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LES BELGES

L'origine des Belges

par Jean-Joseph RAEPSAET

L'on sait que les sept Provinces-Unies, la Flandre, le Brabant, le Hainaut, le Namurois, le Limbourg, la Gueldre, le Luxembourg, les Archevêchés de Cologne, Trêves, et Mayence sont reconnus pour Nations d'origine germanique, sous les noms de Bataves, Canniefates, Frisons, Ménapiens, Morins (1), Eburons, Tungres, Taxandres, Ambivarites, Nerviens, Condruses, Paemannes , Caereses, Tréverois, Ubiens, .Attuatiques, etc. Mr Des Roches, dans son Histoire ancienne des Pays-Bas, incline à donner pour Patrie à toutes ces Nations, les îles de la Scandinavie, c'est-à-dire, la Suède, le Danemarck et la Norwége. Je ne partage pas son opinion: il me semble que la Scandinavie et les îles de la Baltique ont été peuplées vers le même temps et de la même manière que les Provinces Beliques susnommées, c'est-à-dire par des peuples sortis des côtes du Pont luxin, connues sous le nom de PALUS MEOTIDES et les PANNONIES, comprenant, ce que l'on a appelé depuis, la petite Tartarie et la grande Hongrie jusqu'au Wolga en Moscovie.

Mon projet n'est pas de rechercher quels sont les peuples qui aient les premiers habité la Belgique. Caesar et Tacite, d'accord avec les autres anciens, rapportent que ce sont les Gaulois qui, dans la suite, en ont été chassés par les Germains; mais quelle était cette Germanie Il y en avait une proprement dite et une autre improprement dite; celle-ci s'étendait depuis le Danube par l'Elbe jusqu'à l'Océan, et remontant la Mer Baltique, se terminait par le Nord au Golfe de Finlande, d'une part, et de l'autre, à l'extrémité de la Laponie; hic suevaie finis. La Germanie proprement dite comprenait les pays situés entre le Rhin, le Danube, l'Elbe et l'Océan ou Mer du Nord; cette distinction est fondée sur la description que Caesar et Tacite nous ont laissée, des pays d'outre Rhin: tantôt ils appellent Germains tous les peuples d'outre-Rhin jusqu'aux Sarmates, et tantôt ils bornent la Germanie aux Suèves, et par conséquent à l'Elbe; ils lui donnent cette première étendue, lorsqu'ils en parlent, pour les distinguer des Gaulois et des Sarmates; et l'autre, lorsqu'ils veulent nous faire connaîtte celles de ces Nations qui, déjà vers le commencement de l'ère commune, avaient es établissemens fixes dans les contrées voisines de la rive droite du Rhin, et qui de là ont çommencé à faire des incursions dans les Gaules ou à repousser celles que les Gaulois entreprenaient de faire dans les pays d'outre­Rhin.

Ce n'est que de cette époque-ci que date la dénomination des GERMAINS (GERMANI); toutes ces Nations trans-rhénanes avaient chacune son nom particulier; mais à ce nom particulier, dit Tacite, l'on à nouvellement ajouté le surnom de Germani (2). L'étymologie de ce nom semble indiquer tout-à-la fois la position topographique et le devoir de ces Nations; il n'en est pas d'autre, suivant moi, que celle de Wermannen, c'est-à-dire, Nations chargées de défendre les frontières du pays. Ut arcerent, dit Tacite, Cap.. 28; car le mot LAND-WER ne signifie dans les Capitulaires, dans nos anciennes Chartes flamandes et dans toute l'Allemagne, que la défense des frontières du pays; et ces mêmes Chartes appellent les conscrits de la Land Wer et des Heervaarten ou Chévancées Weerbaare-mannen; ce qui signifie en flamand hommes capables de défendre, car weeren est défendre (3). Le Rhin faisait la limite frontière entre les Gaules et ces peuples d'outre-Rhin; les plus voisins étaient obligés de défendre cette frontière; ils devaient la défendre contre les incursions des Gaulois (4), et dans la suite, contre les Romains. On a donc ajouté au nom particulier de ces Nations frontières, le surnom de Wer-mannen, peut-être par opposition aux Nations de l'intérieur de la Germanie, que l'on trouve appelées Suève: et que, dans le fait, on appelait peut-être en la langue du pays Suevers ou Swevers, c'est-â-dire, Nations errantes, vagabondes, nomades, tant parce que, suivant les deux pères de l'Histoire Belgique, ils détachaient tous les ans 100 000 hommes pour faire des excursions, que parce qu'ils n'avaient pas de demeures fixes. Sweven, en flamand, signifie, errer, parcourir, vaguer çà et là; aussi ne demeuraient-ils jamais plus d'un an dans le même lieu. Ibid.

C'est donc faute par les Romains d'avoir compris la signification du surnom WERMANNEN, qu'ils ont approprié en général le surnom de GERMAINS à toutes ces Nations Suèves, parce qu'elles étaient liées entre elles et qu'elles avaient les mêmes mœurs.

Caesar et Tacite, après avoir placé les Suèves depuis le Danube par l'Elbe et par les deux côtes de la Baltique, jusqu'en Laponie et dans la Finlande, nous apprennent que tous ces peuples avaient la même langue, la même religion, les mêmes moeurs et les mêmes usages, à quelques différences près, que leur plus ou moins de proximité des Gaulois ou leurs relations avec des Nations civilisées avaient insensiblement fait naître. C'est une cause de différence dans les moeurs de ces peuples, que Caesar fait remarquer souvent. (5) Lé caractère national n'en demeurait pas moins le même, et Caesar regarde si bien ces Nations comme ne formant qu'un seul peuple (6), que sans faire aucune distinction entre les Suèves du Danube et ceux de la Finlande et de la Laponie, il rapporte qu'ils sont tellement habitués aux rigueurs de la saison, que dans les pays les plus froids, ils ne se servent que de quelques petites peaux de rennes pour tout vêtement, et vont presque nus; ce qui ne peut évidemment s'appliquer qu'aux Lapons et au Finlandais, et nullement à ceux du Danube et de l'intérieur de l'Allemagne.

Cependant Tacite regarde ces mêmes Suèves de la Finlande pour une portion des Germains du Rhin, parce qu'ils ont la même langue, la même religion, les mêmes moeurs, habitudes de M. et usages.

Saint-Jérôme rapporte que les Galates de l'Asie parlaient la même langue que les Tréverois, à peu de différence près; mais que cette petite différence n'était que l'effet de la corruption dont toutes les langues se ressentent.

Plutarque (7) nous dit que les Nations qui ont formé le Deluge Cimbrique, 110 à 112 ans avant J.-C., n'étaient connues de personne, et que personne ne savait d'où elles étaient venues; cependant, que l'on croyait à leur haute taille et à leurs yeux bleus, qu'elles venaient de la Mer Baltique; qu'on le croyait d'autant plus, que les Germains eux- memes appellent les Cirnbres VOLEURS. Il en est qui prtendent, ajoute-t-il, que la CELTIQUE s'étend en long depuis l'Océan et la Mer Baltique jusqu'au lac de Méotis, et en large, vers la Scythie du Pont-Euxin; que c'est de-là que toutes ces differentes Nations sont venues, non pas toutes à la fois et par une marche non interrompue, mais successivement et d'année en année; qu'ainsi se mettant en marche annuellement au printemps, elles ont parcouru tout le Continent de l'Europe;. et bien que chacune porte un nom particulier, toutes, sous un nom commun, s'appelaient l'armée des Celto­Scytes. (8).

Plutarque parle de leurs incursions en Europe: Diodore de Sicile parle de leurs incursions, encore plus anciennes, en Asie. « Ceux des Cimbres, dit-il, qui sont le plus au nord et voisins de la Scythie, sont si féroces qu'ils passent pour des antropophages; leur force militaire et leur humeur sauvage sont si connues, qu'il y en a qui croient que ce sont les mêmes qui, anciennement, ont dévasté toute l'Asie sous le nom de Cimmeriens, et que, par corruption du nom, on appelle CIMBRES; de tous les temps, ils ont passé pour voleurs, ils pillent et dévastent les terres des autres peuples; ce sont ceux-ci qui ont pris Rome. (9)

Les HUNS, suivant Grégoire de Tours, étaient aussi venus de la Pannonie. (10)

Les ALAINS étaient anciennement une Nation très-puissante, et demeuraient au-dessus des sources de la rivière de JAIK, qui est l'est du Wolga, lequel prend sa source en Moscovie et se jette dans la Mer Caspienne; plusieurs autres Nations leur étaient soumises, telles que les NEURI, VIDINI, GELONES, AGATHYRSES; et toutes ces Nations portaient en commun le nom de HUNS; les ALAINS étaient confondus avec elles, et elles s'étendaient depuis les plaines de la Sarmatie et les Palus­Méotides, jusqu'aux montagnes voisines de l'Inde et du Gange. Les liaisons entre toutes les Nations de ce peuple Huns étaient si étroites, que tous les autres peuples ne les considéraient que comme une et la même Nation; les Chinois les confondaient même.

Les VANDALES ou WANDALES étaient, suivant Procope, également originaires des Palus-Méotides (11), et cependant dans le cours du premier siècle, Tacite compte une Nation de VANDALES entre les Germains établis d'ancienneté sur le Rhin. (12)

Il place une Nation de OSI sur les confins de la Bohême et de la Moravie, et il rapporte qu'ils parlaient la langue pannonienne (3); qu'ils avaient les mêmes mœurs et les mêmes usages que les Pannoniens. Au-delà des Osi, il place encore un grand nombre de Nations sur les rives du Danube, et il rapporte que les MARSlGNI et les BURII parlent la même langue et ont les mêmes moeurs et usages que les Suèves.

Au cinquième siècle , Grégoire de Tours rapporte que, suivant la tradition commune, les FRANCS étaient originaires de la Pannonie, et que premièrement, avant d'entrer dans les Gaules, ils avaient demeuré sur les bords du là Rhin.

Strabon , écrivain du premier siècle, rapporte que les Belges sont encore en tout semblables aux Germains, auxquels ils sont limitrophes, pour n'en être séparés que par le Rhin. (14)

Enfin , Pomponius-Mela prétend que les BELGES descendent de ces peuples, qui, trois siècles avant J.-C. , demeuraient entre le Danube et la Norwège.

Voilà donc, en résultat, des peuples en Asie, sur la Mer Noire, dans la grande Hongrie, en Livonie, en Finlande, en Laponie, en Suède, en Norvège, en Danemarck, sur les côtes et dans,les îles de la Baltique, sur le Danube et sur le Rhin, qui parlent la même langue et qui ont les mêmes moeurs, les mêmes habitudes et les mêmes usages que les Germains, suivant les témoignages réunis de tous ces anciens écrivains. Si c'en est ainsi, comme les Belges d'à présent sont presque tous issus des Germains, il est permis d'en conclure qu'ils ont aussi la même origine. C'est ce que je me propose d'examiner.

J'aurai résolu le probléme si je parviens à établir:

1.° Que toutes ces Nations ont anciennement, et à une époque d'antiquité indéterminée, demeuré dans la Pannonie ou grande Hongrie qu'arrose le Wolga, dans la petite Tartarie ou Palus-Méotides, et sur les côtes du Pont­Euxin ou Mer Noire; que, d'une part, leurs guerres continuelles avec les Tartares orientaux et les Chinois, et, d'autre part, la stérilité de ces régions encore à demi-désertes, ont donné lieu à des transmigrations nationales dont les unes se sont portées vers le nord, d'autres vers le couchant, et d'autres enfin vers l'Asie;

2 ° Que celles de ces transmigrations qui concernent principalement notre objet, se sont faites par le Nieper et la Dwina, vers la Mer Baltique;

3.° Qu'arrivées à l'embouchure de la Dwina dans la Mer Baltique, elles se sont répandues les unes au nord dans la Livonie et l'Estonie jusqu'au golfe de Finlande; d'autres dans les îles de la Baltique, et de là dans la Suède, la Norwège et la Laponie; et les autres, en longeant les côtes occidentales de la même Mer, et sans s'en écarter, sont venues jusqu'à l'Oder; que de là elles se sont répandues, sous le nom commun de SUÈVES jusqu'au Danube, d'un coté, et de l'autre, sur toute la côte de la Baltique en Danemarck, jusqu'au Rhin, et enfin dans la Belgique, la Hollande et la Frise;

4° A l'appui de cette origine commune, j'établirai l'identité de leur langue, de leurs moeurs et de leurs usages avec ceux des Belges;

5.° Enfin, je la confirmerai par l'identité des noms des lieux qu'elles ont progressivement donné à leurs établissements jusque dans les Pays-Bas


§ I


L'on voit assez par les textes de tous ces anciens historiens, que, par une tradition constante parvenue jusqu'à eux, toutes ces Nations Germaniques étaient réputées d'être sorties de la Pannonie et des Palus-Méotides, j'entends des regions voisines de la Mer Noire; mais ce n'était là qu'une tradition, qu'ils pouvaient d'autant moins vérifier, que le Nord était à peine connu aux Romains à cette époque. Caesar et Tacite doivent cependant avoir eu quelques notions de la Laponie et de la Finlande, puisqu'ils étendent la Suévie jusque-là et qu'ils rapportent qu'à la férocité près, ces Suèves ont les mêmes moeurs, les mêmes usages, et parlent la même langue que les Suèves du Danube et les Germains. La Pannonie et le Pont-Euxin étaient connus des Romains et ont été illustrés par l'exil d'Ovide; de là Tacite a pû juger de la conformité de la langue des Osi avec celle des Aravisques de la Pannonie; mais tout en entrevoyant cette analogie et cette conformité entre ces Nations du Pont-Euxin et les Germains, il ne concevait pas comment elles s'étaient établies à une aussi immense distance. Tacite suppose bien qu'il doit y avoir eu une transmigration, soit des Osi en Pannonie, soit des Aravisques en Germanie; mais il n'ose pas l'assurer, incertum est: elle eût été, en tout cas, plus possible à une seule peuplade, et plus aisée, puisqu'ils demeuraient sur les confins de la Moravie et de la Bohême; mais que ces innombrables Nations des Germains et des Suèves ne formassent que des colonies ou des peuples venus d'ailleurs, c'est ce qui lui parût tout-à-fait invraisemblable. « Eh quoi! dit-il, de tous les temps, les transmigrations se sont faites par mer et non pas par terre; et comment ces Nations eussent­elles pu y aborder par mer, tandis que rarement aucun de nos vaisseaux ait osé entreprendre d'entrer dans cet océan aussi immense que dangereux? Et alors même qu'on n'en eût pas été détourné par le danger de parcourir une mer horrible et inçonnue, quel appats eût pu présenter la Germanie, pour abandonner l'Asie, l'Afrique et l'Italie? Quel est l'homme, si ce n'est pas sa patrie, qui pourrait se résoudre à aller s'établir dans un pays aussi laid, aussi froid, aussi triste et inculte? Je pense donc que les Germains forment un peuple indigène, sans mélange d'aucun autre peuple et même sans mélange de familles étrangères. »

Aussi, et d'après cette opinion, Tacite ne fait descendre les Nations qui ont formé le Déluge Cimbrique, que des environs du Holstein. Ainsi la tradition existait, mais on la crut peu vraisemblable. Mais ce qui n'était que tradition alors est aujourd'hui une vérité démontrée, notamment par M de Guignes, de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, en son Histoire générale des Huns, des Turcs, des Mogols et des autres Tartares-occidentaux, &c.

Il y prouve que les Cimbres étaient des Huns aussi anciens que Ies Chinois; que l'établissement de leur Empire datait d'environ 1230 ans avant J-C; qu'ils étaient connus en Chine sous le nom de Chan rong ou Barbares des Montagnes; qu'ils formaient un peuple composé de plusieurs Nations particulières, lesquelles, dans la suite, nous ont été connues tous les noms de Huns, Alains, Vandales, Turcs, Mogols, Hongrois, Tartares; que ces dénominations mêmes désignaient, en quelque façon, des peuples particuliers, et comprenaient sous ce nom commun plusieurs autres Nations, ainsi que nous avons déjà remarqué, d'après lui, que, sous le nom d'Alains, étaient compris les Neuri, Vidini, etc.; que les Tartares étaient divisés en orientaux et occidentaux; que ceux­là surtout ont dévasté, pendant des siècles, la Chine, et que leurs incursions continuelles ont donné occasion à la construction de la muraille de la Chine si connue; qu'après avoir été, à la longue, vaincus et chassés par les Chinois, les Tartares orientaux sont venus attaquer les occidentaux sur les côtes de la Mer Noire, et qu'après bien des guerres, ceux-ci ont succombé; que les vainqueurs et les vaincus, tous peuples nomades, ne pouvant subsister ensemble dans des contrées aussi stériles, et les vaincus, trop attachés à la liberté, ne voulant pas se soumettre aux vainqueurs, se sont retirés, les uns au nord vers le Wolga en Pannonie, les autres au couchant vers le Danube, et d'autres encore vers le midi et jusqu'aux Montagnes de l'Inde et les sources du Gange.

Quoique ces transmigrations aient été successives, Pomponius Mela fixe la grande transmigration à trois siècles avant J.-C., et cette époque, toute incertaine qu'elle soit, coincide assez bien avec celle de 210 ans avant J.-C., à laquelle M. de Guignes fixe l'époque des plus grandes guerres entre les Huns (qui étaient aussi Tartares) et les Chinois.

Ainsi se vérifie la tradition de Diodore de Sicile, que ces Scythes, sous le nom commun de Cimmeriens, avaient anciennement dévasté l'Asie, savoir, la Chine.

Ainsi de meme se vérifient tous les points de la tradition de Plutarque, qui proroge la Celtique jusqu'au Pont-Euxin, compose tout ce peuple de différentes Nations, ayant chacune son nom propre, et fait softir de là ces Cimbres, qui, après avoir erré sur tout le Continent de l'Europe, sont venus enfin prendre Rome.

Ainsi encore se vérifie ce qu'a dit Procope des Vandales: qu'ayant été chassés des Palus­Méotides ou Mer d'Asov, par la famine, ils sont venus s'établir chez les Germains du Rhin appelés Francs.

C'est aussi sur les mêmes motifs que Tacite fonde la présomption de la transmigration des Osi de la Germanie en Pannonie ou de la Pannonie en Germanie, savoir: l'amour de la liberté et le désir de trouver des contrees plus fertiles: « qua pari olim inopia ac libertate, eadem utriusque ripaebona malaque erant. » Les mêmes besoins ont continué de subsister et de provoquer succesivement des trans migrations nouvelles; çar lorsque CANDICH,chef de l'ambassade des Aware:, proposa une alliance à l'empereur Justinien I, en 558, il lui dit qu'ils ne demandaient pour toute condition que de leur abandonner une region fertile, quelques présents et des pensions.

Enfin, c'est ainsi que se conçoit commen., au rapport de St.Jérôme, les Galates parlaient la même langue que les Tréverois, attendu que la Galathie est située à l'orient de la Mer Noire et non loin de là, et que les Tréverois, en tant qu'issus des Germains, avaient une origine commune avec les Galates.

Ajoutons à tout cela que, suivant le baron de Puffendorf, dans son Histoire de Suede, et suivant M. Des Roches, Avocat général du Roi T.-C., dans son Histoire du Danemarck, toutes les anciennes Annales et Chroniques de ces deux peuples, en remontant jusqu'aux temps fabuleux, les font descendre des Cimbres venus du Pont Euxin, et que dfférents lieux y conservent encore le surnom de Cimbrisch ou Cimbrique. Cette opinion de ces anciens annalistes et chroniqueurs Suédois et Danois ne peut pas leur avoir été suggérée par les Romains, qui n'ont jamais pénétré dans ces deux pays; c'est donc un récit qui repose sur la tradition, devenue fabuleuse dans ses parties par l'effet de son antiquité même, et souvent, suivant la remarque judicieuse de M de Puffendorf, par les expressions allégoriques et figurées dont se sont servis les poëtes et les prétres payens dans leurs chansons, qui, chez ces peuples, au rapport de Caesar et Tacite, ont été leurs premiers historiens. Le fond du récit n'en est pas pour cela moins vrai ni moins respectable.

L'on peut donc regarder comme démontrée la tradition qui subsistait chez les Romains du premier siècle de l'ère chrétienne, et qui s'est maintenue depuis, que les Germains et les Suèves, ou, en d'autres termes, les Germains improprement dits, sont en général originaires de la petite Tartarie ou côtes de la Mer Noire.


§ II


Nous venons de voir, qu'obligés de chercher de nouvelles contrées plus libres et plus fertiles, les uns se sont répandus vers le Nord en Pannonie, les autres au Couchant. vers le Danube, et d'autres enfin vers le Midi et les indes.

Je n'ai à m'occuper que des premiers, puisque l'ancienne tradition faisait descendre les Germains proprement dits de la. Pannonie, et la suite va le justier.

Loraqu'on entreprend la découverte de pays inconnus, soit dans la vue de s'y fixer, soit dans celle de les connaître, la boussole la plus sure, est le cours des grands fleuves; encore aujourd'hui, tous les voyageurs qui entreprennent des découvertes en Afrique et en Amérique se guident par le cours des grands fleuves, parce que leurs rives sont les plus habitées et offrent le plus de ressources. Si dans la transmigration des peuples de la petite Tartarie ou, Tartares occidentaux, les uns ont pris le Danube, d'autres le Pont-Euxin pour boussole, ceux qui se sont jetés au nord vers la Pannonie n'en avaient d'autres à suivre que le NIEPER, lequel, en les guidant jusqu'à sa source, les conduisait jusqu'à Smolensko en Moscovie; mais n'y trouvant pas des terres plus fertiles, et rencontrant cependant à quelques lieues de là les sources de la DWINA, dont le cours opposé leur indiquait une Mer inconnue au Couchant, et leur traçait une route vers un climat plus doux et plus fertile, ils n'ont pas pu hésiter de descendre ce fleuve, qui les a conduits, par les extrémités du grand Duché de Lihuanie et par les confins de la Livonie et de la Courlande, au Golfe de Riga: où il tombe dans la Mer Baltique.

Parvenus à la Baltique, quelques-uns se sont établis dans la Livonie et l'Etonie, jusqu'au Golf de Finlande, d'où ils se sont répandus des deux côtés du Golfe et peut-être par la Finlande jusqu'en Laponie, si tant est que d'autres n'y soient entrés par la Suède; d'autres, et notamment le gros des Goths et des Alains, ont traversé la Mer pour s'établir en Suède; les troisièmes, enfin, ont côtoyé la Mer Baltique par la Courlande, la Samogitie, la Prusse ducale et la Poméranie, jusqu'à l'embouchure de l'Oder; mais arrivés à ce fleuve, ils se sont répandus, d'un côté, dans l'Allemagne jusqu'au Danube, sans entrer en Pologne, et, de l'autre côté, ils se sont étendus jusqu'au Rhin et à l'Océan, sous les noms particuliers de leur Nation respective de MARSES, QUADES, SAXONS, CATTES, FRISONS, etc. etc. d'où ils se sont successivement établis dans la Belgique comme les Cattes, au rapport de Tacite, sont venus s'établir dans l'ile des Bataves.

Cette transmigration des Cattes, de la Germanie dans l'île des Bataves entre le Rhin et la Meuse, nous fournit une remarque qu'il importera d'avoir constamment devant les yeux: c'est que les Cattes qui sont venus s'établir dans l'île ne comprenaient pas toute la Nation des Cattes; ce n'en était qu'une partie (PARS), qui, à la suite d'une sédition domestique, s'était détachée de l'autre et y était venue former un établissement particulier (15) Quelquefois toute une Nation abandonnait ses demeures, lorsqu'elle était continuellement inquiétée par ses voisins, et elle allait en chercher de nouvelles où elle pût cultiver ses champs en paix, comme le firent les Usepètes et les Tenchtres, qui passèrent le Rhin, parce qu'ils étaient toujours tracassés par les Suèves. Il est inutile d'apporter d'autres exemples, puisqu'on en trouve plusieurs dans Caesar et Tacite: n'ayant pour toute richesse que leurs troupeaux, le plus ou moins de fertilité des terres à partager, et l'inègalité des partages devaient nécessairement faire naître des dissentions et entraîner des scissions; mais si ces animosités subsistaient encore, lorsque déjà ils avaient pris des établissernents fixes en Allemagne et sur le Rhin, on ne peut se dispenser de croire que les mêmes querelles aient eu lieu dans le long cours de leur transmigration du Pont-Euxin à la Baltique; par suite, que les plus forts ont chassé ou subjugué les plus faibles, et que souvent une même Nation s'est vue partagée en factions, qui, sous des chefs particuliers, se sont séparées de la masse; factions que Caesar, en entrant dans la Belgique, a trouvé encore subsistantes, et dont il s'est prévalu.

Revenons à notre sujet: cette marche du Pont-Euxin à la Mer Baltique, et puis cette distribution d'établissements ne se présentent d'abord que sous l'aspect d'une possibilité probable. Essayons maintenant de leur donner toute la certitude qu'il semble permis d'exiger raisonnablement dans la discussion d'un point d'une si haute antiquité. je me réserve, comme on a déjà vu par la distribution de mon sujet, de parler dans une section particulière de la conformité de la langue des Tartares avec celle des Flamands; cependant je dois anticiper ce point par un seul exemple, puisque c'est par les noms des lieux situés sur les rives du Nieper et de la Dwina que je dois constater la route que ces peuples ont suivie dans leur transmigration.

L'Ambassadeur de Busbeke, Seigneur de Busbeke près de Menin en Flandre, homme très savant, fut envoyé, de la part de la Cour de Vienne, en ambassade à Constantinople, vers la fin du 17e siècle: ayant toujours entendu dire que les Tartares de la Crimée parlaient la même langue, avaient les mêmes moeurs, la même physionomie et la même tenue que les Bas-Allemands ou Belges, il trouva l'occasion d'en inviter un à diner, et (16) voici ce qu'il en rapporte: « Il était de haute taille et toute sa physionomie annonçait une simplicité ingénue, de sorte qu'on l'eut pris pour un Flamand ou Hollandais; cette Nation est belliqueuse; elle n'a pas de livres; il préposait â tous ces mots l'article tho ou thé: il prononçait brod, pain; huys, maison; stal, écurie; wingaert, vignoble ; regen, pluie; silver, argent; kern, blé; fich, poisson; hoot, tête; oogen, yeux; stern, étoiles ; zon, soleil; maen, lune; wagen, chariot; appel, pomme; komen, venir; singen, chanter. » La langue des petits Tartares avait donc, sinon une parfaite identité, au moins une grande conformité avec le bas-allemand ou la langue flamande.

D'après cela, si ces peuples, dans leur transmigration de la Mer Noire, ont suivi le cours du Nieper et de la Dwina, nous devons rencontrer encore, le long de ces fleuves, les lieux de leur séjour appelés d'un nom qui annonce des traces d'une dénomination flamande. Ceci paraît d'autant plus naturel, que traversant des pays inconnus et la plupart déserts, et ne les passant que progressivement, non uno impetu, dans le cours de plusieurs siècles, ils ont dû nécessairement donner un nom aux établissemens plus ou moins fixes qu'ils formaient. Cette mesure était d'autant plus indispensable, que ces Nations, peu d'accord et jalouses entre elles, aimaient tellement de s'isoler, que les individus mêmes ne souffraient pas de voisinage, et que chacun plaçait sa chaumière suivant son bon plaisir, près d'une source d'eau vive ou près d'un bosquet. Cependant les relations indispensables tant avec les Nations voisines que de chacune avec se Sections, exigeaient impérieusement des dénominations topographiques; et quelles autres eussent-elles pu donner à leurs étblissements, que celles que nous rencontrons dans nos pays avant la naissance des Comtés et Seigneuries héréditaires? La généralité d'un pays, appelée aujourd'hui Province, Duché, Comté, était appelée Go, Gau, Gauw, et en, y préposant soit le nom de la rivière qui arrosait ce pays, ou tout autre nom distinctif quelconque, on déterminait la topographie de ce pays, comme Hennes-gauw, Bris-gau, Ooster-go, Wester­go, etc. Il en était de même de nos villages d'aujourd'hui: avant la naissance de la féodalité, ils formaient une universalité de fonds appartenant en propriété à un propriétaire, et dispersés comme le sont encore nos propriétés; ce propriétaire habitait une Ferme dont toutes ses terres dépendaient, et exerçait sur tous les serfs et les hommes qui les exploitaient une justice domestique ou correctionnelle; la justice civile, qui était royale, fut usurpée dans la suite par ces propriétaires qui se l'approprièrent sur l'universalité de leurs possessions; de là les Seigneuries et les enclaves: mais cette Ferme habitée par le propriétaire, que les Capitulaires et les Lois saliques appellent en latin VILLA CAPITANEA, VILLA INDOMINICATA, et que nos vieilles Chartes latines appellent HOBA, HOVA ou HOWA, s'appelait et s'appelle encore en flamand HOF, HOVE; la demeure même s'appelait HEM ou HElM; en y préposant, donc le nom du propriétaire, l'on désignait l'universalité des dépendances de la Ferme, comme l'on désigne encore aujourd'hui, par le même nom, le même village: il serait superflu d'en rapporter ici des preuves; le nombre des villages dans les Pays­Bas et en Allenagne, dont les noms se terminent en hof, hove, hem, est infini.

Mais il y avait des lieux qui ne dépendaient pas d'une VILLA ou Ferme, et qui étaient habités par des hommes libres ou des hôtes (HOSPITES); ce sont ces lieux, à mon avis, qu'on appelait Lo et Loo, dont les noms se conservent encore dans Lo, ville dans la West-Flandre; dans TESSENDER-LO, VEN-LO, WESTER-LO, etc. etc.

Nous avons, enfin, encore une autre dénomination topographique dans le mot Roede, telle que la Roede de Thielt, la Roede de Deynze, la Roede de Menin en Flandre: j'ignore si ce nom est aussi ancien que ceux que je viens d'avoir indiqués, mais au moins il est connu chez les Anglais sous le nom de Rodd, et il y signifie, comme chez nous, une circonscription de justice et d'administration; ce qui me fait croire que le mot Gau, Go, Gow ou Gauw signifiait, anciennement, la circonscription territoriale du pays, et les mots Rod et Roede la circonscription politique et civile.

Voyons maintenant si les lieux qui bordent le Nieper et la Dwina conservent encore des traces de ces terminaisons?

Or, en remontant le Nieper, nous trouvons d'abord à son embouchure la ville d'OCKSAKOW située au confluent du BOG, et, suivant la carte de la Pologne, par Jaillot, Ocksakow s'appelle en langue du pays Dziarkimerzda, ce qui me semble assez signifier Dziarkimonda, en flamand Dziarkimonde, embouchure du Dziark ou Bog; c'est ainsi que nous appelons encore toutes nos villes situées à l'embouchure des rivières, comme DENDERMONDE, ROERMONDE, RUPPELMONDE; ensuite se présentent KIOW, capitale de l'Ucraine; CZERNI­HOW, capitale d'un Duché de ce nom; et puis MEISLAW, capitale du Palatinat du même nom: tous ces noms, en les décomposant par leur dernière syllabe ow et aw, annoncent une signification originaire de PAYS de KI, de CZERNI et de MEISL, comme ces villes sont effectivement encore les capitales du pays de leur nom.

II en est de même des noms particuliers des villages qui bordent le Nieper; on y trouve KRYLOF, KANIOW, RYSZOW, etc., et dans la carte de la grande Russie, par Homann, ces noms de villages particuliers sont presque tous terminés par HOF et OF au lieu de OW, tandis cependant qu'il conserve la terminaison en OW et AW pour les villes capitales de district, tels que KIEUW, TSCHERNIGOW, MSCYSLAW; ce qui indique de sa part la distinction entre GO ou GAW et entre OF ou HOF que nous avons fait remarquer ci-dessus, d'après les anciennes Chartes flamandes entre PAYS et VILLE ou VILLAGE.

La même carte de Homann nous offre ensuite, ainsi que celle de Jeannot, un grand nombre de lieux dont les noms se terminent en ROD; et si ce mot, d'après ma conjecture, signifie la circonscription politique et civile d'un pays, d'un pagus que Tacite et Caesar appellent CIvITAS, que dira-t-on de BELGOROD à l'embouchure du Niester dans la Mer Noire? serait-ce le PAYS ou CIVITAS BELGARUM, DE ROEDE VAN DE BELGEN? Mais laissons-Ià cette conjecture, qui aurait besoin, pour son développement, des preuves qui nous manquent, bien qu'elle soit appuyée par Pomponius-Mela, écrivain du premier siècle, qui dit que les terres septentrionales de l'Europe, depuis la région des Sarmates jusqu'à la Mer qui baigne les côtes de la Norvège, étaient habitées par des peuples Scythes, connus sous le nom de BELCAS. Scyrhiae populi incolunt; ferè omnes in unum BELCAE appellantur.

Il ne parait pas que dans leur transmigration ils se soient fort éloignés des rives du Nieper; car d'un côté, les hautes montagnes de la Moldavie et de la Pologne, et, de l'autre, celles de la Taurie et des pays aujourd'hui habités par les Cosaques, aussi des anciens Tartares, ne pouvaient pas offrir à des peuples vaincus, chassés et cherchant des terres plus fertiles, des appas pour y pénétrer, ni un asile assuré contre la poursuite des Tartares orientaux, leurs vainqueurs et leurs ennemis.

Comme je n'écris pas en esprit de système, mais uniquement pour coopérer aux recherches d'un point si intéressant pour l'histoire de ma patrie, je n'attache pas plus de prix à ces apparences qu'elles ne méritent; je conviens sans peine qu'elles n'en acquerront un quelconque que par l'ensemble des preuves, et surtout par les preuves de conformité de langue, de moeurs et d'usages, et par l'identité des noms de leurs demeures successives, à fur­et-mesure qu'ils avançaient.

Toutefois, passant de la source du Nieper à la source de la Dwina, nous trouvons, en la descendant sur les confins de la Lithuanie et de la Livonie, dans la principauté de Pleskow, un canton nommé Quadasow, qui me paraît signifier, sans faire aucune violence au mot, pays des Quades, peuple reconnu parmi les Germains du Rhin. En effet, il paraît qu'en partant des sources de la Dwina, ces peuples se sont peu enfoncés dans la Lithuanie, mais qu'ils ont pris leur route entre la rive droite de la Dwina et le lac de Pleskow, pour entrer en Livonie et en Courlande; c'est au moins dans cet espace que l'on trouve beaucoup plus de lieux dont les noms se terminent en OW, OF et ROD, comme sur le Nieper, qu'on n'en trouve sur la rive gauche de la Dwina en Lithuanie.

Une autre remarque qui ne semble pas plus indifférente est, qu'à fur-et-mesure qu'on s'approche de la Livonie, les noms des lieux terminés en OF, ow et ROD diminuent sensiblement en nombre; et déjà même dans la Principauté de Pleskow, nous trouvons FIEBURG; mais dès les premiers pas que l'on fait dans la Livonie, la terminaison de tous les noms des liéux change; tous les noms sont absolument flamands, ils se terminent par BURGH (bourg), comme MARIENBURG, DUNEBURG, CREUTSBURG, etc.; par dorp, comme PAPENDORP, RUSDORP; par hem, comme UTTELSEM; par hof, comme JUNFERHOF, OSTENHOF, ADELENFHOF, BYENHOF; par rode, comme ASKERODE; par hausen et huse, comme MARIENHAUSEN, KAKENHAUSE, NYENHUSEN; si les lieux sont situés sur une montagne, leur nom se termine par berg, comme ROMELBERG, STAKELBERG; un bourg est-il-situe sur un lac, il s'appelle SWANEBURG (bourg des Cygnes); les chemins s'y appellent WEGEN, comme SEXWEGEN; les lacs, SEE, comme LUBANSSEE; les marais, MOERAS, comme SURATE-MOERAS, RAMIKA-MOERAS; les ruisseaux, BEKE; comme RUSSCHEBEKE; les embouchures des rivières, MUND, comme DUNEMUND et ANGERMUND; les dégorgements des lacs, KAYLA, KYLE, en flamand KEELE, comme PALAKILA, PODERKYL, et en Esthonie, SALAKYLE; les bois, WOLD, HOLT, comme SEGEWOLD, BUCHOLT; enfin, nous avons trouvé près de Plescow le QUADASOW ou pays des Quades; un peu plus bas vers la Dwine, entre Caltzenow et Laudon, on trouve un lieu, nommé MARSEN; et plus haut, sur les confins de la Livonie et de I'Esthonie, sur la Leddow, on trouve SALIS et RUGEN, tous peuples germaniques qui se trouvent établis, depuis, aux embouchures du Rhin, sous les noms de MARSI et SALII et sous celui de RUGII dans l'île de RUGEN en Poméranie, sur la côte de la Baltique.

Mais ce changement subit de la terminaison de tous les noms des lieux, dès l'instant que de la Lithuaie l'on entre dans la Livonie, la Courlande et la Sémigalle, au lieu d'appuyer notre opinion, ne semble-t-il pas plutôt l'affaiblir? n'indique-t-il pas un autre peule qui n'a rien de commun avec celui qui demeurait dans les parties supérieures, de la Dwina? non; et la raison en est bien sensible, quand on compare les diverses situations de ces peuples dans leurs contrées sur les bords de la Mer Noire et dans le cours de leur trapsmigration, avec celle dans les pays fertiles de la Livonie. -

Tant qu'ils vécurent dans leurs premières demeures, ils n'avaient pour toute richesse que des nombreux troupeaux; ils vivaient sous des tentes posées sur des chariots , et se portaient, suivant les saisons, ou dans, les plaines ou sur les montagnes les plus propres pour la nourriture de leurs bestiaux. Cependant chaque Nation avait une étendue de pays circonscrite, et ces déplacements ne se faisaient que dans ce cercle, dont ils n'eussent pu sortir sans usurper sur les terres de la Nation voisine. Chaque Nation était subdivisée, en Sections,et les Sections en cantons ou familles; il semble même que les subdivisions se faisaient sur un nombre décimal, puisqu'ils étaient divissés par dixaines dans leurs courses: les chefs partageaient les terres à cultiver, et chaque famille cultivait celles qui lui étaient échues en partage: cette idée répand un grand jour sur le texte de Tacite.

Si cette manière de vivre, et que suivent encore les Tartares, à cause de la stérilité du sol, était commandée par le besoin, elle aura été bien plus indispensable dans le cours de leurs transmigrations;. ils n'ont donc eu jusqu'alors besoin d'autre division topographique, que du gow, gau, go, gaw ou pays que chaque Nation occupait pour faire paître ses troupeaux; que de la rod ou rode assignée par les chefs à chaque Section pour le cantonnement de ses demeures et le ressort de jurisdiction; et de l'of pour la portion des terres assignée à chaque famille pour sa subsistance; car ils ne pouvaient pas déterminer leurs cantonnements par bourgs; ils n'en avaient pas: ils ne pouvaient déterminer leur demeure par des noms empruntés d'un bois, d'un marais, d'une montagne, ou par une autre dérivation locale; ils n'en avaient pas de fixes: l'hiver, ils se réfugiaient dans les vallées; l'été, sur les montagnes, et, à chaque fois, le sort ou les chefs donnaient à chaque famille un autre lot; ainsi dans leurs relations et dans l'état de leurs demeures mobiles, on ne pouvait pas dire: une telle famille demeure au Stakelbergh, au Byenhof, etc.; si elle y avait sa demeure cet été, l'hiver prochain elle en avait une autre, et l'été ensuite encore une nouvelle, puisqu'ils parcouraient leur gow ou pays en cercle pour laisser reposer leurs terres, faute de connaître la méthode de les enfumer. Mais ayant abandonné leur patrie stérile pour en chercher une fertile, et l'ayant trouvée, après des siécles, sur les bords de la Baltique dans la Livonie, leur but était atteint; il ne s'agissait plus d'errer, il s'agissait de s'y fixer, de se partager les terres et les pâturages qu'on trouvait sous la main, ét de s'associer par bourgs pour garantir ses propriétés contre l'invasion de nouvelles hordes et même contre ses voisins, que leur penchant national portait à faire des incursions sur les terres des autres pour les piller; c'est pourquoi lorsque je parle ici de cette distribution de terres, de cette subdivision, de propriétés et de l'établissement de ces bourgs, je ne prétends pas que toutes ces mesures aient été prises des les premières années de leur arrivée en Livonie rappelons-nous toujours que ces transmigrations ne se sont pas faites, comme le dit Plutarque, uno impetu, toutes à la fois, mais qu'elles se sont succédées pendant des siècles; et qu'ainsi le même besoin qui a commandé ces mesures à tous les peuples qui sont passés de l'état de barbarie à l'état policé, les a dictées à ces Nations pannoniennes, dès qu'à la longue elles eurent appris que les établissements, qu'elles avaient enfin trouvés sur les bords de la Mer Baltique ne pouvaient être ni stables ni paisibles, aussi longtemps qu'elles ne se seraient pas constituées en société.

Maintenant l'on peut juger d'après ce que les anciens nous ont appris du Déluge Cimbrique et de toutes les incursions et dévastations, que les Gaules et tout le reste de l'Europe ont éprouvé dans les neuf siècles suivants de la part dé ces Nations, combien elles devaient-être nombreuses; et puisqu'elles se sont succédées toutes avec le projet de s'établir dans des pays plus-fertiles, nous concevons sans peine que les premières n'ont pas pu toutes ensemble s'établir à l'embouchure de la Dwina sur les côtes du Golfe de Riga; que. de nouvelles transmigrations ont dû lutter contre celles-là ou les chasser en avant, pour l'être, à leur tour, par des transmigrations subséquentes, et qu'ainsi les unes et les autres ont nécessairement dû ou s'avancer vers le Rhin ou se jetter de côté, soit dans la Finlande, soit dans la Suède; soit enfin dans l'intérieur de l'Allemagne.

Ce n'est pas là une conjecture: Caesar et Tacite nous apprennent assez comment les unes chassaient encore de leur temps les autres; et l'exemple des CATTES prouve que même une partie d'une Nation obligeait l'autre à chercher d'autres demeures. Nous retrouverons tantôt ces peuples dans la Finlande, la Lapponie et la Suéde; mais il importe de suivre, de préférence, ceux qui, en longeant les côtes de la Baltique, se sont portés vers le Rhin et vers le Danube.

A la gauche de la Dwina se trouvent la Courlande et la Semigalle; tous les noms y sont flamands: SELBURG sur la Dwina, ANGERMUND sur la Mer, SACKENHAUSEN; NEUWBURG, etc. Le nom même du Duché de Courlande en est peut-être la preuve la plus apparente, puisqu'un flamand ne se refusera guère d'apercevoir KEURLANDE ou KORLANDE dans CURLANDE, de KOREN, KEUREN, l'u se prononçant. encore en Allemagne par o, et désignant ainsi une TERRE CHOISIE, ELUE, après l'avoir cherchée si longtemps; on écrit même indifféremment COURLANDE et CURLANDE.

Il ne paraît pas qu'ils se soient répandus dans la Samogithie; les bois et le défaut de rivières qui pûssent les conduire de la Mer dans l'intérieur d'un pays inconnu, peuvent les avoir empêchés d'y pénéter; aussi ne trouvons-nous sur toute la côte maritime de la Samogithie, large seulement de 7 à 8 lieues, que trois établissements qui, par leurs noms flamands, attestent leur séjour sur cette côte: ce sont PAPENSEE, HELIGAW et POLANGEN; mais de là nous les voyons se porter droit de MEMMEL à KONIGSBERG dans la Prusse ducale, toujours longeant la Mer sans s'arrêter dans les marais de l'embouchure de la Niemen; lesquels, à cette époque, n'étaient probablement pas habitables. La langue de terre qui y forme un vaste Port ou Havre se nomme encore CURISCHHAVE ou Havre de Curlande. Dans ce Havre, non seulement tous les noms des lieux sont flamands, mais on y trouve une ville appelée ROSSITEN, comme on en, trouve une exactement du même nom en Livonie sur la droite de la Dwina; et toute cette partie de la Prusse entre ce Havre, la Mer et la Pregel, porte le nom. de SAMLANDE, qui est un nom évidemment flamand.

Dès qu'on est passé la PREGEL, toute la Prusse ducale ne nous offre que des noms flamands, et nous y trouvons successivement une infinité de noms de lieux, les mêmes que nous avons trouvés depuis la Livonie jusqu'ici; identité qui fera le sujet d'un paragraphe particulier. Je ne puis pas m'empêcher cependant de placer ici, par anticipation, la rivière le BOG, comme on en trouve une du même nom dans la petite Tartarie, qui se jette à Ocsakow dans la Mer Noire.

Je passe la Prégel, et le premier Havre que je rencontre est la FRISSCHE HAAF ou Havre des Frisons; cette dénomination annonce ou l'ancienne demeure des Frisons ou le point de relations suivies entre ces deux pays. Eh! pourquoi pas la première? lorsque, sur les bords de ce Havre, on trouve FRANKENBURG, et plus loin, en remontant la Prégel, FRANKENAU, ROMERS-WALD, nom d'une ville et pays submergé de la Zélande, et HOLLANT, même, non loin d'Elbing?

Passons la Vistule pour entrer dans la Poméranie et pousser jusqu'à l'Oder; la diversité des noms des lieux nous indique qu'en longeant les montagnes de la basse Pologne, ils se sont concentrés entre ces montagnes et la Mer, comme ils l'avaient fait dans la Prusse ducale; apparemment que la Pologne ne leur offrit pas tant d'appas que la côte maritime. Tous les lieux de la Poméranie conservent encore des noms flamands entremêlés de terminaisons en ow, comme ceux du Nieper.

Parvenus à l'Oder, tout annonce que d'ici ils ont commencé à se répandre dans l'intérieur de l'Allemagne entre l'Oder et l'Elbe, en remontant ces deux rivières vers leur source jusqu'aux frontières de la Moravie. D'un côté, rien n'indique qu'ils se soient enfoncés par la droite de l'Oder dans la Pologne, ni de l'autre, par la gauche de l'Elbe en Bohême, bien qu'ils paraissent s'être établis çà et la sur les rives de ces deux rivières. Des Gaulois même ont demeuré anciennement en Bohême, sous le nom de BOII, et en ont été chassés par les Marcomanes, que Tacite a pris pour une Nation particulière, faute de comprendre la langue germanique, mais qui, peut-être, était un nom commun de ces Nations des Suèves qui demeuraient entre l'Oder et l'Elbe, laquelle formait la Marche ou frontière des Suèves contre les Gaulois, tant qu'ils se ont étendus au-delà du Rhin jusqu'en Bohême; sous ce rapport, comme MARC signifie en flamand et en allemand FRONTIÈRE, et qu'on appelle le cornmandant de la frontière MARCGRAVE (Marquis), on devait appeler les hommes sous son commandement MARCMANNEN: ce n'était là qu'un surnom, et non pas le nom d'une Nation particulière. Parvenus jusqu'à l'Elbe, nous sommes arrivés jusqu'à l'extrême frontière des Suèves, dont Tacite recule les frontières opposées jusqu'en Finlande et en Lapponie, et en deçà commence la Germanie proprement dite qui allait jusqu'au Rhin. Mais les Suéves étaient aussi Germains, et â ce titre Caesar et Tacite rendent la Germanie jusqu'en Finlande, que j'ai appelée pour cela la Germanie improprement dite. Au surplus, ces Nations Suèves arrivées sur l'Elbe, et se succédant toujours l'une à l'autre, se sont avancées à fur-et-mesure que les nouvelles étaient plus fortes, ou qu'elles­mêmes étaient attirées par l'espoir de trouver encore des terres plus fertiles; et une preuve de ce que j'avance est, que les UBIENS, avant d'être venus s'établir à Cologne demeuraient dans le Duché de Bergh. Les Suèves les avaient attaqués longues années, pour s'emparer de leur pays; mais n'ayant pu les forcer à le-quitter, ils les ont rendus tributaires. Les Tenchtrès et les Usipètes ne furent pas si heureux: ils ont su résister pendant longtemps aux forces des Suèves; mais à la fin, dit Caesar, ils en ont été chassés de leur pays, et obligés de se réfugier en deçà du Rhin. Ces Nations se chassant donc les unes les autres, et toujours dans la vue de s'établir dans des pays plus fertiles, ont ainsi peuplé l'Allemagne jusqu'au Rhin. Les anciennes Annales de Gothland et du Danemarck s'accordent avec tout ceci, quant au fond: elles placent une transmigration des Danois dans la Prusse, dans l'Ethonie et dans la Wandalie, vers l'an 2667 du Monde; elles portent qu'en 483, la Courlande et la Suève étaient tributaire du Danemarck.

Voyez Des Roches, Histoire du Danemarck, Tom. 1, p. 5 et 67.

L'on voit assez, par cette époque, qu'il n'y a rien de certain à cet égard; mais au moins on y découvre un fond de relation d'origine entre le Danemarck, la Suède, l'Esthonie, la Livonie, la Courlande et la Prusse, et que la population de ces pays s'est formée par transmigration.

Voilà donc comme ces Nations pannoniennes sont parvenues d'un côté jusqu'au Rhin, et de l'autre sur le Danube; celles qui s'étaient établies dès les temps de Caesar et Tacite au-delà de l'Elbe, n'ont été à peine connues des Romains que par le nom de quelques unes de leurs Nations: on ne les désignaient communément que sous le nom général de SUÉVES; mais celles plus connues; parce qu'elles étaient établies les premières sur le Rhin, avaient originairement la même patrie, et n'ont pu trouver d'obstacle sur la rive droite du Rhin, puisqu'au rapport de Caesar, les extrémités de la Gaule étaient encore inhabitées. à l'époque où les Cattes sont venus s'y établir, et en même temps dans l'île des Bataves entre Meuse et Rhin (17).

Après avoir suivi les traces de la transmigration de ces peuples des côtes de la Baltique jusque dans l'intérieur de l'Allemagne, revenons aux peupIes de ces mêmes côtes pour en suivre les traces en Suede, en Danemarck et en Norwege.

Tacite ne parle pas du Danemarck ni de la Norwege; il ne parle que de la Suède sous le nom général de SUIONES Suionum hinc civitates ipso in Oceano, et par-là il nous fait assez connaître qu'il comprend toutes, les iles de la Baltique indistinctement sous ce nom; mais en disant CIVITATES, il annonce en même temps que ces îles sont habitées par divers peuples; car les Romains désignaient par le mot civita: toute une Nation collectivement C'est ainsi qu'ils désignent les Helvetiens, les Menapiens, etc. par CIVITAS HELVETIORUM, MENAPIORUM.

Ce sont encore ces mêmes Nations pannoniennes qui ont peuplé la Suède, le Danemarck,la Norwège et les îles de la Baltique, comme elles ont peuplé l'intérieur de l'Allemagne, les rives du Rhin et cette partie de la Belgique connue sous le nom de PAYS-BAS.

D'abord le nom de DANEMARCK n"est pas seulement flamand, en tant qu'il signifie la MARCHE ou extrême frontière des DANOIS; mais sous le rapport même de frontière, il indique que le corps du pays est situé en deçà, et conséquemment dans le Holstein. Lors donc qu'on rencontre sur la rive gauche de l'Elbe, au dessus de Lawenburg, un lieu nommé DANELBERG ou MONT DES DANOIS, et que l'on se rappelle que les Suèves occupaient les bords de l'Elbe, sans que Caesar ni Tacite aient pu nous apprendre les noms des Nations particulières des Suèves, il est assez probable que les Danois qui semblent avoir demeuré, en premier lieu, dans les environs du Danelberg, ont peuplé le Danemarck par le Holstein, puisque rien ne les en empêchait; et dès lors leur pays était véritablement la MARCHE ou le MARC relativement à la Suède, déjà occupée ou occupée en même temps par les Goths et autres peuples. Etablis là, ils, faisaient partie des CIMBRES ou CIMMERIENS, qui, suivant Diodore de Sicile, étaient venus des Palus Meotide et ont envahi, dans la suite, les Gaules; car la barre ou banc de sable dans le Jutland en face du Golfe d'Aarboug, S'appelle encore BARRE DES KIMMEN, et le Havre situé sur la pointe méridionale de la Suède près d'Ystad s'appelle encore CIMBRIS-HAM; la ville de WYBOURG a été appelée, pendant plus de 600 ans, CIMMERSBERG, et la CHERSONÈSE CIMBRIQUE comprenait le Holstein et le JutLand. Je n'ai pas besoin, au reste, de m'appuyer sur les noms flamands des places du Danemarck; car il est connu que le Danois, le Hollandais et le Flamand se comprennent l'un l'autre.

Quant à la Suède, il se peut que quelques­unes de. ses côtes, voisines au Danemarck, aient été peuplées par les mêmes Nations qui avaient occupé le Danemarck par Le Holstein; mais quant à l'intérieur de la Suède, il me semble plus probable qu'il a été occupé directement par quelques unes de ces Nations pannoniennes qui, à leur arrivée à l'embouchure de la Dwina, ou après y avoir été plus ou moins longtemps établies, auront passé du Golfe de Riga à la côte opposée de Suèdes

De ce nombre sont les GOTHS, qui paraissent avoir occupé l'île de GOTHLAND en face du Golfe de Riga, et être passés de là en Suède; l'OSTRO et la WESTRO-GOTHIE, en face du Golfe de Riga, déposent encore de cette antique transmigration.

En face du Golfe de Finlande on trouve l'île d'ALAND, et la Gorge qui sépare l'île du Continent de la Suède s'appelle ALANS-HAF (Havre des Alans). Si l'on avait nommé les Alains ALAINI en latin, ou ALAINEN en flamand, je conviens qu'il faudrait faire quelque violence au mot ALAND pour y reconnaitre les Alains; mais on écrivait ALANI en latin et ALANEN en flamand, comme l'on écrit encore; et dèslors je ne trouve pas plus hasardé de trouver dans les noms de ALAND, ALANDS-HAF et ALANEN les étymologies de PAYS, HAVRE et HOMMES ou Nation de l'ALE, que de trouver dans GOTHLAND et GOTSCHE-SAND le PAYS et le BANC des GOTHS. Car rappelons nous que les Alains étaient des Huns, et que le nom de HUNS était le nom d'un PEUPLE que Tacite appelle GENS et qu'il distingue de NATION, parmi lequel les Alains formaient une Nation entre plusieurs autres; comme aussi que ces Nations elles-mêmes se divisant par factions, à raison de séditions domestiques ou autres mésintelligences, inévitables surtout entre des Nations qui ne connaissaient pas ce que c'était d'obéir, les Sections assumaient un nouveau nom emprunté soit de leur chef, soit du lieu de leur nouvel établissement. Ainsi, parmi les Vandales, il y avait une Nation ou Section connue sous le nom de SILINGI ou SILINGEN. Or, nous trouvons dans l'Estonie, qui est un des points de réunion de ces Nations transmigrées, un lieu appelé ALE, situé à l'embouchure de la rivière d'Assa, laquelle se jette dans le Golfe lde Finlande; donc, lorsqu'on trouve à l'embouchure de ce Golfe l'île d'ALAND, je n'apérçois aucune difficulté à reconnaitre dans ce nom un Nation qui, après avoir été établie dans, les environs de ALE, soit venue, en descendant l'Assa par le Golf de Finlande, s'établir dans une des îles de l'Archipel de Finlande, la plus grande et la plus proche de la côte de Suède, et lui ait donné le nom d'ALAND ou ALELAND, comme les GOTHS ont donné le leur à l'île de GOTLAND, les RUGIENS à l'île de RUGEN, les FRISONS et les CURLANDAIS au FRISCH­HAF et CURISCH-HAF, etc. Tout ceci devient d'autant plus probable, lorsqu'on voit sur la côte de la Suède la province d'ANGERMANIE, et sur la rive opposée en Curlande, la rivière I'ANGER et la ville d'ANGER-MUND qui indiquent non seulement une colonie passée d'une rive è l'autre, mais bien sensiblement encore le nom de ANGERMANNEN ou hommes venus de la rivière l'ANGER. A l'appui de cette étymologie viennent ensuite des motifs empruntés des noms et des relations des Nations qui ont laissé des traces de leur séjour en Suède.

Nous trouvons qu'en toutes les irruptions dans les Gaules, les ALAINS, les VANDALES et les SUEVES étaient unis et confédérés, et presque toujours opposés et ennemis des Goths; nous trouvons de même que tant les peuples qui ont formé le Déluge Cimbrique, que les irruptions dans les siècles suivants, étaient sortis des îles de la Baltique, c'est-à-dire, de la Suède, du Danemarck, de la Norwège et des îles adjacentes, en s'associant, dans leur trajet par l'Allemagne, les autres peuples Suèves et Germaniques. Les Alains et les Vandales devaient donc occuper, à cette époque reculée, des pays assez voisins pour établir cette confédération entre eux et pour se défendre contre les Goths mêmes.

Ceux-ci ne paraissent pas s'être étendus en Suède plus loin, d'un côté, que jusqu'au lac Wener, et, de l'autre côté, qu'aux confins de la Sudermanie; au-delà tout paraît nous annoncer le séjour des Alains, Vandales et Suèves dans la Suède; les deux premiers étaient également du peuple Suève, puisque Tacite fait aboutir la Suévie à la Mer Glaciale. Le WERMELAND était donc une Nation Suève, et l'on ne paraît pas pouvoir douter que ce ne soit cette même Nation ou quelques unes de ses Sections ou Peuplades qui, plus tard comme la plupart des autres, se sont répandues dans l'intérieur de l'Allemagne et se sont fixées dans le Marienbourg, où l'on trouve encore dans la carte de la Prusse, par Senter, les provinces de WARNIA et ERMELANDIA.

Si les Alains paraissent s'être portés de ALE en Estonie, par le Golfe de Finlande à l'île d'Aland en Suède l'on peut en conjecturer autant des Vandales; car dans la Livonie, province limitrophe de l'Estonie, l'on trouve sur la rivière ASSA ville de WENDEN, et dans le HERIE-DAL en Suède on trouve encore un lieu formellement. nommé WENDALEN; or, l'on sait que ce n'est que par corruption que, surtout les Français, écrivent VANDALES, tandis que l'on a toujours écrit, et que l'on doit écrire le nom par un W. Je sais bien qu'entre Wendales et Wandales. il y a de la différence d'une lettre; mais bien que cette petite différence ne semble pas forte après tant de siècles écoulés et tant de variété survenue dans les dialectes, il n'en est pas moins constant que le mot dal est un nom tout-à-fait flamand, signifiant VALLÉE, et que tous les pays confins entre la Suède et la Norwège étant qualifiés de dal, comme HERIE-DAL, DALE- CARLIE, OSTER-DAL, WESTER-DAL, GULBRANTS-DALEN, etc. etc., indiquent des pays de DALEN ou VALLÉES, distinguées par la préposition ou la terminaison des hommes qui les habitaient. On semble d'autant plus autorisé à décomposer également le mot WAN-DALES en WENDALES ou vallées des WENDES, que le Duché de Wenden, dausia Poméranie s'appelle encore la WENDALIE; ce qui n'empêche pas qu'il s'en trouvât aussi sur les confins de la Norwège.et de la suède, puisque M. Des Roches, en son Histoire du Danemarck,, t. I, p. 52, fait remarquer que la plupart des auteurs appellent WANDALIE toute la côte de la Mer Baltique depuis l'extrémité de la Livonie jusqu'à la Cimbrie, c'est­à-dire, jusqu'au Holstein, et par consequent jusqu'à l'Oder, quoique, dit-il, il y demeurât une infinité de Peuples qui avaient chacun un nom particulier. Il suit de là que le nom de WANDALES a été un nom général et commun, comme celui de HUNS, GERMAINS et SUÈVEs; et puisqu'il était commun à tous ces peuples depuis la Livonie jusqu'à l'Oder, l'identité d'origine que nous leur donnons s'en trouve encore plus confirmée. Lors donc que l'on trouve les WENDALES sur les confins de la Suède et de la Norwège, dans ces vallées et sur ces montagnes en ligne directe de l'île d'ALAND, et qu'en Norwège, dans le gouvernement d'Aogerhus, on trouve les rivières de AALE et AA, et la vallée de ALING ou HALLINGDAL, il semble que ce sont là des traces assez probables pour y fixer aussi l'ancien séjour de quelques Nations ou Peuple des ALAINS et des WANDALES, qui avaient leurs relations sur les deux côtes ouvertes par la Mer.

L'on me permettra de dire à cette occasion mon avis sur l'étymologie des HERIE-DAL, DALE-CARLIE, SUDERMANIE, WEST-MANNIE et GASTRIK, provinces de la Suède: j'entends par HERIE-DAL la Vallée des Seigneurs ou Grands (Heeren dal); par DALE-CARLIE, la Vallée des homme libres (Karles, Keerels); par SUDER-MANNIE et WEST-MANNIE, les Cantons habités par les SERFS ou HOMMES (Hommes alicujus); et par GAST-RIK, les Cantons assignés aux GASTEN (HOSPITEs en latin du moyen âge, et en français HÔTES). Et que l'on ne croie pas que je tombe, par cette interprétation, dans un anacronisme, en appropriant à des temps d'une si haute antiquité des idées de féodalité auxquelles tant d'écrivains du jour n'ont supposé qu'une origine des XIe et XIIe siècles; car Tacite nous apprend que les Suèves de la Suède avaient des Rois, eoque unus impritat; qu'ils avaient des Princes ou Grands (PRINCIPES); qu'ils avaient également des SERFS, et que l'on y distinguait les rangs d'après les richesses, est apud illos et opibus honos. Il en était de même chez les Germains qui avaient été Suèves avant d'avoir des établissemens fixes entre le Rhin, et l'Elbe; car si ce ne fut pas de ces Suèves et de ces Germains, d'où nous seraient venues ces distinctions des personnes et ces dénominations au moyen âge, de PRINCIPES, GRAVIONES, HOMINES, SERVI et HOSPITES? titres et dénominations qui sont passés dans les premières Lois nationales des Saliens, Ripuaires, Alamans, Bavarois, Saxons, etc. L'on comprenait sous le nom de GASTEN (Hospites) des Nations moins puissantes ou des Sections de Nations qui venaient se mettre sous la protection de plus puissantes, comme sous le régime feodal, des Vici ou Cantons d'un Seigneur d'un plus puissant et plus raisonnable. La DALE-CARLIE présente pour un antiquaire Belge une signification analogue, sans la moindre difficulté; car CARLE, en saxon, signifie comme en flamand un homme libre, et même un homme en général. On appelle un habitant des bois BUS-CARLE, un domestique Hus-CARLE, et pourquoi pas DALE CARLE un habitant des Vallées? Ainsi de même, les serfs ou hommes des Germains et des Suèves n'habitaient pas les mêmes pénates que leurs maîtres; on leur assignait des fonds, et toujours les plus éloignés de la demeure du maître, pour les cultiver pour leur compte, parmi une redevance en nature, et c'était là où leur servitude aboutissait, et servus hactenus paret. De-là l'étymologie des SUDER et WEST-MANNEN de la Suède au milieu des marais, entre les Goths d'un côté et les Alains et Wandales de l'autre, occupées par les serfs ou hommes, peut-être tant des Goths que des deux autres Peuples, qui ne souffraient pas la présence de leurs serfs (qu'il ne faut pas confondre avec domestiques), et qui les isolaient de leurs demeures par suite d'un préjugé qui est passé pareillement au moyen âge. Enfin, le GASTRIK, le Canton des hôtes, est également un usage passé au moyen âge, et devenu féodal à la naissance des Seigneuries, qui ne sont autre chose que la conversion de la personnalité du séniorat en foncièreté, suite nécessaire du systéme de Charlemagne, qui avait converti la souveraineté personnelle en territoriale. Avant cette époque, celui auquel vous juriez fidélité était votre souverain, quand bien même vous habitassiez sur le territoire d'un autre; vous étiez son homme, et si celui de votre domicile exigeait service de vous, vous lui répondiez comme les féaux (fidèles) de Pepin et de Louis répondaient à Charlemagne: " nous sommes les hommes de Pepin et de Louis " Mais lorsque le séniorat fut devenu territorial et foncier, il fallut bien donner des fonds aux hôtes, ou ceux-ci devaient bien en donner à reprise, pour, à raison de ces fonds, se lier au Roi ou au Seigneur par fidélité et hommage; or, c'étaient ces fonds qu'on nommait les terres des hôtes, terra hospitalis, et naturellement, dans des pays déserts, on en assignait par Canton séparé, comme on l'a fait au moyen âge pour former les villes et villages. Donc puisque GAST, en flamand, est la même chose que HÔTE, le pays de GAST-RICK, et peut-être GAST-RINK (Gyrus du moyen age), signifie convenablement l'arrondissement assigne aux hôtes.

Ces étymologies sont d'autant plus probables, qu'elles s'accordent parfaitement avec les notions sur l'état civil des Germains, que nous ont laissées Caesar et Tacite, tel qu'il existait de leur temps; et comme à cette époque ceux de l'intérieur de la Germanie n'étaient pas encore policés, il est évident que cet état fut leur état primitif: on ne doit donc pas s'étonner de trouver cet état primitif dans leur établissement en Suède, parce que, suivant Tacite, la Suévie de Suède faisait partie de la Germanie, et avait les mêmes moeurs et habitudes que les Suèves de la Germanie.

La Lapponie (LAPP-LAND) faisait aussi partie des Suèves; toute la Baltique est appelée par Tacite MARE SUEVICUM, et il place la Mer Glaciale immediatement au-delà des Suèves de la Suède; toute cette pointe septentrionale de l'Europe était habitée, de son temps, par des peuples qu'il appelle Pencini, venedi et Fenni; ces derniers sont les Finlandais, et Tacite les classe tous les trois parmi les Germains, parce qu'ils en parlent la langue et qu'ils en ont la religion, les moeurs et les usages: il faut donc bien leur assigner la même origine.

Les traces que je viens de rassembler de la route que ces Nations ont suivie depuis la Mer Noire jusqu'au Rhin, et de leurs premiers établissemens dans les Royaumes et dans les îles de la Baltique, d'une part, et dans l'intérieur de l'Allemagne, de l'autre, forment la première partie des preuves de l'identité d'origine de tous ces peuples; mais pour en bien sentir toute la force dont elle est susceptible, il faudra avoir sous les yeux les cartes des pays par lesquels ils ont passé et où ils se sont successivement établis; car en voyant dans la Lithuanie, la Samogithie, la Pologne et la Bohême, que, dans la direction d'une ligne limitrophe, tous les noms des lieux sont flamands d'un côté, et ceux de l'autre tout-à­fait différents, et qui plus est, que ceux-là ne sont pas seulement flamands, comme le sont ceux des îles des Royaumes de la Suède, mais que la plupart sont progressivement les mêmes, il paraît impossible de ne pas reconnaître l'identité des Nations dans cette identité constante des noms des lieux. Mais cette identité et cette généralité de noms flamands doivent étre sous les yeux pour pouvoir opérer la conviction qui en résulte.

Vainement m'opposera-t-on qu'il n'est pas permis de rapporter ces noms flamands à une si haute antiquité, puisqu'à cette époque la langue flamande n'existait pas encore: il est vrai qu'elle n'existait pas alors comme elle existe aujourd'hui; mais la langue tudesque existait alors; ces Nations parlaient le tudesque, et les Allemands l'ont parlé aussi; c'est de la langue tudesque qu'est dérivée la langue allemande, présentement si différente de la flamande, dont au siècle elle différait si peu; c'est aussi du tudesque que dérivent les langues saxone, anglaise, danoise et suédoise; et si, dans une série de tant de siècles, le dialecte en a tant varié, il a dû pareillement varier dans les noms des lieux comme dans les noms des choses. Lors donc que de nos jours nous rencontrons ce dialecte varié des noms des lieux, conforme au dialecte flamand, c'est une preuve de l'identité primitive de la langue tudesque et de la langue flamande, et tout à­la-fois une preuve de plus de l'identité d'origine de ces peuples; car en déterminant cette origine par l'identité de langue, de moeurs et d'habitudes, nous ne suivons que la méthode des deux plus grands historiens de l'antiquité, Caesar et Tacite, qui, pour déterminer l'origine des Peuples, se sont déterminés par ces caractères. Passons présentement à l'examen de l'identité de la langue de ces Peuples.


§ III.

De l'identité de la Langue.


M. Des, Roches, dans ses Recherches sur l'ancienne Belgique, a si bien traité cet article, que je pourrais me borner à renvoyer mes lecteus à l'ouvrage de cet auteur; il y prouve que depuis la source du Rhin jusqu'à son embouchure, depuis la mer du Nord jusqu'au Pont-Euxin, et depuis l'Océan qui baigne les côtes de Flandre jusqu'à la Mer Baltique et au-delà, les peuples s'entendaient réciproquement et parlaient des dialectes peu différents les uns des autres. Cette différence de dialecte, en suivant l'opinion générale des savants, ne prouve rien contre l'identité présumée de la langue de ces Peuples, ainsi que l'a remarqué aussi St­Jérôme. Je me rappelle à cet égard que M. Deconinck, aujourd'hui Préfet du Département de Jemmapes, me montra à Paris, en 1804, un Edit de l'Evêque de Bamberg, du XIVe siècle (si je ne me trompe); cet Edit était tout flamand, sauf quelques mors qui commençaient déjà à se ressentir du dialecte allemand moderne.

En 1787, les Députés des États-généraux des Pays-Bas, qui avaient été envoyés à Vienne, virent dans la Bibliothèque Impériale une Bible très-ancienne, écrite en vieux saxon: les Allemands modernes ne la comprenaient pas, mais les Députés Flamands et Brabançons la comprenaient sans peine. Cette identité a frappé tous les antiquaires.

« Le savant Junius, dit M. Des Roches, fait dériver de la langue gothique tous les dialectes teutons; il en fait sortir aussi la langue des Cimbres, conservée dans les monuments runiques, le suédois, le danois, le norwégien et l'islandais: la langue anglo­saxonne, fille de la langue gothique ou aussi ancienne qu'elle, dit-il, venant d'une mère commune, qui ne peut être que la langue primitive des Scythes, a donné naissance à l'anglais, à l'écossais, au flamand et frison; et des langue gothiques et anglo-saxonne est découlé le franco-téotisque, d'où dérive l'allemand. »

Quant à moi, je n'aperçois aucun besoin de faire dériver toutes ces langues les unes des autres à raison de leur conformité; il est plus simple, d'après ma manière de voir, que toutes ces langues n'ont formé originairement qu'une et la même langue, savoir, la langue scyte que parlaient les Tartares du Pont-Euxin; qu'elles forment encore toutes et chacune cette même langue, mais que le dialecte en est changé à la suite de tant de siècles, par les nouvelles relations que ces Peuples Pannoniens ont contractées, soit avec les indigènes des pays dans lesquels ils se sont enfin fixés, soit avec les Peuples voisins; tout ainsi, comme encore aujourd'hui les Provençaux, les Languedociens et les Auvergnats parlent une langue différente de celle des autres parties de la France, quoiqu'au fonds ce, soit la même. Cette différence se fait également remarquer d'une manière sensible entre le flamand, le hollandais, le frison et la langue de ceux de la Gueldre; cependant le fonds en est flamand.

Certes je préfère de voir dans ces diverses langues une identité plutôt qu'une simple conformité; car pourquoi aller chercher le dialectes des Teutons et des Cimbres dans la langue, gothique? Les Teutons, comme les, Goths, n'étaient que des Nations du Peuple, appelé depuis Germains. Ils avaient aussi habité primitivement les côtes du Pont-Euxin, et ont fait partie de ce Peuple dont les différentes Nations, avant leur transmigration vers le couchant de l'Europe, ont dévasté l'Asie sous le nom de CIMMERIENs; car ce n'est pas là le nom d'une Nation particulière, mais bien le nom de tout un Peuple, composé de diverses Nations, comme l'était celui des Germains. Ils venaient donc de ces memes lieux d'où sont venues ces Nations Pannoniennes, c'est-â-dire, de la Petite-Tartarie; et si les Peuples de la Finlande, au rapport de Tacite, parlaient la langue des Germains; si nous Belges parlons encore la même langue; si les Suédois, Danois, Norwégiens et Islandais la parlaient et la parlent encore, puisqu'ils étaient aussi Germains, comme on a vu; et si, enfin, au rapport de l'Ambassadeur Busbecq, les Tartares de la Crimée parlent encore la même langue, quel besoin y a-t-il de faire dériver ces diverses langues de la langue gothique, et ensuite l'une de l'autre, plutôt que d'attribuer cette variété à la variation des dialectes d'une même langue, puisque nous avons sous nos yeux et dans notre propre langue cette même variation, qui n'est pas arrivée par dérivation d'une autre langue, mais par la corruption, qui résulte nécessairement des relations avec d'autres Peuples et de mille autres circonstances des temps et des lieux?

Cette identité de langue marque évidemment l'identité d'origine de tous ces Peuples; et puisque cette conséquence découlait d'elle­même des preuves rapportées par Monsieur Des Roches, il est difficile de concevoir comment tout-à-coup il s'arrête en si beau chemin, pour ne fixer le berceau des Belges que dans les îles des Scandinaves en Suède.

Ce système ne paraît pas du tout soutenable, après les preuves que lui-même a fournies de l'identité de la langue des Germains avec la nôtre, avec celle des Suédois et avec celle des Tartares du Pont-Euxin; car comment pourrait-on croire que les Germains eussent été traverser la Mer Baltique pour aller s'établir en Suède avant de venir dans les Gaules, tandis que depuis la Livonie jusque dans la Baltique, et d'un côté jusqu'au Rhin, et de l'autre jusqu'au Danube, tous les noms flamands des lieux attestent encore en ce mo­ment leur ancien séjour aussi bien que dans la Suède? Autant vaudrait-t-il dire que les Peuples des îles Scandinaves aient aussi peuplé toute l'Allemagne jusqu'au Danube, et que de toutes ces Nations transmigrées du Pont- Euxin à la Mer Baltique, aucune n'a cotoyé cette Mer; mais que tout nomades qu'elles fussent, toutes aient traversé la Mer pour s'établir en Suède. Au reste, il parait que M. Des Roches s'est laissé séduire par l'explication ingénieuse du proverbe suédois, qu'au jour des Rois les jourd sont allongés d'un pas de coq, proverbe aussi connu dans la Belgique, mais, dit-il, qu'il ne se justifie qu'en Suède vers le 59 degré de latitude septentrionale; d'où il conclut que ce proverbe nous est venu des Suédois. Mais les côtes de la Mer Baltique, situées entre les Golfes de Finlande et de Livonie, ne sont-elles pas à ce même degré de latitude? Ce proverbe ne nous a donc pas dû venir de la Suède; mais ces mêmes Peuples Pannoniens qui, arrivés sur ces Golfes, ont cotoyé la Mer Baltique pour arriver au Rhin et au Danube, l'ont apporté en Belgique et en Hollande, comme ceux de ces mêmes Peuples, tels que les Goths, les Vandales, les Alains et les A.ngermanuen l'ont porté en Suède.

Mr Des Roches donne, parmi ses preuves d'identité de toutes les langues, l'énumération d'une infinité de mots et de phrases, que chacun y peut lire et qu'il serait inutile de repeter ici. Seulement, ajouterai-je, à ceux que nous fournit l'Ambassadeur Busbeck, que les Cosaques du Boristhène ou Nieper qui demeurent dans cette même Tartarie, appellent leur chef AT-MAN ou ET-MAN, comme HOOFD­MAN ou HOP-MAN en flamand; car Ate, en langue gothique, signifie père ou chef, comme il signifie encore père chez les Frisons. Les Cosaques appellent aussi leurs sarauts SHAKOS; il me semble y voir une analogie bien marquée avec le SAGUM des anciens Belges, qui, dans leur langue, s'appelait peut-être SACK, auquel les Romains ont ajouté, comme ils faisaient à tous les mots germaniques, suivant le témoignage de Tacite, une terminaison latine. M. De Guignes dit que c'est la petite Tartarie qu'il faut proprement appeler le TURKE-STAN; il parait que c'est bien là le TURKE-STAND en flamand, lorsqu'on voit que ses habitants sont appelés TURCO-MANNEN, deux noms évidemment flamands, dont le premier signifie le PAYS où SIEGE DES TURCS, et l'autre les HOMMES de ce pays.

Ainsi, en résultat, les preuves de Mr Des Roches et le peu que j'y ai ajouté, d'accord avec l'opinion de tous les plus savants antiquaires, établissent assez que les Peuples du Pont-Euxin et les Germains, conséquemment les Belges qui en sont issus, parlaient originairement la même langue, et que tous ceux qui en sont issus, tels que les Finlandais, les Moscovites, Lapponiens, Suédois, Norwégiens, Danois, Allemands, Frisons, Saxons, Belges, Anglais, etc., parlent encore la même langue, au dialecte près, lequel ne s'est différencié que par les mêmes causes, qu'il se trouve varié et qu'il se varie encore tous les jours entre les Provinces d'un même Empire.


§ IV.

De l'identité de Religion.


Nous avons vu que toutes ces Nations Pannoniennes étaient des Huns. La religion de ceux-ci, suivant M. De Guignes, consistait en ce qui suit: « A la premiere lune de chaque an tous les officiers, grands et petits, tenaient une assemblée générale à la cour du Taujou, & y faisaient un sacrifice solennel à la cinquième lune (qui est celle du printemps); ils s'assemblaient à Lumtching, où ils sacrifiaient au Ciel, à la Terre, aux Esprits et aux Ancêtres; il se tenait encore une grande assemblée à Tai-Lin, dans l'automne, parce que les chevaux, étaient alors plus gras, et qu'on y faisait en même-temps le dénombrement des hommes et des chevaux. »

Nous remarquons le même fonds dans la religion des Germains: selon Caesar, ils ne connaissaient d'autres Dieux que le Soleil, le Feu et la Lune; les Suèves, selon Tacite, qui étaient Germains, adoraient tous la TERRE comme la mère commune, et ils l'appelaient, dit-il, HERTUM; c'est là encore une terminaison latine ajoutée à herde, erde au aerde, qui signifie Terre en flamand. Tacite rapporte que les Germains rendaient leur principal culte à Mercure: c'est là encore un point sur lequel on doit être en garde contre les dénominations que les Romains ont données aux personnes et aux choses des Germains. Le quatrième jour de la semaine était, chez les Romains, le jour de Mercure; les Germains et les Goths fêtaient aussi le quatrième jour, non pas en l'honneur de Mercure, mais en l'honneur de WODEN OU ODEN: la preuve en est qu'au sixième siècle, les Suisses adoraient encore leur WODEN; mais les uns le prenaient pour MARS et les autres pour MERCURE; ce qui prouve que les Romains avaient si peu réussi à adapter leur religion à celle des Germains, que ceux-ci n'y comprenaient rien, puisqu'ils ne savaient pas au juste quelle Divinité les Romains avaient entendu substituer au Dieu Woden, pour être fêté le quatrième jour de la semaine. C'est de WODEN et ODEN que nous viennent notre WOENSDAG (mercredi) par abréviation de wodens-dag, le WEDNES-DAG des Anglais, le WONSDAG des Danois et le ONSDAG et VODENDAG des Peuples septentrionaux; or, le savant William-Jones a démontré que le BOUDH des Birmans, le FOE de la Chine et le ODIN des Goths sont la même Divinité; ce qui forme une nouvelle preuve d'identité d'origine de ces Peuples, qui s'étendaient depuis les Palus-Méotides jusqu'au Gange. Les assemblées publiques des Germains se réglaient également d'après la nouvelle ou vieille lune. Je n'entends ces assemblées mensuelles dont parle Tacite, que des assemblées de Peuplades entre elles; car il n'est pas recevable que toute la Nation s'assemblait deux fois par mois; il est plus probable que, route la Nation s'assemblait en États-ganeraux, pour m'exprimer ainsi, deux fois par an, au printemps et en automne; ainsi le faisaient les Francs, aussi Germains, dans leurs champs de mai et en automne, desquels, selon Gérard van Loon, sont parvenues jusqu'à nous nos HERFT en LENTE-BEDEN, c'est-à-dire les demandes des subsides que les Souverains des Pays-Bas faisaient deux fois l'an aux États des Provinces, au printemps et en automne; et ce fut alors aussi, comme j'aime à croire, que nos ancêtres encore Payens, faisaient leurs sacrifices, puisqu'au rapport de Tacite, ils en faisaient à des époques annuelles et déterminées, STATO TEMPORE; toutes les Peuplades d'une même Nation devaient y intervenir par députés, omne ejusdem sanguinis populi LEGATIONIBUS coeunt; on sacrifiait alors des victimes humaines en les noyant. Mr De Guignes ne dit pas en quoi consistaient les sacrifices des Huns; mais la circonstance de sacrifier pendant la tenue des assemblées générales, porte à croire que leurs sacrifices consistaient également en victimes humaines; car ces prétendues victimes n'étaient autres que des criminels condamnés à morts ou des individus lâches et corrompus; on pendait ceux-là et l'on noyait ceux-ci, d'après le jugement de l'assemblée générale, qui seule avait le droit de condamner à mort. Mais les prêtres seuls étaient qualifiés d'exécuter la sentence capitale, et ne l'exécutaient que comme ministres de Dieu, velut Deo imperante, seul maître de la vie des hommes; idée qui est doctement développée par M. De Grave, dans la République des Champs Elisés, page 25, et par où il explique pourquoi les Lois Saliques (j'ajouterai celles des Bavarois, Saxons, Allemands, tous Peuples germaniques) n'infligent aucune peine corporelle; car même au milieu de l'insubordination des camps militaires des Germains, le Commandant en chef n'avait pas le droit de garotter ou de frapper un coupable; aux prêtres seuls en appartenait le droit de le faire au nom de DIEU. Ce point intéressant du Droit criminel des anciens Peuples a été très bien remarqué par M. Castéra, dans une de ses notes sur la relation du Major Symes, dont il sera parlé ci-après: on avait cru que les habitants des îles d'Andaman étaient des Cannibales; « mais, dit-il, il y a lieu de croire que ces insulaires ne font pas de la chair humaine leur nourriture ordinaire, et qu'ils n'en mangent que pour montrer qu'ils abhorrent le crime et qu'ils aiment à se venger de leurs ennemis; car ceux qu'ils sacrifient à ces barbares repas sont des criminels qui ont mérité la mort, ou des prisonniers de guerre, tom. I, page 241. » Or, quiconque est un .peu instruit de nos premières Chartes des villes, aura pu remarquer qu'elles n'infligent aussi aucune peine corporelle; toutes les peines que pouvait un le juge du lieu étaient pécuniaires; les peines corporelles étaient réservées la HOOGE-VEIRSCHAERE ou Haute-Cour du Comte, qui devait venir la tenir au moins deux fois par an, et qui la tenait avec les Grands et les hommes libres du Comté; de-là, lorsque ces Hautes-Cours annuelles ont passé en désuétude, et que leurs fonctions judiciaires ont été attribuées à des Parlements, est venue la maxime que nul Baron n'a haute justice dans ses terres, si ce n'est par concession du Roi.

Mr De Guignes place, comme on a vu, parmi les objets sacrés que les Huns invoquaient, les ESPRITS et les ANCÊTRES. Si je rencontre la sainte vénération des Germains pour leurs ancêtres dans les AUGURIISG PATRUM de Tacite, je ne trouve pas du moins un texte bien formel qui prouve leur culte des ESPRITS, à moins que prenant les oiseaux et les chevaux blancs pour des augures, ils ne les envisageassent et consultassent comme des ESPRITS, puisqu'ils croyaient à la métempsycose.




(1) L'on doute si les Morins sont Germains ou Gaulois d'origine. Leurs relations avec les Atrébates et leur commerce avec les Romains semblent les rapprocher des Gaulois; mais leur langue et leur caractère semblent les devoir ranger parmi les Germains. J'aime à croire qu'il faut les ranger parmi ces derniers, et que la partie la plus voisine aux Atrébates avait pris des habitudes gauloises à raison se ses relations avec les Gaulois et les Romains.

(2) Remarquons les paroles de Tacite: « Caeterum GERMANIAE vocabulum recens et nuper additum; quoniam, qui primi Rhenum transgressi Gallo expulerint ac nunc Tungri, tunc GERMANI vocati sunt. » Il ne dit pas que l'on à changé le nom national de ces peuples mais seulement qu'on y a ajouté (ADDITUM) le nom de Germains. Ce n'est donc qu'un surnom qu'ils se sont donné eux mêmes, à se-ipsis invento nomine GERMANI, dont les Romains ne comprenaient pas la significations non plus que de hertum (erda, aerde) , en latin terra. Tacit., Cap. 48 , et de bien d'autres qu'ils ont, de plus, mal écrits.

(3) « At nulla familiarior hujus Iitterae G mutatio, quam in V ac praesertim in W et vicissim. Willelmus et Guillelmus perinde scribuntur, et alia bene multa vocabula, quae passim occurrunt. » Du Cange, Gloss. litt. G.

« Somuerus in Gloss. Saxon. Franco-Gallico semper G vel Gu utuntur pro Saxonum et Germanorum W. » Du Cange, litt. W.

Cette étymologie se confirme parce que le mot Germani est nécessairement tudesque d'origine, puisque Tacite dit qu'ils s'étaient donné euxmêmes ce nom: A SEIPSIS INVENTO NOMINE; or, le mot Germani n'est ni tudesque, ni allemand ni flamand. Ainsi les peuples qui habitaient la Germanie proprement dite, avaient donné à ceux d'entre eux qui habitaient entre l'Elbe et le Rhin le surnom de Weer-mannen, puisque, par leur position, ils devaient nécessairement défendre le pays coutre le incursions des Romains et Gaulois; mais les Romains ne comprenant pas ce mot, et employant la lettre G pour celle de IW, ont latinisé le mot Weer-mannen par Germani.

(4) Non-seulement les Romains, en commençant par Caesar, ont fait des incursions dans la Germanie, mais les Gaulois, avant Caesar, en avaient faites. " Ac fuit antem tempus, cum Germanos Galli virtute superarent et ultro bella inferrent, ac propter homnium multitudinemn, agrique inopiam, (tans-Rhenum colonias mzitterent Caes. de Belle Gallico, Lib. 6. »

(5) « Ubii, quorum f civitas ampla atque florens, ut est captus Germanorum, et paulo, qui sunt ejusdem generis, etiam caeteris humaniores; propterea quod Rhenum attingunt, multique ad eos mercatores ventilant, et ipsi propter propinquitatem, Gallicis sunt moribus assuefacti. " Caes. de B. G., Lib. 4.

(6) « Atque in eam se consuetudinem adduxerunt, ut locis frigidissimis neque vestitus, praeter pelles, habeant quidquam, quarum propter exguitatem, magna est pars corporis aperta et laventur in fluminibus. Caes. de Bello Gall., Lib. 4. » Et ailleurs, Lib. G : sa Quad proniiscuù in fluminibus perluuntur, et pellibus aut parvis Rhenorum tegumentis utantur, magna corporis parte nudà. »

(7) « Unum et, quod inferimus et promissum in exordio reddidimus; Galetas, excepto , sermone graeco, quo omnis oriens Ioquitur, propriam linguam eamden pne habere quam Treveros; nec referre, si qua exinde corruperint, cum et Affri Phaenicam linguam non nulla ex parte mutarint, et ipsa latinitas et regionbus quotidie mutetur et tempore. Proaem., Lib. 2 comment. epist, ad galat., Tom. 9 , p. 174. »

(8) « Modo nunciatum fuerat lugurtham esse devictum cum rumore, de Teutonibus et cimbrii Increpuêre, ferebatur eorum initio incredibilis colluvies, vireque imminentium legionum; qui rumores tamen post minores vero sunt reperti, siquidem bellatores et armati trecenta milIia in agmnine eraut. Puerorum mulierurnque longe majores catervas dicebantur secum trahere; hi agros quaerebant, qui tantam multitudinem alerent, et oppida in quibus sedes ponerent ac vitam agerent. Hos autem cum nullum cum aliis haberent commercium, atque ex tracbus venirent longinquis, nemo noverat, qui mnortalium essent aut unde profecti, nubium modo Galliae et Italiae incumberent; ex corporum vero proceritate et caesias oculis maxime Nationes GERMANICAS conjectabant esse. OCEANUM SEPIENTRIONALEM ACCOLENTES et quod Cimbro, Germiani nomment Latrones; sunt, que celticam, longitudine regionis et laxitate ah Oceano et septentrionalibus plagis ad orientem versus locam meotin vergere et ad Scythiaom ponticam pertinere, atque inde illas commistas gentes: has domo egressas non uno neque perperuo impetu, verum quoquo anno semper porro progredientes sub ver, arma circumferendo peragrasse continentem Europe; quapropter etsi diversa singulatim haberent vocabula, communi appellatione exercitum celto scythas appellabant. » Plutar. apud Dom Bouquet, Recueil des Hist. des Gaules, Tom. 1, p. 395.

(9) " Ferocitate adeo excellunt ad arctum remoti et Scytiae finitimi ut homines vorare dicantur; tam pervulgata autem est horum vis Bellica et feritas, ut qui totam olim Asiam Cimmerii tunc appellati, incursationibus inifestam reddiderunt, hi ipsi censeantur esse a non nullis, qui paulum corrupta per temporis longinquitamem voce, CIMBRI nunc vocantur; ex antiquo latrocinus dant operam, quibus aliorum terras depopulantur. Hi enim sunt qui Romam ceperunt. » Dom Bouquet, Tom. I, p. 309.

(10) « Igitur chuni a Pannoniis egressi ut quidam ferunt. Greg. Tur. Hist. Franc. Lib. 2, c. G. » Ce qui n'était que traditon du temps de Grégoire de Tours, est devenu aujourd'hui une vérité démontrée par M. De Guignes, Hist des Huns et autres Tartares occid.Tom. I, p.2 , p. 351-355. Ces Huns étaient de la Nation des AWARES; ils avaient transmigré d'entre le Wolga et le Tanaïs, qui se jette dans les Palus-Méotides, et après avoir passé ce fleuve, ils s'étalent élablis dans la Pannonie, d'où, plus tard ils out fait leurs incursions dans les Gaules.

(11) VANDALI Meotidis paludis ACCOLE, cum fame premerentur, ad Germanos, quos hodie Francos nominant, ad fluvium Rhenum se receperunt, tractis in societatem Alanis Natione gothica. D. Boucquet, Tom. I, p. .596.

(12) "Quidam autem, licentia vestustatis, plures Deo ortos, pIuresque gentis appellationes, Marsos Gambrivios, Suevos Vandalios adfirmant; eaque vera et antiqua nomma; caeterum GERMANIAE vocabulum recens et nuper additum. » Tacit, de Morib. Germ. C. 3. Cette licentia vetuslatis et cette prétendue origine divine annoncent assez que l'établissement de des tations dans la Germanie était déjà si ancien, que ces Nations avaient elles-mêmes perdu le souvenir de leur patrie primitive, et qu'à raison de cet oubli, elles s'en étalent formé une fabuteuse, à l'exemple de tous les peuples qui ont perdu le souvenir de la leur. Aussi Diodore de Sicile, Tacite, Plutarque et tous les autres écrivains anciens, en parlant de la transmigration de ces peuples, la rapporte à la plus haute antiquité, par le mot olim ou autres expressions équivalentes; tous conviennent que ces transmigrations se sont faites progressivement, et ces établisements à la longue, et qu'il est par conséquent impossible de déterminer l'époque à laquelle ces transmigrations ont commencé. Cette époque est indifférente pour notre objet puisque nous ne nous proposons que de rechercher si elles ont eu lieu, comment et quels sont leurs rapports avec l'origine des Nations Belgiques qui sont d'origine Germanique.

(13) « Gothicos Gallica, esos Pannonica lingua coarguit non esse Germanos. » Tacit de M. G. C. 43. Ne croyons pas pour cela que la langue pannonienne était différente ou autre que celle des Germains; cette différence ne consistait que dans la diversité d'accent et de prononciation, qui a fait croire aux Romains, qui ne la comprenaient pas, que c'étaient autant de langues différentes. C'est ce qui a fuit croire aussi à Caesar, que les Belges, les Aquitains et les Gaulois avaient chacun leur langue particulière. Ajoutons à cela, que les Germains, par leur long séjour dans les régions du Rhin et par leurs relations avec les Belges, depuis plusieurs siècles, avaient déjà purifié leur langue, comme le prouve M. Des Roches.

(14) « Quales diximus superioribus temporibus, tales eos fuisse intelligimus in Germanorum adhuc durantibus consuetudinibus; nam et natura et vitae institutis, gentes hae invicem similes sunt et cognatae, confinem habitantes regionem Rheno divisam et pleraque inter-se similia habentem. » Stragbo, Lib. 4 p. 298.

(15) « Batavi, donec trans Rhenam agebaut, PARS Cattorum, seditione domestica pulsi extrema Gallicae oiae, vacua cultoribus, simulque insulam, inter vada sitam occupavere, quam Occanum a fronte, Rhenus, amnis tergum ac latera circumluit. Tacit, Hist. Lib. 4, c 12.

(16) « Tauricam chersonesium incolit gens, quam saepê audiveram sermone, moribus ore denique ipso et corporis habitu originem Germanicam referre (celui qu'il eut l'occasion de voir) erat procerior, toto ore ingenuam quamdam simplicitatem prae se ferens ut videretur Flander vel Batavus; gens bellicosa; non habeus libros; omnibus vero dictionibus praeponebat articulum tho aut thè. Suit la série des mots fiamands susrappelés; et, après: le nom des nombres: ita , tua trim, fyder, fynf, seis, seren, prorsus ut nos Flandri, etc., hi Gothi an Saxones sint non possum dijudicare Busbequii Epist. 4. » - J'ai cru faire plaisir à mes lecteurs d'insérer ici le texte, que M. Des Roches n'a pas donné.

(17) « Battavi donec trsan Rhenum agebant, pars Cattorum seditione domestica pulsi, EXTREMA GALLICAE ORAE VACUA CULTORIBUS simulque insulam... occupavere » Tacite, Hist., Lib. 4, c 12.

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