, chanoine de Sain Bartholmez en Liège, et là mesme par le mort et trespas de jadis sire Gieles Gobbin, et come plus proisme deseurdit, requist à relever et relevat à tenir en fiez de mon dit redobteiz sangnour, le fiez appeleiz le fief de ponten et passage delle eau de Chaisnée, à toutes ses appartenances, entierement mouvant en fief de mon dit redobteiz sangnour et de thier de Limbourg, si long et si large qu'ile s'extent; aquelle sire Giele de Sain Hubier chu acquerant et acceptant, salueit en chu le bon droict de mon dit redobté sangnour et de chascun, come plus proisme deseurdis, je rendis ledit fiez entirement à toutes ses appartenances, et il le reprict, et relevat à tenir en fiez de mondit redobteit sangnour, et si en fist hommage et fealteit, et en devient home de fiez de mon souventdit redobteit sangnour et de thier de Limbourg, alle usage et coustume delle dit cour, et enseignement des hommes de fiez cydesonommez là présent, et en paiat bien ses droicts à chu afferans. Chu fait, et tantoist là mesme ly devant dis messire Giele de Sainct Hubier fut telement conseilliez, que de sa pure et libre volonté, sans y estre de chu astrains, en accomplissan le rendage, que faite avoit à Jean Bragart de Remouchamps, manant à Liege, dedit fiez entierement parmy une some de cincq cent syez pessans florins d'or, delle marche seur de Rins, dont il se tenoit bien par content et satisfaict, ansy quil connut là mesme, il reportat sus en le main de moy Jehan de Ranst, castelain et semoneur desnommeiz ledit fiez entierement, tel que deseur est declaret, à toutes ses appartenances, sans rins ens ne sus à retenir, werpit, quittat, et effestuat, et delle tout y renuncat, et chu fist ill en nom et aouwe de devent dis Jean Bragar là présent et chu acceptant, à cui je, salueit en chu le bon droict de mon dit sangnour et de cascun, rendich ledit fiez, et ill le reprist, et relevat à teniren fiez de mondit sangnour et de thier de Limbourg, et si en fist hommage et fealteit, et en devient home de fiez de mondit redobteit sangnour et de thier de Limbourg, alle enseignement delle cour des hommes de fiez la présent, qui leurs droicts en orent à chu afferans, et moy ausy les miens. A scavoir sont les hommes de fiez, Wuilheam de Xhenemont, ly anoit manant à Herves, Voes delle Panhuiss manant à Stockenheime, et Jean de Randouster, esquevins de Limbourg , et nous Jean de Ranst castellain et semonneur, Wuilheam de Xhenomont, Voess et Jean de Randouster, homes de fiez dessnommeiz, qui présents avons esteiz, là les choses dessdictes ont esté faictes par les manieres desscontenues, avons ces présentes lettres, cascun de nous par ly sacellées de noz propres saeles cydesoz appendus, en signe de veriteit. Che fut faicte en le vilhe de Limbourg, l'an, mois et jour deseurescris. »
Le 3 novembre 1454 fut conclu, à Liège, le contrat de mariage de Frédéric de Withem avec Marie Chabot, fille de Stassin ou Eustache Chabot, seigneur d'Omesées et de Colonster, souverain maïeur de Liège. Entre autres apports faits par le futur figure le maréchalat héréditaire de Limbourg , tandis que, parmi ceux de la future, nous trouvons « les rentes hiretables qu'elle at sour le pont de Chayenée (29). »
Aussi, en 1462, voyons-nous le mème Frédéric relever le pont de Chênée au nom de la veuve d'Eustache Chabot, sa belle-mère.
C'est ainsi que ce fief, de même que celui du maréchalat du Limbourg, passa par héritage dans les mains du châtelain de Dalhem.
Il nous reste maintenant à expliquer comment ces deux fiefs, dont nous avons prouvé les origines absolument différentes, se trouvèrent si bien réunis, dans la suite, que les titulaires eux-mêmes les crurent inséparables et dépendants l'un de l'autre.
Après la mort de Frédéric de Withem, son neveu, Jean de Withem releva la charge de maréchal du pays de Limbourg, et Renier de Gulpen, époux de Marie de Withem, sœur de Jean et nièce de Frédéric, releva le pont de Chênée. Jean de Withem déclara, par devant les hommes de fief du duché de Limbourg, que la charge de maréchal n'était d'aucun rapport; de son côté, Renier de Gulpen se plaignit de ce que les profits du pont de Chênée étaient devenus insignifiants, d'autant plus que, pendant les dernières guerres, ce pont avait été entièrement détruit et avait dû être rétabli à grands frais. Comme conclusion de leurs réclamations, les deux beaux-frères demandèrent la réduction de moitié des droits de relief.
Après délibération, le lieutenant et les hommes de fief de la Cour féodale consentirent à ce qu'il ne fût payé, pour chacun de ces deux fiefs, qu'un demi-relief, soit 35 florins pour les deux (30).
Quelque temps après, l'office du maréchalat passa au fils de Renier de Gulpen, déjà propriétaire du pont de Chênée, et seigneur de la Rochette; depuis lors, les deux fiefs furent relevés ensemble et n'acquittèrent qu'un seul droit de relief.
L'importance du passage d'eau de Chênée, à cette époque et même pendant les siècles qui suivirent, est incontestable; c'était, en effet, la grande voie de communication vers la cité; par elle se faisait tout le trafic avec les localités situées entre l'Ourthe et la Vesdre. Cette voie conduisait à Grivegnée, de là au pont d'Amercœur et au quartier d'Outre-Meuse, enfin au pont des Arches, le seul qui existât à cette époque sur la Meuse, et vers lequel convergeaient tous les chemins de la rive droite du fleuve.
Quant à l'origine de ce fief limbourgeois, enclavé en plein pays de Liège et aux portes de la cité, elle doit remonter à l'époque où les ducs de Limbourg affirmèrent leurs droits de souveraineté sur la rivière de Vesdre. Il ne nous a pas été donné d'en fixer la date.
Ces droits de souveraineté, maintes fois contestés par les Liégeois, se trouvent transcrits dans le Stootboeck (folio 75 ), registre ainsi appelé parce qu'il fut dressé par Jean Stoot, clerc de Jean III, duc de Brabant, au milieu du XIVe siècle (31).
Il existait au moyen-âge quantité de fiefs qui n'avaient pas plus d'importance que celui qui nous occupe, et dont la nature était tout aussi extraordinaire. Le Latynsboeck, ancienne matricule des fiefs du Brabant, nous donne des exemples de la variété de ces fiefs, parmi lesquels, indépendamment des châteaux, figurent des fermes, des moulins, des brasseries, des bois, des cours d'eau, des dimes, des cens, des rentes, des tonlieux, des pêcheries, le droit de pâturage dans la forêt de Soigne, voire même le vent d'un moulin, et d'autres encore d'une nature tout aussi bizarre (32).
Jusqu'au moment de la destruction de Liège par Charles-le-Téméraire, le passage du pont de Chênée fut d'un grand produit pour ses possesseurs; mais, après le désastre de 1468, le duc de Bourgogne n'ayant laissé derrière lui que des ruines, aussi bien dans la cité que dans les environs, le transit, par le pont en question, perdit énormément de son importance. Plus de trafic avec la cité; le brigandage et la guerre civile remplirent le restant du XVe siècle. Aussi, quand au siècle suivant ses possesseurs voulurent rétablir leurs droits oubliés, ils rencontrèrent une résistance qu'ils ne purent vaincre qu'après de longues procédures.
Le droit perçu pour le passage de la rivière consistait primitivement en une pièce de menue monnaie; mais, dans la suite, les habitants de beaucoup de localités de la rive gauche de la Vesdre s'affranchirent du péage au moyen d'une redevance annuelle que le receveur de la Rochette percevait chez eux et qui était fixée selon l'importance des contribuables.
Un record de la Cour d'Aywaille du 3 avril 1448 fait connaître la base sur laquelle cette perception s'établissait; « un chascun massuyr qui at cherue vaignant en terre, devoit chascun an, et estoit redevable à celuy qui tient le pont de Chaysnée, ung jarbe d'avoine et ung pain, voir encore la cely paiast nulle jarbe de deisme; que ceulx qui point n'ont cherue et vaignent speaulte ou reggon à bois ou au champs, qu'ils doient par an troix quartes d'avennes et ung pain; s'ils paient jarbes de diesmes; et ceulx qui point ne paient jarbes de diesmes doyent par an quattre soubs, comun payement courant en bourse et ung pain. » Le mayeur et les échevins étaient exempts de tous droits.
Un record analogue fut délivré à Gabriel de Neufforge, facteur de Warnier de Gulpen, le 25 septembre 1551, à l'époque où ce seigneur de la Rochette cherchait à rétablir ses droits, tombés en désuétude par suite des guerres intestines qui désolèrent la fin du XVe siècle.
Le 31 mars 1557, Warnier de Gulpen contracta avec Andrier delle Perryer, pour la construction d'un nouveau pont tout en pierre, de huit arches sur sept piles. Celui qui existait auparavant n'avait que quatre piles, et le tablier étaiten bois. Il futstipulé, dans ce contrat, que « du costé vers Chaynée, debverat ledit dernier faire deux ailes de mure de quarante pieds de long chasce costé, cinq pieds et demy d'espescheur au fondement, etc… » Entre chaque pile, il devait y avoir vingt pieds d'ouverture et entre celles du milieu vingt-quatre pieds, pour permettre le passage des bateaux. De l'autre côté du pont, il fallait un épaulement avec un mur de quarante pieds vers la Vesdre et un autre de vingt pieds du côté de l'Ourthe.
Les parapets du pont et des ailes, devaient être en pierre; l'entrepreneur se chargeait d'y faire les trous de scellement et le seigneur de la Rochette s'engageait à livrer le plomb et le fer nécessaires. Le travail devait être commencé le 1er mai suivant. « Le tout faicts alle bone foid, sans fraude par dicts de cognoisseurs, et serat tenus ledit Andrier, à getter les fondations des pilliers et espallez, advertir ledit seigneur pour y envoyer cognoisseurs se bon luy semble, et s'il est trouvé que lesdits fondemens ne fuyssent point bons, les cognoisseurs seront az dispens audit Andrier, et s'il sont bon seront az despens audit seigneur; et ce parmy payant par ledit Sr audit Andrier, la somme de quattre cent soixante et quinze florins monoye du Brabant, ou la vraye valeur. Item encore est conditionné que sy d'adventure le dit Andrier estoit trouvé, par dicts de cognoisseurs, perdant sur ladite marchandiese, ledit Sr le doibt compenser à dicts de gens de bien. Le tout comme dessus faicts à la bonne foid sans fraude, en présence de Damoisea Renard de Hombrou, jadis chastellain d'Aigremont, Philippe de Souheitz, maire delle baillerye du pont, maître Gille Vouroux , chanoine de l'englise collégiale St Denis en Liège, Collar Das, maître ouvrier de la cité de Liège, et François Borsets, tailleur de pier, Adrier del Perrier masson et marchan, come dessus est déclarez; ce fut faict jour et daulte susdites. »
Le péage du pont de Chênée entraina Warnier de Gulpen dans des procès avec différentes communes, entre autres celles de Sprimont, d'Aywaille, de Stavelot et de Louvegnez, Suivant une déclaration faite en 1615 par des témoins très àgés , il vint même plusieurs fois dans cette dernière
localité, accompagné de gens d'armes à pied et à cheval, pour imposer aux habitants, qui refusaient de payer, le droit de pontenage ». Ces procédures furent longues, et la plupart des communautés finirent par s'engager à payer une redevance annuelle au seigneur de la Rochette, pour affranchir complètement leurs habitants de cette servitude. Ce fut seulement au XVIIe siècle, que Jean de Ruyschenbergh, qui avait continué les revendications de Warnier de Gulpen, obtint ces résultats.
Le 5 mars 1617, Evrard de Fraipont, avoué héréditaire du ban de Louvegnez, avec le mayeur, le greffier, le bourgmestre et quelques autres manants vinrent à la Rochette, et convinrent avec Jean de Ruyschenberg que, moyennant une rente annuelle de cinquante-cinq florins de Brabant à payer le jour de la Saint-André, plus une somme de cent-soixante-cinq florins pour trois ans d'arriérés , les habitants de Louvegnez seraient affranchis de toute autre redevance. Il paraît même que le seigneur de la Rochette avait usé de la force pour parvenir à faire respecter ses droits, car nous voyons figurer dans la convention les mots: « au moyen de quoi les prisonniers seront relaxés avec leurs chevaux »
Le 28 décembre 1619, Sprimont s'engagea à payer annuellement quatre-vingts florins; ce contrat fut également passé à la Rochette, en présence de George de Tilff, prieur de Beaufays, d'Evrard de Fraipont, seigneur de Fraipont, et de plusieurs autres personnes.
Le 17 décembre 1622, les habitants des villages d'Olneux, Hoyemont, Haleux, Fraiture et Douxflamme, pour éviter un procès avec le seigneur de la Rochette, ayant prié le seigneur de Fraipont d'être leur intermédiaire, celui-ci signa une convention qui fut réalisée à la Cour de Comblain, le 5 janvier 1623, et par laquelle les dits habitants s'engageaient à payer pour le droit de « pontenage », une somme de cent florins de Brabant une fois et une rente annuelle de seize florins, même monnaie, le jour de la Saint-André, à commencer en 1623.
Les habitants des seigneuries de Harzé et de Xhoris devaient de toute ancienneté, pour leur droit de passage sur le pont de Chênée, des « cougnous » mais comme ils les faisaient d'une manière très irrégulière, les uns grands, les autres petits, c'est encore Evrard de Fraipont, qualifié ici de seigueur de Fraipont et d'Isier, que nous trouvons comme médiateur du différend. Il prit un arrangement avec un habitant de chacune de ces localités, lesquels, moyennant une rente en espèce à payer à la Rochette, perçurent les « cougnous » ou gâteaux en question. Cette convention de l'an 1625, fut enregistrée à la Cour du ban d'Aywaille, le 2 janvier 1631, en présence d'Evrard de Fraipont, de Guillaume de la Vaulx, seigneur de Froidcour, et d'autres.
Les habitants d'Aywaille et de Remouchamps, résistèrent longtemps aux prétentions de Jean de Ruyschenbergh; le 12 octobre 1607, la justice de Remouchamps s'étant prononcée en faveur des défendeurs, le seigneur de la Rochette adressa au Conseil souverain du Brabant un long mémoire dans lequel il établit ses droits seigneuriaux sur le dit pont. Le mémoire commençait ainsi: « Car, comme il y a au pays et Duché de Lembour, de midy enant, et roulant entre haultes montaignes, une rivière appelée la Vesdre, laquelle pour la moindre pluye que soit, incontinent se vient à desborder et parainsy le passaige des susdits opposants se rendre fort difficil et périllieux, lequel est bien fréquent, et leur fort nécessaire pour se transporter à Liège, Maestricq et aultres villes et pays de sa Maté à vendre que d'aschapter marchandises, viandes et aultres choses nécessaires. Les prédécesseurs de l'impétrent ausquels l'eaue y appartient, et le droit dudit passaige, se trouviont advisez pour sublever leur ponteneux, et subvenir aux nécessités présentes du publicq et des opposants, d'y dresser ung pont de bois. Mais comme à force des eaues et pour la fréquente inondation, ce pont ne valoit résister, et que les eaux le surpassoient, que le ponteneur tant peu se trouva sublevei et les comuns parfois en péril et grandement discommodez; Ils sy furent conseillez de faire bastir à grands fraix un largue, longue et spesse pont de pierres, avec fortes et grandes contrecharpes, que dessoubs avec barcques et navieres l'on y peult passer librement sans desturbier, et pardessus à pied et à cheval avecq chariots et charrettes , etc … »
Ce mémoire eut un plein succès pour le seigneur de la Rochette, comme nous pouvons en juger par la teneur de l'ordonnance qui s'ensuivit et que nous transcrivons:
« Albert et Isabelle Clara Eugenia, Infante d'Espagne, etc. Au premier notre huissier ou sergeant d'armes sur ce requis salut. Reçeu avons l'humble supplication de Jehan de Russchenbourg Sr de la Rochette, Olne, etc., » marischal héréditaire de notre dit pays et duché de Limbourg, contenant qu'il tient en fief de nous ledit estat et office de marischal avecq le pont de la Chaisnée sur la rivière de Weez passant par ledit villaige de Chaisnée pays de Liège, à cause duquel pont il a droict et est en possession paisible par continuation de celle que ses ancestres ont eu passé dix, vingt, trente et quarante ans et plus, de recepvoir annuellement certaines mesures d'avoine des surcéans des villaiges dudit Chaisnée, de Beaufays, Loigne, Sprimont, Forrest, Harzé, Xhorys, Auwaye, Remouchamps, et aultres villaiges circonvoisins, situez respectivement es pays de Luxembourg, Lembourg, Daelhem, Liege et Stavelot; auxquels ordinairement sert le passaige dudit pont, que ledit remontrant est réciproquement obligé d'entretenir à ses fraiz et despens, ayant passées certaines années feu Mess: Warnier de Gulpen, en son temps Sr de laditte Rochette et marischal dudi pays de Lembourg, père de feu Dame Marguerite mère du remontrant, pour plus grande asseurance et commodité desdits surcéans, faict abbattre le pont de bois que y avoit esté de toute ancienneté et à ses grandz et excessifs fraiz et despens en lieu dicelluy faict dresser ung aultre pont de pierre. Et combien qu'il ne soit loisible ausdits surcéans, signament à ceulx situez audi pays de Luxembourg et Lembourg, troubler ledi remontrant en son dict droict et possession paisible, veu mesmes que ceulx desdi villaiges du pays de Liege estant séparez desdi provinces de nostre obeyssance continuent audit remontrant cedit payement des avaines, voires en vertu de la sentence rendue par l'official de Liège, confirmée par aultres sentences de divers juges apostolicques et par ainsy passée en force de chose jugée, si est ce touteffois que plusieurs des surcéans des dits villaiges situez respectivement esdits villaiges d'Auwaye, Remouchamps et aultres desdits noz pays et provinces, luy font refuz de continuer le payement des dites avaines, le troublant ainsy par voye de faict en sadite possession qu'il at continué jusques à la dernière année, cause que ledit remontrant s'est retiré vers nous, suppliant en toute humilité que pour la conservation, ou bien redintégration de sadite possession, il nous pleust luy accorder noz lettres patentes en matière de complainete avecq restablissement réel en tel cas requis. Pour ce est il, que nous ces choses considérées, veuillants ung chacun estre maintenu en ses justes possessions et saisines, si avant qu'il appertient; Nous mandons et comectons par ces présentes que s'il vous appert desdits droicts possession et saisine ensemble dudit trouble et empèchement tel que dessus, tant que pour souffire, en ce cas à la requete dudit suppliant vous adjournez tous surcians situez ou demeurants en nostre ditpays et ducé de Luxembourg qui de la part dudit suppliant vous seront déclairez, à estre et comparoir à certain et compétant jour et heure dont requiz serez, sur ledit pont et passaige contentieux ou ledit suppliant prétend estre fondé en la perception des dites avaines, et illecq maintenez et gardez icelluy de par nous en sesdits droicts possessions et saisines esquelles vous le trouverez estre, et ses prédécesseurs avoir esté et d'iceulx le faicte plainement et paisiblement joye et user, en faisant au surplus exprès commandement et défense de par nous ausdi appellez et adjournez sur certaines grosses paines à nous à appliquer, que incontinent et sans dilay, ilz réparent ou facent réparer lesdits troubles et empeschements, et remectent ou facent remectre au premier estat et deu, et cessent et se deportent de plus faire le sem-blable, en les constraindant à ce par toutes voyes et manières de constraincte deues et raisonnables. Et sien ce faisant chiet débat contredict ou opposition, la chose contentieuse en cas de nouvellité prinse et mise en nostre main comme souveraine et soubz icelle regie la nouvellité estée et restablissement faict reellement et de faict, s'il y chiet tel at aussy qu'il appartiendra préalablement et avant tout œuvre adjournez lesdits opposants refusants ou délayants à comparoir à certain et compétant jour pardevant noz treschiers et féaulx les président et gens de nostre grand conseil, pour dire les causes de leur opposition, refuz ou délay, respondre audi exposant ou procureur pour luy sur les choses dessusdites, et leurs dépendances et veoir appoincter sur la recréance, et en oultre procéder comme de raison, en certiffiant souffisament audi jour lesdi de nostre grand conseil de ce que faict en aurez, ausquelz mandons et comectons que aux parties icelles ouyes, ils facent et administrent bon brief droict raison, et accomplissement de justice: Car ainsy nous plaist-il. Nonobstant quelzconques lettres subreptices ou obreptices impétrées ou à impétrer au contraire. Donné en nostre ville de Bruxelles, le vingt-quatriesme jour du mois de juillet, l'an de grâce mil six cens et huict.
Par les archiducqs en leur conseil
F. DE BERT (33). »
Les communes d'Aywaille et de Remouchamps, qui appartenaient au Luxembourg, persistant à méconnaître les droits du seigneur de la Rochette sur le pont de Chênée, il fut obligé de poursuivre les habitants devant leur souverain juge compétent, le Grand-Conseil de Malines. Or, les décisions judiciaires étaient lentes et onéreuses en ce temps là. Les moyens de communication étaient on ne peut plus primitifs. Le Grand-Conseil siégeait au loin, et, pour un procès de l'importance de celui qui nous occupe (car si le seigneur de la Rochette était débouté de ses droits sur les communautés d'Aywaille et de Remouchamps, il perdait du même coup ceux qu'ils prétendait avoir sur les autres communautés de la rive gauche de la Vesdre), de nombreux témoins, surtout des vieillards, devaient être entendus. Ces dépositions représentaient pour chacun d'eux de longs et onéreux voyages; il n'y a rien d'étonnant que nous retrouvions le litige dans le même état, vingt-deux ans plus tard. Alors seulement, pour arrêter les procédures qui se poursuivaient à Malines, les défendeurs consentirent à payer au seigneur de la Rochette une redevance annuelle de quarante florins, plus une somme de huit cents florins pour arriérés et frais.
Cette convention datée du 19 septembre 1630, fut enregistrée à Malines le 13 janvier 1632.
A partir de ce moment, les droits des seigneurs de la Rochette sur le pont de Chênée furent parfaitement reconnus, et les petites contestations qui surgirent dans la suite n'eurent plus guère d'importance.
Le pont de Chênée avec un pré joignant, fut loué à Collard le Clerq par Jean de Withem, en 1481, moyennant une rente de vingt muids d'épeautre et de vingt muids d'avoine, mesure de Liège. Pendant longtemps, cette redevance resta la même. En 1688, Toussaint Monseur payait, comme locataire du pont, une rente annuelle de trente-six florins, et indépendamment des localités qui avaient contracté avec le seigneur de la Rochette, et dont larente était restée la même, nous trouvons que les villages de Beaufays, Embourg, Ninane, Andoumont et autres payaient annuellement deux setiers d'avoine par charrue entière et un setier par demi-charrue, et pour les ménages complets ne tenant pas de chevaux, deux pains, et pour les veuves, un pain. Le couvent de Beaufays envoyait chaque année à la Rochette une torche, qui devait être bénite audit couvent, le jour de la Chandeleur .
Le 27 juillet 1652, deux arches du pont s'écroulèrent (34); une pile du côté de l'église avait cédé sous la pression de l'eau, qui avait commencé à monter des le 22. juillet. De mémoire d'homme on n'avait vu la rivière aussi forte. Le 29 août, les réparations furent commencées par maitre Henri Mignon, architecte de Liège, et, comme, indépendamment de la pile rompue, sa voisine était ébranlée et rongée par l'eau, l'architecte résolut de ne faire que deux arches au lieu de trois. Le pont fut trouvé en très mauvais état; toutes les piles étaient plus ou moins endommagées, et la réparation coùta treize cents florins de Brabant. Il est probable qu'avant 1688, les eaux causèrent de nouveaux préjudices au seigneur de la Rochette, puisque nous trouvons dans l'engagement de Toussaint Monseur, locataire du pont à cette date, qu'il s'obligeait à passer avec sa nacelle, quand l'eau est haute, ceux qui paient une rente annuelle au seigneur.
Dans la suite, quand le pont fut reconstruit, on y plaça une barrière qui ne livrait passage qu'après l'acquittement du droit. Cette barrière ayant été détruite pendant une émeute, le péage fut supprimé, et, quelques années plus tard, quand le comte d'Arberg voulut la rétablir, les Liégeois s'y opposèrent de toutes leurs forces; ils le menacérent même d'envoyer un détachement de cinquante soldats pour enlever la nouvelle barrière qu'il voulait ériger, et pour empêcher la perception du droit de passage.
Le comte d'Arberg écrivit au Conseil souverain de Brabant, le 21 avril 1733, pour lui exposer ses griefs et ses droits, et demander son appui pour le rétablissement de ses anciennes prérogatives (35).
Le 7 mai 1706, par acte passé dans leur hôtel de Liège, situé sous les cloîtres de la collégiale de Saint-Barthelemy (36), le comte et la comtesse d'Arberg vendirent, moyennant une somme de mille florins à Martin Halleux, lieutenant-colonel de Chênée, une prairie dite le pré au pont, située à Chênée, entre la route qui vient de Beaufays et l'Ourthe, et tenant audit pont. Cette prairie, paraît-il, avait été cédée par la communauté de Chênée à un seigneur de la Rochette, pour obtenir la suppression du péage du pont (37); en effet, il n'est point fait mention de cette localité dans la liste des communautés qui payaient une redevance au seigneur de la Rochette.
Le 22 septembre 1779, un charretier de Theux, passant sur le pont de Chênée, ayant refusé de payer le sol exigé par le fermier, sous prétexte que la taxe était exagérée, celui-ci s'empara d'un des chevaux du charretier récalcitrant et le fit mettre en fourrière au château de la Rochette. D e là, plainte à la députation des États de Liège, enquêtes, et, finalement, condamnation du charretier au payement des frais réclamés par le comte d'Arberg, lesquels s'élevèrent à soixante-dix-sept florins.
Pendant les pourparlers qui résultèrent du conflit, les États de Liège proposèrent au comte de lui racheter le pont; le comte répondit qu'il était tout disposé à entrer en arrangement. Nous ne savons quelle suite fut donnée à cette proposition.
Nous terminerons ce chapitre, en reproduisant une affiche concernant les droits de pontenage, imprimée en grands caractères et surmontée des armoiries du comte d'Arberg:
TARIF
Des droits du pontenage de Chesnée, appartenants à Monseigneur le comte d'Arberg de Vallengin, et du St Empire, évêque d'Amizon, suffragant et tréfoncier de Liège, Maréchal-héréditaire du Pays et Duché de Limbourg, Haut-voué héréditaire de Fléron, seigneur de la Rochette, etc.,etc.,etc.
ON PAYE:
Pour un carrosse, chaisse, ou toute voiture semblable, avec un cheval, 2 liards.
Pour un carosse , chaisse , ou toute voiture semblable, avec deux chevaux , 2 liards.
Pour chaque cheval de plus,1 liard.
Pour un chariot, charette, ou toute voiture semblable, avec deux chevaux, 2 liards.
Pour chaque cheval en plus, 1 liard.
Pour un cheval,1 liard.
Pour une bête à corne,1 liard.
Pour le cent de bêtes à corne, ou chevaux, 12 sols et demi.
Pour le cent de bêtes à laine, 6 sols et demi.
Pour le cent de pores, 6 sols et demi.
On paye à proportion pour le plus ou le moins desdites bêtes.
Les voitures de maîtres, et les chevaux sellés de maître, ne payent rien pour le pontenage.
LES SEIGNEURS DE LA ROCHETTE
DE LA FAMILLE DE LA ROCHE.
1200-1443
Les premiers seigneurs de la Rochette, dont l'histoire nous a conservé les noms, appartiennent à la famille delle Roche ou de la Roche, dont on ne connaît pas l'origine (38).
I. Franck ou François de la Roche, seigneur de la Rochette, avoué de Fléron, est le plus ancien de cette famille cité par Hemricourt dans son Miroir des Nobles de Hesbaye.
II. Jean de la Roche, son fils,vivait en 1266. Nous lui connaissons deux fils:
1° Franck ou François, qui suit :
2° Thierry, dit de Fléron, par acte de l'an 1310, reprit en fief du comte de Looz les seigneuries d'Once et de Houtain, qui, jusque là, étaient des alleus (39). I figure avec son frère François dans une charte du mois d'avril 1288 (40).
III. François II de la Roche, chevalier, avoué de Fléron, releva la Rochette vers l'an 1312, du jeune duc de Brabant, Jean III, qui venait de succéder à son père (41). Il épousa Marie, fille de Jacques de Walcourt, dit de Clermont, chevalier, seigneur de Clermont et d'Esneux, et de Marie de Dammartin, dite de Genelle, dame de Geneffe.
François figure, sous le nom de Franckon de Fléron, comme homme de la Cour allodiale de Liège, dans la charte de ce tribunal, en date de 1288, dont il vient d'être parlé. Il comparait également comme témoin à l'acte de relief mentionné ci-dessus, au nom de son frère Thierry, en 1310. « A tous cheaus ki ces présentes lettres verront orront, je Thyris de Fléron, frères a monsagnour Frankon, chevalier, voweis de chel meines liew, salus en Deu et conisanche de veriteit. » II scella cet acte de ses armes, ainsi que son frère Thierry (42).
François eut cinq enfants:
1° Jean, qui suit.
2° François, vivant le 31 décembre 1315 (43), mort avant 1328. Conrar de Lontzen releva, le 14 octobre de cette même année, à la Cour féodale de Liège les biens qui lui avaient appartenus.
3° Jacques, épousa la fille aînée de Baudouin de Flémalle, chevalier, et d'Isabelle de Saint-Servais, dont il eut cinq garçons et trois filles, entre autres: Baudouin qui devint bourgmestre de Liège en 1397 et 1403, et fut exilé et banni du pays le 7 octobre 1403. Ce Baudouin avait épousé une fille de Gérard Pauster, de Tongres, et fut le père de Jean de la Roche, seigneur à Beausen et à Flémalle, échevin de Liège et de Jupille, et de Guillaume de la Roche, chanoine de Saint-Lambert, qui soutint le partide Thierry de Hornes contre le prince Jean de Bavière.
4° Thierry, vivait le 11février 1348 (44).
5° N… mariée à Jean de Villers.
IV. Jean II de la Roche, seigneur de la Rochette, avoué de Fléron, épousa N..., fille de Baudouin de Luxembourg, dit de Hollogne-aux-Pierres, avoué de Chênée, et de N..., de Velroux.
Nous lui connaissons trois enfants:
1° François, qui suit.
2° N… qui épousa Rennewar, dit Renard de Weyme, seigneur de Reynarstein, décédé le 19 mai 1354, et enterré à Malmedy.
3° Jean, chanoine de Sainte-Croix, à Liège, en 1353.
V. François III de la Roche, seigneur de la Rochette, avoué de Fléron, vivait le 16 septembre 1366, et releva le fief de la Rochette cette même année, le 11 mars (45). Il épousa une fille de Pierre ou Pirlot de Horion, échevin de Huy, dont il eut quatre enfants:
1° Marie, femme de Hubert de Fanchon, chevalier, mort sans descendance.
2° N..., qui épousa Renier de Dammartin, dit de Fraipont, chevalier banneret.
3° Jean, qui suit.
4° Pierre, seigneur de Flostoy et de Résimont, dont il fit relief à la Cour féodale le 19 décembre 1384 (46); mort sans descendance.
François de la Roche eut, comme son père, la prétention de prêter hommage au duc de Brabant pour l'avouerie de Fléron, alors que ce fief relevait du chapitre de Notre-Dame d'Aix; mais ce dernier revendiqua ses droits, et le seigneur de la Rochette dut reconnaître ses torts par acte public du 11 février 1348, bien heureux de conserver encore sa charge d'avoué (47).
V I. Jean III de la Roche, chevalier, seigneur de la Rochette, qu'il releva vers 1374 (48), de Flostoy et de Résimont (49), avoué de Fléron, l'un des douze juges du Pays de Liège et comté de Looz, fut échevin de Liège de 1386 jusqu'en 1419, date de sa mort. Il épousa Helwys de Bomal, qui mourut en 1400, et fut enterrée dans l'église de Chênée avec cette épitaphe: « Cy gist honorable dame Hawy de Boumal, feme à Waillant home Messire Johan Sr delle Roche, de Flostoy, hault-voué de Fléron, qui trépassa l'an 1400, le 19 janvier (50 ). »
Elle fut mère de sept enfants:
1° François, qui suit.
2° Henri, seigneur de Résimont (51) et de Flostoy, qui épousa Catherine, fille de Jean de Berlo, seigneur de Brus, Plenevaux, Saive, Julémont, avoué de Sclessin, et d'Agnès de Corswarem de Moumale. Il vivait avec son épouse le 1er septembre 1425, et moururent sans descendants.
3° Jenne, mariée à Christian delle Byste, seigneur du Pas-de-Saint-Martin, avoué de Horion, dont:
a) Adam delle Byste, dit du Pas, chevalier.
b) Christian, dont nous parlerons plus loin.
c) Catherine, femme de Henri Borghers de Curange.
4° Catherine qui épousa Olivier de Dammartin, dit d'Oley, fils d'Olivier, seigneur d'Ohey, et de Catherine de la Monsée, dite de Seles.
5° Isabeau, épouse de Jean de Roloux dit de Ramelot, fils de Pierre ou Pirlot, seigneur de Ramelot, et de Jeanne de Holley;
6° Agnès, religieuse, puis abbesse du Val-Benoît, morte en 1454.
7° Marie, religieuse au Val-Benoit.
Jean de la Roche eut en outre trois enfants illégitimes qu'il n'oublia pas dans son testament daté du 4 mars 1419, jour de sa mort, « à dois heur après meynut ou environ ». Par ce testament, il demande à être enterré au couvent des frères mineurs à Liège, auquel il laisse une rente pour son anniversaire. Il laisse également aux frères mineurs, « vinte pesans florins une fois, » pour qu'on dise pendant sept ans, « messe de requiem por mon âme ». Il leur laisse encore pour une pitanche (repas ) dyez pesans florins ossy une fois à payer » .
Ses trois enfants illégitimes et leur mère Oudelette delle Brouck obtiennent sa maison de la rue Chaussée des Prés à Liège, et « VI petis gobines d'argent qui entrent l'unc dedans l'autre ».
Il laisse à son fils Franck toutes ses propriétés dans l'avouerie de Fléron et à St-Hadelin, à la condition qu'il affecte une rente de quatre muids d'épeautre à faire célébrer tous les ans, pour son père et sa mère, pour lui et sa femme, une grand'messe dans la chapelle du château de la Rochette. Il fonde également des messes à Forêt, à Flostoy et à Chênée, dont il se dit paroissien.
De même il lègue, entre autres biens, à Isabeau, sa fille, probablement la seule qui ne fût pas encore mariée, ses propriétés situées à Ciplet, à Corswarem, à Chapon-Seraing et à Hanêche, évaluées ensemble à cent cinquante muids d'épeautre de rente; en outre, six hanaps d'argent, des sept qui se trouvent dans sa maison de Liège, ainsi qu'une des deux coupes d'argent doré.
Son fils Franck reçoit le mobilier de la Rochette et celui de Liège; et Henry, celui de ses maisons de Huy et de Flostoy, excepté la vaisselle d'or et d'argent que les deux frères doivent se partager.
Il veut que « le chapeal d'or (heaume de parade), que » todis demeur alle maison delle Roiche; Item, ju lay à Franchois, mon varlet, pour Dieu et en almoine (aumône), l'argent de cheval que moy doit Johan de Lierneur le meide (médecin) por le cheval qui fut Benoilmont, et tot le harna qui port tout les jours quant ilh chevache, et encore aveucq ce, XXX pesans florins une fois à payer; Item, ju lay à Wilhemot me paige (mon page), dyez pesans florins, etc., etc. » (52).
Il fut enterré au couvent des frères mineurs, à Liège, sous une pierre portant sculptée son effigie, armée de pied en cap, avec cette épitaphe: Chi gist sage et vaillant homme Monseigneur Johan, seigneur delle Roche, et advoueit de Fléron, chevalier, Douse des lignaiges et eschevins de Liège iadit, qui trepassa l'an 1419, le 4e jour du mois de mars (53).
VII. Franck ou François IV de la Roche, son fils aîné, lui succéda; seigneur de la Rochette, Flostoy et Résimont (54), il prèta, devant les mayeur et échevins de Fléron, le serment d'usage comme avoué de cette terre.
Ce serment, attesté par lettres scellées des dits échevins, en date du 4 mars 1420, est ainsi conçu:
« Je Franck sire delle Roche, escuyer, jure que d'ors en avant, jy seray bon et feable alle englise de notre Dame d'Aix, et az sangnours Doyen et Capitle delle dite englise d'Aix, mayeur, esquevins, massiveirs et surceans delle hauteur, court et sangnoirie de Fléron, appartenante alle ditte englise, et qui jy les warderay loyalement leurs droits et les tenseray et défenderay à mon poyoir comme voué de Fléron de forche et violenche à l'encontre de cheaulx qui voulroient faire. - Si Dieu me vulte aider et tous ly saints » (55).
François de la Roche fut échevin de Liège de 1421 à 1442; il possédait une maison au quartier d'Outre-Meuse, chaussée des Prés, et y résidait habituellement. Quoique vassal de Dalhem, comme seigneur de la Rochette, sa charge d'échevin de la cité l'obligea à contribuer, avec les nobles du baillage d'Amercœur, au payement de l'indemnité de guerre que les Liégeois se virent forcés de payer à Philippe, duc de Bourgogne, suivant le traité de paix conclu à Malines le 20 décembre 1431 (56).
L'avoué de Fléron contesta au chapitre d'Aix, le droit de nomination des échevins et, comme son grand-père, il chercha à confondre le domaine de la Rochette avec l'avouerie. Comme ilne put fournir la preuve de ses prétentions, ce droit fut reconnu au chapitre par sentence du 19 mars 1436, et,le 1er octobre 1439, un accord entre le chapitre et Franck de la Roche confirma les droits du premier. L'avoué fit intervenir à ce contrat Christian delle Byste, chanoine de Liège, son neveu, et Jean de Ramelot, son beau-frère, qu'il qualifie ses héritiers (57).
Le 8 décembre 1425, par devant les échevins de Fléron, il avait cédé à Johan Matoize, un coup d'eau à Vaux-sous-Olne, pour activer une foulerie, moyennant une rente de deux chapons, affectée sur ladite foulerie et payable, chaque année, le jour de la St-Étienne, lendemain du jour de Noël (58).
Il avait épousé Marguerite dite de Celles, fille de Guillaume Kokeal, de Limbourg, dont il n'eut pas de descendance; mais il laissa quatre enfants illégitimes, qu'il reconnut et dota par testament. Ces quatre enfants étaient: 1° Pirlot ou Pierre, mayeur de Fléron en 1441, auquel son père, en accomplissement de son contrat de mariage, transporta, le 15 septembre de la même année, dix muids de mouture, affectés sur le moulin de Vaux-sous-Olne (59). Ce moulin appartint dans la suite à Johan le bastard, frère du mayeur de Fléron, et s'appelait « le mollin delle vouerie » (60); 2° Agnès, épouse de Jean de Limbourg; 3° Catherine, épouse d'Alexandre Halbadeal, et, en secondes noces, de Mathieu de Preit, et 4° Johan le bastard.
Par son testament, qui fut ouvert devant les échevins de Liège le 20 janvier 1443, François de la Roche demande à être enterré au couvent des frères mineurs, à Liège, auprès de son père. Il laisse à l'église de Chênée, pour son anniversaire, dix setiers d'avoine de rente affectés sur un pré situé à Vaux-sous-Chèvremont et à Ransy, soit « quatre stiers au vesty, quatre stiers pour le luminaire et deux stiers au clerq ».
Il fonde une messe pour tous les dimanches de l'année dans la chapelle de la Rochette; en cas d'empêchement, elle devait être célébrée dans l'église de Forêt. Il affecte à cette fondation une rente de sept muids d'épeautre.
Il laisse également, pour un anniversaire à Forêt, dix setiers d'épeautre de rente, et comme il possédait une maison à Prayon, il en fait un asile pour quelques pauvres. Cette maison, suivant le désir du testateur, devait être habitée à titre gratuit par une personne charitable, à charge seulement d'entretenir l'immeuble et de donner ses soins aux malheureux qui lui demanderaient l'hospitalité. Voici d'ailleurs le passage du testament concernant cette fondation:
« Item que come ensi soit que je aye à Prailhon une maison sur laquele je suy tenus et redevauble à ung vestis (curé ) de Fore˙s (Forèt) IIII stiers de spelte (épeautre) héritables, lesquels IIII stiers de spelte, je vuelle et ordine qu'il soit audit vestis autrepart rasseneit (affectés) affin que le maison soit ligge (libre); en laqueile maison je vuelle qu'il soit ordineit et affermeit ung lit atout les aournemens (ornements) raisonnaubles pour herbigier, touttefoix quanteffoix que nécessiteit serat, ung poevre (pauvre) II ou III poevres. Et auvecquesce ung pot, une peelle et ung chodron, et une mappe pour eaux à servir; en laqueile maison je vuelle que aulcune (une) personne ait son herbige et demeur sens treschens (loyer) à payer, fours tant seulement qu'il soit tenus de detenir la dite maison, de servir et adrechier les dis poevres de cariteit et d'aulmoisnes, etc....» (61).
François de la Roche laissait le surplus de ses biens à sa femme, et, par codicille, il faisait différents legs à ses serviteurs, et léguait encore à Johan le bastard, son frère, le fief de Résimont, « si avant que je le tiensde mon très redoubté sangneur monsr de Liège (62)».
Il fut le dernier seigneur de la Rochette de cette famille. Sa veuve releva, dans la sacristie de Notre-Da me d'Aix-la-Chapelle, l'usufruit de l'avouerie de Fléron le 11 janvier 1444, et déclara que son mari avait établi pour son mambour et pour remplir les fonctions d'avoué, son neveu Christian delle Byste, chanoine de Saint-Lambert .
Les héritiers de François étaient son neveu, Christian delle Byste, ses beaux-frères, Olivier de Dammartin, dit d'Ohey, Jean de Roloux, dit de Ramelot, et ses sœurs religieuses au Val-Benoit.
Olivier d'Ohey releva l'avouerie le 26 octobre 1443 et renonça à ses droits au profit de son beau-frère, Jean de Ramelot, le dernier jour de février 1444.
Marie et Agnès de la Roche, du consentement de l'abbesse du Val Benoit, relevèrent leurs parts de l'avouerie et y renoncèrent au profit de leur neveu Pierre de Ramelot, qui prêta serment au chapitre d'Aix le dimanche 7 juin 1444. Le 20 du même mois, Pierre renonça à ses droits sur ce fief au profit de Jean de Ramelot, son père, qui fit relief et préta serment (63).
L'avouerie, en 1444, était donc la propriété de Christian delle Byste et de Jean de Ramelot, son oncle.
La veuve de François de la Roche ayant épousé, en secondes noces, Jean de Brandenbourg, seigneur de Bolland et grand bailli d'Amercœur, conclut, le 3 mai 1448, avec Christian delle Byste, un accord par lequel ce dernier au lieu du douaire de deux cent cinquante muids d'épeautre de rente,l ui abandonnait la jouissance de la seigneurie de la Rochette, avec cette restriction qu'il placerait pour exercer la justice un lieutenant ou sous-voué, lequel serait choisi par lui Christian et agréé par Jean de Brandenbourg. Les deux conjoints devaient entrer en possession de la Rochette, le jour du Sacrement suivant (64).
CHRISTIAN DELLE BYSTE - 1443-1475.
Christian delle Byste (en flamand Van der Biest), chanoine de Saint-Lambert, seigneur de Pas-Saint-Martin (65), avoué de Horion, châtelain de Franchimont, fils de Christian (fils de Christian, avoué de Horion, et de la fille de Jean de Rulant, de Hozémont), et de Jeanne de la Roche, appartenait à une famille originaire de Saint-Trond on le trouve également mentionné sous les noms de Christian de Dammartin, du Pas St-Martin et Van den Bosch.
Chanoine résidant à Liège en 1412, il était absent de 1414 à 1417, et de nouveau en résidence à Liège de 1453 à 1475.
Il assista au rendage de la brasserie d'Amechin en 1434, et apaisa devant la justice d'Amay un différend survenu entre le chapitre et les vignerons de Huy, en 1455. Il vendit, en 1459, au chapitre de Saint-Lambert , la seigneurie de Terbiest, près de Saint-Trond (66).
Fils de la sœur aînée de Franck de la Roche, il était son plus proche parent (voir le tableau généalogique), et, comme nous l'avons vu, il n'habita pas le château de la Rochette; par suite d'un arrangement, ce fut la veuve de Franck de la Roche avec son second époux, Jean de Brandenbourg, qui y demeurèrent. Cependant, certaines contestations surgirent entre eux, car nous les trouvons en présence du chapitre de Saint-Lambert, ainsi qu'Olivier d'Ohey, Jean de Ramelot et l'abbesse du Val-Benoît, à la date du 12 janvier 1452, pour vider leurs différends. Ils déclarèrent suspendre leurs querelles, et s'en rapporter à l'arbitrage de Guillaume de Libermey et de Libert Textor, échevin de Liège (67).
A la mort de Marguerite de Celles, veuve de Franck de la Roche, Jean de la Roche, dit de Beausen, cousin au huitième degré de Franck et son plus proche parent par agnation, voulut faire valoir ses droits à la seigneurie et à l'avouerie de Fléron, sous prétexte qu'un fief du Brabant ne pouvait tomber en quenouille, et que la postérité mâle de ses possesseurs primitifs ne pouvait en être déshéritée.
Ce fut vers cette époque que les Liégeois, poussés par l'astucieux Louis XI, attirèrent sur eux la colère du duc de Bourgogne. Le 30 octobre 1468, date néfaste pour tout Liégeois, l'antique cité fut livrée aux flammes et au pillage, ses habitants égorgés ou précipités dans la Meuse.
Il serait inutile de rappeler ces faits, que la tradition a gravés dans la mémoire de tous, si nous ne devions parler d'un des lieutenants du duc de Bourgogne, lequel, exécuteur sans pitié des ordres sévères de son maître, présida à la destruction de cette ville florissante, et au massacre de ses habitants.
Ce lieutenant, Frédéric de Withem, châtelain de Dalhem, fut choisi par le chapitre d'Aix-la-Chapelle et prêta le serment ordinaire comme avoué héréditaire de Fléron, à la date du 9 février 1469, trois mois après le sac de Liège (68).
La collation de cet office à un autre qu'au seigneur de la Rochette (69), nous fait supposer que la seigneurie avait été confisquée à Christian delle Byste, ou que celui-ci ayant cherché un refuge au loin, la charge d'avoué se trouvait vacante et revenait de droit au châtelain de Dalhem comme représentant le duc de Brabant.
Tandis que Jean de la Roche de Beausen revendiquait le château de la Rochette, Withem avait jeté ses vues sur ce fief. Il avait une grande influence à la cour du duc Charles et, de plus, en qualité de châtelain de Dalhem, c'était devant lui que le serment de fidélité devait être prêté. C'est assez dire que les revendications de Jean de la Roche ne pouvaient avoir grandes chances de succès. Nous verrons dans la suite ce qu'il en advint.
Christian delle Byste s'éteignit à Liège en 1475 (70), dans un âge avancé. Voici le texte du testament qu'il fit ou plutôt qu'il accepta, le 20 juin de cette même année:
« Le XXe jour de moix de jung, environ de VIII heures après vespre, mesire Christiane de Pas, canone de Liège, gissant sour son lit en pettit chalfeur (chambre à feu), emprès sa cusinne, débilité par maladieze de son corps, et touttefoix extant en ses bons sens et mémore, fut plussieurs et diversse foix requis et priet de faire testament et disposeir et ordineir sa volenté dieraine des biens que notre seigneur Jhesu Crist ly avoit presteit en » ce monde et sy longement fut de ce sommé et requis par messire Willeme Grigore, vesty (curé) de Sart, et ly fut par luy demandé se son plaisir estoit et sa vollenteit que monsr l'archidiack de Hainault (Jean de la Marck), messire Renart de Roveroy, messire Loren de Bealmont, ledit vesty et Gile le Pollen fuissent ses foydmens et exécuteurs, et qu'il polsissent de ses biens faire et ordonneir à leur disposition et vollenteit, lequel respondi par II ou III foix oyl. Présents Jehan le bastar delle Roche, le joenne, Johan dy le Joenne, Allixandre de Mollin, Piron le Blon, et frère Loren le Lollart comme tesmoings. » (71)
La maison que Christian delle Byste habitait à Liége, était située vis-à-vis du choeur de l'église Saint-Michel; Robert d'Erpe en remit les clefs à Simon de Sluse, archidiacre du Condroz , le 17 octobre 1478 (72) .
CHRISTIAN DE RAMELOT 1475-1478
Jean de Ramelot étant mort la même année que Christian delle Byst, son fils Christian, seigneur de Goesne, gentilhomme de l'Etat noble du pays de Liège et comté de Looz, releva le domaine de la Rochette devant la cour de Jupille le 25 novembre 1475, tant pour lui, que pour son frère Henri et pour sa sœur Isabeau. (Voir le tableau généalogique ).
Ce relief toutefois ne fut qu'une simple formalité; son auteur ne pouvait prendre possession du fief, qui était toujours détenu par le châtelain de Dalhem. Nous avons déjà parlé de ce dernier, qui fut un personnage influent et qui joua un rôle important dans les guerres civiles du pays de Liège à cette époque.
Frédéric, seigneur de Withem, Weiswiler, Machelen, Colonster, chevalier, drossart et châtelain du comté de Dalhem, maréchal héréditaire de Limbourg, chambellan et conseiller du duc de Bourgogne, Charles-le-Téméraire, avait pour frères Jean de Withem, seigneur d'Ische, écuyer de l'écurie de Louis de Bourbon, prince-évêque de Liège, et Warnier ou Werner de Withem. Ils étaient enfants de Jean, seigneur de Withem, Houtven, Weiswiler, Machelen, drossart et châtelain de Fauquemont, et de Marguerite de Pallant, sa première femme.
Jean de Withem, qui mourut en 1443 et fut enterré aux Jacobins, à Maestricht, était fils du premier lit de Jean, seigneur d'Esche ou Ische, sénéchal de Brabant, et de Catherine Hoen de Hoensbroeck, et petit-fils de Jean de Brabant dit van Corselaer, seigneur de Withem, fils bâtard de Jean II, duc de Brabant, et de Catherine de Holsiet. Ce dernier était, en 1345, chambellan de Jean III, duc de Brabant, son demi -frère. Il acheta la seigneurie de Withem,dont ses descendants prirent le nom (73).
Frédéric épousa en premières noces, par convenances du 3 novembre 1454, approuvées aux échevins de Liège l'an 1459, Marie Chabot, dame d'Omesées et de Colonster, qui décéda le 25 mars 1460 et fut inhumée dans l'église de Saint-Pholien à Liège (74), fille d'Eustache Chabot, seigneur d'Omesées et de Colonster, grand et souverain mayeur de Liège, et d'Ailid Rosseal; en secondes noces, il épousa Anne Rogmans, dame de Bygaerden, dont il se sépara le 14 février 1488. Nous ne lui connaissons aucun descendant.
Le 22 mars 1451, il fut investi, par lettres patentes de Philippe-le-Bon, de la charge de maréchal héréditaire de Limbourg, et, par commission du 15 octobre 1462, il devint châtelain et drossart de Dalhem, office qu'il occupa jusqu'en 1479, époque où il le résigna en faveur de son frère Werner (75).
Frédéric de Withem était un des brillants seigneurs de la cour si fastueuse de Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne. Il assistait, le 28 juin 1459, comme homme de fief, au palais de Bruxelles, en présence de Philippe-le-Bon, à la donation faite par le seigneur de Wesemael de la seigneurie de Fallais au comte de Charolais, représenté par son chambellan (76).
Il faisait partie de l'armée bourguignonne, au moment de son passage de l'Escaut, le jour de la bataille de Barselle contre les Gantois (77 ).
Le 17 février 1454 (n .st.), nous le retrouvons à Lille, au fameux banquet du Faisan, pendant lequel Philippe-le- Bon, cédant aux sollicitations du pape Pie II, fit le vœu de prendre la croix pour repousser les Musulmans qui avaient envahi la Hongrie. A ce banquet resté célèbre, assistaient plusieurs princes et un grand nombre des principaux seigneurs de l'époque, lesquels, pour répondre au désir du duc de Bourgogne, promirent de le suivre dans cette nouvelle croisade et en prononcèrent le vœu séance tenante.
Les chroniqueurs qui nous ont conservé une relation détaillée de cette fête, nous font également connaître les termes dans lesquels les différents voeux furent prononcés par les convives. Ce fut probablement pour rappeler sa descendance des ducs de Brabant, que Frédéric de Withem s'unit aux deux bâtards de Bourgogne, pour émettre un vœu commun dont voici le exte:
« Messire Anthoine et Messire Philippe, bastards de Brabant, et messire Fedric de Witem, vouons à Dieu, à la benoite vierge Marie, aux dames et au faisant, de aler et acompaingnier nostre très-redoubté seigneur monseigneur le duc de Bourgoingne, ou monseigneur de Charolais, oudit saint voyage, ou cas qu'il lui plaise, comme tenus y sommes, et de faire ce qu'il lui plaira à nous commander à nostre pooir; et prions nostre dit très-redoubté seigneur, ou cappitaine dessoubz qui nous commettra, qu'il lui plaise nous donner congié de estre des avant-coureurs; et ou cas que nous averons congié, nous porterons l'ensaingne de Nostre-Dame en banerolles sur nos sallades ou sur l'abillement de teste que averons; et ferons tant, au plaisir de Dieu nostre créateur, que nostre dicte ensaingne de Nostre-Dame et nos noms seront cognus entre Crestiens et Sarrazins, et nostre honneur, à l'ayde de Nostre-Seigneur Jhesus-Crist » (78).
Ces projets de croisade ne devaient aboutir que dix ans plus tard; Antoine, le Grand Bâtard de Bourgogne, fut chargé du commandement de l'expédition, qui se composait de douze galères, montées par dix mille combattants environ (79).
La petite escadre partit, le 21 mai 1464, du port de l'Ecluse, côtoya la France et l'Espagne et entra dans la Méditerranée, où elle devait se joindre à celles rassemblées par le pape Pie II; mais la mort de ce dernier, arrivée à Ancône le 16 août de cette même année, arrêta les projets des croisés, qui débarquèrent à Marseille et revinrent par terre dans leur pays.
Frédéric de Withem cependant, fidèle à son voeu, ne voulut pas reprendre le chemin du Brabant avant d'avoir tiré l'épée contre les infidèles; et pendant une année entière, il guerroya sur la Méditerranée. Voici en quels termes le chroniqueur Olivier de la Marche rapporte ces détails: « et si fait à remontevoir que, l'armée toute rompue, messire Pietre Wais et messire Frederich de Withem garnirent leurs bateaulx le mieulx qu'ilz peurent; et firent ung an la guerre aux Sarrasins, vaucréant la mer à leur advantaige, où ils acquirent grand honneur; car ce n'est pas peu de chose, après l'armée rompue, de soubstenir la guerre ung an contre les infidelles et Sarrasins, comme dit est. » (80).
Comme Frédéric de Withem avait été empêché de remplir ses fonctions de châtelain et drossart de Dalhem, pendant cette expédition, on lui avait donné pour lieutenant ou adjoint Godard de Herve, son beau-frère, par commission du 27 avril 1464. Ce dernier prêta serment à la Chambre des comptes le 6 septembre de la même année, et suppléa de Withem jusqu'au 31 août 1465 (81).
Quelques années auparavant, après le sacre de Louis XI à Rheims, auquel assistait le duc de Bourgogne avec une suite nombreuse, de grandes fêtes marquèrent l'entrée du roi à Paris. Au nombre des réjouissances figurait un tournoi, qui eut lieu dans cette ville le 13 septembre 1461. Nous y retrouvons Frédéric de Withem, entrant dans l'arène, revêtu d'un costume remarquable par son originalité et faisant contraste avec la richesse et le luxe déployés par les autres seigneurs.
Il voulait être remarqué et il le fut doublement, car il eut tous les honneurs de la journée. Ecoutons ce qu'en dit un témoin oculaire:
« Quand doncques ces joustes avoient duré jà une bonne espace, survint tout derrenier un jeusne chevalier de Brabant (du pays d'Outre-Meuse, dit OLIVIER DE LA MARCHE) que le roy avait amené au pays et retenu à luy, nommé messire Frédéric de Witem. Et estoit yceluy chevalier houssé et couvert, homme et cheval, tout de peaux de chevreulx armés de bois (82), et monté à l'advantage pour acquérir bruit. Sy vint rifflant parmy les jousteurs et fist merveilles de bien employer son bois. Et tant avoit bon cheval et luy bon vouloir que tantost n'estoit ne bruit, ne criée, que de son fait; et ne dura riens devant luy,
sauve toutes voies que messire Adolf de Clèves avecques plusieurs autres firent moult bon debvoir. Mais touchant le prix et l'honneur du jour, certes, par jugement des dames et des seigneurs, il fut donné et jugé appertenir audit chevalier messire Frédéric; et de fait fut apportée la lance d'or garnie de trois diamants assis en pointe, en manière de rochet » (83).
Hardi et entreprenant, ne ménageant pas sa personne à l'occasion, Frédéric de Withem eut une existence agitée, et se trouva maintes fois dans des situations très critiques. C'est ainsi qu'il fut arrêté à Liège et que son parent Henri de Withem, seigneur de Beersel, dut avancer une certaine somme d'argent pour payer sa rançon. Par acte du 19 juin 1474, Frédéric lui constitua une rente héréditaire, pour se libérer envers lui (84). Dans une autre occasion, il fut fait prisonnier à Huy, alors que cette ville était au pouvoir de Guillaume d'Arenberg (85).
La cité de Liège commençait à renaître de ses cendres; Marie de Bourgogne, fille de Charles-le-Téméraire, mort sous les murs de Nancy, venait d'épouser Maximilien- d'Autriche, et avait fait la paix avec les Liégeois. La tranquillité paraissait rétablie et l'administration de la justice reprenait son cours. Ce fut en 1477, que le tribunal des échevins de Liège siégea pour la première fois, après neuf années d'interruption.
Les prétentions de Jean de la Roche dit de Beausen, peu sérieuses d'abord par ces temps de troubles, allaient devenir gênantes pour les héritiers de Christian delle Byste et de Jean de Ramelot: aussi se décidèrent-ils à se débarrasser de ces tracasseries, en abandonnant leurs droits sur la terre de la Rochette au profit de Jean de Withem, frère de Frédéric. Cette cession se fit de la manière suivante:
Les enfants de Jean de Ramelot, c'est-à-dire Christian, seigneur de Goesne, Henri son frère et Isabeau leur sœur, par acte du 28 mai 1478; Jehenne et Isabeau, filles de Pirlot de Ramelot, seigneur de Flostoy, par acte du 12 juin 1478; Wilhem Grégoire, chanoine de Saint-Denis, curé de Sart; messire Loren de Beemont, chanoine de St-Pirree, et Gilles le Pollen, se portant forts pour Jean de la Marck, chanoine de Liège et archidiacre de Hainaut, comme héritier de Christian delle Byste, cèdent également tous leurs droits sur la Rochette, par devant la cour de Jupille le 27 juillet 1478. Gilles le Pollen obligeait tous ses biens pour faire ratifier la susdite cession par l'archidiacre de Hainaut, lorsque celui-ci serait revenu au pays. Loren de Beemont et Wilhem Grégoire lui promettaient aide et assistance, comm exécuteurs testamentaires (86).
Le 16 juillet, Christian de Ramelot, représentant son frère et sa sœur, ainsi que Jehan de Loneur, mambour et porteur de procuration de Jeanne et Isabeau de Ramelot, se rendirent au château de Dalhem et relevèrent le château et les biens de la Rochette, devant Frédéric de Withem, agissant en qualité de lieutenant des fiefs et châtelain de Dalhem.
A la suite de cet hommage, Christian de Ramelot et Jehan de Loneur déclarèrent avoir cédé tous leurs droits à Jean de Withem qui fit relief et prêta serment à son tour.
Par le même acte, Frédéric de Withem abandonna à son frère tous les droits qu'il pouvait avoir sur ladite seigneurie, moyennant une somme de six cents florins du Rhin à vingt aidans la pièce (87).
Le 5 août suivant, Jehan de Chettengny, dit Sureal, Jehan et Philippe de Revers, se rendirent à Huy (avec le consentement du mayeur de Liège) dans la maison de Jehan de Loneur, où comparurent Henri et Isabeau de Ramelot, frère et sœur de Christian, ainsi que Jehenne, leur cousine, tant pour elle que pour sa sœur Isabeau, lesquels reconnurent et confirmèrent tout ce qui avait été fait par Christian de Ramelot et Jehan de Loneur, au profit de Jean de Withem (88).
Christian de Ramelot avait épousé, le 5 février 1476, Jeanne de Rouveroy, dame de Drolenvaux et Cornesse, fille de Renard, chevalier, et de Catherine de Ferme (89).
LES SEIGNEURS DE LA ROCHETTE
DE LA MAISON DE WITHEM
JEAN DE WITHEM - 1478-1483
Jean de Withem releva, le 18 juillet 1478 (90), par devant la cour de Fléron, l'avouerie du dit lieu. Nous croyons intéressant de donner ici le texte entier du record qui lui fut délivré sur sa demande par les échevins de Fléron:
« A tous cheaulx qui ches présente lettre verront et oront, ly maire et les esquevins delle court, haulteur et justice de Fléron, appartenante au vénérables et discreis seigneurs, Monsigneurs le Doyen et chapitle del eglise Notre Dame d'Aixhe, salut et cognissance de vériteit; sachent tout que pardevant nous comme pardevant court haulteur et justice susditte, comparut en propre personne pour faire ce que cy après s'ensieult, noble et honoreis damoisea Jehan de Witthem, signeurs d'Yes et de la Roche, lyqueil là meismes nous requist et pryat amiablement, que parmi ses drois payant, il poulsisse de nous avoir ung bon, vray et juste recort par escript et sayelleit, se nous aviemes mémoire et cognissance qu'il fuist voweit del haulteur et signourie susdit de Fléron, appartenant ausdits signeurs doyen et chapitle Nostre Dame d'Aixhe, et tout ce et de quant que nous en saviens et wardiens. Et nous les esquevins subescript à la raisonnable supplication et request du pré escript damoisea Jehan, les uns de nous à l'autre sour ce meyurement conseillies par grande délibération, alle somonse de honorable homme Jehan de Fléron, mayeurs pour le temps de notre ditte haulteur, desiemes et recordames, disons et recordons, salvons et wardons, qui recort demande recort doit avoir, partye desus adjournée, lyqueil damoisea Jehan alligat qu'il n'y scavoit nulle partye; ensieuwant che que dit est, ledit damoisea Jehan at apporteit pardevant nous charge et comission, mandement de par nos dits signeurs Doyen et chapitle notre Dame d'Aixhe, contenant que nous admetissiemes et recheuassiemes le susdit damoisea Jehan, en la dit office del dit vowerie appartenant à mesdits signeurs, comme cely qui avoit fait le seriment et ce que au cas appartient pardevant eulx et leur dit chapitle; sy que à la request dudit damoisea Jehan et en viertut dudit mandement fut par nous enseigniet audit damoisea, del venir et comparoir pardevant les xhammes del dit justice de Fléron, en présence des masuwiers et sourcheans del dit haulteur, à certain jours de plait, pour scavoir se ilh avoit personne ne aulcuns desdits masouweirs et sourceans, qui contre ce volloit opposeir ne alligier. Auqueil jour ledit damoisea Jehan comparut pardevant nous, en présens desdits masuwiers et sourseans, qui riens n'y alligont; lyqueil là mesmes fist le solempniteit delle loy ad ce afférant, en viertut de quoy et après ce fait, nous le mayeur et les esquevins, ensieuwant les costumes anchiennes et usages, avons livrées audit damoisea Jehan le clock, en mis en possession del dit vowerie, comme voweis et officier de par nos dits signeurs doyen et chapitle de Notre Dame d'Aixhe en ladit haulteurs et signourie dudit Fléron, pour d'icelle office joyr, useir et possédeir, rechiure et leveir cens, rentes, droitures et aventures, alle ditte office del dit vowerie appartenant, ensieuwant ledit mandement de nos dits signeurs d'Aixhe, come dit est. Lequeil recort ensi fait et par nous recordeit, notre dit mayeurs mist en le warde de nous les esquevins subescrips, la présens, qui nous drois en awiemes et nostre dit mayeurs ensy les siens » (91).
A peine Jean de Withem eut-il pris possession de son domaine, que les troubles recommencèrent. Les comtes de la Marck, ennemis jurés de la maison de Bourgogne et du prince-évêque Louis de Bourbon, harcelaient le Pays de Liège, pillant et brûlant les châteaux, rançonnant les habitants, ne laissant derrière eux que des ruines.
Leurs bandes de routiers étaient composées en majorité de mécontents et de gens sans aveu, se payant par le pillage et le vol; aussi furent-ils, pendant de longues années, a terreur et l'effroi des campagnes.
Comme ils ne craignaient pas de venir jusque sous les murs de la cité insulter les Liégeois, Louis de Bourbon, ayant été informé, le 30 août 1482, de leur approche, fit une sortie dans laquelle il perdit la vie, achevé, dit-on, par Guillaume de la Marck, seigneur d'Arenberg, plus connu sous le nom de Sanglier des Ardennes.
Il est probable que Jean de Withem assista à cette défaite de Wez; sa charge d'écuyer du prince nous permet de le supposer. L'auteur d'un manuscrit qui a appartenu aux seigneurs de la Rochette le suppose également (92). Quoi qu'il en soit, ilmourut le 3 octobre 1483 (93), n’ayant eu, selon le héraut d'armes Le Fort, qu'un fils du nom de Jean, seigneur d'Ische, qui épousa Catherine S'Baecx, et ne fut pas seigneur de la Rochette (94). Peut-être mourut-il avant son père?
Par suite du décès de Jean de Withem, son frère Frédéric, tant en son nom qu'au nom des autres héritiers, fut investi, par lettres-patentes de Philippe et Maximilien, archiducs d'Autriche, en date du 25 octobre 1483, des seigneuries d'Overysche et de Houtvenne leur échues en partage (95).
Il vendit la seigneurie de Houtvenne à Henri de Withem, seigneur de Beersel, lequel en reçut l'investiture le 18 août 1485 (96).
WARNIER DE WITHEM - 1483-1504
Warnier ou Werner de Withem, seigneur de Houtain, Ische, Schimper, Withem, succéda à son frère Jean comme seigneur de la Rochette, et releva cet héritage, par devant la Cour de Jupille, le 1er août 1486. Le 3 octobre 1483, il avait relevé à Aix-la-Chapelle l'avouerie de Fléron et prêté le serment d'usage (97).
Par commission du 20 décembre 1479, il fut nommé châtelain et drossart de Dalhem. Il prêta serment à la Chambre des comptes le 5 mars 1479 (n.s.1480) et remplit ses fonctions jusqu'au 23 juillet 1504 (98).
Warnier de Withem ne devait pas jouir longtemps de son domaine de la Rochette. Jean de Hornes, qui était monté sur le trône épiscopal, s'était emparé de Guillaume de la Marck et l'avait fait conduire à Maestricht, où il fut décapité le 18 juin 1485.
Cette mort avait fait renaître les hostilités, et les partisans des la Marck, à la tête desquels se trouvaient Everard, son frère, et Robert, son neveu, avaient recommencé leurs promenades dévastatrices à travers le Pays de Liège.
Jean de Beausen ne pouvant obtenir la satisfaction qu'il désirait relativement à ses prétentions sur le domaine de la Rochette, résolut de profiter de ces troubles pour se faire justice, en employant la violence. Quoique sujet du Pays de Liège et attaché personnellement au service du prince-évèque, il s'allia à la maison de la Marck et facilita la prise du château.
Le 28 janvier 1487, ceux-ci ayant dirigé sans succès une attaque contre Liège, furent poursuivis par les troupes de l'évêque et contraints de se retirer dans leurs places, dont les principales étaient Franchimont et Logne.
Jean de Hornes vint alors les déloger de la Rochette, et le 16 février suivant y mit une garnison, après avoir confisqué, au profit de son pannetier Gilles de Seraing, par acte signé le même jour à Maestricht, les biens de Jean de Beausen, déclaré traître et félon et condamné à avoir la tête tranchée (99).
Warnier de Withem reprit possession de son manoir; nous trouvons cette même année, les traces d'une enquête faite à son instance par la Cour de Fléron, relativement à un vol commis dans son domaine.
A peine y était-il rentré, et malgré la triste fin du prétendant à la succession de Franck de la Roche, qu'un autre compétiteur surgit immédiatement en la personne de Baudouin Faschotte de Magnée, lequel, fils de Jehan Faschotte et de dame Isabeau N., et se disant descendant de Thierry de la Roche et de N.,de Magnée, se trouvait être, après Jean de Beausen, le plus proche parent mâle légitime de Franck IV de la Roche. (Voir le tableau généalogique) (100).
Se considérant donc comme appelé à recueillir la succession, il rassembla une bande d'aventuriers, à la tête desquels se trouvait un certain Libert de Voroux, s'empara de la Rochette et s'y installa.
Cette nouvelle prise du château se fit encore sous le couvert d'Everard de la Marck, lequel, dans sa haine pour Jean de Hornes, se déclarait le protecteur et l'ami de tous les adversaires du prince-évèque.
Warnier de Withem s'étant adressé aux échevins de Fléron pour obtenir justice, ceux-ci, par sentence, en date du 27 juillet 1489, déclarèrent qu'il devait être maintenu dans tous ses droits sur la Rochette, déboutant de la Marck, qui agissait au nom de Baudouin Faschotte de Magnée, et le condamnant aux frais et dépens du procès. « Que ledit Damesea Warnier de Withem ensuivant la recharge de chieff, doit y estre metut en maniement des biens delle Rochette ossi fort que son frère damesea Johan les manioit et possédoit a son vivant, avant que mondit damesea Evera puisse faire nulle monstrance contre lui, puisse porter préjudice ne contrave etc... (101) »
Everard de la Marck se souciait peu de la décision des échevins de Fléron; la Rochette était un refuge pour ses gens qui harcelaient le pays, et il n'avait garde de s'en dessaisir. Il était d'ailleurs trop puissant seigneur pour se courber devant pareille sentence.
Warnier de Withem n'était pas de force à lutter contre un tel adversaire, et les guerres intestines qui agitaient alors le pays, l'empêchaient de poursuivre ses revendications. Les années se passaient et les usurpateurs restaient en possession du bien dont ils s'étaient emparés, soutenus par la grande influence d'un homme que tout le monde redoutait.
Nous voyons alors la Cour de Fléron, en dépit du jugement qu'elle avait rendu six ans auparavant, agréer, aux plaids généraux de la fête des Rois, en 1495, le relief de la seigneurie de la Rochette, au profit de Baudouin Faschotte de Magnée.
A l'intervention du chapitre de Saint-Lambert, la paix s'était faite entre Jean de Hornes et la famille de la Marck; pour fixer les conditions de cette réconciliation qui prit le nom de paix de Donchéry ou des lignages, plusieurs personnes notables avaient été constituées, par devant lesquelles Warnier de Withem vint exposer ses griefs et demander justice.
Le jugement, daté du 12 mai 1495, condamna Baudouin Faschotte et Libert de Voroux, à restituer la Rochette: mais, malgré cette sentence, ils n'en continuèrent pas moins à défier de Withem derrière les murs du vieux castel, percevant les rentes dues au château et, en somme, jouissant de la seigneurie en vrais propriétaires.
Les habitants de la Haute-Brouck, payaient au châtelain de la Rochette une redevance annuelle de treize muids d'épeautre et de six chapons; ceux de la Basse-Brouck, une rente de onze muids et de trois chapons; or, ces rentes étant payables au château, il s'ensuivit qu'elles furent perçues, pendant nombre d'années, par les possesseurs illégaux de la seigneurie.
Warnier de Withem intenta, en 1496, une nouvelle action devant la Cour de Jupille, dont relevait la terre de la Brouck, en restitution de ces redevances payées illégalement mais Everard de la Marck, depuis sa réconciliation avec le prince-évêque, étant devenu grand-mayeur de Liège, Warnier de Withem ne parvint pas à se faire rendre justice.
Nous le retrouvons en instance devant la même Cour le 16 décembre 1497; cette fois il obtint gain de cause, pour les rentes à échoir, mais quant à celles qui avaient été payées au château, elles restèrent acquises à Everard de la Marck (102).
Nous trouvons Warnier de Withem, quoique pas encore en possession du château, faire acte de seigneur de la Rochette, le 27 et le 30 juin 1498, devant la Cour jurée de Forêt pour recevoir le relief des rentes affectées sur la Haute et la Basse-Brouck (103).
Le 11 mai 1498, il avait reçu le relief de Grégoire le Passeur et de ses frères pour la pêcherie dans la Vesdre: « Si long et si large qu'elle s'estend, à tous ses appartenans, condit pescherie de la Rochette, commencant alle fontaine Logne dit Hisdeuse, et allant montant et revallant, alle roche de Noirfallize, ainsi qu'elle a esté usé en temps passez moyennant 6 griffons de cens héritables ».
Enfin, Warnier de Withem mourut en 1504, sans avoir pu rentrer en possession de son manoir. Il avait épousé, par traité du 6 septembre 1479, Marie de Hulsberg, dite Schaloen de Berneau, qui lui survécut jusqu'au 19 juin 1534. Il laissa deux enfants (104) :
1° Jean.
2° Marie.
LES SEIGNEURS DE LA ROCHETTE
DE LA MAISON DE GULPEN
RENIER DE GULPEN - 1504-1536
Après la sentence du 12 mai 1495, Baudouin Faschotte de Magnée avait probablement renoncé à ses prétentions sur la terre de la Rochette, car nous ne trouvons plus aucune mention de lui. Quant à Everard de la Marck, qui occupait le château, il ne considérait pas encore la partie comme perdue.
Il avait trouvé un complice dans Henri de Ramelot, qui, oubliant la cession qu'il avait faite de ses droits sur la Rochette, en 1478, à Jean de Withem, par devant les Cours de Jupille et de Dalhem, releva à nouveau la seigneurie le 23 septembre 1494, à Fléron, pour la transporter, le même jour, à Everard de la Marck. Cette vente sans valeur ne pouvait avoir d'autre but que de faire traîner les choses en longueur, en suscitant de nouveaux embarras à Warnier de Withem.
A la mort de ce dernier, ses deux enfants étaient encore bien jeunes et ils n'auraient peut-être pas opposé grande résistance à leur puissant adversaire, si Marie de Withem n'avait trouvé un époux et un défenseur de ses droits dans Renard ou Renier de Gulpen, seigneur de Berneau, drossart de Dalhem, fils de Frambach de Gulpen, seigneur de Neufchâteau et de Marie van der Smitzen (105).
Le 4 octobre 1504 , il releva l'avouerie de Fléron, et, à la date du 24 juillet 1506, nous trouvons, dans un acte de la Cour de Jupille, le rendage du pont de Chênée moyennant vingt muids d'épeautre et vingt muids d'avoine de rente annuelle, grande mesure de Liège, payables chez le rendeur. Renier de Gulpen y intervient comme mari et mambour de Marie de Withem et représentant également sa belle-mère et Jean, son beau-frère (106). Ce dernier épousa, par traité du 13 juin 1522, Anne de Vercken, dite de Weiswiler, fille de Henri et de Marie van Ophem. Elle mourut le 27 novembre 1538, laissant un fils du nom de Werner ou Warnier, seigneur de Berneau, décédé célibataire à Spire, le14 mars 1544.
Renier de Gulpen obtint, le 20 juin 1496, la survivance de la charge de châtelain et drossart de Dalhem, puis, à la mort de son beau -père, la patente confirmatoire de cette charge, en date du 23 juillet 1504. Il prêta serment au chancelier de Brabant le 27 juillet suivant et, le lendemain, à la Chambre des comptes. Il remplit ses fonctions jusqu'au 31 mars 1506, fut remplacé par Jean de Pallant, puis, les reprit par commission du 2 janvier 1514 (n.s. 1515 ), prêta de nouveau serment trois jours après et conserva cet office jusqu'au 14 janvier 1515 (n.s. 1516)(107).
Renier reprit les instances entamées par son beau-père pour récupérer le domaine de la Rochette, mais il ne put les mener à bonne fin. Il mourut le 28 janvier 1517, et, le 13 mars suivant, Jean de Withem, voulant se débarrasser d'un bien qui ne lui apportait que des déboires, renonça à tous ses droits sur la Rochette, au profit de sa sœur, la veuve de Renier de Gulpen, qui en fit relief (108).
De son côté, le comte Everard de la Marck, toujours maître de la Rochette, crut pouvoir disposer de ce domaine par donation entre vifs. Des rapports d'une nature mystérieuse l'attachaient à Catherine le Pollain de Waroux, fille de Jean le Pollain, chevalier, mort échevin de Liège en 1513, et de Catherine de Birgel. Catherine le Pollain avait été mariée, en 1509 (109), avec Adrien de Fraipont, dit de la Boverie, dont elle eut plusieurs enfants. Devenue veuve, elle fit la connaissance d'un jeune gentilhomme gueldrois, Thierry de Lynden, récemment arrivé à Liège, après avoir terminé ses études à Louvain. Leurs relations devinrent bientôt si fréquentes et si intimes qu'un mariage s'imposait (110). Il fut conclu, dit-on, à l'intervention du comte de la Marck qui, à cette occasion, fit à Thierry de Lynden donation du château de la Rochette et de ses dépendances, tels, dit l'acte, qu'il les avait donnés antérieurement à feu Adrien de Fraipont (110).
Immédiatement après son mariage, Thierry prit possession du château et se proclama seigneur de la Rochette. Nous trouvons, à la date du 26 octobre 1520, un jugement de la Cour de Fléron ordonnant la mise en liberté de Laurent le Boulenger, arrêté sur l'ordre de Thierry de Lynden; et, le 8 novembre 1525, une enquête faite à la Rochette par les échevins de Fléron, qui furent reçus par Madame de Lynden.
Renier de Gulpen, avant sa mort, s'était pourvu en appel devant la Cour féodale de Brabant siégeant à Bruxelles comme Cour suprême; mais Everard de la Marck étant parvenu, par son influence, à gagner à sa cause le chapitre d'Aix, déclina la compétence de ce tribunal, sous prétexte que la seigneurie de la Rochette dépendait de l'avouerie de Fléron et devait relever de la justice de l'Empire; c'est- à-dire que le différend devait être vidé par devant les hommes de fief du chapitre d'Aix. Le chapitre le soutenait dans ses prétentions absurdes, mais une sentence de Conseil souverain de Brabant, en date du 5 septembre 1531, l'en débouta , en le renvoyant devant la Cour féodale de Dalhem (111).
La mauvaise foi était flagrante; tous se liguaient pour dépouiller les vrais propriétaires de leur bien et ne reculaient devant aucun moyen pour arriver à leur but.
Le 2 mai 1527, Robert de la Marck, seigneur de Neufchâteau, Mirwart et Aigremont, ayant succédé à son père, Henri de Ramelot, confirma par devant la Cour de Jupille, au profit du dit Robert, la cession faite à Everard; cession illégale dont nous avons parlé tantôt.
Mais la veuve de Renier, avec une énergie extraordinaire chez une femme, continuait à défendre ses droits; sa tenacité fut couronnée de succès et les prétentions de Robert de la Marck mises à néant.
Par sentence du 24 octobre 1534, la Cour féodale de Brabant, jugeant en dernier ressort d'une décision de la Cour féodale de Dalhem, la réintrégra dans tous ses droits sur la Rochette, condamnant le comte de la Marck à restituer tous les biens et revenus perçus depuis nombre d'années. Le chapitre d'Aix et Thierry de Lynden étaient également condamnés aux frais et dépens du procès.(112)
Ce dernier refusa de quitter le château, avant que la demanderesse ne lui eût remboursé les dépenses faites pour l'entretien et les réparations des bâtiments, qui avaient beaucoup souffert pendant les dernières guerres. Cette affaire fit de nouveau l'objet d'une sentence à Dalhem et d'un appel à la Cour féodale de Brabant, le 29 janvier 1535 (113).
Enfin la veuve de Renier de Gulpen put entrer en possession de la Rochette, dont sa famille avait été dépossédée depuis près de cinquante ans. Mais elle ne jouit pas longtemps de son succès, et décéda l'année suivante, le 15 mars 1536.
De son mariage étaient issus :
1° Warnier, qui suit.
2° Frambach, seigneur de Berneau, qui testa le 25 octobre 1545 et mourut le 8 mars 1551. Il choisit sa sépulture dans l'église de Berneau, dans la tombe de ses parents; institue pour héritiers universels les trois enfants de son frère Werner, issus d'un premier mariage, et lègue enfin à ses enfants naturels nés de Marguerite Loeffs, sa servante, sa ferme située à Amby, au pays de Fauquemont (114).
WARNIER DE GULPEN - 1536-1564
Warnier ou Werner de Gulpen, seigneur de la Rochette, releva l'avouerie de Fléron, le 17 mars 1536. Il fut le premier seigneur de la Rochette qui réunit le fief du maréchalat du duché de Limbourg à celui du pont de Chênée, comme nous l'avons expliqué ci-dessus.
Les échevins de Fléron, d'après les ordres du chapitre d'Aix, avaient retiré la charge d'avoué au père de Warnier, puis s'étaient vus forcés de la lui rendre, ils nourrissaient une sourde rancune, attisée encore par les influences des partisans de Robert de la Marck et de Thierry de Lynden (115). Ces derniers n'avaient pas quitté le château de bonne grace et se promettaient même d'y rentrer.
L'occasion désirée se présenta quand Warnier dut abandonner son domaine, pour se mettre au service de l'Empire, sous les ordres du comte de Beveren.
Ce fut le moment que saisirent ses ennemis pour recommencer leurs vexations. Embusqués dans les bois de la Rochette au nombre de vingt-cinq à trente hommes, ils s'emparaient du bétail paissant dans les prés, fauchaient les foins, vendaient les bois, défendaient au locataire de la pêche d'user de son droit, arrêtaient les fermiers pour les obliger de payer les redevances au profit de Robert de la Marck et du chapitre d'Aix. Ils ne reculaient pas devant l'assassinat; la mort du charpentier du château, tué par eux, en est un exemple. Ils tentèrent même à plusieurs reprises de s'emparer de la Rochette, mais leurs attaques furent toujours repoussées.
Les partisans de Robert de la Marck avaient une telle confiance dans leur chef, qu'ils se croyaient à l'abri de toute représaille.
Ce seigneur, en effet, était à cette époque extrêmement puissant et n'avait pas hésité, en 1521, à déclarer la guerre à l'empereur Charles-Quint, qui chargea le comte Henri de Nassau de châtier ce vassal audacieux.
Malgré la décision de la Cour féodale de Brabant, le comte de la Marck, soutenu par le chapitre de Notre-Dame d'Aix, porta sa cause devant le tribunal des échevins de cette ville et obtint, en 1536, une décision favorable à ses prétentions (116); ce qui fit augmenter encore les embûches que ses partisans tendirent au seigneur de la Rochette pour rentrer en possession du manoir.
Aussi Warnier, en désespoir de cause, s'adressa-t-il à l'empereur; Charles-Quint, dans un mandement daté du 25 octobre 1537, cassa la décision des juges d'Aix, confirma Warnier dans tous ses droits sur la Rochette, et le prit sous sa protection spéciale, ainsi que sa famille et ses serviteurs.
Il l'autorisa à placer devant la porte du château, un écriteau portant les armes de l'empire, avec l'inscription: DE NOTRE SAUVE-GARDE. Il ordonna, en outre, que son mandement fût affiché et publié par les crieurs publics, enjoignant à ses officiers, justiciers et sujets, de prêter aide et assistance à Warnier, et menaçant de sa colère quiconque enfreindrait son ordonnance. Ce fut probablement à dater de cette époque, que le donjon du château fut surmonté d'une girouette ou banderolle, représentant l'aigle impériale (117).
Depuis lors, la Rochette entra dans une période de calme et de prospérité, et Warnier de Gulpen resta paisible propriétaire de ses fiefs.
La vallée de la Vesdre commençait à se peupler d'usines; le travail du fer surtout y prenait un grand essor. Les petites forges, d'abord sans importance, s'agrandirent, puis demandèrent à la rivière la force motrice de son courant pour activer leurs marteaux et devenir des usines portant alors le nom de fenderies de fer. Ce furent les ancêtres de nos laminoirs modernes.
Les seigneurs de la Rochette, disposant du cours de la Vesdre, profitèrent de ce progrès de l'industrie, pour en tirer avantage.
Le premier rendage que nous trouvons d'un coup d'eau sur la Vesdre est celui de Chaudfontaine, en lieu dit: « haute Baserie »; c'est le dernier de cette localité en aval de la rivière; il appartient actuellement à MM. Massart, Lochet et Crahay. Warnier de Gulpen comparaît avec son fils Renier à l'acte passé par devant la Cour jurée de Forêt. Les preneurs sont « Raes de Chockier, marchand citain de Liège, et Tieskin fils de Renkin Mulneart aussy citain de Liège, acceptant pour son père, lesquels « acceptent ung cop d'eaue pris hors de certaine eaue audit père et fil appartenante, venante longe et par desseur Prailhon, condist l'eaue de Vesde, pour sur teldit cop d'eaue faire ériger, droit et emprès ung lieu condit Bausereit, ung martea ou moullin, etc. » moyennant « 6 carolus d'or impérialle de cens par an héritaubles, compteit pour chacun des dits carolus, vingts patar de brabant de cens, à jour et fieste de la nativité sainct Johan baptiste ». Les preneurs s'engageaient à construire dans l'année une usine de la valeur de vingt carolus d'or; à faire une pêcherie et à remettre au seigneur de la Rochette la moitié des poissons qu'ils prendraient, et, en outre , dans le cas où les preneurs ajouteraient une forge « ung fornea », ils s'engageaient à livrer chaque semaine au château de la Rochette, « une poise de fier ou aultrement, selon la règle et usans générable des fourgeurs, sans fraude » (118).
Le second rendage est celui de Ster. Le 11 septembre 1549, Warnier de Gulpen avait cédé aux sieurs Raeskin Germea et Thomas Gilmart, bourgeois de Liège, un coup d'eau pour établir une usine en dessous de la montagne de Chèvremont, moyennant une rente annuelle de six carolus d'or et la moitié des poissons qu'on prendrait dans le dit coup d'eau. Cette rente était payable à la Rochette, et les preneurs s'engageaient à en faire relief d'héritiers. Ce coup d'eau fut possédé dans la suite par le célèbre Curtius et appartient actuellement à MM. Lejeune et Ansay.
Le troisième fut celui de la Brouck, concédé aux frères Georges et Guillaume de Thier, de la famille liégeoise de ce nom, moyennant une rente annuelle de cinq florins de Brabant et la moitié des poissons. Les preneurs s'engageaient à y construire une usine d'une valeur de mille florins de Liège environ. Ce rendage est de l'année 1563 (119) et le coup d'eau active actuellement l'usine de MM. Fagard.
Warnier acquit en 1559 l'engagère de la seigneurie d'Olne, pour une s omme de dix-huit-cent-quatre-vingts florins (120).
Il épousa en premières noces Marguerite d'Argenteau, fille de Renier ou Renard, seigneur d'Argenteau, Hermalle, etc., et de Marie de Trazegnies. Cette dame mourut le 25 janvier 1538, après avoir donné le jour à trois enfants; son mari convola bientôt après avec Marie Golentier, dite de Lens ou de Neufchâteau (121), dont il eut encore une fille, Marie, qui épousa Tilman Mensis de Wonckel. Les enfants du premier lit furent:
1° Renard ou Renier, mort jeune avant son père.
2° Marie, épouse de Jean de Ruyschenbergh, maréchal de Juliers, morte de ses couches, le 23 janvier 1552;
3° Marguerite, femme de Guillaume de Ruyschenbergh, dont il sera parlé plus loin.
Le testament de Warnier de Gulpen, en date du 10 avril 1563, mérite d'être analysé ici. Le testateur choisit sa sépulture dans l'église de Forêt, auprès de sa première femme, Marguerite d'Argenteau, et veut qu'on place sur leur tombe une pierre avec leurs images et leurs armes. Il fonde, en la même église, un anniversaire avec distribution aux pauvres.
Il lègue à son fils (sic), Guillaume de Ruyschenbergh, sa seigneurie d'Olne, à condition qu'il donnera la somme de mille florins à sa servante, Catherine, fille d'Antoine Delleur, au profit des quatre enfants naturels, Antoine, Marguerite, Catherine et Marie, qu'elle a eus de lui. Toutefois il sera facultatif à Ruyschenbergh de se libérer de ce legs en servant une rente annuelle de soixante florins.
Il lègue encore à Guillaume tout le mobilier qui sera trouvé à la Rochette le jour de son décès; les chevaux et tout l'attirail de labour, le bétail à cornes et autre; il réserve toutefois ses habillements, ses bijoux, ses chevaux de selle, son argenterie, ses fermages et rentes échus, ainsi que tout le fer qui sera trouvé dans les huttes ou ailleurs, et les laisse à Catherine, sa servante pour être vendus et convertis en rentes au profit de ses enfants, rentes dont la mère aura d'ailleurs l'usufruit.
Quant aux provisions et boissons, tout devait rester à la Rochette, pour être consommé le jour de ses funérailles.
Il laisse à Marie, sa plus jeune fille naturelle, toute son argenterie, à l'exception de trois pièces spécifiées ci-après, et sans préjudice de sa part dans le restant de ses legs; cependant, si Ruyschenberg désirait cette argenterie, il pouvait la conserver, sauf à en payer la valeur intrinsèque.
Il lègue à Guillaume de Ruyschenbergh sa maison située à Liège, derrière l'église Saint-Denis, à charge de donner une somme de seize cents florins à son fils naturel Antoine.
Tilman Mensis, de Wonckel, et Marie, sa femme, fille du testateur, obtiennent pour tout legs cent florins de Brabant, une fois.
Jean Criekelman, de Maestricht, reçoit, en souvenir du testateur, un haut plat d'argent orné de cabochons.
Enfin, il désigne pour exécuteurs testamentaires Guillaume de Ruyschenbergh et Christian d'Eynatten, grand mayeur de Maestricht. Le premier aura pour ses peines un plateau d'argent doré et décoré du perron de Liège avec les armes de Gulpen; le second, un plateau semblable portant aussi le perron de Liège avec les armes de feu Winand de Retersbeke, drossart de Dalhem (122).
Warnier mourut le 30 mai 1564 et fut enterré dans l'église de Forêt. Nous donnons le dessin de sa tombe .
LES SEIGNEURS DE LA ROCHETTE
DE LA MAISON DE RUYSCHENBERGH.
GUILLAUME DE RUYSCHENBERGH (123) 1564-1586
Le contrat de mariage de Marguerite de Gulpen avec Guillaume de Ruyschenbergh, deuxième fils d'Edmond de Ruyschenbergh, seigneur de Setterich, et de Philippine de Nesselrode, fut conclu le 15 juin 1552, en présence de Jean de Ruyschenbergh, seigneur de Setterich, de Guillaume de Ruyschenbergh, seigneur à Overbach, de Guillaume d'Eynatten, de Warnier de Gulpen, de Jacques, seigneur d'Argenteau, et de Guillaume, seigneur d'Esneux.
Le futur fait apport de la maison de Holtdorp, avec terres, prés, bois, etc. Warnier de Gulpen déclare que sa fille aura des biens à Calroede, à Yssche et aux environs, la ferme de Snauwerbussche; soixante-trois muids d'épeautre de rentes dans le ban de Fouron, et trente-sept muids à Goé et à Wilhonry. D'autres biens, notamment ceux provenant de la succession de Frambach de Gulpen, reviendront à sa fille après sa mort (124). Il est à remarquer qu'il n'est pas question dans ce contrat, de la terre de la Rochette.
Ses frères étaient: Jean de Ruyschenbergh, maréchal d u Pays de Juliers, qui épousa Marie de Gulpen; Henri, chevalier de l'Ordre teutonique et commandeur des Vieux-Jones, mort en 1603; Winant, chanoine à Mayence, et une sœur du nom de Marie, mariée à Gaspard Huyn d'Amstenraedt, de Husen.
Les difficultés entre les seigneurs de la Rochette et la famille de la Marck, étaient à peine oubliées, que nous retrouvons Guillaume de Ruyschenbergh aux prises avec le chapitre d'Aix-la-Chapelle. Se trouvant à Fléron le lundi 17 novembre 1567, il y rencontra Jean Brecht, chantre du dit Chapitre, avec quelques confrères; nous ne savons à quel propos, Guillaume l'insulta et chercha même à ameuter le peuple contre lui, en faisant sonner la cloche d'alarme. Bernard de Haccourt « avant parlier et mambour » du Chapitre, porta plainte le 15 décembre suivant, jour des plaids à Fléron.
Ruyschenbergh comparut devant la Cour le 12 janvier 1568; mais Bernard de Haccourt s'y étant rendu sans procuration du chapitre d'Aix, l'affaire fut remise, et, après une nouvelle séance à laquelle le seigneur de la Rochette fit défaut, il n'en fut plus question (125).
Quelque temps après, Ruyschenbergh faisait emprisonner à la Rochette le mayeur de Fléron, Henri de Bolzée. Le 29 juillet 1568, il obtint de la Cour d'Olne, une sentence déclarant le mayeur « infaulme et parjure, et ledit seigneur de la Rochet et Doelne en son appréhension bien fondé . » Nous ignorons les motifs de cet emprisonnement, mais, le 2 septembre suivant, les deux fils du mayeur, Lambert et Jean de Bolzée, consentirent à payer au seigneur de la Rochette, pour obtenir l'élargissement de leur père, la somme de « quatre cents dalers du prix de 6 florins et diez solz, argent liègeois la pieche, avec vincgt quattre brebis. »
En cette même année 1568, il céda à Lambert le Godet, de Ninane, devant la Cour de Jupille siégeant au pont d'Amercœur, « le coup d'eau gisant desoub Ninane, en lieu condist le pré aux chennaux, commençant au costé d'ammont à lislea Thierry et devallant jusque à la roche à l'échelle » (126). L'année suivante, le 1er juillet, Lambert le Godet étant mort, le seigneur de la Rochette exigea de Remy, son fils, et de Franck de Chierff, son gendre, une amende de deux cents florins de Brabant, parce que, sans son consentement on avait érigé sur le coup d'eau une forge, alors que dans la convention primitive il n'était parlé que d'un moulin.
Ce coup d'eau est celui qui active encore actuellement les usines érigées près de l'Hôtel des Bains à Chaudfontaine. Le nom de Chaudfontaine ne figure pas dans l'acte, quoique l'identité des lieux ne puisse être mise en doute.
L'ilot Thierry est celui près duquel prend naissance la digue conduisant l'eau au biez des usiniers. Le second ilot, situé en aval du précédent, s'appelait l'ilot Nonnette; où fut construit, dans la suite, le moulin actuel. Quant à la « roche à l'Échelle, ce ne peut être que le rocher appelé maintenant « le Thier des Milords; » c'est d'ailleurs une véritable échelle.
L'emplacement du village de Chaudfontaine était donc, en 1568, un pré, sans autre désignation que le Pré aux Chennaux, parce que la rivière s'y divisait en plusieurs bras. Selon toute apparence, il n'y existait encore que l'usine construite par Lambert le Godet, dont le nom, un peu modifié, passa à la partie du village qui se trouve près du coup d'eau en question, et qui s'appelle encore maintenant le Gadot.
Chaudfontaine faisait partie de la juridiction de Jupille, autrement dit du baillage d'Amercœur (127). Cette juridiction appartint au temporel jusqu'en 1266 à l'église de Verdun, le fief de Jupille ayant été donné à cet évèché l'an 1008, par l'empereur Henri II. En 1226, le chapitre de Saint-Lambert en fit l'acquisition.
Le baron de Villentagne, dans son Histoire de Spa, tome II, page 23, mentionne une charte de 1250 émanant d'un évêque de Verdun, où il est parlé de « Chaueteaul-Fontaine ». Il signale aussi un testament de 1339 laissant « quarante sous à l'hospital de Saint-Julien, à Choz-Fontaine. » (128)
Ferdinand Henaux parle de cet hôpital dans le Bulletin de l'Institut archéologique, tome I, page 62; selon lui, il aurait été assez vaste pour héberger une vingtaine de personnes, et existait encore au XVIe siècle, à l'endroit où se trouve aujourd'hui la tête du pont, sur la rive gauche de la Vesdre. Malheureusement, l'auteur ne cite aucune preuve à l'appui de ce qu'il avance. Il ajoute qu'il est possible que cet hôpital ait été destiné à recevoir les étrangers que la dévotion attirait à Chèvremont. Cette supposition pèche par la base, la chapelle de Chèvremont n'ayant été bâtie par les Jésuites anglais qu'au XVIIe siècle (129). Nous croyons plutôt que l'hôpital en question était destiné à héberger de pauvres malades, qui avaient recours aux eaux thermales de Chaudfontaine. Dans nos recherches, nous n'en avons rencontré aucune mention ; mais ,à la date du 2 mai 1390, nous avons trouvé la cession d'un pré à « Chofontaine »; le 28 mai 1426, le transport par Henri Lambinet, de Vaux sous Chèvremont, à Linar le boulanger demeurant en Feronstrée, à Liége, de trois journaux de pré situés à « Chofontaine moyennant dix-huit setiers d'épeautre de rente et douze griffons; d'autres actes encore sans importance en 1431, 1436 et le 13 mars 1457, le transfert de la moitié d'une île se trouvant au même endroit; cette île appartenait par moitié à Louis et Henri Lambinet de Vaux sous Chèvremont. La moitié que vend Louis joignait « d'amont à son frère Henri, d'aval à l'eau de la Vesdre, de costeit de butte alle clusire de voweit delle Roche et d'autre part de butte à voye delle Roche. » (130)
Cette île ne pouvait être que l'emplacement actuel du village de Chaufontaine, sur lequel se trouvent l'Hôtel des Bains et la source thermale; il ne peut exister aucun doute à ce sujet. La rive droite de la rivière, est désignée par « clusire » ou enclos de l'avoué, et l'autre côté vers la montagne, actuellement le sentier du Gadot, était alors le seul chemin menant vers la Rochette. Près de ce chemin existe une ancienne construction dans laquelle Grandgagnage (131) a cru reconnaitre l'hôpital Saint-Julien. Cette supposition, quoique assez hasardée, nous paraît plus plausible que l'assertion sans preuve de Ferdinand Henaux, parce que en 1457, dans la transaction précitée, l'ile entière appartenait aux deux frères Lambinet et qu'on n'y voit point figurer la mention d'une construction quelconque. Si l'hôpital avait existé alors, à l'endroit où se trouve actuellement la tête du pont, et, par conséquent, au milieu de l'ile, il est probable que l'acte en aurait fait mention.
Comment se fait-il que le nom de Chaudfontaine ne fut pas employé dans l'acte de rendage passé entre le seigneur de la Rochette et Lambert le Godet? Ce nom seul aurait dû servir à désigner l'emplacement du coup d'eau, lequel est au centre du village actuel et à proximité des sources d'eaux thermales, qui se trouvent même entre lui et la rivière.
Le baron de Villenfagne suppose que les sources de Chaudfontaine, après avoir acquis une certaine vogue au XIVe siècle, la perdirent au point d'être oubliées au XVI, de telle sorte qu'André Baccio, savant médecin qui fit des recherches concernant les eaux thermales répandues sur la surface du globe, ne nomme même pas Chaudfontaine dans son ouvrage, publié en 1571. L'acte de rendage ci-dessus confirme cette supposition; mais comment cette vogue a-t-elle pu s'oublier au point que le nom de la localité lui-même ait cessé d'être employé pendant deux siècles environ? Faut-il attribuer cet oubli à une disparition subite des eaux thermales ou bien, ce qui semble plus probable, à l'appauvrissement général du pays de Liège et des environs à la suite des guerres qui désolèrent presque sans répit, la seconde moitié du quinzième siècle?
Quoi qu'il en soit, le nom de Chaudfontaine disparaît vers cette époque et ce fut seulement en 1676, que Simon Sauveur érigea un petit bâtiment avec quelques bains, à l'endroit où se trouvait la source en question, et que les eaux thermales reconquirent peu à peu leur ancienne célébrité.
Il nous paraît utile de rappeler ici l'article si intéressant et écrit avec tant de verve, intitulé « Chaudfontaine » (132) , dans lequel l'auteur rend à l'humble fondateur des bains l'hommage qui lui est dû.
Ces détails nous ont entraîné assez loin de notre sujet. Nous y revenons.
Le 21 novembre 1581, le seigneur de la Rochette céda devant la Cour de Fiéron, un coup d'eau, en lieu dit « Hoster » , à Laurent Butbach, bourgeois de Liège, moyennant « six vingt et dix florins de Brabant » (130 fl. B.) et toujours la moitié des poissons qu'il prendra dans le biez. En 1583, Laurent Butbach ayant agrandi sa prise d'eau, la rente annuelle fut portée à sept vingt florins. brabant » (140 fl. B.). Ce coup d'eau est celui qui active encore actuellement l'usine de Hauster, appartenant à M. Ernest Nagelmackers (133).
Le 14 mars 1583, il cède à Jacques le Masson un coup d'eau à Vaux-sous-Olne pour faire tourner deux « rues à scavoir l'une pour faire pouldre et l'autre un moullin aux xhoirs ».
La vieille querelle entre le chapitre de Notre-Dame et le seigneur de la Rochette, un moment apaisée, avait repris de plus belle. Ce dernier aurait désiré s'affranchir de la suzeraineté des chanoines d'Aix, comme les de la Roche l'avaient déjà essayé, et aurait voulu donner à l'avouerie de Fléron le même souverain que celui de la seigneurie de la Rochette, c'est-à-dire le roi d'Espagne, comme comte de Dalhem.
Une notable partie des habitants de l'avouerie, déclinèrent avec lui, la compétence des magistrats d'Aix et
réclamérent, devant le Conseil souverain de Brabant, contre le choix fait, par le chapitre d'Aix, de deux échevins et d'un mayeur.
Guillaume de Ruyschenbergh et ses partisans alléguaient, qu'à différentes reprises la Cour de Dalhem avait jugé en appel des différends qui auraient dû être vidés devant les magistrats d'Aix-la-Chapelle. Ils prétendaient tirer de ce fait un argument de droit; mais la sentence qui fut rendue le 24 décembre 1586, après un procès de plusieurs années, reconnut la souveraineté du Chapitre et le droit qu'il avait de choisir ses magistrats. Cette sentence contenait des réserves qui furent la source de contestations ultérieures.
Ruyschenbergh écrit de la Rochette le 14 janvier 1570 à Fabry, son avocat à Bruxelles, qu'il qualifie de « son bon amy », au sujet du procès pendant avec le chapitre d'Aix et nous donne une idée de son caractère entier et décidé. Il tenait énormément à ses prérogatives de justicier et avait fait abattre un gibet que le chapitre d'Aix avait fait élever dans l'avouerie. Voici quelques parties de cette lettre, concernant un certain Pirlot, fils de Jean le Brasseur, de Herve, accusé d'homicide sur Jeanne, sa femme, et sur Lambinet, de Jozé, qu'il aurait empoisonné et dont il avait épousé la veuve appelée Maroie.
Le seigneur de la Rochette avait fait arrêter et emprisonner ces deux individus au château, en dépit des observations du chapitre d'Aix. Nous transcrivons: « Touchant les deux prisonniers Pierlot et Maroie, me suys contre les dits d'Aix reiglé selon vos instructions, mais après plusieurs altercations jurinde faictes, les eschevins de Fléron ont à la semonce de moy come hault voeit, donné sentence nonobstantes les protestations desdits d'Aix, taschans par tous moiens de limpescher, et condampné Pierlot de avoir premièrement le poing coupé, puis bras et jambes rompus et sa teste tranchée sur une rue, sa femme pendue à la dite rue et ung feu desoubs; laquelle sentence jay incontinent faict mettre en exécution. Ne scay ce que les dits d'Aix vouldront sur cela faire. »
130 -
Guillaume mourut le 28 décembre 1586 et son épouse le 2 février 1603. Ils furent enterrés dans l'église de Forêt (134). De leur mariage naquirent dix-sept enfants (135):
1° Edmond, né le 1er novembre 1553, commandeur de l'Ordre teutonique à Sierstorff, décédé le 8 décembre 1623 .
2° Jean, qui suit.
3° Adam, né le 27 janvier 1556, mort célibataire.
4° Marie, née le 11 mai 1557, religieuse à Heinsbergh .
5° Catherine, née le 27 août 1558, morte à l'âge de trois ans .
6° Marguerite, née le 31 mai 1560, religieuse à Heinsbergh, décédée en octobre 1626.
7° Henri, né le 10 mai 1561, chanoine de Liége, de Strasbourg, de Munster, archidiacre de Campine, prévôt de Saint-Barthelemy à Liége, mort le 15 octobre 1626.
8° Catherine , née le 30 mai 1562 , religieuse à Herc- kenrode .
9° Philippine, née le 2 août 1563, épousa, l'an 1582, Adolphe de Cortenbach, seigneur de Helmond .
10° Florent, né le 15 octobre 1564.
11° Agnès, née le 6 mai 1566, religieuse à Herckenrode.
12° Anne, née le 8 mai 1568, abbesse à Ruremonde, décédée le 15 août 1629.
13° François, né le 30 juillet 1569.
14° Elisabeth, née le 3 février 1571 .
15° Gertrude, née le 4 septembre 1572.
16° Guillaume, né le 18 mai 1574, mort à deux ans.
17° Jeanne, née le 16 septembre 1575, religieuse à Ruremonde.
JEAN DE RUYSCHENBERGH
1586-1638
Jean de Ruyschenbergh, seigneur de la Rochette, Overbach, Olne, etc., né le7 décembre 1554, colonel au service de l'Empire, gouverneur de la ville de Juliers, conseiller de l'Electeur de Saxe, maréchal héréditaire du duché de Limbourg, avoué héréditaire de Fléron, avait épousé en premières noces, Marguerite de Loë, morte sans descendance (136), fille de Bertrand de Loë, seigneur de Palstercamp, et de Marguerite de Horst. Il épousa en secondes noces, par convenances de mariage du 10 février 1602, Sybille-Marie de Plettenberg, fille de Henri de Plettenberg, seigneur et drossard de Schwartzenberg, et d'Anne van der Heyden.
Il releva la seigneurie de la Rochette, devant la Cour féodale de Dalhem, le 28 février 1587, et le 1er juillet 1603, il signa à Dusseldorf des pleins pouvoirs pour son frère Henri, alors chanoine de Liège et de Munster, à l'effet d'exercer en son nom la charge d'avoué de Fléron. Le 2 juillet 1587, ce dernier avait relevé, à Limbourg, au nom de son frère aîné, l'office de maréchal héréditaire du duché, avec le pont de Chênée.
Le sol de la Rochette, assez riche en minerais de fer et de plomb à l'état de sulfures, fut mis, au commencement du XVIe siècle, en exploitation par son propriétaire. DELVAUX (137) assigne à cette entreprise la date de 1515; mais un rendage, que nous publions ci-dessous, fait remonter l'exploitation jusque vers 1503, si toutefois elle n'existait déjà avant, car il y est parlé de la « plonbereye », ce qui ferait supposer qu'une installation pour l'affinage du plomb, aurait existé avant cette époque (138).
Par ce rendage, daté du 6 février 1503, Warnier de Withem cédait à Toussaint de Noirfallize trois pièces de pré, situées en lieu dit « la blanche plombière » moyennant une rente de quatre muids et quatre setiers d'avoine et la réserve des minerais. « Premier ung preit, ainsi quil s'extend, gisant desoub Prailhon, joindant de costé vers le by alle plonbereye, d'autre costé alle eawe de costé d'amont a pré condist le forby, que Jehan Ansillon tient au présent, et d'aval vers laditte Rochette à Malpas. Item encore ung preit, si long et si large quil s'extend, condist Lorgy, gisant assé près lamesme, joindant d'un costé à forby et d'autrepart az aysemenses, avecq encore un petit Islea si long et si large quil s'extend, gisant assé pré la mesme, joindant à l'eawe, a ry de Codouiolle d'un costé et d'aval au dit Jean Ansillon, etc... voir à moy retenu et réservé touttes les mines extantes soubs et ensous lesdits héritages, pour icelle ouvrer et faire ouvrer à mon proffit por dit d'ouvriers et cognoisseurs, et sans faire domage audit Tossain, sans fraude, etc… » Le preneur fit relief du rendage ci-dessus, devant la même cour de tenants, probablement celle de Forêt, le 19 février de la même année.
Le 2 décembre 1588, la veuve de Guillaume de Ruyschenbergh obtint du Conseil souverain de Brabant une sentence l'autorisant à poursuivre ses travaux d'extraction, malgré les allégations du prince-évèque de Liège, qui prétendait qu'elle empiétait sur d'autres ouvrages .
L'opposition soulevée par l'évêque de Liège était basée sur une concession qu'il avait accordée à Prayon, sur le territoire de la principauté, mais à proximité du domaine de la Rochette. Cette concession datée du 27 août 1573, autorisait Thomas de Fossé et Jean Gaen, bourgeois de Liège, acceptant pour trois quarts, et Jean de Voesbergh pour l'autre quart, à « ouvrer et tirer az frais, perils et dépens des dits prendeurs, toutes sortes de minnes comme plomcq, fer, guift, et touttes autres que trouver soy » sur quatre bonniers de la commune de Prayon, « et prendre une partie d'iceulx ens et hors des mons ou thier que l'on dit le fond de plomier, dessur le fourneau de Prailhon, joindant d'un costé vers les fourneaux aux héritages Monsieur delle Rochette, etc. » Ces industriels avaient donc tout lieu de craindre la concurrence que la dame de la Rochette établissait à côté de leur exploitation.
Le 18 décembre 1591, Ernest de Bavière avait renouvelé l'accense aux noms de « Thomas de Fossé et Adrien Oems, de chercher et tirer minnes, affoncer bures, etc., sur le desseur de la montagne de la blanche ploumier et au plus pres en joindant aux quattre bouniers rendus audits suppliants et leurs comparchoniers, parmy payant à son Altesse ascavoir de souffre et de coproese, la vingtième partie ou mesure quitte et lige, outre tous despens, sur la balance, nettoyé et affiné, et parmy rendant des autres matériaux assavoir plomcq, cuyvre autant que les circonvoisins, etc. (139) ». Cette exploitation est actuellement remplacée par l'usine à zinc de Prayon (140).
D'autres parties du domaine de la Rochette furent aussi exploitées. Le 22 octobre 1606, nous trouvons une accense autorisant Thomas de Sclessin, Adrien Oems et Bastin de Noirivaulx, pour exploiter le plomb, dans le « pré dell ploumier ». Le 15 mars 1607, accense pour extraire du minerai de fer par dela le ruisseau de la fontaine de Tabur », au profit d'Albert Gaen. Le 15 août 1611, même accense au nom de Gielet Bastin de Noirivaulx, pour extraire du fer dans « le bois des Dames par dela la ryvière de Vesdre » . Le 27 décembre 1615, accense pour Hackin de Prayon, pour l'extraction de la houille et minerais divers « sauf l'or et l'argent », dans le « heid de Malpas ». Enfin, vers 1657, Nicolas de Thier, Elisabeth de Sclessin, Louis Quartier et Jean Magy contractent avec le baron de Cortenbach, pour l'exploitation de tous les minerais qu'ils pourront trouver sur la terre de la Rochette.
Le 24 février 1601, la veuve de Guillaume de Ruyschenbergh obtint du prince-évêque, l'autorisation de faire dire la messe au château de la Rochette, où on avait probablement construit une nouvelle chapelle, puisqu'au XVe siècle déjà, les de la Roche y avaient fondé un anniversaire.
Le retour à la Rochette de Jean de Ruyschenbergh, seigneur hautain, d'un caractère ombrageux et jaloux de ses prérogatives, ramena les difficultés avec le chapitre d'Aix. Guillaume de Nesselrode, avait relevé en son nom l'avouerie, le 25 août 1600.
Avec plus de ténacité encore que son père, il chercha à soustraire le domaine de Notre Dame à ses souverains légitimes, en se substituant dans leurs droits. Son but était de soumettre l'avouerie à la souveraineté de Philippe II, roi d'Espagne, duc de Brabant, et d'en faire une haute avouerie, où il aurait eu le droit de nommer les échevins. Il s'appuyait sur les termes de la Bulle d'or, par laquelle il était interdit à tous princes ecclésiastiques ou séculiers, juges et tribunaux de l'Empire, d'exercer aucune juridiction quelconque sur les habitants des duchés de Brabant, de Limbourg et de leurs dépendances (141).
Cette perspective devait nécessairement le tenter; la petite seigneurie de la Rochette, relevant avec l'avouerie du même souverain, et la charge de maréchal héréditaire de Limbourg, eussent fait de Ruyschenbergh un des principaux seigneurs du pays.
En présence de cette hostilité, le chapitre de Notre-Dame porta, en 1593, au Conseil souverain du Brabant, contre lui une plainte qui demeura sans résultat. De là, une série de difficultés; d'une part, Ruyschenbergh, enrayant de force le cours de la justice rendue par les échevins, qu'il ne voulait pas reconnaître; d'autre part, ceux-ci continuant, malgré le seigneur de la Rochette, à remplir leur mission, au prix même de leur liberté.
La Cour de Fléron avait alors pour mayeur Jean Curtius, seigneur de Tilleur, commissaire-général des munitions de guerre du roi Philippe II, homme intelligent et habile, qui donna une grande impulsion à l'industrie du fer au pays de Liège, et dont le nom était alors le synonyme de richissime.
Jean Curtius, n ommé contre le gré de Ruyschenbergh, devint son ennemi juré.
Le pays était tellement infesté de bandits et de voleurs qu'Ernest de Bavière publia un mandement pour engager les habitants à organiser des patrouilles, à l'effet de rendre la tranquillité à la terre de Notre-Dame (142). A la suite de cet édit, Jean Curtius avait commandé aux habitants de l'avouerie de se réunir pour être passés en revue, « faire la monstre soubs et devant luy, en qualité et nom susdict. » Mais Jean de Ruyschenbergh, voyant dans cet ordre un empiètement sur ses prérogatives d'avoué, leur fit défendre, le 3 janvier 1606, d'obéir à tout autre qu'à lui, déclarant que, dans le cas où il ne pourrait être présent à cette revue, son châtelain de la Rochette le remplacerait (143). Dès lors, la guerre fut déclarée entre le mayeur et l'avoué, et, comme les échevins étaient du parti de Curtius, Ruyschenbergh les convoqua, le 3 janvier 1606, aux plaids généraux du jour des Rois, et les prévint qu'en cas d'absence il constituerait d'autres échevins à leur place.
Ceux-ci, menacés par le seigneur de la Rochette, demandèrent au chapitre d'Aix, l'autorisation de transporter momentanément leurs réunions aux confins du territoire de l'avouerie, en lieu dit « Wez ».
Dans leur requête, ils se plaignent que « estant sur les chemins pour aller au lieu accoustumé tenir les plaids généraux de S. Remy dernier, ils seroient esté constrains de retourner, pour ce que le seigneur de Ruyssenberg estoit les attendant avec vingt-cinq hommes de cheval de la garnison de Lymbourg pour les saisir et constituer en ferme, et que depuis il les auroit menacé de les avoir à l'improviste, ne scachans l'occasion de telles menasses; qui les fait supplier qu'il plaise à voz révérences de leur donner lieu et place où ils puissent asseurement faire et administrer justice, qui leur semble faire se pouvoir pour un temps en lieu de Wez, ou bien que par mes seigneurs sera trouvé le plus convenable , etc … »
Le 26 octobre 1607, le chapitre les autorisa à siéger à Vaux-sous-Chèvremont; mais Ruyschenbergh défendit aux habitants de l'avouerie de comparaître aux plaids généraux, sans son aveu, sous peine d'une amende de vingt florins d'or (144).
Jean Curtius propriétaire du coup d'eau de « Ster », sous Chèvremont, y érigea une usine et des moulins à poudre, pouvant fournir de trente à quarante quintaux par jour. Pour les mettre à l'abri d'un coup de main du seigneur de la Rochette, qui avait déjà tenté de s'en rendre maître, il les fit entourer d'un large fossé et y entretint une garnison de trente mousquetaires. Ce luxe de précaution lui coûta environ soixante mille florins.
Ces usines ne pouvant suffire à son activité, il résolut d'en construire une nouvelle, en aval de celles qu'il possédait déjà.
Il fit établir une digue, destinée à amener l'eau à son usine, située à Vaux-sous-Chèvremont, en face du thier de Chèvremont, sur le territoire de la principauté de Liège.
Mais le seigneur de la Rochette, sous prétexte qu'elle entravait la navigation, la fit démolir le 2 juin 1615, et présida lui-même à cette démolition. Des témoins produits à l'enquête réclamée par Curtius, déposèrent qu'à la date susdite, entre cinq et six heures du matin, le seigneur de la Rochette, à cheval, armé d'une escopette et accompagné de douze ou treize hommes armés d'arquebuses et de hallebardes, se trouvait près de la digue, pour soutenir par la force ceux qui la démolissaient.
A la suite de la même enquête, les échevins de Fléron condamnèrent le seigneur de la Rochette, ainsi que tous ceux qui avaient contribué à la démolition. De ce nombre, se trouvait François Hacquin, serviteur de Ruyschenberg, qui fut arrêté le 29 mai 1616, dans la nuit, à Prayon, par Aymond de la Chapelle, sous-mayeur de Fléron, accompagné de soldats de l'usine Curtius et des sergents d'Amercœur et de Fléron.
Comme il passait, garotté comme un criminel, sur le pont de Chênée, fief du Limbourg, où se trouvait en ce moment le seigneur de la Rochette, celui-ci protesta contre cette arrestation, réclamant la mise en liberté du prisonnier ou sa comparution devant la justice du duché de Limbourg; mais le bailli d'Amercœur, qui accompagnait l'escorte, ne tint pas compte de cette réclamation; Hacquin fut conduit à Liège et emprisonné (145).
Ruyschenbergh adressa immédiatement une plainte au procureur général de Brabant, et, le 30 juin suivant, obtint un mandement de l'archiduc Albert et de l'archiduchesse Isabelle, ordonnant aux échevins de Fléron, à Curtius et au bailli d'Amercœur, de relâcher Hacquin, de rapporter les sentences portées contre le seigneur de la Rochette, et de reconnaître ce dernier comme avoué de Fléron (146).
Les échevins de Fléron qui ne prétendaient relever que du chapitre d'Aix et de l'Empire, restèrent sourds à cette injonction.
D'un autre côté, et comme pour atténuer la rigueur de ce mandement, ces mêmes souverains prirent, sur sa demande, le 22 juillet de la même année, Curtius, ainsi que tous les habitants de l'avouerie, sous leur sauvegarde spéciale (147).
Après une enquête du procureur général du prince-évêque, les échevins de Liège avaient ordonné l'arrestation de Ruyschenberg, de Cryne son serviteur et de plusieurs autres; Hacquin avait été enfermé « à fond de fosse », dans la prison de la porte d'Amercœur. Le seigneur de la Rochette n'attendait qu'une occasion pour prendre sa revanche, et il la voulait éclatante. Le sous-mayeur de Fléron s'étant trouvé à Olne, terre de Dalhem, et ayant été surpris porteur d'un pistolet de poche dit « bidet », contrairement à l'ordonnance de l'an 1614, fut arrêté et conduit à la Rochette, le 17 mars 1617 (148).
Marie van Buelle, femme de ce magistrat, ajourna l'avoué devant la Cour de Fléron; cette sommation fut faite « sur le portail de l'église de Forêt et à tilhou de Prailhon », mais celui-ci n'ayant point comparu à l'audience, une nouvelle sommation lui fut adressée pour le 20 mars. Il s'y fit représenter par Henri de Saive, prélocuteur, lequel déclara que le seigneur de la Rochette déclinait la compétence de la justice de Fléron, et demandait que le différend fût porté à la chancellerie de Brabant ou à la justice d'Olne, constituant, pour le représenter, les prélocuteurs Léonard de Vaulx, Henri de Saive et Servais Parent.
La Cour ayant rejeté cette prétention, Léonard de Vaulx proposa le lendemain de soumettre le différend aux avocats fiscaux de Malines et de Bruxelles, et au procureur général de Brabant, que l'on manderait à cet effet, aux frais duperdant; mais le représentant de l'épouse du sous-mayeur, traita cette proposition « d'impertinente » , et, le 22, la Cour assemblée à Wez prononça le jugement condamnant le seigneur de la Rochette à relâcher Aymond de la Chapelle, et aux frais du procès (149).
Ruyschenbergh, que cette sentence n'émouvait guère, conserva son prisonnier dans un cachot de son château, où, le 23mai 1617, le notaire Servais Stocx reçut, à la requête de la mère et de la femme d'Aymond de la Chapelle, la déclaration suivante, par serment et par devant témoins:
« Traitement de moy soubescrit pendant que je fus esté prisonnier à la Rochette. Appréhendé en la vouerie de Fléron, terre d'empire, en vertu de certaine sentence rendue par les échevins d'Oelne, territoir de Brabant, et partant aultre juridiction, suis esté conduict à la Rochette. entre les mains de ma contrepartie, le lundy après le dimanche Letare an 1617, tout en sueure par la diligence que faisoyent les députéis du Sr Ruischenberg à me faire haster, où arrivé fus conduit par commendement dudits par Cryne Wassemberg en certain endroict de la maison appelé la thour de Brabant, le sommier de laquelle est un colombier, le lieu le plus bas certain lieu en rondeur pavé d'arsilhe, garny d'infinité de toiles d'araignées, aiant deux petittes fenestres estroites par lesquelles impossible est regarder sans l'ayde d'ung bancq ou chasse, soubs lequel lieu y at de fosses dans lesquels par eschelles on devalle par certain huis que l'on eslève. Arrivé que fus illecq me voulut ledit Cryne dévaller dans les dites fosses suivant le commandement qu'il avoit de son maître (comme il disoit) ce que fut empesché par lettres qu'envoyay au seigneur Ruischenberg, par laquelle le supplioy me vouloir traiter plus doucement. Néantmoins tout ce iour ne sceu avoir du feu, combien que j'en sollicitasse le dit Cryne, luy attestant qu'à raison de la sueure contractée tant en marchant qu'aultrement, je me sentoy mal, estant refroidy, et de fait trembloy incessament, ce qui me fit penser d'avoir acquis maladie incurable; touteffois sur le soir l'oscurité fut cause que le dit Cryne (au deceu de son maître, comme il juroit en son âme et aultrement) et contre le gré d ' icelluy me fit du feu quelque peu, et après m'avoir tenu quelque peu compagnie au souper, soy retirat, pour me laisser reposer sur l'estren qui m'estoit appareillé, sans couverture; touteffois la fortune me volut si bien que mon frere Jean, prochain voisin du dit seigneur, m'envoia un sien manteau et couvertoir, lesquels à son instante requete ledit Cryne m'apportat, au deceu de sondit maître, en m'asseurant qu'il en fust esté mal content s'il eust sceu. Et en tel estat suis demouré traize jours ou environ, si bien je me record, sans qu'il fust permis à nul de mes amis de me venir visiter, et sans nul sologement, sinon que ledit Cryne (prennant compassion de mon infortune) m e faisoit secretement et avec telle doubte et crainte qu'il me juroit souvent que si son maître le scavoit, il seroit luy mesme mis au fond de fosse; au debout desquels traize jours me sentant fort débile et malade, tant à raison de l'air, que du lieu mal propre et mal sain à ma petite complexion, et subjecte à maladie, aiant demouré trois jours sans me pouvoir bouger ny lever, non plus que la débilité me permettoit, finablement fus dévallé en une chambre, et ce al instante requête du dit Cryne, qui ne vouloit aultrement m'avoir plus en garde, craindant ma morte prochaine, d'aultant que le manger par la débilité me fut défendu; mais ce bien me durat peu, car deux jours après commanda me renfermer au lieu que dessus, duquel la mort m'eust esté plus agréable, que l'ouyr parler, mes regrets touteffois sceurent tant guigner sur ledit Cryne, que secretement me mentient en icelle chambre, au verrier de laquelle, venant le soir, nous convenoit mettre ung couvertoir affin qu'à la lueur de la chandelle ne fust ledit Cryne accusé, et ce faisoit à raison du bon vouloir que j'avois d'accorder avec sondit maître, à quel effect, (à grands despens,) ainsy fait approcher plusieurs amys, lesquels il venoit contents de parolles et non d'effect; il m'at fait touteffois ce bien de me laisser ma femme nouvellement mariée pour compagnie sept à huict jours, mais il me fut bien cher rendu, car il, (me gouvernant selon ses passions, à raison que lesdits échevins d'Oelne avoient prolongé de rendre certaine sentence jusques avoir prins advis, comme il disoyent, laquelle ledit seigneur pensoit emporter certain jour, estimant icelle avoir esté prolongée à notre instance) me privat soudain de la compagnie de ma femme, et ne m'ostat de la chambre pour me mettre en la tour, en mon premier lieu, mais me fit dévaller avecq eschelles en la fosse, en laquelle rats et souris ne me mancquoyent de compagnie, et n'osoye tant soit peu reposer, pour entendre iceulx tantost à mes pieds tantost à ma teste, alors estimay je estre prochain de la fin de mes jours, à raison du grand mescontentement sy soudain estant si peu de solagement que j'avoy, laquelle fust arrivée sans le secours que me fit ledit Cryne me tirant secretement de ladite fosse, m'aiant mis l'eschelle dans ladite fosse et laissé l'huis ouvert, dans laquelle sitost que j'entendoy quelqu'un venir à la prison me falloit estre habile de rentrer, craindant que le dit seigneur qui avoit demoré présent jusques à ce que je fusse dévallé, ne retournoit derecheff ou quelqu'un aultre de sa part, de sortque tout mon soing estoit diligement escouter, descendant dix fois le jour, tantost demeurant du bout sur l'échelle affin n'estre surprins, ce qui me causait mille crainctes, et au seul souvenir le cœur me tremble, et redoublant par après mon malheur aulcuns jours après trois septmaines entières, peu plus peu moings, n'at volu donner à personne, desquelles qualité qu'il fusse, accès à moy; de mode que suis esté frustré de mes justes défences, sans touteffois pendant ce temps laisser me donner nouvelles algarades si comme commandant derechef de ne mettre au cul de fosse, ce que Cryne n'eust osé manquer à faire, n'eust esté que de fortune ung sien recepveur liégeois par ces prières à jointes mains lui distournat (et bien pour moy) ceste fantasie destournant ledit Cryne de sa commission. Le tout quoy estre ainsy advenu, je soubescrit atteste, y ajoustant au surplus que à raison du vent qui venoit des dites fenestres au commencement, y ay eu plusieurs mal de teste, desquels je me resentoy souvent, et sembloit le tout tournoyer devant moy; donnant pouvoir à tous ceux qui en voudront prendre la charge, de jurer en mon âme, le tout avoir ainsy arrivé, donnant de mesme pouvoir, si besoing en est pour ma cause, d'en faire faire act pardevant notaire pour s'en servir, come par conseil on trouverat convenir et expédient, le 23me de Maye 1617. Ainsy signé, Aimond de la Chapelle, prisonnier à la Rochette. Et pour son serment renouveller et ratifier pardevant ledit conseil de Brabant at icelluy de la Chapelle constitué, comme par ceste constitue, honestes personnes Mre Jacques Henken, et Mre Jean de Malaise, embedeux procureurs postulants audit conseil, etc. etc…».
Voici un passage d'une lettre que le prisonnier écrivait de son cachot à son frère: « En oultre que le seigneur Ruischenberg print ma feme, si bien je me recorde, et le tira luy mesme arriére de moy ou le fist tirer luy disant qu'elle s'en retournast, m e conduisant lui mesme de la chambre en la tour en hault pour me voir descendre dans ces fosses, où arrivé, et ledit Cryne s'excusant n'avoir la cleff pour ouvrir l'huis de ladite fosse, voiant la colère de son maître, prenant compassion de moy, les envoia ledit Sr quérir et revint la deuxième fois en la tour sans soy bouger d'illecq, jusques à ce que fusse descendu dans la fosse, et ce nonosbstant mille prières que moy et ma feme luy avont fait, en l'honneur de la passion du Sauveur et de sa benoiste mère et vierge, et ce pour l'horreur dudit trou et fosse. Et quant touche le lieu de la thour en laquelle la pluspart du temps ay demeuré et deux ou trois fois dévallé à raison de mes débilités, desquelles le dit Cryne prendoit compassion, ledit notaire qui en at veu l'inspection, et en peult faire act, tant de la puanteur à raison des colombs, spécialement en temps d'esté, et de chaleur, d'aultant que pardessoub est une estable de cheval, lesquels autant bien que les colombs troubent mont repos, tant de nuict que de jour; etc… » (150)
Les échevins d'Olne, à la requête du seigneur de la Rochette, condamnèrent, le 15 avril 1617, Aymond de la Chapelle à cinq cents florins de Brabant pour port d'arme prohibée, et à une caution de deux cents écus, soit encore huit cents florins de Brabant. La sentence d'Olne fut confirmée à Dalhem le 6 mai suivant.
Cette somme était difficile à trouver à cette époque. Le 22 avril, sept semaines environ après l'emprisonnement d'Aymond de la Chapelle, sa mère, sa femme et son frère, accompagnés d'un notaire, se réunissaient dans la maison de Jean le Godet, « située proche le chasteau de la Rochette, en lieu dit communément l'Isléa Thiry » (Chaudfontaine). Pour obtenir la mise en liberté sous caution du prisonnier,
Jean le Godet avait offert des pièces d'argenterie; Thomas Masset, marchand de Liège, avait également fait des avances d'argent, et les parents du sous-mayeur avaient réuni tout ce qu'ils possédaient, tant en numéraire qu'en bijoux. Ils se rendirent au château, et furent introduits en présence de Madame de Ruyschenberg, à qui ils firent. connaître qu'ils étaient porteurs d'une « valise très pesante, et d'un cretin » dans lesquels se trouvaient une forte somme d'or et d'argent, des bagues et des joyaux, le tout évalué à dix-neuf cents florins de Brabant, et qu'ils venaient lui offrir ces valeurs, pour pouvoir délivrer le prisonnier; mais la dame de la Rochette refusa cette offre, sous prétexte que son mari était absent. Le 22 mai suivant, les parents du sous-mayeur consignèrent à la justice d'Olne, pour l'amende du pistolet, deux cent et cinquante six dalers de Brabant et ung demi quart de rix ,deux escus de France, monnoye évaluée faisant cinq cents florins Brabant; et pour la caution de deux cents escus, ont consigné des vassellements d'argent, premier scavoir, 13 goublets d'ores, deux couppes d'ores, trois tasses, quattre goublets, deux sarlets, 12 cuillers d'argent, avecq une chesne d'argent, à protestation et en cas qu'icelles vassellements ne soet suffisants pour les deux cents escus, Jean Remy le Goddet soy oblige, corps et biens, meubles et immeubles, d'y fournir ens mains de l'officier, la dite caution, etc… »(151)
Ruyschenbergh ne voulut point encore relâcher son prisonnier. Le bruit courut à Liège, que l'on irait assiéger le château de la Rochette et qu'on n'y laisserait pas pierre sur pierre. Il fut question même d'arrêter le fiis de Ruyschenbergh, qui résidait chez un chanoine de Saint-Jean-Évangéliste, mais son père ayant eu vent de ce projet le rappela au plus tôt.
Craignant que ces menaces ne fussent mises à exécution, le seigneur de la Rochette obtint, d u Conseil souverain de Brabant, l'ordre au mayeur de Limbourg de s'emparer d'Aymond de la Chapelle, et de le tenir emprisonné. Cet ordre, daté du 7 novembre 1617, fut confirmé par un autre le 7 août 1618; entretemps, le 30 avril 1618, Ruyschenbergh informait le procureur général de Liège que le sous-mayeur de Fléron serait traité, à Limbourg, aussi durement que le prisonnier du pont d'Amercœur, tant que Haquin n'aurait point été mis en liberté. Il avait donné cet ordre au mayeur de Limbourg après avoir fait constater par le notaire Antoine Oems, que Franck Haquin était maintenu avec les fers aux pieds, dans un souterrain. Nous extrayons de la déclaration notariée ces lignes: « ayant été conduit par le geôlier dans un lieu soubterrain, et m'ayant icelluy donné ouverture d'un trou ou cave, où il n'y avait aulcune clarté, avons illecque trouvé ung homme gisant sur de lestrain, les ferres aux pieds, avec ung orelier duquel il garandissoit ses pieds de la froidure, soy disant Franck Hacquin, l'aisné, etc... ». Ce notaire constate de plus que le prisonnier a une jambe ulcérée et complètement gâtée.
Hacquin fut mis en liberté le 17 novembre 1622, après avoir été enfermé pendant près de six ans et demi. Il intenta alors un procès à la comtesse de Bucquoy, qui fut condamnée à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 30 pattars par jour de détention, plus 200 florins de Brabant pour les dépenses extraordinaires faites pendant cette longue procédure. La délivrance de Hacquin eut pour conséquence la mise en liberté d'Aymond de la Chapelle.
Nous sommes forcé de revenir quelque peu en arrière; après avoir suivi les vicissitudes de nos deux prisonniers, il est utile de rappeler que ce fut la démolition d'une digue érigée par Curtius dans le lit de la Vesdre, qui fut l'origine de ses contestations avec le seigneur de la Rochette (152).
Après la condamnation de Ruyschenberg par la Cour de Fléron, Curtius avait adressé une requête au prince-évêque de Liége pour obtenir la concession d'un terrain destiné à l'usine projetée le long de la rivière. Ferdinand de Bavière, par rendage du 8 avril 1620, lui concéda en lieu dit « en Henne » vis-à-vis du thier de Chèvremont, le terrain demandé, sur lequel Curtius érigea une usine et rétablit son coup d'eau (153), mais le seigneur de la Rochette, prétextant que l'usine était construite sur le territoire de l’avouerie, la confisqua, et, le 23 octobre 1622, il trouvait preneur pour la mettre en activité. Voici un extrait de ce curieux acte de rendage (154):
« Johan de Ryssemberg seigneur de la Rochette etc... cède à David Remacle de Limbourgh dit de Trou, le coup d'eau en lieu dit en Vaulx-soub-Chèvremont, où que le sieur Curtius avoit cy devant basty et érigé une usine de fenderie et d'autant que icelluy bastiment et usinne estoit située sur le fond de la vouerie, laquelle nous appartient, et que partant avions audit Curtius prohibé et défendu d'user d'icelle, si est il que ledit David pour avoir la faculté et octroy d'en user serat tenu et nous a promis de rendre et payer annuellement pour nous, nos hoirs et successeurs, ou ayans cause, trois cents florins de Brabant courant en Liège, en notre maison et forteresse de la Rochette, et si longtemps que tient laditte usinne, ne soit la sentence obtenue contre le chapitre de notre Dame d'Aix mise en exécution, ou le procès contre Pierre Curtius pendant à Bruxelles décidé ». Cette usine fut démolie peu de temps après, sans doute pour vider le différend. Le coup d'eau fut comblé; il n'en reste plus que quelques vestiges.
Comme l'avoué avait plusieurs fois empêché de force les réunions des habitants, et que les échevins étaient toujours menacés quand ils se trouvaient sur le territoire de l'avouerie, Curtius se faisait escorter d'une troupe de trois à quatre cents hommes armés, quand il venait présider les plaids généraux. Ferdinand de Bavière, qui soutenait le chapitre d'Aix pour le maintien des droits de l'avouerie, était un appui pour le mayeur, qui se vantait d'attaquer et de tuer sans pitié le seigneur de la Rochette et les siens (155). On en était donc arrivé, dans ce petit pays, à une guerre ouverte; mais Ruyschenbergh, dont l'énergie ne faisait que croître avec les difficultés, fit, l'année qui suivit l'arrestation d'Aymond de la Chapelle, enlever et traîner à la Rochette un des échevins de Fléron, qui s'étaient de nouveau réunis à la maison des plaids.
Les échevins de Fléron actèrent l'arrestation de Denis Monschen: « Le 14 may dernier (1618), certain quidam que l'on disoit estre huyssier de Brabant, avec un nommé Crine, serviteur du seigneur de la Rochette, et plusieurs autres munis d'armes, auroient, pendant l'audience des plaids ruraux, entré violentement avec finesse et impétuosité, contre le gré et volonté de nosdits seigneurs, commandant aux échevins de la part du sieur Jean de Ruyssembergh, seigneur de ladite Rochette et authorité des archiducs de Brabant, de soy livrer prisonniers à la Rochette, pour n'avoir obey au mandement d'authorité desdits archiducs de Brabant, à nous intimé, touchant la relaxation Francq Hacquin, et comme nostre dit confrère ne voulut obeyr, il se mit en opposition, protestant de force et violence faicte contre ladite juridiction de Fléron, pays d'Empire, par lesdits hommes, lesquels nonobstant ce, par contemnement de sauvegarde de séréniss: Electeur de Coloingne, prince de Liège, conservateur donné et député par sa majesté impériale des biens et droicts desdits seigneurs, doyen et chapitre de Nostre-Dame d'Aix, qui estoit attachée sur l'huys de la dite maison, ne désistarent de dire que lesdits échevins debvoient marcher avec eux, qui causa que l'un prit la fuitte, y demeurant seul le prénommé Monschen, et, defaict, violentement ledit Crine avec les hommes d'armes qui estoient illecq, mirent les mains sur nostre dit confrère Monschen, le spoliant de ses armes ordinaires, et l'emmenant par force prisonnier parmy le Pays de Liège à ladite Rochette, sans que aucun surcéant de nostre haulteur, lesquels y avoit bon nombre, donnast aucun obstacle ou empeschement; finalement que ledit nostre confrère est encore pour le présent détenu par ledit seigneur en son chasteau de la Rochette. » (156)
Sur ces entrefaites, le chapitre d'Aix vendit, le 14 juillet. 1618, le domaine de Notre-Dame à Herman de Bourgogne, comte de Fallais, représentant, par procuration du 30 juin 1618, le comte de Bucquoy, pour une somme de 7,500 thalers. L'acquéreur s'engageait à soutenir les procès intentés au châtelain de la Rochette, au sujet des droits de l'avouerie et des arrestations des échevins Aymond de la Chapelle et Denis Monschen. Il s'engageait également à respecter les anciennes franchises des sujets de Notre-Dame et de ne point les soustraire à la souveraineté de l'Empire.
Ruyschenberg eut certainement trouvé un adversaire redoutable, si celui-ci n'avait pas été obligé de quitter le pays, en Charles de Longueval, comte de Buequoy, chevalier de la Toison d'or, feld-maréchal général de l'empereur et gentilhomme de sa chambre, grand bailli et souverain officier du pays et comté de Hainaut. Appelé en Bohème par l'empereur Ferdinand II, il s'y couvrit de gloire, en battant le fameux Ernest de Mansfeld. Buequoy fut un des héros de la guerre de Trente ans; il partagea, avec T'Serclaes-Tilly, le commandement des armées impériales et, comme lui, il perdit la vie au champ d'honneur: il mourut dans un combat en Hongrie, laissant un fils mineur son unique héritier.
A l'époque où le chapitre d'Aix vendit la terre de Fléron au comte de Bucquoy, ce petit pays était en complète anarchie.
Le comte de Bucquoy avait délégué son beau-frère, Herman de Bourgogne, comte de Fallais, seigneur de Ham-sur-Sambre, Vieux-Waleffe, etc., pour le remplacer en qualité de suzerain de cette terre. Le 8 octobre 1618, aux plaids de la St-Remy,Herman de Bourgogne fit publier un mandement par lequel les habitants étaient tenus, à la réquisition des échevins, de se présenter en armes pour défendre leur bien et leur territoire, sous peine d'une amende de 10 florins d'or pour les défaillants.
Le même mandement défendait aux « surcéans » de l'avouerie de porter des armes, sous peine de trois florins d'or d'amende, et rappelait également qu'il était interdit sous peine d'une autre amende de dix florins d'or, de s'adresser à une autre juridiction qu'à celles des échevins de Fléron. (157)
Malgré cette ordonnance, les désordres continuaient; le vol, le pillage et le meurtre étaient à l'ordre du jour, des rixes , où les adversaires se rencontraient armés « d’arquebuse et de cracquets », consternaient les paisibles bourgeois et ruinaient le commerce. Les habitants des localités dépendantes de l'avouerie ne sachant à quelle autorité obéir, s'étaient divisés en deux partis, et Ruyschenbergh, toujours prêt à fondre sur ceux qui avaient l'audace de lui tenir tête, était devenu la terreur du pays.
La comtesse de Bucquoy, qui gérait les affaires pendant l'absence de son époux, fit publier, le 30 août 1619, une ordonnance défendant d'obéir au seigneur de la Rochette, sous peine d'amende, et, en cas de récidive, d'être banni de la terre de Fléron, requérant les échevins de faire exécuter cet ordre (158).
L'avoué, toujours bien escorté, sut déjouer les ordres d'arrestation qui furent, à différentes reprises, lancés contre lui, mais un de ses parents du nom de Guillaume de Ruyschenbergh, natif du pays de Juliers, fut emprisonné à Fléron et condamné, par les échevins, le 24 février 1620, « à estre banny de la terre et seigneurie de Fléron l'espace de trois ans, à paine s'il soy y retrouve d'estre chastié selon ses démérittes, et en rigeur de justice, condamnant icelly aux frais de nostre taxe. D'autres encore furent arrêtés pour avoir obéi à l'avoué, en dépit des ordres de la comtesse de Bucquoy; mais rien n'y fit, la terreur que le seigneur de la Rochette inspirait était trop grande, et la captivité des échevins enfermés dans les cachots de son château étant une menace toujours présente aux yeux des sujets de l'avouerie; ceux-ci, de crainte de partager le même sort, restaient indifférents à leur suzerain, s'ils ne partageaient pas entièrement les vues de l'avoué.
Les échevins de Fléron avaient cessé de s'assembler, même aux plaids généraux (159). La maison judiciaire, qui servait également de prison et qui était occupée par Lambert de Bolzée, avait failli être prise d'assaut par une troupe de gens armés (160) et les habitants de l'avouerie, ne pouvant plus obtenir justice chez eux, étaient forcés de s'adresser à d'autres cours, au grand détriment des droits du seigneur.
En 1621, Herman de Bourgogne nomma, à la demande de Curtius, alors souverain-mayeur de Fléron, un sous- mayeur. Cette charge fut attribuée le 23 août à Abraham de Menu ou Meneux, lequel parvint à rétablir l'administion de la justice et poursuivit énergiquement les fauteurs de désordres.
Les échevins condamnèrent certains habitants, pour avoir méconnu leur juridiction, et s'être servis d'une autre cour de justice que la leur. Le 4 octobre 1621, ils condamnent un certain Johan-Noël de Laval, pour homicide, à avoir la tête tranchée. « Condamnons ludit Jean pour ses démérites, d'estre conduz a lieu du supplice, et illec avoir la teste tranchée jus des épaules tant que morte sensuive, à l'exemple d'autres » (161).
Jean de Ruyschenberg, qui s'était jusqu'alors refusé de rendre hommage et de prêter serment en qualité d'avoué au comte de Bucquoy, fut informé que les plaids généraux devaient recommencer et fut sommé par la cour de Fléron, sur l'ordre de Herman de Bourgogne, de comparaître en personne le lundi 21 juin 1621, pour faire relief et prêter serment, s'il voulait jouir des revenus et prérogatives de l'avouerie. Ruyschenberg n'ayant pas comparu à Fléron au jour indiqué, Herman de Bourgogne, présent à la séance, autorisa Pierre Curtius à présider les échevins, tenir la verge et à administrer la justice jusqu'à ce que le seigneur de la Rochette eut rempli les devoirs de son office (162).
Le Conseil souverain de Brabant venait de rendre sa sentence dans l'action intentée par le chapitre d'Aix en 1593. Par cette sentence du 21 mai 1621, Ruyschenbergh ou plutôt sa mère, car la sentence était au nom deMarie de Gulpen, veuve de Guillaume de Ruyschenbergh, devait relever l'avouerie du chapitre, avec toutes ses prérogatives; en sa qualité d'avoueresse, elle avait le droit de tenir la verge de justice, de semoncer laCour, d'arrêter les criminels et de les incarcérer dans la prison du chapitre, mais non ailleurs.
Il y avait dans cette sentence une phrase sur laquelle le seigneur de la Rochette devait s'appuyer pour tenir tête au souverain de la terre de Fléron; le Conseil interdisait aux habitants de reconnaître la juridiction suprême de l'Empire, et affirmait la haute suzeraineté des princes brabançons.
C'était là, certes, un abus du Conseil de Brabant, lequel, à l'instigation de Jean de Ruyschenbergh, confondait l'avouerie de Fléron avec le fief de la Rochette. Aussi, ce dernier déclina la compétence des échevins de Fléron, qu'il qualifiait de gens incapables et inhabiles, et de plus Liégeois, et par conséquent hostiles à sa personne.
La Cour de Fléron ajourna de nouveau l'avoué récalcitrant pour faire son relief. Celui-ci chargea alors le 22 août 1621, Nizet de Falhez, de le représenter à la Cour et de lui faire connaître qu'il l'a envoyé par respect pour la justice, mais qu'il ne la reconnaît pas pour juge, parce que l'avouerie fait partie du Brabant et qu'elle lui a été adjugée par sentence du Conseil; que les échevins sont Liégeois et, par conséquent, incompétents sur une terre Brabançonne (163).
Ruyschenbergh avait cherché à empêcher la confirmation, par le Conseil souverain, de la vente de l'avouerie au comte de Bucquoy, et il avait été secondé dans ses efforts par les Etats de Dalhem, lesquels, sur sa demande, lui accordaient, le 20 février 1619, la remise de la quote ordinaire de l'aide pour un an, s'élevant à 126 florins 6 pattars de Brabant, comme subside pour continuer le procès concernant la vente au comte de Bucquoy. Il voulait obtenir un jugement faisant définitivement de cette terre un fief de Dalhem; mais il n'y parvint pas. Herman de Bourgogne, ayant maintenu son arrêté lui enlevant les bénéfices de son office, il fut forcé, après plusieurs années de débats, de se présenter dans l'église de Notre-Dame, à Aix-la-Chapelle, le 3 mai 1623, pour y recevoir l'investiture de l'avouerie de Fléron et y prêter à genoux, au jeune comte de Bucquoy, le serment de fidélité. Il paya à cette occasion comme droits de relief: « une bourse de velour rouge, ornée deseur avec un gallon d'or, et deux cordons de soye rouge, y estans dedans une pièce d'or et d'argent, à scavoir un double ducat d'Espagne et un Philippus daler d'argent. » (164).
L e 8 avril précédent , Ruyschenbergh, accompagné d'une cinquantaine d'hommes armés, avait arrêté, dans la salle des séances, à Fléron, Abraham de Meneux, qui, après avoir été désarmé, fut conduit garotté à la Rochette et emprisonné. Mais pour obtenir l'investiture de l'avouerie, il dut mettre le sous-mayeur en liberté, après l'avoir retenu pendant dix-sept jours dans un cachot (165). A peine confirmé dans son office d'avoué, les échevins de Fléron se virent obligés de constater de nouvelles violences de sa part.
Voici leur déclaration, qui fut actée par le notaire Antoine Oems, requis en qualité de greffier, en remplacement de Sébastien de Noirivaulx, arrêté par le seigneur de la Rochette:
« Scavoir que le jour d'hier estants Nous susdits Abraham, Termonia, Monsen et d'Ayeneux, comparus au lieu de Fléron, en la maison du seigneur, et entrez en la chambre de retraicte accoutumée pour la semonce du Mayeur comparoistre ou ban rural et lieu d'audience, à l'effect d'administrer justice, est arrivé le sieur de la Rochette, voué du dit lieu, accompagné de 14 à 15 hommes de cheval, et soixante à quatre vingt de pied ou plus à leur semblant, armez de harquebuses, pistolles, picquots, pertisanes et aultres offensives, lesquels environnarent ladite maison, et immédiatement le sieur de la Rochette traversant le lieu de l'audience avec lesdits échevins, leur demanda que faisoient les armes illecq posées, à quoi nous respondasmes que les portions pour asseurance de nos corps et deffence en chemins, contre les coureurs journaliers, de laquelle responce ne se contentant, ledit sieur de la Rochette fit appeler ses gens, leur commandant de saisir lesdites armes surquoy plusieurs des gens dudit seigneur entrarent en ladite chambre, munis des armes que dessus et ayants les harquebuzes et pistolles adragonées; et comme personnes desdits gens ne s'avancoit pour mettre les mains ausdits armes Iceluy seigneur de soy-même se saisit d'un mousqueton du greffier, et se voulant saisir encore d'une escopette du clercq dudit greffier, montant sur un bancq, retint la dite escopette par un bout, et luytants lesdits seigneur et greffier l'un contre l'autre, le sécretaire dudit seigneur montant sur la table et empoignant le greffier par le col, ils renversarent tous deux sur ledit seigneur de la Rochette, se renversants eux trois par terre, exsquels entrefaits entra encor grand nombre de gens dudit seigneur avec harquebuzes, pistolles adragonées, et autres, criat tue, tue, entre lesquelles il y avait plusieurs homicides et aultres jugés appréhensibles par ladite cour de Fléron, et au même instant fut illecq dégorgé un coup de pistolle par l'un des gens dudit seigneur, quoy faict, je Andrien Termonia espouvanté du premis, me glissaz hors de la trouppe et montaz à cheval, retournant à Liège, et quant à Nous Abraham de Meneux, Denys Monsen, et Henry d'Ayeneux, avons veu qu'en l'instant ledit seigneur de la Rochette avec les siens saisirent au corps ledit Noirivaulx, lequel protesta de force, quoy nonobstant l'un des gens dudit seigneur advança deux chaines, chaque avec des manettes et lockets de fer, à leur semblant nouvellement faictes, et mit une audit Noirivaulx au poing. Alors le seigneur de la Rochette dist à Monsen l'un de nous qu'il falloit qu'il allast avec Noirivaulx, surquoy deux à trois des gens dudit Sr saisirent les armes dudit Monsen, faisant minne de le frapper, et luy mettant une des manettes de fer au poing, tenant à celle de Noirivaulx. Et comme ledit Monsen repartit qu'il n'estoit besoing de l'enferer, et s'il plaisoit audit seigneur, que librement il le suivroit, ledit seigneur ordonna de luy oster les fers, lesquels luy estants ostez les mirent à Abraham soubmayeur, luy disant qu'il falloit qu'il fusse compagnon audit Noirivaulx, toutesfois quelque demie heure par après luy furent ostez, et fut laissé ledit Abraham libre, et continuant par ledit Noirivaulx ses protestations de force et attentat, requit le huyssier Teppert de vouloir insinuer audit seigneur de la Rochette, illecq présent un mandement inhibitoir procédant du conseil du Brabant de n'attenter contre sa personne duquel mandement ledit Teppert fil lecture audit seigneur, nobostant quoy tascharent de l'emmener, surquoy redoublant ledit Noirivaulx les protestations et disant qu'il ne vouloit sortir de la maison du seigneur qui sert de prison, l'emmenarent par force prisonnier, ayant de plus entendu qu'ils l'ont constitué en la maison de la Rochette, adjoutant que lorsque ledit seigneur de la Rochette commanda à ses gens de se saisir des armes des justiciers, le greffier demanda si ledit seigneur avait quelque mandement pour ce faire, à quoy il respondit que non, etc...» Cet acte fut signé par les membres susdits de la cour de Fléron le 16 mai 1623 (166).
Noirivaulx fut transféré de la Rochette, à Dalhem, où il était encore détenu le 6 juin suivant.
Le 5 août 1623, Herman de Bourgogne se plaignit au Conseil de Brabant de ce que la sentence du 21 mai 1621 restait sans suite et rappelait les arrestations d'Aymond de la Chapelle, d'Abraham de Meneux, de Denis Monschen et de Sébastien de Noirivaulx.
Le 21 du même mois, il renouvelle sa requête, ajoutant que le seigneur de la Rochette avait fait arrêter sur le territoire de l'avouerie, et conduire à la Rochette, pour crime de sortilège, deux femmes qui s'appelaient « la laide Lynette et la sourde Marie de Gotter. » Il les avait fait juger et condamner à mort comme sorcières, par la justice d'Olne et les avait ensuite ramenées sur le territoire de Fléron pour les faire exécuter et brûler.
Voici les termes de la plainte: « elle fut conduite avec une estache de bois et legnes sur un chariot et charette proche de Chamont, et illecq planter ladite estache, et y faire exécuter et brûler ladite Lynette, et non content auroit appréhendé en icelle juridiction de Fléron une autre femme appelée la sourde Marie de Gotter, l'amener prisonière à la Rochette, l'y fait son procès pardevant ladite justice d'Olne, et estant condamnée à la mort pour sorcière aussi la conduire avec estaches de bois et legnes audit lieu près Chamont sur la même juridiction de Fléron » (167).
Malgré tout, Ruyschenbergh continua à agir en maitre absolu, sans se soucier des plaintes de ses sujets et des observations de ses suzerains (168).
L'Espagne était en guerre avec la Hollande, et le pays de Liège, en dépit de sa neutralité, voyait son territoire traversé continuellement par les belligérants. Ruyschenbergh, redoutant le voisinage des troupes hollandaises, obtint le 1er juin 1624, de Maurice, prince d'Orange, une sauvegarde pour lui et ses biens, tant de la Rochette que d'Overbach au pays de Juliers, à la condition que ni « lui ny ses cenciers n'attentent rien qui pourroit aucunement préjudicier au service des Provinces Unies, mais au contraire facent come autres bons subjects de Julliers ont à faire… consentons pour ce qu'ausdites seigneuries, maisons et autres ses biens, y pourront estre affigées nos armes de sauvegarde, durant ceste, pour le temps d'un an entier … »
Ces guerres favorisaient singulièrement les menées du seigneur de la Rochette; aussi Herman de Bourgogne, comme tuteur d'Albert de Longueval, comte de Bucquoy, fatigué de soutenir des procès dont on ne prévoyait pas la fin, vendit l'avouerie de Fléron au prince-évêque de Liège, le 23 avril 1626, moyennant la somme de vingt-six mille florins de Brabant.
Le prince-évêque se fit représenter à cet acte par Laurent de Dormael, son conseiller, Adrien de Fléron, chanoine de St-Lambert, Amel d'Oultremont, seigneur de Lamine, Henri de Berlaymont, seigneur d'Odeur, de la Chapelle, Eustache Liverloz et Pierre Bex, anciens bourgmestres de Liège, qui prirent possession de l'avouerie avec ses juridictions, haute, moyenne et basse, fiefs, cens, droits, fruits, émoluments, droits de patronage, ect.
Les échevins ont consigné dans leur rapport le cérémonial suivi pour la prise de possession. « Leur avons livré la maison des plaiteux par attouchement de crama, et après les avons conduict et mené hors ladite maison, avons donné et mis en mains dudit seigneur conseiller, terre et gazon, de là nous sommes transportez en l'église, laquelle a été ouverte par maistre Pierre Jusnoy chapelain, ou avons mis en mains dudit conseiller la corde de la cloche, laquelle a sonné par trois fois, et avec poise, puis ledict chapelain et marguellier ont chanté le Te De m laudamus, ausquels l'offrande a esté payée, et après le peuple estant assemblé en grand nombre sur le cemitière, on luy a déclaré et signifié que son alteze sérénissime de Liège, comme cessionnaire d'Illustre seigneur comte de Bucquoy, auroit prins la possession de la terre et seigneurie de Fléron, dit nostre Dame d'Aix, auquel aussi on a donné pour récréation trois tonnes de bièrre, puis estant retourné en la maison du seigneur des plaiteux, ledit conseiller nous a admonesté d'administrer justice, ce que nous avons promis de faire. » (169)
Jean de Ruyschenbergh informa immédiatement le Conseil souverain de Brabant de cette vente, lui rappelant que, par sa sentence rendue le 21 mai 1621, la seigneurie de Fléron avait été déclarée appartenir au Brabant, et que le comte de Bucquoy ne pouvait en disposer.
L'argument était irréfutable, du moment qu'on admettait le bien fondé de cette sentence; aussi le prince-évèque dans le but de mettre fin au différend, députa à la Rochette, le 13 août 1626, Jaspar de la Roche, échevin de Liège et son conseiller, avec Eustache de Liverloz, ancien bourgmestre, pour offrir à Ruyschenbergh, l'inféodation de la terre de Fléron, avec haute, moyenne et basse justice, à la condition qu'il prêterait le serment de fidélité, comme vassal du pays de Liège. Le prince aurait conservé la collation des églises de Chênée et de Fléron, et hormis, la maison des plaids, toutes les autres habitations de ces deux localités devaient rester au pays de Liège; mais le seigneur de la Rochette aurait pu se servir de la cloche de Fléron pour convoquer ses sujets en cas de besoin.
En reconnaissance de cette inféodation, il devait verser à la trésorerie du prince, la somme de treize mille florins de Brabant, soit la moitié de ce que la terre avait été payée à la famille de Bucquoy.
Ruyschenbergh refusa ces conditions, et obtint, le 14 avril 1627, une sentence du Conseil souverain de Brabant qui ordonnait aux héritiers du comte de Bucquoy d'annuler la vente qu'ils avaient faite de l'avouerie.
Les échevins de Fléron n'ayant pas enregistré cette sentence, Jacquemin de Bilstain fit assembler la cour le 18 mai suivant et exigea l'enregistrement immédiat; mais Pierre des Marets, échevin de Fléron et lieutenant-gouverneur de Franchimont, s'y étant formellement opposé, Jacquemin de Bilstain et Warnier Roelen, secrétaires du seigneur, le firent arrêter et l'emmenèrent à la Rochette, où il fut emprisonné (170).
Le 16 juillet suivant, le Conseil souverain de Brabant ordonna l'élargissement sous caution de des Marets; Ruyschenberg faisait un grief à l'échevin de Fléron de porter l'épée comme un gentilhomme, d'aller à cheval à la messe à Soumagne, armé, et de s'y faire accompagner par des gens armés. Des Marets ayant réussi à sortir une première fois des griffes du seigneur de la Rochette, prenait des précautions pour ne pas retomber au pouvoir de celui-ci. Sur le conseil de des Marets, les échevins de Fléron avaient fait transporter à Liège les archives de l'avouerie, et avaient encore augmenté ainsi le ressentiment que le seigneur de la Rochette nourrissait contre eux.
Une forte dose de courage était nécessaire pour oser résister à ce petit tyran; aussi beaucoup préféraient-ils abandonner la place, comme certains échevins, ou l'objet litigieux, comme, entre autres, un sieur Mathieu Mathoz, batelier de Vaux-sous-Chèvremont, dont la barque avait été prise par un habitant de Magnée et conduite à Liège. Le volé ayant porté plainte, vit venir chez lui un garde du seigneur de la Rochette qui lui enjoignit, de la part de son maître, de se désister de toute poursuite, sous peine de trois florins d'or d'amende, et, pour éviter la colère de l'avoué de Fléron, Mathoz lui abandonna sa barque.
Un autre batelier, conduisant vingt-cinq setiers de sel à Fraipont, vit son bateau arrêté et pillé par les serviteurs armés du seigneur de la Rochette, lesquels, malgré ses protestations, transportèrent le sel au château.
Le curé de Chênée, Jean Crassier, qui avait intenté à Fléron une action en payement d'une dîme dùe par un certain Jean Dethier, fut aussi sommé par Ruyschenbergh d'avoir à abandonner ses prétentions, sous peine de cinquante florins d'or d'amende (171).
Nous n'en finirions pas si nous devions énumérer les protestations que les actes arbitraires du seigneur de la Rochette firent naître et les ordonnances, menaces, arrestations, que cet avoué multipliait sur cette terre de Fléron dont il avait juré de respecter les droits et les usages.
La sentence du Conseil souverain de Brabant, ordonnant l'annulation de la vente de Fléron au prince de Liège, avait été communiquée à Ferdinand de Bavière, qui en écrivit à l'archiduchesse Isabelle, lui proposant de remettre le différend à l'appréciation de commissaires désignés par les parties intéressées.
La gouvernante des Pays -Bas lui répondit le 1er septembre 1627 qu'elle admettait cette manière de vider le litige, et qu'elle attendrait les envoyés du prince-évêque; mais ce dernier avait député vers l'empereur une personne chargée de l'informer des prétentions du gouvernement de Bruxelles sur l'avouerie de Notre-Dame.
Ferdinand II adressa une ordonnance à ses sujets de Fléron, leur défendant d'avoir recours à d'autres juridictions que celles de l'Empire, et d'altérer leurs anciens droits et privilèges. Ce diplôme, daté du 28 janvier 1628, fut confirmé dans la suite par Charles VI.
Le 4 février, l'empereur écrivit à la gouvernante des Pays-Bas pour lui faire connaître les agissements du seigneur de la Rochette, qui avait réussi à circonvenir le Conseil de Brabant, au point d'obtenir une sentence dont il profitait pour enrayer le cours de la justice, à Fléron, et pour emprisonner les échevins. Il rappelait la fondation de l'empereur Othon, donnant la terre de Chèvremont à l'église de Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle, preuve manifeste que celle seigneurie fut toujours terre d'Empire, et il continuait en disant qu'il était persuadé que ce qui avait été fait au nom du gouvernement des Pays-Bas, l'avait été sans le consentement de la gouvernante et du Roi d'Espagne; que d'ailleurs il avait donné ordre au seigneur de la Rochette, de reconnaitre le prince de Liège comme suzerain de la terre de Fléron, et espérait que la gouvernante des Pays-Bas, reconnaissant son erreur, lui confirmerait cet ordre.
Celle-ci répondit à l'empereur qu'en diverses occasions, l'avoué de Fléron avait eu recours à la justice du Brabant, sans jamais soulever de protestations de la part de l'Empire; le comte de Bucquoy lui-même avait intenté un procès au seigneur de la Rochette par devant le Conseil souverain, à l'effet de faire cesser l'emprisonnement du lieutenant de la terre de Fléron et supprimer le titre de haut-voué que s'arrogeait Ruyschenbergh; le mayeur de Fléron et la comtesse de Bucquoy avaient été condamnés, par le même Conseil de Brabant, à relaxer François Hacquin, serviteur du seigneur de la Rochette, détenu pendant plus de six ans; que, par conséquent, elle ne jugeait pas qu'il y avait lieu de s'intéresser plus longue-ment à cette affaire, la souveraineté du Brabant sur la terre de Fléron lui paraissant suffisamment démontrée. (172)
Les échevins de Fléron répondirent le 2 juin suivant au mandement impérial (173). Quant au prince-évêque chargé de l'exécution de ce mandement, il rétablit la justice, et fit organiser des patrouilles pour ramener l'ordre dans l'avouerie. Les échevins se réunirent le 8 mai suivant. Mais Jacquemin de Bilstain constitué mayeur et échevin de Fléron par Ruyschenbergh, invité par Jean Valère Zorn, conseiller et représentant du prince-évêque, pour prendre part à la séance, s'abstint d'y assister.
Pierre des Marets, échevin de Fléron et bailli de Mélin au pays de Liège, escorté de cent cinquante hommes, ayant fait afficher le mandement impérial sur la maison scabinale et les églises de Fléron et de Chênée, fut de nouveau arrêté par les ordres de l'avoué, et enfermé à la Rochette (174). Le Conseil de Brabant confirma l'emprisonnement, et, le 26 mai 1628, le gouvernement des Pays- Bas, considérant que le mandement impérial portait atteinte à sa souveraineté, protesta contre les violences faites par les Liégeois et les menaça de représailles.
Ces représailles furent ordonnées par lettres du roi Philippe, datées du 30 septembre 1628, dans lesquelles il disait que le seigneur de Ruyschenbergh étant toujours inquiété et en danger de perdre son patrimoine par les dépenses que lui ont occasionné les procès soutenus, tant par lui que par ses prédécesseurs, ordonne, comme représailles, la saisie des denrées, revenus, marchandises et autres biens appartenant aux Liégeois qui pourront être trouvés sur le territoire du duché de Brabant et des pays d'Outremeuse, jusqu'à ce qu'il ait été satisfait aux commandements repris dans les ordonnances du Conseil souverain de Brabant (175).
Le 14 novembre suivant, l'empereur Ferdinand, sur les plaintes de ses sujets de Fléron, leur accorda sa « sauvegarde et protection impériale ». Cette pièce écrite en latin, fut traduite en français, imprimée à Liège en forme de placard, et affichée dans différents endroits de l'avouerie.
Le conflit était arrivé à sa phase la plus aiguë. Aussi finit-on par où l'on aurait dû commencer, c'est-à-dire par entrer en conférences pour établir de part et d'autre les droits de chacun. Mais, en attendant, les habitants de l'avouerie et des environs supportèrent tout le poids de ces représailles.
Ces conférences se tinrent à Tirlemont en 1630, puis à Maestricht l'année suivante; mais, dès le 16 octobre 1629, Jaspar de la Roche, député par le prince de Liège, signa la promesse que les prisonniers détenus à Liège seraient mis en liberté sans frais, et que les décrets de capture rendus contre le seigneur de la Rochette seraient tenus pour nuls et non-avenus. Le 17 novembre, par ordre du prince-évêque, les archives qui avaient été transportées à Liège furent remises dans l'église de Fléron, et, pour concilier le différend, il fut entendu que trois échevins sur sept établis de l'autorité du prince-évêque seraient démis, et que la justice serait administrée par les quatre échevins restants, avec celui établi par l'archiduchesse de l'autorité du roi pour cinquième , conformément au recès du 16 octobre 1628.
Parmi les prisonniers mis en liberté, se trouvaient Jacquemin de Bilstain, facteur de l'avoué, et Kaye son sergent. Ruyschenbergh demanda pour eux des dommages et intérêts, et pour lui une somme de 500 écus, parce qu'il avait été menacé, injurié, et avait dû entretenir des soldats pour la garde de son château. Les droits de l'Empire furent, paraît-il, reconnus si clairs, que, sous prétexte de l'indisposition d'un des envoyés du Brabant, les conférences furent interrompues; les députés revinrent à Liège avec la conviction que leurs droits avaient été suffisamment élucidés et que l'on pouvait dès lors continuer les anciens usages et possessions (176).
C'est pour plaider sa cause et mettre au jour le malfondé des prétentions du gouvernement de Bruxelles et les agissements du seigneur de la Rochette, que Ferdinand de Bavière fit publier en 1628, le recueil intitulé Jura Sacri Romani Imperii in dominio de Fleron, vulgo Advocatia Nostræ Domina, etc... (177), contenant les copies d'une quantité d'actes dont nous avons reproduit une partie.
L'année suivante, Dalhem tombait au pouvoir des Hollandais. Ruyschenbergh qui avait obtenu du Conseil de Brabant une sentence pour faire relever l'avouerie, comme la Rochette, du comté de Dalhem, espéra pouvoir surprendre, auprès des États Généraux non informés, un ordre favorable à son entreprise, en leur soumettant la sentence des Pays-Bas, qui affirmait leur souveraineté sur le territoire de l'avouerie, comme fief du comté de Dalhem.
Il réussit d'abord auprès du Conseil de Brabant, siégeant à La Haye, lequel dépêcha la mème sentence que celle du Conseil de Bruxelles; mais, après quelques conférences tenues à La Haye entre les députés de S. M. Impériale et du prince-évêque de Liège, d'une part, et ceux des Etats-Généraux, d'autre part, ceux-ci abandonnèrent leurs prétentions.
Ruyschenbergh chercha un nouveau moyen de susciter des embarras au prince-évêque, son principal adversaire. Il imagina de défendre aux habitants de l'avouerie et des environs de charrier et de conduire la houille, par terre ou par eau, sur le territoire soumis à sa juridiction, sous peine d'une amende de dix florins d'or, et enjoignit au pasteur de Forêt de publier cet ordre aux offices du dimanche suivant, 26 mai 1632. (178)
Cette nouvelle vexation mit en grand émoi la population de Forêt et des environs. Ferdinand de Bavière en ayant été informé, s'empressa de faire imprimer un mandement, dans lequel il ordonnait à ses sujets de continuer librement leurs passages sans se soucier du seigneur de la Rochette, et, dans le cas où celui-ci y apporterait un empêchement quelconque, il ordonnait à ses officiers de faire assembler ses sujets sur le district de leur office, au son de la cloche et du tambour, pour saisir et appréhender ceux qui voudraient apporter obstacle au libre passage de tous. Il ordonnait également, pour le cas où le seigneur de la Rochette persisterait dans ses prétentions, de faire le blocus de la seigneurie, afin que rien ne pût entrer ou sortir de la Rochette, jusqu'à révocation et réparation dudit attentat, enjoignant au pasteur de Forêt de révoquer publiquement, pendant l'office divin, sa publication du dimanche précédent, et de s'abstenir pour l'avenir de s'occuper des affaires de l'avoué de Fléron. Ce mandement, affiché dans beaucoup d'endroits, fut imprimé à Liège le 28 mai 1632. (179)
Le 15 novembre suivant, le prince-évêque signa une nouvelle ordonnance (imprimée à Liège en 1633) protestant contre les sentences de la chancellerie de Brabant, qui tendaient à dénaturer la juridiction de la terre de Fléron, et le seigneur de laRochette qui, sous le couvert de ladite chancellerie, commettait continuellement des attentats aux droits des États de Liège. L'avoué était menacé de la colère du prince, ainsi que tous ceux qui l'assisteraient dans l'exécution des mandements brabançons.
Ruyschenbergh inspirait une telle terreur dans tous les environs de son manoir, que personne n'osait entreprendre de réprimer ses excès. Il entretenait au château de la Rochette, selon Sébastien de Noirivaulx, le greffier de la cour de Fléron que nous connaissons, des brigands, des banqueroutiers et gens bannis d'autres pays, avec lesquels il empêche les passages. Ce Sébastien de Noirivaulx ne jouissait pas de l'amitié de Ruyschenbergh; il avait adressé une requête au prince-évêque se plaignant de ce qu'il avait été sérieusement blessé par le seigneur de la Rochette et ses gens qu'il ne lui reste plus qu'un œil et qu'il est en danger de perdre l'autre. » (180)
Il raconte comme suit, dans une lettre adressée aux États-Généraux en juillet 1634, l'agression dont il a été victime: « Descendant l'huitième du mois courant sur la rivière de Vesde, avecq son espeuze et aultres ses amys, et venant environ la maison de la Rochette, a esté tiré et mortellement blessé d'un coup de musqueton par un certain Martin Pied-de-boeuf, lequel estant illecque mis en embusquade avecq autres serviteurs de susdit Sr de la Rochette, estant le susdit Martin le mesme qui at icy sollicité les causes de susdit Sr de la Rochette, ayant poursuivy le susdit greffier et sa compaignie avec main armée de telle sorte qu'ils ont estez constraindes de se jetter en ladite rivière pour sauver leurs vies, par où le susdit greffier at esté mis en telle disposition, et sa mortelle blessure tellement détériorée, que selon toute apparence l'on craint qu'à raison de telle blessure il parviendrat de vie à mort. »
Ferdinand de Bavière, assailli de réclamations de ce genre (181), confirma son précédent mandement le 24 août 1634. Il y est dit que le seigneur de la Rochette continue ses attentats et violences en contemnement de noz mandements, se seroit présumé depuis Noël dernier plus qu'auparavant, user de voyes de faict, empêchant mesme avec gens armés le passage de la rivière et chemins publicques, y aguetter et blesser mortellement les passants avec armes à feu, le tout prouvenant par fault de deux exécutions de nostre dit mandement à l'entière ruine et oppression de nos subjetes, etc. » Il termine en ordonnant à ses officiers de sévir sérieusement et de le considérer comme félon et ennemi du pays (182).
Avant de terminer l'histoire de Jean de Ruyschenberg, nous mentionnerons encore quelques actes qu'il souscrivit, concernant des chutes d'eau sur la Vesdre. Il céda d'abord un coup d'eau à Nessonvaux au sieur Dombré, pour y construire « un moulin aux xhoisses à une roue » moyennant vingt florins Brabant et la moitié des poissons, cet acte est du 2 juillet 1616.
Le meunier de Vaulx-sous-Olne lui payait, pour le coup d'eau qu'il prenait sur le territoire de l'avouerie, une rente annuelle de deux patacons.
Le 19 janvier 1616, il confirma par devant la Cour de justice du ban d'Olne, à Jean Le Godet et Jean Le Ruytte, fils et gendre de Lambert Le Godet, de Ninane, la jouissance du coup d'eau et des forges situées en dessoub de Ninane, en lieu qu'on dit pré aux chennaux » (Chaudfontaine). Enfin, le 24 mai 1631, par acte passé au château, par devant le notaire Adam Hannot, il céda à Lambert, fils de Jean de Polleur, résidant à la fonderie aux Trous (Trooz), le coup d'eau de Henne , à Vaux-sous Chèvre- mont, moyennant une rente annuelle de cinquante florins Brabant et la moitié des poissons (183).
L'hôtel Curtius ayant été transformé en Mont-de-Piété par Ferdinand de Bavière en 1622, Jean de Ruyschenbergh prêta à cette institution, le 15 janvier 1626, une somme de douze mille florins de Brabant, pour laquelle il lui était servi un intérêt de huit cents florins de même monnaie. C'est cette rente qu'il fut obligé de donner en caution pour satisfaire le chapitre cathédral de Liège, relativement à la chape due par son frère, Henri de Ruyschenbergh, chanoine de St-Lambert et archidiacre de Campine, mort sans avoir rempli cette formalité d'usage.
Jean de Ruyschenbergh mourut le 18 janvier 1638, âgé d e quatre vingt quatre ans, après une carrière exceptionnellement remplie d'évènements de toute espèce et surtout féconde en procès; aussi avoue-t-il dans son testament, que ceux-ci lui ont coûté au delà de quatre vingt mille florins.
Ce fut certes un type des plus parfaits du seigneur hautain, querelleur et batailleur de cette époque; ne connaissant que sa volonté, s'insurgeant continuellement contre ses suzerains, il fut pour eux une source continuelle d'ennuis. Son grand âge même ne put modérer ses appétits de chicane et de querelles, ni surtout l'antipathie qu'il portait aux Liégeois.
Il eut de son mariage avec Sybille Marie de Plettenberg, un fils du nom d'Edmond, né en 1605, qui mourut le 31 mai 1623 et fut enterré aux Frères Mineurs, à Liège, actuellement l'église St-Antoine, où sa pierre tombale, ornée de ses armes, se trouve encore. Il est à remarquer que les quartiers figurant sur ce monument que nous reproduisons ici, sont ceux de Jean de Ruyschenbergh, père du défunt. Ils doivent être lus comme suit Ruyschenbergh-Greyn-Nesselraedt-Spies. - Gulpen-Withem-Erekenteel-Trazegnies. Les quartiers de Marguerite de Gulpen auraient dû être remplacés par ceux de Sybille Marie de Plettenberg, mère du jeune homme. Celui-ci étant mort en célibat, la seigneurie de la Rochette revint à Alexandre, baron de Cortenbach, fils d'Adolphe et de Philippine de Ruyschenbergh.
LES SEIGNEURS DE LA ROCHETTE
DE LA MAISON DE CORTENBACH
ALEXANDRE DE CORTENBACH 1638-1652
Alexandre, baron de Cortenbach, vicomte de Tervueren et Duisbourg, seigneur de Helmond, Ooken, Sleyden, Hohem, Helmdonck, etc., releva la seigneurie de la Rochette le 20 janvier 1638. Le 12 janvier 1638, il autorisait Adam Hannot, greffier d'Olne, à relever devant la Cour féodale de Dalhem: « la maison, chasteau et forteresse de la Rochette, la seigneurie du bancq d'Olne, la cense, bois, terres et prairies, biens et héritages quelconques de Schnawrenberg-lez-Forron, et généralement tout ce qui peult dépendre et appartenir à la susdite maison de la Rochette, comme feu Jean de Ruyschenbergh les a relevés l'an 1603 » (184).
Par traité de mariage du 19 février 1602, Sybille de Plettenberg avait apporté en dot une somme de treize mille patacons, et son mari lui constituait un douaire de six mille cinq cents patacons. Il était stipulé qu'en cas de décès du mari sans descendance, son épouse jouirait du domaine de la Rochette jusqu'au jour où les héritiers de son époux lui rembourseraient la somme totale de dix-neuf mille cinq cents patacons, et restitueraient le mobilier et les joyaux qu'elle avait apportés en mariage (185).
La dame de la Rochette continua à habiter le château. Alexandre de Cortenbach, son neveu, mourut en 1652, laissant de son mariage avec Marie, comtesse de Velen, un fils du nom d'Edmond, qui lui succéda comme seigneur à la Rochette.
Alexandre de Cortenbach avait épousé en secondes noces, le 15 février 1628, sa cousine Anne Marie de Ruyschenbergh, veuve de Guillaume de Wittenhorst, seigneur de Holtzum. Elle était fille de Jean de Ruyschenbergh, seigneur de Setterich, grand bailli de Wilhemstein et d'Eschweiler, lequel avait épousé en premières noces Marie de Gulpen, morte sans descendance, et, en secondes noces, Ulanda Huyn d'Amstenraedt (186).
EDMOND DE CORTENBACH 1652-1682
Edmond, baron de Cortenbach, vicomte de Tervueren et de Duisbourg, seigneur de Helmond, né le 16 mai 1623, épousa Cécile-Isabelle, princesse de Gonzague et de Mantoue, héritière du marquisat de Tricère, fille d'Aloys de Gonzague, prince du Saint-Empire Romain, marquis de Mantoue et de Tricère, général des troupes de Silésie, et d'Isabelle-Françoise de Croy-Chimay d'Arenberg.
Le 12 août 1652, sa grand'tante de Plettenberg lui écrivit à Helmond pour lui annoncer la rupture de deux arches du pont de Chênée et l'engager à faire réparer le pont avant l'hiver pour affirmer les droits que son mari avait rétablis avec tant de peine, disait-elle; d'autant plus que quelques villages étaient disposés à les lui contester, « comme il appert par un procès que je soutiens à Malinnes contre ceux d'Aywail, et ceux de Comblain font aussy des relieffs et autres. »
Le 23 novembre 1652, elle rappelle à son petit neveu, qu'il n'a pas encore effectué le relief de la seigneurie, et que le drossard de Dalhem lui accordait un dernier délai pour remplir cette formalité.
Le baron de Cortenbach ne se pressant pas, elle lui écrivit de nouveau le 2 décembre, se plaignant que c'était elle qui supportait les désagréments provoqués par sa négligence, et « pour ce que vous alléguez touchant les Hollandois, et la crainte de leur disgrace, si ce respect vous retient, je peu alléguer le mesme subjet d'appréhension et croire que vous désirez retirer vostre pied du danger de la bruslure pour y engager le mien; mais quand vous auriez bonne envie de me délivrer de cette intrigue, en faisant vostre relieff, on pourrait consulter et peut-estre trouver un moyen de vous mettre à couvert de cette orage que vous appréhendez. » (187).
Le 10 novembre 1659, le baron de Cortenbach fit avec la dame de Plettenberg un accord par lequel elle lui cédait la seigneurie, moyennant certaines conditions. En voici le texte:
« Premièrement pour cession de tout le bien de la Rochette avec appendence et dépendance, charge et non charge, tant de procès qu'autres choses, M. le baron a accordé de donner 11,000 patacons et pension vitalle de la valeur de 300 patacons hors de ce qui sera cy-dessoub spécifié.
» Une demeure honeste et libre pour elle et sa famille, avec clefs des portes première et deuxième, et,en cas de mésentende, une honeste demeure à Liège.
25 muids de deux Broucqs .
5 muids demy de Libert de Bouhemont.
125 patacons du Mont de Piété en Liège.
40 patacons hors de la cense d'embas.
10 patacons hors de la cense d'enhaut.
12 patacons hors des bois de taillis, et, en cas de non solution, les trouver en la cense d'embas.
32 pattacons du Bancq de Sprimont.
16 pattacons du Bancq de Louvegnez.
La moitié du jardin de la cuisine.
La moitié des poiriers et moitié des cerisiers.
10 arbres pomiers.
Entretien de deux vaches, Hyver et Esté.
Du bois pour chauffer la personne de Madame.
Item tous les arrierez.
Item les canons escheus et à eschoir jusques à pleine et entière solution desdits deniers, à compter au logis Jaspar de Vaulx, en la ville de Liège, parmy quoy Madame cèdera à tout le bien de la Rochette et son usufruit, avec ses appendances et dépendances, charge et non charge, tant de procès qu'autres choses, de tout quoy la dite Dame demeurera entièrement libre et de même Monsieur le baron au-dessus des obligations ou charges susdites, cèdera à tout ce qu'il poudroit prétendre de ladite Dame, hors mis les biens de la Rochette, comme estcy-dessus dit.
» Pour cession du dit bien de la Rochette, Monsieur le Baron donnera onze mille patacons, sur lesquels treuvera bon le capitale de Harzé à scavoir:
Item la rédemption de l'engageur 2,333 patacons et un quart.
De la seigneurie d'Olne: 750 patacons.
Capitale de la pension d'Olne: 800 patacons.
Ce à quoy Madame a consenti, comme elle consente parmy qu'elle demeurera entièrement libre de toutes charges et prétentions, comme dit est, et sera obligée de donner les meubles qu'elle a trouvé à la Rochette; Monsieur le baron de donner la main assistante pour luy faire payer les arrérages; promeitant de part et d'autre de tenir le présent accord ferme et à la bonne foy. Fait à la Rochette, jour et an que dessus ».(188)
A la suite de cet accord, la tante et le neveu habitèrent ensemble le château; mais bientôt la bonne entente disparut entre eux, et Madame de Plettenberg regretta l'abandon qu'elle avait fait de ses droits, si bien que le 21 juillet 1661, elle adressait une requête au Conseil de Brabant pour demander l'annulation de l'acte qu'elle avait contracté avec son neveu deux ans auparavant.
Ce procès dura des années; ce ne fut que le 24 décembre 1668 que le Conseil de Brabant cassa et annula l'acte de cession du 10 novembre 1659, obligea la dame de Plettenberg au remboursement des sommes perçues, et le baron de Cortenbach au payement des redevances, fruits, cens et rentes dont il avait joui depuis qu'il était en possession du château de la Rochette. (189)
Ce dernier ne paraissant pas vouloir quitter la Rochette, Madame de Plettenberg résolut de l'en faire sortir de force, et, le mardi 26 février1669, vers la finde la journée, un lieutenant Vignoulle, de la garnison de Limbourg, accompagné de Jacques Combette, et plusieurs autres tous armés, se rendirent maîtres du château. Il ne s'ytrouvait, en ce moment, que quelques serviteurs et le père récollet Léon de Villers. (190)
Edmond de Cortenbach n'ayant plus rien à espérer du Conseil de Bruxelles, adressa une plainte au Conseil de Brabant siégeant à La Haye, lui insinuant, comme Jean de Ruyschenbergh l'avait déjà fait, que la Rochette, fief de Dalhem, faisait partie des Pays-Bas depuis que cette ville était tombée au pouvoir des États-Généraux, et qu'il était de l'intérêt de ces derniers d'affirmer leur souveraineté par un acte d'autorité.
Les États-Généraux, instigués par le baron de Cortenbach, adressèrent, le 1er mai 1669, à Madame de Plettenberg, une lettre signée par Guillaume de Nassau, lui enjoignant de quitter le château de la Rochette dans le plus bref délai. (191) Mais la vieille douairière ne tint aucun compte de cet ordre. Seulement en prévision d'un retour offensif de la part de son neveu, elle demanda et obtint quelques soldats de la garnison de Juliers, qui vinrent prendre logement à la Rochette.
Le baron de Cortenbach fit alors imprimer une protestation qui fut affichée partout où le seigneur de la Rochette percevait des redevances. Voici la copie de cette pièce:
« Nous Edmond baron de Courtenbac vicomte de Veuren et Duysberg, Marischal de la Duché de Limbourg, seigneur de Helmond, de la Rochette et d'Oukene etc.; comme il est venu à nostre cognoissance, que la Dame Sibille Marie de Plettenberg, en continuant les foules, forces et violences, faictes tant par les envahissemens de nostre château de la Rochette à main armée que détentions de tous nos biens, sans aucun forme de justice, et mesmes de forcer et vouloir forcer nos débiteurs et fermiers à luy payer ce que par contrats ou autrement ils nous sont redevables, en qualité de seigneur de la Rochette, si est-il que pour obvier aux attentats susdicts, et afin que les débiteurs, fermiers, et autres ne prétendent cause d'ignorance, avons faict publier cette défence, par laquelle protestons bien expressement contre toutes ces forces, foules et violences desia faictes et à faire, et interdisons et défendons bien expressément aussi à tous nos débiteurs fermiers et autres, qui nous sont redevables, de ne payer ny deferer à aucun commandement de la susdiete Dame Sibille Marie de Plettenberg, soit à payer aucune rentes ou revenus, soit à faire corvées ou autres services corporels, de faire la garde audit chasteau, ou de passer en armes sur nostre juridiction, à paine de nullité, et de payer autrefois, au regard de premiers, et des autres soubs paine de correction arbitraire et de procéder à l'encontre de contraventeurs criminellement sur leurs corps et biens, jusques à cassation et réparation de toutes ces foules, forces et violences desia faicts ou encores à faire, considéré aussi que par sentence desia donnée au conseil de Brabant le 25 de janvier de l'an 1668 in contradictorio judicio, la dicte Dame Sibille Marie de Plettenberg est condempnée de réparer et anéantir tous tels attentats faits et à faire, ce qu'avons bien voulu donner à cognoistre au public afin de se règler en conformité de la contenue de cette. Donné en nostre ville de Helmond ce douzième du mois d'juin, l'An 1669. (Signé) COURTENBAC . » (192)
Madame de Plettenberg refusant d'exécuter les ordres des Etats-Généraux, le baron de Cortenbach obtint de ceux-ci pour le commandant de Maestricht, l'ordre de se rendre maître du château, et d'en expulser la douairière.
Le samedi 13 juillet 1669, le chapitre de St-Lambert décida d'envoyer vingt-cinq soldats à la Rochette (193). Malgré ce renfort, la petite garnison que Madame de Plettenberg, faute d'argent monnayé, soldait avec ses joyaux et sa vaisselle d'argent découpée (194), dut évacuer la place devant les Hollandais qui s'en emparèrent. L a dame de la Rochette se retira à Liège.
Se sentant trop faible pour lutter avec succès, et désirant obliger son neveu à rembourser les sommes affectées sur ledomaine, elle fit donation au prince-évêque de Liège de l'avouerie de Fléron, et au chapitre de St-Lambert du douaire lui appartenant par son traité de mariage, moyennant une messe solennelle à célébrer, chaque année, pour le repos de l'âme de son mari et de la sienne.
Cet acte fut passé, le 24 juillet 1669, au couvent des pauvres Clarisses à Liége, en présence de Conrard Vanderheyden a Blisia et d'Erasme de Foulon, bourgmestres de la cité, et de R. de Chaudfontaine, capitaine major. (195)
Le chapitre cathédral, pouvant disposer du domaine de la Rochette jusqu'au remboursement des sommes dues à Madame de Plettenberg en vertu de son contrat de mariage, envoya des troupes qui délogèrent les Hollandais du château. Elles y demeurèrent jusque vers la fin du mois d'octobre sans être inquiétées.
Le prince-évêque chargea le baron de Renesse d'Elderen et le conseiller de Sélys d'entamer des conférences à La Haye au sujet des prétentions des États-Généraux de Hollande.
Ces envoyés y arrivèrent le 29 août 1669.
Il paraît que les journaux de La Haye s'étaient emparés de cette affaire de la Rochette, et lui avaient donné une importance telle que, selon eux, la triple alliance conclue l'année précédente entre l'Angleterre, la Suède et la Hollande, pouvait en être ébranlée (196).
Le gouvernement des Pays-Bas Espagnols ayant eu connaissance des conférences engagées à La Haye, fit signifier par son ambassadeur aux envoyés liégeois, une note affirmant sa souveraineté sur la Rochette.
Le prince-évêque se refusait à réintégrer le baron de Cortenbach à la Rochette et à retirer ses troupes, tandis que les Etats-Généraux ne voulaient commencer les négociations que pour autant que ces deux conditions fussent exécutées. Les Liégeois proposèrent le retrait des troupes, mais avec la rentrée de Madame de Plettenberg au château, et la promesse des Etats-Généraux de ne rien attenter contre elle, avant que le différend fût entièrement terminé. Le 9 octobre, après avoir signé un accord provisoire, par lequel les troupes liégeoises devaient évacuer le château avant l'expiration du terme d'un mois, les envoyés du prince-évêque revinrent à Liège.
Le 26 janvier 1670, Madame de Plettenberg mourut (197) et le château fut évacué par les troupes liégeoises.
Le chapitre de St-Lambert avait placé au château pour sa garde un capitaine réformé et deux hommes. Le baron de Cortenbach se refusant à faire le relief de l'avouerie de Fléron au prince-évèque, les échevins l'accusèrent de félonie et lui retirèrent les bénéfices de cette charge. L'ordonnance suivante fut publiée à cet effet:
« Son Altesse Sérénissime estant informé de ce que l'on auroit commandé des corvées sous le nom du baron de Helmondt à titre de la vouerie de Fléron non relevée par iceluy, défend à tous ceux qu'il touche de prester les dites corvées à la semonce du dit Baron, ordonnant à son officier de les commander en son nom et temps opportun, et ce à son utilité et à l'advancement du droit de retention, dévolution et autres luy compétants des fruits et revenus de ladite vouerie.
Donné au Conseil de sadite Altesse le 21 juillet 1670.
C. E.DE POICTIERS. L. CREFT.
Lieu + du seel.
A Liège par Jean F. de Milst, imprimeur juré de son Altesse Sérénissime (198). »
Pour compenser la perte qu'il subissait par la saisie des revenus de la Rochette et de l'avouerie, Cortenbach obtint des Etats-Généraux la saisie à son profit des revenus des seigneuries de Lith, Littoye, Feneur et Dasmes, situées sur le territoire Hollandais, et appartenant au dit chapitre. Il avait également demandé l'arrêt sur les biens du chapitre situés en Brabant (199).
Cette affaire amena une nouvelle correspondance entre les Etats-Généraux et Maximilien-Henri de Bavière, lequel se décida à négocier et chargea, le 16 mai 1671, Erasme de Foulon, écuyer, seigneur d'Oley et Grandaxhe, conseiller privé, échevin de la souveraine justice de Liège et ancien bourgmestre de la Cité, et Ferdinand Van der Weecken, seigneur de Vaeshartelt, conseiller et résident du prince à La Haye, de terminer avec les Etats-Généraux les affaires de la Rochette, conformément aux dispositions prises en 1669. Pour ce qui concernait l'avouerie, tant au sujet des droits que des émoluments de l'avoué, il fut rédigé un projet d'accord entre Erasme de Foulon, représentant le prince, et Louis Christophe de Masillon, voué héréditaire de Nivelle sur Meuse, représentant le seigneur de la Rochette.
Le baron de Cortenbach aurait en héritage et domaine absolu les seigneuries de Vaux-sous-Chèvremont, Vaux-sous-Olne et Nessonvaux, avec leurs hameaux, et le droit d'administrer la justice, tant au civil qu'au criminel, avec le même ressort que la Cour de Fléron. Les États de Liège céderaient, en outre, au baron la seigneurie de Forêt, avec haute, moyenne et basse justice, à charge de la relever en fief du prince-évêque de Liège.
En échange de cette cession, Cortenbach abandonnerait les droits qu'il avait sur l'avouerie de Fléron et ses dépendances (200). Cependant, ce projet n'aboutit point; seules les négociations avec les États-Généraux donnèrent un résultat.
Le chapitre de St-Lambert fit imprimer le 26 février 1671, à Liège, un mémoire intitulé: « Démonstration de la nullité » des recours empris au Conseil de Brabant et Cour féodale à Lahaye, par le baron de Cortenbach, seigneur de Helmont, etc., contre très Révérends, Illustres, Nobles et Généreux seigneurs Les Doyens et chapitre de l'église Cathédrale de Liège, au sujet du droit de rétention duquel ils usent pour leur deù liquide, sur la maison et biens de la Rochette, qui sont du territoire Impérial, tant sous le Domaine de Fléron, dit la vouerie Nostre-Dame d'Aix-la-Chapelle, que sous le baillage d'Ameri-cour et justice de Jupille, pays de Liège.
A Liège, par Jean F. de Milst, imprimeur juré de son Altesse Sérenissime. »
Le 18 août 1671 fut ratifié à La Haye l'acte de cession par les États-Généraux de tous leurs droits sur l'avouerie de Fléron et la seigneurie de la Rochette; les États de Liège cédaient en échange la souveraineté et les droits qu'ils avaient sur la seigneurie de Lith. Voici, en partie, la copie de ce traité:
« ART. 2. - Les dits Hauts et Puissants seigneurs États ont quittez et cédez, quittent et cèdent par ces présentes, la souveraineté et tous les autres droits qui en dépendent qui pourroient leur avoir appartenus, sur la maison, château et Biens de la Rochette, pour demeurer icelle souveraineté, et tous les autres Droits qui en dépendent en propre à l'Empire, avec ainsi et comm est la terre de Fléron, dit l'advouerie de Notre-Dame d'Aix la Chapelle, acquise à sadite Altesse et à son État de Liège, qui ne pourront à l'advenir sous quelque titre ou prétexte que ce soit être troublez en ladite souveraineté ou en aucuns des droits qui appartiennent à L. H. P. comme seigneur du fief de ladite maison, château et Biens de la Rochette, leurs appartenances et dépendances, à l'égard desquels l'on ne prétend rien innover par ces Présentes.
ART. 3. - Sa dite Altesse le Doyen et le chapitre de l'église cathedrale et de l'État de Liége en contre échange, ont quittez aussi et cédez, quittent et cèdent par ces présentes la Souveraineté et tous les autres Droits qui en dépendent, qui pourroient avoir appartenu ou appartenir à eux, à leurs Prédécesseurs ou successeurs Évêques, Princes, Doyen et chapitre de l'Église cathedrale ou l'État de Liége sur le Bourg et Village de Lith, avec le ressort d'iceluy pour demeurer icelle souveraineté et tous autres droits qui en dépendent en propre à L. H. P. sans pouvoir désormais soub quel titre ou prétexte que ce soit être troublez en ladite Souveraineté ou aucun des Droits qui en dépendent: le tout néanmoins sans aucun préjudice des autres droits qui appartiennent tant à L. H. P. qu'aux dits Doyen et chapitre de l'Église Cathédrale de Liége, à l'égard desquels on ne prétend rien innover par ces Présentes.
ART. 11. - Cependant, ledit seigneur de Helmont entrera en la possession et jouissance de ladite Rochette et des Biens qui en dépendent, dès le jour de la ratification du présent traité.
ART. 12. - Ledit Seigneur de Helmont prenant de sa dite Altesse Sérénissime l'Investiture de l'Advouerie et de ladite Terre de Fléron, et luy faisant le serment de fidélité, ainsi et comme feu le seigneur Jean de Ruyssembergh l'a fait au comte de Bucquoy en l'an 1623 le 3 de Mars, et ses devanciers aux Doyen et Chapitre d'Aix: Saditte Altesse qui les représente avec son État de Liége, luy remettant toute caducité, l'investira de la dite advouerie afin qu'il jouisse des émolumens d'icelle sans aucun empêchement. (201)
Le même jour les États-Généraux décidaient qu'il serait remis à chacun des envoyés liégeois, une chaîne d'or avec médaille de la valeur de douze cents florins. (202)
Tous les intéressés étaient satisfaits. Les États-Généraux avaient cédé à bon prix un droit contestable; le pays de Liège croyait avoir enfin réussi à s'annexer ce petit coin de terre, et le baron de Cortenbach entrait en jouissance de son domaine et de l'avouerie.
Le 6 février 1672, le baron de Cortenbach ayant constitué Libert de Thier, chanoine de St-Barthélemy, pour inventorier le mobilier du château, celui-ci se trouva à la Rochette le13 du même mois, avec Jean Pollain, chanoine, représentant le chapitre de St-Lambert, et le notaire Nicolas Defossé. Cet inventaire, continué le 22 février, extrèmement détaillé, est de peu d'intérêt; il nous donne une idée de la rusticité de l'ameublement d'un château à cette époque. (203)
Le 22 février, le chapitre informa le seigneur de la Rochette qu'il pouvait prendre possession du domaine conformément aux clauses du traité de La Haye. Cortenbach ne s'empressa pas de faire son relief du chef de l'avouerie. Maximilien-Henri de Bavière, le 26 mars 1672, l'ajourna à quinzaine. Il écrivit au prince pour lui demander de le laisser relever cet office, en son nom, par une tierce personne qu'il constituerait à cet effet, avec promesse de ratification (204 ).
Cette autorisation lui fut accordée; mais, à quelque temps de là, il fut invité de nouveau à faire son relief en personne. Une difficulté nouvelle avait provoqué cette mesure: De Masillon, avocat fiscal; Renardi, avocat; Bernard Presseux, huissier, et Charneux, conseiller, ayant fait une descente de justice à Theux, revenaient en bateau à Liège en descendant la Vesdre. Arrivés vis-à-vis de la Rochette, le baron de Cortenbach, armé d'un fusil, apparut au devant du batelier, le fit saisir par ses gens, ainsi que son cheval, et conduire au château.
Les voyageurs se rendirent à la Rochette, firent observer au seigneur tout ce qui pourrait résulter de cet affront fait aux officiers du prince-évêque, et l'engagèrent à relâcher le batelier et son cheval. Mais Cortenbach fut inflexible; il prétendit qu'il fallait une permission pour passer sur sa juridiction, et jura qu'il ferait vendre le cheval le lendemain, si une amende de dix florins ne lui était payée sur le champ.
De Masillon et ses confrères s'adressèrent au prince-évêque, et, le 18 juillet 1672, le chancelier du Conseil privé, écrivit au seigneur pour se plaindre de cet attentat d'un vassal, et pour l'inviter à comparaître le jeudi suivant, en personne, au Conseil privé pour y prêter personnellement serment, et donner des éclaircissements au sujet de cette affaire. Il lui était de plus ordonné de mettre le batelier immédiatement en liberté.
Le baron de Cortenbach répondit que, de tout temps, le passage des bateliers avait été défendu les jours de fêtes et les dimanches; et qu'il leur était également interdit de passer avec leurs chevaux dans les prairies.
Quant à faire son relief lui-même, il n'en voyait pas la nécessité; son prédécesseur l'ayant fait par commis à La Haye. Il contestait en même temps au prince le droit d'avoir fait agenouiller son commis, et ajoutait que les frais pour cette formalité du relief avaient été exagérés (205).
En 1674, Jean Dayeneux, prélocuteur, ayant été chargé par Edmond de Cortenbach de protester auprès de la Cour de Fléron en faveur du maintien de ses droits, fit rédiger, le 6 octobre, un acte préjudiciable aux droits de Son Altesse et contenant même, parait-il, des propos injurieux à l'adresse du prince. La Cour de Fléron, par sentence du 20 décembre, le condamna à comparaitre, le 2 janvier 1675, pour confesser la fausseté de ses insinuations et en demander pardon, à genoux et tête nue, à Dieu, au prince et à la Cour, le condamnant de plus à dix florins d'or d'amende et aux frais.
Cortenbach désavoua son représentant par une lettre qu'il écrivit au prince-évêque.
Le pays était en pleine effervescence; Louis XIV avait déclaré la guerre à la Hollande, et ses troupes, sans respect pour la neutralité du pays de Liège, le traitaient en pays conquis.
La Rochette eut aussi l'honneur de loger des soldats français; le comte de Chavagnac, lieutenant-général des armées du Roi, et commandant ses troupes dans les pays de Liège, Stavelot et Malmedy, adressa un ordre à « celuy quy commande dans le chateau de la Rochette, de recevoir, loger en quartier d'hiver, le colonel réformé Chalart avec douze dragons, de leur fournir le service ainsy qu'il est ordonné par les ordres de Sa Majesté, et les fourrages nécessaires qu'ils prendront sur la terre dudit lieu et dépendances, donneront au colonel six portions de bouche et autant de cheval... fait à Huit (sic) le4 décembre 1674. signé: Chavagnac » (206).
Le seigneur de la Rochette mourut en 1681, laissant une fille, unique héritière d'une fortune considérable. Sa veuve épousa en secondes noces, le 22 août 1682, Antoine Udalric d'Arberg, dit le comte de Fresin, qui transporta la seigneurie de la Rochette dans l'illustre maison d'Arberg.
LES SEIGNEURS DE LA ROCHETTE
DE LA MAISON D'ARBERG
ANTOINE-UDALRIC, COMTE D'ARBERG 1682-1688
La maison d'Arberg, dont une branche s'était fixée dans nos provinces vers la fin du seizième siècle, prétend descendre en ligne directe des comtes de Neufchâtel en Suisse.
La filiation de ces derniers commence à Uldric, comte de Neufchâtel, qui donna une charte en 1162 et une autre en 1196; son fils ainé Rudolphe continua la ligne des comtes de Neufchâtel; son fils cadet, nommé Uldric comme lui, est qualifié comte d'Arberg dans les lettres de 1275. La terre d'Arberg était située non loin du lac de Bienne.
Cono, fils cadet d'Uldric, deuxième du nom, était en possession de la seigneurie de Valengin en 1278. Guillaume, comte d'Arberg, seigneur de Valengin, issu au quatrième degré du précédent, épousa Jeanne de Beaufremont; leur fils Jean, comte d'Arberg, seigneur de Valengin, fut l'un des douze chevaliers qui tinrent, en 1453, le célèbre pas d'armes de l'arbre de Charlemagne, sur la route de Dijon à Auxonne.
La seigneurie de Valengin fut portée dans la maison de Chalant par le mariage que contracta, en 1502, Louise d'Arberg, petite-fille de Jean, comte d'Arberg, avec Philibert, comte de Chalant; la branche cadette, issue du second fils de Jean ci-dessus, continua néanmoins à porter le nom de Valengin.
Nicolas, comte d'Arberg et de Valengin, comte de Beaufort, seigneur de Heppignies, Mathaz, Mandeurre, Roye, Trevillers, Ahin, etc., issu au quatrième degré de Jean d'Arberg ci-dessus, avait épousé, par traité de mariage de l'an 1638, Olympe-Thérèse-Marguerite-Hyppolite de Gavre, baronne d'Elsloo, chanoinesse de Nivelles, seconde fille de Pierre-Ernest de Gavre, comte de Fresin, baron d'Elsloo, Inchy, seigneur d'Ollignies, Rixensart, gentilhomme de la chambre de S. M. Impériale, colonel de cavalerie, etc., et de Élisabeth-Catherine comtesse de la Marck de Schleyden.
De ce mariage naquirent quinze enfants :
1° Jean-François, né à Ahin, en 1639, mort le 2 décembre 1680.
2° Claude-Catherine-Adrienne, née à Namur en 1641.
3° Marie, morte jeune.
4° Jean-Jacques, mort au berceau.
5° Marie-Adrienne, chanoinesse de Nivelles.
6° Jossine-Walburge, religieuse au couvent de Berlaymont, à Bruxelles.
7° Henri-Maximilien, mort au berceau.
8° Olympe-Thérèse, chanoinesse de Mons, épouse du baron de Plettenberg de Schwartzenberg, lieutenant-colonel d'infanterie.
9° Claude-Nicolas, qui épousa en premières noces, en 1721, Anne-Théodore, comtesse de Daun de Sassenheim, et, en secondes noces, Marie, comtesse de Törring.
10° Théodore-Claire-Eugénie, chanoinesse et prévôte de Nivelles.
11° Albert-Joseph-Dieudonné, qui suivra après son frère Antoine-Udalric, comme seigneur de la Rochette.
12° Antoine-Udalric, dit le comte de Fresin, dont nous allons nous occuper.
13° Philippe-Charles, qui servit dans les armées impériales et se distingua en Hongrie. Il mourut à Vienne, le 3 novembre 1708, des suites d'une blessure reçue au siége de Bude.
14° Pierre-Ernest, général-major au service de l'Empereur, tué en Italie en 1704.
15° Isabelle-Françoise-Alexandrine, née le 7 avril 1663, chanoinesse de Maubeuge (207).
Antoine-Udalric, dit le comte de Fresin, épousa, le 22 août 1682, la veuve du baron de Cortenbach, née princesse de Gonzague de Mantoue, et, par ce mariage, devint seigneur usufruitier de la Rochette. Il prêta hommage au prince-évêque de Liège le 14 mai 1685, et renouvela lui-même son serment à la cour de Fléron.
Il était colonel d'un régiment de cuirassiers. Sa femme mourut au château de Helmont, le 28 avril 1688, et fut enterrée dans l'église des Récollets, à Weert. Il épousa, en secondes noces, Marie-Bernarde -Alexandrine de Renesse d'Elderen, chanoinesse de Nivelles; enfin, en troisièmes noces, Alexandrine, baronne de Horst et de Wittenhorst.
Il mourut en 1724, sans laisser de descendants.
Immédiatement après le décès de sa première épouse, usufruitière de la seigneurie de la Rochette, celle-ci passa aux mains de son frère Albert-Joseph, qui suit:
ALBERT-JOSEPH,COMTE D'ARBERG DE VALENGIN 1688-1726
Albert-Joseph-Dieudonné, comte d'Arberg de Valengin et du Saint-Empire, né à Maestricht le 11 septembre 1655, frère aîné du précédent, baron d'Elsloo, comte de Peer et de Bruey, marquis de Werwick, baron d'Andre et d'Embry, seigneur d'Ollignies à Marzines, d'Oosthoven, la Croix, de Petit-Gavre, de Calonne sur la Lys, etc., chambeilan du prince-évêque Joseph-Clément de Bavière, épousa, le 17 avril 1687, Isabelle-Félicité de Cortenbach, dame de la ville d'Helmont, marquise de Tricère, avoueresse de Fléron, dame de la Rochette, Oukenen, Gisloë, fille d'Edmond, baron de Cortenbach et de Cécile-Isabelle de Gonzague (208).
Le cadet était devenu le beau-père de son frère aîné.
Le nouveau seigneur de la Rochette fit relief de l'avouerie de Fléron le 16 décembre 1689. Le 18 août 1690, il fit enregistrer son relief à laCour de Fléron et fut mis en possession de l'avouerie après avoir renouvelé son serment (209).
Le 18 mai 1691, il fut reçu gentilhomme de l'Etat noble de Liège, et, en 1713, à la mort du com te de Berlo, il lui succéda dans la charge de grand et souverain mayeur de Liège (210).
Son mariage fut le sujet d'une provocation qu'il fit imprimer et afficher à Liège et en maints autres endroits, à la suite d'une insulte qu'il avait essuyée de la part de Charles d'Alsace, colonel au service d'Espagne, parent de la baronne de Cortenbach, et fils d'Albert-Maximilien de Hennin-Liétard, de la famille princière de ce nom, comte de Boussu, marquis de la Vère, vicomte de Bruxelles et de Lombeke, baron de Liedekerke, etc., et d'Alexandrine-Françoise de Gavre.
Nous reproduisons cette pièce curieuse:
« L'an mil six cent huitante huit du mois de Juin le 6 jour, pardevant moy le public Notaire soubsigné et en présence des témoins embas dénommez, comparut personnellement, Haut et Puissant seigneur Albert comte d'Arberg de Vallengin et du Saint Empire, libre baron de la terre impériale d'Elsloo, baron d'Inchy, de Helmondt, vicomte de Tervueren et Duyburg, Maréchal héréditaire des Pays et Duché de Limbourg, Haut-voué de Fléron, seigneur de la Rochette, Ollignies, Villers, Cagnicourt, Ahin, St-Léonard à Mazinnes, etc., lequel ayant eu cognoissance et lecture le jour d'hier d'un acte passé à Namur par devant le notaire Marinx, le 24 du mois de May dernier, dans lequel Haut et Puissant seigneur Charles-Philippe d'Alsace de Boussu, marquis de laVerre, comparu en qualité de parent à défuncte Haute et Puissante Dame, madame Cécile-Isabelle princesse de Gonzague de Mantoue, très honorée belle-mère du seigneur comparant, et par des expressions impudentes, indignes d'un homme de naissance, et peu convenables aux généreux sentiments et aux voyes d'honneur qui doit animer son sang, et conduire ses actions, entre sans sujet dans des transports effeminez de l'injure écrite de la manière la plus outrageante, et par des termes les plus apres et les plus insolents qu'une âme basse et née à l'invective puisse inventer et s'émancipe à traiter le seigneur comparant et Monsieur le comte de Frezin, son frère de criminels, de rapteurs et de séducteurs de la fille unique de Madite Dame la princesse de Gonzague, à cause du mariage de celle-là solemnisé dernièrement avec le seigneur comte comparant; et comme de pareilles injures et des calomnies si sanglantes et si criminelles que celles contenues audit act notarial, ne peuvent pas estre souffertes sans réparation, en attendant qu'on le procure de la manière qu'il sera jugé convenable pour l'atrocité du forfait, le seigneur comparant en son nom et celuy du seigneur son frère, pour maintenir l'honneur de leurs Personnes blessez par un act rendu public, et par droit de juste retorsion, a jugé à propos de protester solennellement contre cet act, ou plustost ce libel diffamatoire passé par devant ledit notaire Marinx, et d'en prétendre réparation condigne, et cependant de dire et faire afficher publiquement que ledit seigneur Charles Philippe d'Alsace de Boussu, marquis de la Verre, disant et faisant écrire que le seigneur comparant et son frère seroient rapteurs, séducteurs, criminels, et le mariage susdit nul, qu'il en a infamement menty, estant vray et connu au souverain du Lieu, que son mariage est achevé dans les bonnes formes, et par les consentemens mesme réiterez des Personnes, lesquelles selon la nature et les Loix doivent le donner, de manière que ledit seigneur Marquis escrivant qu'il y a eu rapt, ravissement, crime et nullité de mariage, publie une imposture, et qu'il a menty comme un impudent calomniateur, demandant de moy Notaire estre depêché là dessus act, que ledit seigneur comte a signé de sa main. Surquoy etc... Ce fait et passé en la maison de Monsieur Gouverneur sise sous la paroisse de sainte Marguerite lez Liège, présens illec les Srs Joseph del Belvré et Jean Francois Gouverneur tesmoins requis. Estoit signé à l'originelle de cette: Le comte d'Arberg de Vallengin. Et moy Guillaume de Bleret Notaire de la vénérable cour de Liège au premis requis in fidem (211). »
Nous ne savons quelle fut la suite de cette provocation. publique.
La trace d'une enquête à ce sujet se trouve dans un acte passé par le notaire Defooz, à Spa, le 25 août 1688 (212). Dona Maria de Cardenas Ulloa Balda Zuniga y Velasco, princesse douairière de Chimay et du Saint-Empire, requise de donner témoignage au sujet du mariage en question, déclara avoir entendu de feue Madame Cécile-Isabelle, née princesse de Gonzague de Mantoue, sa chère cousine, mère de la jeune mariée, qu'elle avait volontairement consenti au mariage de sa fille avec le comte d'Arberg, lequel mariage fut célébré au château d'Ahin, comté de Namur, en foi de quoi elle signa cet acte comme alliée et bonne amie, en la maison à l'enseigne de la Rose blanche.
Le seigneur de la Rochette devait être d'un caractère emporté et irascible, caractère qui lui fit même oublier un jour les lois de l'honneur, si l'on en juge par un épisode sanglant rapporté par un auteur contemporain (213).
Le 2 novembre 1673, Jean-François d'Argenteau, comte de Noville, vicomte de Looz, seigneur de Fologne, Moumale, Sterpenich, etc., colonel de cavalerie au service. impérial, se trouvait à Liège pour assister aux assemblées de l'État noble et était logé à l'auberge portant l'enseigne du Mouton blanc, rue du Pont-d'Avroy, lorsqu'il reçut la visite, vers dix heures du matin, du comte Albert d'Arberg, alors âgé de dix-huit ans, accompagné de cinq ou six hommes. Ce dernier lui présenta un papier à signer; sur le refus du vicomte de Looz, quelques gros mots furent échangés et le comte d'Arberg lui porta un coup de poignard au bas-ventre.
Le vicomte de Looz mit l'épée à la main, en porta un premier coup au comte d'Arberg, blessa deux de ses compagnons et les poursuivit jusque dans la rue, où il reçut une nouvelle blessure.
Le maître du logis et des bourgeois étant accourus, on s'empara du jeune comte et de deux personnes de sa suite, dont l'une était son secrétaire. Pendant ce temps, le vicomte, ne croyant pas avoir reçu de blessures graves, rentrait à l'auberge, s'aperçut alors seulement que les intestins lui sortaient du ventre, et, ne se faisant aucune illusion sur son sort, se disposa à la mort.
Il fit appeler le notaire Jean Woot de Trixhe, qui reçut son testament, par lequel il instituait sa femme son héritière universelle, et mourut le lendemain, à trois heures de relevée, laissant cinq enfants. Sa femme, Agnès-Ernestine, comtesse de Rivière d'Arschot et du Saint-Empire, arriva deux heures après le décès de son époux.
Le comte d'Arberg avait été conduit dans la maison de l'avocat Fiss, vis-à-vis de l'église de la Madeleine, tandis que les deux autres prisonniers étaient enfermés dans la tour de l'Official.
On eut peine à persuader au peuple, dont le vicomte de Looz était très aimé, que ce meurtre avait pour cause des affaires privées, et que la politique y était complètement étrangère. A cette époque, Liège était en pleine effervescence; le pays était encombré de soldats, et l'assassinat de la Ruelle, quoique remontant à 1637, était encore présent à la mémoire du peuple. Il s'en fallut de peu que ce meurtre n'amenât une émeute.
Le 4 du même mois, par ordre des échevins, le comte d'Arberg fut transféré dans la tour de l'Official, et le procès commença, à la requête de la vicomtesse de Looz.
Le corps de son mari, après avoir été exposé pendant trois jours, fut embaumé et porté aux Dominicains; mais les amis et parents du comte d'Arberg avaient employé toutes leurs influences pour le soustraire au châtiment qui l'attendait.
Le 8 novembre, arriva à Liège un trompette du gouverneur des Pays-Bas, suivi bientôt d'un autre, tous deux porteurs de dépêches concernant cette affaire qui embarrassa singulièrement les échevins et les membres du Conseil privé. Enfin, par ordre du prince-évêque, le 23 décembre, à deux heures du matin, le comte d'Arberg fut emmené de sa prison et conduit par un arveau situé sous la maison du peintre Bertholet (214) au rivage d'Avroy, où on fit passer l'eau au comte et on le mena par des jardins en lieu écarté, où il trouva une escorte de soixante soldats étrangers, destinés à faciliter sa fuite.
A la suite de cette affaire, on publia une gravure qui représentait un homme couché sur un lit, avec cette inscription au bas du dessin: « M. le vicomte de Looz, assassiné par M. Valengin d'Elsloo, fils du comte Valengin d'Arbert, dans son auberge en la ville de Liège, le 2 novembre 1673, y estant mandé de S. A. S. prince de Liège, à la journée d'Estat pour le bien publicque (215).
A l'époque où le comte d'Arberg prit possession de la Rochette, le domaine se trouvait dans le plus grand état de délabrement; les troupes françaises, à leur passage, avaient incendié une partie des dépendances du château (216). Les bois avaient été ravagés et négligés. Les rentes et corvées même s’étaient en partie oubliées par les tenanciers. Les prérogatives de l'avoué de Fléron étaient également pour une bonne partie tombées dans l'oubli; ce titre menaçait de devenir purement honorifique.
Le nouveau seigneur de la Rochette habitait tantôt son hôtel de Liège, tantôt l'un où l'autre de ses châteaux de Helmont ou d'Ahin; ne voulant pas administrer le domaine de l'avouerie, il nomma, le 22 septembre 1688, Gilles Lambotte, son lieutenant-voué.
Le 10 décembre suivant, il donna à Gilles Lambotte une nouvelle commission, à l'effet de rechercher les biens, cens et rentes, provenant de la maison de Ruyschenbergh et qui avaient été négligés ( 217).
Lambotte fit un relevé des biens, revenus et prérogatives de la seigneurie et des fiefs qui en dépendaient. Son rapport mentionne que le moulin banal, mû par le ruisseau de Géloury, était entièrement ruiné, et qu'il lui fut loué le 22 mai 1688 pour trente-cinq florins Brabant. Que la brassine située au donjon du château était également entièrement ruinée, sauf qu'il s'y trouvait encore deux rafraîchissoirs.
Lambotte occupait un quartier tenant d'un côté à la tour de Brabant et de l'autre à la brassine.
Le relevé mentionne parmi les revenus de la Rochette que la chasse était rendue pour six lièvres et trois couples de perdrix; de 1688 à 1694, elle fut exploitée par les sergents et chasseurs du seigneur; de 1695 à 1702, l'autorisation de chasser fut donnée à M. de Malte, dont il sera question plus loin.
Les corvées des bateliers comprenaient les voyages du seigneur et de ses gens, de la Rochette à Liège et vice-versa.
Le couvent de Beaufays devait annuellement deux livres de chandelles de cire.
Les pères carmes de Wégimont payaient deux chapons.
Les pères croisiers de Liège, dix deniers.
Le seigneur de Fraipont, annuellement un saumon.
La pêche dans la Vesdre était louée soixante florins, mais le locataire devait fournir les poissons nécessaires au château à cinq sous la livre.
La dîme de la Rochette était rendue moyennant cinq écus.
Il n'est pas sans intérêt de savoir ce que se louaient les terres il y à deux siècles dans notre pays. La ferme du château dite « ferme d'embas », comprenant environ trente bonniers de terres et vingt bonniers de prairies et vergers, était louée en 1660 moyennant douze cents florins Brabant, dix muids d'orge, dix muids d'avoine, huit moutons gras, une charrée de foin, six corvées avec chevaux, etc. Le prédécesseur payait quatorze cents florins Brabant, un veau gras, un agneau, seize moutons, quatre vaches, une charrée de foin, toute la paille nécessaire au château « et autres choses encore selon contract ».
La ferme sur les bois dite « d'enhaut », se louait, à raison de quatre cents florins Brabant, dix muids d'épeautre, dix muids d'avoine, six moutons gras, douze corvées avec chevaux, l'entretien et le plantage des arbres fruitiers.
Le prédécesseur donnait quatre cent quatre-vingts florins, une livre de poivre et de gingembre, un veau gras, un agneau, trois moutons, etc., et encore cent florins pour le vin, une fois à donner lors de son entrée en possession de la ferme (218).
Lambotte ajoute que ces fermes ne sont louées qu'à raison de vingt florins le bonnier de terre et quarante florins le bonnier de verger et prairie.
Dans les bois de la Rochette, qui avaient une contenance de trois à quatre cents bonniers, le taillis se vendait, en 1660, de cent trente-cinq à cent trente-sept florins le bonnier et six cents fagots une fois à donner par dessus le marché.
L'autorisation de couper les genêts dans les bois se payait deux couples de poulets, et le revenu annuel de cette permission s'élevait d'ordinaire à cent couples de poulets.
Le profit des glands s'élevait parfois à deux cents florins.
Passons aux revenus d'un autre ordre:
L'autorisation d'extraire de la houille sur le domaine était rendue, en 1688, moyennant le vingtième panier au profit du seigneur. Pour le plomb, le fer et la calamine, il percevait l'onzième livre, et des autres métaux la dix-septième.
Enoutre, les « accenseurs » avaient donné selon leurs contrats, pour obtenir la dite permission, une somme de cinq mille florins Brabant et payaient encore trente florins par an pour user du chemin.
La soufrière « à la blanche plombière », actuellement les usines de Prayon, payait le vingtième de sa production; mais, de ce vingtième, le seigneur de la Rochette ne percevait que la moitié, l'autre moitié retournait au prince- évêque de Liège. (219) Ce vingtième s'était chiffré, pour l'année 1688 à 1689, par mille quatre-vingts livres à cinq florins le cent, « ayant défalqué pour le tonneau trente-trois patars ».
Pour 1691, ce rendement du vingtième s'élevait à deux cent seize florins; le soufre avait considérablement augmenté de valeur, car, en 1690, nous le voyons porté à treize florins quinze patars les cent livres.
Il se trouvait également à la Rochette une alunière; elle était exploitée par le docteur Noville et Gilles Grisart. Pour les années 1690 et 1691 réunies, cette exploitation rapporta au seigneur dix-neuf cent vingt florins.
La dame de Plettenberg avait affecté une rente annuelle de cinquante florins due par la communauté d'Olne pour l'entretien d'un chapelain à Forêt. Le capital de cette rente, qui était de huit cents florins, ayant été remboursé, le comte d'Arberg, du consentement de l'archidiacre de Stockhem, le reçut en 1688 et y substitua une autre rente sur la généralité de ses biens et ceux de son épouse.
En janvier 1693, Jean Mayart, alors chapelain de Forêt, ayant été privé de son office, et remplacé par François Debrusse, nommé par l'évêque de Liège, le comte d'Arberg s'opposa à son installation, sous prétexte qu'il avait seul le droit d'établir le chapelain. Debrusse eut recours au tribunal de l'Official de Liège, lequel rendit un mandement de maintenue en 1695.
Le chapelain mit arrêt sur les rentes du seigneur de la Rochette pour obtenir paiement de son traitement, mais le comte obtint du Conseil de Brabant, siégeant à La Haye, une ordonnance à son profit, basée sur les privilèges que lui accordaient la Bulle d'or. Les échevins de Liège donnèrent gain de cause à Debrusse, mais le comte d'Arberg s'adressa au nonce, à Cologne, et accusa le chapelain d'avoir eu recours à des juges laïcs, au mépris des tribunaux ecclésiastiques. Il obtint de ce dernier, le 15 septembre 1704, la censure et l'excomunication pour Debrusse. Sur de nouvelles enquêtes, cette sentence fut rapportée, puis confirmée l'année suivante, pendant que le chapelain se trouvait renfermé dans la ville de Huy assiégée.
Cette histoire nous rappelle, une fois de plus, la fable du « Pot de terre et du Pot de fer ». Debrusse, qui avait eu le malheur de déplaire au comte d'Arberg, se ruina en procédures, fit trois fois le voyage de Cologne pour plaider sa cause à la nonciature, et perdit son salaire des douze années pendant lesquelles il avait rempli son office à Forêt et au château de la Rochette (220).
A cette époque, l'industrie de la verrerie était fort prisée au pays de Liège; Gilles Lambotte, dont l'esprit entreprenant était toujours en éveil, s'étant assuré le concours de deux artistes verriers, Octave et Barthélemy Massart (221) parvint à faire partager ses projets par le seigneur de la Rochette, et, le 2 février 1693, il constitua une société ayant pour but l'exploitation d'une verrerie. Le comte d'Arberg fournissait pour sa part un emplacement au château, ainsi que les matériaux pour ériger le fourneau qui devait être construit aux frais communs des associés. Gilles Lambotte s'engageait à voyager pour vendre la marchandise fabriquée, moyennant trois escalins par jour, plus les frais de voiture. Quant aux sieurs Massart, ils devaient disposer du château pour leur logement et celui des ouvriers de la verrerie, à l'exception cependant du quartier appelé « la Beaume », réservé au comte, et des logements du receveur et du fermier.
Le 1er janvier 1694, cette association fut confirmée, et s'augmenta, à la demande du seigneur de la Rochette, d'un nouvel intéressé, Perpète de Malte, fils de Herman-François de Malte, seigneur de Daverdisse et de Vervo, conseiller de la Cour féodale et député des Etats de Liège, lequel devait avancer sans intérêts les fonds nécessaires pour la marche de l'usine, et ce, jusqu'à concurrence de huit mille florins Brabant, si c'était nécessaire.
Il était convenu également que son père soutiendrait l'association de ses conseils et de ses services, sans aucune rétribution.
Les associés ne firent pas longtemps bon ménage: dès le 9 septembre, Lambotte renonça à l'association, moyennant une somme de sept mille trois cent quatre-vingts francs, qui lui furent comptés, mais des regrets surgirent, sans doute, car le lendemain il rentra dans la société pour être définitivement remplacé, le 6 novembre 1694, par Jean de la Haye, capitaine d'une compagnie bourgeoise de la cité de Liège (222).
Lambotte avait probablement résolu de réunir toutes les industries dans le domaine dont il avait la gérance. Le 21 mai 1700, le comte d'Arberg céda à Gilles Lambotte et à ses associés un coup d'eau « à prendre hors de la rivière » de Vesdre, à l'opposite du bois le Dame, en lieu nommé au Bouillon, commençant ledit coup d'eau, au lieu où finit celuy qui cy devant at été rendu par les seigneurs prédécesseurs dudit Sr comte à Georis et Wilhem de Thier, et de là tout de loing de la descente de laditte eau de Vesdre, jusqu'au ruisseau appelé de Lovegné, scitué au dessus de Chaudfontaine, pour surledit coup d'eau asseoir par lesdits repreneurs, touttes telles forges, fourneaux, moulins ou autres usinnes et hernas, qu'ils trouveront convenir, etc... » Il devait être payé annuellement « à Madame la Comtesse, tout le temps que l'usinne durera, un chapon et un pain de sucre, et présentement vingt bouteilles de bon vin de Beaune une fois, à l'ordre de mondit seigneur le comte.» (223)
Sur la plainte des bateliers, dont le trafic se trouvait singulièrement gêné, le gouvernement liégeois s'opposa à l'édification de l'usine; et, par acte du 20 juin suivant, les preneurs renoncèrent à achever leurs travaux, mais, le 7 décembre de la même année, ayant réussi à s'associer le seigneur de la Rochette et un nommé Polleur, ils renouvellèrent leur association, s'intéressant chacun pour un cinquième dans l'exploitation de la « fenderie » (laminoir) qu'ils érigèrent malgré les entraves suscitées par les Liégeois.
Ces entraves et embarras continuant, le comte d'Arberg adressa, le 11 mai 1701 (224), aux barons de Rahier et de Woestenraedt, tous deux commissaires de l'État noble du duché de Limbourg, la lettre suivante:
« Monsieur,
Il vous est sans double connu que ma terre de la Rochette me donne le titre de Mareschal héréditaire du Duché de Limbourg, et que cette mesme province exige ayde et taille de cette terre; cependant, le Prince et Estat de Liège, fondé sur une cession de souveraineté que les Estats généraux des Provinces Unies luy ont faitte (quoy que sans droit :) cession que je n'ay jamais reconnue, ne laissent pas de m'insulter dans cette terre; m'empeschant même par édict public cy joint d'y dresser une fenderie que j'y ay érigée malgré eux et voulant m'empescher l'ouvrage, passage à travers pour les fers contre le droit des gens.
Je suis persuadé Monsieur que la province est intéressée en cela, et quelle est en droit de s'en plaindre au Roy; en ce cas le Sr Lambotte, mon officier chastelain de la Rochette, vous donnera exacte information et preuves de touttes les insultes et infractions contre la liberté du commerce et contre les intérêts de Sa Majesté qui vous sont si chers. J'ay l'honneur d'estre,
Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
LE COMTE D'ARBERG. »
Le comte d'Arberg prétendait n'avoir jamais reconnu et ne pas vouloir reconnaître la cession faite par les États-Généraux au pays de Liège de la souveraineté sur le domaine de la Rochette; selon lui, les États-Généraux n'y avaient aucun droit.
Or, ce fut son beau-père, comme nous l'avons vu, qui, pour faire échec à Madame de Plettenberg, insinua au gouvernement hollandais la revendication que ce dernier fit de la Rochette, ne prévoyant pas l'échange qui devait en résulter avec le pays de Liège.
Cet échange, le baron de Cortenbach dut le supporter; mais un demi-siècle s'était écoulé, et l'intérêt du comte d'Arberg n'était plus le même que celui de son beau-père. Il lui fallait un auxiliaire pour lutter contre le gouvernement liégeois.
Cet auxiliaire, il était certain de le trouver dans le gouvernement des Pays-Bas, en remettant sur le tapis cette question du partage des Pays d'Outre-Meuse, qui n'avait jamais été bien élucidée quant à la seigneurie de la Rochette.
La guerre qui éclata cette année au sujet de la succession au trône d'Espagne, vacant par la mort de Charles II, occasionna tant de difficultés au pays de Liège que l'affaire de la Rochette fut oubliée.
Jusqu'en 1706, le seigneur de la Rochette fit partie de l'association, qui ne fut, semble -t-il, plus inquiétée dans l'exploitation de son usine; ce fut le 11 août de cette année qu'il renonça à sa participation dans cette affaire.
Les eaux chaudes de Chaudfontaine ayant alors déjà acquis une certaine renommée, Lambotte, malgré ses multiples occupations, eut l'idée d'en tirer profit.
Se basant sur ce que le seigneur de la Rochette disposait de la Vesdre ,il obtint de lui, le 4 novembre 1704, la concession des deux petites îles dont nous avons déjà parlé, ainsi que des eaux thermales qui s'écoulaient dans la rivière.
Mais cette concession n'eut aucun résultat pratique (225), les eaux thermales jaillissant sur la rive gauche de la Vesdre, qui était territoire liégeois et en dehors du domaine de la Rochette, Gilles Lambotte n'en put tirer aucun parti, puisqu'elles n'appartenaient au seigneur de la Rochette qu'à partir du moment où elles s'étaient déversées dans la rivière. Ce n'était donc qu'une propriété illusoire (226).
Le 4 juin 1709, il renonça, moyennant une somme de trois mille écus aux droits qu'il possédait, comme avoué de Fléron, sur les habitants de l'avouerie, droits dont nous avons déjà parlé et qui se désignaient par « poules et corvées . »
Par suite des dissensions qui se prolongèrent pendant tant d'années entre le baron de Cortenbach et Madame de Plettenberg, représentée dans la suite par le Chapitre de St-Lambert, les prérogatives de l'avoué de Fléron avaient été, pour la plupart, oubliées; et quand le comte de Fresin, qui avait épousé la veuve du baron de Cortenbach, voulut réclamer aux habitants de l'avouerie les poules et corvées que ceux-ci devaient payer à l'avoué, selon les vieux usages, le jour de la St-Étienne, il rencontra une opposition qu'il ne parvint pas à vaincre.
Albert d'Arberg, son frère et successeur à la Rochette, porta cette affaire devant la cour de Fléron, qui lui donna gain de cause. Les communautés en appelèrent aux échevins d'Aix-la-Chapelle, qui confirmèrent la décision des premiers juges, et, comme les appelants voulaient encore porter le litige à la Chambre impériale de Wetzlar, les parties convinrent de s'arranger à l'amiable. Il y avait plus de vingt ans que cette affaire était en suspens.
Les communes de l'avouerie désignèrent chacune un délégué auquel elles donnèrent pleins pouvoirs. Nous voyons figurer notamment parmi ces représentants Gilles Lambotte, devenu échevin de la haute cour de Fléron.
Moyennant une somme de trois mille écus à payer en une fois par les communes de l'avouerie au comte d'Arberg, et « cent écus pour un présent à la Dame son épouse, » le seigneur de la Rochette abandonnait toutes ses prétentions au sujet des poules et corvées et remettait aux délégués les papiers et registres concernant les droits en question; l'acte fut passé dans son hôtel de Liège, situé paroisse de St-Thomas (227).
Selon d'anciens usages, confirmés à la cour d'Olne en 1568, les seigneurs de Fraipont « pour cause de passage et comodité qu'ils ont en la rivière de Vesdre, étaient accoustumés de payer et livrer au seigneur de la Rochette, chascun an, ung poisson de quattre pieds ». Or, il y avait cinquante-un ans que cette redevance n'avait plus été payée, et le comte d'Arberg prétendait non seulement la rétablir, mais encore percevoir les annuités qui n'avaient point été réglées. Le baron de Calwaert, seigneur de Fraipont, réclamait la prescription et refusait de satisfaire à la demande du comte d'Arberg. Cette affaire traînait depuis longtemps, quand il vint à mourir sans descendance, laissant à son neveu, Guillaume de Calwaert, sa baronnie de Fraipont; celui-ci, en venant prendre possession de son château, au mois d'août 1708, rencontra les barons de Rahier, qui prétendaient également avoir des droits à ce domaine. Les barons de Rahier étaient accompagnés de leurs valets; une discussion s'engagea, au cours de laquelle le baron de Calwaert reçut dans la tête un coup de feu qui l'étendit raide mort à quelques pas de son manoir (228). Le comte d'Arberg abandonna ses revendications, moyennant une somme de vingt pistoles, qui lui fut comptée par la veuve du baron de Fraipont (229).
E n 1722, la cour de Fléron ayant fait une enquête relativement à un meurtre commis dans une maison située sur le fief de Dalhem, le comte d'Arberg signala cette violation de territoire au Conseil de Brabant et lui demanda une réparation de cet attentat aux droits de souveraineté de l'Empereur comme duc de Limbourg.
Après le partage du Pays d'Outre-Meuse, Dalhem étant resté aux Hollandais, le gouvernement de Bruxelles érigea à Fouron-le-Comte une nouvelle cour féodale pour les fiefs du comté de Dalhem restés à la couronne d'Espagne.
Le seigneur de la Rochette se prévalut, pour réclamer sa qualité de sujet des Pays -Bas autrichiens, des aides et contributions qu'il payait à Fouron; mais, cette fois encore, l'affaire n'eut pas de suite.
Les grands procès, soutenus par le comte d'Arberg, avaient ébréché sa fortune et l'avaient obligé à aliéner une partie de ses propriétés. Nous citerons celui qu'il soutint contre Emmanuel-Théodore de la Tour d'Auvergne, duc d'Albret, à propos des terres de Bruay, d'Embry et d'Andre, lesquelles provenaient d'Oudart de Renty, et dont les juges lui reconnurent la propriété (230).
Nous mentionnerons encore le procès contre Rasse François de Gavre, marquis d'Ayseau et comte de Beaurieu, au sujet du comté de Peer, provenant de Charles de Gavre, mort sans descendance.
Le comte Albert d'Arberg mourut à Liège le 24 mars 1726, et fut inhumé à Helmont. Sa femme, décédée à Liège, le 17 octobre 1720, lui avait laissé deux enfants:
1° Nicolas-Maximilien-Edmond-Joseph, qui lui succéda comme seigneur à la Rochette:
2° Charles-Antoine, comte de Dion-le-Mont, mort à Bruxelles, sans enfant, le 5 février 1768, chambellan de S. M. I. et R. Ap., feldzeugmeister au service d'Autriche, colonel propriétaire d'un régiment d'infanterie, etc., épousa en premières noces Marie de Gallo et Lima, comtesse héritière de Dion-le-Mont, baronne de Noirmont. Elle mourut instituant son mari légataire universel de ses biens. Charles-Antoine épousa en secondes noces, le 11 octobre 1762, Philippine-Charlotte, comtesse van den Berghe de Limminghe, fille unique de François-Joseph, maréchal de camp au service d'Espagne, gouverneur de la ville de Sacca en Aragon, et d'Éléonore O'Brien O'Lonergain (231).
MAXIMILIEN-NICOLAS, COMTE D'ARBERG 1726-1765
Maximilien-Nicolas-Edmond-Joseph, comte d'Arberg de Valengin et du St-Empire, marquis de Tricère, comte de Bruay, de Frésin, baron d'Elsloo, seigneur d'Helmont, de la Rochette, d'Ollignies, membre de l'État Noble du Hainaut, chambellan du prince-électeur de Cologne, grand bailli du comté de Looz, avait épousé en premières noces, le 10 février 1715, Anne-Rebecca-Françoise- Josèphe , comtesse de Függer-Kirchberg, de Weissenhorn et du St-Empire, fille unique de François Guidobald, conseiller, chambellan et grand écuyer de Clément-Auguste de Bavière, électeur de Cologne, et d'Anne-Rebecca de Dilhern-Althan (232). Maximilien-Nicolas d'Arberg fit dresser, par le héraut d'armes Jean-Gilles Le Fort, un tableau généalogique portant ses trente-deux quartiers armoriés et l'énonciation de ses soixante-quatre quartiers nobles.
Cette planche, datée du 10 mai 1709, représente sept générations de noblesse, tant du côté paternel, que du côté maternel, et porte les noms suivants:
Côté paternel.
ARBERG de Valengin. - NEUFCHATEL de Neufchatel. - CHALON de Viteaul. - LA TREMOUILLE de Joigny. - DARDENET de Lichecourt. - …..BRUPT. - CUEVE de Cueve. - TREVILLERS de Trévillers. - BRION de Marzinnes. - BOTTON de Hemricourt . - BERLAYMONT de Floyon. - SERAING de Tinlot. - CHASTELER de Moulbaix. - PROISY de Bavais. - HUN de Hun. - CELLES de Villers. - GAVRE de Frezin. - RUBEMPRE d'Ugies. - LA MARCK de Lumay. - WASSENAER de Leyden. - RENTY d'Ambry. - GROUCHES. - LICQUES de Licques. - FOUCQUESOLLES. - LAMARCK de Lumay. - RUNCKEL de Wiede. - WASSENAER de Leyden. - EGMONT. MANDERSCHEID de Blankenheim. - SOMBREFFE de Kerpen. - WALDECK d'Isenbourg. - HOYE.
Côté maternel.
CORTENBACH de Helmondt. - GHISTELLES de Maelstede. - HALLEWIN de Maldeghem. - HALLEWIN de Boesingen. - RUYSCHENBERG de Setterich. - NESSELRAEDT de Holtrop. - GULPEN de la Rochette. - ARGENTEAU. - VELEN de Raesfeldt. - RAESFELDT de Raesfeldt. - MORRIEN de Noortrercken. - WENDT. - LEERAEDT de Leeraedt. - LIFFERDT de Wylich. - IMSTENRAEDT de Mheer. - HUYN d'Amstenraedt. - GONZAGUE de Mantoue. - BENTIVOGLIA. - GONZAGUE de Gonzague. - BOSCHETTE. - GONZAGUE de Novellare. - AUTRICHE de Correggio. - CAPOUE de la Tour. - COLUMNA. LIGNE d'Arenberg. - ARENBERG de Mirwart. - CROY d'Aerschot. - HALLEWIN de Nieuport. - EGMONT de Gavre. - BAVIÈRE. LENS d'Aubignies. - DOUVRAIN de Longueville.
L e 27 juin 1726, Maximilien d'Arberg constitua Gilles Lambotte pour relever en son nom, à la Cour féodale de Dalhem, le château et les biens de la Rochette. Le 15 mars de l'année suivante, il constitua Dieudonné Jamar de Liboy, avocat, pour présenter au prince-évêque de Liège une requête à l'effet de relever l'avouerie de Fléron.
Le 17 décembre 1726, Jean-Pierre d'Orval de Pescheler avait relevé au nom du seigneur de la Rochette, devant la Cour féodale du duché de Limbourg, la charge de maréchal héréditaire du Duché, avec le pont de Chênée.
Le 15 mars 1727, le comte d'Arberg signa plusieurs concessions pour l'extraction de minerais, en lieux dits « aux Mahonnettes » et « Heid des Conins » dans le domaine de la Rochette. (233) Nous trouvons également une concession d'un caractère tout particulier. La vogue toujours croissante des eaux de Chaudfontaine (234 ), avait améné un certain Jacquemin Arnotte, à faire des recherches dans le domaine de la Rochette, à l'effet d'y découvrir des eaux chaudes; mais le seigneur, qui lui en accorda l'autorisation par acte du 12 mai 1730, lui imposa de dures conditions.
Si Jacquemin trouvait des eaux chaudes, le seigneur de la Rochette lui promettait une récompense de quinze cents florins de Brabant; mais s'il n'en trouvait pas, il devait, à ses frais, réparer tous les dommages, combler les bures et payer quarante florins.
Le seigneur de la Rochette avait établi un péage, non seulement sur les bateaux et les chevaux qui remontaient ou descendaient la rivière, mais encore sur les chevaux, voitures, charrettes et marchandises qui, forcément, devaient traverser sa terre; de là, des réclamations aux États de Liège qui enjoignirent à différentes reprises au comte d'Arberg de supprimer le péage en question. Ce dernier ne tenant point compte de cet ordre, les Trois États décidèrent, le 7 mai 1733, de faire publier l'ordonnance suivante dans toutes les localités des environs:
« Son Altesse estant informée que malgré sa défense faite le 24 juillet 1732 à N. Radoux, se disant constitué du comte d'Arberg, de faire à l'avenir aucune exaction à charge des batteliers de l'eau de Wesdre, le même comte d'Arberg en sa qualité de seigneur de la Rochette seroit assez présomptueux que de renouveller à présent ces mêmes attentats et concussions, non seulement en obligeant les susdits batteliers de luy payer certains prétendus droits lorsqu'ils passent avec leur Batteau et marchandises, mais encore qu'il auroit établi un péage sur chaque cheval, charrette et voiture traversant la dite Terre, à quelle effet il auroit déjà commis des personnes pour lever; Ordonne très sérieusement au dit comte d'Arberg de se désister de pareils attentats et exactions, à peine d'être traité comme félon; Défendant à tous batteliers de rien payer, en cas que l'on vienne à leur demander quelque chose en préjudice de la présente, et à tous et un chacun de rien exigger des dits batteliers, ny d'autres passans sur laditte terre de la Rochette, de la part dudit comte, à peine aussi d'être traité criminellement comme félons, concussionnaires et perturbateurs du repos public; Et pour que la présente ne soit pas enfrainte, Saditte Altesse ordonne à son bailly d'Amercœur, de même qu'à tous autres officiers d'y veiller exactement et de saisir toutes personnes qui oseroient et se présumeroient d'arrêter ou faire payer aucun Droit sur les batteaux, charette, cheval, voitures ou marchandises passant sur la terre de la Rochette et sur la rivière de Wesdre; Voulant que la présente soit insinuée audit comte d'Arberg et affichée où il convient pour la connaissance d'un chacun .
Donné au Conseil de Sadite Altesse ce 18 may 1733.
VIDIMÉ ROUGRAVE V. contresigné et apposé le seel. »
Ce mandement avait été précédé de deux autres datés du 24 juillet 1732 et du 26 août 1715. (235)
Le comte d'Arberg avait également fait élever près de ce passage, qui était terre de la Rochette, un perron ou pilori surmonté de ses armes.
Ce défi porté à la souveraineté du prince-évêque sur le domaine de la Rochette, souveraineté que le prince prétendait posséder sans partage depuis le traité de 1671, devait amener des représailles; le prince-évêque ordonna que le poteau fût arraché et conduit à Liège.
Le 18 mai, vers trois heures du matin, un détachement de soixante à soixante-dix soldats liégeois, commandés par le capitaine Jean-Guillaume d'Agris et Philippe Mignon, bailli d'Amercœur, fit irruption dans la maison du passeur Toussaint Brasseur, arrachèrent le pilori et le transportèrent à Liège, emmenant également Brasseur et sa femme prisonniers. (236)
Le comte d'Arberg fit acter ces faits par un notaire de Soiron, duché de Limbourg; puis, craignant d'être arrêté lui-même, il quitta son château le 19 mai, vers six heures du matin et, par des chemins détournés, se rendit à l'abbaye du Val-Dieu, où ilarriva dans l'après-midi; il en partit le lendemain pour Maestricht; puis, le jour suivant, pour Louvain, et arriva enfin à Bruxelles.
De son côté, le prince ordonna d'acter ce qui avait été fait par son ordre, prévoyant les protestations que le comte d'Arberg ne manquerait pas d'introduire au Conseil souverain de Brabant.
Voici la copie de cet acte:
« L'an mille sept cent trente trois du mois de May le 21 jour comparurent etc... Jean-Guillaume d'Agris, capitaine au régiment de sadite Altesse, le Sr Philippe Mignon, bailli d'Amercœur, avec les Srs Charles Colson, lieutenant, et Pier Antoine de Beauregard, enseigne, et Dieudonné Lejeune, sergeant, tous officiers du détachement commandé le 16 courant par sadite Altesse pour faire arracher et emporter le poteau et les armes du comte d'Arberg, mises à la Rochette en signe de prétendu droit de souveraineté, lesquels ont déclaré et affirmé comme ils déclarent et affirment par serment, que les armoiries qu'ils ont raportées au Conseil privé de sadite Altesse, sont les mêmes que celles qu'ils ont abattues et arrachées par ordre de sadite Altesse et qui estoient mises sur le frontispice d'une maison située à la Rochette, où ledit comte avait établi un péage ou tolle sur chaque voiture ou cheval, déclarant aussi et affirmant sous le même serment, que le poteau qu'ils ont ramenéest véritablement celui qu'ils ont arraché sur ladite terre, lequel poteau porte deux manottes de fer avec chaînes, et une banderolle avec les mêmes armoiries étant telles, scavoir un écu de gueule au pal d'or, chargé de trois cheverons de sable, accompagné pour tenant de deux maurs au naturel, vêtus de cotes d'armes au blason de l'écu, leur tête bandée d'argent, portant des épées nues au gardes d'or, ledit écu est surmonté d'une couronne et bonnet de gueule orné d'un cercle d'or garni de grosses perles enfilées dans des pointes d'or et rehaussé d'un globe avec une croix d'or rebrassé d'une bande d'hermine, lesquelles armoiries faites de la manière suscrite et peintes comme ci-desus, lesdits officiers réitèrent par serment, etc., etc. Ce qui a été fait et passé dans ladite chancellerie sieze dans le palais Épiscopal de Liège, en présence des Sr Jacques Henri Lefort écuier et hérault d'armes appelé par ordre de sadite Altesse, et de Bernard Libert et Jean Baptiste Braye comme témoins à ce spécialement requis et appelés, etc... (237) ».
Le héraut d'armes Le Fort, qui avait pour mission de faire observer les règlements sur les prérogatives de la noblesse et de signaler les usurpations de titres, armes et autres marques d'honneur, informa le prince que le comte d'Arberg avait usé sur le poteau arraché à la Rochette, d'une couronne fermée et fourrée d'hermines, telle que les familles princières souveraines du Saint-Empire la portaient.
Il demandait au prince-évêque d'ordonner au Procureur général d'obliger le comte d'Arberg à produire ses titres ou diplômes, l'autorisant au port de cette couronne, ou qu'il lui soit fait défense d'en surmonter dorénavant ses armoiries.
Cette lettre fut apostillée par le prince-évêque, qui ordonna au Procureur général de poursuivre l'affaire (238).
L'Archiduchesse gouvernante des Pays-Bas, à laquelle le comte d'Arberg s'était adressé pour réclamer contre la violation de son territoire, qu'il déclarait faire partie des Pays-Bas Autrichiens, désapprouva, par son ordonnance du 6 novembre 1733, le péage que le seigneur de la Rochette avait exigé; mais alors la question de souveraineté se trouvant agitée et adroitement exploitée par le comte d'Arberg, qui exigeait la remise du poteau à ses armes à l'endroit d'où il avait été enlevé, et étant donnée l'influence du seigneur de la Rochette, dont la fille aînée était dame de la Cour de l'Archiduchesse gouvernante, cette affaire prit des proportions graves pour le prince-évêque de Liège.
Il y avait près de deux ans que cette grosse question traînait sans résultat, quand la gouvernante des Pays-Bas, informa, le 27 mai 1735, le prince-évêque qu'elle ne porterait son attention, pour en faire justice, sur les entreprises du comte d'Arberg contre les droits de Sa Majesté Impériale, en exigeant un péage sur ses terres, que lorsqu'il aurait fait rétablir le poteau à la Rochette tel qu'il existait antérieurement. Et pour confirmer sa volonté inébranlable, elle fit saisir, le 17 juin 1735, à titre de représailles, les biens des sujets liégeois sur les territoires du Brabant et du Limbourg.
Les revenus du chapitre de St-Barthélemy, à Lincent, ainsi que ceux de l'abbaye de St-Laurent entre autres, furent saisis. (239)
Le prince-évêque répondit à la gouvernante en ces termes:
Madame,
Ce n'a pas esté sans étonnement que j'ay vù par la lettre que V. A. S. m'a fait l'honneur de m'écrire le 27 may dernier, la résolution qu'Elle a prise d'encharger ses conseillers fiscaux de faire le devoir nécessaire auprès du Conseil de Brabant pour faire casser et annuller ce qui a esté faitpar mes ordres à la Rochette, contre les entreprises attentatoires du comte d'Arberg, mon vassal, en préjudice de mes Droits et Régaux, et pour faire reparer les prétendues violences qu'on figure avoir esté commises par l'arrachement du poteau et des armes dudit comte, mises en signe de souveraineté, pour y establir l'exaction de certains peages, tant par terre que sur la rivière de Wesdre à charge de mes sujets et autres du voisinage, puisque par le mémoire que j'avois joint à ma lettre du 27 août 1734 mon droit de supériorité territorielle à la Rochette y est clairement démontré, aussi bien que ma possession continuée depuis plusieurs siecles: Cependant Madame, comme V.A.S. me marque par la lettre qu'ayant fait examiner ce mémoire, Elle n'y a trouvé aucun fond de Droit, de quoy je suis très surpris; J'ay l'honneur de Luy mettre en considération que ce n'est pas le Conseil de Brabant qui doit juger de mes droits et Régaux, et que suivant les concordats arrivez entre les Princes souverains du Pays-Bas et les évêques et Princes de Liège mes prédécesseurs, lorsqu'il survient quelque différend au sujet de quelque terre ou droit contesté de part et d'autre, on doit nommer respectivement des commissaires pour en connoître et le décider selon l'équité et la justice si on ne peut en convenir amiablement. Ce pourquoy je prie V. A. S. de nommer de son côté un ou plusieurs commissaires et j'en feray de même du mien, à l'intervention dest États-Généraux qui sont mes garants à l'égard de la Souveraineté de la Rochette à qui j'ay donné part de la résolution de V. A. S. qui m'est signifiée par sa dernière lettre par cette voye, Madame, les choses se traiteront dans l'ordre et paisiblement au lieu que par les arrêts que le Conseil de Brabant pourroit décreter sur les Personnes et Biens de mes sujets, ainsi qu'on m'informe qu'il doit faire, s'il ne l'a déjà pas fait, on va mettre les Pays respectifs en trouble et confusion, puisqu'en ce cas je seray contraint d'user de représailles en faisant réciproquement arrêter les personnes et Biens des sujets du Pays-Bas, ce qui ne pourroit être, Madame, que très funeste, et d'une conséquence très-dangereuse dans la présente conjoncture du tems où je suis obligé de fournir à Sa Majesté Impériale et Catholique et à l'Empire, un contingent considérable, pour contribuer à soutenir en qualité de prince d'Empire, le poids de la guerre. V. A. S. a trop de lumière et trop de penetration pour ne pas entrevoir les suites fâcheuses de ces Arrêts dont mon pays est menacé; J'ose espérer de sa grande équité, et de son amour pour la paix, qu'Elle fera de son côté tout ce qui convient pour les prévenir, en refléchissant que ce qui a esté fait à la Rochette par mes ordres et de l'avis de mes États, ce n'a esté que pour le maintien nécessaire de mes droits et régaux, contre les attentats crians d'un vassal. Dans cet espoir j'ay l'honneur d'être dans un très profond respect, Madame, de V. A. S.
Le très-humble et très-obéissant serviteur.
Signé - GEORGES-LOUIS.
A Serain, le 26 juin 1735. (240)
Cette lettre, appuyée par une autre, émanant du ministre résident des États-Généraux à Bruxelles, était accompagnée d'un mémoire sur les droits de souveraineté que possédait la Hollande sur la Rochette, avant le traité de 1671, et demandait de soumettre le litige à un arbitrage (241). Mais l'Archiduchesse gouvernante fit confirmer son ordonnance du 17 juin par une seconde, datée du 8 juillet 1735:
CHARLES, par la grâce de Dieu empereur des Romains, etc. au premier des huissiers de nôtre Conseil ordonné en Brabant, salut. Nous avons reçu la supplicationde notre cher et féal le conseiller procureur général de Brabant, contenante que quoique la seigneurie de la Rochette appartenante au comte d'Arbergh, avoit été notoirement de tous tems sous nôtre Domination et Souveraineié comme Duc de Brabant et de Limbourgh, il étoit néanmoins qu'on y avoit entrepris plusieurs attentats par voyes de fait, de la part de l'Evêque et prince de Liège, nommément le 18 May 1733, le bailly du Pontamercœur, N. Mignon, accompagné d'une troupe de soldats de Liège armez , s'étoit jetté dans la maison de Servais Del Rez, située près du chateau dudit comte d'Arbergh, au passage d'eau, lesquels après avoir commis plusieurs insultes, et proféré plusieurs menaces d'en venir aux coups, s'étant même emparez de quelques linges, avoient détruit la nacelle qui servoit audit passage; ayant de plus arraché le pilloris aux armes dudit comte qui était planté auprès de la maison dudit Del Rez et l'avoient enmenés sur une charette, qu'ils s'étoient fait livrer par force par Simon le Foulon, cela fait une partie de ces soldats qui s'étoient détachez des autres qui restoient chez ledit Del Rez, enleverent la personne de Toussaint Brasseur, commis à la recette des droits du comte d'Arbergh, et aussi sa femme inhabitants dudit Rochette, et les transportèrent dans la ville de Liège, où ledit Brasseur et sa femme ayant séparement étés emprisonnés y avoient subi l'examen, et l'un et l'autre y avoient été traités en criminels jusqu'au 10 Août en après, le même 18 May 1733, jour auquel furent commises lesdittes insultes et attentats, deux mandements ou ordonnances furent émanés de la part dudit prince de Liège, dans l'un desquels ledit comte d'Arbergh étoit traité de perturbateur du repos publicq, et menacé d'être poursuivi criminellement et comme félon avoit fait inthimer ces mandements par un huissier ou sergeant de Liège au chateau dudit comte d'Arbergh en son absence, à un de ses domestiques, et ils avoient ensuite été publiés et affichés ès lieux circonvoisins, et en la ville de Liège, le Baron de Roost, lieutenant des fiefs avoit en outre le 3 juillet de la même année fait inthimer le comte d'Arbergh en la personne de son receveur Radoux, à comparoître pardevant la cour des fiefs à Liège, pour s'y voir déclarer félon, et descheu de la vouerie de Fléron, pour icelle être réunit à la table Episcopale, cette citation avoit été du depuis réitérée, même l'action avoit été introduite sur un autre adjournement du 20 Aout 1733, dont l'inthimation avoit été faite par affiche sur la porte du chateau de la Rochette, et sur celle du palais à Liège, que de plus, le 4 février de la présente année, le bateau d'un nommé Jean Jeucker, sur la rivière de Wesdre appartenante à nous et au comte d'Arbergh, à titre de Maréchal héréditaire de notre pays et duché de Limbourgh ayant coulé à fond, et une personne native de Malmedy ayant eu le malheur d'être noyée, les officiers du comte d'Arbergh en avoient pris information, et fait visiter le cadavre par un chirurgien en présence de plusieurs personnes, et l'ayant ensuitte fait enterrer dans la chapelle de la Rochette, il était arrivé le 18 dudit mois de fevrier, qu'une troupe d'environ quarante soldats envoyés de la part de l'évêque et prince de Liège, se rendirent au château de la Rochette, accompagnés de gens de loix de Fléron, firent deterrer ledit cadavre, et en firent la visite, ils se transporterent ensuite à la rivière, pour retirer ledit bateau, mais n'en ayant sceu venir à bout, ils le firent retirer par les habitans de Fléron, depuis peu les commis aux aydes du pays de Liège interpellerent les habitans de la Rochette à ce qu'ils auroient à leur payer les droits des bierres,vins et brandevins, et ceux imposés sur les bêtes que l'on y tuoit, leur interdissant de brasser, de tuer, ni encaver du vin sans leur avoir annoncé, toutes lesquelles entreprises et voyes de fait tendoient à violer notre pouvoir suprême sur ladite seigneurie de la Rochette, et rivière de Wesdre, pour reduire l'un et l'autre au pouvoir de l'évêque et prince de Liège, et à opprimer nos bons et fidels sujets, nonobstant les privilèges de la Bulle d'or contre lesquels avoit été si grievement impugné, que ledit comte d'Arberg avoit été obligé d'en faire des plaintes à nôtre très chere et très aimée sœur Marie-Élisabethe, archiduchesse d'Austriche et gouvernante de nos Pays -Bas, laquelle après avoir pris une pleine et entière connoissance de cette affaire, en avoit signifié ses ordres à nôtre Conseil ordonné en Brabant par la lettre qui lui fut addressée le 17 de juin dernier, lesquels étoient modifiés par autre lettre de nôtre ditte très chère et très aimée sœur, envoyée au suppliant, le 4 de juillet dernier, sujet de son recours à nous, requerant d'accorder au suppliant lettres cassatoires des susdits attentats, informa, et desuite par forme de represailles, permission d'arrêt sur les biens et immeubles des Liègeois qui se trouvent en ce pays de Brabant et Outremeuse, pour y recouvrir tout dommage et intérêts soufferts et à souffrir, tant par nous que par le comte d'Arberg et par nos sujets inhabitans de la seigneurie de la Rochette, respectivement à libeller avec dépens, Pour ce estil, que Nous ce que dessus considéré, vous Mandons et Commandons par cettes, qu'à la requisition du suppliant faites expres commendement de par Nous tant audit Evêque et prince de Liège, Bailly de Pontamercœur, N. Mignon, Baron de Roost, lieutenant des fiefs, gens de loix de Fléron, aux commis aux aydes dudit Pays de Liège, qu'à tous autres qu'il appartiendra sur certaines grosses peines et amendes, qu'incontinent et sans dilay il cassent, revocquent, et mettent à néant à leurs frais et dépens ou fassent casser, revocquer et anéantir respectivement les attentats, insultes, arrêts, mainfortes, procédures et violences repris ci-dessus, commis et empris contre notre souveraineté en notre dit Pays de Limbourgh et d'Outre-Meuse, contre ledit comte d'Arbergh, les habitans de la Rochette, et tous autres nos bons sujets par voyes de fait en la forme et manière ci-devant énoncées, avec tout ce qui en est suivi, et en dépend, et se gardent et abstiennent de plus faire ou commettre désormais le semblable en aucune manière, que ce soit, ains laissent les choses dans l'état qu'elles étoient avant lesdits attentats, à ce les contraignant réellement et de fait par toutes voyes et manières de contrainte à ce servantes, vous permettons et cependant commandons par cettes d'arrêter et saisir les biens immeubles des Liègeois qui se trouvent dans notre Duché de Brabant et dans icelluy de Limbourg et d'Outremeuze pour y recouvrir tous dommages soufferts et à souffrir tant par nous, ledit comte d'Arbergh, que par nos dits bons sujets, et au cas ils demandent quelque chose sur notre dite souveraineté, nos vasseaux, et inhabitans de notre dit Duché de Limbourgh et d'Outremeuse, qu'ils fassent leur demande et la poursuivent en nôtre dit Conseil ordonné en Brabant, à qui la connoissance en appartient, et où leur sera fait et administré bon brief Droit et expédition de justice, nos dits commandements primes et avant tout furnis et accomplis. Car Ainsi Nous Plait-il, donné en nôtre ville de Bruxelles sous nôtre grand séel, ce 8 juillet 1735. Paraphé Hag. vt. Plus bas étoit par l'Empereur en son Conseil: Etoit signé P. van Cutshem. » (242)
Le blâme impérial déversé ainsi publiquement sur les actes posés par le prince-évêque, devait froisser ce dernier. Il résolut de tenir tête à l'orage, et sur l'avis de son chapitre, il ordonna aussi, le 22 août 1735 (243), les arrêts et saisies dans le pays de Liège, des biens des Brabançons et des Limbourgeois. Mais, par un nouveau mandement en date du 5 septembre 1735, les saisies et arrêts furent maintenus pour les seuls biens immeubles.
Le 3 septembre, la gouvernante des Pays-Bas répondit au mémoire du ministre résident des États-Généraux, en refusant de faire examiner le litige par commissaires et de donner suite à cette affaire, tant que le prince-évêque de Liège n'aurait pas rétabli les choses dans leur état primitif. Ce dernier fit alors publier un recueil intitulé:
« Remarques faites de la part de Son Altesse Monseigneur l'évêque et prince de Liège, sur la réponse délivrée le 3 septembre 1735 de la part de Son Altesse Serénissime l'Archiduchesse Gouvernante des Pays-Bas Austrichiens, au mémoire lui présenté par M. d'Assendelf, ministre de L. H. P. les États-Généraux des Provinces-Unies près de la personne de S. A. S. à Bruxelles, touchant le château et les héritages de la Rochette ».
Le prince-évêque fit également imprimer, à Ratisbonne, cette même année, un mémoire sous le titre de:
« Memoriale nomine Reverendissimi et Celsissimi Domini Domini Episcopi ac Principis Leodiensis, Sacri Romani Imperii Electorum Principum et Statuùm ad præsentia comitia Legatis consiliariis nec-non Deputatis expositum, arresta ab Austriaco-Belgico Regimine ob causam in sequenti specie facti appositis et allegatis Documentis roborata in Leodiensium substantias Austriaco -Belgii sitas, Decreta et executa concernens.
Ratisbonae, Typis Hieronymi Lenzii. MDCCXXXV.»
A cette brochure, il fut répondu par un ouvrage imprimé à Bruxelles et intitulé:
« Mémoire Démonstratif, que la terre et château de la Rochette est scituée au Duché de Limbourg, et qu'elle est incontestablement de la souveraineté de Sa Majesté Impériale et Catholique, comme duc de Limbourg; ensemble un autre mémoire instructif que Sa Majesté Impériale et Catholique est en droit de se servir de la voye d'arrêt, lorsqu'on empiete sur sa souveraineté, ou lorsque par les voyes de fait on trouble sa possession incontestable, d'y exercer sa juridiction par les Conseils Royaux, et que c'est un usage constamment pratiqué et observé en ces Pays-Bas, servant de réponse à un écrit intitulé: Memoriale nomine Reverendissimi et Celsissimi Domini Domini Episcopi ac Principis Leodiensis, etc. imprimé à Ratisbonne l'an 1735, qui sera pareillement inséré.
A Bruxelles, chez George Fricx, imprimeur de Sa Majesté Impériale et Catholique, 1736 ».
L'évêque de Liège fit suspendre l'action criminelle qui avait été intentée contre le seigneur de la Rochette et mettre en liberté Toussaint Brasseur et sa femme.
La question de souveraineté ne fut point encore tranchée, et comme les arrêts et saisies étaient aussi préjudiciables aux Brabançons et Limbourgeois qu'aux Liégeois, il y eut bientôt un relâchement tacite dans l'exécution des ordonnances, qui finirent par tomber dans l'oubli (244).
Suivant le traité de Munster en 1648, il est évident que la Rochette restait aux Pays-Bas espagnols, puisque les troupes hollandaises n'en prirent jamais possession; mais le traité de 1661, tout en ne désignant pas cette terre dans le partage des pays d'Outremeuse, mentionnait, comme tombant en partage aux Hollandais, le château de Dalhem, ainsi que les fiefs étrangers, seigneuries et biens qui en dépendaient.
Or, il est plus que probable que ni l'une ni l'autre des parties contractantes ne pensèrent en ce moment à la terre de la Rochette; elle pouvait se comprendre dans cette désignation, et c'est ce que prétendirent les États-Généraux.
Le traité de 1671, entre les États-Généraux et le pays de Liège, qui fut préparé de longue main, puisqu'en 1669 déjà les bases en avaient été jetées, et avec une certaine notoriété, ne souleva aucune objection de la part du gouvernement de Bruxelles. Ce ne fut qu'au moment où le conflit surgit avec le comte d'Arberg, relativement au péage et à l'enlèvement du poteau à ses armes, que le gouvernement des Pays-Bas prit fait et cause pour le seigneur de la Rochette qui n'avait cessé de payer sa cote à Fouron-le-Comte, comme sujet du Brabant, et revendiqua la souveraineté qu'il prétendit n'avoir jamais aliénée.
Le péage fut supprimé, ou tellement réduit qu'il n'y eut plus de réclamation de la part des bateliers, et tous les débats rentrèrent de nouveau dans l'oubli pour quelques années.
Les effets du système du trop fameux financier Jean Law se faisaient sentir jusqu'en Belgique; l'argent était devenu extrêmement rare. Cet état de choses ajouté à l'insouciance et au luxe déployé par les grands seigneurs, avait plongé plus d'un de ceux-ci dans la gène. Le comte d'Arberg se trouvant dans le même cas, eut recours à la Gouvernante des Pays-Bas, à laquelle il adressa une requête, où il rappelait l'ardeur qu'il avait déployée pour soutenir les droits de S. M. Impériale, même au détriment de sa fortune.
Il disait y avoir dépensé plus de cinq mille écus, et, malgré cela, on lui réclamait encore ses contributions entières comme au plus simple particulier.
Il n'a jamais demandé aucune grâce de cour, aussi est-il le seul cavalier du pays qui n'en ait point ressenti les effets. Il rappelle les services de ses ancêtres à la maison Impériale, et entre autres, celui qu'il a rendu à Mons à l'occasion de l'emprunt. « Il est notoire » dit-il, « que le » comte d'Arberg y a eu telle part que, sans lui, cet emprunt n'eut pas passé, c'étoit cependant dans un tems où le besoin étoit pressant, et tel que la conduite du comte d'Arberg a été agréable à S. M. I. et C., que non seulement Elle a daigné le lui faire témoigner, mais encor qu'Elle a recommandé très expressément à S. A. S. de l'honorer de ses grâces, dans toutes occasions qui se présenteront. Tant de bénignités distinguées de la part de l'Auguste Maître, sont restées sans fruits, et le comte d'Arberg n'en est pas moins sans faveur ni avantage de cour. Et come il se voit chargé d'une famille nombreuse, et qui augmente tous les ans, il a son très humble recours vers S. A. S., la supléan d'avoir égard favorable à la dépense ou il est exposé, tant pour placer l'une de ses filles à Mons, ensuite de la prébende que S. A. S. a bien voulu le gratifier, que pour faire recevoir dans l'ordre de Malte, deux de ses cadets de minorité, pour lesquels il faut trouver une somme de 700 pistolles, ce qui n'est pas en son pouvoir. Ce qui fait espérer que S. A. S. sera servie de lui accorder l'exemption des tailles, aides et subsides, pour sa terre de la Rochette jusqu'à ce qu'il soit refourni des frais et dépens, domages et intérêts, qu'il a essuié à l'occasion de ladite terre; etc... »
Pendant la guerre de la succession d'Autriche, la Rochette eut encore sa part de vicissitudes; les armes impériales qui se trouvaient sur la porte du château, étaient tombées de vétusté, et malgré l'opposition du châtelain et receveur de la Rochette, des troupes autrichiennes sous prétexte qu'elles se trouvaient en pays de Liège, y prirent leur cantonnement d'hiver. En novembre 1746, le lieutenant de hussards Ziscka de Troznau s'y trouvait avec quarante hommes; c'était une charge désastreuse pour la petite seigneurie. Le comte d'Arberg s'adressa au comte de Bathiany, feld-maréchal des armées impériales, pour lui remontrer que la Rochette n'était point du pays de Liège, mais bien terre héréditaire de l'Empereur, et, par conséquent, devait être exempte du logement des troupes autrichiennes.
Le 12 septembre 1747, le comte de Bathiany, étant à Verviers, fit droit à la réclamation du comte d'Arberg.
La comtesse d'Arberg étant morte le 24 décembre 1731, son mari épousa en secondes noces, en 1733, Henriette du Han de Martigny, fille de Philippe du Han, comte de Martigny, chambellan et conseiller d'État des dues Charles et Léopold de Lorraine, grand veneur et grand fauconnier de Lorraine, et de Françoise -Catherine de Roquefeuille. Cette seconde épouse mourut le 26 mai 1742 et le comte d'Arberg épousa en troisièmes noces, le 16 décembre 1764, Ferdinande-Louise de Horion, chanoinesse de Nivelles.
Des deux premiers mariages naquirent quinze enfants, six du premier et neuf du second:
1° Isabelle-Françoise, née en 1716, dame de la Cour de l'archiduchesse Marie-Elisabeth, à Bruxelles, et dame de l'Ordre de la Croix étoilée par réception du 3 mai 1734, décédée sans alliance.
2° Antoinette-Claire-Cécile, née en 1718, mariée à N. de Gronde, officier dans Royal-Dragons, au service de France, gentilhomme d'Auvergne.
3° Charles-Maximilien-Albert-Népomucène, né au château de la Rochette et baptisé dans la chapelle castrale le16 novembre 1724, chanbellan de S.M.I. etR. en 1744, membre de l'État noble de Hainaut par réception du 17 décembre 1749, colonel du régiment d'Arberg, infanterie, au service d'Autriche.
4° Olympe-Félicité, baptisée à la Rochette, dans la chapelle castrale, le 17 janvier 1727.
5° Clément-Auguste-Marie, né à la Rochette et baptisé dans la chapelle castrale le 18 mai 1728, ayant pour parrain Auguste-Clément de Bavière, prince-électeur et archevêque de Cologne, capitaine d'une compagnie de grenadiers wallons au service des Provinces-Unies, mort à Tournay en 1752, sans alliance.
6° Thomas-Gabriel,né en 1730, mort le 14 mars 1740.
7° Charles-Alexandre, né en 1734, qui suivra comme seigneur de la Rochette.
8° Antoinette-Catherine-Yolande, née en 1735, chanoinesse de Nivelles par réception du 29 juin 1749, morte le 6 juillet 1796.
9° Nicolas-Antoine, entra au régiment de son oncle en 1749; il était feld-maréchal-lieutenant au service d'Autriche en 1783, gouverneur de Mons, grand bailli du Hainaut , colonel-propriétaire d'un régiment de son nom, chambellan de S. M. I. et R., né en 1736, il mourut à Bruxelles en 1813. Il avait épousé Françoise-Claudine, princesse de Stolberg-Geudern; le prince Charles de Lorraine, gouverneur général des Pays-Bas, signa le contrat de mariage. Cette alliance donnait pour beau-frère au comte d'Arberg, Charles-Edouard-Louis Stuart, dit le chevalier de Saint-Georges ou le Prétendant, petit-fils de Jacques II, roi d'Angleterre et d'Ecosse. Il eut quatre enfants, dont un fils, qui fut chambellan de l'empereur Napoléon Ier et mourut sans alliance à Bruxelles, le 18 mai 1814; avec lui s'éteignit la descendance mâle. légitime des comtes d'Arberg (245).
10° Charles-Marie, né en 1737, capitaine au régiment d'Arberg, puis au régiment d'O'Donnel, cuirassiers, au service d'Autriche, mort à Gand sans alliance le 27 juillet 1766.
11° Jean-Baptiste, né en 1738, capitaine au régiment de Kolowrath, au service d'Autriche, mort sans alliance.
12° Léopold-François, né en 1739, capitaine au régiment d'O'Donnel, mort en célibat.
13° Béatrix-Désirée, née en 1740, morte au berceau.
14° Anne-Louise, aussi morte au berceau.
15° Marie-Hermine-Claudine-Henriette, née en 1742, chanoinesse de Nivelles, reçue le 29 juin 1749 (246).
Le comte Maximilien-Nicolas d'Arberg, mourut en 1767; le 27 février 1765, il avait transporté le château et les biens de la Rochette à son fils Charles-Alexandre, pour lequel Jean-Guillaume-Joseph Poswick, licencié ès lois et greffier de la Haute-Cour du duché de Limbourg, releva devant la Cour féodale de Limbourg, la charge de maréchal héréditaire du duché, avec le pont de Chênée, le 27 mai 1765 (247).
CHARLES-ALEXANDRE,COMTE D'ARBERG 1765
Charles-Alexandre, comte d'Arberg de Valengin et du Saint-Empire, avoué héréditaire de Fléron et maréchal héréditaire de Limbourg par relief du 27 mai 1765, seigneur de la Rochette par relief du 7 mai 1765 à la Cour féodale de Dalhem. Le 3 juillet de la même année, le comte d'Arberg releva l'avouerie de Fléron; il renouvela ce relief le 16 juin 1772 et le 23 août 1785 (248).
Né en 1734, il se destina d'abord à l'état ecclésiastique, et fut nommé chanoine de Saint-Paul à Liège, de Tournai et de Leuze, puis il obtint la prébende de François-Louis de Breidbach, au chapitre de St-Lambert à Liège, et fut reçu chanoine noble le 12 février 1765 (249).
A peine en possession de la Rochette, le comte d'Arberg s'empressa d'affirmer ses prérogatives et droits. Le 28 mai 1765, il autorisa le meunier de la Rochette à saisir les farines et pains des habitants de la terre de la Rochette qui ne se serviraient pas du moulin banal; par contre, une amende de quinze florins était appliquée au meunier, s'il se trouvait en défaut de farine.
Ceux qui avaient vendu de la bière sur la terre de la Rochette sans autorisation étaient passibles d'une amende. L'autorisation coûtait six florins par an (250).
L e 26 octobre 1766, le bateau qui allait à Fraipont fut arrêté parce qu'il naviguait un dimanche, et la propriétaire de la barque dut payer une amende de vingt florins Brabant (251).
Suivant un ancien usage, les personnes qui se noyaient dans la Vesdre et étaient repêchées sur le parcours de cette rivière dépendant de la seigneurie de la Rochette, étaient enterrées dans la chapelle du château. C'est ainsi qu'une personne repêchée le 27 septembre 1765 au passage d'eau de la Brouck, et trois autres, en 1769, retrouvées, la première vis-à-vis des Grands Bains de Chaudfontaine, la seconde, à la fenderie de la Rochette, et la troisième sur l'ile du Moulin de Chaudfontaine, furent inhumées dans la chapelle castrale.
Cet usage se conservait pour perpétuer la tradition des droits du seigneur de la Rochette sur tout ce que les eaux de la Vesdre engloutissaient. Nous avons déjà dit que le batelier, dont le bateau sombrait, devait payer une amende pour avoir l'autorisation de le renflouer, et devait même quelquefois abandonner une partie de sa cargaison; mais ce qui de nos jours paraîtrait bien plus arbitraire, c'est que ces droits s'étendaient même sur les corps des personnes noyées, que l'on ne pouvait sortir de l'eau qu'avec l'autorisation écrite du seigneur , et après avoir acquitté une amende dont le montant était fixé par lui.
Le 14 février 1629, un ponton chargé de vingt personnes descendait la Vesdre, vis-à-vis du château de la Rochette; ce bateau portait une joyeuse société, une noce. La rivière, grossie par la fonte des neiges, devait être très dangereuse en cet endroit, où elle forme un coude assez brusque; le ponton fit naufrage « en dessous du Bois- des-Dames » et dix des malheureux qui le montaient périrent dans les flots.
De ces dix personnes, neuf furent retrouvées sur le territoire du seigneur de la Rochette et, pour obtenir l'autorisation de les retirer de l'eau, il fallut payer un florin d'or par tête.
Le 23 mars 1660, un habitant de Vaux-sous-Chèvremont demeurant « à la fenderie de Ster », demanda
la permission de pouvoir retirer de l'eau et d'enterrer un de ses enfants noyé dans le biez de l'usine, promettant de donner satisfaction au seigneur pour l'amende lui revenant de ce chef, ce qui fut accordé et acté au château par devant témoins.
En 1765, un droit de péage fut de nouveau établi à la Rochette par ordre du comte de Cobenzl, ministre de l'Impératrice à Bruxelles, et ce au profit de Sa Majesté. Par lettre des 1er et 2 décembre de cette année, M. de Heusy informa le prince-évêque qu'on avait élevé au château de la Rochette les armes de Sa Majesté, et qu'on y avait établi un receveur-contrôleur avec trois commis. Il joignait à sa lettre la copie de leur tarif (252).
Les États de Liège protestèrent contre cet établissement; et adressèrent des mémoires aux directeurs du Cercle de Westphalie, aux États-Généraux, ensuite à l'Empereur et à la Diète.
La Vesdre n'était navigable que jusqu'à Nessonvaux, pays de Liège. De Nessonvaux, elle descendait sur la Haute-Fraipont, qui était pays de Stavelot, et séparait ce pays des terres hollandaises; puis elle arrivait à la Basse-Fraipont, pays de Liège, où se trouvait un bureau de perception liégeois. Plus bas, elle côtoyait le ban d'Olne, terre de Limbourg, puis elle rentrait sur le territoire de Liège, pour venir contourner, à sa droite, le fief de la Rochette, dont la souveraineté était devenue litigieuse.
Le 3 décembre, le receveur de Fraipont ayant informé que le commerce était interrompu, à cause des entraves apportées au trafic par le bureau de la Rochette, le prince convoqua les États pour le 9 et fit publier une protestation contre l'institution du bureau et engagea tous les intéressés à y résister, au besoin mème par la force.
Cette protestation fut apposée le 4 décembre, par le receveur du bureau de Fraipont sur la porte du château de la Rochette.
Dès le 5 décembre, les employés de la Rochette cessèrent de percevoir le péage sous prétexte que leur contrôleur était parti pour Bruxelles, afin de prendre de nouvelles instructions. Les États de Liège nommèrent des députés pour diriger cette affaire, et le comte de Reugrave fut envoyé à Bruxelles auprès du prince Charles de Lorraine.
Dans le courant de janvier 1766, le bureau de la Rochette ayant recommencé à percevoir des droits, sur les instances du député liégeois, le comte de Cobenzl consentit à fairesuspendre la perception; mais il demanda, en compensation, la suppression d'un bureau liégeois enclavé. Le prince-évêque désigna les comtes de Rougrave et de Berlaimont, avec le bourgmestre de Chestret pour négocier cette affaire à Bruxelles où ils arrivèrent le 1er août; mais, le 12, le comte de Berlaimont avait dû demander un congé pour se rendre auprès de son père gravement malade à Famelette, et l'affaire fut encore différée (253).
Quel fut le résultat de toutes ces conférences, nous ne l'avons pas trouvé, mais, dans la suite, les Pays -Bas abandonnèrent leur prétention de souveraineté sur la terre de la Rochette, au profit du pays de Liège et voici l'ordonnance qui termina ce litige:
« Marie-Christine, princesse royale de Hongrie et de Bohême, archiduchesse d'Autriche , duchesse de Bourgogne, de Lorraine et de Saxe-Teschen,etc.,etc.,
Albert-Casimir, prince royal de Pologne et de Lithuanie, duc de Saxe-Teschen, grand-croix de l'ordre royal de St-Etienne, feld-maréchal des armées de S. M. l'Empereur et Roy et de celles du S -Empire-Romain,
Lieutenants, gouverneurs et capitaines généraux des Pays-Bas, etc… Chers et bien amés, la souveraineté de la terre de la Rochette étant de la catégorie de celles qui, par la convention du 26 août dernier ont été cédées à l'Etat de Liège, nous vous faisons la présente pour vous dire que notre intention est que vous pourvoiez incessament à faire stater toutes les poursuites qui peuvent avoir été commencées à charge du comte d'Arberg suffragant de Liège, pour le contraindre à fournir sa quote dans le subside de S. M. du chef de ses biens de la Rochette, écheu antérieurement à l'époque du 26 aoust de cette année. A tant, chers etbien amés, Dieu vous aitensa sainte garde.
De Bruxelles, le 20 septembre 1781.
(Signé) Marie. Albert.
Par ordonnance de Leurs Altesses Royales,
(Signé) de Reul, député aux Etats du Limbourg (254).
D'après la teneur de cette lettre, le comte Charles-Alexandre d'Arberg n'aurait pas suivi la politique de son père et de son grand-père; mais, au contraire, aurait refusé de payer sa cote au gouvernement des Pays -Bas, reconnaissant ainsi sa dépendance du Pays de Liège. La haute dignité à laquelle il avait été promu, comme suffragant de l'évêque de Liège, favorisa probablement ce retour et mit fin au long antagonisme qui avait existé entre les souverains liégeois et les seigneurs de la Rochette.
Par le traité souscrit à Fontainebleau, sous la médiation de la France, entre l'Empereur et les États-Généraux des Provinces-Unies, le 8 novembre 1785 (255), ces derniers abandonnèrent les comté et château de Dalhem à l'Empereur Joseph II.
Le 25 octobre 1767, le prince-évêque Charles d'Outremont, assisté des abbés de Saint-Laurent et de Saint-Jacques, avait sacré le comte d'Arberg, évêque d'Amyzon, dans la chapelle du palais. Ce prélat l'avait choisi pour son suffragant et il fut continué dans cette dignité à la mort du prince par le chapitre cathédral, sede vacante. Il official pontificalement aux obsèques du défunt, célébrées les 18 et 19 novembre dans la cathédrale de Saint-Lambert.
François-Charles, comte de Velbruck, élu prince-évêque de Liège, nomma, le 11 mars, le comte d'Arberg son suffragant, et en reçut le lundi de Pâques le diaconat, le dimanche suivant la prêtrise, et le dimanche 3 mai, la consécration épiscopale dans la grande chapelle du palais. Le prince de Velbruck étant mort le 30 avril 1784, le chapitre confirma le lendemain son suffragant, qui, le 15 du mois de mai, pontifia aux obsèques solennelles du défunt. Il fut confirmé dans sa dignité par le nouveau prince-évêque, élu le 21 juillet, César-Constantin-François, comte de Hoensbroeck d'Oost.
Le 16 janvier 1785 le comte d'Arberg fut élu prévôt de la collégiale de Notre-Dame de Huy, mais, au mois d'avril suivant, l'empereur le nomma à l'évêché d'Ypres. Il fut en cette qualité préconisé et confirmé par le pape le 19 décembre de la même année et renonça alors au titre d'évêque d'Amyzon (256).
Le 3 mars 1786, ayant reçu ses bulles de Rome, il se rendit dans son diocèse, qu'il gouverna avec zèle et sagesse, jusqu'à l'époque où il émigra en Allemagne pour se mettre à l'abri de la tourmente révolutionnaire et échapper aux décrets de la Convention.
Nous le trouvons fixé, à partir de 1797, au château de Krechtingen, près de Wesel, en Westphalie. Il y était encore en 1801 et, de cette retraite, il échangeait une correspondance très suivie avec l'avocat Genotte, ancien attaché à la secrétairerie d'État et de guerre des Pays-Bas, fixé à Dorsten et en relation continuelle avec la cour de Vienne, dont il était l'agent.
Une lettre, datée du 23 octobre 1797, dans laquelle Genotte félicite le prélat de s'être soustrait au danger, nous permet de fixer à cette époque l'arrivée du comte d'Arberg à Wesel. C'était d'ailleurs dans ce moment que les ecclésiastiques se voyaient traqués, tant en Belgique qu'en France, pour être traînés devant les tribunaux révolutionnaires, qui, est-il besoin de le rappeler, ne siégeaient que pour la forme. Le prêtre, fusillé à la Citadelle de Liège le 6 janvier 1798, en est un exemple au milieu de tant d'autres. Nous parlons de ce fait, parce que nous le trouvons précisément relaté dans une lettre adressée à l'évêque d'Ypres.
Dans son exil, l'évêque d'Ypres se tenait au courant des affaires politiques, qui captivaient l'attention de toute l'Europe. Le général Bonaparte marchait de victoire en victoire, et quand, de loin en loin, les troupes républicaines subissaient un échec, les lettres des émigrés se ressentaient de l'espoir d'un retour au pays. Genotte lui faisait part de tous ces évènements, qui se succédaient omme des coups de foudre.
Plusieurs fois l'évêque d'Ypres eut l'intention de rentrer en Belgique, mais toujours Genotte, dans sa prudence, parvint à le dissuader de s'exposer.
En 1799, le prince héréditaire d'Orange (257), ayant formé le projet, avec la Prusse et l'Angleterre, de délivrer la Belgique et la Hollande du joug de la France, fit faire au comte d'Arberg des ouvertures à l'effet d'obtenir son concours. Il lui demandait de se rendre en Angleterre pour fournir au ministre Pitt les renseignements nécessaires, et lui indiquer les personnes influentes avec lesquelles il pourrait traiter aux Pays -Bas. Suivant ce projet, le prince d'Orange, alors général-major au service de la Prusse, devait commander un corps de troupes de cette puissance pour entrer en Hollande, pendant qu'une armée anglaise débarquerait en Belgique. Mais l'évêque d'Ypres déclina l'honneur de la mission qui lui était proposée, alléguant que la maison d'Autriche, à laquelle il avait juré fidélité, n'avait point renoncé à la souveraineté des Pays-Bas.
Le prince d'Orange lui adressa alors une lettre entièrement écrite de sa main et dont voici la copie:
« Monsieur l'Évêque,
Je m'empresse de vous adresser mes bien sincères remercimens pour le contenu de la lettre que vous avez bien voulu m'adresser le 6 du courant, ainsi que de la manière dont vous y répondez à la confiance, que la connoissance de vos sentimens et de votre attachement à la bonne cause et au bonheur de votre patrie m'a inspiré en votre personne. Recevez également l'expression de ma reconnoissance pour les ouvertures que Monsieur le baron de Lynden m'a communiqué de votre part, j'ose espérer que quoique vous m'assuriez n'avoir aucune relation politique dans les Païs-Bas, vous voudrez cependant bien contribuer encore par la suite à me procurer des renseignements et des informations sur la situation de ces Provinces, dont le sort et l'existence se trouvent si intimement liés avec celui de ma patrie, qu'il n'est guères possible de travailler à la délivrance d'un de ces païs, sans favoriser en même tems les moyens d'opérer celle de l'autre. Mr de Lynden vous fera parvenir celle-ci de ma part, et vous m'obligeriez beaucoup en continuant à me faire connoitre par lui les objets que vous voudrez m e communiquer par la suite. Recevez en attendant, Monsieur, les assurances de la très parfaite considération, avec laquelle j'ai l'honneur d'être.
Monsieur l'Evêque,
Votre très humble et très obeissant serviteur,
G. Pr. Héd. d'Orange.
Berlin, le 26 may 1799. »
Cette lettre, ainsi que celle du baron de Lynden qui l'accompagnait, furent communiquées par l'évêque d'Ypres à Genotte, lequel adressa au prélat un projet de réponse qui fut probablement suivi par ce dernier.
L'évêque donna au prince les indications qui étaient en son pouvoir, tout en sauvegardant sa dignité et son honneur; mais il émit l'espoir que rien ne serait entrepris pour la délivrance des Pays-Bas sans l'assentiment
du cabinet de Vienne.
Vers cette époque, l'évêque d'Ypres fut accusé d'avoir dit qu'il existait entre le prince d'Orange et les États de Brabant une conspiration contre l'empereur Léopold II, et que l'agent principal de cette conspiration était le conseiller d'État, Sanchez de Aguilar. Cette dénonciation ayant fait assez de bruit à Vienne, le conseiller Sanchez de Aguilar, dans une lettre véhémente datée de Munster le 11 novembre 1800, se défendit des accusations portées contre lui. Le prélat déclara formellement par écrit qu'en sujet fidèle, il avait rendu compte à son souverain des démarches qui avaient été faites auprès de lui par le prince d'Orange, mais que jamais il n'avait prononcé ni entendu prononcer, à propos de cette affaire, le nom de M. de Aguilar (258).
Ainsi finit cet incident, et, peu d'années après, le rôle politique du seigneur de la Rochette, car en 1802, il se démit de l'évêché d'Ypres pour ne pas entraver les nouveaux arrangements des diocèses accordés au gouvernement français par le Saint-Siège.Il se retira au château de la Rochette (259), où il mourut le10 mai 1809 (260), âgé de soixante-quinze ans.
Un auteur anonyme a consacré au comte d'Arberg quelques vers élogieux, dont voici la copie:
« Près de Chaud-Fontaine, est le château de la Rochette, bijou appartenant au plus beau prélat du monde chrétien; quand je dis beau, j'entends le beau universel.
Si du seigneur de la Rochette
Vous voulez avoir le tableau,
Joignez la piété parfaite
Et le visage le plus beau,
A la splendeur de la naissance
Ajoutez la magnificence,
Le savoir, l'esprit, la raison,
De la gaieté, de la décence,
Et pour trouver la ressemblance
Cherchez l'évêque d'Amison (261). »
L'auteur des « Délices de Chaudfontaine » en dit également quelques mots, à propos de la source ferrugineuse appelée « Fontaine de l'Émigré, ou Fontaine d'Amour », dont Bovy nous a laissé la légende dans son ouvrage intitulé: « Promenades historiques dans le Pays de Liège. »
« Derrière le joli château
Que l'on appelle la Rochette,
L'on vient de découvrir une eau
Qui mérite bien qu'on l'achète,
Puisque le gros chasseur du lieu
M'a dit qu'il mange comme un diable,
Avec ce breuvage impayable .
Lui qui mangeait jadis si peu! (262).
Il n'est pas difficile de reconnaître notre prélat dans ce gros chasseur dont parle l'auteur. Il était, en effet, fervent disciple de Saint Hubert et partageait avec le comte d'Oultremont de Wégimont, frère du prince-évêque de Liège, la chasse sur toute l'étendue de l'avouerie de Fléron. C'était aussi un amateur de bonne chère, et, d'après Malherbe, ce penchant n'était point un secret. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion de prendre connaissance de quelques factures lui adressées lorsqu'il était évêque d'Ypres, et dont la nomenclature pantagruélique fait rêver. Quoique la gastronomie n'ait aucun rapport avec l'histoire, nous croyons cependant que la mention de quelques prix auxquels se payaient au siècle dernier les mets d'une table de gourmet, ne sera pas sans intérêt, au moins pour quelques-uns de nos lecteurs.
Des notes auxquelles nous faisons allusion, nous ne citerons que les pièces d'importance:
Un pâté garni de truffes 40 livres
Un faisan 8 livres
Une poularde 4 livres 16 sols.
Six andouilles d'Arras 5 livres 5
Un pâté d'Amiens de deux canards 6 livres 10
Une hure de Maubeuge 10 livres 16
Une dinde aux truffes 34 livres
Deux melons de Paris 23 livres
Quatre perdreaux 7 livres 16
Ces pièces se retrouvent dans presque toutes les factures avec peu de différence dans les prix; nous relevons également des livraisons de truffes fraiches, dont le total en poids monte à trente-huit livres, donnant une somme de trois cent quarante-quatre livres, dix sous.
Cet aperçu de la table du prélat, confirme l'allusion quelque peu ironique faite par Malherbe, et explique la faveur qu'obtint auprès de l'évêque d'Ypres, retiré dans son château de la Rochette, l'eau ferrugineuse et apéritive de la « Fontaine de l'Émigré. »
Le comte Charles-Alexandre d'Arberg fut le dernier seigneur de la Rochette, le dernier avoué de Fléron et le dernier maréchal-héréditaire de Limbourg. Avec lui disparurent ces titres, qui vécurent tant de siècles et sont maintenant tombés dans l'oubli.
Ce fut lui qui réédifia le château dans le style que nous lui connaissons. Il en avait fait sa résidence de prédilection quelques années après sa mort, ses nièces, Louise-Caroline, femme de Dominique-Louis-Antoine, comte Klein, lieutenant-général et pair de France, et Félicité-Caroline-Honorine, femme de Georges Mouton, comte de Lobau, maréchal et pair de France, toutes deux filles de Nicolas-Antoine, comte d'Arberg, et de Françoise-Claudine, princesse de Stolberg-Geudern, vendirent la propriété à M. Grisard, dont les descendants la possèdent encore actuellement.
Chevalier J. B. de HARENNE
(1) Promenades historiques, tome II,page 14.
(2) Dictionnaire géographique de la province de Liége, tome I, page 90.
(3) N. PONSART , dans son ouvrage intitulé: Vues pittoresques de la nouvelle route de Liége à Aix -la-Chapelle et Spa par Chaudfontaine, publié en 1829, mentionne une vieille construction située entre Chaudfontaine et la Rochette, comme étant l'ancien château de la Rochette. - Cette construction, qui a été depuis agrandie et réparée et porte encore actuellement le nom de « la vieille ferme », n'a pu faire naître chez l'auteur de cet ouvrage pareille supposition que parce qu'elle est perchée également sur un rocher qui s'avance dans la vallée, et qu'à l'époque où la nouvelle route de la Vesdre permit aux touristes d'admirer facilement les beautés des sites qu'elle parcourt, cette construction avait, à en juger par le dessin qu'il en donne, un cachet d'antiquité et un caractère tout-à-fait pittoresque. Voici ce qu'il dit: « L'ancien château de la Rochette , bâti près du passage d'eau et qui ne représente plus que l'aspect d'une masure en ruines, est la demeure d'une vieille femme et de ses chèvres: bizarre et triste changement !»
Inutile d'ajouter que cette allégation est absolument dénuée de fondement. L'ouvrage en question donne une vue du château actuel, tel qu'il existait en 1829; cette gravure, quoique toute moderne, n'est pas sans intérêt.
(4)La route de Chaudfontaine à Verviers a été commencée en 1824 et terminée en 1827. (Bovy, Promenades historiques, tome II, page 14.)
(5) L'usine qui se trouve en face du château, n'existait pas alors; les premières constructions de cet établissement furent érigées en 1700.
(6) Voir l'ouvrage intitulé: Notre -Dame de Chèvremont, par M. Joseph DEMARTEAU.
(7) Monumenta Germania historica. Diplomata, t. 1, p. 569. MIREUS et FOPPENS, Opera dipl., t. I. p. 506. QUIX, Codex diplom. Aquensis, t.I, p.11. Jura sacri Romani Imperii in Dominio de Fleron, etc.
(8) BUTKENS. Trophées du Brabant, tome I, p. 231.
(9) Mémoires historiques et politiques des Pays-Bas autrichiens, par le comte DE NENY. Neuchâtel,1784, page 83, article 3 du traité de Munster: « chacun demeurera saisi et jouira effectivement des pays, villes et terres qu'il tient et possède ».
(10) DE NENY, page 95. - L'article 3 du traité de Munster avait entraîné de grandes difficultés par rapport aux trois pays d'Outre-Meuse: Dalhem, Fauquemont et Rolduc, où les possessions n'étaient
pas bien déterminées au temps de la conclusion de la paix.
Le différend qui s'était élevé à cet égard avait donné lieu de part et d'autre à des violences et à des voies de fait continuelles, parce que chacune des deux puissances cherchait à s'étendre et à fortifier ses prétentions, en multipliant les actes de possession.
Enfin, par une convention des 25 février et 27 mars 1658, l'ambassadeur du roi à La Haye convint avec les États Généraux que les trois pays d'Outre-Meuse seraient partagés par moitié entre les deux puissances et qu'il serait procédé incessamment au partage effectif.
Par une seconde convention du 13 décembre 1659, on arrêta quelques autres arrangements provisionnels tendant à faciliter le partage, lequel fut enfin conclu et signé par trois différentes conventions, à La Haye, le 26 décembre 1661.
(11) Archives de l'État à Liége. La Rochette, vol. B , n° 7.
(12) C'est à cette Cour que s'adressa le seigneur de la Rochette pour demander une enquête sur un vol commis dans son domaine, (acte du 3 mai 1487), et, le 17 juin 1490, relativement aux pâturages sur les biens dépendant du château. La Cour de Fléron acta également, le 26 octobre et le 8 novembre 1525, une enquête qu'elle fit au château. Le 12 mai 1572, à la requête de Guillaume de Ruyschenbergh, les échevins de Fléron se rendent à la Rochette pour interroger un certain Gielet Johan Gathi, emprisonné au château.
Admission par la Cour de Fléron et serment devant cette Cour des gardes-forestiers pour les seigneurs de la Rochette, le 17 novembre 1561 et 9 février 1598.
Nous citerons encore les records de cette Cour des 30 juillet, 30 septembre 1523 et 3 mai 1535.
Voir également le discours prononcé par M. RAIKEM , procureur-général, à l'audience de rentrée de la Cour d'appel de Liége, le 15 octobre 1860.
(13) Le 26 décembre 1439, la Cour-jurée de Forêt reçoit le transport fait au curé de Forêt, comme chapelain de la Rochette, de 7 muids d'épeautre de rente sur la Haute-Brouck, et 5 1/2 muids sur la Basse-Brouck. A cette même Cour furent faits les reliefs des biens de la Haute et de la Basse-Brouck, le dimanche après les Rois 1439, les 27 et 30 juin 1498.
(14) La Cour de Jupille reçut, le 1er février 1524, le relief de la Basse-Brouck et, le 14 avril 1565, celui de la Haute-Brouck.
(15) De Fléron, il n'y avait que l'église, la maison où se tenaient les plaids, et la moitié d'une maison adjacente à l'église, qui faisaient partie de l'avouerie; le restant appartenait au Pays de Liège. Sentence du 21 mai 1621.
(16) Record de la Cour de Fléron,9 novembre 1733.
(17) Ibidem, 10 décembre 1708.
(18) Cette charge se trouvait depuis longtemps en possession de la famille de Charneux, où elle était héréditaire en 1711; Record de la Cour de Fléron.
(19) Record de la Cour de Fléron.
(20) NENY, Mémoires historiques et politiques des Pays-Bas Autrichiens, Neuchâtel, 1784, page 277. - « On prétend que la souveraineté de cette rivière appartient à Sa Majesté, depuis Limbourg jusqu'à son embouchure dans l'Ourte, près de Liège, mais les Liégeois traversent très-souvent par des entreprises l'exercice de cette souveraineté.
« Ce sont là les principales contestations territoriales qui subsistent entre les Pays-Bas et le Pays de Liège; toutes les fois qu'il s'en est élevé, les Liégeois ont demandé qu'elles fussent traitées dans des conférences, à la faveur desquelles ils obtenaient des surcéances qui, en arrêtant l'exercice des droits de souveraineté des Pays-Bas laissaient aux Liégeois la facilité d'accumuler et multiplier leurs entreprises. Telle a été constamment leur politique depuis plus de >>deux siècles. »
(21) HEMRICOURT, Patron de la temporalité. - « Nul citain de Liège ne doit tourny de quelconques choeses qu'il vende ou qu'il achate ... Cilz qui sont delle vouerie de Fléron, appartenante à Notre-Dame d'Aix, en sont quitz, parmi chu ils doyent wardeir le pont d'Amercort, etc. »
(22) Jura Sacri Romani Imperii indominiode Fleron, page 47. -- Cette énumération diffère quelque peu d'une autre faite en l'année 1616 et mentionnée à la page 52 du même ouvrage.
(23) Record du 14 juillet 1441 ,touchant les cens dus aux seigneurs , Cour féodale de Fléron.
(24) CH. QUIX, Beiträge zu einer historisch-topographischen beschreibung des Kreises Eupen, pages 20 et 28.
(25) Hubin Baré de Beaufraipont, plus tard échevin de Liège, releva le château de Beaufraipont à la Cour féodale de Liège, le 9 février 1328 et le 22 juin 1345, S. BORMANS, Les seigneuries féodales du Pays de Liège, p.57.
(26) Copie de la fin du XVIe siècle, Archives de la Rochette, communiquées par M. PASCAL LOHEST-DE WAHA.
(27) Hubin était fils de Gilles; il fit relief de Beaufraipont le 3 juin 1410, S. BORMANS, Seigneuries féodales, p. 58.
(28) Original sur parchemin, scellé de trois sceaux, Archives de la Rochette.
(29) Échevins de Liège, convenances et testaments, 1458-1460, fol. 167 v°.
(30) Chambre des comptes à Bruxelles, reg. n° 13,072, fol. 113 v°.
(31) Voici la traduction de ce texte flamand :
« Les échevins de Limbourg, de Balen, de Walhorn et de Herve déclarent en commun que le duc de Limbourg est tenu de rompre, de sept en sept ans, les digues établies sur la Vesdre, depuis Limbourg jusque dans la Meuse. Il partira de Limbourg avec ses hommes et ses échevins, et chevauchera jusqu'à Pépinster. Là, les échevins de l'évêque, à Theux, doivent venir au devant du duc lui faire voir son droit, et lui dire ce qu'il est tenu de faire. Le duc et sa suite y prendront leur repas, aux frais de l'évêque de Liège.
De là le duc ira jusqu'en deça d'Oynes (Olne), où ceux de Saint-Albert, à Aix-la-Chapelle, sont tenus de le défrayer.
Ensuite, il descendra jusque près de Chanoys (Chênée ), brisant toujours les digues. A Chanoys, Messieurs du chapitre de Notre-Dame, à Aix-la-Chapelle, lui doivent la nourriture et le ferrage de ses chevaux.
De Chanoys, le duc se rendra à Pont d'Ameycourt (pont d'Amercœur), où les échevins viendront vers lui, pour lui dire ce que de droit il est obligé de faire.
Puis il chevauchera jusqu'aux Ecoliers et entrera dans le lit de la Meuse, aussi avant qu'il osera le faire. Il lancera un trait dans la rivière, et jusqu'où le trait portera, s'étendra sa juridiction sur la Meuse.
Le même soir le duc se transportera au château de Cornillon, où les habitants du lieu lui doivent la dépense de la bouche. Le matin il peut aller où bon lui semble.
Il est à noter que, pour chaque pieu que le duc trouvera et arrachera des digues de la Vesdre, depuis Limbourg jusque dans la Meuse, il lui revient 3 livres de petite monnaie.
Et s'il néglige de rompre de temps en temps ces digues, comme il y est tenu, le duc perdra ses droits, et ses pauvres sujets s'en trouveront très-gênés quant à la pêche.
En outre, le duc a droit à une part dans les fourfaitures et amendes décernées par les échevins du Pont d'Ameycourt, et il lui revient un droit semblable dans la Meuse.
Item, celui qui est délégué par le duc a droit à deux gites par an à Cornillon. » (GALESLOOT, Inventaire des Archives de la Cour féodale de Brabant, tome I, page 2). ERNST, dans son Histoire du Limbourg, tome I, page 60, parle également de cette coutume des ducs de Limbourg, et rappelle que « Charles-le-Téméraire ayant fait briser toutes les digues placées dans cette rivière, le droit lui en fut contesté par les Liégeois, et ensuite reconnu dans une conférence à Saint-Trond. »
(32) GALESLOOT, Inventaire des Archives de la Cour féodale de Brabant. Passim.
(33) Original sur parchemin, revêtu du grand sceau de Bourgogne, en cire rouge. L a plupart des documents que nous venons de transcrire ou de mentionner, relativement au pont de Chênée, ont fait partie des anciennes archives de la Rochette, et nous ont été communiqués par M. Lohest de Waha.
(34) Archives de la Collégiale de St-Pierre, liasses, aux Archives de l'État à Liège. Lettre de madame de Plettenberg, à son neveu le baron de Cortenbach, par laquelle cette dame lui annonce la rupture de deux arches du pont de Chênée et l'engage à faire exécuter les réparations le plus tôt possible, pour ne point perdre un droit que son mari avait eu tant de peine à rétablir et qui était encore contesté par plusieurs villages, avec lesquels elle était en procès.
(35) Archives de la Rochette, 1765 à 1794, aux Archives de l'État à Liège.
(36) Cour de Jupille, œuvres. 1705 à 1706, rég. 138, Archives de l'État à Liège.
(37) Comptes relatifs à la communauté de Chênée de 1775 à 1780, folio 27, Archives de l'État à Liège.
(38) La filiation de la famille de la Roche étant tirée du Miroir des Nobles de Hesbaye, par HEMRICOURT, nous n'indiquerons dans les notes que la provenance des renseignements supplémentaires.
(39) Charte de Saint-Lambert, n° 491, publiée par M. le chevalier DE BORMAN dans le Livre des fiefs du comté de Looz, sous Jean d'Arckel, page 291.
(40) DARIS, Cartulaire de l'abbaye de Beaurepart, de l'ordre des Prémontrés, à Liège, fol. 66; Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, tome IX, page 363.
(41) LE FORT, IIIe partie; Archives de l'Etat, à Liège; GALESLOOT, Le Livre des feudataires de Jean III, duc de Brabant, page 146.
(42) Selon une tradition,Thierry de la Roche, dit de Fléron, aurait épousé N... de Magnée, et leurs descendants auraient porté le nom de leur mère. Il est à remarquer que les Magnée portent les mêmes armes que les de la Roche, les émaux seuls different. A ce propos, nous ajouterons que l'écu des de la Roche portait au moyen-age une bande vivrée; cette bande devint ondée dans la suite.
(43) LE FORT, Ire partie, Généalogie de la famille de la Roche.
(44) Ibidem.
(45) On lit dans un manuscrit qui a probablement appartenu aux seigneurs de la Rochette, et qui se trouve aux archives de l'État à Liège: « Johan delle Roche a relevé la maison delle Roche delez Fléron, et le vouerie de Fléron à toutes haulteur et justice, ainsi que ses devanciers, registre de Jean Stock, Cour féodale du Brabant, le 11 mars 1266 ».
Cette date ne peut-être admise, pour la raison que la plus ancienne matricule des fiefs du Brabant ne remonte qu'à 1312. Ce registre portait le nom de Latynsboek.
Le Stootboek, dont parle le manuscrit, fut seulement formé par Jean Stoot vers 1355.
Un manuscrit, appartenant à la famille Francotte-Lion et gracieusement mis à notre disposition, nous a fourni plusieurs renseignements utiles. Il est intitulé: « Petit recueil de quelques anciennes lettrages et moniments, concernant la maison de Rochette à Madame Sybille de Plettenbergh, douairière du dit lieu ». Au bas de la page consacrée à la dédicace se trouvent les lettres FR. L. D. V. PR. qui se rapportent au frère Léon de Villers, recollet et chapelain de la Rochette en 1669. Nous y trouvons à la page 77: « S’enseuvent quelques anciens relièves de ceux delle Roche, extraict
hors des copies Pierre de Midelbourg, secretaire et greffier de la Cour féodalle de Brabant, tiré hors d'un fort ancien registre de fief, des fieffs de Brabant et d'Oultre-Meuse escript en parchemin et lié en planches, nommé le registre Jehan Stock auquel fut le deuxième costé à la fin dudit feuillet est escript come sensuit:« Jehan delle Roche woveis de Fléron fils Francq delle Roche at relevé le maison del Roche delez Fléron,VIxx (120) bonniers de bois, IIII (4 ) bonniers de preits et le voverie de Fléron a toutte haulteur et justice, ainsi que si devantrains l'ont tenus, XI jour en march l'an LXVI, pnt Reyn. petit varlet et Renchon Sulren hommes de Dalhain. »
L'absence de millésime a pu faire croire qu'il s'agissait de l'an 1266, alors que nous devons certainement reporter ce relief à l'an 1366, et le mettre au nom de François III de la Roche, mentionné par Hemricourt comme vivant à cette date.
A la page 78 du même manuscrit nous trouvons: « Copie extraite par Piere Midelbourg, secrétaire et conservateur des livres féodalle du Roi d'Espagne, duc de Brabant, hors d'un ancien livre féodal écrit sur parcemin et intitulé: Ce sont les noms des hommes féodales ou fidels de Jehan par la grâce de Dieu, duc de Lothier, Brabant et Limbourg, lesquels lui ont prestés ou fait hommage après le trépas de perpétuelle memoire Jehan son père, lequel est trépassé la nuict ou vigile St-Symon et Jude,anno 1312 , auquel livre entre autre a u feuillet 59 sur la première parge est écrit c o m m e sensuit : Jehan de le Roche,vouwé de Fléron ,la vouwerie de Fléron et la maisonde leRoche atrelevé lefilsdu predit Jehan voué de Fléron.
Ce relief s'applique à François II de la Roche; il est mentionné au Latynsboek , qui fut effectivement formé à l'avènement de Jean Ill, duc de Brabant, vers 1312 (voir Le Livre des feudataires de Jean III, par GALESLOOT, page 146). Il était d'ailleurs déjà avoué de Fléron en 1310, et, par conséquent, seigneur de la Rochette.
Le relief de Jean III de la Roche est également mentionné dans le manuscrit en question, comme ayant été fait en 1374, et renseigné au registre de NICOLAS SPECHT, autre clerc des ducs de Brabant.
(46) BORMANS, Les seigneuries féodales du Pays de Liège, p. 337.
(47) Conseil privé, 1669, touchant la Rochette; Archives de l'État à Liège.
(48) Cour féodale de Brabant, Spechtboek, fol. 2 v°.
(49) ll fit relief de la seigneurie de Résimont, comme plus proche héritier de son frère Pirlot, le 11 mars 1392; BORMANS, Seigneuries féodales du Pays de Liège, p. 337.
(50) Manuscrit du Frère LÉON DE VILLERS.
(51) BORMANS, Les seigneuries féodales du Pays de Liège, p. 337; relief du 19 juillet 1420.
(52) Convenances et testaments, Grand greffe, 1419-1426, fol. 33.
(53) L'attestation de cette épitaphe, par Bartholomé Hanus, héraut d'armes, se trouve à la page 169 d'un ouvrage imprimé à Liège en 1671 et intitulé: Démonstration de la nullité des recours empris au Conseil du Brabant et Cour féodale à La Haye, par le baron de Cortembach, etc.
L'an 1416, le 25 août, Jean de la Roche fit rendage par devant la Cour de Fléron, « d'une islea gisant à la venne », et l'an 1422, le 19 décembre « d'une islea gisante en Ster, joindant au bois Franck delle Roche ». Il existe encore, entre Vaux-sous-Chèvremont et Chaud fontaine, près du lieu dit « en Ster », un endroit portant la dénomination « en Lilay »; Conseil privé, 1669, et Cour féodale de Fléron.
(54) BORMANS, Seigneuries féodales, p. 337, relief du 14 août 1426.
(55) Manuscrit de L. DE VILLERS, et dans l'ouvrage intitulé: Jura Sacri Romani Imperii in Dominio de Fleron, p. 81.
(56) Conseil privé, 1669.
(57) Jura Romani Imperii in Dominio de Fléron, p . 8.
(58) Cour féodale de Fléron, œuvres, 1360 à 1501.
(59) Ibidem; Pirlot épousa Maroye, fille de Henry d'Enixhe, dit deFaulkon, parente de messire Jehan d'Enixhe, prieur de Beaufays. Franck de la Roche et Marguerite, son épouse, comparaissent à la signature du contrat et assignent à Pirlot une rente de 80 muids d'épeautre.(Document communiqué par M. Lohest-de Waha.)
(60) Le 22mars 1462, Jean, bâtard de la Roche, transporta, pardevant la Cour de Fléron, à Renard Bauduin, mayeur d'Olne, le moulin avec ses dépendances, dit moulin delle Vouerie, situé à Vaux-sous-Olne, moyennant une rente annuelle d'un muid de mouture, payable le jour de la fête de St-André. Le même jour, Jean le bâtard de la Roche, transporta le muid de mouture à Arnold de Liège, demeurant à Olne, pour vingt fl. du Rhin; voir le Record délivré par la Cour de Fléron, à la demande de Rener Syanne, meunier de Vaux-sous-Olne, propriétaire du dit moulin, le 7 juillet 1618.
(61) Convenances et testaments, 1440-1443, folio 179.
(62) Johan, bâtard de la Roche, releva la seigneurie de Résimont le 15 novembre 1443, S. BORMANS, Seigneuries féodales du Pays de Liège, p. 337.
(63) Jura Sacri Romani Imperii in Dominio de Fleron, p. 84.
(64) Manuscrit de L. DE VILLERS; étaient présents à cet acte: Wilheme de Viller, seigneur de la Capelle, échevin de Liège, Wilheme de Champs, Rogier delle Fontaine, Wilheme de Xhenemont, et Berstremé son fils
(65) BORMANS, Les Seigneuries féodales du Pays de Liège, p. 318; Il releva cette seigneurie le 11 août 1453.
(66) DE THEUX, Chapitre de St-Lambert, tome II, page 182.
(67) BORMANS, Conclusions capitulaires du Chapitre de St-Lambert, page 11.
(68) Conseil privé, 1669; Archives de l'État à Liège.
(69) Dans l'acte d'investiture par le chapitre d'Aix, Frédéric de Withem est qualifié de seigneur de la Rochette; mais c'était la formule habituelle. Il ne le fut jamais, en effet, puisqu'il reconnut les droits des héritiers de Franck de la Roche, quand son frère Jean de Withem acheta la seigneurie.
(70) DE THEUX, Le Chapitre de St-Lambert, tome II, p. 182.
(71) Échevins de Liège, convenances et testaments, 1474-1477, p. 170.
(72) BORMANS, Conclusions capitulaires du Chapitre de St-Lambert, p. 30.
(73) LE FORT, Généalogie de la famille de Withem; BUTKENS, Trophées de Brabant, tome 1, pp. 658 et 659; Manuscrit de L. DE VILLERS. Withem portait « d'argent à la croix engrêlée d'azur »; ces armes parfois sont écartelées avec celles de Brabant.
(74) Manuscrit de la collection de M. le chanoine Henrotte.
(75) Chambre des comptes de Brabant, reg. 13, 146
(76) Cour féodale de Brabant, reg. 122, fol. 200; Eug. Poswick, Histoire du Comté de Fallais, p. 55.
(77) GEORGES CHASTELLAIN, Chronique, tome II, p. 299.
(78) MATHIEU, D’ESCOUCHY, Chronique, tome II, p. 201.
(79) Olivier de LA MARCHE, maître d'hôtel et capitaine des gardes de Charles-le-Téméraire, Mémoires, édition BEAUNE et D'ARBAUMONT, tome III, p. 38; mais, selon DU CLERCQ, liv. V, ch. VIII, deux mille hommes seulement.
(80) OLIVIER DE LA MARCHE, t. III, p. 41.
81) Chambre des comptes de Brabant, reg. no 13,146.
(82) OLIVIERDE LA MARCHE: « mais quand vint a deviser dupris, il fut trouvé que Fréderich de Wittem avec son escu et son cheval couvert de la peau d'ung dain avoit le mieulx couru, rompu et gaigné le pris ». T. II, p. 425.
(83) GEORGES CHASTELLAIN, Chronique publiée par le baron Kervyn de Lettenhove, tome IV, p. 137.
(84) Cour féodale de Brabant, reg. 345, p. 252; Inventaire, p. 293.
(85) MELARD, Histoire de Huy, p. 285.
(86) Conseil privé « touchant la Rochette » 1669; Archives de la Rochette; Manuscrit de L. De Villers; Démonstration de la nullité, etc., p . 165 .
Le 10 mai 1480, Gilles Le Pollen, au nom de Jean de Withem, paye contre quittance à Jean de la Marck vingt-quatre florins du Rhin à vingt aydans la pièce, en déduction des cinquante florins, montant de ce qui lui était dû pour sa part dans la seigneurie de la Rochette, Cour de Jupille; Paroffres, n° 299, fol 137.
(87) Cet acte fut passé par devant les hommes de fief de Dalhem. Jean Sternace de Bernawe, Arnould de la Coustur , Jehan Piron de Mortroux, Philippe de Ronnet ou Rovet et Jehan de Cattenhausen. Manuscrit de L. DE VILLERS.
(88) Conseil privé « touchant la Rochette » 1669; Démonstration de la nullité, etc., page 165.
(89) LE FORT, Généalogie de la famille de Ramelot
(90) Jura Sacri Romani Imperii in Dominio de Fleron, page 88.
(91)Cour de Fléron, œuvres 1360 à 1501, fol. 148; Manuscrit de L. DE VILLERS, fol. 51.
(92) LE FORT, IIIme partie, Withem.
(93) Manuscrit de L. DE VILLERS.
(94) BUTKENS, Trophées de Brabant, dans sa généalogie de la famille de Withem, donne pour épouse à Jean de Withem, seigneur de la Rochette, Jeanne Bacx, et n'indique pas l'alliance de son fils. Jeanne Bacx épousa en secondes noces Guillaume t'Serclaes.
(95) Cour féodale de Brabant, reg. 125, fol. 207; Inventaire, tome I, page 195.
(96) Ibidem, reg. 125, fol.363; Inventaire, tome I, page 196.
Le 30 avril 1482, devant la Cour de Fléron, Anceal de Hamal, chevalier, seigneur de Trazegnies, vendit à Jean de Withem une rente de onze muids d'épeautre qu'il possédait sur la Rochette, moyennant une somme de cent vingt trois florins de vingt aidans; Manuscrit de L. DE VILLERS.
(97) Jura Sacri Romani Imperii, p. 89.
(98) Chambre des comptes de Brabant , reg. 13,146.
(99) Conseil privé, 1669; LE FORT, Généalogie de la Roche, vol. XX.
Nous croyons intéressant de donner ici le texte de l'acte de confiscation:
« Jehan de Horne, par la grâce de Dieu évesque de Liège, duc de Boullon et comte de Looz, à tous ceux qui ces presentes lettres verront ou orront, salut. Comme pour certaines causes et considérations justes, qui lors nous mouvaient à ce, nous eussions receu en nostre service domesticque Jehan de Beausin, nostre subject, sur espérance qu'il nous seroit bon et leal subject et serviteur, et il soit ainsi que au temps que les ennemis de nous et de tous nos pays et subjects se soient venus loger par voye de hostilité, à main armée auprès de nostre cité au lieu de Chartrous, furnies d'artellerie et mornie, boutans les feux en plusieurs et divers villes et maisons, tuant, pilant et prendant nos dits subjects prisonniers et eux enforsants de jour et de nuit prendre nostre ditte cité et les habitants en icelle destruir et mettre en mendicité, se n'eust esté la bonne résistence et défence, qui par l'aide de Dieu et du bon martir St-Lambert, et de nos bons et loyales nobles et vasseaux, amis, voisins et subjects y a esté faict et donné, le dit Jehan de Beausin nous acceurant de serment de fidélité que comme subject fait nous avoit, et mesme comme serviteur tenu estoit, s'est volontairement et par courage délibéré rendu es mains de nos dits ennemis en leurs faisant toute adhésion, faveur et assistence possibles tant de... comme de la place et forte maison de la Rochette que pour lors il tenoit en sa main, au moyen desquelles choses, et d'autres plusieurs raisons, le dit Jehan de Beausin ait commis et confisqué envers nous tous ses biens, debtes et héritage, procédant tant de son costé, comme du costé de damoiselle Margarite sa femme; scavoir faisons que nous, considérans les bons et honestes services que nostre aimé et féal escuyer Gille de Serain, nostre panthier, nous a fait par cy devant, fait journellement et espérions qu'encore fairat à l'advenir, avons audit Gille donné, cédé et transporté et nous cedons et transportons pour nous et nos successeurs evesques de Liège tous les héritages, maison, debtes, cens, rentes, revenues et autres biens quelconques que ledit Beausin tenoit et possidoit à l'heure qu'il se rendit nostre ennemis et qui à luy et à sa dite femme pourroient le temps futur compéter et appartenir, lesquels cens, rentes, maisons et biens quelconques en général et en particulier avons déclarez à nous confisqués, pour en jouir par ledit Gille de Serain perpetuellement et héritablement, selon le don par nous à luy fait à tousjours et pour sa femme et ses hoirs, comme de sa propre chose, sans jamais y rien donner. Si donnons en mandement à tous officiers, justiciers et subjects que ledit Gille de Serain l'offrent et laissent plainement et paisiblement de nostre présente grace, don et octroye jouir et user, et pour la plus grande seureté dudit Gille de Serain requirons et prions instamment nos très chere et bien aymé maistres, jurés et conseil de nostre cité que en ratification et approbation de ce qui dit est, veu que le dit Serain à cette occasion a déboursé certaine somme de deniers desquels nous tenons de part luy contentez et satisfaits et laquelle a esté convertie tant par nous les deputez des trois estats de nos pays, comme par nostre Conseil au payement des gens de guerre de nostre dite Cité, pour la défence d'icelle, ils veuillent à ces présentes [apposer] leurs seels et maintenir ledit Serain en ce que dit est perpétuelle et à tousjours, car ainsi plais t il à nous. Laquelle chose ils ont bénignement fait à nostre priere et requeste auxquels aussy avons fait appendre nostre seel aux secrets. Donné en nostre ville de Trecht le 16 jour du mois de febvrier l'an de grasce mil quatre cent quatre vingt et sept. Signé W. de Résimont, per copiam. » (Copie de la fin du XVIIe siècle.)
(100) Il ne nous a pas été possible de retrouver la preuve de cette descendance de Baudouin Faschotte, de Thierry de la Roche. M. Gustave Magnée, qui a bien voulu nous communiquer le résultat de ses recherches, n'a pas été plus heureux que nous à ce sujet.
(101) Conseil privé, 1669.
(102) Echevins de Liège, jugements et sentences, reg. de 1496-1499, fol. 1. Archives de la Rochette, aux Archives de l'État à Liège.
(103) Conseil privé, 1669.
(104) LE FORT, Généalogie de la famille de Withem .
Warnier de Withem avait trois sœurs: 1° Marguerite, qui épousa Henri Scheiffart de Mérode, seigneur de Hemmersbach; 2° Marie, qui épousa Arnould de Ghoer de Wyer, seigneur de Heel, et 3° Marie fille naturelle, vivant en 1470, qui épousa Jean d'Uytenlimingen.
(105) Renier de Gulpen avait eu un frère qui mourut en 1492, après avoir été commandeur de l'Ordre teutonique à Bernissem et à Gruytrode; LE FORT, Généalogie de la famille de Gulpen. Le nom de Gulpen se traduit en français par Galoppe.
(106) Archives du Conseil privé, 1669.
(107) Chambre des comptes de Brabant, reg. 13146.
(108) Conseil privé, 1669.
(109)Par contrat du 29 mai, Convenances et testaments,1511-1516 fol. 12.
(110) Voici comment cet épisode est rapporté par BUTKENS, dans ses Annales de la Maison de Lynden publiées en 1626:« Il (Thierry de Lynden ), n'avoit pas sitot passé l'aage de son enfance, que son père le jugeant esveillé d'esprit et capable d'entendement, l'envoya aux études en l'université de Coloigne; ou toutefois il ne demeura pas longtemps,... et son dit père le mit en l'unversité de Louvain, en compagnie du jeune Robert de la Marcke et de Cornilles de Berges, fils du seigneur de Sevenberges,... » Cependant, il contracta telle familierité et accointance avec les dicts seigneurs de la Marcke et Berges, que delà s'engendra une affection et amitié fort particulière, laquelle fut en partie cause que ce seigneur ne se soucia de revoir sa patrie; laquelle estoit troublée par les guerres du duc Charles de Gueldres, et pleine de confusions: tellement qu'ayant attaint l'aage competent, par l'addres de Messire Robert de la Marcke susdict et de Madame Mehaut de Monfort, sa femme, laquelle estoit parente à son père, le seigneur de Mussenberg, il suivit la Cour du cardinal Everard de la Marcke, prince et evesque de Liège, qui pour le respect des seigneurs de la Marcke et d'Arenberge, ses cousins, fit grande estime de ce Thieri de Lynden, l'employant particulierement aux affaires de son estat. Mais comme il conversoit familièrement en la maison d'Everard de la Marcke, comte d'Arenberge, frère de Robert, dont cy devant avons fait mention, il entra en cognoissance avec dame Catherine de la Marcke, ille légitimée dudict comte, et esguillonné par sa jeunesse, s'enamoura d'icelle Dame, laquelle comme femme habile, combien que ja d'aages assés maturs, et veuve de Messire Adrien de Fraipont dict la Boverie, sceut si bien agacer l'esprit du jeune amoureux, que sans aucun respect il se plongea dans l'abysme d'amour et procéda si avant, qu'estant le feu enflammé des deux costés, il jouit d'elle soubs quelques belles promesses. Le comte d'Arenberge irrité du désordre et faché du désastre de sa fille, eust bien voulu monstrer combien lui desplaisoit la témerité du jeune seigneur de Lynden; mais portant respect à sa naissance et support des amis qu'il avoit, il traicta soubs main et conduict si bien les affaires que le mariage fut conclu entre ledict Thieri de Lynden et sa fille la dame Catherine de la Marcke; pour l'advancement duquel ledict comte donna la seigneurie de Rochen, comme appert par le contract de mariage passé soubs les seaux dudict comte et Dame Marguerite de Hornes sa femme, en l'an mil cincq cents et vingt, le vingt-septième de janvier. »
Quoiqu'en dise BUTKENS, il est certain que cette dame Catherine, arbitrairement nommée par lui DE LA MARCK, n'a jamais été la fille légitimée du comte Everard. Son premier contrat de mariage la dit fille de Jean le Pollen, chevalier, « engendrée en feu damoiselle Catherine de Berghel. » Un acte du 4 mai 1532, réalisé devant les échevins de Liège (Oeuvres n° 123, fol. 160), est tout aussi explicite. On y lit: « damoiselle Katherine defuncte fille de feu messire Jehan le Pollen, chevalier, jadis notre confrère, et Dirick de Lynden, marit jadis de la susdite defuncte damoiselle Katherine, qui paravant avoit esté femme à feu Andrian de Fraipont dit del Boverie l'aisneit. » L'acte que nous venons de mentionner est relatif, de même que quelques autres, au transport de la terre de Mathivaulx par les enfants d'Adrien de Fraipont à Thierry de Lynden.
(110) L'acte en question, conçu en bas-allemand et daté du 27 février 1520, est publié en entier par BUTKENS, à la page 88 des Preuves de l'ouvrage précité. Le transport de la seigneurie et du château de la Rochette se fit, le même jour, devant la Cour de Fléron. L'auteur de la généalogie de la maison d'Aspremont-Lynden, dans l'Annuaire de la Noblesse de Belgique, vol. 34, p. 38 se trompe lorsqu'il désigne la seigneurie de Reckheim, comme ayant fait l'objet de la donation dont nous nous occupons. Il ne s'est pas aperçu que le terme Roetschen, dont se sert le notaire flamand, correspond à la Rochette. Au surplus, la terre de Reckheim n'entra dans la famille de Lynden que beaucoup plus tard.
Démonstration de la nullité des recours, etc., pages 145 et 147.
(111) Démonstration de la nullité des recours, etc., page 185.
(112) Cour féodale de Brabant, n° 690, 48e liasse, n° 526-530, et registre n° 133, fol. 195; Inventaire, tome 1, p. 210, tome II, p. 319.
(113) Cour féodale de Brabant, n° 691 ,49° liasse, n° 531- 540; Inventaire,tome II, p. 319.
(114) Archives de la Rochette.
(115) Thierry de Lynden acquit diverses seigneuries dans le pays de Liège, entre autres celle de Mathivaux, dite de la Boverie.- Devenu veuf, il se remaria en secondes noces en 1532, avec Marie d'Elderen, riche héritière, fille unique de Gondulphe ou Godenoel d'Elderen, chevalier, seigneur de Sart, Saint-Gilly, etc…, et d'Elisabeth d'Amstel.
Il acheta de Jean de Berghes, marquis de Berg-op-Zoom, la vicomté de Dormael et la seigneurie d'Opdormael. Enfin après avoir été conseiller de trois princes-évêques, Corneille de Berghes, son ancien condisciple, Georges d'Autriche et Jean de Berghes, il se retira en Brabant, mourut à Louvain, le 5 avril 1560, à l'âge d'environ soixante neuf ans et fut enterré à Saint-Pierre à côté du maître-autel, sous une tombe relevée, ornée de ses huit quartiers et des huit quartiers de sa seconde femme. Celle-ci lui survécut, décéda le 3 janvier 1574, à Mathivaux, et fut inhumée dans l'église de Fetinne, où son épitaphe subsiste encore. Thierry de Lynden eut trois enfants du premier lit, et sept du second.
De ceux-ci provinrent les seigneurs de Froidcourt, les comtes de Reckheim et les comtes d'Aspremont-Lynden actuels; Annuaire de la Noblesse, vol. 34, p. 38, Généalogie d'Aspremont-Lynden.
(116) RAIKEM, Discours à la Cour d'appel de Liège, 1860 , page 43.
(117) Memoire démonstratif, etc., page 61.
(118) Document communiqué par M. Lohest-de Waha. Les roues hydrauliques établies sur la Vesdre en 1620, sont renseignées par des astérisques sur la carte annexée à cet ouvrage.
(119) Archives de la Rochette, à Liège.
(120) DELVAUX, Dictionnaire géographique, etc., tome I, page 305.
(121) Le frère LÉON DE VILLERS qualifie cette seconde union de « mariage furtive, qui a apporté le démembrement de la seigneurie de Marilles et causé de grands dépens aux enfants, et causé aux biens et ménages grands désordres, par l'éducation de quantité de bâtards.» Cette appréciation semble reposer sur une confusion.
(122) Archives de la Rochette. Winand de Rittersbach, seigneur de Laer, près de Rolduc, fut nommé châtelain et drossart de Dalhem, par commission du 12 juillet 1540, et prêta serment à la Chambre des comptes le 3 août suivant. Il mourut en 1560, Chambre des comptes, registre 13,146
(123) Nous avons trouvé le nom de Ruyschenbergh écrit de différentes manières: Ruysschenbergh, sur des jetons d'un commandeur des Vieux-Joncs (Collection du baron de Chestret de Haneffe); Ruischenbergh et Ruisscenbergh, sur la pierre tombale de l'église de St-Antoine, à Liège, dont nous donnons une reproduction; ailleurs, Ruyssenberg, Ruyssenburch, Reuschenbergh, Ryssemberg, etc. Quant aux armes de cette famille, l'Armorial général de RIESTSTAP les blasonne « d'argent à la fasce de sable, supportant trois corbeaux du même », tandis que sur les jetons prémentionnés, sur la pierre tombale de Saint-Antoine et sur un portrait du commandeur de l’Ordre teutonique conservé au château des Vieux-Joncs, la fasce de sable est accompagnée en chef de trois merlettes du même.
(124) Original sur parchemin, sceaux enlevés; Archives de la Rochette.
(125) État primaire, n° 176 ; Archives de l'État à Liège.
(126) Archives de la Rochette.
(127) Un record du 1er avril 1321 de la Cour de Jupille atteste que le ressort de cette Cour comprenait les localités suivantes: Peville, Robermont, Jupille, Fléron, hormis quatre ou cinq maisons, Magnée, Beaufays, Colonster, Prayon, Fraipont, Lonhienne, Forêt, Thier dessus Prayon, Gomzée, Chênée, hormis quatre ou cinq maisons, Ransy, Grivegnée, Wez, Longdoz, Bressoux, et une localité ainsi désignée: Jusques alle fontaine qui est emmis la ville de Chivecoire qui est deseur Vaulx; SCHOONBROODT, Inventaire des chartes de St-Lambert, n° 518.
(128) La charte de 1250 a été imprimée pour la première fois dans un opuscule fort rare intitulé: Manifeste des droits de la réverende abbesse de Robermont et le révérend prieur des Chartreux et leurs couvents. Liége, J. Ouwerx, 1633, page 49, d'après une copie extraite du Stock de Robermont et certifiée par le notaire Philippe Hennin. Elle a été reproduite plusieurs fois, notamment dans le Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. I, page 200. Il est néanmoins permis de douter de son authenticité. Quant au testament de 1339, dont VILLENFAGNE n'indique pas la provenance, il est cité par ERNST, Tableau historique et chronologique des suffragans, page 292.
(129) DEMARTEAU, Notre-Dame de Chèvremont.
(130) Cour féodale de Fléron, œuvres de 1360 à 1501.
(131) Chaudfontaine, par G G G G, Bulletin de l'Institut archéologique, tome I, pages 133 et 156.
(132) Bulletin de l'Institut archéologique, tome I.
(133) Archives de la Rochette, à Liège.
(134) LE FORT, 1re partie, vol. IX, Généalogie de Gulpen. Leur pierre tombale se trouvait d'abord dans le chœur de l'église, de mêm e que celle de Warnier de Gulpen. Elles étaient très usées et furent enlevées, il y a quelques années, et encastrées dans la muraille de la tour, aux côtés de la porte d'entrée. Cette mesure conservatrice est certes très louable; mais il est à regretter que ces pierres ne furent point placées dans l'intérieur de l'église; car les intempéries achèveront en peu de temps l'œuvre de destruction commencée par les pieds des fidèles.
(135) Manuscrit de L. DE VILLERS.
(136) LE FORT, 1e partie, vol. IX, Généalogie de Gulpen.
(137) Dictionnaire géographique de la province de Liége, tome I, page 91.
(138) Manuscrit du frère L. DE VILLERS.
(139) Conseil privé,1669; touchant la Rochette.
(140) Nous croyons devoir donner ci-dessous le texte d'une concession faite par Ernest de Bavière à David Remacle, de Limbourg, à cause du jour qu'elle jette sur les premiers engins employés dans les mines, tant pour l'extraction des minerais que pour l'épuisement des eaux. Suivant cette pièce, David Remacle aurait été l'inventeur de machines, permettant de reprendre l'exploitation des mines de Prayon, abandonnée, par suite de l'envahissement des eaux.
« Ernest, etc. A tous ceulx qui ces présentes noz lettres patentes verront ou lire oront, salut. Comme nous sommes plainement informez que David Remacle, ung de noz subjects ayt par son art et industrie, à ses grands trauvaulx et despend, fait certains instrumens et mollin tirant pompes et grand nombre choese nouvelle et inusitée, en notre pays de Liège, à effect de tirer les eaues hors des fosses, et ouvraiges de la montaingne de plomterie de Prailhon; sans lesquels n'estoit possible besoigner en icelles, come avons esté assez certiorez que passé quarante et cinq ans cy devant aucuns bons marchants, tant d'Anvers que d'ailleurs, lesquels y veuillants faire besoingner ont employé leurs moiens et substance sans y pouvoir rien faire, à cause desdits eaux; lesquels instruments, mollins et pompes présentement érigés, causeront au future grand proffit et utilité à nostre pays et table Episcopale, ce que nous a esmeu, suyvant la supplication dudit David, à nous oultre donner, celuy vouloir octroyer et concéder de notre grace tel droit de terraige des mineraulx qui se tireront hors desdites fosses et ouvraiges. Et nous, considérant tele requeste estre équitable, tant pour cause de l'industrie inusitée, que grand prouffit que lon recouprat au future en notre pays, miesmes aussy pour respect d'aultres bons services que ledit David nous at parcidevant fait, et nous pouldrat faire, luy avons donné et octroyé, come par cest donnons et octroyons de notre aucthorité, tel droit de la plomterie pres Prailhon, suyvant le rendaige qu'en avons cydevant fait aux maitres desdits ouvraiges. Voir que adjoingnons avec ledit David, notre cher et féal Laurens de Ramée, notre maitre d'hostel, tant pour la maintenue de nostre juridiction contre les circonvoisins, que pour aultres raisons à ce mouvantes, pour par iceulx conjoinctement et également en joyr et prouffiter, eulx et leurs hoirs, par l'espace de six ans, rattiers continuels, librement, et sans payer cheose aulcune, injoindant par cest à nostre Président et auditeurs de nostre chambre des comptes, de donner ausdis de Ramée et David, ou leurs hoirs, tant l'espaces desdis six ans, que ces aultres cosuyvantes, tout ayde et assistence, et permettre leurs estre fait, omis, ou donné en ce empechement. Car tel est nostre plaisir et expresse volunté. Donné soubs noz nom et seel secret en nostre cité de Liège, le XXVIIe de febvrier, mil siex cent et ung.
Ainsy subsigné. ERNEST.
Cette concession fut renouvelée, le 28 février 1607, au profit de Laurent de Ramée; document original communiqué par M. Lohest de Waha.
(141) Cette Bulle, donnée par l'empereur Charles IV en 1349 à Jean III, duc de Brabant, fut confirmée par les empereurs Sigismond en 1424, Maximilien en 1512 et Charles V le 3 juillet 1530. NENY, Mémoires historiques et politiques, etc.,page 394.
(142) Ce mandement, daté du 14 juin 1603, fut confirmé par le doyen et le chapitre d'Aix le 5 juillet suivant. Il ordonnait: « tant par eau que par tere, bon guet et garde soit faicte, tant de jour que de nuict, aussi sur les clochers de chacun village pour ce descouvrant aucuns volleurs ou brigans de quel service ils soient, ou soy pourroient réclamer, par son de cloche et tambourin à l'assemblée de noz subjects les déchasser, appréhender et saccager, déclarant derechef par ceste que tous et chacuns de nos dits subjects s'ayans empliez à l'effect susdit, en déchassant ou tuant tels volleurs, seront reputez et tenuz comme les tenons par ceste pour bons et fidèles défenseurs de leur patrie, personnes, femmes, enfans et biens, sans qu'ils en seront en façon aucune recherchables; leur donnant et accordant tout ce qu'ils trouveront chez les dits volleurs, les trouvans faire brigandage sur nos dits Pays, etc... » ; Jura sacri Romani Imperii in Dominio de Fleron ,etc.
(143) Jura Sacri Romani Imperii in Dominio de Fleron ,etc.
(144) Ibidem
(145) Mémoire démonstratif, etc., page 68.
(146) Ibidem et Archives de la Rochette.
(147) Cette ordonnance a été rapportée en entier dans le Bulletin de l'Institut archéologique, tome IV, page 295; elle est mentionnée également dans le recueil intitulé: Jura Sacri Romani Imperii in Dominio de Fleron, page 5. Pareille sauvegarde avait déjà été accordée à Curtius et aux habitants de la vouerie de Fléron, le 19 août 1597.
(148) Archives communiquées par M. Lohest-de Waha .
(149) Jura Sacri Romani Imperii, etc., page 120.
(150) Documents communiqués par M. Lohest-de Waha.
(151) Documents communiqués par M. Lohest-de Waha.
(152) L'an 1606, vers la St-Nicolas, Jean de Ruyschenberg, assisté des paysans du ban d'Olne et de soldats de Limbourg, fit démolir la venne de la Brouck, servant au moulin à poudre et à la pêcherie de Léonard Huwart. Cette digue fut encore détruite par le même en 1615.
(153) Archives de l'État, à Liège, reg. 1619 à 1630, n° 633 de l'inventaire ,fo 44; renseignement communiqué par M. Ernest Nagelmackers.
(154) Archives de la Rochette, à Liège.
(155) Mémoire démonstratif, etc., page 70.
(156) Jura Sacri Romani Imperii, etc., p. 127.
(157) Cour féodale de Fléron, reg. aux records, folio 71.
(158) Jura Sacri Romani Imperii, etc., page 71.
(159) Cour féodale de Fléron, rôles, 23 août 1621.
(160) Ibidem, 21 juin 1621.
(161) Ibidem.
(162) Cour féodale de Fléron, rôles.
(163) Cour féodale de Fléron, rôles.
(164) Jura Sacri Romani Imperii, etc.
(165) Après avoir été mis en liberté, Abraham de Meneux fit un état des objets que le sire de la Rochette lui avait retenus, et qu'il réclamait. Cette réclamation est trop originale pour que nous la passions sous silence; la voici:
« Premier un lict; item une paire de linceux; item une couverture; item une harquebuze; un poignard; une clef de harquebuze avec un cordon; un cousteau; une flasque à poudre; item une demi tonne de cervoise.
Item a retenu et retient un chien d'eau de grande valeur, que j'estimois aultant qu'un cheval.
Item m'a faict appréhender l'huictième d'avril 1623, lié et garotté comme malfaicteur avec des cordes, en présence d'un chacun, et m'a relaxé au dix-septième jour, pour chacun desquels, attendu les puanteurs, ordures et aultres incommoditez que je sentois, je demande deux libvres de groz par jour ou aultant que justice ordonnera.
Item pour la déshonneur qu'il m a faict endurer, qui n'est jamais à récupérer, au regard de laquelle, et aussi que journellement j'en suis reproché, je demande six cents patagons, ou l'ordonnance de justice.
Lesquels deux livres de groz par jour et six cents patagons me pourront légitimement, et avec bon droict estre adjugez et taxez à la charge du dit seigneur de la Rochette, en considération que comme facteur de plusieurs bons marchands, leurs affaires et les miennes ont esté retardées et négligées. Et estant encore jeune homme à marier j'eusse sçeu faire meilleure fortune. Ce 12 d'Aoust 1623. ABRAHAM DE MENEUX . »
Jura Sacri Romani Imperii in dominio de Fleron, etc.
(166) Jura Sacri Romani Imperii in dominio de Flron.
(167) Mémoire démonstratif,vetc., page 11.
(168) Jura Sacri Romani Imperii in dominio de Fleron, pages 195 et suivantes.
Le seigneur de la Rochette multiplia ses ordonnances; nous en mentionnons ici quelques-unes:
« Estant la vouerie de Fléron jugée par sentence réelle au Conseil de Brabant, Pays de Brabant nous appartenante, nous défendons au présents à tous inhabitants de la vouerie de ne payer le feu de guarde, ny aultre charge à ceulx de Liège, sur peine arbitraire. Faict à la Rochette le 6 décembre 1622. Signé J.deRuychenbergh. »
« A tous surceans et inhabitants en notre vouerie de Fléron sera notifiée par ceste de soy trouver le 15 du mois présent, Lundy prochain, aux plaids généraux. La Rochette, ce 3 may 1623. »
« Par ceste semoncera Mathieu Broccard les surcéans de la vouerie en Romsey, l'Heur, Chamont, Ernten, Fléron et Vaulx-s-Chèvremont, qu'ils ayent à comparoistre armez audit lieu de l'Heur, à peine de deux florins d'amende, dont il fera par après sa relation. LaRochette, 30 may 1623. »
« Tous surcéans de la vouerie en Vaulx-sous-Chèvremont sayent à comparoir le 15 de juing 1623 après la messe en Vaulx, à Tilhou, pour députer quelques hommes pour égaler les dépens des soldats faicts et à faire. La Rochette, 5 juing 1623. »
Le 4 mars 1624, il défend aux habitants de l'avouerie de se servir de la justice de Fléron, à moins que la Cour ne soit présidée par lui ou par son commis. Il défend également aux « prétendus » échevins de se présenter pour tenir les plaids sous peine d'emprisonnement. L e 10 septembre 1624, déposition par devant notaire du nommé Pirotte Franchoy, lequel conduisant une charrette de charbon attelée de deux chevaux, le tout appartenant à Gilles de Noirivaulx, son maître, l'attelage fut appréhendé et conduit à la Rochette. Quand ledit Pirotte se rendit au château pour réclamer, il fut jeté en prison et y resta jusqu'au lendemain, n'ayant pu obtenir sa liberté qu'après avoir payé 25 pattars à un serviteur de Ruyschenbergh.
Le 17 novembre 1625 ,ordonnance défendant aux échevins d'administrer la justice aux plaids annoncés par Herman de Bourgogne.
Le 15 décembre 1625, mandement de Herman de Bourgogne, ordonnant de déchirer et d'arracher les placards que le seigneur de la Rochette ferait afficher sur les bâtiments publics de l'avouerie et défendant d'obéir à ses commandements.
(169) Jura Sacri Romani Imperii in dominio de Fleron
(170) Jura Sacri Romani Imperii in dominio de Fleron.
(171) Jura Sacri Romani Imperii in dominio de Fleron. Ce recueil contient une quantité d'ordonnances et de placards du seigneur de la Rochette; nous croyons devoir rapporter quelques-unes de ces pièces:
« Nous Jean de Ruychenberg à Everbach Holtorff, seigneur de la Rochette et Oelne, hault et héréditaire voué de Fléron, grand marchal de la Duché de Limbourg, Deffendons à tous et chacuns inhabitans de Jozé, d'Ayoneux, de Vaulx sous Oelne, Nessonvaulx, Vaulx dessoubs Chivremont, de Chamont, de l'Heur, et à tous aultres de noz subjects et resorts, de ne payer aulcunes dismes à personne, des fruicts, quels qu'ils soient qu'auront creus et croistront sur les sarts et aysemences des dits lieux, mesme de ne retirer ou asporter les dicts fruicts sans nostre congé, si deffendons pareillement à tous prétendus dismeurs de ne soy présumer exiger ou asporter telles dismes, sur peine telle que justice trouvera convenir en sa rigueur.
Donné à la Rochette le 7 d'Aoust l'an 1627.
Signé et scellé,
JEAN DE RUYCHENBERGH . »
« Le sergent Henry Kaye adjournera 4 hommes armez de harquebuzes, se trouver ce soir icy pour le service de Sa Majesté, avec un tambourin, en défault de ce estre commandez aux amendes.
La Rochette, 19 may 1627. »
« Ordre d'arrestation et d'emprisonnement, par les sergeants Henry Kaye et Badrihaye, de Servais Balduin le Jeune, pour le conduire à la Rochette.
Le 9 décembre 1627. »
Voici la copie d'une ordonnance qui a été lue aux plaids généraux de Fléron, l'an 1627, après la fête des Trois-Rois. Cette pièce nous a été communiquée en original par M. Lohest.
« Jehan de Ruyschenberghe, seigneur de la Rochette, hault et héréditaire voué de Fléron, etc. A tous surseans, mannans et subjects de ladite vouerie, et à tous aultres qu'appartiendra, salut. Scavoir faisons que comme à Nous appartient, et notre debvoir est si que voué susdit, de prendre cognoissance et pourchasser les jugemens et punitions des crimes et malifices, ensemble la solicitude, providence et diligence d'obvier aux susdits malifices et prohiber les audaces et violences et entreprises tendant à iceulx malifices, tant prohibés et deffendus par droit, escrit, édicts, et ordonnances du Roy notre Sire, et Seigneur Souverain, qu'aultrement nécessaires pour la bonne police, et ce pour le repos publicque; Et que sommes informés, qu'en ladite vouerie il y a partout un grand desrèglement, pour l'insolence invétérée qu'ont causé les troubles, molestations et empeschemens, que passé longtemps sont esté empris et attentés, et encore pas ne cessent à présent, contre l'exercice de notre office et authorité; Si est-il que pour remédier à un mal si important, entant qu'est en notre pouvoir, avons trouvé fort expédient et nécessaire de faire proclamer et publier les poincts, ordonnances et règlement suivans.
1° Premièrement faisons icy répéter et ramenteveoir, le placcart des Smes Archiducqs nos Princes, émanées en l'an 1614, et réitéré le dernier de décembre en l'an 1621, sur le port et déffence des armes à feu, bidets, ou pistolets de posche, et tout ce qu'audit placcart est contenu.
2° Ordonnant à tous officiers et ministres de justice, et à tous aultres de la dite vouerie, de prendre regard au port desdites armes déffendues, et Nous en faire bon et fidel rapport, sitost qu'ils en auront veu ou entendu, sur peine de fourfaire eulx mesmes arbitrairement selon l'exigence du cas, et mesmement de réelement arrester et saisir les estrangers contrevenans audit placcart.
3° En oultre deffendons aux officiers, eschevins, sergeants et procureurs de ne tenir taverne ou cabaret pour alloger gens à leur maisons, et comme aussy plusieurs et grands schandales, dangers, insolences et exces, adviennent journelement pour la boisson, deffendons à tous taverniers et revendeurs de vin et bierre, et à tous les dits mannans et subjects de respectivement ne tenir taverne, tirer à boire pendant la messe parochiale, vespres, ou sacrifice divin ordinaire, et seront tenus de nous fidèlement raporter, ou à Nous officiers, iceulx qui viendront à leurs maisons armés des susdicts armes défendus, ny aussy après les huict heures du soir, à peine de trois florins d'or pour la première fois, et de plus grande correction arbitraire pour la seconde et aultres fois.
4° Deffendons aussi les juremens et blasphémens du nom et contre la Revérende de Dieu, sa mère glorieuse et des saints de paradis, sur peine de deux florins d'or, et de plus grande amende arbitraire si l'exigence et circonstance du cas les méritent.
5° Ordonnons aussy par forme de statuit et pour ordonnance politicque, que personne ne porte couteaux taliépain et pointeux, si non abatus, et que celuy qui blessera aultruy avec couteau ou pierre, escheira en l'amende de trois florins d'or.
6° Et si avec aultre arme tranchante et non disloiale, en un florin d'or. »
(172) Jura Sacri Romani Imperii in dominio de Fleron.
(173) Ibidem. La Cour de Fléron se composait alors de: Pierre Curtius, échevin de Liège, seigneur de Tilleur, Soumagne, St-Hadelin, etc., mayeur; Jean Wanzoule, Englebert Brocard, Denis Monschen, Pierre des Marets, Henri d'Ayeneux, Henri Jaminet, Jean de la Chapelle, échevins, et Sébastien de Noirivaulx, greffier.
(174) Le 9 mai 1650, Maximilien-Henri de Bavière, prince-évêque de Liège, voulant reconnaître les services rendus par Pierre des Marets, à l'avouerie de Fléron, octroya à son fils Pierre, jurisconsulte, moyennant l'abandon de leurs prétentions relativement aux dommages qu'ils avaient éprouvés, le droit de tenir en fief de S. A. S., par forme de majorat masculin, le haut office de la Mairie de la terre et seigneurie de Fléron, avec les droits et profits qui en dépendaient. Le prince-évêque se réservait cependant de pouvoir annuler cet octroi, moyennant le payement audit des Marets ou à ses héritiers, d'une somme de 3,500 patacons.
(175) Mémoire démonstratif, etc., page 73.
(176) Conseil privé 1669.
(177) Petit in-quarto non paginé, portant au premier feuillet les armes du prince-évèque. Nous devons à l'obligeance de M. Joseph Demarteau, qui possède un exemplaire de cet ouvrage assez rare, d'avoir connaissance de plusieurs actes de la vie accidentée de Jean de Ruyschenbergh.
(178) Depuis 1439, le curé de Forêt était chapelain de la Rochette; à cette date, le jour de St-Etienne, Franck delle Roche avait attribué à cette fondation, par acte passé à la Cour jurée de Forêt, une rente de sept muids d'épeautre sur la Haute-Brouck, et une autre rente de cinq et demi muids sur la Basse-Brouck. Archives de la fabrique de l'église de Forêt et Démonstration de la nullité des recours, etc. , page 125.
(179) État primaire, touchant la Rochette, n° 176; Archives de l'Etat.
(180) Ibidem.
(181) Conclusions capitulaires du chapitre de Saint-Lambert, 13 septembre 1634.
(182) État primaire, touchant la Rochette n° 176; Archives de l'État.
(183) Archives de la Rochette, à Liège.
(184) Démonstration de la nullité, etc., page 95.
(185) Démonstration de la nullité, etc., page 49.
(186) LE FORT, Généalogie de Gulpen, vol. IX ; Arberg, IIIe partie.
(187) Collégiale de St-Pierre, liasse.
(188) Démonstration de la nullité, etc., page 67.
(189) Nous avons sous les yeux un acte notarié assez original, dressé par devant témoins, à la demande du baron de Cortenbach; cet acte rapporte que le baron s'étant présenté au tribunal de la pénitence, dans la chapelle du château de la Rochette, le père récollet Léon de Villers, alors chapelain du château, refusa d'abord de lui donner l'absolution, sous prétexte qu'il persécutait sa tante, et péchait mortellement en agissant de la sorte. Ayant enfin absout le pénitent, le père Léon recommença à haute voix et devant une nombreuse assistance, à le « sermonner ,» au point, dit la pièce notariée, que le seigneur de la Rochette en était tout honteux. Cortenbach furieux, fit acter cette affaire pour pouvoir, s'il le jugeait utile dans la suite, poursuivre en justice le trop hardi chapelain. (Document communiqué par M. Lohest-de Waha).
(190) Démonstration de la nullité, etc., page 54.
(191) État primaire de Liège, reg. 176.
(192) Collégiale de St-Pierre, liasse n° 946.
(193) Conclusions capitulaires du chapitre de St-Lambert,1668-1670, fol. 219.
(194) Démonstration de la nullité etc., page 48.
(195) Démonstration de la nullité,etc., page 45.
(196) Ce passage, tiré du rapport journalier des envoyés, résulte d'une conversation qu'ils eurent avec M. de Pomponne, ambassadeur de France, qui se raillait de l'importance qu'on donnait à cette affaire (Touchant la Rochette et Fléron, 1669).
(197) En 1636, Jean de Ruyschenbergh et son épouse avaient acheté une rente de cinquante écus, représentée par un capital de huit cents écus, dû par la communauté d'Olne. Mme de Plettenberg, en 1668, affecta cette rente à l'entretien d'un chapelain à Forêt, lequel était obligé de célébrer la messe tous les jours de fêtes de la Sainte-Vierge, pour le repos de son âme et de celle de son époux; les dimanches et autres fêtes, pour les fidèles trépassés de la paroisse.
Cette rente ne devait jamais appartenir à la cure de Forêt; les seigneurs de la Rochette devaient toujours rester libres de disposer de cet office et de nommer le chapelain à leur gré.
Le testament daté de 1664 contient différents legs aux Récollets de Bolland, aux pauvres Clarisses et aux Carmélites d'Aix-la-Chapelle, aux Récollets et aux Capucins de cette même ville, à l'abbesse de Munster, et la répartition entre ses parents et amis d'une nombreuse vaisselle d'argent. De trois grands gobelets d'argent, elle demande qu'il soit fait deux calices, dont l'un était destiné à l'église de Forêt.
Elle laissait une somme de cent florins au prieur de Beaufays pour un vitrail, et demandait que ses obsèques fussent célébrées à Forêt, sans pompe; Archives de la Rochette, 1701 à 1726, et Archives du Conseil de fabrique de l'église de Forêt.
Il existe dans les archives susdites, que nous avons pu consulter grâce à l'obligeance de M. le curé de Forêt, un manuscrit, petit in-quarto, intitulé: 1 Livre de la confrerie spirituelle soub la protection de nre Dame, contre les cincq principaux maux de l'âme, etc.,» donné par Mme de Plettenberg,et orné de ses armes.
(198) Collégiale de St-Pierre, liasse.
(199) Id., Id.
(200) Documents communiqués par M. Lohest-de Waha.
(201) Mémoire démonstratif, etc., page 107; LOUVREX, tome IV.
(202) État primaire, reg.176.
(203) Collégiale de St-Pierre, liasse n° 946.
(204) Ibidem ,liasse n° 946.
(205) Collégiale de St-Pierre, liasse n° 946.
(206) Collégiale de St-Pierre, liasse n° 946.
(207) Annuaire de la Noblesse de Belgique, 1854, p. 44.
(208) LE FORT, Arberg; Annuaire de la Noblesse de Belgique.
(209) Etat primaire, touchant la Rochette, n° 176.
(210) BURDO, manuscrit n° 1,152 à l'Université de Liège.
(211) LE FORT, IIIe partie, Arberg.
(212) BODY, Actes notariaux passés à Spa par les étrangers, 1565-1826; Bulletin de l'Institut archéologique, tome XX.
(213) BURDO, manuscrit n° 1,152, à l'Université de Liége.
(214) Aujourd'hui remplacée par la maison de M. Ernest Nagelmackers, au boulevard d'Avroy. Cet arveau partait de la rue St-Remy et débouchait au rivage. GOBERT, Les rues de Liège.
(215) Annuaire de la Noblesse de Belgique, 1877, page 62.
(216) Le baron DE CRASSIER, dans ses Recherches et Dissertations sur l'histoire de la Principauté de Liège, page 464, dit que les Français, après avoir fait sauter la citadelle de Liège, le 31 mai 1676, firent sauter le château de Huy, ainsi que ceux de Stockhem, de Franchimont et de la Rochette. Aucune mention n'en est faite dans les registres tenus par le receveur du château.(Archives de l'État à Liège.) Il mentionne seulement de grands dégâts causés par les troupes françaises, et l'incendie des étables et de quelques dépendances.
(217) Archives de la Rochette, vol. B, n° 7 aux Archives de l'État à Liège.
(218) Archives de la Rochette, vol. B, n° 7.
(219) Ce partage résultait d'une convention antérieure qui avait été résolue pour mettre fin aux contestations qui surgissaient constamment, par suite des empiètements de l'exploitation, située sur les confins des territoires du prince-évêque et du seigneur de la Rochette.
(220) Documents communiqués par M. Lohest-de Waha.
(221) Barthélemy et Octave Massart ou Massaro étaient d'origine italienne et avaient contracté, le 6 mai 1676, un engagement avec Oda de Glen, veuve de Henri de Bonhome, propriétaire de la verrerie d'Avroy. Voir l'article sur l'ancienne verrerie liégeoise, par M. D. VAN DE CASTEELE, publié dans le tome XX du Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, pages 461 et autres. Voir également l'article publié par M. S. sur le même sujet, dans le même Bulletin, tome XVIII, p. 403. Cet article rapporte à la page 384, que le bourgmestre Bounam, ou de Bonhome, s'étant refusé à solder l'octroi ordinaire du chef de sa verrerie, répondit au trésorier général, qui le requérait d'y satisfaire, que l'impôt qu'on lui réclamait étant la contre-partie d'un privilège qui lui avait été accordé, cet impôt n'avait plus aucune raison d'être, puisque le privilège avait disparu, attendu que d'autres verreries avaient été érigées dans le pays. Il citait entre autres celle de la Rochette, dont l'auteur de l'article dit n'avoir trouvé aucune trace.
(222) Archives de la Rochette, vol. B, n° 7.
(223) Archives de la Rochette, vol. B. n° 7.
(224) Archives de la Rochette, vol. B. n° 7.
(225) Archives de la Rochette, vol. B., n° 7.
(226) Ce fut en 1716 que les bourgmestres de Liège, pour marquer leur juridiction à Chaudfontaine, y firent ériger un perron à l'endroit où l'eau chaude jaillissait. En 1747, ils firent construire la grande fontaine que nous voyons encore actuellement; DEL VAUX, Dictionnaire géographique de la province de Liège, tome I, p .92.
(227) Archives de la Rochette, G. 8. Archives de l'État, à Liège.
(228) Annuaire de la Noblesse de Belgique, 1888, page 94.
(229) Archives de la Rochette, G. 8.
(230) Sentence des gens du Roy du 5 août 1717, imprimé, communiqué par M. Lohest-de Waha.
(231) Annuaire de la Noblesse de Belgique, Généalogie de la famille d'Arberg, année 1854.
(232) Annuaire de la Noblesse de Belgique,1854
(233) Le 25 août 1726, il avait donné une concession pour extraire de la houille et « taroule » vers « Géloury, au chemin de la cense de la Béole, et dans le bois de la Faxhe, moyennant un panier sur vingt, comptés à 10 liards le panier, plus 40 fls bbt annuellement par bonnier, à titre de dommages, tant que les bures n'auront pas été comblées.
(234) Registre aux rendages de la Rochette. Archives de l'État, à Liège.
(235) Mémoire démonstratif etc., page 112.
(236) Archives de la Rochette 1765 à 1794; Archives de l'État, à Liège.
(237) État primaire, reg. n° 176.
(238) LE FORT, IIIe partie, Arberg.
(239) Mémoire démonstratif, etc., pages 118, 119 et 120.
(240) Mémoire démonstratif, etc., page 115.
(241) Mémoire démonstratif, etc., page 117.
(242) Communiqué par M. Lohest-de Waha.
(243) État primaire, n° 176.
(244) Jean-Remy de Chestret, avocat et ancien bourgmestre de Liège, fut délégué le 3 juillet 1736 pour rechercher à la cour féodale de Dalhem toutes les pièces qu'on y découvrirait « concernant la souveraineté et la mouvance féodale de la seigneurie de la Rochette ». Le 5 novembre suivant, les bourgmestres du château et de Chestret sont chargés de travailler à un « précis des droits compétents à Son Altesse et à son église sur la Rochette » et d'achever au plus tôt leur information.
(245) Une de ces enfants, Félicité-Charlotte-Honorine, fut baptisée à la Rochette le 2 mai 1779; Registres paroissiaux de Forêt.
(246) Annuaire de la Noblesse de Belgique, 1854.
(247) Rendages de la Rochette, 1765-1794.
(248) Rendages de la Rochette,1765-1794.
En 1726, le passage d'eau de Chaudfontaine, depuis la venne d'Hauster jusqu'à celle de la Rochette, était loué moyennant une rente annuelle de soixante-cinq florins.
En 1729, ce même passage, avec la maison « vis-à-vis la cense de Chaudfontaine », était loué pour douze écus. En 1766, le passage d'eau de Vaux-sous-Chèvremont était loué moyennant neuf florins et demi Brabant. En 1777, celui de la Brouck etait loué moyennant quarante florins Brabant.
Le 18 novembre 1772, un meunier de Chaudfontaine obtint l'autorisation du seigneur de la Rochette, de surélever la digue de son moulin, en payant annuellement, au jour de Saint-Étienne, un chapon de cens, évalué à vingt-cinq sous Brabant. Le meunier payait, en 1734, six florins Brabant en remplacement de la moitié des poissons qu'il devait sur sa pêcherie.
(249) DE THEUX, tome IV. fol. 87.
(250) Rendages de la Rochette, 1765-1794.
(251) Rendages de la Rochette, 1765-1794.
(252) État primaire, touchant la Rochette, n° 177.
(253) Etat primaire, touchant la Rochette, n° 177.
(254) Rendages de la Rochette, 1765-1794.
Cette ordonnance figure en copie dans un registre ayant fait partie des archives de la Rochette; nous avons vainement cherché dans les archives du Conseil privé du prince-évêque l'original de cette pièce, ainsi que la convention du 26 août 1781 dont il est parlé. En désespoir de cause, nous nous sommes adressé à M. Piot , archiviste général du royaume, espérant trouver ces pièces au dépôt de Bruxelles; là aussi les recherches furent vaines, toutes les pièces relatives à cette convention, dont les traces cependant figurent aux répertoires des archives de la chancellerie des Pays-Bas, ont été enlevées par les Autrichiens et n'ont point été restituées au Gouvernement belge. Les archives des Etats du Limbourg sont également muettes sur ce sujet.
(255) DE MARTENS. Recueil des traités d'alliance, de paix, etc.
(256) ERNST, Tableau des suffragants, p. 268 ; DE THEUX, Le Chapitre de Saint-Lambert, t. IV, p. 87.
(257) Fils du stathouder Guillaume V, il devint plus tard roi des Pays-Bas, sous le nom de Guillaume ler.
(258) Correspondance de l'évêque d'Ypres, communiquée par M. Lohest-de Waha .
(259) ERNST, Tableau des suffragants, p. 268.
(260) DE THEUX, Le Chapitre de Saint-Lambert, tome IV, p. 87.
(261) L'homme sans façon, ou Lettres d'un voyageur allant de Paris à Spa, 1786, seconde partie, lettre XXXII.
(262) MALHERBE, Les délices de Chaudfontaine, ou Description de la promenade de Liège, à cet endroit célèbre, 1801.