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CHARLEMAGNE

d'après les traditions liégeoises

par Ferdinand HENAUX

Charlemagne devant la cité de Liège. - Gravure sur cuivre de Daniel Meisner - éd. 1628

Charlemagne portant la couronne et le sceptre entouré de l'arbre de la science et d'une Muse enseigne à l'enfant devant la cité de Liège. - Gravure sur cuivre de Daniel Meissner - éd. 1628

CHAPITRE I

INTRODUCTION


DOCUMENTS ET TRAVAUX D'ÉRUDITION


Pour écrire la Vie publique et privée de Charlemagne, on a de nombreux et instructifs documents.

Les plus importants appartiennent à son temps même.

Les Diplômes et les Capitulaires, publiés entre les années 768 et 814, sont des actes authentiques et de date certaine.

Les Capitulaires contiennent toutes sortes de prescriptions sur l'agriculture, le commerce, l'industrie, les usages, la religion, le gouvernement des peupIes de l'Europe Occidentale (1). Le sens et la portée de ces prescriptions sont très difficiles à saisir (2).

Une Vita Karoli Imperatoris a été écrite, vers 815, par Eginard, secrétaire intime de l'Empereur (3).

Ce travail est original. Éginard avait à sa disposition des notules importantes; il avait pris part à divers évènements; sur nombre de faits, il avait dû recevoir les confidences de Charles même, ou des renseignements de ses Conseillers (4).

La Vita Karoli n'est pas la Vie d'un saint: c'est celle d'un laïc. Elle est laïquement rédigée, à la différence de toutes les Vitae sanctorum: elle est judicieuse, historique, politique. On la lit aujour­d'hui encore avec plaisir, car rien n'y choque l'esprit moderne (5).

Chose fâcheuse. Éginard a écrit la Vita avec précipitation et discretion (6). Biographe famillier, il ne donne que des détails très imparfaits sur les actes, sur les vues de Charles. On a souvent ainsi quelque peine à le comprendre. Parfois on est obligé de le rectifier et de le compléter (7).

On cite, sous le titre de Annales Palatii, une Chronologie anonyme des évènements civils et religieux advenus dans le Royaume des Francs depuis l'an 741 jusqu'à l'an 829 (8).

Les Annales Palatii semblent être une oeuvre inspirée par Charles. On y emploie exclusivement l'Ère Chrétienne pour dater les faits. Innovation pieuse, sans doute, mais qui a fondé aussitôt une Chronologie générale sans précédents.

Ce remarquable labeur a une allure très compassée. C'est comme une narration officielle, écrite dans le cabinet de Charles par ses scribes particuliers. La rédaction définitive en fut entreprise, parait-il, vers 826, au milieu de notre Pays (9).

Ces deux compositions, les Annales Palatii et la Vita Karoli Imperatoris, n'ont pas seulement l'avantage de la contemporanéité: elles ont le mérite d'avoir pour auteurs des hommes puissants, instruits et sagaces.

Ce sont là les véritables et seuls éléments d'une sérieuse Biographie de Charles.

Les Annales Palatii sont entrées, abrégées ou augmentées, dans la plupart des Annales qui se confectionnèrent alors dans des Monastères (10).

Les compilateurs ont le savoir et le zèle que comportait le IXe siècle. Ils ne relatent que les actes et les évènements où sont mêlés les intérêts et les personnages ecclésiastiques (11)

Un moine de l'Abbaye de Saint-Gall, en Suisse, a rédigé, environ l'an 870, le Gesta Karoli Imperatoris. Il a mis en oeuvre les solennelles réminiscences de deux vieillards enthousiastes, un prêtre et un guerrier, qui avaient été les témoins oculaires des derniers faits et gestes de Charles (12).

On ne peut guère employer les pompeux récits de ce biographe (13).

Une Historia de Vita Caroli Magni a été écrite, vers l'an 1110, sous le pseudonyme de Turpin, Archevêque de Reims, mort en 798.

Cette Historia n'est qu'une légende: une dévote amplification des racontages vulgaires sur l'expédition d'Espagne et la défaite de Roncevaux. Charles y apparaît, dans toutes ses actions, dans tous ses discours, dans toute sa personne, énormément majestueux.

Maints détails ont une valeur traditionnelle (14).

Jusqu'à présent, on n'a retrouvé aucune Chronique de Liège élaborée en ces temps ténébreux (15).

Les Chroniques de Liège romanes que nous avons consultées ont été composées vers la fin du XIVe siècle. Elles contiennent toutes, à de légères variantes près, les mêmes données sur les Pippins, sur Charles (16).

Ce sont nos souvenirs nationaux.

Nous utiliserons ces souvenirs, quand des preuves anciennes et positives n'y feront pas trop obstacle (17).

A Liège, à Herstal, à Jupille, il y a encore des traditions orales sur Charles.

Jadis, nombre de particularités de l'Histoire locale se perpétuaient dans les familles avec cette formule: « Tout jeune, j'ai entendu dire à des personnes très âgées... » En 1540, c'était déjà ainsi: « J'ai ouï dire bien des fois à ma mère... », écrit le docte Hubert Thomas, quand il veut rappeler sa descendance du Lignage Pippinien (18).

Telles sont, notamment, pour des investigations précises et sûres, les ressources actuelles, en attendant le parachèvement des Monumenta Germaniae historica, ce précieux recueil de vieux, textes inconnus sur les grandes et les petites choses du Moyen-Age.



CHAPITRE II

PAYS ET ANCÊTRES DE CHARLES

Ekkehard Von Aura - Généalogie Carolingienne


Le Pays de Liège, dans le Système politique antérieur au dix-neuvième siècle, était un Membre de l'Empire Romano­Germanique.

Il était enserré dans la Germanic de­puis un temps immémorial.

Ainsi nos Pères, quoique Gaulois par le langage, étaient Germains.

Ils s'en glorifiaient.

En 1150, ils se le redisaient: « Nous ne sommes pas Gaulois, nous sommes Germains (19) »

C'était une vérité à la fois historique et géographique.

La Germanie antique n'était point la Germanie des temps modernes.

Ce nom n'était même donné, il y a deux mille ans, qu'à un territoire relativement peu étendu, borné à l'Ouest par l'Escaut, et à l'Est par le Rhin (20).

La Germanie fut subjuguée par les Romains.

Elle essaya, à maintes reprises, de reconquérir la liberté.

Elle n'y réussit qu'en 491, grâce à Clovis et â ses intrépides Francs (21).

De ce moment, la domination des Romains cessa dans tout l'Occident de l'Europe (22).

A la mort de Clovis, ses enfants se partagèrent le Royaume des Francs, qui se trouva divisé, en 568, en deux Monarchies indépendantes, l'Austrasie et la Neustrie (23)

L'Escaut resta la ligne de démarcation entre ces deux Royaumes: au delà, c'était la Neustrie; en deçà, l'Austrasie.

Cette Austrasie, comprenant les Pays renfermés entre l'Escaut et le Rhin, constituait la France proprement dite (24).

Dans cette France, il y avait une contrée célèbre entre toutes: c'était la Hesbaye (25).

Au sixième siècle vivait en Hesbaye une Famille noble et considérée, riche en vastes domaines, et puissante par un parentage nombreux (26).

Sa prééminence se mêlait aux plus anciens souvenirs du Pays.

Ses chefs s'intitulaient héréditairement Ducs de Hesbaye (27).

Ils résidaient de préférence tantôt à Liège, tantôt dans les Châteaux-Forts de Chèvremont, de Jupille, de Herstal.

Vers l'an 622, un de ces Ducs, nommé Pippin, se fit investir par le Roi Clotaire des fonctions de Maire de l'Austrasie (28).

En 639, Pippin mourut (29).

Grimoald, son fils, fut investi à son tour de la Mairie du Palais (30).

En 649, la soeur de Grimoald, Begge, succéda à ce Haut-Office: elle le fit exercer par son mari, Ansigise, qui fut tué en rentrant à Chèvremont (685).

En 687, leur fils, nommé Pippin, devint également Maire du Palais (31).

En 713, Pippin se substitua dans la Mairie Grimoald, l'un des fils qu'il avait eus de Plectrude, sa première femme en titre (32).

En avril 714, Grimoald, qui avait épousé une Païenne (33), fut assassiné dans la basilique chrétienne de la Ville de Liège (34).

Aussitôt Pippin, à l'instigation de Plectrude, fit proclamer, comme Maire du Palais, l'enfant du défunt, nommé Théobald (35).

Théobald ne put conserver cet Office.

Pippin, qui était mort le 16 décembre 714, avait eu d'une autre de ses femmes, la Païenne Alpaïde, deux fils, Charles­Martel et Childebrand (36).

En 716, Charles-Martel s'installa, par la force des armes, dans la Mairie du Palais d'Austrasie (37).

Après une administration glorieuse Charles-Martel mourut le 15 octobre 741. Comme son père, il était resté fidèle aux moeurs et aux antiques divinités de son Lignage (38).

Ses fils, Pippin et Carlornan, se partagèrent l'autorité sur les Francs, l'un comme Maire d'Austrasie, l'autre comme Maire de Neustrie (39).

Depuis quelques années, ces deux Princes pratiquaient et protégeaient la foi Chrétienne. Carloman prit goût pour la vie dévote, et, vers l'an 747, il entra, en qualité de simple Religieux, dans un Monastère (40).

Pippin se trouva le Maire unique des deux Monarchies.

Au mois de mars 752, la Dynastie Mérovingienne étant réduite à un seul Prince infirme et sans descendants, Pippin convoqua une assemblée nationale, et se fit élire Roi (41).

Pippin eut un règne aussi long que prospère.

En 768, il avait fait, entre ses deux fils, Charles et Carloman, le partage de ses États (42).

Trois ans après, en 771, Carloman mourait, et Charles devenait le Souverain des deux Royaumes, qui reformèrent ainsi un seul Royaume des Francs (43).

C'est ce Charles, issu d'illustres et puissants aïeux, tous originaires de notre Pays (44), que la postérité s'est plu à nommer Charlemagne.



CHAPITRE III

DATE ET LIEU DE LA NAISSANCE DE CHARLES


La vie de Charlemagne, avant qu'il parvînt au trône, fut insignifiante (45).

Sa naissance n'eut rien d'extraordinaire.

Son enfance non plus.

Sa jeunesse pas davantage.

Cela se savait (46).


I

Date de sa naissance.


Charles était né en 742 (47)

A sa mort, tous les courtisans connaissaient son âge: il était bien dans sa septante-deuxième année (48).

Au Palais, et dans les Monastères, du vivant de Charles même, on célébrait l'anniversaire de sa naissance le 2 avril (49).

C'est donc le lundi avril 742, que Charles est né.


II

Ses parents.


Son père Pippin ainsi que sa mère Bertrade étaient Francs d'origine, natifs de la Hesbaye (50)

Pippin et Bertrade étaient, au sens moderne, Liégeois de naissance (51)

Depuis très longtemps, les membres du Lignage Pippinien résidaient, dans la vallée de la Meuse, tantôt dans le Palais de Liège, tantôt dans le Palais de Herstal, et plus souvent dans le Palais de Jupille, qui s'élevait sur le monticule abrupt et pierreux de Coignon, à l'extrémité du faubourg actuel d'Amercœur (52).

Ces Palais constituaient le Domaine patrimonial des Pippins, leur Manoir commun, leur Patrie (53).

C'est dans le Palais de Jupille que Bertrade donna le jour à Charles le lundi 2 avril 742 (54).


III

La tradition obscurcie.


A l'étranger, l'oubli s'était vite fait sur toutes ces particularités, les guerres et les misères aidant.

Au XIIe siècle, l'origine familiale de Charles, devenue incertaine, donna lieu à maints récits bizarres.

On supposa que sa mère se nommait Berte; qu'elle était née en Hongrie; qu'elle était de lignage illustre, et fille de l'Empereur d'Orient Héraclius; qu'elle accoucha au milieu de l'Allemagne, dans le vieux Burg d'Ingelheim (55).

C'était une très noble et très solennelle légende.

Elle fut respectueusement acceptée (56).

En 1750, grâce aux progrès de l'érudition et de la critique, elle n'avait plus un seul partisan.


IV

La tradition historique.


Le souvenir de la naissance de Charles à Jupille se conserva fidèlement dans notre Pays.

Le fait y resta notoire (57).

Dès le XIIe siècle, il est relevé brièvement et simplement, ici, là, dans des écrits originaux.

Le légendaire et le savant sont mêmement renseignés.

La tradition les guide.


En 1165, on dit ainsi:

« Comme ses parents, le Roi Charles résidait à Jupille, près de Herstal sur Meuse: il y était né (58). »


En 1465:

« Dans le Pays Liégeois, on se plait à rappeler que Charlemagne et ses parents sont natifs de Jupille, village tout attenant la Cité de Liège (59) »


A la fin du XVe siècle, la tradition subit une légère modification.

Le Manoir de Jupille avoisinait la Cité de Liège.

On en vint à désigner Liège comme le lieu natal de Charles.

Ce n'était là, pour bien des esprits, que mieux préciser.


En 1499, on écrivait:

« Charlemagne est né à Liège, sinon dans une localité bien proche (60). »


En 1620, l'indication de Liège avait prévalu:

« La pluspart des Autheurs asseurent, avec plus d'apparence de vérité, que Charlemagne estoit natif de la ville de Liege (61). »

Dès lors, on ne fit plus mention que de Liège (62)

Aujourd'hui, le sol où fut le Palais de Jupille est entièrement enclavé dans la Ville de Liège. De là, cette juste conclusion:


Charles est né à Liège.



CHAPITRE IV

CHARLES ET SON EPOQUE


En 768, à l'avènement de Charles au trône, l'Occident de l'Europe continuait à être une immense région barbare, presque inconnue.

Toutes les Nations se sous-divisaient en Peuplades indépendantes; et ces Peuplades, également pauvres et souffreteuses, étaient perpétuellement à s'entrebattre et à s'entre-piller.

Au sud et à l'ouest, c'étaient les Aquitains, les Bourguignons, les Bretons; au nord et à l'est, les Francs, les Frisons, les Saxons, les Hessois, les Thuringiens, les Bavarois, les Hongrois (63).

Partout, les habitants étaient soumis à de grossières superstitions (64).

En maints Pays, on sacrifiait aux Dieux, bons et mauvais, des victimes humaines (65).

Au commencement du VIIIe siècle, des missionnaires Chrétiens s'étaient aventurés ça et là, dans la Frise, dans la Saxe, prêchant le Dieu unique et universel, que les Grands et les Humbles, que tous les hommes et que toutes les Nations pouvaient également implorer et trouver miséricordieux.

La croyance nouvelle était bafouée, honnie.

Les populations tenaient à leurs adorations farouches, si chères aux sages ancêtres (66).

Vers 730, dans toute la Germanie, les vieilles religions locales gardaient la prééminence. Dans le Pays Liégeois, les habitants restaient de fidèles Païens. On n'y voyait qu'un petit nombre de sociétés Chrétiennes (ecclesiae), instituées dans des Burgs commerçants, et par cela même tolérants (67).

Dans le midi de l'Europe, c'était le même chaos, la même rudesse.

Les Arabes, maîtres de l'Espagne, se préparaient à une nouvelle irruption en Gaule, pour y établir leur immuable et imperfectible Mahométisme.

L'Italie était non moins troublée.

Aux luttes acharnées de ses Peuples s'ajoutaient les descentes continuelles des Sarrasins, qui tâchaient de prendre pied sur ce sol si âprement disputé.

L'illustre Empereur de Constantinople se considérait comme le successeur des Empereurs Romains. Il ne renonçait à aucune de ses prétentions sur toutes les Contrées de l'Occident; et, par instants, il exigeait une stricte obéissance des Pays de la Péninsule.

De leur côté, les puissants Rois des Lombards cherchaient à évincer l'Empereur de ses possessions Italiques: ils gagnaient peu à peu à leur influence les Ducs et les Comtes avoisinant la Lombardie. Ils s'étaient soumis l'Évêque qui siégeait dans l'imposante Ville de Rome. Ils en étaient venus à contraindre cet Évêque à leur demander, aussi bien qu'à l'Empereur, la confirmation de son élection (68).

Cette Italie si dégradée et ce méprisable Empire n'étaient pas seulement désunis par un antagonisme politique: ils l'étaient encore par un antagonisme religieux.

Qui, du Pontife Chrétien de Constantinople, la Capitale de fait, ou du Pontife Chrétien de Rome, la Capitale de droit, devait prédominer dans la Chrétienté entière (69).

Entre l'Église de Constantinople et l'Église de Rome, il n'y avait pas de transaction possible. L'une et l'autre voulaient l'omnipotence. Tous leurs actes y tendaient. Ce que l'une rejetait, l'autre l'admettait; ce que l'une maudissait, l'autre l'adorait (70).

Par un coup de force inattendu, l'Église d'Orient, abandonnée aux dissensions Ariennes, n'allait-elle pas, peut-être, se subordonner l'Église d'Occident, qui se disciplinait si heureusement?

C'était là un danger qu'appréhendait avec effroi l'Église Romaine, très peu résistante d'elle-même.

Cette fière Église ne savait comment faire, pour ne pas périr politiquement et religieusement (71).

En somme, l'Occident tentait, mais en vain, de s'affranchir des terribles traditions qui l'assujétissaient aux Empereurs de Constantinople; et le Christianisme Romain, le Christianisme progressif et civilisateur, était menacé d'une ruine imminente, si l'on ne détruisait le Paganisme au nord, si l'on ne repoussait l'Arianisme et l'Islamisme au sud.

C'est au milieu de cette inénarrable anarchie morale, politique et religieuse que paraît Charles, en 768.



CHAPITRE V

CHRONIQUE DU RÈGNE DE CHARLES


768
Dimanche 9 octobre.


Charles succède, en qualité de Roi des Francs, à son père Pippin.

II est âgé de vingt-six ans (72)


769


Charles va guerroyer les Peuples du midi de la Gaule, qui se sont soulevés à la mort de son père Pippin (73). Il les disperse, et fait leur chef prisonnier. Poitiers, Bourges, Angoulème, Bordeaux, Toulouse, Bayonne et les autres villes Aquitaniques, se soumettent sans résistance (74).

Il revient passer l'hiver au Manoir de Herstal (75).


770


Charles, qui a convoqué une foule de Seigneurs à Liège, célèbre, le 92 avril, la fête de Pâques dans la basilique de saint Lambert (76).

Cédant aux conseils de Bertrade, sa mère, il se laisse fiancer à Désirée, fille de Didier, Roi des Lombards (77).

Il va célébrer la fête de Noël à Mayence (78).


771


Charles passe les premiers mois de cette année au Manoir de Herstal, et y festoie Pâques le 7 avril (79).

Il reçoit du Pontife de Rome une lettre qui l'exhorte à ne pas épouser Désirée.

S'il veut être le vrai protecteur de l'Église catholique, il ne peut prendre pour femme une fille de l'odieux Didier, le persécuteur de l'orthodoxie, le spoliateur du Saint Siège (80).

Charles comprend et accepte les devoirs qui lui sont imposés.

Il sera le suprême défenseur de l'Église et de l'Orthodoxie Romaines (81).

Il s'empresse de répudier Désirée [octobre] (82).


772


Charles est au Manoir de Herstal. II y festoie la solennité de Pâques, le 29 mars (83)

Des missionnaires sont envoyés en Saxe pour prêcher l'Évangile. Ils y sont massacrés.

Une Diète est convoquée à Worms: elle décide qu'il faut porter la guerre en Saxe [mai] (84).

Charles pénètre dans la Saxe, et la ravage par le fer et le feu. Il s'empare d'Eresburg (près de Paderborn), et y fait abattre l'irmensul, la plus célèbre des Statues élevées en l'honneur d'Irmin, Déité que les Saxons ont en grande vénération. Il assure partout, non sans peine, la prédication Chrétienne (85).

A la fin du mois d'octobre, il se retrouve au Manoir de Herstal (86). Il y festoie la solennité de Noel (87).


773


Le 18 avril, Charles célèbre la fête de Pâques au Manoir de Herstal (88).

Le Pape Adrien lui envoie une ambassade: il demande instamment secours contre les Lombards, dont les nouvelles agressions inquiètent de plus en plus l'Eglise de Rome (89).

Le Roi sait ce qu'il doit faire. Il se décide promptement. II convoque à Genève son armée, et remet le commandement de l'avant-garde à son oncle Bernard (90).

Charles traverse les Alpes [septembre], parvient à tourner les passages occupés par les Lombards, qu'il culbute, et va bloquer Pavie, où s'est réfugié Didier.

Il célèbre la fête de Noël dans son camp devant Pavie.


774


Voyant que rien ne peut compromettre le blocus de Pavie, Charles va faire ses dévotions à Rome, où n'était jamais entré aucun de ses aïeux (91).

Le Pape et son Clergé, ainsi que les Romains, font au Roi une réception grandiose, le samedi avril (92).

Charles promet au Siège Apostolique de riches domaines situés dans la Lombardie, qu'il se propose de conquérir (93).

Après les cérémonies religieuses de Pâques, il retourne devant Pavie. Il la force de capituler. [Fin mai] (94)

Réalisant sa pensée, il se proclame Roi des Lombards. Il confirme les institutions et les lois des Lombards (95).

Charles se retrouve au Manoir de Herstal dans les derniers jours du mois d'août (96).

Il avait ramené avec lui la femme et la fille du Roi Didier, et Didier lui-même. Il leur assigne un antique manoir à Liège pour lieu de captivité (97). Il commet la garde de ces prisonniers illustres à son cousin Agilfride, qu'il a installé Évêque de Liège (98).

Les Pays Saxons, pendant la guerre de Lombardie, avaient ressaisi leur indépendance. Une armée y pénètre vers la fin de septembre. Quiconque ne fait point une prompte soumission, est exterminé (99).


775


Aux premiers jours du printemps, Charles, à la tête d'une troupe d'élite, entre de nouveau en Saxe. Il passe le Rhin. Il va se heurter, sur les rives du Weser, contre l'armée ennemie, qui lui dispute le passage du fleuve. Il la repousse, et la détruit presque entièrement (100).

Les Peuplades Saxonnes se hâtent de livrer des otages, et prêtent serment de fidélité (101).

Charles décrète la peine de mort contre tous ceux qui feront acte de rébellion, qui refuseront le baptême, ou qui tueront un ecclésiastique (102)


776


La Lombardie, excitée par l'Empereur de Constantinople, se soulève (mars) (103).

Charles descend en Italic, bat et anéantit les Conjures (104).

La Lombardie pacifiée, il retraverse les Alpes. Il marche contre les Saxons, qui ont rétabli partout le Paganisme. Il les force à se rebaptiser (105).

Dans les premiers jours de novembre, il revient au Manoir de Herstal (106). Il y festoie la solennité de Noël (107).


777


Charles reste tout l'hiver au Manoir de Herstal (108).

Au commencement du printemps, il part pour Nimègue, où il célèbre la fête de Pâques (30 mars) (109).

Il entre ensuite en Saxe avec une armée considérable. A son approche, les Populations s'empressent de réitérer le serment de fidélité, et une multitude d'habitants reçoivent le baptême (110).

Deux Emirs d'Espagne, ceux de Saragosse et de Huesca, arrivent à la Diète de Paderborn. Ils supplient Charles de leur prêter secours contre Abd-el-Rahman, Khalife de Cordoue (111).

Le mauvais temps survenant, le Roi revient au Manoir de Herstal (112).


778


Charles a passé l'hiver dans son pays (113).

Il se résoud à une expédition au-delà des Pyrénées. II espère délivrer les Espagnols de la domination des Arabes, et convertir à la foi Chrétienne les Populations Musulmanes (114).

Le printemps venu, Charles arrive en Aquitaine. Il célèbre la fête de Pâques, le 19 avril, à Casseneuil, puis franchit les Pyrénées (115).

Il conquiert, en peu de temps, la Navarre et une partie de l'Aragon jusqu'à l'Ebre. Il organise ces Pays en Marches ou Comtés militaires, pour faire obstacle aux invasions des Sarrasins en Gaule.

Vers le milieu de juin, Charles peut s'en revenir.

Ce n'est pas sans danger.

L'arrière-garde de l'armée, en défilant dans la Vallée de Roncevaux, est inopinément attaquée par les Basques, et mise en pièces. Là périssent les meilleurs guerriers de Charles, ses amis d'enfance, et, entre autres, le fameux Roland (116).

Douloureusement affligé, il rentre au Manoir de Herstal (117). Il y célèbre la fête de Noël (118).


779


Charles passe l'hiver au Manoir de Herstal. Il y festoie la solennité de Pâques, le 11 avrils (119).

Vers la fin du mois de mai, il dirige une nouvelle expédition contre les Saxons, soulevés, et retournés à l'idolâtrie. Il leur livre bataille à Bocholt, en deça de Wesel, et en fait un grand carnage. Pour obtenir la paix, les vaincus relivrent des otages et rejurent fidélité (120).


780


Aux premiers jours du printemps, le Roi rentre dans la Saxe (121). Les Populations des régions orientales sont forcées d'abjurer le Paganisme, et de recevoir le baptême (122).

Pour propager la civilisation dans ces cruels Pays, il essaye d'y fonder des Monastères, des Évêches, des Écoles (123).

Il descend en Italie. Il festoie la fête de Noël à Pavie, où il passe l'hiver (124).


781


De Pavie, Charles se rend à Rome, où il est grandement reçu. Il y célèbre la solennité de Pâques (125)

Il passe l'automne et l'hiver au Manoir de Herstal (126).


782


Vers la fin du printemps, Charles est obligé d'envoyer une armée en Saxe (127). A l'instigation d'un ancien Duc, Witikind, les Populations de cette vaste contrée s'étaient révoltées. Elles étaient encouragées et assistées parles nations Païennes avoisinantes (128).

Les Saxons feignirent la soumission; puis ils surprirent les Francs à Süntel, dans la Hesse, et les massacrèrent (129).

A la nouvelle de ce désastre, le Roi rassemble ses troupes, et parcourt la Saxe en terrible vainqueur (130). Quatre mille cinq cents rebelles, signalés comme complices du forfait, lui sont amenés à Verden. Sur son ordre, ils sont tous décapités en un même jour. Witikind réussit à s'échapper (131).

Au mois d'août, Charles petit raccourir au Manoir de Herstal (132)


783


Au commencement de l'été, Charles reparaît en Saxe. Il livre deux combats sanglants aux insurgés, et chaque fois il est victorieux (133).

Vers l'automne, il revient au Manoir de Herstal. II y festoie la solennité de Noël (134).


784-785


Charles a passé l'hiver au Manoir de Herstal. Il y festoie Pâques, le 11 avril (135).

Voulant en finir avec les Saxons, il se remontre dans leur Pays (136). Il s'établit dans les rudes contrées du nord et de l'est (137).

Au printemps suivant (785), après de longs pourparlers, Charles voit s'en venir vers lui Witikind et son frère Abbion avec le reste de leurs soldats. Les rebelles prêtent entre ses mains le serment de fidélité, et reçoivent le baptême (138).

Les Saxons renoncent à toujours aux religions de leurs ancêtres, et adoptent la foi Chrétienne. Ils consentent à faire partie intégrante du Peuple Franc (139).


786


Charles envoie une armée dans la Gaule Armoricaine, qui s'est aussi soulevée. Les Bretons, vaincus, se soumettent (140).

Les deux gendres de Didier, le Duc de Bénevent et le Duc de Bavière, que doit assister une armée Grecque, s'accordent pour rendre la Lombardie à ses anciens souverains.

Charles, averti de ce complot, traverse les Alpes, et s'avance contre le Duc de Bénevent. Celui-ci n'ose faire résistance. Il se reconnaît Vassal du Roi Franc, et s'oblige à payer tribut (141).

Tranquille de ce côté, Charles, qui a célébré la fête de Noël à Florence, se rend à Rome (142).


787


Charles festoie pompeusement la solennité de Pâques à Rome, puis il repasse les Alpes (143).

A la Diète de Worms, après avoir rendu compte de son heureuse excursion en Italie, il fait décider une expédition contre le Duc de Bavière, Vassal rebelle. Celui-ci accourt, et prévient la guerre en rejurant fidélité (144).


788


Soupçonné de trahison, le Duc de Bavière comparaît à la Diète d'lngelheim. Ne pouvant se disculper, il est, à l'unanimité, condamné à mort (145). Comme grâce, il lui est accordé d'aller finir ses jours dans un Monastère (146).

Charles prend possession de la Bavière, l'incorpore au Royaume, et la partage en Comtés (147).

Il revient se reposer au Manoir d'Aix, où il célèbre les solennités de Noel et de Pâques (148).


789-793


Absorbé par les soins du gouvernement, Charles cesse de diriger lui-même les armées: il en confie le commandement à ses fils et à ses lieutenants (149).

Il ordonne diverses expéditions contre les Peuples voisins de la Saxe et de la Bavière, et contre les Sarrasins.

Il entreprend le creusement d'un canal par lequel le Mein et le Rhin doivent communiquer avec le Danube (150).


794


En novembre, Charles retourne à Aix, dont la situation l'attire et le retient de plus en plus (151). Il y fait bâtir un vaste Palais et une Chapelle d'une rare magnificence (152). Ces deux édifices sont décorés de mosaïques, de peintures, de bronzes et de vitraux admirables, dus à des artistes que l'on a fait venir des contrées les plus lointaines (153).

Charles accorde à la Bonne Ville d'Aix des privilèges semblables à ceux que possède Rome. Elle est régie par un Sénat, et ses Bourgeois ne peuvent relever d'aucune autre juridiction (154).


795


La résidence de Charles est devenue permanente à Aix (155). Après y avoir fêté Noël, il y célèbre, le 12 avril, la solennité de Pâques (156).

Il vient à Liège. Il reconnaît, par un diplôme à scel d'or (154), les vieux Privilèges de la Bonne Ville, qui se gouverne par un Sénat ou Conseil Scabinal (158). Il lui fait présent d'un Étendard, signe visible de la juridiction civile et militaire (159). Francs d'origine, les Bourgeois sont autorisés à porter des vêtements verts-gris, brodés ou bordés d'argent (160); ils sont maîtres chez eux , selon le proverbe: Pauvre Homme en sa Maison Roi est (161).

Charles passe l'hiver à Aix. Il y célèbre les fêtes de Noël et de Pâques (162).


796


Le Pape Adrien meurt. Il a pour successeur Léon III. Celui-ci manifeste le désir de soustraire Rome à l'autorité de l'Empereur Grec: il adresse à Charles les Clefs de saint Pierre et l'Étendard de la Ville, en le suppliant d'envoyer un Commissaire pour recevoir le serment de sujétion du Peuple Romain (163).

Le Conseil er-Intime Angilbert se rend auprès du Pape, pour lui porter les voeux et les félicitations de Charles, et accepter la soumission des Romains (164).


797


Charles va rejoindre son armée, qui guerroie avec succès les Nations barbares d'au-delà de l'Elbe.

Revenu sur les bords du Weser, il transforme son campement en Château­fort, auquel il donne le nom de Herstal (165). Il y célèbre les fêtes de Noël, et, le 8 avril, celles de Pâques (166).


798


Vers le mois de juillet, il quitte la Saxe, et revient à Aix, où l'attendent les envoyés de divers Pays, et, notamment, de la Grèce et de l'Espagne. Il y festoie la solennité de Noël (167).


799


Charles célèbre à Aix, le 31 mars, la fête de Pâques (168).

Comptant sur l'assistance de l'Empereur Grec, des Romains fomentent une contre-révolution [25 avril]. Le Pape Léon parvient à s'échapper de leurs mains, grâce à l'influence puissante de l'Envoyé de Charles, Werond, abbé de Stavelot (169). Il arrive en Germanie, et implore la protection du grand Roi.

Charles est en Saxe, à Paderborn. Il accueille et écoute Léon avec un affectueux respect. [Juin]. Il charge les Archevêques de Cologne et de Salzbourg de reconduire le Pontife à Rome avec une forte escorte, et de le rétablir sur son siège (170)

En s'en retournant, Léon visite les églises, et leur donne sa bénédiction apostolique. Il consacre dans notre Pays [septembre] diverses églises, notamment celles d'Aix (171), de Visé, de Tongres, d'Avroi et de Huy (172). II rentre à Rome le 29 novembre (173).

L'hiver s'approchant, Charles revient à Aix, où il célèbre la fête de Noel (173).


800


Charles se prépare à partir pour Rome, où il doit accomplir un projet mûrement médité (174).

Au printemps, il se rend dans la Gaule (175). Il visite Rouen et Tours, puis revient, à la fin de juillet, à Aix. II convoque à Mayence une assemblée générale, et lui fait adopter l'idée d'une nouvelle expédition au-delà des Alpes, pour appuyer la révolte des Romains contre l'Empereur Grec (176).

Il pénètre en Italie à la tète d'une armée [octobre]. Après s'être reposé une semaine à Ravenne, il prend le chemin d'Ancône, et, le lundi 23 novembre, à quatre lieues de Rome, à Nomento, il trouve le Pape Léon et les Notables Romains, empressés de le féliciter (178).

Le lendemain, Charles, à cheval, précédé et suivi de ses guerriers, fait une triomphale entrée à Rome, au milieu des cris de joie et des cantiques (179).

Sept jours après, dans une réunion des principaux membres du Clergé et de la Noblesse, il expose les motifs de son voyage (180).

A l'instant, le Pape, le Clergé et la Noblesse concertent que l'Empereur de Constantinople sera déclaré déchu de ses droits sur Rome, et que Charles, proclamé Auguste, fondera un Empire Romano­Germain (181).

Le jour de Noël [vendredi] (182), le Roi, vêtu d'un splendide costume oriental, assiste à la célébration de la messe dans la basilique de St-Pierre. Au moment convenu, il s'avance vers l'autel: le Pape Léon lui met une couronne sur la tête, et par trois fois le salue Empereur (183); Puis il lui rend hommage, et il se prosterne pour lui baiser la main (184).

Tout cela se fait aux acclamations des assistants: A Charles Auguste, couronné par Dieu Grand et Pacifique Empereur des Romains, vie et prospérité (185)!

Le Roi des Francs, Maitre et Souverain de Rome, est investi des prérogatives et du pouvoir attachés à la Dignité Impériale. Il prend officiellement le titre d'Empereur et d'Auguste (186).

De ce jour, l'Église de Rome, l'Italie, tout l'Occident, ne sont plus dans la sujétion traditionnelle des Empereurs de Constantinople (187).


801


Charles passe l'hiver à Rome. Il célèbre, avec un apparat majestueux, la fête de Pâques dans l'église St-Pierre.

Après avoir réglé les affaires du Siège Apostolique et arrêté plusieurs lois concernant la police de l'Italie, il quitte Rome le 2 avril, et revient en son cher Pays (188).

Vers la fin du mois d'octobre, il rentre à Aix, où il festoie la solennité de Noel (189).


802


Charles réside une partie de l'été au Manoir de Herstal, et l'hiver à Aix (190).

Charles a créé un puissant Empire.

Il voudrait y produire un ordre intellectuel et moral capable d'équivaloir â l'ordre intellectuel et moral des anciens Romains, et même des Athéniens (191).

Il fait recorder et mettre en Chartes les Privilèges non écrits de toutes les Nations ou Bourgeoisies (192).

Il essaye d'améliorer, pour servir d'exemple, les Coutumes pénales des Francs. Il rend plus douces, en plusieurs points, les célèbres Lois Salique et Ripuaire (193).

Il remet en honneur de vieux poèmes en langues vulgaires, ceux-là surtout qui racontent les aventures et les guerres des anciens Rois et Seigneurs. Il les fait écrire, et les fait lire publiquement (194).

Il soumet ainsi aux règles littéraires les idiomes nationaux (195).

II prescrit l'Ère Chrétienne pour computer les temps présents et passés, pour dater les actes officiels, et pour dresser les chronologies nouvelles (196).

En conséquence de cette réforme, l'année se compose partout de douze mois, et elle s'ouvre le saint jour de Noel (197).

L'on ne compte plus le temps par nuits, mais par jours (198).

Le jour doit commencer à minuit, et se partager en douze heures (199).

L'horizon est divisé en douze vents, qui reçoivent des noms intelligibles à tous (200).


803


L'Empereur d'Orient et l'Empereur d'Occident s'envoient des ambassadeurs, pour convenir des conditions nouvelles de la paix entre les Francs et les Grecs (201).


804


Le Pape Léon, dans tout l'appareil de sa suprême dignité, vient faire hommage à l'Empereur. Ils festoient ensemble la solennité de Noël dans le Château de Quierzy, puis s'en retournent à Aix.

L'Empereur renvoie le Pape chargé de présents (202).


806


Les Ducs de Venise et de Dalmatie, anciens Vassaux des Empereurs d'Orient, arrivent à la Cour d'Aix pour prêter hommage à Charles (203).

La moitié de l'Europe lui est soumise. L'Empire comprend la Germanie, la Frise, la Saxe, la Thuringe, la Bavière, la Souabe, l'Helvétie, l'Autriche, la Gaule, l'Espagne jusqu'à I'Ebre, l'Italie jusqu'à Naples, et plusieurs îles de la Méditerranée; il s'étend de la Biscaye jusqu'à la mer Baltique, et de l'Ebre jusqu'aux montagnes de la Croatie (204)

Âgé de soixante-quatre ans, et sa santé pouvant s'affaiblir soudain, Charles pense à la mort, et fait son testament.

Il convoque à Thionville une assemblée des Grands et des Notables de l'Empire. Il leur notifie le projet qu'il a de partager la souveraineté entre ses trois fils, Charles, Pippin et Louis (205). Tous les assistants s'y rallient, et font le serment de respecter ses dernières volontés. Ces décisions sont rédigées en acte solennel, et Éginard va le présenter au Pape Léon, pour qu'il y appose sa signature comme Vassal (206).

Charles invite l'Évêque de Liège Gerbald à prescrire un jeûne de trois jours, avec abstinence de vin et de viande, pour tout le Diocèse (207).


807


Charles, pendant son séjour à Liège, festoie, le mercredi 6 janvier, le Jour des Rois. Il préside, dans la Cathédrale, au baptême de nombreux néophites, jeunes et vieux, qui sont à même de réciter le Pater noster et le Credo (208)

Des ambassadeurs de Hâroûn-Al-Ras­chid, Khalife de Bagdad, viennent à Aix. Ils offrent à Charles de riches présents (209).


811


Charles arrête la paix avec l'Empereur Grec (210).

Il se réconcilie avec le Roi des Danois, qui, depuis plusieurs années, ne cessait de désoler par ses pilleries les côtes de l'Empire (211).

Dans les premiers jours d'octobre, il va visiter quelques ports. A Boulogne, où stationne une de ses flottes, il fait relever le phare, et ordonne qu'on y tienne un feu allumé pendant la nuit (212).

Il descend l'Escaut jusqu'à Gand, voulant inspecter les chantiers où sont en construction de nombreux navires (213).


812


Charles conclut avec El-Hakem, Émir de Cordoue, un traité qui fixe les frontières du côté de l'Espagne (214).

L'Empereur Grec lui reconnaît le titre d'Empereur des Francs et des Romains (215).


813


Dans les premiers jours du mois de mai, Charles va chasser dans les Ardennes. Pris d'une douleur aux pieds, il s'achemine vers Liège. Dès qu'il est convalescent, il retourne à Aix (216).

Malgré son énergie, il est attristé. Il vient de perdre ses fils aînés, Pippin, le 8 juillet 810, et Charles, le 4 décembre 811. Bientôt, il peut lui-même mourir (217). Il veut changer ses dispositions testamentaires, n'ayant plus que son fils Louis pour héritier (218).

II convoque à Aix, au mois d'août, les Grands et les Notables, les Évêques et les Abbés, les Comtes et les Magistrats: il leur demande si l'instant n'est pas venu d'agréer Louis, qui est dans sa trente­cinquième année, en qualité de Roi et d'Empereur (219).

Pas une voix n'est opposante (220).

Le dimanche 14 août, revêtu des ornements impériaux, la couronne sur la tête, Charles se rend au Dôme (221). Il présente son fils à l'Assemblée, et le proclame son successeur. Sur son ordre, Louis prend la brillante couronne qui se trouve sur l'autel, et se la met lui-même sur la tète (222).

Ces choses sont faites à l'applaudissement de la foule des assistants, et aux cris de Vive l'Empereur Louis (223).

La solennelle cérémonie achevée, le vieil Empereur, donnant le bras à son fils, s'en revient lentement au Palais (224).

Quelques jours après son couronnement, Louis repart pour l'Aquitaine. Les deux Empereurs s'embrassent en pleurant, comme dans un adieu dernier (225).

Charles va chasser non loin d'Aix. Il y rentre le premier novembre (226).

Il se complaît dans la retraite. Il donne tout son temps à la prière, à la distribution des aumônes, à la correction des livres sacrés. C'est en sa présence que l'on confère les quatre Évangiles d'après des textes grecs et syriaques (227)


814


Au milieu de janvier, Charles est saisi, à la sortie du bain, par la fièvre (228). Le dimanche 22, il se met au lit. Il use de son remède habituel, la diète (229); mais bientôt une douleur de côté survient: une pleurésie se déclare (230). Le vendredi 27, il demande à son aumônier les derniers sacrements (231). Le lendemain, à trois heures du matin (232), il sent venir la mort: il fait un effort pour se signer sur le front et la poitrine, puis ferme les yeux, et expire en murmurant la prière Chrétienne: In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum (233).

Il était âgé de septante-un ans neuf mois et vingt-huit jours. Il avait régné quarante-sept ans sur les Francs, quarante-trois sur les Italiens, et quatorze sur l'Empire d'Occident (234).

Lorsque Charles fut sans vie, on ne discuta guère sur le lieu où il fallait l'enterrer. On fut d'accord pour le faire reposer dans le caveau de sa magnifique Chapelle (235).

Le jour même, dans l'après-midi, son corps, embaumé, fut descendu dans le caveau (236). Il fut assis, ce qui était sans exemple, sur un siège de marbre, le visage couvert d'un suaire, paré des vêtements impériaux, le sceptre à la main, la couronne sur la tête, l'épée au côté, et à la ceinture la besace dorée qu'il portait dans ses voyages à Rome; il tenait sur ses genoux son livre d'Évangiles, et avait les pieds sur son bouclier d'or (237).

Il devait trôner ainsi à toujours.

Le caveau fut rempli d'objets précieux et d'aromates (238). L'entrée, bien murée, fut couverte d'une lourde pierre, sur laquelle on sculpta la figure de l'Empereur, et au-dessous ces mots:


SUB HOC CONDITORIO SITUM

EST CORPUS CAROLI MACNI ET

ORTHODOXI IMPERATORIS QUI

REGNUM FRANCORUM NOBILITER

AMPLIAVIT ET PER ANNOS XLVI

FELICITER REXIT. DECESSIT

SEPTUAGENARIUS. Ao DOMINI

DCCCXIIII. V. KAL. FEBR. (239)


Partout on avait appris avec douleur la mort du puissant et glorieux Charles.

Cette mort avait ému tous les Chrétiens, hommes et femmes, vieillards ou enfants, de l'Empire (240).

Elle ne toucha pas moins vivement les Chrétiens sectaires, les Païens eux­mêmes (241).

Charles, pendant tout son règne, avait été un Souverain sans pareil (242).


CHAPITRE VI

VIE PUBLIQUE DE CHARLES


I

Charles Germain.


Charles, en son âge mûr, allait souvent, pour se reposer, prendre des bains à Aix, ville de langage tixhon, non loin de Liège, ville de langage wallon (243).

Il fit d'Aix sa demeure ordinaire en 794, après qu'il y eût construit un vaste Palais et une splendide Chapelle. Aix devint, dès lors, sa résidence officielle (244).

C'est là qu'il siège comme Chef et Justicier suprême; c'est là que les Ambassadeurs vont le trouver ou l'attendre; ce n'est que là que le Pape Léon, en 804, peut obtenir audience.

Quoique regardé à Rome comme le successeur des Empereurs Romains, Charles ne veut point faire de Rome la Capitale de son Empire (245).

Par son mépris des usages antiques, il détruit à tout jamais les odieuses traditions de la centralisation et du despotisme Romains.

En établissant sa Cour dans un modeste et libre Burg, il fait prédominer dans l'Occident l'influence Germanique, influence puissante, favorable à la liberté des Personnes et à celle des Nations (246).



II

Charles Empereur.


Au huitième siècle, la suprématie de l'Empire Romain était un ressouvenir tout vivace encore parmi la plupart des Nations de l'Occident. Elle était reconnue en Italie. Elle était effective à Rome.

De leur côté, les Empereurs de Constantinople, héritiers directs des Empereurs Romains, se plaisaient à croire que, comme ceux-ci, ils disposaient des mers et des terres (247).

L'Occident, l'Italie, Rome, ne pouvaient s'affranchir de la sujétion aux Empereurs Romains de Constantinople, que par leur sujétion à d'autres Empereurs Romains constitués à Rome même.

Charles conçut et réalisa cette grande idée (248)

Triomphalement proclamé Empereur à Rome par le Peuple Romain, il fut aussitôt considéré, en Italie, comme le légitime successeur des anciens Empereurs Romains (248).

C'est comme tel qu'il fut accepté dans tout l'Occident, tant les Peuples étaient accoutumés à s'incliner devant l'imposante Dignité Impériale (249).

L'Empereur d'Orient protesta contre l'usurpation du titre d'Empereur et de ses attributs fameux, le sceptre, le globe, le diadème (250).

Enfin, las d'efforts, en 812, il consentit à reconnaître en Charles un véritable Empereur, son égal, comme lui indépendant, comme lui puissant.

Par la création de l'Empire Romano-Germanique, Charles annihila complètement les traditions de supériorité du vieil Empire Romain, et il fonda un Droit Public tout nouveau.

C'est le Droit Public moderne.

Tous les États de l'Occident doivent, en effet, leur origine à Charlemagne. II n'en est pas un, qui n'ait commencé par être un Fief de son illustre Empire (251).



III

Charles législateur.


Charles, selon sa conception, réprouve l'Antiquité.

II a tout à créer, société, moeurs, idiomes.

II accorde des prérogatives à la Noblesse, des immunités au Clergé, des privilèges aux hommes Libres des Villes.

La Noblesse, le Clergé, les Villes vivent dans une sorte d'indépendance, sous sa suzeraineté suprême.

II règne avec loyauté (252).

Il multiplie ses efforts pour établir l'ordre parmi un terrible pêle-mêle de races diverses, dont il doit former une seule Nation.

Plein de respect pour les vieilles institutions politiques de la Germanie, il fait profiter son vaste Empire des bienfaits d'une représentation toute nationale (253).

Chaque année, il réunit en parlement les Grands et les Notables, les Évêques, les Abbés, les Comtes, et d'autres Officiers civils et militaires (254). Les laïcs ainsi que les ecclésiastiques délibèrent séparément, et dans des locaux distincts (255): ils se réunissent, lorsque la discussion est d'un grave intérêt (256).

Il soumet les affaires générales, les lois politiques, civiles et religieuses à l'approbation de ces assemblées.

Il les consulte pour faire la guerre, pour conclure la paix.

Tout cela est inoui.

Charles est conquérant, conquérant inflexible.

Il n'offense point les vaincus. Il leur laisse leurs règles sociales, leurs coutumes, leurs propriétés, leur commerce, en un mot leur esprit public (257).

Des Officiers amovibles, nommés ici Comtes, là Marquis, commandent dans les divers Pays de l'Empire. Ces Officiers sont investis d'une autorité extraordinaire. Ils ne peuvent guère en abuser. Ils sont surveillés par les Envoyés Royaux. Ceux-ci, ambulants, vont tous les ans, dans chaque Comté, tenir des assises, durant lesquelles ils publient les lois nouvelles, reçoivent les plaintes, et corrigent les méfaits (258).

Les Envoyés viennent rendre compte de leur mission à Charles, qui reste bien le chef unique de ce prodigieux gouvernement (259).

Les lois qu'il promulgue, ses Capitulaires, ne portent pas atteinte au droit privé de ses Peuples (260). En somme, elles ne contiennent que des conseils sur les devoirs envers la société, envers la famille, envers soi-même, conformément aux modèles et aux conditions de la morale nouvelle. Il signale même les principales vertus à pratiquer (261).

Et c'est ainsi qu'il doit agir, pour faire prévaloir une Constitution et une Religion si contraires aux Institutions et aux Adorations des Ancêtres.



IV

Charles Chrétien.


Charles avait été initié, dès son jeune âge, aux préceptes de la Religion Chrétienne (262).

Ces préceptes vont régler toute sa vie.

A peine assis sur le trône, son incomparable sagacité lui fait voir et comprendre une grande chose dans la lettre que lui adresse le Pontife de Rome.

Il voit et comprend qu'en protégeant le Christianisme de l'Église Romaine, il aura l'altière mission d'en combattre toujours les ennemis, Ariens, Païens, ou Musulmans.

Charles se donne cette redoutable tache de lutter contre les Lombards, contre les Sarrasins, contre les Païens (264).

En même temps, il est amené à répandre et à propager les nobles doctrines du Christianisme dans ses propres Populations, confusément adonnées à de sinistres Idolâtries (265).

Il fait aux Païens de son Royaume même, puis aux Païens limitrophes, et notamment aux Païens de la Saxe, une guerre incessante.

Pour la réussite de son oeuvre, il doit être sans commisération. Il l'est. Il met à mort quiconque refuse le baptême (266).

Convertir, pour Charles, c'est réaliser le progrès urgent, nécessaire; c'est modérer des moeurs toutes brutales; c'est réprimer le meurtre, le pillage, le viol, l'incendie (267).

Dès qu'il a établi le Christianisme dans un Pays, l'ordre y pénètre, et la sécurité du lendemain, de l'avenir même, y est comme assurée (268).

Partout, pour maintenir et développer la civilisation nouvelle, il fonde des Monastères, et il les remplit de Clercs aptes à prêcher la morale Évangélique (269).

II institue également des Écoles [scholae], et il en commet la direction aux Evêques. Dans les Écoles paroissiales, on enseigne la lecture, l'écriture, le calcul et le chant. Dans les Écoles des Cathédrales et des Monastères, on professe les Arts Libéraux: la grammaire, la rhétorique, la logique, la chronologie, la géométrie, la musique et l'astronomie (270). Ces Écoles sont accessibles à tous les enfants, qu'ils soient d'origine Servile ou d'origine Noble (271).

Entrepris et faits dans les Cloîtres, les travaux sur les sciences, sur les lettres, sur les arts même, deviennent ecclésiastiques. Ils ont une originalité étrange et rare, due à l'essor des intelligences nationales (272).

Charles n'est pas seulement le vengeur et le propagateur de la Religion Chrétienne: il en est le suprême chef, à la manière des anciens Empereurs Romains, qui exerçaient le Souverain-Pontificat (273)

Roi et Évêque des Évêques (274) tout à la fois, il édicte simultanément sur la loi civile et sur la loi religieuse. II réglemente les observances du dogme (275).

Pour tout à fait discréditer les antiques Idolâtries, il a en grand honneur les membres du Clergé. Il leur confie les fonctions publiques les plus élevées; il les enrichit; il leur accorde des privilèges. En même temps, il les astreint â une discipline sévère; il surveille leurs moeurs, leur conduite, leur science. Il leur prescrit de donner l'exemple de la bienfaisance, de la dignité, de la sobriété; il leur recommande de prêcher aux Puissants comme aux Humbles la concorde, la droiture, la résignation (276)

C'est en vulgarisant de tels préceptes moraux et sociaux, tantôt par la persuasion, tantôt par la force, que Charles parvient à instituer dans son Empire la civilisation moderne (277)



CHAPITRE VII

VIE PRIVEE DE CHARLES


Charles avait subi, jusqu'à sa vingt­sixième année, l'influence de son père, le rude et fier Pippin.

Sa mère Bertrade lui avait tourné l'esprit vers les idées de dévouement et de clémence (278).

Charles fut ainsi fait superbe et généreux.

Charles se maria trois fois: en 771, avec Hildegarde; en 783, avec Fastrade; en 794, avec Ludgarde. Celle-ci étant, morte en 800, il renonça librement à l'union conjugale (279).

De ces épouses, il eut de nombreux enfants. Il garda de sa première femme, trois fils et trois filles (280); de la seconde, deux filles (281). Il perdit ses fils aînés en 810 et en 811, alors que, intelligents et énergiques, ils l'assistaient à la guerre et dans le gouvernement (282).

Il eut pour ses enfants, et surtout pour les filles, la plus tendre sollicitude (283).

Quand ils étaient en bas âge, il ne pouvait presque s'en séparer. II étudiait avec eux. Il ne mangeait qu'avec eux. S'il s'en allait en voyage, c'était-en leur compagnie (284).

Il avait trouvé bon que ses fils et ses filles eussent une instruction avancée, semblable à la sienne, comprenant non seulement les Arts Libéraux, mais les lois politiques de l'Étal (285). II leur axait donné pour gouverneurs et pour précepteurs des savants versés dans la nouvelle littérature, qu'il avait recrutés dans les Pays voisins (286).

II compléta lui-même cette discipline intellectuelle.

Les fils, devenus alertes et vigoureux, avaient été assidûment exercés à l'équitation, au maniement des armes, à la chasse (287).

Les filles aussi avaient appris à éviter l'oisiveté. Tout en veillant au bien du ménage, elles tricotaient, cousaient, ou filaient (288).

Charles, au commencement de l'adolescence, s'était adonné aux plaisirs et aux jeux violents (289). Ses études premières en avaient souffert: elles ne furent guère poussées plus loin que la lecture, l'écriture et le calcul. Plus tard, il tâcha de réparer le manque d'instruction en réapprenant la grammaire, la rhétorique, la chronologie, l'astronomie, et en conversant avec de doctes personnages (290). Il rechercha les livres, et eut sa propre bibliothèque (191).

Comme ses parents, il parlait avec une égale aisance les deux langues vulgaires, le wallon et le tixhon. Il s'exprimait facilement en latin, et il comprenait le grec (292).

Charles était robuste, haut de taille. Il avait le front développé, les yeux grands et vifs, l'ensemble du visage avenant et sympathique. Sa voix était faible, ce qui contrastait parfois avec sa noble et majestueuse prestance (293).

Il s'habillait avec simplicité, à la mode de son Pays. Il avait constamment une chemise et un caleçon de toile. En été, il mettait une tunique passementée de soie, des chausses, et des bas, sur lesquels se recroisaient les rubans des souliers; en hiver, il reprenait le pourpoint fourré de martre ou de loutre. Par dessus tout cela, il revêtait d'ordinaire un casaquin bleu, et avait au côté gauche une épée dont la garde et le fourreau étaient d'or ou d'argent (294).

Il lui répugnait de se distinguer par des vêtements étrangers, si peu riches qu'ils fussent (295). Il ne portait le costume et les ornements royaux que dans les occasions solennelles (296).

Il ne donnait des festins qu'aux grandes fêtes, et alors les convives étaient innombrables (297).

II était sobre dans le manger et le boire (298). Il ne laissait venir sur la table de famille que quatre mets, outre un rôti de venaison, qu'un de ses chasseurs apportait sur la broche (299). Pendant le repas, un clerc faisait une lecture récréative, historique, ou poétique. II était délecté par quelques pages du platonisme chris­tianisé de saint Augustins (300).

En été, aussitôt après avoir goûté aux fruits du dessert, il se remettait dans un lit, et se reposait deux ou trois heures (301).

Il aimait à s'occuper. Il avait des feuillets et des cahiers sous les coussins de son fauteuil, et dès qu'il avait le moindre loisir, il s'essayait à écrire. Il ne put rien parfaire, n'ayant ni le temps ni l'érudition nécessaires (302).

Aucune visite ne le contrariait. Il accordait audience, n'importe à quel moment du jour ou de la nuit, à tous ceux qui se présentaient, soit pour lui demander une grâce, soit pour lui soumettre un litige. Il admettait parfois dans son bain, qui était vaste, ses fils ou ses familiers, et il continuait ainsi la causerie d'affaires. (303).

En somme, chez lui comme dehors, Charles était juste et affable à tous avec dignité (304).



CHAPITRE VIII

RESUME - CONCLUSION


Charles s'est acquis une gloire à toujours magnifique et incomparable, en fondant la Société Européenne.

A peine devenu Roi, il se convainct que la Foi Chrétienne peut seule mener au progrès moral les Populations asservies à de farouches Adorations.

Il se grandit soi-même en cette disposition d'esprit.

Il sera le souverain champion de la civilisation qu'il veut réaliser.

Il comprend ce que sa tentative aura d'impérieux.

Il devra combattre, ici, là, partout.

Il combat, et sans nul repos.

Il est fanatique (305).

Il convertit toutes les Populations de son Royaume, puis les Populations limitrophes Ariennes, Musulmanes et Païennes qu'il a soumises, et qu'il conjoint à son Royaume (306).

Il étend de la sorte, de jour en jour, les frontières de ce vaste Royaume (307).

Pour rendre plus prestigieuse sa propagande Chrétienne, Charles reconnaît et fortifie la suprématie de l'Évêque de Rome sur tous les Évêques, sur tous les ecclésiastiques de l'Occident.

II crée du coup la Papauté, et la met à même d'introduire et de développer fermement la civilisation nouvelle dans tous tes Pays qu'il s'est assujettis (308).

Devenu le Chef d'un Empire immense, il n'exerce le pouvoir qu'avec le concours de Diètes Nationales.

Il subordonne sa toute-puissance à ces Diètes.

Autant que possible aussi, il laisse à chaque Pays ses lois sociales, à chaque Ville ses Franchises, à chaque Homme libre sa liberté civile.

Il lui suffit qu'une seule loi domine dans tout l'Empire: celle du Christ.

Charles fait avec la Religion Chrétienne bien d'autres grandes choses encore.

C'est par elle qu'il amène à l'union, tant de Peuplades si ennemies (309).

C'est par elle qu'il effectue ses réformes dans les lois, dans les moeurs, dans les opinions de ces Peuplades ténébreusement barbares.

C'est par elle qu'il met fin à l'Antiquité si dégradée, si vile, en renouvelant partout l'Esprit, les Lettres, les Arts (310).

Régénération inoubliable.

Inoubliable certes, car elle aboutit sans interruption, sans solution de continuité, à la sociabilité moderne.

A cette heure même, après plus de mille ans, la pensée de Charles plane toujours, rayonnante, sur l'Occident de l'Europe.

Ce glorieux Occident, si fier d'un ordre politique, scientifique et moral inoui, est l'oeuvre de sa volonté.

Charlemagne, en faisant ce qu'il a fait, a mérité l'admiration, le respect et la reconnaissance du Monde (311).





(1) Les Capitulaires ont été imprimés plusieurs fois, et toujours d'une manière peu satisfaisante. Ils ont été recueillis, notamment, par Georgisch, dans son Corpus Juris Germanici antiqui; Halle, 1738, in-4°.

Les Diplômes ont été publiés dans divers ouvrages, et sans une bien grande exactitude: on les utilisera avec précaution. Une édition critique va en être donnée par M. Sickel, qui a fait preuve de tant de science et de pénétration dans ses Regesten der Urkunden der ersten Karolinger; Vienne, 1867, 2 vol. in8°.

(2) On parviendrait à faire, peut-être, un bon exposé des institutions et des moeurs du VIIe et du VIIIe siècles, en relevant dans les Capitulaires les us et coutumes ainsi notés: Ut ubi antiqua consuetudo fuit; - nisi ibi ubi antiquo tempore fuerunt; - et antiqua videtur esse consuetudo; - ubi tempore genitoris nostri, etc.

Ce sont là des témoignages et des renseignements positifs, qui n'ont pas encore été mis en oeuvre pour une Introduction à une Histoire de Charlemagne.

(3) L'Allemagne Chrétienne n'a pas de plus ancien Historien que Eginard. Est hic omnium Germaniae Historicorum vetustissimus. (Vossius, De Historicis Latinis, édition de 1651; p. 301.)

La Germanie Payenne avait-elle ses Chroniqueurs?

C'est assez croyable.

La Germanie ne commence certainement pas à compter comme Nation pensante et écrivante à partir seulement de Charlemagne.

(4) Comme garantie de sa véracité, Éginard se vante de s'être trouvé mélé à bien des affaires. Nullum ea veracius quam me scribere posse, qui bus ipse interfui, quaeque praesens oculata, ut dicunt, fide cognovi, etc. (Praefatio.)

(5) Faisons remarquer toutefois que, en Chrétien neuf et superstitieux, Eginard croit aux présages, tout comme un vieux Païen. Il en mentionne une dizaine qui avaient visiblement annoncé la mort prochaine de Charles. Adpropinquantis fini conplura fuere praesagia, etc. (Vita Karoli Imperatoris, c. 32.)

(6) La Vita Karoli Imperatoris a dû être écrite par Eginard l'année même de la mort de Charles, en 814, ou du moins fort peu de temps après. Elle fut aussitôt mise en circulation: ce qui explique ce fait, qu'elle apparait en 821 parmi les livres d'un monastère. Cette mention a été relevée par Pertz, dans ses Monumenta Germaniae historica, t. II, p. 427.

(7) Nos citations de la Vita Karoli Imperatoris sont empruntées, soit à l'édition de Nuénare (Cologne, 1524), soit à l'édition in-8° de Pertz (Hanovre, 1863), ou à celle de Jaffé revue par Wattenbach (Berlin, 1876).

(8) On trouve un bon texte de ces Annales dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 134 et suivantes.

(9) Pendant longtemps, Eginard a passé pour l'auteur des Annales Palatii.

Rien n'appuyait cette opinion.

Ces Annales paraissent avoir eu pour rédacteurs des scribes du Palais: de la le ton précis, assuré, sévère même, de ce long labeur.

Les premiers rédacteurs résidaient dans notre Pays, car ils y font constamment revenir Charles: venit, reversus est, revertitur, etc.

(10) Bon nombre de ces Annales de vieux monastères sont insérées dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, II, etc.

(11) Toutes ces Annales (Laureshamenses, Treryirenses, Mettenses, Leodienses, etc.) ont une égale valeur scientifique, car elles ont été compilées un peu avant, un peu après le décès de Charles.

Elles ont un grand défaut: c'est de ne pas toucher aux choses qui intéressent les sociétés modernes. Autres moeurs, autres besoins.

Ces pieux Annalistes ont dû fonder leurs travaux moins sur les documents historiques, que sur des souvenirs traditionnels, des renseignements personnels.

C'était ainsi qu'avait procédé, en 730, le savant Beda pour composer ses Histoires des Anglais. Il avait utilisé, dit-il, les écrits des Anciens; mais surtout les récits de personnes très âgées, et ce qu'il avait vu et appris lui-meme. Haec de Historia Ecclesiastica Britannorum, et maxime Gentis Anglorum, prout vel ex literis Antiquorum, vel ex traditione Majorum, vel ex mea ipse cognitione scire potui, Domino adjuvante, digessi Beda Dei famulus et presbyter, etc. (Venerabilis Bedae Opera; Bale, 1563; t. III, p. 207.)

(12) Des textes bien établis du Gesta Karoli Imperatoris du Moine de Saint-Gall se trouvent dans les Monumenta Germaniae historica, t. Il, p. 726, et dans la Bibliotheca Rerum Germanicarum de Jaffé, t. IV, p. 631. Dans tous les manuscrits connus, le Gesta est inachevé.

(13) Le Gesta du Moine de Saint-Gall est fortement empreint du patriotisme, du vieil esprit Germanique. L'auteur est Germain. Il le dit: Apud nos autem, qui Teutonica sive Teudisca lingua loquimur. (Dans les Monurnenta Germaniae historica, t. II, p. 735.)

(14) Un mot est à dire sur cette célèbre Historia de Vita Caroli Magni.

L'auteur, usant d'une supercherie pratiquée par bien des lettrés, se donna pour le vieux Turpin, Archevêque de Reims, mort en 798: il put ainsi glorifier la guerre faite aux Sarrasins, et, fidèle compagnon du Roi Charles, en raconter les incidents avec aplomb et émotion. Son Historia fut acceptée comme une narration véritablement contemporaine. Le Pape lui-même proclama qu'elle était bien l'oeuvre de Turpin. Anno 1120, Calixtus papa statuit Historiam sancti Caroli, descriptam a beato Turpino, Remensi Archiepiscopo, esse authenticam. (Chronicon Belgicum, dans les Rerum Germanicarum Scriptores de Pistorius, t. III, p. 163.) De ce moment, le livre fit autorité, et maints Chroniqueurs y prirent leurs détails bizarres sur la personne et la piété de Charles. - Au XVIIe siècle enfin, grâce aux recherches d'érudition, on put affirmer que l'Historia du pseudo-Turpin n'était qu'un roman historique. Leibnitz écrivit: Pseudo Turpinus, ineptus et prodigiosus gestorum Caroli scriptor. (Annales Imperii Occidentis, t. I, p. 76.)

On ignore le nom et le pays de ce prétendu Historien. Charles ne lui est rien: ce n'est pas son Empereur. Voici, en effet, en quels termes il s'adresse au Doyen de la Collégiale d'Aix-la-Chapelle: Ut vobis scriberem qualiter Imperator vester famosissimus Carolus Magnus tellurem Hispanicam et Galletianam a potestate Saracenorum liberarit. (Joannis Turpini Archiepiscopi Remensis Historia de Vita Caroli Magni et Rolandi: édition de Ciampi, Florence, 1822, in-8°, p. 1; et dans les Germanicarum Rerum celebriores vetustioresque Chronoqraphi de Schardius; Francfort, 1566; fol. 1.)

(15) On conservait à Liège, avant le Xe siècle, des registres et des notules historiques relatifs aux faits et aux intérêts locaux.

Ces documents furent anéantis par les Northmens en la terrible année 882. Deftciente materia et fortè archivis Ecclesiae sancti Lamberti Normannorum persequutione deperditis, dit Chapeauville. (Gesta Fontificum Leodiensium; t. I Praefatio ad Lectorem, p. 3.)

Les édifices civils et religieux avaient été incendiés. Cum

his in favillas abiere Caesarum, Regum, Principumque rescripta, commentarii publici, Historicorum labores. Jam e cineribus quasi nova surgit Legia... (Fisen, Historia Ecclesiae Leodiensis, t. I, p. 119.)

(16) A la fin du siècle dernier (1795), nos Bibliothèques laïques et monastiques ont été si complètement dépouillées de leurs vieux Manuscrits, que notre Ville ne possède plus guère d'oeuvres inédites des bas Ages.

On ne doit consulter qu'avec précaution les Chroniques de Liège qui ne sont que des Abrégés de la Chronique de Liège de Jehan Des Preis. Celui-ci ne parle généralement du Roi Charles, surtout de sa naissance et de son enfance, que d'après les gestes ou épopées en vogue au moment où il écrivait (1390). Cela est, à cette heure, de toute évidence. (Voir, sur de tels plagiats, M. Gautier, Les Épopées Françaises; Paris, 1868; t. III, p.89, etc.)

Les Trouvères versifiaient les Faits et les Époques mémorables, avec le sans-gêne scientifique des poètes de notre XIXe siècle.

(17) Nous avons lu ou vu, croyons-nous, tous les livres vieux et nouveaux, gros et menus, publiés en Belgique, en France et en Allemagne, qui traitent, même indirectement, de l'Histoire de Charlemagne.

Nous en citons quelques uns, ceux-là où le sentiment historique ne manque pas absolument.

(18) Grâce à ces ressouvenances, on apprend qu'il y avait encore à Liège, vers 1550, des descendants des Pippins. - ...Olim Domus fuit antiqua et nobilis (le Lignage de Fléron) quae mihi majores et proavos maternos ex Pipinorum Familia dedit..., uti saepe ex matre audivi. (H. Thomas, De Tungris et Eburonibus Commentarius, 1544; p. 77.)

Comme on le voit, il y aurait quelque utilité à compulser les Genealogies de nos antiques Familles Hesbignonnes.

(19) C'est ce qu'écrivait un Liégeois en 1149: Nos Germani sumus, non Galli comati. (Wibaldi Epistolae, dans l'Amplissima Collectio, t. Il, p. 341, etc.)

(20) Voir notre Histoire du Pays de Liège, t. I, p. 55, etc.

(21) Les Francs n'étaient autres que les Germains. Olim Germani, quod quidem satis constat, écrivait, vers 590, Agathias en son historia. (Dans les Rerum Gallicarum Scriptores de Bouquet, t. II, p. 47.)

Le mot Franc était l'équivalent du mot Libre, dans les vieux vocabulaires. Frank Germanis Liberum denotare, nemo ignorat, dit Heineccius, en ses Antiquitates Germanicae, t. I. p. 156.

(22) Atque ex illa die, a dominatione Imperii sublata est Gallia... - Sic Romanorum vires intra Gallias ceciderunt... (Chronica, dans les Rerum Gallicarum Scriptores de Bouquet, t. II, p.666, etc.)

(23) Le mot Neustrie signifiait, au dire de vieux Chroniqueurs, Pays conquis, Pays nouvellement adjoint à l'Austrasie. Neustria, id est, Nova Francia. (Albrici Chronica, dans les Monumenta Germaniae historica, t. XXIII, p. 697.)

Il est probable que Austrasie a d'abord signifié le Pays à l'Orient, et Neustrie ou Neustrasie, le Pays à l'Occident. Celui-ci est nommé Westrigou à l'an 733, dans des Annales du IXe siècle. (Ibid., t. I, p. 9, etc.)

Le nom de Francie ou France n'était attribué qu'à l'Austrasie. « L'Austrasie fut toujours considérée comme la patrie des Francs, et le véritable Royaume de France, Regnum Franciae. » (Pétigny, Etudes sur l'Époque Mérovingienne, t. III, p. 16.) - « Les Austrasiens s'attribuaient exclusivement le nom de Francs, et regardaient les Neustriens, mais surtout les Aquitains, comme des Romains. » (Desmichels, Histoire du Moyen-Age, t. I, p. 306, etc.)

(24) Lors du partage de l'Empire, en 843, le nom de France fut donné au lot de Charles-le-Chauve, lot qui comprenait, notamment, la Neustrie. In qua parte ex tunc et modo nomen Franciae remansit. (Sigeberti Chronica, dans les Monumenta Germaniae Historica, t. VI, p. 339.) Ce ne fut toutefois que vers 893, que le nom de France resta définitivement acquis à la Gaule centrale, au préjudice de la véritable Francie, qui, dés lors, s'appela Germanie ou Allemagne. Les destinées de cette France nominale, de cette fausse France, en d'autres termes, de la France actuelle, ne devinrent tout à fait indépendantes de l'Allemagne qu'en 987.

En résumé, le nom de France eût été mieux appliqué à nos Pays trans et cis-mosans. La remarque, du reste, en a été déjà faite; on écrivait en 1612: Prorsus ut Belgis Francorum nomen magis debitum videas, quam iis ipsis, qui, modo, Franci dicuntur. (Bouchier, dans l'Addenda des Gesta Pontificum Leodiensium, t. II, p. 5.)

(25) Au moyen-âge, Liège était une des principales Villes de la Hesbaye.

Au nord de la Hesbaye on parlait le tixhon, et au sud, le wallon. (Délices du Pais de Liège, t. III, p. 315, etc.)

(26) Des Lignages Francs de la Hesbaye, celui des Pippins était le plus illustre, et, sans doute, le plus redoutable à cause d'un parentage riche et brave. - Ex Pago Hasbaniensi oriundus, Francorum ex genere primae Nobilitatis pogenitus. (Pauli Warnefridi Gesta Episcoporum Mettensium, dans les Monumenta Germaniae historica , t. II, p. 267.)

(27) En 623, Pippin se signait: Pipinus majordomus, Dux Hasbaniae. (Dans Pardessus, Diplomata, Chartae, etc., t. I, P. 219, 221.)

Ce titre de Dux semble confirmer le dire de toutes nos Chroniques, qui racontent que les Chefs de cette Famille, sous la domination Romaine, étaient investis de l'Office de Dux de la Tongrie.

On s'expliquerait ainsi comment ce Pippin avait une autorité seigneuriale dans nos contrées: Populum... justis legibus gubernabat. (Annales Mettenses, dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 316.)

(28) Anno 625. Pippinus, filius Karlomanni, major domus regis Lotharii, principabatur. (Sigeberti Chronica, dans les Monumenta Germaniae historica, t. VI, p. 322.)

Sigebert précise péniblement ses dates.

Le Maire du Palais était le Premier Officier, le Généralissime du Royaume. C'était par son intermédiaire, semble-t-il, que le Roi gouvernait.

(29) A. 639. Pippinus, major domus, moritur. (Sigeberti Chronica. Ibid., t. VI, p. 324.)

(30) Grimoaldus filius ejus in aula Sigeberti Regis potenler principatur. (Sigeberti Chronica, ibid., p. 324.)

(31) A. 687. Pipinus Ansigisi filius et Reggae coepit. (Annales Monasterii Sancti Jacob Leodiensis. Ibid., t. XVI, p. 636.)

A. 687. Pippinus, Dux Francorum, filius Ansgisi, post mortem Wolfohaldi ducis, partem Austriae regebat, obtinuitque Regnum Francorum per annos 27 cum Regibus sibi subjectis Hluduwigo, Hildiberto et Dagaberto. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 114.)

(32) Erat quippe Pippino principi nobilissima uxor et sapiens, nomine Plectrudis. Ex ipsa genuit fliios duos. ... Nomen minoris Grimoamdus... (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 289.)

Les Princes avaient alors plusieurs femmes, et un nombre indéterminé de concubines.

Plectrude était, sans doute, la plus noble, nobilissima uxor, ou la première en titre des femmes de Pippin.

C'est seulement en 743, que la polygamie a été proscrite dans la Société Chrétienne de nos Pays. Un Capitulaire statua: Similiter praecipimus, ut juxta decreta canonum adultera et incesta matrimonia, quae non sunt legitima, prohibeantur et emendentur Episcoporum judicio. (Karlomanni principis Capitulare secundum apud Liptinas, dans Georgisch, Corpus Juris Germanici antiqui, p. 492.)

(33) Igitur Grimaldus habebat uxorem nomine Thudsindam, filiam Radbodi ducis, gentilis. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 290.)

(34) Cum... Grimoaldus filius ejus ad orationem in basilica sancti Lantberti martyris processisset, et diutius in orations pronus persisteret, a nequissimo viro, nomine Rantgario, gladio percussus occubuit. (Annales Metteuses. Ibid., t. I. p. 322.)

Grimoaldus interficitur ante altars sancti Lantberti mane ad orationem a Rangario Leodii Villa publica. (Chronicon Leodiense, etc.)

Tout cela, on le voit, se passait à Liège et dans son voisinage.

Pippin résidait dans le Château-fort de Jupille. En 711, le roi Dagobert l'y vint voir, et ils scellèrent ensemble un diplôme le jeudi 1er janvier. La souscription est: Data die Jovis kalendas januarias anno II regni nostri, Jupila in Dei nomine féliciter. (Dans Mabillon, Vetera Analecta, p.283; Pardessus, Diplomata, Chartae, t. I, p. 293.) - Pippin y vivait soucieux et malade. Anno 713 aegrotante Pippino in Jopila, villa publica quae cita est super fluvium Mosam... (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 290, etc.)

(35) Theobaldus vero filius ejus, jubente aro, in aula Regis honore patris sublimatur. (Chronicon Moissiacense. Ibid., p. 290.)

Pater ejus Theudoaldum in honore defuncti patris instituit Leodico, in mense aprili. (Adonis Chronicon, dans les Rerum Gallicarum Scriptores de Bouquet, t. II, p. 670.)

Ceci est à noter: c'est à Liège, in aula Regis, que Théobald est constitué Maire du Palais.

(36) Alpaïde était une des épouses légitimes de Pippin. - Alpheida quam posthabita priore conjuge Plidthrude, Pippinus duxrit uxorem. (Annales Fuldenses, dans les Monum. Germaniae historica, t. I, p. 343.)

Albaidis, quam Pipinus legitime uxori subduxerat (Annales Sancti Jacobi Leodiensis. Ibid., t. XVI, p. 636.)

Habensque Pippinus praefatus princeps filium ex alia uxore, nomine Alpaidge. Karolum nomine, virum elegantem, egregium atque utilem. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p.289, etc.)

(37) Secundo autem anno post discessum patris sui Pippini. Karolus Austrasiorum sortitus est principatum. (Annales Mettenses. Ibid., t. I, p. 323.)

Charles fut un guerrier si heureux, que les Païens le regardèrent comme un petit dieu Mars. De là, le surnom qui lui fut donné de Marcellus ou Martellus. - Karolus filius in maiordomatu succedit cognomento Martellus. (Annales Sangallenses. Ibid., t. I, p. 73, etc.)

Quoi qu'en disent nos Annalistes, Charles-Martel ne protégea nullement l'Église de Liège. Son nom est omis dans le diplôme de 980, où l'Empereur Otton cite ceux de ses prédécesseurs qui ont été les bienfaiteurs de cette Église. Ab antecessoribus nostris Pipino, Karolo, Luduico, Lothario et item Karolo Regibus Francorum.... (Dans le Liber Cartarum Ecclesie Leodiensis, fol. 79'.)

(38) Charles-Martel envoya cependant prier, pendant sa maladie, à des lieux révérés par les Chrétiens. Ses fils firent inhumer ses restes in basilica sancti Dionsii martyris. (Annales Mettenses. Ibid., t. I, p. 327.)

Dans les vieux récits légendaires, on vilipende Charles­Martel. Un missionnaire, qui lui devait beaucoup, saint Boniface, et que les Païens massacrèrent en 755, écrivait dans une lettre « Charles, prince des Francs, ce démolisseur de monastères, ce voleur des aumônes chrétiennes, ne vient-il pas d'avoir une mort horrible et honteuse? » Carolus quoque princeps Francorum, monasteriorum multorum eversor et ecclesiasticarum pecuniarum in usus proprios commutator, lonqa torsione et verenda morte consumptus est. (Bonifatii Epistolae, dans Jaff'é, Bibliotheca Rerum Germanicarum, t. III, p. 175.)

(39) Cujus filii Carlmannus et Pippinus sub obtentu majordomatus totius Franciae regnum suscipiunt et inter se dividunt. (Enhardi Annales Fuldenses, dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 345.)

(40) Karlomannus frater Pipini fit monacus. (Annales Sancti Jacobi Leodiensis. Ibid., t. XVI, p. 636.)

Hujus temporibus, Karlomannus rex Francorum, frater Pippini, divino amore et desiderio caelestis patriae compunctus, sponte Regnun reliquit, etc. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 292.)

(41) Le Roi nominal, Childeric, avait été tonsuré, c'est-à-dire relégué dans un monastère. - Appellatur Pippinus Rex, et Hildricus qui falso Rex appellabatur, tonsoratus in Monasterium mittitur. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 116,)

Pippin fut fait Roi sans aucune protestation. - Au surplus, son père, Charles-Martel, était déjà accepté, en quelque sorte, comme Roi. C'est ce que montre cette annotation d'un Anglo­Saxon contemporain: Anno 741, Carolus rex Francorum obiit; et pro eo filii Caroloman et Pippin regnum acceperunt. (Venerabilis Bedae Epitome Historiae Anglorum, dans ses Opera; Bâle, 1563, t. III, p. 206.)

(42) A. 768. Pipinus rex obi it 8 kalendas octobris. Karolus et Carlomannus filii ejus succedunt. (Annales Laubacenses, dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 12.)

Les détails manquent.

Un Annaliste, qui écrivait en 870, raconte que les Grands du Royaume, convoqués par Pippin, avaient reconnu Charles et Carloman pour ses seuls successeurs légitimes à la Royauté: " Quando Pippinus abavus vester aegrotavit in infirmitate de qua et mortuus est, apud monasterium sancti Dionysii Regni sui Primores convocavit, et eorum consilio disposuit, qualiter post eum filii sui Carlomannus et Carolus, qui cum eo erant, Regnum ejus pacifce gubernarent... (Hincmari Instructio ad Ludovicum Regem, dans ses Opera omnia; Paris, 1852, t. I, p.985.)

(43) A. 771. Karlomanno mortuo, Karolus frater ejus solus Regnum optinuit. (Annales Sancti Jacobi Leodiensis, dans les Monumenta Germaniae historica, t. XVI, p. 636.)

(44) Pipini ac Carolomanni e Leodiensium tractu duxerunt originem. (Bouchier. Disputatio historica, dans les Gesta Pontificum Leodiensium, t. I, p. 40.)

(45) Dans toutes les Chroniques de Liège, Charlemagne est simplement nommé le Roi Charles.

L'épithète romane magne, mane ou maine, du latin magnus, équivalait alors moins à grand qu'à magnanime, qui a l'âme grande, qui a des sentiments élevés, généreux, raisonnables. C'est cette remarquable dignité de caractère, que Eginard prend comme à tâche de relever: Sed magnanimitas Regis... Nam Rex, animi magnitudine praestantissimus... Rex, pro magnanimitate qua excellebat.,. Ipse tamen prae magnitudine animi... Vicitque magnanimicate... (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 7, 10, 19, 21, 27.) Ce surnom de le magne, Charles sut, à bon titre, le mériter. Karolus imperator gloriosus... qui pro magnitudine operum agnominatus Magnus. (Sigeberti Chronica, dans les Monum. Germaniae historica, t. VI, p. 337.)

L'épithète le magne s'attacha tellement à Charles, qu'il en résulta le nom de Charlemagne. Cela arriva peu de temps après sa mort.

Le nom si vulgaire de Charlemagne est une preuve que la Famille de Charles (et, surtout, son entourage) parlait communément le roman, même à Aix.

(46) Eginard s'excuse de ne pas parler de la naissance, de l'enfance et de la jeunesse de Charles, sur lesquelles il n'y avait à dire rien, rien d'important. De cujus nativitate, atque infancia, vet etiam pueritia, quia neque scriptis usquam aliquid declaratum est neque quisquam modo superesse invenitur qui horum se dicat habere notitiam, scribere ineptum judicans, ad actus et mores ceterasque Vitae illius partes explicandas as demonstrandas, omissis incognitis, transire disposui. (Vita Karoli Imperatoris, c. 4.)

(47) Cette année 742 est indiquée dans des Chronologies contemporaines ou locales.

En 816, on écrit: A. DCCXLII. Natus est Carolus, qui factus Rex XXVII anno, imperator anno LX. (Annales breves, dans Eckhart, Commentarii de Rebus Franciae Orientalis, t. I, p.805.)

A. 742, natus est Carolus. (Chronica, dans les Monmn. Germaniae historica, t. I, p. 88, 89; t. III, p. 35, etc.)

Karolus Magnus nascitur anno Domini DCCXLIJ. (Chronicon Leodiense compilé vers 1450, au British Museum, Cottonian coll., n° 17, fol. 107, etc.)

(48) Decessit anno aetatis suae septuagesimo secundo. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 30.)

L'annaliste Thégan, qui avait vu mourir Charles, dit de même: Anno aetatis suae 72. (Vita Hludowici Imperatoris, dans les Monumenta Gerrnaniae historica, t. II, p. 592.)

(49) Le jour anniversaire de la naissance de Charles était marqué ainsi, en lettres d'or, dans un Calendrier du IXe siècle du monastère de Lorsch (Laureshamense Monasterium), près de Mayence:

IV N0NAS APRILIS. NATIVITAS DOMNI ET GLORIOSISSIMI KAROLI IMPERATORIS ET SEMPER AUGUSTI. (Dans Mabillon, Annales Ordinis sancti Benedicti; Paris, 1704, t. II, p.116.) - Le 2 avril 742 avait été un lundi. La grande fête de Pâques avait été célébrée la veille, 1er avril.

Les termes tout officiels dans lesquels cette annotation est formulée, démontrent qu'elle a été écrite du vivant de Charles, certainement vers l'an 805, alors qu'on le traitait à l'envi d'Empereur et d'Auguste.

Ces appellations d'Empereur et d'Auguste étaient d'étiquette, en effet, depuis le couronnement qui avait eu lieu à Rome en 800: Ex quo vero IMPERATOR et AUGUSTUS appellatus est, disent les Annales Palatii. (Dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 201.)

Dans le Monastère de Lorsch, on n'ignorait aucune de ces particularités. L'abbé Gondeland, qui mourut en 778, était né en Hesbaye, comme son frère Chrodegand, ex Pago Hasbaniensi oriundus. Il était le cousin de Charlemagne. Il vint lui demander audience à Herstal en 772. (Dans le Codex Laureshamensis diplomaticus, t. I, p. 9.)

(50) Charles, né en Hesbaye, était Franc.

« La France m'a vu naître, » - Francia me genuit, fait dire à Charles un contemporain. (Dans les Monum. Germaniae historica, t. II, p. 479.)

Charles était Franc de naissance, - Karoliis Francus nativitate erat... - Karolus, qui fuit Francus, dit également un glossateur du même temps. (Dans les Capitularia Regum Francorurn de Baluze, t. II, p. 1185, etc.)

(51) Bertrade était d'origine Hesbignonne, du Lignage Pippinien. En 770, le pape Étienne adressa à Charles et à Carloman une lettre, par laquelle il les suppliait de ne pas épouser des princesses Lombardes, mais des femmes de leur propre Lignage, de eadem vestra Patria, scilicet ex ipsa nobilisirna Francorum Gentae. En cela, continuait-il, vous ne ferez qu'agir comme votre bis-aïeul Pippin, comme votre aïeul Charles-Martel, et, surtout, comme votre père Pippin: Etenim nullus ex vestris parentibus, scilicet neque avus vester, neque proavus, sed nec vester genitor, ex alio regno vel extranea natione conjugem accepit. (Dans Baronius, Annales Ecclesiastici, t. IX, p. 300, et dans Jaffé, Bibliotheca Rerum Germanicarum, t. IV, p. 460.) - Vers 1770, un historien Français rappelait en ces termes exprès le sentiment de Mabillon sur l'origine de Bertrade « L'opinion la plus vraisemblable, » c'est que Berte étoit fille d'un Seigneur Liégeois. » (Henault, Abrégé chronologique de l'Histoire de France, édit. de 1789, t. I, p. 57.)

En un mot, tous les membres du Lignage Pippinien étaient Liégeois, ainsi que le rappelait, en 1567, le docte Guichardin: Di questa Nations uscirono i principi Pipini, de quali nacque poi il gloriosissimo Carlo Magno. (Descrittione di tutti i Paesi Bassi; Anvers, 1567; p. 287, etc.)

(52) Depuis le IXe siècle, à Liège et dans les environs, l'industrie et le commerce n'ont pas cessé de prospérer; c'est dire que les Palais Carolingiens, inhabités, délaissés, ont été livrés à la spéculation, démembrés, ruinés, vendus pierre par pierre.

Aujourd'hui, il faut de l'effort pour revoir des choses si effacées.

Le fameux Palalium Herstallium se trouvait, semble-t-il au nord de la Commune de Herstal, vers le lieu dit Place de la Cour. Au commencement du XVIIe siècle il n'en restait aucune trace, rien; et les Herstallois, à cette heure, ne pourraient pas même en indiquer l'emplacement.

Il reste bien peu de chose du non moins célèbre Palatium de Jupille, Vicus habitatus a Principibus, Regibus, Imperatoribus, et Caroli Magni natalis. (Fisen, Flores Ecclesiae Leodiensis, p. 616.)

L'espace qui s'étendait entre ce Manoir et la rivière d'Ourte, s'est nommé Ami Cour (aujourd'hui Amercoeur). Derrière, à l'est, se trouvait une grande forêt giboyeuse (broilum), où l'on chassait pendant l'automne et l'hiver: c'est le Bois de Breux actuel.

Le Manoir de Jupille parait avoir été très vaste. Il servit ensuite de forteresse pour protéger les abords de Liège. En 1288, l'Évêque s'opposa aux réparations de ce Burg: les Habitants eurent à déclarer « que solonc le tenure de la Lettre sor ce faite, nous obligons nous, pour nous et por nous successeurs, que nous ou dit liu et en tot le porpris de bas Cornilhon si quil sestent par tot en edefisces et defors en vingnes, en jardins et ailheurs, où li malade et li haitiet sont demorant, ne poons faire ne ne ferons fermeteit nulle, ne turs, ne creteaus-murs, ne maisons defensaubles autres qui or endroit i sont, etc. » (Dans le Liber Cartarum Ecclesis Leodiensis, n° 513.) Les ruines en furent cédées, en 1357, à des Chartreux, qui les utilisèrent pour leur couvent. On en retrouva des vestiges vers 1820, lorsqu'on construisit le Fort dit de la Chartreuse.

Le nom vulgaire de Coignon, Coègnon, vient, sans doute des buissons de cornouillers. Les lettrés en ont fait Cornelii mons, Cornelhon, puis le Cornillon d'aujourd'hui.

(53) Pour les contemporains, notre pays est le pays natal de Charles. Anno 777. Ibique [à Worms] venientes Saxones, obsides dederunt. Et Rex reversus est in Patriam suam. Celebravit natale Domini in Haristalio. (Annales, dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 220, etc.)

On le répétait au XIIIe siècle. Pater autem suus Pipinus et mater sua Bertrada cum ipso Karolo filio suo mansisse leguntur apud Haristallium... Hanc Terram ipse Karolus scilicet Patriam suam precipue dilexit. (Chronicon Ducum Brabantiae, compilé vers 1270; Manuscrit sur vélin de la Bibliothèque de l'Université de Liège, n° 734, fol. 177.)

Aix-la-Chapelle, tout proche de Liège, se trouvait aussi sur le sol natal de Charles. Le moine de Saint-Gall le dit non moins nettement: Strenuissimtes imperator Karolus... in genitali solo, basilicam antiquis Romanorum operibus praestantiorem, fabricare propria dispositione molitus... (Gesta Karoli Imperatoris, dans les Monum. Germaniae historica, t. II, p. 774.)

Bref, c'était dans notre Pays que Charles avait son foyer domestique, in qua hiemare constituerat. (Annales Palatii., Ibid., t. I, p.159, etc.)

(54) C'est un fait bien avéré pour nos Chroniqueurs et nos Annalistes des trois derniers siècles. Voici quelques citations:

« Charlemagne prit naissance à Jupille, comme porte l'Ancienne Tradition de notre Pays et de nos anciens Historiens. » (Mss. de la Bibliothèque de l'Université de Liège, n° 540, fol. 50; n°1003, fol. 170; n°1007, fol. 68, etc.; Mss. de la Bibliothèque royale à Bruxelles, n° 18662, fol. 46, etc.)

Carolus Magnus filius Pippino tertio nascitur Jupiliae. (Mss. de la Bibliothèque de l'Université de Liège, n° 276, fol. 352, etc.)

Carolus natus est Jupiliae, ut fere nostratibus omnibus placet. (Fisen, Flores Ecclesiae Leodiensis; 1647; P. 87.)

Nascitur Carolus Magnus Jupiliae, uti velus apud nos fama, et populares historici perhibent; etsi externi quidam tradunt natum Ingelhemii. (Foullon, Historiae Leodiensis unisersae Compendium; 1656; p. 41.)

Jupiliae enirn natum constans apud nos lama est. (Id., Historia Leodiensis; 1668; t. I, p. 141.)

« Les traditions du Pays portent que Charlemagne naquit à Jupille,... où son père Pepin avoit un Château, dont la proximité de Liège rend l'authenticité de ses Historiens plus certaine. » (De Limbourg, Les Amusemens de Spa; Liège, 1782; t. I, p.161, etc.)

On a quelques vieux textes sur les séjours de Pippin dans notre Pays.

On l'y voit en avril 752, comme l'atteste un diplôme daté ainsi: Data mensis aprilis die XXV, in anno primo regnante Pippino rege. Actum ad Arestalio palatio publico. (Dans I'Amplissima Collectio, t. I, p. 26.)

Les retours de Pippin au Pays n'étaient guère remarqués. Il célébra la solennité de Pâques au Manoir de Jupille en avril 760, au dire de plusieurs Annalistes: Celebravit autem gloriosus rex Pippinus eodem anno pascha in Jopila. (Annales, dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 142, 143, 333, etc.)

(55) C'est ce que Godefroid de Viterbe, qui écrivait en 1190, raconte dans sa Chronique métrique:

Pipinus moritur, consurgit Karolus acer,
Natus in Ingeleheim, cui Berta fit Ungara mater...
...Berta
Venit ab Ungaria, set Greca maire reperta,
Cesaris Eraclii filia namque fuit.

(Gotifredi Viterbiensis Pantheon, dans les Monumenta Germaniae historica, t. XXII, p. 92, 209, etc.)

(56) Cette légende, qui érige Bertrade en fille de l'Empereur Héraclius, fut accueillie par nombre de Chroniqueurs. Vers 1250, elle est formulée comme un fait bien historique: Hujus [Pipini] filius extitit Karolus ex Berta fila Heraclii Cesaris. (Vincentii Bellovacensis Speculum Historiale; Ms. de la Bibliothèque de l'Université de Liège, n° 715, t. II; liv. XXIV, c. 161, fol. 151. Voir aussi Henri de Hervord, Liber de Rebus memorabilioribus, édition de 1859, p. 22, etc.)

(57) Au commencement du XVIIe siècle, vers 1625, les vieux souvenirs Carolingiens n'étaient pas encore oblitérés. Le Nonce Carafa les recueillit; il écrit Ex Alpaïde enim Pipinus Carolum Martellum, Carolornanni et Pipini regis parentem, ac magni Caroli arum, suscepit, et juxta Leodium sunt Jupilia, atque Herstallum, in quibus locis Pipinorum Gens lares habuit, ac fundos haereditarios .... (Aloysii Carafae Legatio Apostolica ad Provincias inferiores Germaniae, édition de 1840, p. 131.)

Cette phrase de Carafa est frappante.

L'archéologue Romain fait preuve de savoir et de véritable érudition, en caractérisant avec des mots aussi exacts l'antique célébrité de nos Manoirs: In quibus locis Pipinorum Gens lares habuit.

(58) Ipsesiquidem Karolus rex Francorum frequenter manebat, sicut antessores sui, in Joppilia, prope Harstel supra Mosam, ubi et natus fuerat.

Ces trois lignes importantes se lisent dans une Vita Karoli Magni du XIIe siècle, publiée en 1874 par M. Kaentzeler, Archiviste de la Ville d'Aix-la-Chapelle; Ruremonde, in-8°, p. 137.

Avant cette année 1165, le fait ne se perpétuait-il que par la tradition?

Il était certainement consigné dans des chroniques.

La mention qui en est faite dans cette Vita Karoli Magni n'était pas une nouveauté.

On retrouvera les mentions primitives.

(59) Apud Leodienses stirpem Caroli Magni in vico Lupilia (velut hodie dicitur Joppilia), Leodiensi Cititati proximo, ortum habuisse tradunt. (Marliani Veterum Galliae locorum, populorum, urbiumque Alphabetica Descriptio, édit. de 1513, et dans Placentius, Catalogus omnium Antistitum Leodiorum, édit. de 1529, p. 13.)

Marliano, né à Padoue en 1420, devint chanoine de la Cathédrale de St.-Lambert à Liège. (Paquot, Mémoires pour servir à l'Histoire Littéraire des Pays-Bas et de la Principauté de Liège, t. VIII, p. 428.)

(60) Carolus vero magnus Pippini filius sive in arce Ingelnheym, sive in Vico quodam circa Eburones aut Leodienses natus est (et en marge Leodium). Itidem Germanus fuit... (Jacobi Wimpfelingii Germania; Strasbourg, 1500. in-4°; fol. 9.)

Cette mention d'Ingelheim, comme lieu natal de Charles, reparaissait alors dans les plus consciencieux ouvrages. Ainsi en 1550: Ante octingentos annos Caroli Magni fuit Palatium [à Ingeiheim, patrie de l'auteur], ubi manere consuevit, quando in superiori Germania fuit. Sunt etiam qui scribunt eum ibi natum. Alii vero signant illi Leodium natalem locum. (Munster, Cosmographia universalis, édit, de 1552, fol. 491, etc.)

Peu à peu, Ingelheim était écarté.

En 1766, enfin, le docte Schoepflin écrivit nettement: Falsa est eorum opinio, qui Carolum in palatio Ingelheimensi hoc natum esse crediderunt .... (Dissertatio de Caesareo Ingelheimensi palatio, dans les Acta Academiae patatinae. Mannheim, 1766; t. 1, p. 311.)

Ces mots avaient alors une grave portée.

(61) Jacques de Charron, Histoire universelle de toutes les Nations, et spécialement des Gaulois ou François; Paris, 1621, in-fol.; p. 784. - Il fallait à ce laborieux écrivain une impartialité peu commune, pour oser ainsi déclarer que Charlemagne était étranger à sa France, à la France moderne, et n'y était point né. Il n'eut guère d'imitateurs.

Un Lorrain, en 1662, n'énonçait le fait qu'avec les réserves voulues et usitées aujourd'hui encore: « Charfemagne nasquit selon la tradition du Pays dans Joupille aupres de Liege; c'est-à-dire, dans le coeur de la Duché de la Basse-Lorraine, quelque effort que les Allemands fassent en vertu d'une autre tradition pour le faire naistre chez eux, etc. » (Dubosc, Suite historique des Ducs de la Basse Lorraine; Paris, 1662, in-4°; p. 42)

(62) Les érudits étrangers, qui connaissaient imparfaitement nos traditions, ne mentionnaient que Liège.

En 1670, Le Cointe écrit: Nonnulli ad Mosam Leodii Carolum natum volunt. (Annales Ecclesiastici Francorum, t. V, p. 176.)

En 1704, Mabillon dit: Nec minor de loco Caroii Magni nativitatis controversia... Nonnulli Leodii ad Mosam natum contendunt. (De Re Diplomatica. Supplementi p. 38.)

En 1729, Eckhart répète également: Quidam scriptores Leodii Carolum natum esse volunt. (En ses Commentarii de Rebus Franciae Orientalis, t. 1, p. 444, etc.)

(63) Les nations Germaniques qui habitaient au-delà du Rhin, quoique ayant presque le même langage, différaient beaucoup de moeurs et d'habitudes. Perdo,nuit Karolus omnes barbaras ac feras Nationes, quae inter Renum ac Visutam fluvios, Oceanumque ac Danubium positae, lingua quidem pene similes, moribus vero atque habitu valde dissimiles, Germaniam incolunt. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. XV.)

(64) Voir, notamment, le curieux Indiculus superstitionum et paganiarum du Capitulaire de Leptines de 743. (Dans Georgisch, Corpus Juris Germanici antiqui, p. 491.)

(65) En Saxe, Charlemagne dut édicter la peine de mort contre ceux qui immoleraient à leurs Dieux des victimes humaines. Le Capitulaire De partibus Saxoniae est formel là dessus: Si quis hominem Diabolo sacrificaverit, et in hostiam, more Paganorum, Daemonibus obtulerit, morte moriatur... (Dans Georgisch, ibid., p. 580.)

Par les documents du temps, on voit que le Paganisme Germain n'était qu'une religion grossière et cruelle. Sous le rapport littéraire comme sous le rapport artistique, il ne pouvait, il n'aurait jamais pu aller de pair avec le Paganisme Grec et le Paganisme Romain.

(66) Vers 742, à l'époque de la naissance de Charlemagne, le Paganisme était la religion dominante. Il y avait nombre de pays, aussi bien en Germanie qu'en Belgique et en Gaule, où l'on ne trouvait plus de Chrétiens. Tempore Caroli principis,... in Germanicis ac Belgicis, ac Gallicanis provinciis, omnis religio Christianitatis pene fuit abolita, ita ut... multi jam, in Orientalibus regionibus, Idola adorarent, et sine Baptismo manerent. (Hincmari Remensis Epislola ad Episcopos, dans ses Opera, édition de 1645, t. II, p. 731.)

Vers 755, en Hollande, on massacra saint Boniface, parce qu'il osait y prêcher la religion nouvelle. Quia sancto et venerando viro Bonifacio in Frisia verbum Domini praedicante, anno Incarnationis Dominicae 754 martyrio coronato, etc. (Id., ibid., p.737, etc.)

Chaque Pays tenait obstinément à ses antiques crédulités.

(67) Vers l'an 770, dit un contemporain, presque toutes les Peuplades de la Germanie étaient, comme la Saxe, adonnées au culte Païen, et étaient ennemies de la religion Chrétienne. Saxones, sicut omnes fere Germaniam incolentes Nationes, et natura feroces, et cultui Daemonum dediti, nostraeque Religioni contrarii... (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. VII.)

Dans notre Pays de Liège, le Christianisme était encore un fait nouveau. A Tongre, peu d'années auparavant, nul ne professait la foi Chrétienne. In diebus illis, inter Populos Gentilium, in Tungrina Urbe, quidam nobilis vir, secundum ritum Paganorum, in omnibus excrevit, etc. (Vita sancti Helerii, dans les Acta Sanctorum, Julii t. IV, p. 148.) Il en était ainsi dans la plupart des Villes et des Villages. Urbes et Municipia circumquaqe. (Vita sancti Landeberti, dans les Acta Sanctorum ordinis S. Benedicti, t. III, p. 64, etc.)

Les dernières traces du Paganisme ne disparurent du Pays qu'à la fin du Xe siècle, au temps de Notger, évêque zélé et puissant.

(68) Rome regardait l'Empereur de Constantinople comme son souverain légitime, et les Papes l'appelaient, encore en 785, notre Seigneur, notre Maitre. « Les Papes datoient leurs lettres du règne de l'Empereur, comme étant toujours le vrai Souverain de Rome. » D'autre part, le Pape n'exerçait dans cette ville aucun pouvoir temporel. « Le Sénat et le » Peuple de Rome ne nommoient point le Pape leur Seigneur, mais seulement leur pasteur et leur père. » (Fleury, Histoire ecclésiastique, édition de 1703, t. IX, p.405, etc.)

A cette époque, le nom de Pape (équivalent de pater ou père) était commun à tous les évêques. Ce fut très tard, vers le milieu du XIe siècle, que cette qualification fut réservée au seul évêque de Rome.

(69) Vers le milieu du siècle précédent, il avait été décidé que l'Église de Rome aurait la primauté. Bonifacius obtinuit apud Phocam Principem, ut Sedes Apostolica beati Petri apostoli caput esset omnium Ecclesiarum, id est Ecclesia Romana, quia Ecclesia Constantinopolitana primam se omnium Ecclesiarum scribebat. (Anastasii Vitae Romanorum Pontificum, dans Muratori, Rerum Italicarum Scriptores, t. III, v. I, p, 135.)

(70) Les Chrétiens Grecs brûlaient les statues de saints, tandis que les Chrétiens Latins leur rendaient un culte public. « A Constantinople, on brûloit les Images, et à Rome on les adoroit. » (Fleury, ibid., p. 368; voir aussi Macquer, Abrégé chronologique de l'Histoire ecclésiastique, édit. de 1768, t. I, p. 572, etc.)

(71) Ce fut dans ces moments difficiles que le pape Étienne sortit de l'Italie, et vint demander la protection de Pippin (en 754). En 757, le Pape et son clergé, et le peuple de Rome, pour s'attacher le Roi barbare, lui conférèrent publiquement la dignité de Patrice, ou de gouverneur des Romains, Patriciu.s Romanorum. C'était là un véritable acte de rébellion contre l'Empereur, qui seul pouvait nommer son propre lieutenant à Rome. « Le nom de Patrice signifiait en ce temps-là protecteur de l'Église et chef du peuple de Rome. Les droits du Patrice consistoient dans le pouvoir d'exercer la juridiction sur les Romains, d'en exiger la prestation du serment de fidélité, de battre monnaie à son coin, et autres droits de souveraineté. » (Jacquet, Droit public d'Allemagne, t. I, p. 273.)

Déjà en 741, le Pape avait conseillé au peuple de Rome de se soustraire à l'autorité de l'Empereur, et de se placer sous la seigneurie lointaine du Duc des Francs. Epistolam quoque, decreto Romanorum Principum, sibi [Karolo Martello] praedictus Praesul Gregorius miserat, quod sese Populus Romanus, relicta Imperatoris dominatione, ad suam defensionem et invictam clementiam convertere voluisset. (Chronica, dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 326, etc.)

C'était pour la première fois qu'un Evêque de Rome sollicitait l'appui du Prince des Francs. Quod antea nullo Francorum Principi a quolibet Romanae Urbis Praesule missum fuerat... (Chronica, ibid., t. I, p. 292, etc.)

(72) On ne relève dans cette Chronologie que les faits marquants, et les particularités qui intéressent le Pays Liégeois.

Grace aux matériaux retrouvés et publiés depuis vingt­cinq ans, en Allemagne notamment, des détails douteux sont devenus précis, sûrs.

Notre tache se réduit donc à ceci: exposer les faits dans leur historique simplicité.

(73) La rapidité des mouvements de Charles est merveilleuse. On le voit, à tout moment, parcourir prestement l'Occident avec sa famille et ses armées. Cependant les routes étaient rares ou impraticables, les Peuples sans relations et mal soumis, les logements et les approvisionnements presque impossibles.

Comment faisait-il cela?

(74) L'ingénieux Fauriel a fait un récit assez exact de cette conquête, en son histoire de la Gaule méridionale sous la domination des Conquérants Germains, t. III, p.306. - Rabanis, Les Méroringiens d'Aquitaine, p. 91, etc.

(75) Charles se trouvait encore au Manoir de Herstal en mars 770. II y signe un diplôme ainsi daté: Data mense martio, anno secundo regni nostri. Actum Aristalio, palatio publico, féliciter. Amen. (Dans les Rerum Gallicarurn Scriptores, t. V, p. 719, etc. Voir aussi Sickel, Acta Regum et Iniperatorum Karolinorum, t.II, p. 17.)

(76) Domnus Karlus rex celebrant pascha apud sanctum Lanbertum in Vico Leodico. - Gloriosus rex Carolus celebravit pascha in Leodico Vica publico, ubi sanctus Lambertus martyr in corpore requiescit. (Annales, dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 148, 149, etc.)

Quand Charles revenait dans notre Pays, c'était à Liège, dans la Cathédrale, qu'il assistait aux grandes cérémonies religieuses. Il y tenait, en outre, sa cour avec ses officiers et ses juges. Anno 770, congregato conventu Principum, Karolus celebravit pascha in Leodio, in vico publico. (Annales Aureaevallenses. Ibid., t. XVI, p. 682.)

Les Grands et les Notables du Royaume s'hébergeaient plus aisément à Liège qu'à Jupille ou Herstal. Le trouvère Bodel en sa Chanson des Saxons, t. I, p. 77, rappelle ainsi cet usage de jadis:

Mandé furent li Prince a Lige...

Chascuns de sa partie chevauche et esperone;

Molt fut la Cours pleniere, un juesdi apres none...

« Charlemagne, né à Jupille, village qui, comme celui de Herstal, touche aux portes de Liège, résidoit fréquemment dans cette ville... » (Quelques Souvenirs sur le Pays de Liège; Liège, 1804; p.3.)

(77) Matris hortatu filiam Desiderii, Regis Langobardorum, duxit uxorem. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 18.)

La fille de Didier se nommait Désirée, au dire d'un écrivain du temps. (Cum idem Carolus Desiratam, Desiderii regis Italorum filiam, repudiaret... (Radberti Vita Adalhardi, dans les Monumenta Germaniae historica, t. II, p. 525.)

(78) Et domnus Carolus rex celebravit natalem Domini in Mogontiam civitatem. (Annales Laurisenses. Ibid., t. I, p. 148.)

(79) Karlus autem rex sanctum pascha in villa Haristallio celebravit. (Annales Patatii. Ibid., t. I, p. 149.)

Anno 771, idem Karolus celebravit pascha in Francia (= Austrasie à cette époque), villa quae dicitur Heristallium. (Annales Aureaevallenses. Ib., t. XVI. p. 682.)

(80) Le ton de cette lettre est d'une singulière humilité. Elle est écrite au nom de l'Église et du peuple de Rome, et Charles est instamment supplié de ne pas épouser Désirée: Ut nullo modo praesumat filiam jam dicti Desiderii Langobardorum Regis in conjugium accipere. Les Lombards étaient une nation abjecte, hypocrite, voulant la ruine de l'Église romaine: Ipsa perjura Langobardorum Gens, semper Eccleviam Dei expuqnantes, et hanc nostram Romanorum provinciam invadentes.

En ne s'alliant point avec les Lombards, Charles sauvait et exaltait l'Église: Et amplissimam liberationem atque exatationem sanctae Dei Ecclesiae... suscipiatis. (Dans Muratori, Rerum ItaIicarum Scriptores, t. III, v.2, p. 178, et dans Jaffé, Bibliotheca. Rerum Germanicarum, t. IV, p. 163.)

(81) La lettre du Pape avait rappelé à Charles le but qu'il devait poursuivre, à l'exemple de son père Pippin et de son aïeul Charles-Martel, à savoir: protéger efficacement l'Église de Rome. Charles se le redisait en 806: Defensionem Ecclesiae sancti Petri suscipere, sicut quondam ab avo nostro Karolo, et beatae memoriae genitore nostro Pippino rege...

Dans un Capitulaire publié en 773, Charles se déclare officiellement le protecteur du Saint Siège et de sa sainte orthodoxie. Karolus gratia Dei rex regnique Francorum rector, et devotus Sanctae Ecclesiae defensor, atque adiutor in omnibus Apostolicae Sedis. (Dans les Monumenta Germaniae historica. Legum t. I, p.,33.)

(82) Ce renvoi outrageant parut inexplicable, dit Éginard. Incertum qua de causa, post annum eam repudiavit. (Vita Karoli Imperatoris, c. 18.)

(83) Rex celebravit pascha Haristallio. (Annales, dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 151, etc.)

C'est dans le courant de ce mois de mars, qu'un Hesbignon, abbé de Lorsch, vint demander à Charles audience. Karolus gratia Dei rex Francorum, vir illustris. Veniens ad nos Haristellio palatio vir venerabilis Gundelandus, abba de monasterio Lauresham, nobis innotuit... (Dans le Codex Laureshamensis diplomaticus, t. I, p.9.)

(84) La Saxe constituait alors une partie considérable de la Germanie orientale. Saxoniam quae quidem Germaniae pars non modica est. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 15.)

(85) Rex vero Karlus, congregato apud Wormaciam generali conventu, Saxoniam bello adgredi statuit, eamque sine mora ingressus, ferro et igni cuncta depopulatus, Aeresburgum castrum coepit, idolum quod Irminsul a Saxonibus vocabatur evertit .... (Annales Palatii, dans les Monumenta Germaniae Historica, t. I, p. 151.)

(86) Charles signa un diplôme au Manoir de Herstal le mardi 20 octobre: Data tertio decimo kalendas novembris, anno quinto regni nostri. Actum Haristalio, palatio publico, in Dei nomine féliciter. (Dans Mabillon, De Re Diptomatica. Specimen scripturae, p. 387.)

(87) Tunc reversus est in Franciam, et caelebravit natalem Domini in Haristallio. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 150.)

(88) Rex in villa HeristaIlio sanctam paschalis festi sollemnitatem celebracit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 151.)

(89) Hadrianus papa cum insolentiam Desiderii regis et Langobardorum oppressionem ferre non posset, decrevit ut legationem ad Karolum regem Francorum mitteret, eumque sibi atque Romanis adversus Langobardos opem ferre rogaret. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 151.)

Vis à vis de l'opinion publique. Charles n'entreprenait la guerre contre les Lombards que sur les instantes prières de l'Évêque de Rome. Rogatu et precibus Hadriani, Romanae Urbis Episcopi, exoratus, bellum contra Langobardos suscepit. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 6.)

(90) Et unam partem cum Bernhardo, patruo suo, per montem jovis, ire jussit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 151.)

Bernard a laissé son nom au Mont SI-Bernard, qu'il franchit si heureusement, qui ilium féliciter cum exercitu superavit, selon Eckhart, Commentarii de Rebus Franciae Orientali., t. I, p. 624.

(91) At Rex, dimisso ad obsidionem atque expugnationem Ticeni exerercitu, orandi gracia Romam pro ficiscicur. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 153.)

Charles avait une suite nombreuse de seigneurs, de prélats et de cavaliers. Abstollens secum diversos Episcopos et Abbates, etiam et Judices, Duces nempe et Graphiones cum plurimis exercitibus, Romans per Tusciae partes properacit, ita festinanter adveniens..., dit un chroniqueur Romain, qui écrivait en 870, Anastase, en ses Vitae Romanorum Pontificum. (Dans Muratori, Reruni Italicarum Scriptores, t. II, v. 1, p. 185.)

(92) Charles fit à Rome, à titre de Patrice et de Défenseur de l'illustre Cité, une sorte d'entrée triomphale: les Magistrats, le Pape, le Clergé, les troupes en armes, le Peuple entier, vinrent à sa rencontre avec la Bannière et les Croix. Les enfants, rangés en haie, et portant des palmes et des rameaux d'olivier, chantaient en choeur un hymne d'allégresse en l'honneur du Roi barbare. Direxit in ejus occursum universos Judices ad fere triginta millia ab hac Romana Urbe cans Bandora,... universas scholas militiae una cum patronis, simulque et pueris qui ad discendas litteras pergebant, deportantes omnes ramos palmarum atque olirarum, laudesque omnes canentes... ; obviam illi ejus sanctitas direxit venerandas cruces, id est, signa... (Anastase. Ibid., p. 185.)

(93) Charles fit donation de presque toute l'Italie au Siège apostolique, ubi concessit Civitates et Territoria beato Petro, id est in Verceto, deinde in Parma, deinde in Rhegio, in Mantua... à en croire les chroniqueurs de Rome. (Anastase. Ibid., p. 186. Theiner, Codex diplomaticus Dominii' temporalis Sanctae Sedis, t. I, p. 2.)

Cette fameuse donation n'est mentionnée par aucun annaliste Germain. (Voir Jaffé, Regesta Pontificum Romanorum, p. 205.)

Selon Eginard, Charles ne donna pas, mais restitua tout simplement à l'Église romaine des biens ou domaines situés en Lombardie, et que les Rois Lombards avaient confisqués. Finis tamen hujus belli fuit,... et res, à Langobardorum Regibus ereptae, Hadriano, Romanae Ecclesiae rectori, restitutae (Vita Karoli Imperatoris, c. 6.)

(94) Inde ad exercitum fuisset reversus, fatigatam longa obsidione civitatem ad deditionem compulit; quam caeterae civitates secutae, omnes se Regis ac Francorum potestati subdiderunt. (Annales Palatii. Ibid., t. 1, p. 153.)

Lorsqu'il se constitua prisonnier, Didier avait été aveuglé par ses courtisans irrités. Au dire d'Annalistes Italiens, ce serait Charles qui lui aurait fait arracher les yeux. Dicunt vero nonnulli, quod Carolus rex oculos eruisset Desiderii in Ticinensi civitate, ubi eum cepit. (Chronicon monasterii Novaliciensis, dans les Rerum Italicarum Scriptores, t. II, v. 2, p. 720.) - Rex ltaliae Desiderius a suis quippe Fidelibus callide est ei traditus,... et ferunt alii ut lumine eum privasset (Anonyrnus Salernitanus. Ibid., t. II, v. 2, p. 179.)

L'Italie avait emprunté à l'Orient cette coutume d'infliger l'aveuglement (excaecatio) aux personnages abattus par un grand revers.

(95) Il est à croire que ce fut d'accord avec le Pape, que Charles se décida à conquérir la Lombardie. Il n'y avait que ce moyen de mettre Rome à l'abri des entreprises des Lombards.

Charles s'intitulait Roi des Lombards dès avant la reddition de Pavie. Unde clarum est, nunc Carolum, etiam ante Papiam devictam et captum Desiderium, jam dictum esse Regem Langobardorum. (Eckhart, Covnmentarii de Rebus Franciae Orientalis, t. I, p. 629.)

Il laissa subsister la Lombardie, comme Royaume distinct, sans l'incorporer à ses autres États.

(96) Le jeudi 4 septembre 774, Charles signe un diplôme à Herstal: Data kalendis septembris anno VI regnante Carolo piissimo rege, indictione XII, Aristalio palatio, in Dei nomine. Amen. (Dans Hontheim, Historia Trevirensis diplomatica, t. I, p. 133.)

(97) Quelques Annalistes modernes ont avancé que Didier avait eu pour prison le monastère de Corbie, et qu'il y était mort. Mabillon a démontré l'inexactitude de cette assertion. Ejus rei nulla penes Corbeienses nostros memoria supererat. (Acta Sanctorum Ordinis S. Benedicti, t. IV , p. ix.)

(98) Et Rex in Franciam revertitur, captivum ducens Desiderium regem. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 153.)

Nos Chroniqueurs sont très précis sur tous ces faits. Karolus regnum Italiae cepit, et Desiderium regem in exilium direxit Leggiae, Agilfrido episcopo. (Annales Leodienses et Annales Sancti Jacobi Leodiensis, dans les Monumnta Germaniae historica, t. IV, p. 13, et t. XVI, p. 611, 620, 636.) Sigebert écrit également: Desiderius rex cum uxore et fila capitur, et perpetuo exilio Agilfredo Leodiensiuni episcopo dirigitur. (Chronica, ibid., t. VI, p. 334; voir aussi Anselme, Gesta Pontificum Leodiensium, ibid., t. VII, p. 198.) Charles tenait à surveiller de près l'ex-Roi Lombard, et velut in conspectu perpetuo habere voluit, dit Fisen, Historia Ecclesiae Leodiensis, t. I, p. 107. - Vers 1620, c'était une tradition que Didier avait eu pour prison, suos olim carceres, une maison-forte qui longeait la Meuse, à l'endroit où se trouve aujourd'hui le Mont-de-Piété. (Vlierden, Fasti magistrales inclytae Civitatis Leodiensis, p. 15, etc.)

D'autres détails encore.

Didier mourut à Liège vers 795. Desiderius Leodium relegatus est, ubi in exilio obiit. Charles le fit inhumer dans le dôme d'Aix: une pierre tombale blanche indiqua où gisait le dernier Roi des Lombards. Regemque Desiderium captivum cum sua conjuge Leodium domino Agilfrido episcopo in exilium misit, ibique vitam finivit; et sepultus est Aquisgrani ante introitum chori sub magno lapide de marmore pario in ecclesia regali quam Rex fecerat... (Chronicon Leodiense du XIVe siècle, au British Museum, Egerton coll., n° 275, fol. 65.) Placentius relève aussi cette tradition: Qui Desyderius defunctus, Aquisgrani magnifica sepultura dignatus est. (Catalogus Antistitum Leodiorum, p. 82.) Une note marginale d'un Chronicon du XVIe siècle ajoute: In collegio Dive Marie sub pede Caroli Magni sepulchri.

(99) Rex autem tripartitum in eorum regiones misit exercitum, qui incendiis ac direptionibus cuncta devastans, conpluribus etiam Saxonum, qui resistere conati sunt, interfectis, cum ingenti praeda regressus est. (Annales Palatii. ibid., t. I. p. 153.)

(100) Volentes [Saxonesj ripam supra dicti fluminis defendere. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 154). Sed frustra. Nam in prima congressione pulsi fugatique sunt, et magnus eorum numerus ibidem interfectus est. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 155.)

(101) Ubi ei Esswinus, unus e primoribus Saxonum, cum omnibus Ostfalais occurrens, et obsides quos Rex imperaverat dedit, et sacramentum fidelitatis juravit .... Angrarii cum suis primoribus occurrerunt, et sicut Ostfalai, juxta quod imperaverat, obsides ac sacramenta dederunt. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 155.)

(102) Avant d'entreprendre cette expédition, Charles avait fait décider par la Diète de Duren, que les Saxons qui ne se feraient pas chrétiens seraient exterminés. Et eo [bello] usque perseveraret, dum aut victi Christianae religioni subicerentur, aut omnino tollerentur. (Id., ibid., p. 153.)

(103) Le Pape avait averti Charles par lettre, que les conjurés, assistés d'une armée grecque sous les ordres d'Adalgise, fils de Didier, s'apprêtaient à rétablir la monarchie Lombarde, et à envahir la ville de Rome. Vobis innotuimus... qualiter, proximo martio mensae adveniente, utrosque se in unum conglobent cum caterva Grecorum et Athalgihs Desiderii filium, et terrae marique ad dirnicandum super nos irruant; cupientes hanc nostram Romanam invadere civitatem,... nec non Langobardorum regen redintegrare, et vestrae regali potentiae resistere. (Dans Muratori, Rerum Italicarum Scriptores, t. III, v. 2, p. 1213, et dans Jaffé, Bibliotheca Rerum Germanicarum, t. IV, p. 19.)

(104) Raptim Italiam proficiscitur, Hruodgaudoque qui regnum adfectabat interfecto, civitatibus quoque, quae ad eum defecerant, sine dilatione receptis, et in eis Francorum comitibvs constitutis, eadem qua venerat velocitate rerersus est. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 155.)

(105) Et Saxones perterriti... omnes spoponderunt se esse Christianos, et sub Dicioni domni Caroli regis subdiderunt. Les Saxons se présentèrent en foule avec leurs femmes et leurs enfants, pour recevoir le baptême. Ibique venientes Saxones una cum uxoribiu et infantbus innumerabilis multitudo, baptizati sunt. (Annales Laurissenses. ibid.. t. I, p. 156.)

De là, redevenir Païen, c'était faire acte de rébellion.

(106) C'est au Manoir de Herstal que Charles date un diplôme le mardi 7 janvier 777: Data septimo idus januarii, anno nono et tertio Regni nostri. Actum Haristalio, palatio publice, in Dei nomine féliciter. (Dans Schannat, Vindiciae archivi Fuldensis diplomatum. Specimen scripturae, tab. IV.) Il y a un autre diplôme de ce même mois: Datum in mense januario, anno VIIII regni nostri. Actum Haristellio. palatio publico, in Dei nomine feliciter. (Dans le Codex Laureshamensis diplomaticus, t. I, p. 21.)

(107) Domnus Rex caelebravit natalem Domini in Haristallio. (Annales Laurissenses. Ibid., t. 1, p. 156.)

(108) In villa Heristalio hiemavit. (Annales Palatil. Ibid., t. I, p. 157.)

(109) Rex prima veris adspirante temperie Naviomagum profectus est, et celebravit ibidem paschalis festi sollemnitatem. (id., ibid., t. I, p. 157.)

(110) Les Saxons engagèrent leur liberté et leurs biens, pour le cas où ils violeraient la fidélité promise, si ulterius sua statuta violarent. (Id., ibid., t. I, p. 159.) - Si a die illa et deinceps Christianitatem et Regi ac filiis ejus fidelitatem abnegassent. (Annales Fuldenses. Ibid., t. I, p. 359.)

(111) Venit in eodem loco ac tempore ad Regis praesentiam de Hispania, Sarracenus quidam nomine Ibinalarabi cum allis Sarracenis sociis suis, dedens se ac Civitates, quibus eum Rex Sarracenorum praefecerat. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 159.)

(112) Charles est de retour au Manoir de Herstal en septembre [777]. C'est ce que montre cette souscription d'un diplôme: Actum publice Haristalio, anno nono et quarto regnante Karolo gloriosissimo Rege Francorum et Langobardorum atque Patricio Romanorum. - Ce diplôme a été découvert en 1857, et publié dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, t. III, p. 51, et dans la Revue d'Alsace, t. X, p. 315. Voir aussi Neugart, Codex diplomaticus Alemanniae, t. I, p. 64.

(113) En janvier 778, Charles était encore dans notre Pays. C'est ce qu'atteste cette souscription d'un diplôme: Datum in mense januario, anno decimo regni nostri. Actum Aristellio, palatio publico, in Dei nomine féliciter. Amen. (Dans Mabillon. Annales Ordinis S. Benedicti, t. II, p. 698.)

(114) Tunc domnus Carolus rex motus precibus et querelis Christianorum, qui erant in Hispania sub jugo Sarracenorum, cum exercitu Hispaniam intravit. (Annales Laurissenses. Ibid., t. 1, p. 158.)

(115) Idcirco rex pascha in Aquitania apud Cassinoillum celebravit. Tunc, congregato exercitu, profectus est. (Annales Patatii. Ibid., t. I, p. 159.)

(116) Les Annalistes Arabes ou Espagnols du temps n'ont aucun détail qui pourrait compléter le récit des Annalistes Francs. (Voir Dozy, Histoire des Musulmans d'Espagne; Leyde, 1861; t. I, p. 376. etc.)

(117) Ipse cacteris copiis dimissis, Heristallium villam, in qua hiemare constituerat, venit. Charles était tout attristé.,Il ne se rappelait l'expédition d'Espagne qu'avec chagrin. Cujus vulneris acceptio, magnam partem rerum féliciter in Hispania gestarum in corde Regis obnubitavit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 159.)

Charles était de retour au Manoir de Herstal vers le milieu de septembre. Le jeudi 24, il y soussigne ainsi un diplôme: Data VIII kalendas octobris anno XI et V regni nostri. Actum Heristallio, palatio publico, in Dei nomine féliciter. (Dans Wenck, Hessische Landesgeschichte, t. II, p. 7, etc.)

(118) Et caelebrariit supradictus clementissimus Rex natatem Domini in villa quae dicitur Haristalhio. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 158.)

(119) At Rex de Heristallio, ubi hiemaverat, et ubi natalem Domini ac sanctum pascha celebraverat, prima veris temperiie movens, etc. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 161.)

On a quelques diplômes Actum Haristallio palatio de cette année 779: ils ont été donnés les samedis 13 et 27 mars, le vendredi 30 avril, et le lundi 3 mai. (Dans Wenck, Hessische Landesgeschichte, t. II, p.8, etc.)

Plusieurs Capitulaires ont été publiés à Herstal, Haristallio; notamment celui du mois de mars 779. (Dans les Monumenta Germaniae historica. Legum t. I, p. 35.)

(120) Saxones... vana spe ducti resistere temptarent, pulsi fugatique sunt... Et obsides dederunt et sacramenta juraverunt. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 161.)

(121) Inde, cum primum temporis oportunitas adridere visa est, iterum cum magno exercitu Saxonian profectus est. (Id, ibid., t. I, p. 161.)

(122) Cui cum ibi omnes orientalium partium Saxones, ut jusserat, occurrissent, maxima eorum multiludo in loco qui Orheim appellatur, solita simulatione, baptizata est. (Id. ibid., t. I, p. 161.)

(123) Et divisit ipsam patriam inter Episcopos, Presbyteros et Abbates, ut in ea baptizarent et praedicarent. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 296.) - C'est ainsi que furent successivement fondés les Évêchés de Minden, d'Osnabruck, de Verden, de Brime, de Paderborn, de Halberstadt, de Hildesheim et de Munster. - Il est à noter que les officiers que Charles établissait en Saxe, étaient tous Saxons. Et constituit super eam [Saxoniam] Comites ex nobilissimo Saxonum genere. (Ed., ibid.)

L'Évêque de Liège Agilfride, cousin de Charles, travailla beaucoup à la conversion des Saxons. Il consacra, notamment, l'église épiscopale d'Osnabruck, selon un document contemporain: Osnebruggensem ecclesiani ab magno et illustri viro Karolo fundatam, et a venerabili Egilfritho Leodicensi Episeopo consecratam... (Dans Eckhtart, Commentarii de Rebus Franciae Orientalis, t. II, p. 399.)

(124) Sine mora in Itatiam profectus est, celebravitque natalem Domini Ticeni, atque ibi residuum hiemis manendo complevit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, P. 161.)

(125) Inde Romam veniens, honorifice ab Hadriano papa susceptus est. Et ibi sanctum pascha celebrarit. (Id., ibid.)

(126) Charles se retrouvait dans notre Pays déjà au mois d'octobre, comme l'indique cette souscription d'un diplôme: Data in mense octobris anno XlIII et VIII regai nostri. Actum Haristalio, palacio publico, in Dei nomine féliciter. (Dans Malbillon, De Re Diplomatica, Specimen scripturae, p. 389.)

Cette année 784 se passa sans guerre, Sine hoste fuit hi annus. (Annales, dans les Monumenta Germaniae historica, t.1, p. 16.)

(127) La cavalerie étant nombreuse, on n'entra en Saxe qu'à l'époque de la fauchaison des foins, vers la fin du mois de mai. Aestatis initio, cum jam propter pabuli copiam exrercitus duci poterat, in Saxoniam eundum, etc. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 161.)

(128) Widokindus, qui ad Nordmannos profugerat, in patriam reversus, vanis spebus Saxonum animos ad defectionem concivarit, etc... (Id., ibid.)

(129) Saxnibus paene omnes Franci interfecti sunt. La défaite fut d'autant plus désastreuse pour les Francs, qu'ils perdirent une foule d'officiers distingués. Sed major Francis quam pro numero jactura fuit, quia legatorum duo, Adalgisus et Geilo, comitum quattuor, aliorumque clarorum atque nobilum usque ad viginti interfecti, praeter casteros, qui hos sequuti, potius cum eis perire quam post eos vivere maluerunt. (Annales Patatii. Ibid., t. I, p. 165.)

(130) Cujus rei nuntium cum Rex accepisset, nihil sibi cunctandum arbitratus, collecto festinanter exercitu, in Saxoniam proficiscitur, etc. (Id., ibid.)

(131) Et cum omnes Widokindum hujus sceleris auctorem proclamarent, eum tamen tradere nequirent, eo quod is re perpetrata ad Nordmannos se contulerat, caeterorum, qui persuasioni ejus morem gerentes tantum facinus peregerunt, usque ad quattuor milia quingenti. traditi, et super Alaram flurium, in loco qui Ferdi vocatur, jussu Regis omnes una die decollati sunt. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 165.) - Tunc omnes Saxones iterum convenientes, subdiderunt se sub potestate supradicti domni Regis, et reddiderunt omnes malefactores illos, qui ipsud rebellium maxime terminaverunt, ad occidendum, quatuor milia quingentos; quod ita et factum est, excepto Widochindum, qui fuga lapsus est partibus Nordmanniae. (Annales Laurissences. Ibid., t. I, p. 164, etc.)

Hujusmodi vindicta perpetrata. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 165) Quorum [Francorum] mors, quatuor milium et quingentorum hominum decollatione, vindicata est. (Annales Fuldenses. Ibid., t. I, p. 350, etc.)

Charles fut sans pitié, pour obéir à la volonté nationale qui exigeait de semblables représailles. Selon les usages militaires du temps, le massacre des prisonniers était de droit, Witikind et ses partisans n'ayant pas été livrés.

(132) Le retour de Charles est atteste par un diplôme, daté du 18 août: Data Haristalio palatio, XV kalendas septembris, anno XlIII et VIIII. (Dans Sickel, Acta Regum et Imperatorum Karolinorum, t. II, p. 43, etc.)

(133) ...Eadem qua et prius felicitate dimicavit. (Annales Patatii. Ibid., t. I, p. 165.)

(134) Ipse in Heristallio villa ibidem hiematurus consedit, ibique natalem Domini celebrant. (Id., ibid.)

Cette année 783 tient une grande place dans la vie privée de Charles. Il perdit sa femme Hildegarde le 30 avril, et sa mère Bertrade le 12 juillet. Au commencement du mois d'octobre, il épousa à Worms Fastrade, Duxit uxorem filiam Radolfi comitis natione Francam, nomine Fastradam. (Annales Palatii. Ibid., p. 165.)

(135) Et celebravit pascha in villa quae dicitur Haristallio. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 164.)

(136) Cum primum oportunitas temporis advenit, ad retiquias belli Saxonici conficiendas Rex animo intento, cum exercitu Rhenum traiecit, etc. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 167.)

(137) Anno 785, Karolus rex demoratus est in Saxonia ad Heresburg de natale Domini us que in mense junio, et aedificavit ipsum à novo, sed et basilicam ipsam construxit. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 297.)

(138) Ad ejus praesentiam in Attiniaco venerunt, atque ibi baptizati sunt. (Annales Patatii. Ibid., t. I, p. 169.) - Widukind Saxo Attiniaci ad fidem Karoli venit, et baptizatus est, et Saxonia tota subacta. (Annales Fuldenses. Ibid., t. I, p. 351.)

Cette soumission combla Charles d'allégresse: il leva lui­même Witikind des fonts de baptême, et il l'honora de riches présents. Et Rex suscepit eum a fonte, ac donis magnificis honoravit. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 297.)

(139) Eaque conditione a Rege proposita, et ab illis suscepta... ut, abjecto Daemonum cultu, et relictis patriis caerinioniis, Christianae fidei atque religionis sacramenta susciperent, et. Francis adunati, unus cum eis Populus efficerentur. (Einhardi Vita Karoii imperatoris, C. 7.)

(140) Tunc domnus Carolus Rex misit exercitum suum partibus Brittaniae, etc. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 168.)

C'était la Bretagne Armoricaine, à l'extrémité occidentale de la Gaule. Domuit et Brittones, qui ad occidentem in extrema quadam parte Galliae super litus Occeani residentes... sunt. (Einhardi Vita Karoli imper. , c. 10.)

La Bretagne resta un État tributaire relevant de Charles, plutôt qu'une Province de son Royaume.

(141) Et accepta munera, juraverunt omnes Beneventani, tam supradictus Dux quam et Rumaldus [filius Ducis]. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 170.)

(142) Cumque in Florentia Tuscorum civitate natalem Domini celebrasset, quanta potuit celeritate Romam ire contendit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 169.)

(143) Roman reversus, sanctum paschale festum magna cum hilaritate celebravit. (Id., ibid., t. 1, p. 169.)

(144) Et cum... Wormaciae invenisset, generalem Populi sui conventum ibi habere statuit. In quo cum omnia, quae in Italia gesserat, coram optimatibus suis narrando commemorasset, etc. (Id., ibid.) Tunc Tassilo denuo renovans sacramenta, et dedit obsides electos duodecim. etc. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 172.)

(145) Sed noxae convictus, uno omnium adsensu, ut laesae majestatis reus, capitali sententia damnatus est. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 173.) Tunc judicaverunt eum morti dignum. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 298.)

(146) Rex autem, misericordia motus, noluit eum occidere, sed cum ipsius petitione clerieum eum fecit, et retrusit in monosterio. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 298.)

(147) Rex autem in Baioariam profectus, eandem provinciam cum suis terminis ordinavit atque disposuit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 175.)

A l'est de la Bavière, Charles érigea les pays frontières en Marches, et il en confia la défense à des Margraves. Ainsi prit naissance le Margraviat oriental, Osterland, Osterreich, qui a eu de si singulières destinées sous le nom d'Autriche.

(148) Atque inde regressus in Aquisgrani palatio suo, ubi hiemarerat, diem Domini natalicium sanctumque pascha more solemni celebrant. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 175.)

(149) Hoc anno (790) nullum iter exercitale a Reqe factum sed in Wormacia residens, etc. (Id., ibid., p. 177.)

(150) Quae esset navium capax, posse percommode a Danubio in Rhenum navigari, etc. (Id., ibid., t. I, p. 180.)

Ce long et large canal ne fut pas achevé. Au siècle dernier, on en distinguait encore les déblais. Eckhart en a donné le tracé en ses Commentarii de Rebus Franciae Orientalis, t. I, p. 750.)

(151) Rex ad palatium quod Aquis vocatur rediit. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 180.)

(152) La chapelle, surtout, était un monument admirable, opere mirabili construca, dit Eginard. (Vita Karoli Imperatoris, c. 17.) - Atque ibi fabricavit Ecclesiam mirae magnitudinis, cujus portas et cancella fecie aerea, et cura magna diligentia et honore, ut potuit et decebat, in ceteris ornamentis ipsam basilicam composuit. Fecit autem ibi et Palatiurn, quod nominavit Lateranis, et collectis thesauris suis de regnis singulis, in Aquis adduci praecepit. Fecit autem et opera multa et magna in eodem loco. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 303.)

(153) Ad cujus fabricam de omnibus cismarinis regionibus magistros et opifices omnium id genus artium advocarit. (Monachi Sangallensis Gesta Karoli lmperatoris, t. I, c. 28.)

(154) Omnem Libertatem et Justicam... libere exerceant. - Clerici et Laici loci hujus indigene... sub tuta et libera Lege ab omni servili conditione vitam agant, etc. (Privilegium Karoli, dans Quix, Codex diplomaticus Aquensis, p. 115.)

L'original de cette charte périt en 882, lorsque Aix fut saccagé par les Northmens. Longtemps après, vers 1150, on essaya de la récrire; mais l'écrivain était si ignorant des vieilles choses, qu'il ne fit qu'une oeuvre de rhétorique. Cette pièce apocryphe fut admise comme véritable par l'Empereur Frédéric Barberousse, qui l'inséra textuellement dans son rescrit de 1166; ces deux documents, à leur tour, furent confirmés par l'Empereur Frédéric II, qui les reproduisit intégralement dans son diplôme de 1244. (Dans Quix, ibid., p. 113.)

Au surplus, que Charles ait privilégié la Ville d'Aix, ainsi que le redisent tous les Chroniqueurs Aixois, cela n'est plus douteux aujourd'hui. Dans les Monumenta Germaniae historica, t. II, p. 395, on trouve un poème écrit, vers 801, par Angilbert, conseiller intime de Charles: il y est rappelé que ce Roi voulut que Aix eût un hôtel public, où le Sénat s'assemblerait pour administrer et pour rendre la justice

Hic jubet esse Forum, sanctum quoque jure Senatum,

Jus Populi et Leges ubi sacraque Jussa capessant.

(155) Charles installa et tint sa cour à Aix. Nam ibi firmaverat sedem suam, dit le Chronicon Moisiacense. (Ibid., t. I. p. 303.)

Outre son Palais, Charles fit construire à Aix nombre d'habitations pour héberger les étrangers de distinction qui venaient à son audience. De edificiis, quae Karolus apud Aquasgrani... vel sibi, vel omnibus Episcopis, Abbatibus, Comitibus, et cunctis de toto orbe venientibus hospitibus, mirifice construxit. (Monachi Sangallensis Gesta Karoli Imp., l. I, c. 27.)

(156) Ibidem hibernis habitis, et natalem Domini et pascha celebravit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 181.)

(157) Tout comme au moyen-âge, au XVIIe siècle on se plaisait à redire que « le Roy Charles donna ses Lettres scellees d'or, lesquelles l'Eglise de Liege doit encore aujourd'hui guarder. » (Chroniques de Liège, etc.)

Que ce diplôme ait été scellé d'or, ainsi que le veut la tradition, ce n'est pas impossible. Carolus Magnus, aut primus, aut certè inter primos Imperatores ac Reges, aureurn sigillum aliquando adhibuit, dit Mabillon, De Re Diplomatica, p. 135. Voir aussi Heumann, Commentarii de Re Diplomatica Imperatorum Germancorum, t. I p. 126; Stumpf, Die Reichskanzler, t. I, p. 115, etc.)

(158) Selon la tradition, ces privilèges furent constatés par un diplôme, lequel, comme tant d'autres chartes précieuses, a dû être détruit en 882, lors du sac de Liège par les Northmens. Les diplômes que Charles avait accordés à l'église cathédrale périrent également alors, quoique ces precepta quedam Karoli regis aient été confirmés, comme s'ils existaient encore, par les Empereurs Otton II et Henri II, dans leurs diplômes de 980 et 1006. (Dans le Liber Cartarum Ecclesie Leodiensis, fol. 72, 79, etc.) Au XIIe siècle encore, nul ne croyait à la destruction de tous ces mémorables rescrits, témoin Gilles d'Orval, qui, vers 1225, écrivait: Sicut testantur Privilegia a reqe Carolo collata. (Dans les Gesta Pontificum Leodiensium, t. I, p. 149.)

Dans son Acta Regum et Imperatorum Karotinorum, t. II, p. 359, M. Sickel a dressé une liste des Acta deperdita de Charles relatifs aux Églises, aux Monastères.

Il reste à faire un pareil travail pour les Acta deperdita des Villes, Aix, Liège, Brême, Genève, Florence, Rome, etc.

Charles confirmait les Privilèges des Bourgeoisies qui l'accueillaient sympathiquement. Omnium tamen Nationum, quae sub ejus dominatu erant, Jura quae scripta non erant describere ac litteris mandari fecit. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 29.)

Ainsi procédèrent, à son exemple, les Empereurs ses successeurs.

(159) Cet Étendard, que l'on conservait dans le trésor de l'église de St-Lambert, devint très célèbre parmi nous, au moyen-âge, sous le nom d'Étendard de S'-Lambert. En 1650, on disait qu'il faisait encore partie des reliques de la Cathédrale. Hoc Vexillum - dicebatur illud vulgari lingua Standart - etiam hodie visitur in divi Lamberti sacrario. (Lobbet, Gloria Leodiensis Ecclesiae; Liège, 1660 ; p. 66, etc.)

(160) Durant tout le moyen-âge, ce fut une tradition incontestée que Liège devait son régime communal à Charles, et que ses Bourgeois avaient été anoblis de telle sorte, qu'ils avaient le droit de se vêtir comme les Nobles seuls pouvaient le faire. Tous nos vieux Historiens sont unanimes là-dessus. Carolus Patriam Leodiensem nobilitavit ac liberam reddidit. - « Apres ordinat li Roi Charle que tous les Bourgois Citains de Liege, qui sont de la Citeit neis leurs pere et ayons de quel mestier quil soit, soient Nobles de leur fait et Franks, et que ilh puissent porteir vair et gris et bottons dargent. Et de tout chu les donnat ly Empereur Lettres saiellees dor, que l'Engliese de Liege doit encor ajourdhuv gardeir. » (Chronicon Leodiense, mss. de la Bibliothèque de l'Université de Liège, n° 39, fol. 138; Jehan Des Preis, Les Chroniques de Liège, t. III, P. 20, etc.)

Les Bourgeois, ainsi qu'on le disait au XVIe et au XVIle siècles, furent autorisés à avoir des vêtements de couleur vert-noix, ou vert-geie, selon l'expression wallonne. Charles très probablement avait donné ses couleurs: on porta ainsi sa livrée.

L'Étendard était de soie vert-geie, à l'aigle d'or éployé au milieu.

(161) « C'est depuis lors que, dans les actes solennels, on donne aux Citoyens de Liège le titre de Seigneurs Bourgeois. » (Loyens, Recueil héraldique de la Noble Cité de Liège, p. 5.)

Carolus Leodii existens, contulit inter alia Civibus Leodiensibus hoc Privilegium, quod omnimoda Libertate fruerentur in suis Domibus, ac inde non possunt extrahi aut citari... A quo Privileqio vulgatur immemoriale Leodii dictum: « Pauvre Homme dans sa maison Roy est... » (Inclytae Civitatis Leodiensis Delegatio, p. 149, etc.

Les Privilèges de Charles restèrent, comme régime de la Cité. Les plus essentiels furent confirmés par les Empereurs. Ainsi fut-il fait par Philippe II, qui approuva, par son diplôme de 1208, les Libertates et Jura universa Fidelium nostrorum Leodiensium Civium. (Dans le Recueil des Édits du Pays de Liege, t. I, p. 2.)

(162) Rex autem aquasgrani veniens, sicut et anno superiore, ibi temporibus suis et natalem Domini et pascha celebravit. (Annales Palalii. Ibid., t. I, p. 181.)

(163) Romae, Hadriano defuncto, Leo pontificatum suscepit, et mox per legatos suos Claves confessionis sancti Petri, ac Vexillum Romanae Urbis cum aliis muneribus Regi misit, roqavitque ut aliquem de suis optimatibus Romam mitteret, qui Populum Romanum ad suam Fidem atque Subjectionem per sacramenta firmaret. (Id., ibid., t. I, p. 183.)

(164) Missus est ad hoc Angilbertus... (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 183.)

(165) Castris que super Wisuram positis consedit, et locum castrorum Heristallum vocari jussit. (Id., ibid.)

Ce nom de Herstal [Herstelle] fut conservé parles habitants de la contrée, ajoute l'Annaliste, qui locus ab incolis usque in praesens ita nominatur.

(166) Rex autem in Saxonia residens, ibi et natalem Domini et pascha celebravit. (Id., ibid., t. I, p. 185.)

(167) Rex vero Aquisgrani hiemarit, et ibi natalem Domini celebrariit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 185.)

(168) Sicque in hoc palatio pascha a domno Rege celebratum est. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 184.)

(169) Et ad legatos domni Regis qui tunc apud basilicam sancti Petri erant, Wirundum scilicet Abbatem, et Winigisum Spolitinum Ducem veniens, Spoletium est deductus. (Id., ibid.)

(170) Venit Pontifex, et valde honoriflce ab illo susceptus est, mansitque apud eum, dies aliquot, etc. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 187.)

(171) Dans la bulle de 1157, le Pape Adrien rappelle ainsi cette consécration de l'église d'Aix: Leo papa... praefatam Basilicam propriis manibus consecravit. (Dans Quix, Codex diplomaticus Aquensis, p. 31.)

(172) Une lettre qui, si elle n'est pas de saint Ludger, évêque de Munster (mort en 809), a été écrite bien certainement dans ce même IXe siècle, mentionne quelques unes de ces bénédictions: Deinde humili petitione et instantia venerabilis patris Gerbaldi, Episcopi Leodiensis, consecravit Papa sanctus Leo ecclesias gloriosae virginis Mariae tam in Tungris quam in Viseto. (Dans Surius, De probatis Sanctorum Historiis, t. II, p. 39.) - Nos Chroniqueurs en ont tenu note: Circa istud tempus, Leo Papa consecravit ecclesiam sancti Stephani in Huyo, et ecclesiam sancte Marie Tongrensis. (Chronicon Leodiense, mst. de la Bibliothèque de l'Université de Liège, n°178, fol. 36, etc.)

(173) Tunc omnes Romani prae nimio gaudio suum recipientes pastorem, omnes generatiter in vigilia beati Andreae apostoli... susceperunt, etc. (Anastasii Vitae Romanorum Pontificum, dans Muratori, Rerum Italicarum Scriptores, t. III, p. 198.)

(174) Et Rex natalem Domini in eodem palatio residens celebravit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 187.)

(175) Pour les négociations et les évènements qui vont suivre, voir Leibnitz, Annales Imperii Occidentis, t. I, p.210; Eckhart, Commentarii de Rebus Francias Orientalis, t. II, p. 4, etc.

(176) Redeunte verna temperie, medio fere martio Rex Aquisgrani digressus, litus oceani Gallici perlustravit, etc. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 187.)

(177) Et Rex mense auguste inchoante Mogontiacum veniens, generalem conventum ibidem habuit, et iter in Italiam condixit. (Annales Palatii. Ibid., p. 189.)

(178) Romam vero cum venisset, occurrit et pridie Leo Papa et Romani cum eo apud Nomentum, duodecimo ab Urbe lapide, et summa eum humilitate summoque honore suscepit. (Annales Laurissenses. Ibid., t. I, p. 188.)

Après le repas, qu'ils firent ensemble, le Pape retourna Rome, pour y préparer la réception de Charles. Post coenam, qua simul refecti sunt, illo ibi manente, Pontifex ad Urbem praecessit. (Annales Paatii. Ibid., t. I, p. 189.)

(180) In crastinum in gradibus basilicae beati Petri apostoli cum Episcopis et universo Clero consistens, advenienteum Regem equoque descendentem Deo laudes dicendo et gratias agenda suscepit, etc. (Id., ibid.)

(180) Post septem vero dies Rex concione vocata cur Romam venisset, omnibus patefecit, et exinde cotidie propter quae venerat facienda operam impendit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 189.)

A ces conférences, qui avaient lieu dans l'église St-Pierre, le Roi avait convoque le Pape et les Prélats, et un grand nombre de nobles Francs et Romains. Fecit in eamdem ecclesian congregari archiepiscopos seu episcopos, abbates, et omnem Nobilitatem Francorum atque Romanorum, et sedentes pariter tam magnus Rex quam beatissimus Pontifex, fecerunt residere et sanctissimos archiepiscopos et abbates, stantibus reliquis sacerdotibus et optimatibus Francorum et Romanorum. (Anastasii Vitae Romanorum Pontificum. Ibid., p. 199.)

(181) Les Romains qui, depuis si longtemps, trouvaient insupportable leur sujétion politique et religieuse à l'Empereur de Constantinople, s'étaient tous ralliés à l'idée d'avoir pour Empereur le puissant et pieux Roi Charles. Romani, qui ab Imperatore Constantinopolitano jamdiu animo desciverant, nunc accepta occasionis opportunitate,... uno omnium consensu, Karolo regi imperatorias laudes acclamant. (Sigeberti Chronica. Ibid., t. VI, p. 336.)

Charles se rendit à ces voeux unanimes du Clergé et du Peuple de Rome. Quorum petitionem ipse Karolus rex denegare noluit, sed cum omni humilitate subjectus Deo et petitioni Sacerdotum et unirersi Christiani Populi, etc. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 305, etc.)

(182) Le 5 décembre 800 était alors, pour les Chrétiens, le premier jour de l'an 801. Les Annalistes du temps en font ainsi la remarque: Anno 800 Rex celebravit natalem Domini Romae. Et inmutavit se numerus annorum in 801. (Annales Laurissense.s. Ibid., t. I, p. 188.)

L'évènement est placé aussi à l'an 801 par les Chroniques locales: Anno 801. Karolus fit Imperator Romanorum. (Annales Leodienses. Ibid., t. IV, p. 13; t. XVI, p. 612, 636, etc.)

Nous laissons le jour à l'an 800, pour être d'accord avec le comput moderne.

(183) Le Pape poussa un triple vivat à l'Empereur: Ante sacram confessionem beati Petri apostoli... ter dictum est. (Anastasius. Ibid., p. 199.)

(184) Le Pape adora Charles, suivant la forme usitée jadis au sacre des Empereurs. Post quas laudes, ab eodem Pontifice, more antiquorum Principum, adoratus est. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 189.)

Les principaux assistants firent la même adoration.

(185) Ipse autem cum die sacratissima natalis Dornini ad missarum solemnia celebranda basilicam beati Petri apostoli fuisset ingressus, et coram altari, ubi ad orationem se inclinaverat, adsisteret, Leo papa coronam capiti ejus imposuit, cuncto Ramanorum populo adclamante: Karolo Augusto a Deo coronato magno et pacifico Imperatori Romanorum Vita et Victoria! (Id., ibid., t. I, p. 189.) - Et ab omnibus constitutus est Imperator Romanorum. (Anastasius. Ibid., p. 199.)

(186) Ac deinde Imperator et Augustus appellatus est. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 199.)

(187) Cette création d'un Empire Romano-Germain anéantissait les droits et les prétentions de l'Empire de Constantinople sur Rome, sur la Haute-Italie, sur tout l'Occident, en un mot. Immutato ordine Regnorum, immutandus est etiam ordo titulorum; quia abhinc sub uno comprehendendum est Regnum Francorurm et Romanorum, et Constantinopolitanum Regnum distinguendum est a Regno Romanorum. (Sigeberti Chronica. Ibid., t. VI. p. 336.)

(188) Ordinatis deinde Romanae Urbis et Apostolici totiusque Italiae non tantum publicis, sed etiam ecclesiasticis et privatis rebus, nam tota hieme non aliud fecit Imperator... ipse post pascha 7 kalendas maias Rorna profectus... (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 190.)

Charles régla les affaires d'Italie en vrai Souverain. Ainsi l'indique bien l'intitulé du Capitulaire qu'il publia en mars 801: Karolus, divino nutu coronatus, Romanum regens Imperium, serenissimus Augustus, omnibus Ducibus, Comitibus, Gastaldiis, seu cunctis rei publicae per provincias Italiae a nostra mansuetudine praepositis... Cum Italiam propter utilitatem sanctae Dei Ecclesiae ac Provinciarum disponendarum venissemus, etc. (Dans les Monumenta Germaniae historica. Legum t. I, p. 83.)

(189) Imperator Aquisqrani palatio natale Domini celebravit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 190.)

(190) On a un diplôme date de Herstal du jeudi 1 septembre 802: Data kalendis septembris, anno trigesimo quarto, indictione XI. Actum Haristalio patatio, in Dei nomine. Amen. (Dans Hontheim, historia Trevirensis dipiomatica, t. I, p. 153.)

(191) Le docte Alcuin avait fait accroire à Charles que, avec de bonnes écoles, les Chrétiens de l'Empire deviendraient aussi instruits que les Païens de Rome et d'Athènes. Cujus in tantum doctrina in discipulis suis fructificavit, ut moderni Galli sive Franci antiquis Romanis vel Atheniensibus equarentur. (Monachi Sangallensis Gesta Karoti Imp., l. I, c. 2.)

(192) Omnium tamen Nationum, quae sub ejus Dominatu erant, Jura quae scripta non erant, describere ac tiberis mandari fecit. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 29.)

(193) Post susceptum Imperiate Nomen cum adverteret, multa Legibus populi sui deesse (nam Franci duas habent Leges, in plurimis locis valde diversas) cogitavit, quae deerant addere, et discrepantia unire, prava quoque ac perperam prolata corrigere. Sed de his nihil aliud ab eo factum est, nisi quod pauca Capitula, et ea inperfecta, Legibus addidit. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 29.)

Les ajoutes et les modifications aux lois Salique et Ripuaire se trouvent dans les Monumenta Germaniae historica. Legum p. 112.)

(194) Item barbara et antiquissima Carmina, quibus veterum Regum actus et bella canebantur, scripsit memoriaeque mandavit. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 29.)

Ces épopées présupposent toute une littérature en dialectes vulgaires. Les livres païens commençaient à être mal notés, et étaient tenus pour licencieux. Le Capitulaire de 789 les avait déjà signalés comme contraires à la Religion, vel quae omnino contra Fidem Catholicam sunt; et ordre était donné de les brûler: Sed comburantur, ne in errorem per talia scripta populus mittatur. (Dans Georgisch, Corpus Juris Germanici antiqui, p. 570.)

Doit-on regretter cette destruction des livres païens, et la prédominance de l'idiome Romain dans les études littéraires? Assurément.

(195) Inchoavit et grammaticam patrii sermonis. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 29.)

Il est difficile de lire le vrai sens de ces mots. Eginard a plus d'une obscurité de ce genre.

(196) On enseigna dans les écoles la chronologie d'après l'Ère Chrétienne. - De Compoto, ut veraciter discant omnes, dit le Capitulaire de 805. (Dans Georgisch, Corpus Juris Germanici antiqui, p. 693.) - Le système nouveau, ab incarnatione domini nostri Jesu Christi, fut suivi par Charles lui-même dès 803. (Voir Sickel, Acta Regum et Imperatorum Karolinorum, t. II, p. 70, etc.)

(197) C'est, sans doute, ce que veut dire Éginard, quand il énonce que les douze mois furent dénommés dans les idiomes vulgaires. Mensibus etiam juxta propriam linguam vocabula imposuit, cum ante id temporis apud Francos partim Latinis, partim Barbaris nominibus pronunciarentur. (Ibid., c. 29.)

On ignore comment on commençait l'année en Germanie, avant Charles. Peut-être bien en mars, comme à Liège. Peculiarem epocham habuisse olim videntur Leodienses, qui annos duxerunt a die XIX martii .... Antiquissimo quidem Francorum more, Martius primus anni mensis habebatur. (Haltausii Calendarium medii aevi Germanicum, p. 29.)

(198) Dans les vieilles Lois, dans la Loi Salique même révisée, on compte encore le temps par nuits. (Dans Georgisch, ibid., p. 87, 211, etc.)

(199)C'est ce qui résulte de ces mots de Éginard, hora diei tertia, qui est bien notre trois heures du matin. (Vita Karoli Imperatoris, c. 30.)

(200) Ventis vero hoc modo nomina imposuit, etc. (Id., ibid., c. 29.)

(201) Propter pacem confirmandam inter Francos et Graecos. (Annales Patatii. Ibid., t. I, p. 190.)

(202) Medio novembris allatum est ei, Leonem papam natalem Domini cum eo cetebrare velle, ubicumque hoc contingere potuisset... Ipse obviam illi Remorum civitatem profectus est, ibique susceptum primo Carisiacum villam, ubi natalem Domini celebravit, deinde Aquasgrani perduxit, et donatum magnis muneribus, per Baioariam, ire volentem, deduci fecit usque Ravennam. Le Pape resta huit jours auprès de Charles. Mansitque apud ilium dies octo. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 192)

(203) ... Et facta est ibi ordinatio ab Imperatore de Ducibus et Populis tam Venetiae quam Dalmatiae. (Id., ibid.)

(204) Ces limites sont très bien données par Eginard, en sa Vita Karoli Imperatoris, c. 15.

(205) Conventum habuit Imperator cum primoribus et optimatibus Francorum de pace constituenda et conservanda inter filios suos, et divisione Regni facienda in tres partes, ut sciret unusquisque illorum, quam partem tueri et regere debuisset, si superstes illi deveniret. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 193.)

(206) De hac partitione et testamentum factum, et jurejurando ab optimatibus Francorum confirmatuin, et constitutiones pacis conservandae causa factae, atque haec omnia litteris mandata sunt, et Leoni papae, ut his sua manu subscriberet, per Einhardum missa. (ld., ibid.)

(207) Quelques lignes de ce document sont à citer: In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti. Carolus serenissimus Augusta a Deo coronatus, Ghaerbaldo Episcopo cum universis tibi omnipotente Deo et nostra ordinatione commissis in Domino salutem. - Notum sit dilectione vestrae .... propter instantes quasdam necessitates ...., ut omnes a vino et carne his 3 diebus abstineant et usque horam nonam jejunent, excepto quae aut aetas aut infirmitas non permittit, etc. Nam et per singula monasteria infra parochia tua ita facias. (Dans I'Amplissima Collectio, t. VII, p. 21, etc.)

(208) In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti. Carolus serenissimus Augustus a Deo coronatus, magnus pacificus Imperator Romanum gubernans Imperium, qui et per misericordiam Dei rex Francorum et Langobardorum, Garibaldo episcopo in Domino salutem. - Bene igitur recordari credimus sanctitati tuae... Et sicut in proximo comperimus, in die apparitionis Domini multi fuerunt apud nos inventi, qui volebant suscipere infantes de sacro fonte baptismatis. Quos jussimus singulariter et diligenter examinare et requirere, si orationem dominicam et symbolum, ut supra diximus, scirent et memoriter tenerent; et plures fuerunt, qui nulla exinde in memoriam habebant. Quibus praecepimus abstinere, ut, antequam orationem et symbolum scirent et recitare potuissent, etc. (Dans l'Amplissima Collectio, t. VII, p. 19.)

Obéissant aux désirs de Charles, Gerbald adressa une admonestation à ses prêtres, sur leur négligence à instruire les populations confiées à leurs soins: Quia Domnus existimat nostram esse negligentiam., ut non adnunciemus populum pleniter de Oratione Dominica, ut sciant, et Symbolum quod apostoli docuerunt. (Dans Hartzeim, Concilia Germaniae, t. I, p. 359, et Jaffé, Bibliotheca Rerum Germanicarum, t. IV, p. 389.)

(209) Les présents du Khalife de Bagdad consistaient en un pavillon et en tentures de lin teints des plus brillantes couleurs, en vêtements de soie, en parfums, en aromates, et en une grande horloge à personnages automates d'un merveilleux mécanisme. Tous ces objets, que les Chroniqueurs se plaisent à décrire, ornèrent le palais d'Aix. Quae omnia in Aquense palacio ad Imperatorera delata sunt. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 194.)

(210) Ejusdem pacis confirmandae gratia legati. Consiantinopolim ab Imperatore mittuntur, etc. (Annales Palatii. Ibid., t. 1, p. 198.)

(211) Condicta inter Imperatorem et Hemmingam Danorum regem pax, etc. (Id., ibid.)

(212) Farumque ibi ad navigantium cursus dirigendos antiquitus constitutam, restauravit, et in summitate ejus nocturnum ignem accendit. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 198.)

(213) Inde ab Scaldim fluvium veniens in loco qui Ganda vocatur, naves ad eandem classem aedificatas aspexit, et circa medium novembrium Aquas venit. (Id., ibid.) - Gand était alors un port renommé. In Portu Ganto, natale sancti Bavonis confessoris, lit-on dans le vieux Martyrologium Ecclesie Leodiensis, fol. 41'.

En cette année 811, Charles fait un nouveau testament. Onze évêques, quatre abbés et quinze comtes en eurent lecture et le signèrent. Cet acte a dû être écrit dans notre pays, car c'est par le nom de l'Évêque de Liège, Waltgandus, que la liste des prélats est close.

(214) Pax cum Abulaz rege Sarracenorum facta. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 199.)

(215) Nam Aquisqrani, ubi ad Imperatorem venerunt, scriptum pacti ab eo in ecclesia suscipientes more suo, id est Graeca lingua, laudes ei dixerunt, Ïmperatorem eum et Basileum appelantes. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 199.)

(216) Mense maio... post quod Imperator cum in Arduenna venaretur, pedum dolore decubuit, et convalescens Aquisgrani reversus est. (Id., ibid., t. I, p. 200.)

Il se trouvait à Liège le jeudi 30 juin 813. Un diplôme a pour souscription: Data 11 kal. julii, anno ab incarnatione Domini DCCCXII [I], indict. VI, anno vero regni domni Karoli augusti XLVI, imperii autem XIII. Actum Leodio in Dei nomine féliciter. (Dans Marlot, Historia Remensis, t. I, p. 322.)

(217) Suprodictus vero Imperator cum jam intellexit adpropinquare sibi diem obitus sui. Senuerat enim valdè. (Thegani Vita Hludowici Imperatoris, dans les Monumenta Germaniae historica, t. II, p. 591.)

(218) Evocatum ad se Hludwicum filium Aquitaniae Regem, qui solus filiorum Hildegarde supererat. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 30.)

Per idem autem tempus mortuo jam pridem Pippino, nuperrime autem Karolo itidem fratre, spes universitatis potiundae in eum adsurgebat. (Anonymi Vita Hludowici Imperatoris, dans les Monumenta Germaniae historica, t. II, p. 617.)

(219) Piissimus Karolus imperator apud Aquis palalium... habuit consilium cum praefatis Episcopis et Abbatibus, et Comitibus et Majoribus natu Francorum, ut constituerent filium suum Ludovicum Regem et Imperatorem. (Chronicon Moissiacense, dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 310.)

Charles voulut avoir l'assentiment de tous, sans distinction de rang et de dignité, sur la transmission de son pouvoir et de son titre d'Empereur. Interrogans omnes, a maximo usque ad minimum, si eis placuisset, ut nomen suum, id est Imperatoris, filio suo Hludowico tradidisset. (Thegani Vita Hludowici Imperatoris. Ibid., t. II, p. 591.)

(220) Cunctorum consillo consortem sibi totius regni et imperialis nominis heredem constituit. (Einliardi Vita Karoli Imperatoris, c. 30.)

Illi omnes exsultando responderunt, Dei ammonitionem esse illius rei. (Thegani Vita Hludowici Imperatoris. Ibid., t. II, p. 591.)

Qui onnes pariter consenserunt, dicentes hoc dignum esse. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 340.)

(221) In proxima die dominica ornavit se cultu regio, et coronam capiti suo imposuit; incedebat clare decoratus et ornatus, secut ei decuerat. Perrexit ad ecclesiam, quam ipse a fundamento construxerat, pervenit ante altare... super quod coronarn auream, atiam quam ille gestabat in capite suo, jussit imponi. (Thegan. Ibid., p. 591.)

(222) Tunc jussit eum pater, ut propriis manibus elevasset coronam, quae erat super altare, et capiti suo inponeret ob recordationem omnium praeceptorum quae mandaverat ei pater. At hile jussionem patris implevit. (Thegan. Ibid., p. 592.)

Comme on voit, le couronnement ne se fit par l'intermédiaire ni d'un Prélat, ni d'un Seigneur.

Charles pensait-il à l'avenir?

(223) Populis acclamantibus et dicentibus: Vivat Imperator Ludovicus! Et facta est laetitia magna in Populo in illa die. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 310.)

(224) Quod factum, audientes missarum solemnia ibant ad palatium. Sustinuit enim filius patrem eundo et redeundo, quamdiu cum eo erat filius. (Thegan. Ibid., p. 592.)

(225) Antequam divisi fuissent, amplexantes enim se et osculantes, propter gaudium amoris flere coeperunt. (Id., ibid.. p. 592.)

(226) Dimisso deinde filio, ipse more solito, quamvis senectute confectus, non longe a regia Aquensi venatum proficiscitur, exactoque in hujuscemodi negotio quod reliquum erat autumni, circa kalendas novembris Aquasgrani revertitur. (Einhardi Vita Karoli lmperatoris, c. 30.)

(227) Domnus Imperator nihil aliud coepit agere, nisi in orationibus et elemosinis vacare, et libros corrigere. Et quattuor evangelia Christi, quae praetitulantur nomine Mathaei, Marci, Lucae et Johannis, in ultimo ante obitus sui diem cum Graecis et Siris optime correxerat. (Thegani Vita Hludowici Imp. Ibid., t. II, p. 592.)

(228) Mense januario febre valida correptus decubuit. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 30.) - Mense Januario accepit domnum Imperatorem post balneum febris. (Thegan. Ibid., p. 592.)

(229) Qui statim, ut in febribus solebat, cibi sibi abstinentiam indixit, arbitratus, hac continentia morbum posse depelli vel certe mitigari. (Eginard. Ibid.) - Nihil comedens neque bibens, nisi modicum aquae ad recreationem corporis. (Thegan. Ibid., 592.)

(230) Sed accedente ad febrem lateris dolore, quem Graeci pleuresin dicunt, etc. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris c. 30.)

(231) Quod factum, laboravit in infirmitate diem ilium et noctem sequentem. (Thegan. Ibid., p. 592.)

(232) Hora diei tertia, dit Eginard. (Ibid., c. 30.) - Luce adveniente, selon Thegan. (Ibid.)

(233) In crastinum vero, luce adveniente, sciens quod facturus erat, extensa manu dextera, virtute qua poterat, signum sanctae crucis fronti inprimens, et super pectus et omne corpus consignavit. Novissime autem coiligens pedes suos, extendens brachia et manus super corpus, clausit oculos suos, psallens hunc versum leniter: In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum. (Thegani Vita Hludowici Imperatoris. Ibid., t. II, p. 592.)

(234) Domnus Karlus anno aetatis circiter septuagesimo primo, regni autem quadragesimo septimo, subactaeque laliae quadragesimo tertio, ex quo vera Imperator et Augustus appellatus est, anno decimo quarto, 5 kalendas februarii, rebus humanis excessit. (Annales Paiatii. Ibid., t. I p. 901.)

(235) Dubitatum est primo, ubi reponi deberet, eo quod ipse virus de hoc nihil praecepisset; tandem omnium animis sedit, nusquam eum honestius tumulari posse, quam in ea basilica, quam ipse propter amorem Dei et domini nostri Jesu Christi, et ob honorem sanctae et aeternae Virginis genitricis ejus, proprio sumptu in eodem Vico construxit. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 30.)

On obéissait certainement à des prescriptions de Charles lui-même.

(236) In hac [basilica] sepultus est eadem die qua defunctus est. (Id., ibid.)

Ipso eodemque die humatum est corpus ejus in aecclesia quam ipse construxerat Aquisgrani Palatio. (Thegani Vita Hludowici Imperatoris. Ibid., t. II, p. 592.)

De cette manière, Charles fut enterre tout proche de Liège, comme le remarque un de nos Chroniqueurs: Et apud Aquisgranum horis Leodii, in beate Marie basilica, honorifice fuisse sepultum. (Albrici Chroniea, dans les Monumenta Germaniae historica, t. XXIII, p. 727. )

(237) Corpus ejus aromatizatum est, et in sede aurea sedens positum est in curvatura sepuLchri, ense aureo accinctus, evangelium aureum tenens in manibus et genibus... Vestitum est corpus ejus vestimentis imperialibus, et sudario sub diademate facies ejus operta est... Et super vestimentis imperialibus pera peregrinalis aurea posita est, quam Romam portare solitus erat... (Annales Patatii. Ibid., t. I, p. 202.)

(238) Et repleverunt sepulchrum ejus arornatibus, pigmentis, et balsamo, et musco, et thesauris multis in auro. (Id., ibid., 201)

(239) Arcusque supra tumulum deauratus cum imagine et titulo exsfructus. Titulus ille hoc modo descriptus est: SUB HOC CONDITORIO SITUM EST CORPUS KAROLI .... (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 30.)

Le grand Charles ne trôna dans sa tombe que pendant quatre siècles.

En 881, les Northmens incendièrent la Chapelle: elle resta si longtemps en ruines, qu'on finit par oublier le précieux caveau.

En l'an 1000, l'Empereur Otton fit faire des recherches, et le retrouva. Imperator ossa Karoli Magni Aquisgrani, a pluribus eo usque ignorata, invenit. (Lamberti Aschafnaburgensis Annales, dans les Monumenta Germaniae historica, t. III, p.91.)

Otton pénétra dans le caveau avec deux Évêques et le Comte de Lumello. Charles se trouvait assis et vêtu comme le rapportent les vieux Annalistes. Le Comte de Lumello raconta ainsi cette visite à un Chroniqueur: « Nous descendimes dans le caveau où reposait Charles. Il ne gisait pas, ainsi que les autres morts, dans un cercueil: il était assis sur un trône, comme s'il vivait. Il avait une couronne d'or sur la tête, et tenait le sceptre dans sa main gantée... En nous approchant, un fort parfum nous saisit. Nous fléchimes respectueusement les genoux devant ces restes... » Narrabat autem idem Comes hoc modo dicens: « lntravimus ergo ad Karolum. Non enim jacebat, ut mos est aliorum defunctorum corpora, sed in quandam cathedram ceu vivus residebat. Coronam auream erat coronatus, sceptrum cum mantoribus indutis tenens in manibus... At ubi ad eum ingressi sumus, odorem per maximum sentivimus. Adoravimus ergo eum statim poplitibus fIexis, etc. » (Chronicon Novaliciense. Ibid., t. VII, p. 106.)

Les restes de Charles furent mis dans un cercueil le 27 juillet 1215 par l'Empereur Frédéric. Feria secunda missa sollemniter celebrata, idem Rex corpus beati Carlomanni quod avus suus Fredericus Imperator de terra levaverat [1166], in sarcofagum nobilissimum quod Aquenses fecerant, auro argenta contextum, reponi fecit... (Reineri Annales sancti Jacobi Leodiensis. Ibid., t. XVI, p. 673.)

Les vêtements et les ornements impériaux de Charles sont conservés, ça et là, en Allemagne.

Ses ossements, ossa Karoli Magni, comme s'expriment les Chroniqueurs du XIe siècle, sont épars aussi, dit-on, dans toute l'Allemagne.

A Aix-la-Chapelle, pour quelque monnaie, on peut toucher du doigt un fragment de son crâne énorme.

(240) Infantes, Senes, gloriosi Principes,

Matronae, plangunt interritum Karoli.

C'est ce que disait un lettré Liégeois du Monastère de Saintron, qui composa une complainte en six couplets sur le trépas de Charles.

Le poète était musicien: il adapta son Planctus Karoli à une douce mélodie. Sa notation musicale a été, naguère, publiée par Coussemaker, histoire de l'Harmonie au Moyen-Âge, pl. 2; Fétis, Histoire générale de la Musique, t. IV p. 473, etc.

(241) Nemo autem referre potest, quantus planctus et luctus pro eo fuerit per universam terram; etiam inter Paganos plangebatur, quasi pater orbis. Maximus vero planctus inter Christianos fuit, et praecipue per unicersum regnum ejus. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 201.)

(242) Les Annales Palatii reprennent ainsi le récit: Et regnavit gloriosissimus Ludovicus filius ejus pro eo. (Annales Patatii. Ibid., t. I, p. 201.)

Le Fils-Empereur, Louis le Débonnaire, se trouvait en Aquitaine, où il présidait une Assemblée nationale, lorsqu'il apprit la mort de son père. Il revint, en toute hâte, à Herstal; puis il fit son entrée à Aix. Tandemque ad Haristallium prospero, pervenit itinere, et die tricesimo postquarn ab Aquitania promovit, palatio Aquisgrani pedem féliciter intulit. (Anonymi Vita Hludowici Imper. Ibid., t. II, p. 618.)

En 796, Louis avait épousé sa cousine, Ermengarde, une Hesbignonne. Hludowicus desponsavit sibi filiam nobilissimi ducis Ingorammi, qui erat filius fratris Hruotgangi, sancti pontificis. Supradicta vero virgo Irmingarda vocabatur... (Thegani Vita Hludowici Imperatoris. Ibid., t. II, p. 591.) Cet oncle d'Ermengarde est Chrodegand, évêque de Metz, né en Hesbaye, ex pago Hasbaniensi oriundus, et cousin germain de Charles, Pipini regis ex sorore nepos. (Pauli Gesta Episcoporum Mettensium, ibid., t. II, p. 267; Gesta Treverorum, ibid., t. VIII, p. 165.)

(243) Au dire d'Eginard, Charles a établi sa résidence à Aix, parce qu'il aimait à prendre des bains d'eau naturellement chaude. Delectabatur etiam vaporibus aquarum naturaliter catentium... Ob hoc etiam Aquisgrani regiam exstruvit, ibique extremis vitae annis usque ad obitum perpetim habitavit. (Einhardi Vita Karol Imperatoris, c. 22.)

Ce fut pour une raison plus plausible. (webmestre: Charles ne pouvant ignorer la présence les eaux chaudes de chaudfontaine au pied de Chevremont)

Charles voulait se rapprocher des populations Allemandes de la Germanie: il tenait à passer pour un bon Allemand. Et erat Vir Teuthonicus, répète un Chronicon Ducum Brabantiae, du XIIIe siècle. (Mst. de la Bibliothèque de l'Université de Liège, n° 77, fol. 177.)

(244) Aquis Palatium, quod tunc Sedes prima Franciae erat, écrit Nithard, en 842. (Historiarum Liber IV, dans les Monumenta Germaniae historica, t. II, p. 668.)

(245) D'après l'opinion d'alors, celui qui était maitre de Rome, l'ancienne Capitale du monde politique, avait le droit de se proclamer Empereur.

La remarque en est faite par un Chroniqueur du temps: Ut ipsum Carolum, regem Francorum, Imperatorem nominare debuissent, quia ipsam Romam matrem Imperii tenebat, ubi semper Caesares et Imperatores sedere soliti fuerant. (Chronicon Moissiacense. Ibid., t. I, p. 305.)

(246)Par un trait essentiel de son caractère et de sa politique, Charles porta le titre de Magnus pacificus Imperator Romanum gubernans Imperium parallèlement avec celui de Rex Francorum et Langobardorum.

Il ne voulut pas que la dénomination d'Imperator Romanum gubernans Imperium impliquât celle de Rex Francorum.

Sa pensée reparalt bien précise dans ces mots inscrits sur sa tombe: Sub hoc conditorio situm est corpus Karoli magni atque orthodoxi Imperatoris, qui Regnum Francorum nobiliter ampliavit...

(246) Les Empereurs de Constantinople se prétendaient encore les maîtres de tous les Pays de l'Occident, anciennes Provinces Romaines.

Un fait le démontre.

Vers la fin de la guerre de Saxe, Charles avait envoyé des ambassadeurs à l'Empereur de Constantinople. Celui-ci demanda si les États de Son Fils Charles étaient en paix. Le chef de l'Ambassade répondit que les Saxons ne laissaient jamais Charles en repos. « Eh, s'écria le Prince, pourquoi Mon Fils se préoccupe-t-il tant de cette Nation, qui n'a ni renom ni richesses? Je te la donne avec tout ce qu'elle possède. » Cum igitur de sede Saxonici belli legatos ad Regem Constantinopoleos destinaret, interrogavit ille, utrum pacatum esset regnum Filii sui Karoli... Cumque missorum primus alias omnia pacata referret, nisi quod Gens quaedam, qui Saxones vocitantur, creberrimis latrociniis Francorum fines inquietarent, dixit..: « Hiu, quare laborat Filius Meus contra hostes paucissimos, nullius nominis, nulliusque virtutis? habeas tu Gentem illam cum omnibus ad eam pertinentibus. » (Monachi Sangallensis Gesta Karoli Imperatoris, l. II, c. 5.)

(247) A propos du couronnement de Charles par le Pape, Eginard a un mot qui étonne d'abord. Il dit que Charles se serait bien gardé d'entrer dans l'église St-Pierre, s'il avait pu deviner les desseins du Pape. Imperatoris et Augusti nomen accepit; quod primo in tantum arersatus est, ut adfirmaret, se eo die, quamvis praecipua festivitas esset, aecclesiam non inraturum, si pontiftcis consilium praescire potuisset. (Enhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 28.)

Ce mot serait inexplicable, si l'on ne savait comment Charles régla la scène du couronnement de son fils en 813: il voulut que Louis se couronnât Empereur de ses propres mains, sans l'intervention ni du Pape ni d'aucun Évêque.

Ce qui montre bien que Charles avait jugé utile d'être proclamé Empereur des Romains, c'est qu'il était allé à Rome uniquement pour cette solennité; qu'il était accompagné de ses fils et de ses filles, et d'une brillante escorte de Seigneurs et d'Évêques; et que dans ses bagages se trouvaient de riches présents pour le Pape et les églises de Rome. Il fit ses libéralités immédiatement après le couronnement. In ipsa die Natalis Domini nostri Jesu Christi, et missa peracta post celebrationem missarum, obtulit ipse serenissimus domnus Imperator mensam argenteam cum pedibus suis, etc. (Anastasii Vitae Romanorum Pontificum, dans Muratori, Rerum Italicarum Scriptores, t. III, v. I, p. 199.)

(248)Pour nos Chroniqueurs, Francs avant tout, Charles fut simplement proclamé Empereur des Romains, c'est-à-dire, Seigneur Suzerain de la Cité de Rome. Anno 801. Karolus fit Imperator Romanorum. (Annales Leodienses, dans les Monumenta Germaniae historica, t. IV, p. 13; t. XVI, p. 612, 636, etc.)

Charles, comme tout son entourage, identifia sa Seigneurie de Rome avec les souvenirs de l'Empire Romain, tout traditionnels encore.

Il se crut, il se fit le représentant de l'autorité et de la puissance des anciens Empereurs Romains.

(249) Charles exigea, en sa nouvelle qualité de César, un nouveau serment de fidélité. Serenissimus domnus Imperator Karolus... praecepit ut omnis Homo in toto Regno suo, sive Ecclesiasticus, sive Laicus, unusquisque secundum votum et propositum suum, qui antea Fidelitatem sibi Regis nomine promisissent, nunc ipsum promissum Hominis Caesari faciat. Et ii qui adhuc ipsum promissum non perfecerunt, omnes usque ad duodecimum aetati annum similiter fecerent. (Capitulaire du mois de mars 802; dans Georgisch, Corpus Juris Germanici antiqui, p. 629, etc.)

Le Pontife de Rome data ses actes du règne de l'Empereur Germain: Datum XV kalendas februarii per manum Eustathii Sanctae Sedis Apostoticae primicerii, imperante nostro Domino Karolo Piissimo Augusto, a Deo coronato magno et paciifico Imperatore, anno tertio, indictione XI. (Dans Eckhart, Commentari de Rebus Franciae Orientalis, t. II, p. 18.)

Charles lui-même, dans ses diplômes, mentionna l'année de son règne comme Empereur. (Dans Sickel, Acta Regum et Imperatorum Karolinorum, t. II, p. 69, etc.)

(250) Les Empereurs de Constantinople crièrent vivement à l'usurpation. lnvidiarm tamen suscepti nominis, Romanis Imperatoribus super hoc indiqnantibus. Pour les apaiser, Charles déclara qu'il n'en voulait point à leur domination en Orient. Cum quibus amen propter suscepturn a se Imperatoris nomen et ob hoc, quasi qui Imperium eis eripere vellet, valde suspectum, foedus firmissimum statuit, ut nula inter partes cujuslibet scandali remaneret occasio. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 16, 28.)

(251) C'est alors, en réalité, qu'apparaissent distinctement les grands Peuples modernes, ayant tous reçu institutions, religion, lettres et sciences.

Charles mentionne les principales Nations de son Empire dans un Capitulaire de 813: Volumus atque praecipimus, ut omnes ditioni nostrae Subjecti, tam Romani quam Franci. Alamanni, Baioarii, Saxones, Turingi, Frisones, Galli, Burgundiones, Brittones, Longobardi, Wascones, Beneventani, Gothi, Hispani, caeterique nobis Subjecti omnes, etc. (Dans Eckhart, Commentarii de Rebus Franciae Orientalis, t. II, p.5, etc.)

On trouve des tableaux géographiques de l'immense Empire Carolingien dans divers Atlas, et notamment dans celui se Sprüner.

(252) Charles, dit un contemporain, gouverna sagement son Empire, et se montra digne du titre d'Empereur. Domnus Imperator tenuit Regnum et nomen suum honorifice, sicut dignum erat. (Thegani Vita Hludowici Imperatoris, dans les Monumenta Germaniae historica t. II. p 592).

(253) Sous le règne de Charles, des assemblées nationales furent régulièrement convoquées.

On trouve de curieux renseignements sur ces assemblées dans un livre que l'on doit, probablement, à l'inspiration de Charles, et que rédigea son cousin-germain Adalard. Ce livre sur la Constitution du Royaume fut intitulé: De Ordine Palatii. Vers 850, Hincmar l'inséra dans son travail également intitulé: De Ordine Palatii. En son jeune âge, cet Annaliste, né en 802, avait connu Adalard, qui, dit il, avait été un des plus sages ministres de Charles. Adalhardurn senem et sapientem domni Karoli magni Imperatoris, propinquum..., inter primos Consiliarios primum in adolescentia mea vidi. Cujus libellum De Ordine Palatii legi, et scripsi. (Hincmari De Ordine Palatii; dans Walter, Corpus Juris Germanici antiqui, t. III. p. 765.)

(254) Un Capitulaire de 813 débute ainsi: Karolus serenissimus Imperator Augustus, a Deo coronatus, magnus et pacificius, cum Episcopis, Abbatibus, Comitibus, Ducibus, omnibusque Fidelibus christianae ecclesiae, cum consensu consilioque constituit... capitula ista in Palatio Aquis. (Dans Walter, ibid., t. II, p. 260, etc.)

(255) A l'heure dite, les Ecclésiastiques et les Laïcs se rendaient dans leur chambre, et se plaçaient sur les sièges qu'on leur avait préparés. Et tunc praedicti Seniores more solito, Clerici ad suam, Laici vero ad suam consitutam curiam, subselliis similiter honorificabiliter praeparatis, convocarentur. (Hincmari De Ordine Palatii. Ibid., t. III, p. 772.)

(256) Consuetudo autem tunc temporis talis erat, ut non saepius, sed bis in anno placita duo tenerentur. Unum, quando ordinabatur status totius Regni ad anni vertentis spacium... In quo placito generaiitas universorum Majorum. tam Clericorum quam Laicorum conveniebat, etc. (Id., ibid., t. III, p. 769.)

(257) Il était enjoint aux Comtes et aux Juges de rendre la justice d'après les lois écrites et les coutumes locales. Ut Comites et Judices confiteantur qua Lege vivere debeant, et secundum ipsam judicent, - Ut Judices secundum scriptam Legem juste judicent, non secundum arbitrium suum, etc. (Dans Georgisch, Corpus Juris Germanici antiqui, p. 638, 789.)

Dans chaque Comté, on donnait lecture, dans un plaid général, des Lois nouvelles, qui étaient ainsi soumises à l'approbation du Peuple. Ut Populus interrogetur de Capitulis quae in Lege noviter addita sunt. Et postquam omnes consenserint, subscriptiones et manufirmationes suas in ipsis Capitulis faciant. (Dans Georgisch. Ibid., p. 666.)

(258) Charles choisissait lui-même, tous les ans, les Envoyés parmi les Prélats et les Grands les plus instruits, et leur désignait les Pays du Royaume qu'ils devaient parcourir. Serenissimus igitur et christianissimus domnus Imperator Karolus eleqit, ex Optimatibus suis, prudentissimos et sapientissimos Viros, tam Archiepiscopos quam et reliquos Episcopos, simulque et Abbates venerabiles, Laicosque Religiosos et direxit in universum Regnum suum, et per eos cunctis subsequentibus secundum rectam legem vivere concessit, etc. (Capitulaire de 802, dans Georgisch, ibid., p. 627.)

Les Envoyés avaient soin surtout de se montrer fort intègres. Et per nullius hominis adutationem vel praemium, nulliusque consanguinitatis defensione, vel timore potentum, recta justitia impediretur ab aliquo, (Ibid., p. 629.)

(259) En cas de difficulté, l'Envoyé devait en référer à Charles. Ut tales sint Missi in legatione sua sicut decet esse ministros Imperatoris strenuos, et perficiant quod eis injunctum fuerit. Aut si non potuerint, Domno Imperatori notum faciant quae difficultas eis resistat ne iliud perficere possint. (Dans Georgisch. Ibid., P. 750, 790, etc.)

(260) Les lois civiles et ecclésiastiques de Charlemagne étaient, généralement, appelées Capitulaires, parce qu'elles consistaient en séries de règles ou petits chapitres (capitula).

Dans notre Pays, au XIVe siècle, on connaissait les Capitulaires sous le nom de Lex Caroli ou Loi Charlemagne. - Au siècle dernier, ils étaient loin d'être tombés en désuétude en Allemagne. (Heineccius, Antiquitates Germanicae, t. I, p. 373, etc.)

C'est dans les Capitulaires qu'il faut aller chercher la première mention de règles et do principes qui sont restés en vigueur jusqu'à nos jours.

Ces règles, ces principes, l'Antiquité entière les avait ignorés.

(261) Les citations suivantes donnent une idée des volontés de Charles:

Que nul ne dépouille injustement celui qui est pauvre ou sans protecteur. Ut nullus absque justitia pauperem et inopem expoliare praesumat.

Que nul ne contraigne quelqu'un à passer sur un pont ou sur un chemin où il y a une taxe à payer. De pontibus et viis, ut nullus ibi teloneum accipiat, et ut nullus cogatur ad pontem ire ad flumen transeundum propter telonei caussam, quando ille in alio loco compendiosius illud flumen transire potest.

Que nul ne soit forcé de boire plus qu'il ne lui convient. Ut nemini liceat alium cogere ad bibendum, nisi quod ei necesse fuerit.

Qu'il y ait paix et concorde entre les Évêques, les Abbés, les Comtes, les Juges et toutes personnes grandes et petites; car sans l'union, rien ne plait à Dieu. Ut inter Episcopos. Abbates, Comites, Judices et omnes ubique seu majores seu minores personas pax sit et concordia et unanimitas; quia nihil Deo sine pace placet.

Que les Juges ne reçoivent pas des plaideurs des présents, car cela fait faiblir le coeur des plus sages. En outre, que les Juges n'aient ni mangé ni bu quand ils siègent. Ut quibus data est potestas judicandi, juste vel judicent non muneribus, quia munera excoecant corda prudentium. Et ut Judices jejuni caussas judicent et discernant.

Que les mesures et les poids soient bien exacts. Ut aequates mensuras et rectas, et pondera justa et aequalia omnes habeant.

Que l'on ne s'occupe point de grossiers travaux les dimanches. Ut opera servilia diebus dominicis non agantur. (Dans Georgisch. Ibid., p. 740, 788, 790.)

(263) Religionen Christianam, qua ab infantia fuerat imbutus, sanctisirne et cum summa pietate coluit. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 26.)

(264) Charles écrivait au pape Léon en 796: « Ma mission, avec l'aide de la miséricorde divine, est, d'une part, de défendre la sainte Société du Christ contre les attaques des Païens et des Infidèles, et, d'autre part, de l'affermir par la profession incessante de la Foi Catholique. Nostrum est, secundum auxilium divinae pietatis, sanctam Ubique Christi Ecclesiam ab incursu Paganorum et ab Infidelium derastatione, armis defendere foris et intus Catholicae Fidei agnitione munire. (Dans Eckhart, Commentarii de Rebus Franciae Orientalis, t. I, p. 171.)

(265) Dans un Nécrologe écrit vers 860, Charles apparaît comme le fondateur de la Religion Chrétienne en Occident: Eadem die [28 janvier] obiit nobitissimae memoriae domnus Karlus, Imperator, qui Regnum Francorum Catholica Religione sacratissime decoravit. (Dans Eckhart. Ibid., t. I, p. 830.)

Le même éloge se lit dans d'autres nécrologes.

(266) Sous l'oeil de Charles, les Saxons acceptaient le baptême; mais ils retournaient bien vite au culte de leurs divinités. Baptizata est ex eis ibidem maxima multitudo, quae se, quamvis falso, Christianam fieri velle promiserat... - Maxima eorum multitudo in loco qui Orheim appellatur, solita simulatione baptizata est, etc. (Annales Palatii. Ibid., t. I, p. 159, 161.)

Un fait montre à la fois la fréquence et le peu de sincérité de ces conversions hâtives et forcées.

On baptisait par immersion, et à chaque néophite qui quittait la cuve, on faisait présent d'un drap de lin blanc. Un jour, il n'y eut pas assez de toile, et, aussitôt, on appropria quelques mauvaises chemises. On vétit d'une de ces chemises un vieillard: il la considéra d'abord avec attention, puis, laissant éclater sa colère, il dit à l'Empereur : « Voilà la vingtième fois que je me laisse laver. J'ai eu toujours une belle chemise blanche, et non pas un pareil sac, bon tout au plus pour un porcher. Si je ne rougissais de m'en aller tout nu, je te planterais là avec ta loque et ton Christ. » Cumque tot lineae vestes non essent in promptu, jussit incidi camisilia... Quarum cum una cuidam seniorum iliorum repentino fuisset imposita, et ille eam curiosioribus oculis ex tempore contemplatus fuisset, jamque indignatione non modica mente concepta, dixit ad Imperatorem: « Jam vicies hic lotus sum, et optimis candidissimisque vestibus indutus, et ecce talis saccus non milites set subulcos addecet; et nisi nuditatem erubescerem, meis privatus, nec a te datis contectus, amictum tuum cum Christo tuo tibi relinquerem. » (Monachi Sangallensis Gesta Karoli Imperatoris, I. II, c. 19.)

(267) Avec les Peuples de la Saxe, et ceux qui les avoisinaient au nord et à l'est, il n'y avait pas de paix possible. Leurs invasions étaient continuelles, et toujours signalées par le meurtre, le pillage, l'incendie. In quibus caedes et rapinae vel incendia vicissim fieri non cessabant. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 7.)

(268) Pour les contemporains, la guerre que Charles fit aux Saxons et à leurs alliés Païens était très louable. Sed apertum contra eos bellum suscipere dignum judicarent. (Id., ibid.)

(269) L'enseignement de la morale nouvelle se faisait par des prédications dans les églises. Les Évêques et les prêtres avaient à veiller à ce que tout le monde pût réciter l'oraison dominicale et le symbole. Ut Fides catholica sanctae Trinitatis et Oratio dominica atque Symbolum Fidei omnibus praedicetur et tradatur. - Ut omnis Poputus Christianus Fidem cathoticam et dominicam Orationem memoriter teneat, etc. (Dans Georgisch. Ibid., p, 594, 788.) - Ut ipsi sacerdotes Orationem dominicam, id est Pater noster et Credo in Deum, omnibus sibi Subjectis insinuent, et sibi reddi faciant tam viros et feminas, quamque pueros. (Dans les Monum. Germaniae historica. Legum t. I, p. 160.)

(270) Avant Charles, l'Occident vivait dans une ignorance de toutes choses. Ante ipsum enim domnum regem Carolum, in Gallia nullum studium fuerat Liberatium Artium. (Annales Laurissenses ad Annum 787, dans les Monumenta Germaniae historica, t. I, p. 171.)

Pendant le Moyen-Age, on nommait Arts Libéraux l'ensemble des études littéraires et philosophiques.

On les distinguait ainsi des Arts Manuels, des Métiers proprement dits, Mechanicarum Artium.

(271) Et non solum Servilis conditionis infantes, sed etiam Ingenuorum filios adgregant. (Capitulaire de 789.) Charles ordonna que dans chaque École il y eût, à l'usage des élèves, des recueils de psaumes, des livres d'écriture, de chant, de chronologie, de grammaire et d'autres livres nouveaux soigneusement corrigés. Et ut Scolae legentium puerorum fiant. Psalmos, notas, cantus, compotum, grammaticam, per singula monasteria vel episcopia discant, sed et libros Catholicos bene emendatos habeant... (Dans Georgisch. Ibid., p. 568.)

Qu'enseigne-t-on de plus dans nos Écoles?...

(272) Dans tous les Monastères, les Moines les plus instruits s'occupèrent à copier des manuscrits, à rédiger des chroniques, à composer des ouvrages de sciences.

Tout étant fait au point de vue de la théologie, on n'avait rien à emprunter à l'Antiquité gréco-romaine.

On utilisa même les langages vulgaires pour écrire des contes pieux, ou pour faire des prédications à la portée des foules ignorantes et idolâtres.

Dans les premières années du IXe siècle, vers 811, on enseignait la littérature nouvelle, sacris litteris, dans les Monastères de Stavelot et de Malmedy. (Mabillon, Annales Ordinis sancti Benedicti, t. II, p. 507, 661.) Les Écoles de Saintron et de Maestricht étaient célèbres. A Liège, les Écoles de la Cathédrale [monasterium] ne commencèrent à être en grand renom, semble-t-il, que vers 870. (Voir Launoi, De Scholis celebrioribus a Carolo Magno per Occidentem instauratis, p. 105; Lorentz, De Carolo Magno Literarum fautore, p. 37, etc.)

(273) C'est bien ainsi que le Concile de Mayence, de 813, considère Charles. En tête des actes, les Prélats placent cette invocation: « A Charles, Empereur, gouverneur de la vraie Religion, et protecteur de la sainte Église de Dieu. » Gloriosissimo et Christianissimo Imperatori Carolo Augusto, verae Religionis Rectori ac Defensori sanctac Dei Ecclesiae, vita et salus, honor et benedictio, cum victoria sine fine mensura. (Dans Hartzheim, Concilia Germaniae, t. I, p. 405.)

(274) Le moine de Saint-Gall se sert de cette expression, en disant que les manquements à la loi religieuse étaient signalés à l'Évêque des Évêques, le très pieux Charles, ut a refereretibus etiam Episcoporum Episcopo, religiosissimo Karolo... (Gesta Karoli Imperatoris, I. I, c. 25.)

(275) Il recommande au Clergé de prêcher, sur la Trinité, sur l'Incarnation, sur la Résurrection, etc. Il indique les Anges dont il est permis d'invoquer les noms. Item praecipitur ut ignota Angelorum nomina nec fingantur nec nominentur, nisi illorum quos habemus in auctoritate, id sunt: Michael, Gabriel, Raphael.

Parla réforme du Calendrier paien, il sanctifie le dimanche; il permet la commémoration des Saints, le jour de leur mort, de leur sépulture ou de leur canonisation. En 809, il désigne les principales fêtes religieuses à célébrer pendant toute l'année; il n'autorise que provisoirement la célébration de l'Assomption de la Vierge. DE FESTIVITATIBUS IN ANNO. Hac sunt Festivitates in anno, quae per omnia venerari debent: Natalis Domini, sancti Stephani, sancti Johannis evangelistae, Innocentum, Octabas Domini (la Circoncision), Epiphania, Octabas Epiphaniae, Purificatio sanctae Mariae, Pascha dies octo, Letania major (les Rogations), Ascensio Domini, Pentecosten, sancti Johannis baptistae, sancti Petri et Pauli, sancti Martini, sancti Andrae. De adsumptione sanctae Mariae interrogandum reliquimus. (Dans Georgisch. Ibid., p. 556, 1323, etc.)

A l'heure présente, toutes ces Fêtes sont encore observées dans !'Europe Occidentale.

(276) Charles voulait que les Prêtres donnassent au Peuple l'exemple de l'honnêteté et des bonnes moeurs. A cet égard, ses prescriptions sont nombreuses. De vita et moribus Pastorum nostrorum, id est, Episcoporum, qui Populi Dei non solum docendo, sed etiam vivendo, exemplum bonum dare debent... - Ut Praesbyteri bene vivere studeant, et ita Populum doceant... - Ut nullus Sacerdos feminas secum habitare permittat, excepto matre, sorore, vel amita... - Ut nullus ex Sacerdotum. numero ebrietatis vitium nutriat, nec alios cogat per suam jussionem inebriari... - Ut nullus Presbterorum edendi aiut bibendi causa ingrediatur in tabernas... - Ut nullus Sacerdos in domibus vel in aliis locis, nisi in Ecclesiis dedicatis, celebrate Missas audeat .... (Dans Georgisch. Ibid., p.623, 753, 774, etc.)

(277) En somme, Charles savait ce qu'il voulait et ce qu'il faisait. Imperator magnus Karolus bene et utiliter regebat et diligebat Regnum suum. (Thegani Vita Hludowici Imperatoris, dans les Monumenta Germaniae historica, t. II, p. 591)

(278) Charles montra constamment un profond respect pour sa mère, femme de sens et de coeur. Mater quoque ejus Berthrada in magno apud eum honore consenuit. Colebat enim eam cum summa reverentia. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 18.) Elle mourut le 1 juillet 783. Eodem anno defuncta est bonae memoriae mater regis Berthrada 4 idus julii. Ipse in Heristallio villa ibidem hiematurus consedit, ibique natatem Domini ac sanctum Pascha celebravit. (Annales Palatii, dans les Monumenta Germaniae historica. t. I, p. 165.)

Charles eut également une tendre affection pour Gisèle, sa soeur unique, qui vivait monastiquement depuis son jeune âge; elle mourut quatre ans avant lui, en 810. Erat ei unica soror, nomine Gisla, a puellaribus annis religiosae conversationi mancipata, quam similiter ut matrem magna coluit pietate. (Eginard. Ibid., C. 18.)

(279) Legate connubium, selon l'expression d'un contemporain. (Pauli Warnefridi Gesta Epi.scoporum Mettensium, dans les Monumenta Gersnaniae historica, t. II, p. 264.)

Charles n'eut pas simultanément, mais successivement trois épouses; ce qui fut un fait bien honorable pour sa mémoire. Hildigardam... in matrimonium accépit...; habuit... de Fastrada uxore...; defuncta Fastrada, Liutgardam duxit. (Eginard. Ibid., c. 18.)

Après la mort de Ludgarde seulement, vers 802, il se permit quelques attachements: il eut trois concubines. Cela fut remarqué. Post cujus [Ludgarde] mortem, tres habuit concubinas: Gersuindam... et Reginam... et Adallindam. (Id., ibid., c. 18.)

C'était alors un grand progrès moral, que de distinguer ainsi la concubine de la femme légitime. C'était d'exemple. Être le seul mari d'une seule femme, ou la seule femme d'un seul mari, cela dût être prescrit plusieurs fois, et notamment en 780: Ut nec uxor a viro dimissa alium accipiat virum, vivente viro suo; nec vir aliam uxorem accipiat, vivente uxore priore. (Dans Georgisch, Corpus Juris Germanici antiqui, p. 560, 787, etc.)

(280) Hildegardem .... de qua tres filios. Karolum videlicet et Pippinuin et Ludowicum. totidemque filas, Rotrudem, et Bertham, et Gislam, genuit. [Éginard. Ibid., c. 18.] Trois

autres enfants étaient morts en bas âge, Lotliaire, Adeléide et Hildegarde. De ce mariage avec Hildegarde, il était ainsi né neuf enfants. Hic ex Hildegard conjuge quattuor filios et quinque filias procreavit. (Pauli Warnefridi Gesta Episcoporum Mettensium, dans les Monumenta Germaniae historica, t. II, p. 265.)

(281) Habuit duas fluas, Theoderadam et Hiltrudem, de Fastrada uxore. (Eginard. Ibid., c. 18.)

(282) Anno regni ejus quadragesimo secundo (810) obiit Pippinus filius eius, anno aetatis suae 33. Sequenti vero anno (811) Karolus, primogenitus filius eius ex regina supradicta Hiltigarda, obiit. Solus Hludowicus ad Regni gubernacula remansit. (Thegani Vita Hludowici Imperatoris, dans les Monumenta Germaniae historica, t. II, p. 591.)

(283) Pour assurer la possession des divers États du Royaume à ses fils, Charles avait décidé de ne pas marier ses filles. Quac cum pulcherrimae essent... nullam earum cuiquam aut suorum aut exterorum nuptum dare roluit. Il prétextait que leur société lui était chère, que sa famille complète lui offrait le cercle intime et affectueux dont il avait besoin. Sed omnes secum usque ad obitum suum in domo sua retinuit, dicens, se earum contubernio carere non posse.

Malgré tout, deux d'entre elles, Rotrude et Berte, se marièrent secrètement par amour. Charles fit semblant de ne rien voir, de ne rien savoir. II ne voulait point ébruiter ces déshonneurs. Quod tamen ita dissimulavit, ac si de eis nulla umquam alicujus probri suspicio exorta, vet fama dispersa fuisset. (Eginard. Ibid., c. 19.)

(284) Filiorum ac filiarum tantam in educando curam habuit, ut numquam domi positus sine ipsis caenaret, numquam iter sineillis ageret; adequitabant ei filli, filiae vero pone sequebantur; quarum agmen extremum ex satellitum numnero ad hoc ordinati tuebantur. (Eginard. Ibid., c. 19.)

Les fils et les filles de Charles chevauchaient ainsi parmi tout l'Empire. On ne faisait guère usage des coches, à cause du mauvais état des routes.

(285) Liberos suos ita censuit instituendos, ut tam filii quam filiae primo liberalibus studiis, quibus et ipse operam dabat, erudirentur. (Id., ibid.)

Diu vivebat pater eorum cum eis feliciter; et utiliter instruebat eos liberalibus disciplinis, et mundanis legibus. (Thegan. Ibid., t. II, p. 591.)

(286) Le plus célèbre de ces précepteurs fut d'abord un Anglo-Saxon, riche et instruit, nommé Alcuin. In ceteris disciplinis Albinum cognomento Alcoinum, diaconem, de Brittania Saxonici generis hominem, virum undecumque doctissimum, praeceptorem habuit. (Eginard. Ibid., c. 25.) Ce fut cet érudit éminent qui eut l'honneur de christianiser la littérature et les sciences profanes.

Dans les Ouvres d'Alcuin (édition de 1863, t. II, p.975), on trouve les notes qui servaient à ses leçons: elles sont rédigées, selon le goût du temps, en forme d'entretiens [colloquia scholastica]. Si les Questionnaires qu'on publie de nos jours sont supérieurs à ces Colloquia, c'est grâce à plus de mille ans d'études suivies, on ne doit pas l'oublier.

(287) Tum filios, cum primum aetas patiebatur, more Francorum, equitare, armis ac venatibus, exerceri fecit. (Eginard. Ibid., c. 19.)

(288) Filias iero lanificio adsuesere, coloque ac fuso, ne per otium torperent, operam inpendere, atque ad omnem honestatem, erudiri jussit. (Eginard. Ibid., c. 19.)

(289) Comme exercices hygiéniques, Charles continua de chevaucher et de chasser jusqu'au déclin de la vie. Exercebatur assidue equitando ac venando... (Eginard. Ibid., c. 22).

(290)Passionné pour l'étude des lettres et des sciences, Charles se complaisait dans la société des savants, qu'il élevait aux plus hautes dignités politiques. Artes Liberales studiosissime coluit; earumque Doctores plurimum veneratus magnis adficiebat honoribus. (Eginard. Ibid., c. 25.)

(291) Pippin qui n'était pas dénué de goûts littéraires, n'avait rien négligé pour faire de son fils un homme instruit. En 759, il avait prié le Pape Paul de fui procurer quelques livres. Paul, non sans peine, recueillit quelques volumes Grecs et Latins, et les adressa, avec une horloge de nuit, à son protecteur. Il annonçait ainsi cet envoi extraordinaire: Direximus etiam Excellentiae Vestrae et Libros, quantos reperire potuimus, id est: Antiphonale et Responsale, insimul Artem dialecticam Aristolis, Dionisii Ariopagitis libros, Geometricam, Orthografiam, Grammaticam, omnes Greco eloquio scriptas, nec non et horologium nocturnum. (Dans Muratori, Rerum Italicarum Scriptores, t. III, v. 2, p. 145, et dans Jaffé, Bibliotheca Rerum Germanicarum, t. IV, p. 102.)

Charles augmenta considérablement la Bibliothèque paternelle. Par son testament de 811, il avait recommandé à ses héritiers de vendre les plus beaux livres, pour en distribuer le prix aux pauvres. Similiter et de Libris, quorum magnam in Bibliotheca sua copiam congregarit, statuit: ut ab his qui eos habere vellent, justo pretio fuissent redempti, pretiumque in pauperibus erogatum. (Eginard. Ibid., c. 33.)

Plusieurs Bibliothèques d'Allemagne conservent des livres qui sont signalés comme provenant de la Bibliothèque de Charles.

(292) In quibus peregrinis linguis, Latinam ita didicit, ut aeque illa ac patria lingua orare sit solilus; Grecam vero melius intellegere quam pronuntiare poterat. (Éginard. Ibid., c. 25.)

(293) Corpore fuie amplo atque robusto, statura eminenti, quae tamen justam non excederet, apice capitis rotundo, ocutis praegrandibus ac vegetis, naso paululum mediocritatem excedenti, canitie pulchra, facie laeta et hilari. Unde formae auctoritas ac diqnitas tam stanti quam sedenti plurima adquirebatur. (Eginard. Ibid., c. 22)

Jusqu'à présent, on ne possède aucune sculpture ni aucune peinture contemporaines qui donnent une idée exacte de la figure ou de la personne de Charles.

Quelques sceaux de la fin du VIIIe siècle offrent un dessin plus ou moins net de la tête.

Avec ces éléments, un peintre instruit et intelligent pourrait, sans doute, nous refaire un portrait authentique de Charles. (Trésor de Numismatique et de Glyptique, t. I, etc.)

(294) Vestitu patrio, id est francico, utebatur. Ad corpus camisam Iineam et feminalibus lineis induebatur. Deinde tunicam, quae limbo serico ambiebatur, et tibialia... Tunc sago veneto amictus; et gladio semper accinctus, cujus capulus ac balteus aut aureus aut argenteus erat. (Eginard. Ibid., c. 23.)

Quand Charles montait à cheval, il avait des bottes à éperons d'or. Il se coiffait d'une sorte de bonnet à bords relevés et galonnés. Son vêtement d'hiver était un surtout ou manteau à collet, aux manches larges, et garni pardevant de boutons et de boutonnières depuis le haut jusqu'en bas. (Dessins divers, provenant d'Aix-la-Chapelle, dans Montfaucon, Monuments de la Monarchie Françoise; Paris, 1729; t. I, p. 276, etc.)

(295) Peregrina vero indumenta, quamvits pulcherrima, respuebat. (Eginard. Ibid., c. 23.)

(296) In festivitatibus veste auro texta et calciamentis gemmatis, et fibula aurea sagum adstringente, diademate quoque ex auro et gemmis ornatus incedebat; aliis autem diebus habitus ejus parum a communi et plebeio abhorrebat. (Eginard. Ibid., c. 23.)

(297) Convivabatur rarissime, et hoc praecipuis tantum Festivitatibus, tunc tamen cum magno hominum numero. (Éginard. Ibid., c. 24).

(298) Charles était, dans le boire surtout, d'une extrême tempérance, et il avait en horreur l'ivrognerie. In cibo et potu temperans, sed in potu temperantior, quippe qui in ebrietatem in qualicumque homine, nedum in se ac suis, plurimum abhominabatur. (Id., ibid., c. 24.)

(299) Caena cotidiana quaternis tantum ferculis prasbebatur, praeter assam, quam venatores veribus inferre solebant... (Id., ibid., c. 24.)

(300) Inter cuenandum aut aliquod acroama aut lectorem audiebat. Legebantur ei Historiae et Antiquorum res gestae. Delectabatur et libris sancti Augustini, praecipueque his qui De Civitate Dei praetitulati sunt. (Id.. ibid., c. 24.)

(301) Aestate post cibum meridianum, pomorum aliquid sumens, ac semel bibens, depositis vestibus et calciamentis, velut noctu solitus erat, duabus aut tribus horis quiescebat. (Eginard. Ibid., c. 24.)

(302) Temptabat et scribere, tabulasque et codicellos ad hoc in lectulo, sub cervicalibus, circumferre solebat, ut, cum vacuum tempus esset, manum litteris effingendis adsuesceret; sed parum successit labor praeposterus ac sero inchoatus. (Eginard. Ibid., c. 25.)

Charles, ainsi que ses familiers, s'amusait à faire des vers latins. Carolus Carmina Latino sermone composuit, dit Eckhart, Commentarii de Rebus Franciae Orientalis, t. II, p. 87. On lui attribue plusieurs épitaphes métriques. (Dans Fabricius, Bibliotheca Latina mediae et infimae aetatis, édition de 1754, t. I, p. 346, etc.)

(303) Si Comes Palatii litem aliquam esse diceret quae sine ejus jussu definiri non posset, statim litigantes introducere jussit, et velut pro tribunali sederet, lite cognita sententiam dixit, etc. -Et non solum filios ad balneum, serum optimates et amicos... invitavit, etc. (Eginard. Ibid., c. 22, 24.)

Ce bain existait encore en 1374, témoin cette mention: Nec in Balneum Caroli, quod Aquisgrani est. (Radulphi Chronicon, dans les Gesta Pontificum Leodiensium, t. III, p. 22.)

(304) Per omne vitae suae tempus, ita cum summo omnium amore atque favore, et domi et faris, conversatus est, ut numquam ei vel minima injustae severitatis nota a quoquam fuisset objecta. (Eginard. Ibid., c. 20.)

(305) En 775, la Diète de Duren exprima la pensée de Charles par ce mot fameux: Tous les Saxons seront soumis à la Religion Chrétienne ou exterminés: Dum aut victi Christianae Religioni subicerentur, aut omnino tollerentur. (Annales Palatii, dans les Monum. Germaniae historica, t. I, p. 153.)

Cela fut redit ainsi, en 785, dans le Capitulaire de Paderborn: Si quis deinceps in Gente Saxonorum inter eos latens non baptizatus se abscondere voluerit, et ad baptismum venire contempserit, Paganusque permanere voluerit, morte moriatur. (Dans Georgisch, Corpus Juris Germanici antiqui, p. 580.)

(306) Pendant tout son règne, Charles entreprit environ soixante expéditions: une contre les Aquitains, dix-neuf contre les Saxons, cinq contre les Lombards, sept contre les Musulmans d'Espagne, une contre les Thuringiens, deux contre les Bretons Armoricains, une contre les Bavarois, quatre contre les Slaves, deux contre les Grecs, trois contre les Danois, etc.

Charles se mettait rarement à la tète de ses armées. Pendant les trente-trois ans que dura la guerre contre les Saxons, il ne leur livra en personne que deux batailles rangées. Hoc bello, licet per multum temporis spatium traheretur, ipse non amplius cum hoste quam bis acie conflixit. Il remit quelquefois le commandement des troupes à ses fils. Cetera Filio suo ac Praefectis provinciarium, Comitibus etiam atque Legatis, perficienda commisit. (Einhardi Vita Karoli Imperatoris, c. 8, 13)

(307) Qui Regnum Francorum nobiliter ampliavit, disait très bien l'inscription gravée sur la pierre tombale de Charles à Aix-la-Chapelle.

(308) Charles aurait pu, à l'exemple des Empereurs Romains, se faire le Chef de la Religion.

Il préféra laisser la direction de l'Église à l'Évêque de Rome, si humble et si soumis.

Le Pape s'émancipe tous les successeurs de Charles, ce qui amena, d'une part, les persécutions religieuses et les guerres religieuses, mais, d'autre part, la liberté religieuse, laquelle produisit toutes les libertés intellectuelles secondaires, si nécessaires.

(309) Le Catholicisme réussit alors à rapprocher toutes les Nations, tous les Peuples par les dogmes, la liturgie, la pompe et les fêtes, les pratiques et les enseignements uniformes d'un même culte.

On en faisait ainsi la remarque en 830: « Aujourd'hui, il n'est pas rare de voir aller et s'asseoir ensemble cinq Hommes de Lois diverses, qui sont unis par une Loi commune, celle du Christ. » Nam plerumque contingit ut simul eant aut sedeant quinque Homines, et nullus eorum communem Legem cum altero habeat exterius in rebus transitoriis, cum interius in rebus perennibus una Christi Lege teneantur. (Agobardi opera omnia, édit. de 1865, p. 116.)

(310) On s'est plu et on se plait à dire que l'Occident serait arrivé à la Civilisation actuelle, et sans de grands efforts, avec les Paganismes Grec et Romain.

Assertions sans preuves.

D'ailleurs, le Christianisme n'est que le Monothéisme des Hébreux approprié aux Polythéismes Grec et Romain, et s'épurant l'un l'autre en s'uniformisant.

Quand Charles demandait par quoi le Chrétien différait du philosophe spiritualiste, Alcuin pouvait répondre: « Par la Foi et le Baptême. » - CAROLUS. Quid tunc distat inter Philosophum talem et Christianum? - ALCUINUS. Fide et Baptisma. (Alcuini Diatogus de Virtutibux, dans ses Opera omnia, édition de 1863, t. II, P. 944.)

On s'est plu aussi à dire que le Droit public et international des États de l'Occident serait bien autrement parfait, sans les créations féodales de Charles.

Assertion non moins vaine.

Deux remarques viennent ici à propos.

Charles se contenta d'une simple subordination de la Bretagne Armoricaine: il négligea de lui imposer ses réformes sociales.

Conséquence: les populations de la Bretagne Armoricaine ont été constamment arriérées sous tous les rapports.

Nombre de Peuples, à l'Est de l'Empire, avaient réussi à rester limitrophes, et n'entrèrent point ainsi dans le système féodal de Charles.

Ces Peuples ont vécu obscurément, barbarement, tout à fait en dehors du progrès politique et intellectuel de l'Occident.

(311) Vingt-cinq ans à peine après sa mort, en 840, Charles était déjà jugé de cette façon:

« Charles, de glorieuse mémoire, que toutes les Nations appelaient avec raison le Grand Empereur, est mort de bonne vieillesse, en laissant l'Europe en pleine sécurité. Il fut éminent entre tous par la sagesse et l'intelligence. Terrible ou clément, il apparut toujours digne d'admiration à tous les Habitants du Monde. » Karolus bonae memoriae, et merito Magnus Imperator ab universis Nationibus vocatus, in senectute bona decedens, omnem Europam omni bonitate repletam reliquit. Vir quippe omni sapientia et omni virtute, humanum genus sue in tempore adeo praecellens, ut omnibus Orbem Inhabitantibus terriblis amabilis pariterque, et admirabilis videretur; ac per hoc omne Imperium omnibus modis, ut cunctis manifeste claruit, honestum et utile effecit. (Nithardi Historiarum liber 1, dans les Monumenta Gerrnaniae historica, t. II, p. 651.)


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