WWWCHOKIER


GENS DE LIEGE

Sur la naissance de Charlemagne à Liège

par Ferd. HENAUX

Courronne de Charlemagne


AVERTISSEMENT

Nous croyons pouvoir réimprimer cette dissertation, que nos compatriotes ont daigné accueillir avec quelque bienveillance.

Pour les uns, elle n'a été que la défense de leur propre sentiment; pour les autres, elle a eu tout l'intérêt d'une découverte.

Ce n'est pas une découverte. Voilà trois siècles, à peu près, que des érudits se préoccupent de la question de la naissance de Charlemagne à Liège. Si la croyance qui l'y fait naître n'est pas plus généralement répandue, c'est que, jusqu'à présent, elle n'a pas eu l'honneur de figurer dans les fameux livres d'histoire ad usum scholarum. On ne sait, en vérité, que ce que l'on a appris. Res novoe, quia inauditoe.

Quoiqu'ellee ne se trouve mentionnée dans aucun annaliste de la dynastie carolingienne, cette tradition est certaine et vivante encore dans notre pays, qui est le pays des Pepins; elle s'y est transmise de génération en génération comme beaucoup d'autres particularités vraies, dont les historiens du temps, si avares de détails, ne disent rien. Elle est, du reste, si bien d'accord avec les récits historiques, que la saine critique n'a jamais pu l'écarter.

Nos recherches ont pour but de justifier ce souvenir traditionnel. Exiger davantage, demander, par exemple, quelque chose comme la reproduction d'un extrait de naissance, c'est, de parti pris, décider que la question restera toujours insoluble. Si nous n'y parvenons pas aujourd'hui, demain, avec un peu de science et de courage d'esprit, un de nos concitoyens saura lui donner tous les caractères de la certitude.

Le sujet que nous traitons est un véritable cas d'Académie des Inscriptions: nous avons dû nous y aider de tout. En pareille matière, les moindres faits ont leur importance, les moindres détails leur valeur.

Ce travail est loin d'en être le recueil complet, car nous n'avons pu ni tout lire, ni tout voir, ni tout comprendre.

Si imparfait qu'il soit, nous le publions avec confiance et en toute bonne foi.


SUR LA NAISSANCE DE CHARLEMAGNE A LIÈGE.

Une chose vraiment inexplicable, c'est le silence des anciens annalistes sur les vingt-cinq premières années de Charlemagne, - de cet homme qui a joué un rôle si important dans l'histoire, et dont la grandeur a été tellement incontestée, que le surnom de Grand est devenu partie intégrante de son nom.

Son enfance est couverte d'une profonde obscurité: l'on ignore même dans quel lieu il est né.

Une semblable lacune dans l'histoire d'un tel homme était trop extraordinaire, pour que l'on ne cherchât point à la remplir.

Au XVIIe siècle, lorsque la critique historique commença à se faire sérieusement, on voulut savoir d'une manière précise où Charlemagne avait vu le jour.

Malgré toutes les recherches, la question est restée à l'état de problème.

Aujourd'hui encore, plusieurs pays revendiquent l'honneur d'avoir été le berceau du fils de Pepin. La France et l'Allemagne se le disputent comme les Cités grecques se sont disputé Homère. C'est à qui prouvera le mieux que Charlemagne lui appartient.

Dans ce débat, le pays de Liège est resté timidement à l'écart, comme s'il avait moins de titres que les autres pour réclamer le grand homme.

Il avait tort.

Il peut, en effet, à l'appui de sa prétention, fournir un contingent de preuves tel qu'aucun autre pays n'en a encore offert d'aussi imposant.

Nous allons plus loin.

Nous pensons que si l'on avait recueilli plus tôt tous les renseignements, tous les faits, tous les indices, enfin toutes attestations antérieures sur lesquelles cette prétention se fonde, l'on n'hésiterait plus aujourd'hui à considérer notre pays comme le lieu où est né Charlemagne.

Malheureusement, beaucoup de ces témoignages se sont perdus. Nous nous bornons dans ce travail à dresser l'inventaire de ce qui nous en reste, en indiquant ainsi ce que, depuis longtemps, l'on aurait pu et dû faire au profit de notre vieille patrie.

-

L'on ne sait presque rien sur les premières années de Charlemagne.

Éginard, qui était tout à la fois son secrétaire et son gendre, aurait pu nous fournir les détails les plus minutieux sur cette époque de sa vie; mais il a négligé de les consigner dans l'éloge qu'il nous a laissé de ce prince.

Il ne commence la Chronique de Charles que quand celui-ci est devenu roi.

« Je n'ai lu nulle part, dit-il, rien à citer sur sa naissance, son enfance et même sa jeunesse; je ne connais personne qui en ait gardé de notables souvenirs; je n'en parlerai donc point, et vais passer au dénombrement et au récit de ses actions et des faits qui ne peuvent demeurer dans l'oubli (1). »

Parce qu'il écrivait dans notre pays (2), Éginard a-t-il cru qu'il pouvait, sans inconvénient, omettre le lieu et l'année de la naissance de Charlemagne, qui étaient connus de tout le monde? Est-ce par un motif analogue qu'il s'est tu sur son enfance et sa jeunesse, comme étant peu dignes d'occuper l'attention de ses lecteurs? On peut le prétendre.

Quant à nous, nous croirions plus volontiers qu'il a voulu, par cette froide phrase de panégyriste, flatter son maître. Il jetait ainsi un voile sur les débuts peu brillants de la carrière de celui-ci et sur divers faits peu honorables de sa jeunesse (3), en même temps qu'il soustrayait à la publicité certains renseignements sur les origines peu illustres de la famille royale (4).

Son silence ne peut être autrement expliqué. Il serait, certes, par trop étrange d'admettre qu'il n'eu trouvé personne en état de lui dire dans quel lieu et en quelle année était né Charlemagne, lui qui avait vécu dans la familiarité de ce prince, lui qui avait épousé une de ses filles, et qui aurait pu, au besoin, s'adresser à Charlemagne lui-même (5).

La prudente réserve du gendre de l'empereur laisse, comme l'on voit, la question entièrement intacte.

-

Plus tard, quand on n'eut plus à ménager la susceptibilité de la famille régnante, on déplora les fâcheuses réticences d'Éginard. C'est alors que diverses conjectures furent émises sur le lieu où Charlemagne avait dû naître.

Entre toutes celles qui se produisirent, il en est trois auxquelles on se rallia généralement, comme étant le moins éloignées de la vérité. La première fait naître Charlemagne au coeur de la France, la deuxième en Allemagne, au château d'Ingelheim, et la troisième àLiège.

De ces trois opinions, deux premières prévalurent, parce qu'elles étaient énergiquement soutenues, l'une par les Français, l'autre par Allemands. Elles étaient loin de mériter la préférence, cependant. En effet, l'une et l'autre ne sont d'accord avec aucun des témoignages du passé historique et traditionnel. Un court examen suffira pour montrer combien l'histoire doit les répudier.

C'est un fait incontestable que Charlemagne naquit en 742 (6); et si, dans quelques traités historiques, cette date est encore l'objet de doutes et de controverses, ce n'est plus qu'à propos d'une question de détail fort secondaire, dont nous n'avons pas à nous occuper ici, à savoir, s'il est né le deux ou le dix avril.

C'est un fait non moins incontestable qu'en cette même année 742, dès que les froidures furent moins âpres, Pepin-le-Bref s'en alla faire la guerre à Hunald, duc des Aquitains (7); qu'il le battit; et que cette campagne, meurtrière pour les Francs, désastreuse pour l'Aquitaine, fut terminée vers l'automne (8).

Or, ceci reconnu, et après avoir étudié les vieux annalistes qui parlent de cette campagne, l'on arrive à poser, comme fait certain, que Pepin ne mena pas dans sa sanglante expédition sur les bords du Rhône et de la Loire la reine Berthe, vu qu'elle était à la veille d'être mère; - et si, en 742, la reine Berthe n'accompagna pas son mari en France (9), Charlemagne ne peut pas y être né (10).

Naquit-il en Allemagne, au château d'Ingelheim?

Il est avéré que Pepin n'alla combattre les Saxons et les Bavarois qu'après l'expédition d'Aquitaine; et comme celle-ci, nous venons de le voir, ne fut achevée que bien des mois après la naissance de Charlemagne, la prétention des Allemands se trouve être toute gratuite: elle n'a pu être acceptée qu'au XVIe siècle, alors qu'on ignorait encore le mois qui vit naître le fils de Pepin (11).

Charlemagne a-t-il vu le jour au pays de Liège, et, selon de graves autorités, dans la cité de Liège même?

C'est ce que nous allons examiner.

-

Un érudit a avancé, - et d'autres l'ont tant répété après, lui qu'aujourd'hui c'est un lieu commun, - que la question est destinée à rester éternellement insoluble, la localité qui a vu naitre Charles n'ayant été mentionnée par aucun des annalistes ses contemporains, à commencer par le mieux informé de tous, Éginard (12).

Un seul mot de leur plume eût fait disparaître, nous le reconnaissons, toutes les incertitudes; mais ce mot, ce mot écrit dans le IXe siècle, n'existe-t-il réellement point?

Si nous ne nous trompons, nous croyons l'avoir trouvé.

Un moine bénédictin de l'abbaye de Saint-Gall, en Suisse, qui avait voyagé, comme Froissart, pour voir et pour faire des récits; qui écrivait une soixantaine d'années après la mort Charlemagne, et qui, par conséquent, était encore environné de toutes les preuves vivantes de la vérité du fait qu'il rapportait, a laissé tomber de sa plume, à propos de l'église que l'empereur avait fait bâtir à Aix-Ia-Chapelle (13), les lignes suivantes:

« Lorsque le vaillant empereur Charles put jouir de quelque repos, ce ne fut pas pour languir dans l'oisiveté, mais pour s'occuper avec zèle de tout ce qui intéressait le service de Dieu. Son ardeur à bâtir, d'après ses propres plans, et dans son pays natal, une basilique beaucoup plus belle que les ouvrages des anciens Romains, fut telle, qu'il eut bientôt le plaisir de jouir de l'accomplissement de ses voeux... (14). »

« Pays natal » - Genitale solum...

Cette allusion, jetée ainsi au milieu de la narration, négligemment, sans commentaire, échappée à la sincérité d'un écrivain étranger comme une chose que tous ses auditeurs devaient bien connaitre, nous parait le mot le plus authentique et le plus sûr pour faire découvrir la patrie de Charlemagne.

Expliquons-nous.

A cette époque, la ville d'Aix formait un district du pays liégeois. Elle cessa d'en faire partie vers la fin du IXe siècle, où elle fut constituée en ville libre et indépendante, sous la protection immédiate des Empereurs (15). Elle demeura néanmoins enclavée dans le diocèse de Liège; et jusqu'en 1794 le clergé aixois reconnut constamment notre cité pour mère-patrie (16).

Aix, au VIIIe siècle, faisait donc partie du pays de Liège.

Quoi d'étonnant, après cela, que le moine de Saint-Gall dise avec ce laconisme, énigmatique pour nous, mais très clair et très juste pour ses contemporains, et surtout pour le petit-fils de Charlemagne, sous les yeux duquel il rédigea son livre et à qui il le dédia (17), - que Aix était situé dans le pays natat du vaillant empereur?

Fort de ce mot si positif, genitale solum, il ne nous reste plus qu'à rassembler les témoignages qui établissent que cette patrie de Charlemagne est réellement notre vieux pays de Liège (18).

-

Pour arriver à ce résultat, nous devons simultanément rechercher nos titres dans les historiens étrangers et dans les traditions locales.

Voici d'abord ce que rapportent les traditions tant orales qu'écrites (19)

La famille de Pepin n'est pas allemande, mais wallonne (20): elle est originaire de notre contrée (21). Elle y possédait d'immenses domaines (22) et des manoirs célèbres dans l'histoire de France et d'Allemagne, comme Landen (23), Chèvremont (24), Herstal (25), Jupille (26). C'est le trisaïeul de Charlemagne qui a relevé et embelli le château-fort de Chèvremont; c'est son père qui a reconstruit le manoir de Herstal. D'Andenne à Visé, les bords de la Meuse sont tout vivants des souvenirs des Pepins.

Le centre de leurs propriétés, toutes allodiales, était Liège, où ils exerçaient les droits seigneuriaux en leur qualité de comtes de Tongres ou de Hesbaye (27),

La translation, en l'an 709, du siége épiscopal de Tongres à Liège, translation que l'on dut à Pepin de Herstal, fut pour notre cité le commencement d'une ère de prospérité et de gloire.

Liège, par son heureuse position et par l'industrie de ses habitants, était déjà, à la vérité, une des villes considérables de l'Austrasie; elle possédait déjà un château royal et une église fameuse par ses reliques (28); mais son existence n'en était pas moins assez modeste encore. La résidence permanente de l'évêque et de son clergé, ainsi que les longs séjours dans ses murs de Pepin de Herstal, de Charles-Martel, de Pepin-le-Bref, de leurs parents et de leurs officiers, la firent passer, et tout d'un coup, de l'état de ville sans renom à celui de cité noble et célèbre.

Sa physionomie intérieure surtout se transforma, grâce aux soins des Pepins. On y entreprit de grands travaux publics. Vers l'an 709, St Hubert, oncle de Charles-Martel, fit bâtir la basilique de Ste-Marie (plus tard St-Lambert), où résidèrent vingt prêtres, et le monastère de St-Pierre, où vécurent quinze religieux (29). Vers 720, Ogier-Ie-Danois (30), comme advoué de la cité et comme surintendant des constructions que les princes carolingiens y faisaient exécuter, releva le grand pont qui traversait la Meuse, et hâta l'achèvement de plusieurs vastes manoirs. Le principal était un palais, « moult fort et puissant, et qui porprendoit grande terre»; il était destiné à loger le roi quand il venait à Liège.

Sur ces faits, sur ces travaux, les vieilles histoires du temps passé s'expliquent avec un ensemble et un accord, qui ne laissent place à aucun doute.

Veut-on savoir maintenant combien était nationale la tradition de cette origine liégeoise des Pepins? A trois siècles d'intervalle, trois géographes voyageurs s'en sont fait les échos en quelques lignes très expressives.

En l'année 1460, l'un d'eux fait cette remarque: « Chez les Liégeois, c'est une opinion générale que les ancêtres de Charlemagne sont originaires de Jupille, qui est dans le voisinage de la cité de Liège (31). »

En 1567, un autre dit: « De la nation liégeoise sont sortis les princes. Pepins, desquels est issu par suite le très glorieux Charlemagne (32). »

En 1623, enfin, un troisième écrit: « Les ancêtres de Pepin et de Charlemagne sont nés dans le pays de Liège (33). »

En présence de ces souvenirs précis et constants, de ces témoignages unanimes, des ruines des monuments publics élevés par les Pepins, il n'est aucun esprit raisonnable qui ne soit porté à conclure que le père, et les aïeux, et la plupart des proches parents de Charlemagne, naquirent et résidèrent dans notre pays.

-

Tous nos chroniqueurs disent que Charlemagne affectionna particulièrement notre contrée. Il y était porté par un sentiment on ne peut plus naturel.

Sur notre sol, en effet, tout ne parlait-il pas à son coeur (34)? Les monuments qui l'entouraient, n'étaient-ce pas ses ancêtres qui les avaient élevés? Sa famille, sa nombreuse parenté, ses plus fidèles officiers, n'étaient-ils pas de race liégeois (35)?

Sa mère, Berthe au long pied, était Liégeoise; elle habita constamment Liège et y mourut (36); son père, Pepin le Bref, ainsi que son oncle Carloman, étaient nés à Liège (37), Pepin le Gros fut surnommé de Herstal parce qu'il naquit dans ce manoir, en quelque sorte enceint dans Liège; il mourut à Jupille et fut enterré à Liège. Son fils, qui devait lui succéder dans la charge de maire du Palais, Grimoald, vit le jour à Jupille, fut assassiné à Liège et y fut enterré (38), Alpaïde, cette Liégeoise si célèbre de la famille des Dodons aux six doigts, donna le jour, à Liège, à Charles-Martel et à Childebrand, les frères inséparables (39). Notre pays réclame encore et Pepin le Vieux, plus connu sous le nom de Landen, du nom de la ville où il fut inhumé; et sa fille Ste Begge, dont la demeure était château de Chèvremont, avant qu'elle se retirât à Andenne, où elle fonda un monastère; et Landrade, tante de Charlemagne, qui épousa un seigneur liégeois nommé Sigramme. Et Charlemagne lui-même, quand il désira, en 798, que son fils Louis le Débonnaire prit femme, dans quelle contrée alla-t-il lui chercher sa compagne? Dans notre pays, dans sa famille, car il le maria à Ermengarde, fille d'un seigneur liégeois nommé Ingoran, son cousin (40).

Notre contrée était peuplée de souvenirs qui lui étaient chers. Un jour, durant un long et triste hiver, guerroyant en Saxe, il rêve de la terre natale, de ses jeunes années, et, pour se les rappeler plus vivement, il y fait bâtir, sur le plan du manoir paternel, un château-fort auquel il donne une douce appellation, celle de Herstal (41). - Quelle autre preuve que notre pays était son pays, quand on songe à ses perpétuels et affectueux retours; quand on voit qu'il y établit le siège de son empire; qu'il voulut y vivre, qu'il voulut y mourir (42)? N'est ce pas aux lieux qui l'ont vu naitre, qu'il aime à venir passer l'automne et le printemps; n'est ce pas dans les palais ses pères qu'il désire fêter Noël; n'est-ce pas dans les basiliques où ils ont prié, qu'il veut célébrer les solennités de Pâques? Les hasards de la guerre le retiennent parfois à Francfort, à Worms, à Pavie, à Florence, à Rome; mais vienne la paix, et le pays Liège revoit son illustre enfant. En 783, il épouse Fastrade, et il la ramène à Liège et à Herstal, où il séjourne tout un hiver. Où fête-t-il Pâques l'année de son avènement au trône, en 768? A Aix. L'année d'ensuite, c'est à Liège. Les autres années, et notamment en 770, 71, 72, 73, 76, 77, 78, 79, 82, 83, 98, il passe l'hiver à Liège et à Herstal, et il solennise Noël et Pâques dans la cathédrale de St-Lambert (43). De 799 à 814, année de sa mort, s'il fait d'Aix sa résidence habituelle, il ne faut pas croire qu'il oublie Liège: l'an 806 l'y voit revenir pour faire l'un des actes les plus solennels de sa vie, pour partager entre ses fils ses vastes États (44).

On peut rappeler encore qu'il ouvrit des plaids nombreux à Liège, et qu'il y présida souvent les fêtes nationales (45). Les évêques de Liège étaient ses conseillers intimes (46), et il soumettait les affaires judiciaires importantes au savoir et à l'équité de nos Échevins (47). Qui sait si la prérogative accordée aux Échevins de Liège, à l'exclusion de tous les autres juges de l'Empire, de siéger à la cour des Empereurs partout où ceux-ci se trouvaient, ne remontait pas aux temps où les rois et les empereurs résidaient à Liège, au temps de Charlemagne (48)?

Que si maintenant nous recherchons les traces de son amour filial pour notre pays, nous les retrouvons, partout, visibles et salutaires.

C'est à-lui que le diocèse de Liège doit son organisation définitive, par l'institution des archidiaconats et des conciles (49). Ce fut lui qui fonda ou releva les églises de Notre-Dame à Aix, de Notre-Dame à Tongres, de St-Martin à Visé, de St-Martin d'Avroi (50), et qui, lors de la dédicace qui en fut faite par le pape Léon, voulut en être le parrain (51). Il créa quinze prébendes à Huy (52); il dota richement la paroisse de Visé, où il établit une foire privilégiée à la demande de sa fille Berthe, qui y vivait recluse (53).

Enfin, que n'ont pas recueilli nos vieux historiens sur compte de ce grand roi, de sainte mémoire?

Ils nous le montrent, après le renversement de la monarchie des Lombards, donnant sa fidèle ville de Liège pour lieu d'exil et de captivité au roi Didier, à Anse, sa femme, et à Rolende, leur fille (54); ils nous expliquent son diplôme (55), scellé d'un sceau d'or, par lequel il confirme aux Liégeois leurs franchises et les déclare les plus nobles citoyens de ses États (56); ils nous redisent comment il les exempta de taille et de service militaire, et leur permit de porter tels vêtements et tels ornements qu'il leur plaisait (57); ils nous décrivent la magnifique bannière de satin blanc, carrée, bordée d'une frange d'argent, dont il leur fit présent (58); ils nous parlent des prérogatives qu'il octroya à nos évêques, et, entre autres, de celles de sacrer les empereurs en l'absence du métropolitain, l'archevêque de Cologne (59); ils le glorifient comme l'ami du populaire, en nous rappelant qu'il voulut que dans son bon pays pauvre homme en sa maison roy fut... (60).

D'une part, ces détails précis, historiquement constatés, ces traditions nombreuses, consignées dans toutes nos chroniques, attestent d'une manière certaine que la famille de Charlemagne était liégeoise.

D'autre part, n'en doit-on pas conclure, avec une probabilité qui équivaut, en l'absence de document plus positif, à la vérité entière, - que le héros lui-même était Liégeois?

Aucune contrée, certes, n'a autant de titres que la nôtre pour se vanter d'être son pays natal, son genitale solum.

-

Si les historiens liégeois sont unanimes sur le fait de la naissance de Charlemagne dans notre pays, ils cessent d'être d'accord quand il s'agit de préciser quelle est la localité - Liège, Herstal, Jupille ou Aix, qui a vu naître l'illustre empereur.

Par suite de cette division dans leurs témoignages, la vraie tradition est, à cette heure, assez obscurcie (61). Mais, toute effacée qu'elle soit, il suffit d'un moment réflexion pour la faire revivre dans tout son éclat.

Tout esprit non prévenu reconnaîtra que le berceau de Charlemagne ne peut être Aix, bien que ce roi y eût fait construire en 794 une splendide chapelle près de sa maison de bain, qu'il avait bâtie en 781; - ni Jupille, dont le palais n'était plus visité que rarement par les membres de la famille carolingienne, depuis que Pepin-le-Gros y était si tristement décédé; ni Herstal, manoir sombre et antique que pouvaient chérir l'homme d'armes et le chasseur, mais non une femme jeune, pieuse, aimant à être entourée de ses proches; - ce berceau, ce ne peut être que Liège, la vieille cité de Liège...

Telle est la vraie tradition de notre pays: tradition que favorise l'expression du moine de Saint-Gall; tradition qu'appuient toutes sortes de faits et de particularités; tradition, enfin, qui n'a cessé d'être signalée, depuis trois siècles, par tous ceux qui ont eu l'occasion de toucher à ce point d'histoire (62).

En considérant que dans beaucoup de choses plus importantes la certitude historique n'a pas toujours des garants aussi nombreux, aussi sérieux, il est permis d'ajouter foi à cette tradition, qui fait naître Charlemagne à Liège, dans le palais bâti par son aïeul.

-

Un siècle avant Charlemagne, Liège était déjà réputé ville royale (63).

Il s'y trouvait un palais, où les rois tenaient leur cour et célébraient les fêtes religieuses et nationales (64).

Dans ces temps reculés, le bas la ville, ou la cité proprement dite, était enfermé dans une enceinte formant un carré irrégulier, qui embrassait le palais et marché actuels, l'église de St-Lambert, divers édifices publics et nombre de rues étroites. Cette enceinte était percée de trois portes (65). Tout ce qui se trouvait en dehors était faubourg (66).

Il y avait dans cette enceinte trois manoirs ou châteaux qui avaient été rebâtis par Charles-Martel vers l'an 725 (67). L'un, situé rue Féronstrée, était la résidence de l'évêque de Liège (68); le deuxième, au haut de la rue Haute-Sauvenière, était occupé par l'advoué de Liège et

ses gardes (69); le troisième, le principal, situé vis-à-vis de la cathédrale, était habité par les membres de la famille royale (70). C'est ce dernier manoir qui a conservé exclusivement le nom de palais: et ce palais, qui fut ensuite occupé et restauré par nos anciens princes, n'est autre que notre palais actuel (71).

Dès la seconde année de son avénement à la royauté, Charlemagne vint s'y installer, comme nous l'avons vu (72).

Les empereurs ses successeurs y firent d'assez fréquentes apparitions (73), L'on vit même, en 1131, le dimanche 29 mars, le pape Innocent II y couronner Lothaire II et l'impératrice Richilde (74).

Vers l'an 990, il fut embelli par l'évêque Notger, qui y établit sa résidence (75). Ses successeurs l'habitèrent également. En 1155, il fut l'objet de quelques réparations (76). En 1183, on reconstruisit la façade qui avait été incendiée (77).

Vers 1435, le prince Jean de Heinsberg fit rebâtir la façade avec un grand luxe d'architecture. Un siècle après, Érard de Marck restaura l'intérieur et renouvela entièrement le corps de logis de derrière. En 1737, la façade fut incendiée et relevée telle que nous la voyons aujourd'hui.

Telle est la chronique du palais des comtes, ducs, rois et empereurs carolingiens et de nos ci-devant princes-évêques.

Au dire de nos traditions, ce serait dans cet antique palais, au coeur de notre ville, que le mardi 10 avril 742 Berthe au long pied donna le jour à Charlemagne.

-

Dans les vieux écrits sont certainement enfouis bien des faits, insignifiants en apparence, qui justifieraient et compléteraient nos traditions. Le hasard nous en a mis un sous les yeux.

C'est un diplôme fabriqué en France, avant le XIe siècle, par des moines de l'abbaye de St-Remy, à Reims (78). Ils font émaner de Charlemagne, qui l'aurait signé le mardi six juillet 812, et ils s'y confirment hardiment, en son nom, leurs privilèges, leurs prérogatives, leurs revenus, ainsi que les prodiges de leurs reliques.

D'où croit-on que ces pieux faussaires, pour imprimer à leur acte apocryphe le plus grand cachet d'authenticité, vont dater leur bonne et précieuse charte?... Du palais d'Aix? non; du palais de Herstal? non; de celui de Jupille? non... Ils la datent de Liège!

Mensonge frappant! Ces moines savent que l'Empereur est vieux, souffrant, et c'est à Liège, dans sa ville chérie, dans son lieu natal, dans son palais, qu'ils supposent que le grand roi doit être alité, qu'il doit mourir! Curieux ressouvenir, assurément (79)!

(79) Charlemagne mourut à Aix le samedi 28 janvier 814-, vers les trois heures du matin, âgé de soixante-douze ans. - Avait-il voulu être enterré dans cette ville" On en peut douter. Ce que l'on sait, c'est qu'il y fut précipitamment inhumé le jour même qu'il expira. Pendant ses obsèques, dit Eginard, on fut dans une grande perplexité pour savoir où l'on déposerait ses restes; mais comme dans ses derniers moments le vieil empereur avait oublié de bien manifester sa pensée à cet égard, de hoc nihil praecepisset, on décida au plus vite qu'il ne pouvait mieux reposer, nusquam honestius tumulari posse, que dans l'église qu'il avait élevée avec tant de soin, par conséquent dans la ville, in vico, d'Aix. (Dans les Monumenta Germaniae Historica, t. Il, p. 459.) – Et apud Aquisgranum foris Leodii in beatae Mariae basilica honorifique fuisse sepultum. (Alberici Chronicon, p. 160.)

La statue de bronze de Charlemagne qui orne la grande place d'Aix, est d'origine liégeoise: elle a été fondue et ciselée à Dinant en 1353. C'est un superbe échantillon de ce qu'on appelait dinanterie au moyen-âge.


(1) Voici le texte même d'Eginard: De cujus nativitate atque infancia, vel etiam pueritia, quia neque sicriptis. usquam aliquid declaratum est, neque quisquam modo superesse invenitur, qui horum se dicat habere notitiam, scriberei nueptum judicans, ad actus et mores ceterasque vitae illius partes explicandas ac demonstrandas, omissis incognitis, transire disposui. (Vita Karoli, dans les Manumenta Germaniae Historica, t. Il, p. 445.)

(2) Eginard, ou, d'après sa propre signature, Einhard, naquit en Hesbaye, et fut élevé avec les fils de Charlemagne, qui le fit son secrétaire et son gendre. Après la mort de son bienfaiteur, il se retira du monde: selon les moeurs d'alors, il se sépara de sa femme, et Louis le Débonnaire le nomma abbé de Saint-Bavon, à Gand. Il mourut en 839, dans un âge très avancé. On a d'Eginard des Lettres et un Eloge de Charlemagne.

(3) La Jeunesse de Charlemagne, selon toutes les apparences, ne fut marquée par rien de ce qui attire la considération ou la foi de la foule. Ses faits et gestes de Jeune homme n'étaient guère trop il redire, à en juger par cette tradition légendaire.

Une tante de Charles, appelée Landrade, demeurait non loin de Liège, en Hesbaye, où Sigramme, son mari, tenait l'emploi de comte. Elle avait recueilli une orpheline nommée Amalberge, née à Rodange, près d'Arlon. Charles la vit et en devint passionnément épris. Son hommage fut repoussé, et la fière jeune fille, qui n'avait pas voulu être sa maîtresse, ne consentit pas même à devenir sa femme, Outré de ces refus, Charles parvint il s'introduire dans sa chambre, et il s'y livra à des emportements si violents, qu'il lui cassa le bras. Revenu à lui, il s'enfuit précipitamment, et Amalberge alla cacher ses pleurs dans le monastère de Bilsen (à six lieues de Liège), où elle s'éteignit saintement en 772, âgée seulement de trente-un ans. (v:. les Acta Sanctorum, Juillet, t. III, p. 100, etc.)

(4) La mère de Charlemagne, Berthe au long pied, n'était pas de noble extraction; les Pepins, de leur côté, n'étaient que des parvenus. Ils n'aimaient pas la grande noblesse. Ils étaient payés de retour par les chefs des familles abaissées, qui ne rêvaient que complots et rébellion. Ceux-ci n'avaient vu, dans l'avénement de Pepin-le-Bref, qu'une injuste spoliation, et leur audace en redoubla, comme l'on sait. « Il paroît, dit un savant estimable, que Charlemagne ne tiroit pas son origine de la haute noblesse. Le mépris qu'on avoit pour sa race seroit peut-être une preuve qu'il n'en étoit pas. Les grands avoient déjà eu le même mépris pour Pepin son père, etc, » De Buat, Les Origines d'Allemagne, (1789), t. l, p. 156, etc.

(5) « L'affection de Charlemagne pour son secrétaire était grande, dit M. Guizot, et ils vivaient ensemble dans une étroite intimité. Ce fut surtout par reconnaissance qu'Eginard écrivit la Vie de l'Empereur.» (Histoire de la Civilisation en France; Paris, 1846, V. le t, II, p, 223). - Il est indubitable qu'Eginard recueillit de la bouche de Charlemagne lui-même beaucoup de renseignements qui sont entrés dans ses livres d'histoire.

(6) Cette opinion se vérifie d'ailleurs facilement: quand il mourut, en 814, il était âgé de soixante-douze ans, ce qui reporte ainsi sa naissance à l'année 742: Decessit anno aetatis suae LXXIJ, et ex: quo regnare coeperat XLVIJ, v kalend. februarii hora diei tertia. (Eginard, Vita Karoli, dans les Manumenta Germaniae Historica, t. Il, p. 439.)

(7) « Pepin marcha contre eux au printemps de l'année 742, etc. » (Fauriel, Histoire de la Gaule méridionale sous la domination des Conquerants germains, t, III, p. 176.)

Presque toute la France ainsi que l'Allemagne s'étaient soulevée à la nouvelle de la mort de Charles-Martel, laquelle arriva inopinément le 22 octobre 741. Pepin dut faire une guerre d'extermination à ces peuples, qui combattaient pour leur nationalité. Mortuo Carolo duce, dit Eckhart, Aquitani et Alemanni spes libertatis pristinae resumserunt et de jugo Francorum excutiendo, etc. (Commentorii de Rebus Franciae orientalis, t. l, p. 442, etc.)

(8) Un auteur du temps le dit: lndè (de l'Aquitaine) reversi circa tempus Autumni, eodem anno iterûm exercitum admoverunt ultra Rhenum contra Alamannos, (Fredegarii Chronicum continuatum, dans le recueil des Historiens de France, t. II, p. 458.)

(9) Les vieux annalistes de France, qui n'oublient rien, n'en disent mot; ils savent très bien rappeler cependant que, dans la première quinzaine du mois d'août de l'an 755, Berthe alla jusque dans le Dauphiné et in Vienna civitate remansit pour y attendre que rex de ltalia reverteretur ,etc. (Dans le Recueil des Historiens de France, t. V, p. 198.)

(10) Et encore moins à Paris, comme l'avancent sans façon plusieurs vieux romanciers et quelques écrivains modernes. - Les écrivains français, qui ont l'avantage du nombre et de la renommée, et qui en abusent pour confisquer tous les beaux détails historiques à leur profit, font jouer un grand rôle à la ville de Paris, comme capitale, sous les Mérovingiens et les Carolingiens: ils oublient que Paris n'est devenu capitale que lorsque les comtes de Paris devinrent rois. Ni Charlemagne, ni aucun empereur ou roi de sa race n'a jamais résidé dans cette ville. Paris n'a même pu voir Charlemagne qu'une seule fois, en 779, quand il la traversa pour se rendre à Rome.

Sismondi fait remarquer que c'était dans notre pays que « se réunissaient (au VIlle siècle) tous les ambitieux, tous les hommes en pouvoir, tous les lettrés qu'attiraient les bienfaits de la cour, tous les marchands que nourrissait son luxe. La ville de Paris ne se trouve pas même nommée par les historiens français durant le long règne de Charlemagne. » (Histoire des Français, t. Il, p. 368.)

Ce que dit cet historien est vrai de tous points: nous trouvons même que, en 804, « Radou de Preit, fils à Johan, grant conte de Paris, estoit ordoneur du chesteau et chapelle de Liege.» (Chroniques de Liège.) Ce Radou fut la souche de la famille De Prez d'Outremeuse, si célèbre dans nos annales, et qui s'est seulement éteinte à la fin du siècle dernier.

Le comte Hubert (St Hubert) et sa tante Ode étaient venus également s'établir à Liège avant l'an 700: Sancta Oda uxor quondam Boggi ducis Aquitanorum veniens in Leodiensi. parrochia, etc, ( Alberici Chronicon, édition de Leibniz, p. 71.)

(11) Danville a démontré que la prétention des Allemands n'avait pas l'ombre de la vraisemblance. (V. les Mémoires de la Société des Antiquaires de France, t. VIII. p. 315) Les Allemands, du reste, ont d'eux-mêmes renoncé à la défendre. (V. Eckhart, Commentarii de Rebus Franciae orientalis, t. II, p. 446.) Il est donc superflu d'entrer dans l'examen détaillé de cette opinion, puisqu'elle est abandonnée par ceux-là même qui avaient le plus d'intérêt à la soutenir. Nous ferons seulement remarquer que le château d'Ingelheim fut construit par Charlemagne. qui n'y avait vu qu'une position à fortifier. Le nom d'Ingelheim n'apparait, dans l'histoire qu'en 774, Les restes de ce château se sont écroulés le 14 février 1831.

(12) C'est ce que dit Le Cointe: Plura de nativitate, Caroli pronuntiare quis audeat? maximè cùm Eginhardus, qui perfamiliaris ei fuit, ineptum judicarit de ejusdem Caroli nativitate scribere, etc. (V. ses Annales ecclesiastici Francorum, t. V, p. 176.)

(13) Ce n'est pas en 796, mais bien certainement avant l'an 790, que l'on commença la construction de l'église d'Aix. Les Chroniques de Liège disent: « En ceste an morut la royne et quant Charlemaigne le sceut il party d'Aix pour aller faire les exeques, et avant son partement il comist Gervaix, évesque de Liege, qu'il païast or et argent pour parfaire l'église d'Aix, lequel voluntairement en prendit la cbarge, etc. » Ceci se passait en 794, année qui vit en effet mourir la femme de Charlemagne: Mortua est ibi et Fastrada regina, et Mogontiaci apud sanctum Albanum sepulta. (Dans les Monumenta Germaniae Historica. t. l, p. 181.)

(14) La traduction de ce passage est de M. Guizot, Collection des Mémoires relatifs à l'Histoire de France (1824), t. III, p. 210. Voici le texte du vieux moine: Cum strenuissimus imperator Karolus aliquam requiem habere potuisset, non otio torpere, sed divinis servitiis voluit insudare, adeo, ut in genitali solo basilicam antiquis Romanorum operibus proestantiorem fabricare propria dispositione molitus, in brevi compotem se voti sui gauderet. (Dans les Monumenta Germaniae Historica, t. Il , p. 744.)

(15) Selon Besselius, en 870 Aix était encore une enclave du pays de Liège: In hoc autem Pago Leodiensi minores pagi, vel, sicut in superiore divisionis formulâ nominantur, districtus, Aquensis circa Aquisgranum (vulgo Achen)… comprehendebantur. (Chronicon Gottwicense, t. Il, p. 656).

(16) Aquisgranis intra veteres Tongrorum fines, et hodiernum Leodiensis limitem situs est, dit Foullon, Historia Populi Leodiensis, t. l, p. 141.

Il y avait à Liège un Refuge des Chanoines d'Aix; il était situé rue Haute-Sauvenière; c'est aujourd'hui la maison portant le n°. 15. – Dans des lettres-patentes portant affranchissement du droit d'aubaine (1764), on lit le préambule suivant: « Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut. Les Bourguemaitres, Échevins et Magistrat de la ville d'Aix-Ia-Chapelle, diocèse de Liège... » - Voir aussi le Tableau ecclésiastique du Diocèse de Liège, etc.

(17) Ce livre est une Vie de Charlemagne. En voici le titre: De Gestis Karoli imperatoris libri duo. (Dans les Monumenta Germaniae Historica, t. Il, p. 731 et suiv.)

(18) Plusieurs érudits, en donnant à l'expression genitale solum, un sens qu'elle n'a pas, ont voulu voir dans Aix même le berceau de Charlemagne. Cette erreur est rejetée par les historiens d'Aix, qui croient que ce prince n'a pu naître qu'au milieu de nous, à Jupille, par exemple: Nec pauci in regia Jopilla vel Jopilia dimidio miliari ab urbe Leodio natum volunt. (De Beeck, en son Aquisgranum; Aix, 1620, ill-4°. V. p. 34).

Il est prouvé que jamais les rois des Austrasiens n'habitèrent la ville d'Aix, disent les Bollandistes: Ubi reges Austrassiorum palatium nullum habuerunt (Acta SS. febr., t. 1, p. 233). Il n'est fait mention de cette ville, pour la première fois, qu'à l'an 766, quand Pepin, souffrant de la maladie qui l'enleva l'année suivante, alla y passer deux mois pour prendre des bains. - Charlemagne sut apprécier l'efficacité des eaux d'Aix. au point qu'il fit bâtir un palais près d'une des sources.

(19) La réponse à une foule de questions que l'on pourrait se faire se trouvait dans les librairies des monastères de St-Lambert et de St-Pierre, bâtis sous les yeux des Pepins. Ces librairies furent dévastées en 882 par les Normands; leur destruction fut achevée en 1183 par un terrible incendie; cette fois, tout périt, les vieux cartulaires, les vieilles chroniques: Vetustique codices periêre. (Foullon, Historia Populi Leodiensis, t. I, p. 283.) On sauva à grand'peine quelques diplômes des empereurs du Xe et du XIe siècles. Ces documents importants furent immédiatement transcrits, en lettres gothiques et onciales, dans un volume in-folio en parchemin, volume qui devint si célèbre chez nous au moyen-âge sous le titre de Liber Cartarum Ecclesie Leodiensis. Nous avons dans les mains ce précieux manuscrit, Malheureusement, il ne s'y trouve, qu'un seul diplôme (de l'an 827) qui soit antérieur au sac de Liège par les Normands.

Aucune chronique de ces vieux temps ne nous est parvenue. La plus ancienne que l'on possède est celle de Harigère, mort en 1007. Et encore, comme les Annales d'Anselme (1060), est-elle peu utile: c'est l'oeuvre d'un moine dévot, qui croit écrire des récits historiques et qui ne rédige qu'une légende dorée. - Hàtons-nous de dire qu'au XIVe siècle nos pères faisaient grand cas de plusieurs chroniques de Liège inconnues aujourd'hui. Nous avons l'espoir qu'un heureux hasard les restituera un jour à la science.

Pour compléter ces recherches, nous avons feuilleté quelques chroniques inédites. Quoique les copies en soient modernes, elles n'en ont pas moins été faites sur des compilations anciennes. En général, la rédaction en est assez exacte; ce qui y jette seulement du vague, pour les temps antiques, c'est l'incertitude de la chronologie: c'est là, du reste, un inconvénient inséparable de toutes les traditions populaires. – Quant aux Mss. que nous avons consultés, les uns nous appartiennent, les autres font partie de la Bibliothèque publique de Liège, si riche et si nombreuse en ce genre.

(20) Selon Pagi, la langue en usage dans la famille des Pepins était le wallon ou roman, rustica romana lingua, ex qua sermo quo hodie Galli utuntur, loquebatur. Il induit tout naturellement de ce fait que Charlemagne a parlé le même idiome que ses parents: Qua in re valdè falluntur, cùm alium sermonem quem pater adhibere non debuerit. (Critica historico-chronologica, t. III, p. 255.)

(21) Rien n'est plus glorieux pour notre pays, dit Fisen: Dioecesos hujus non leve decus est, ortam esse ex illâ tantam familiam. (Historia Ecclesiae Leodiensis, t. l, p. 93.)

(22) Bona insignia, dit Eckhart, dans ses Commentarii de Rebus Franciae orientalis, t. 1, p. 212. - V. aussi Guizot, Essais sur 'Histoire de France, t. 1, p. 127, etc.

(23) Landen, ce vetus oppidum de l'antique Hesbaye, avait un manoir ou Pepin dit de Landen mourut le 21 février 640. Ge manoir est qualifié de palatium par Gramaye, en son Landa Hasbaniae. (Dans les Antiquitates Belgicae, p. 46.)

(24) Il était déjà locus regiae sedis lorsque, vers 665, Anségise, maire du palais, et St. Begge, sa femme, vinrent s'y établir. Cette vieille résidence fut alors réparée et embellie, palatiis aulicis constructus, seris et portis munitus, solemniter decoratus atque perfectus. Ce sont les termes d'un hagiographe du IXe siècle, dans sa Vita St. Beggae (Louvain, 1631, in-4°.), p. 4. - A Chèvremont se trouvait un monastère renommé de Notre-Dame, qu'enrichit Pepin de Herstal. (Voir les Diplomata Belgica, t. l, p. 496,) - En 741, Carloman et Pepin y renfermèrenl Grilfon, leur frère consanguin, qui, excité par sa mère, voulait leur contester l'héritage de Charles-Martel: ln Novo Castello, quod juxta Arduennum situm est, custodiri fecerunt, etc. (Dans les Monumenta Germaniae Historica, t. l, p. 135.) - On voit encore les ruines de ce vaste château-fort, dévasté en 972 par les Liégeois.

(25) En wallon Hesta, en basse latinité Hastalium, Haristalhum, Heristatlium, etc. - Villa publica regia, cum palatio regio, in pago Hasbanio. (Besselius, Chronicon Gottwicense, t. II , p. 459.) Le palais de Herstal tombait de vétusté, quand Pepin-Ie-Bref le fit reconstruire en 758. Sur la place nommée Li Cour, on voit encore une vieille construction: c'est un reste du palais des princes carolingiens.

Le plus ancien diplôme connu qui ait été actum in palatio Herestallio, est du 21 janvier 721: c'est une donation d'immeubles faite par Charles-Martel à St Willibrord, évêque d'Utrecht; le dernier est de l'an 921. Ces documents se trouvent dans les Diplomata Belgica, t. l, p. 491, t. IV, p. 175.

(26) En wallon Jupeie ou Joupeie. - Curtis regalis ad Mosam, sub Merovingis palatium Ducum Franciae et Majorum Domûs, in comitatu Hasbaniae. (Besselius, Chronicon Gottwicense, t. II, p. 486.) Il reste à Jupille peu de vestiges de ces temps héroïques. Il ne nous est parvenu qu'un seul diplôme actum publicè in palatio Joppiliensi: il est du 13 novembre 687, Il est signé par Pepin, sa femme Plectrude, leurs fils Drogon et Grimoald, le comte (St) Hubert, etc.

Trois chroniques monacales étrangères disent à l'an 759: Pippinus celebravit Pascha in Jopila, (Dans les Monumenta Germaniae Historica, t. I, p. 142, 143, 333.) Les chroniques domestiques sont un peu plus circonstanciées: « L'an 758 vient le roy Pepin en son palais à Joupilhe, si y celebra la fieste del Pasque. L'an mesme le roy Pepin fist abattre le pont de Cheratt el fist des pires qu'ilh en oistat fondeir une engliese à Hersta et un palais royal et fist faire le crusufis del engliese de Herstal de sa grandeche. " (Chroniques de Liège.) - Anno domini 758, Pipinus rex celebravit pascha in Jopila palatio regio prope Leodium, qui destructo ponte lapideo in Cerretate supra Mosam de iisdem lapidibus oedificavit ecclesiam conventualem cuIm domo regia beatae Virgini in Harstallio, ubi crucifixum suae staturae coltocavit. (Dans les Rerum Germanicarum Scriptores de Pistorius, t. III, p. 35.) - V. aussi Bouille, Histoire du Pays de Liège, t. I, p. 43.

(27) Cette remarque d'un chroniqueur, que le dominium temporale du canton de Liège ad Comitem Tongrensem spectaverat, est d'une importance extrême: elle jette une vive lumière sur nos origines politiques; elle éclaircit en outre cette obscure assertion des Annales Mettenses, lesquelles rapportent que Pepin de Landen, dans notre contrée, justis legibus gubernabat. (Dans le Recueil des Historiens de France, t. Il, p. 677.) On le voit: la tradition et l'histoire se prêtent un mutuel secours et se vérifient l'une par l’autre.

(28) Celte église, dédiée à St Cosme et Damien, avait été fondée vers 560 par l'évêque Monulphe ou Monou, sicut narrat antiquitas et scripta patrum edocent, écrivait en 1120 le chanoine Nicolas. (Dans les Gesta Pontificum Leodiensium, t. l, p. 399.) Voici la légende:

Monou n'avait jamais vu la ville (villa) de Liège. Lorsqu'il y entra, il en demanda le nom, vocabulum loci quoesivit; c'est Liège, lui répondit-on: Legiam nominatam audivit. Il fut frappé de sa belle position: captus situ et amaenitate ejus substitit. Les principaux habitants ayant embrassé le christianisme, il leur prédit, inquit astantibus. prophetico tactus spiritu, que leur ville égalerait un jour les villes les plus opulentes, summis civitatibus aequabit, Aussitôt il éleva un oratoire, statimque... constructam ecclesiam in Domino consecravit. (Gilles d'Orval, dans les Gesta Pontif. Leod., t. I, p. 59.) - Legia estla plus ancienne traduction latine de Liège, en wallon Lîge.

(29) Placentius, Catalogus Antistitum Leodiorum, p. 75; Gallia Christiana, t. III, p. 829, etc. - De plus petits monastères ont dû être construits à cette époque; entre autres celui de St-Gilles, près de la basilique, et, dans l'île, celui de St-Germain, si toutefois ce dernier a réellement eu pour fondatrice Alpaïde: ce que laisse d'ailleurs supposer l'inscription qui se lit encore dans les cloîtres de St-Paul. L'église St-Germain fut ruinée par les Normands en 882; elle fut rebâtie quelque temps après et dédiée, en 964, à St-Paul. (Chroniques de Liège). - L'église St-Paul fut reconstruite vers la lin du XIIIe siècle et le maître-autel consacré le 11 avril 1289; les Francais la transformèrent en boucherie en 1794: depuis 1802, elle est cathédrale.

(30) Les traditions et nombre de témoignages sérieux font naitre à Liège le célèbre Ogier, dit le Danois ou, plus exactement, l'Ardanois, surnom que l'on rencontre dans notre pays au moyen-âge, - Dernièrement, M. Barrois a fait présent à notre Conseil communal d'un superbe exemplaire de La Chevalerie Ogier de Danemarche, vieux poème (Paris, 1842, in-4°. ), sur le faux-titre duquel on Iit cet hommage: A la ville de Liège, patrie d'Ogier.

(31) Apud Ledienses stirpem Caroli Magni in vico Jupilia Leodiensi civitati proximo, ortum habuisse tradunt, dit Marliano , en sa Veterum Galliae locorum, populorum, Alphabetica Descriptio ( 1595), p. 37. - Marliano était Italien; il devint, vers 1460, professeur de droit canon à l'université de Louvain; en 1400, le prince Louis de Bourbon l'appela à Liège et le nomma son grand-vicaire. Paquot en parle dans ses Mémoires pour servir à t'histoire littéraire des Pays-Bas et du pays de Liège, t. VIII, p. 428.

(32) Di queda natione uscirono i Principi Pipini, de quali nacque poi il gloriosissimo Carlo Magno, dit Guicciardjni, Descrittione di tutti i Paesi Bassi (Anvers, 1567), p. 287.

(33) Ex hac urbe Pipini ac Caroli Magni majores orti. - Ex Tungrorum verò genteoriginem duxisse volunt scriptores nostrates Pipinos principes, et Caroli Magni majores, dit Valère André, en sa Bibliotheca Belgica (1623), p. 68 et (1643) p. 97.

(34) La ville de Liège était le chef-lieu de la Hesbaye. « Le plus grand titre de la Hesbaye à la célébrité historique, dit Thomassin, c'est d'avoir été le berceau de cette race carolingienne qui produisit de si grands hommes et qui finit par de si faibles princes. Pepin de Landen jeta les premiers fondements de la grandeur de cette maison; Pepin de Herstal y ajouta un nouvel éclat; et Charles-Martel, à qui il ne manqua que le nom de roi, prépara il son fils, Pepin-le-Bref, le chemin de la royauté. Cette filiation de héros finit dans la personne de Charlemagne. " (Stalistique de la province de Liège, t. l, p. 15.)

(35) Parmi ces officiers, l'on pourrait citer Ogier le Danois, Aymon et ses fils, Roland, etc. A la mémoire de ce dernier se rattache une curieuse tradition. Comme l'on sait, ce preux succomba, le 15 juin 778, à la célèbre journée de Roncevaux. Son épée fut rapportée à Liège et suspendue dans le choeur d'une de nos églises, in coenobio quodam Leodiensi. (Voir Reiffenberg, en son Philippe Mouskes, t. Il, p. CXC, etc.)

(36) Les Annales Bertiniani (voir une note de D. Bouquet, Recueil des Histoires de France, t. V, p. 197), dont plusieurs écrivains se sont fait l'écho, sont le seul ouvrage où l'on dise que Berthe était fille Cariberti Laudunensis comitis. Au lieu de Laudunensis nous lisons Leodiensis, mot qui a été rendu au Xe· siècle par Laudociensis et Laudovicensis, formes non moins singulières que Laudunencis. (Dans les Monumenta Germaniae Historica, t. III, p. 79, 312.) L’interprétation que nous donnons n'est point forcée; elle vient d'ailleurs à l'appui du sentiment de quelques savants, du président Hénault, entre autres, qui écrit loyalement: « L'opinion la plus vraisemblable, c'est que Bertbe étoit fille d'un seigneur Liégeois. » V. son Abrégé chronologique de l'Histoire de France (1789), t. l, p. 57.

(37) Dans ses Flores Ecclesiae Leodiniensis, p. 370, Fisen avance que Carloman est Jupiliae natus. Cette opinion est peu vraisemblable: Plectrude haïssait trop Charles-Martel pour l'admettre, lui et sa femme, dans le palais de Jupille. - Carloman était fort pieux: Liège le vit maintes fois, cum optimatibus proceribusque sui palatii, porter quelque renommé reliquaire dans les processions. Dégoûté du monde par des motifs qu'on ignore, il abdiqua et alla se faire moine en Italie detrimento magno Leodiensis Ecclesiae, qu'il illustrait et enrichissait. (V. Fisen, Historia Ecclesiae Leod., t. l, p. 108; Hartzeim, Concilia Germaniae, t. l, p. 359, etc.)

(38) Il était en prière dans l'église de St-Lambert lorsqu'il fut assassiné. Aucune de nos chroniques vulgaires ne relate ce fait, qui est relevé par les annalistes étrangers: Anno 713… Grimaldus in ballilica sancti Lamberti martyris Leodico peremptus est a Pagngario gentile. (Dans les Monumenta Germaniae Historiea, t. l, p. 290, 322, etc.) - Une vieille compilation historique dit qu'il fut enterré à St-Jacques:…

Et Grimoaldum qui martyrisatus Leodii, et ibidem apud Sanctum Jacobum in allari cryptae humatus. (Dans les Rerum Germanicarum Scriptores de Pistorius, t. III, p. 27). Au lieu de St-Lambert, on aura probablement lu, par inadvertance, St-Jacques, monastère qui n'a été fondé qu'en 1016.

(39) Alpaïde habitait Avroi, seigneurie dont le territoire est aujourd'hui enfermé dans Liège même. Son frère Ode ou Dodon était de primatibus palatinis unus, et même Pipini ducis familiaris, écrivait en 770 Godeschal. (Dans les Gesta Pontif. Leod., t. l, p. 335.) Une persévérante tradition se plait à donner aux Dodons le surnom aux six doigt. Il parait que les membres de cette famille eurent un doigt surnuméraire à la main droite, et qu'ils tiraient vanité de cette difformité.

(40) C'est ce que prouve Eckhart, dans ses Commentarii de Rebus Franciae oritentalis, t. I, p. 773.

(41) En l'an 797, Saxoniam petiit, castrisque super Wïmram poIitis consedit, et locum castrorum Heristelli vocari jussit, etc. (Dans les Monumenta Germaniae Historica, t. I, p. 18, 37, 304, 357, etc. )

(42) ln eadem regione Loodiensi Imperatorum christianisimus vitam possuit, ubi acccperat, dit Foullon, Historia Populi Leodiensis , t. l, p. 141.

(43) Ces retours au pays n'ont point été remarqués par les mémoriographes domestiques, qui les trouvaient, sans doute, tout naturels; ils ne frappent que les annalistes étrangers, qui les relèvent avec soin: Carolus celebravit pascha apud Sanctum Lambertum in vico Leodico; - At rex de Heristallio ubi hiemeverit et ubi natalem Domini ac sanctum pascha celebraverat...; -lndè in Franciam reversus, in villa Heristallio et natalem Domini et sanctam paschalis festi solemnitam celebravit, etc., etc. (Dans les Monumenta Germaniae Hlistorica, t. l, p. 148, 151, 158, 161, etc.)

(44) Karolus ab Hispaniis rediens (806) concilum tenuit apud beatum Dyonisium et postea Aqusgranum, versus Leodium perrexit: hic, inter filios suos partitionem regni facit, et inde testamentum factum sua et Leonis papae auctoritate roboravit. (Alberici Chronicon, p. 150).

(45) Quelques diplômes, qui sont arrivés jusqu'à nous, attestent que Charlemagne tenait sa cour à Liège ou à Herstal en mars 770, en septembre 771, en octobre 772, en mai 773, en décembre 776, en janvier 777, en mars 778, en avril et en mai 779, en octobre 782, etc. (Voir le Recueil des Historiens de France, t. V, p.722, 738,742, etc.)

(46) Agilfride, proche parent de Charlemagne, in palatio Caroli Magni fuerat diu conversatus. Son successeur, « l'evesque Gervaix, moult docteur, fust en conseil du roy Charlemaigne. » Au surplus, déjà sous Pepin de Herstal l'évêque de Liège evocatur pro summi. Reipublicae causis ad palatium. (Chronique, de Liège; Nicolas, dans les Gesta Pontif. Leod. , t. I, p. 400, etc.)

(47) Comme en 919, par exemple, ainsi que l'atteste un diplôme qui nous est parvenu. C'est une sentence rendue à Herstal par Charles-le-Simple en présence de l'évêque de Liège et de plusieurs seigneurs, et judicio Scabinorum Palatii nostri. (Dans le De Leodiensi Republicâ, p. 465.) Ces échevins ne pouvaient être que ceux de Liège. Ceci expliquerait pourquoi le Destroit de notre Cité était souverain en appel dans toute l'étendue du diocèse, et par conséquent dans les États voisins. En 1370, Hemricourt, étonné de cette juridiction extraordinaire de notre tribunal, dit avec raison que « il est noble et de grande seignorie, car il excède tos les autres chieffz d'Allemangne tant en nombre comme en puissanche: chest li lune entre les estoilles...; et par che puet l'on clerement considereir que mult grant alfection ont eu d'antiquiteit li Empereurs et Roys des Romains à cette noble Citeit de Liege quant ilz ont subjués... li la Loy de Liege si grant nombre de vilhes et justiches des prinches et païs marchissans, etc. » ( Patron delle Temporaliteit des Evesques de Liege.)

(48) « ... Tele auctoriteit ont les Eschevins de Liege que tant qu'ilz sont en la court del Empereur ilz puelent avec les Nobles, comme feables dei Empire, alleir à tos jugemens qui ne touchent les corps des Prinches ou la principaliteit de leurs terres; et che, ne puelent faire nulz autres Èschevins surseants en ladite Empire. » (Hemricourt , Patron delle Temporaliteit des Evesques de Liege. )

(49) Voir Fisen , Historia Ecclesiae Leodiensis , t. l, p. 108.

(50) Cette église, qui devint l'une des paroisses de Liège, fut dévastée par les Normands en 882 et rebâtie en 1034: elle fut sans doute alors

placée sous l'invocation de Ste Véronique. Vers 1280, elle était indifféremment nommée ecclesia sanctae Veronicae vel sancti Martini Tongrensis episcopi. (Dans l'Amplissima Collectio, t. V, p. 117.)

(51) Les Choniques de Liège racontent avec détail ces diverses dédicaces. Item Carolus cuidam filiae suae Visetum dedit quae postmodum in ecclesia ibidem constructa sepulturam accepit, quam ecclesiam consecravit in honorem beati Martini sanctus Leo papa, eodem tempore quo et Aquensem: et eandem indulgentiam utrique loco concessit... Tempore etiam praedicto sanctus Leo consecravit ecclesiam S. Martini in Avroto, ecclesiam S. Stephani in Hoyo, et ecclesiam S. Mariae Tungrensis, quae olim fuerat destructa per Hunnos. (Dans les Rerum Germanicarum Scriptores de Pistorius , t. Ill, p. 48.) .

Une lettre de St Ludger, évêque de Munster, qui mourut en 809, l'un des prélats assistants de Léon, fixe à l'an 799 ces consécrations: Anno 799 pridie nonas septembris... Deinde humili petitione et imtantiâ venerabilis patris Gerbaldi episcopi Leodiensis, consecravit ecclésias tam in Tungris quam Viseto. (Dans Surius, De probatis Sanctorum historiis, t. II, p. 39. )

(52) Temporibus Gerbaldi et Walcandi Carolus in ecclesia Hoyensi viginti canonicos regulares sub abbata instituit; fecit et ibi comitatum, cujus Basinus primus comes ordinatur anno 800. (Dans les Rerum Germanicarum Scriptores, t. III, p. 48;) Ce Bazin, premier comte de Huy, fit réparer le château de sa résidence: les ruines d'une des tours, dite de Bazin, se voyaient encore il n'y a pas longtemps. C'était aussi une tradition qui avait cours chez les Hutois, qu'ils avaient pris alors St Domitien pour patron de leur ville, Imperatore Carolo Magno instante, solemni cum pompa erectum fuerit ab Hildebaldo Coloniensi episcopo decimo septimo kalendis julias. (Officia propria Sanctorum Ecclesiae Leodiensis, au 7 mai; voir aussi à ce jour les anciennes éditions du Breviarium Leodiense, etc.)

(53) « … Charle aymat Viseit et luy asseurat grandes rentes pour l'amour de sa fille Bertaine qui là estoit recluse et gist là; ... ordonat aussy le roy Charle et confirmat une foire ou marchiet à Viseit. » (Choniques de Liège.) Un Chronicon Leodiense (in-folio en parchemin écrit en 1370), qui n'est qu'un résumé de vieilles annales liégeoises, parle ainsi de ce fait: Karolus cuidam filie sue Visetum debit ubi edificata ecclesia sepulturam accepit quam ecclesiam beatus papa Leo in honore beati Martini consecravit.

Vers 1325, la tradition, à Visé comme à Liège, et pour le moine comme pour le bourgeois, ne formait aucun doute là-dessus. En 1338, lors de l'érection de I"église paroissiale de Visé en église collégiale, l'évêque Adolphe de la Marck écrivait: ... Ipsa namque ecclesia (de Visé) tali merito prerogativa honoris est exaltanda, quam olim domini Leonis pape, nec non magnifici régis Karoli atque patriarcharum, archiepiscoporum et aliorum prelatorum ac principum secularium post consecrationem ecclesie Aquensis eodem anno factam presentia visitavit, quam idemsummus pontifex praedictis patriarchis, archiepiscopis et episcopi sibi tunc assistensibus consecravit, multisque indulgentiarum et aliarum gratiarum dote ditavit, cujus rei geste devotio populixpiani jam perpetuavit memoriam, qui illuc singulis annis in festo dedicationis ecclesie prefate ruunt catervatim pro hujus modi tam magnis indulgentiis promerendis, etc. (Dans le Liber Cartarum Ecclesie Leodiensis, fol. 401, n° 725.)

(54) Anno 774, Karolus regnum ltaliae cepit, et Desiderium regem in exilium direxit Leggiae, Agilfrido episcopo. (Dans les Monumenta Germaniae Historica, t. IV, p. 13.) « … Et print le roy Desier et sa femme et les aminat en exyle à Liege. » (Chroniques de Liège.) Didier mourut à Liège, dans un monastère, en 783; Anse décéda en 795; Rolende, suivie d'une amie fidèle, s'écbappa de sa prison pour retourner en Italie: sa complexion délicate l'empêcha d'aller plus loin que Gerpines (près de Charleroy), où elle mourut presque subitement (799). Rolende figure au martyrologe comme une sainte vierge. - Le savant Paul Diacre avait suivi Didier dans sa captivité.

(55) Les auteurs de l'Art de Vérifier les Dates, t. XIV, p. 168, ne doutent point des témoignages d'affection que Charlemagne a donnés à Liège. Le vieux moine d'Orval en avait ouï parler: sicut testantur privilégia a rege Carolo collata, dit-il, (Dans les Gesta Pontif. Leod., t. I, p. 149.) Les chartes qui contenaient les privilèges de Charlemagne périrent en 882 dans le sac de Liège par les Normands. Celles qu'il avait accordées à l'église de Liège ne nous sont point non plus parvenues, mais elles sont explicitement rappelées dans des diplômes des ans 980 et 1006: Que ab antecessoribus nostris (dit l'empereur Otton) Pipino, KAROLO, Ludvico, Lothario et item Karolo regibus Francorum collata erant Ecclesie S, Marie et Lamberti... (Dans le Liber Cartarum Ecclesie Leodiensis, nos 13 et 24.)

(56) Veniens (771) Carolus ad Herstallum, ibique per mensem permanens, amore nepotis sui Agilfridi episcopi multis privilegiis Ecclesiam et Patriam Leodiensem nobititavit ac liberamt reddidit. (Chronicon Leodiense.) C'est depuis lors, dit Loyens, que dans les actes solennels on donne aux citoyens de Liège le titre de Seigneurs Bourgeois. (V. son Recueil héraldique de la noble Cité de Liège, p. 5.) On lit encore sur de vieilles inscriptions: Nobili, et Inclyta Legia. - Cet anoblissement des Liégeois produisit dans tous les rangs une fierté qui déplaisait extrêmement aux étrangers. « Je ne connois point de Peuple plus fier de son origine que les habitants de cette capitale: ils font remonter leur noblesse au delà du règne de Charlemagne, et se disent tous seigneur, et barons de la façon de cet empereur. » (De la Porte, Le Voyageur François, Paris, 1775, t. XX, p. 369, etc.)

(57) Et comme apert par les Lettres d'icelui Charle, les Liegeois ne doibvent ne taille ny stoc ne ost ne nulle chevachie. Il les anobilitat tellement qu'il leurs donnat auctorité et pouvoir de avoir armes, et puissance de porter ou faire porter livrée de vaire et gris et boutons d’argent. » (Chroniques de Liège). Un grand luxe s'était introduit à cette époque: on chargeait les vêtements d'ornements et de fourrures, au mépris des lois somptuaires.

(58) Cette bannière devint célèbre dans notre histoire sous le nom d'Etendard de St-Lambert. Elle fut ainsi nommée parce qu'on la gardait dans le trésor de la cathédrale: Voluit porro Rex à canoncorum collegio servari: quo factum est ut S. Lambert Vexillum nuncuparetur. (Fisen, Historia Eeclesiae Leodiensis, t I. p. 108.) On montrait encore cette bannière en 1660: Hoo Vexillum etiam hodie visitur in D. Lamberti sacrario, dit Lobbet, Gloria Ecclesiae Leodienis, p. 66.

(59) Leo et Carolu. cum procerilbus congregati statuerant ut archiepiscopus Coloniensis et ei sublato aut absente, Episcopus Leodiensis imperatorem electum consecraret (lnclytae Civitatis Leodiensis Delegatio, p. 26; Placentius, Calalagus Antistitum Leod., p. 81 , etc. )

(60) « Toute maison bourgeoise, disait le bourguemattre De Graty en 1676, sert d'asyle aux délinquans et aux estrangers, qui n'en peuvent être tirés sans la permission du maître de telle maison, selon le privilège exprès qu'en a octroyé à la bourgeoisie l'empereur Charlemagne, étant en l'an 799 personnellement à Liege avec le pape Leon; d'où procède l'axiome vulgaire, Pauvre homme en sa maison roy est. » (Discours de Droit moral et politique, t. 1, p. 124, etc. ) - Il est peu de traditions qui aient laissé une trace aussi profonde dans la mémoire de nos pères, que celle de l'origine de cet adage politique.

(61) En 1642, dans son Historia Ecclesiae Leodiensis, t. l, p. 110, Fisen fit dévier le souvenir traditionnel en avançant que Charlemagne est né à Jupille: Jupiliae in lucem (Carolum) prodiisse praeter nostrates affirmat Marlianus. Fisen invoque ici Marliano, mais c'est par une inadvertance manifeste: Marliano, en effet, ne dit point que Charles est né à Jupille, mais que, dans notre pays, c'est une opinion générale que les ancêtres de Charlemagne - stirpem Caroli Magni - sont originaires - ortum - de Jupille.

Ce qui prouve que Fisen se trompait, c'est que notre antiquaire Hubert Thomas n'a pas lu de la même manière le passage de Marliano: s'il avait pu l'interpréter comme Fisen, il n'eût pas manqué de le faire, lui qui était né à Jupille, lui qui revendiquait les Pepins pour ses aïeux, Voici, en elfet, ce qu'il écrivait en 1540: « A Jupille, il y a un cours d'eau qui fait aller la roue d'un moulin: tout auprès vivait jadis une an tique et célèbre famille qui descendait des Pepins, et d'où sont sortis mes ancêtres maternels, ainsi que ma bonne mère me l'a dit souvent. » ln villa Jupilla... tenuis labitur rivus ... ut rotam agat molendini, juxta quod olim domus fuit antiqua et nobilis quae mihti majores et proavos maternos ex Pipinorum familia dedit… uti saepe ex matre audivi. (De Tungris Commentarius, p. 77.)

Pour en finir avec la méprise de Fisen, nous dirons qu'un de ses contemporains, son émule en érudition, le Tréfoncier Jean de Chokier, n'avait ouï parler, lui aussi, que de Liège: « Plusieurs disent que Charlemagne est né à Liège, » écrit-il: Carolus Magnus, quem nonnulli dicunt Leodii natum. (Dans ses Vindiciae Libertatis Ecci., p. 79.) Mais Fisen étant, pour cette époque, un historien de quelque poids, on ajouta foi à son assertion; et la tradition véritable se perdit peu à peu, et si bien, que Jupille a fini par prévaloir dans presque toutes les compilations historiques et biographiques.

(62) Sans connaître nos traditions, Ies plus éminents érudits se sont plus à remarquer que la cité de Liège pouvait avoir été le berceau de Charlemagne. Nous en citerons seulement trois:

En 1727: Nonnulli ad Mosam Leodii Carolum natum esse volunt.(Pagi, Critica historico-chronologica, t. III, p. 255. )

En 1681: Nec minor de loco Caroli Magni nativitati controversia... Nonnulli Leodii ad Mosam contendunt. (Mablllon, De Re Diplomoticâ, p. 286.)

En 1670: Nonnulli ad Mosam Leodii Carolum natum votunt. (Le Cointe, Annales ecclesiastici Francorum, t. V, p. 176. )

En 1621, un historien obscur, nommé Charron, discutait savamment ce point d'histoire et concluait ainsi: « Aucuns asseurent, avec pus d'apparence de vérité, que Charlemagne estoit natif de la ville de Liège. » (Histoire universelle des Gaulois et François, Paris, in-folio, p. 784, etc.)

(63) Usuard, qui écrivait un Martyrologe vers l'an 830, dit que St Théodard fut enterré, en 673, in Legia villa publica. Or, villa publica est synonyme de villa regia, résidence royale. (Voir Valois, Notitia Galliarum, p. 270.) - Vers ce temps, Liège devait être, en quelque sorte, la capitale de l'Austrasie. C'est ainsi qu'un moine d'Ypres, qui mourat abbé de Deutz, à Cologne, en 1135, conjecture que l'étyologie de Chèvremont doit être Capul Mundi, parce que, dit-il, ce château-fort était ante Carolum Magnum sede regni. quam ille Aquis transtulit.

(Dans l'Amplissima Colleclio. t. IV, p. 1040.) Cette assertion du moine est tout-à-fait isolée, et rien ne vient l'appuyer; elle fait voir cependant que la foule savait que Liège et ses environs avaient joué un rôle brillant dans les vieux âges.

(64) ... Ex quo apparet Leodicum villam publicam tum seu fiscalem fuisse, in qua Corolus aliquandiu hiemaverit et pascha celebraverit. (Valois. Notitia Galliarum. p. 271. ) - Liège est aussi nommé « ville libre »: Anno 769, celebravit Karolus pascha in Leodico, vico publico, pmcha in Loodico, vico publico. (Dans les Monumenta Germaniae Historica, t. l, p. 148.) – Selon Du Cange, un vicus publicus était une ville libre, c'est-à-dire qui ne relevait que du roi, et qui, par conséquent, ne dépendait d'aucun seigneur: Qui fisci est, qui on est in beneficium datus.

(65) Cette première enceinte de notre ville longeait la rue Haute-Sauvenière, suivait le rivage de la Meuse (la place des Chevaux actuelle), la rue du Dragon-d'Or, la rue Sur-Meuse, les rues Derrière-St-Georges et Grasse-Poule, et de là remontait jusqu'à la Haute-Sauvenière. La reconstruction de cette enceinte fut faite par St Hubert, selon nos vieux annalistes, qui s'exprimeraient mieux s'ils disaient qu'elle fut achevée de son temps. « Adoncq S. Huber fist regrandir la Citeit et enfermeir de muralle et fist faire IIJ portes dont ly une fut devers Hesbae al piet de Publemont, qui est maintenant la tour de l'official, la second vers Trect (Maestricht) asses près la Vercourte, et la tierche fut sour Meuze au vivir: enssi fut la Citeit fermée. » (Chroniques de Liège.) Sanctus

Hubertus fundavit civitatem (firmitatem ?) Leodiensem in qua fecit tres portas, unam versus Hasbaniam que jam dicitur turris officialis, secudam versus trajectem que vocabatur porta Hasselhin et prope illam construxit palatium suum in loco qui adhuc dicitur levesquecoert; tertiam supra mosam in loco dicto a Viviers. (Chronicon Leodiense.) - Cette enceinte est très reconnaissable sur les plans de Liège gravés au XVIe et au XVIIe siècles.

(66) Des textes de diplômes et de chartes le prouvent. L'un, de l'an 963, met l'église de St-Martin hors de Liège: Quoddam monasterium extra civitatem saepedictae sedis in honore S. Martini instituit. Un autre, de l'an 997, place l'église St-Jean en face de la Cité: Monasterium Sancti Joannis in lnsula ante civitatem noviter constructum. D'après un troisième, de l'an 1031, celle de St-Barthélemi est sise dans le faubourg: Balilicam S. Bartholomaei in suburbio Leodiensi. (Voir les Gesta Pontif. Leod. , t. l, p. 210, etc.)

(67) « Cest anée Ogir fit faire ung chesteau sur le Savenir et deden fit faire une chapel de S. Michel; après fit faire ung chestea à deux boniers pres Haslinpoit, et par dedens ung chapel de S. George; après fit le 3e chesteau où i avoit une chapel de S. Catherene asses pres de la grand porte du pont des Arches, qui estoit ung des portes de chesteau » (Chroniques de Liège.) - L'église ci-devant paroissiale de St-Georges n'est pas la chapelle St-Georges du Palais: l'église «a este faite dedans le vergier dudit chesteau » l'an 950. La chapelle de Ste-Catherine de l'Evesque-Cour n'est pas non plus la paroisse actuelle de Ste-Catherine. Cette chapelle fut dévastée par les Normands en 882, et réparée en 949 par quelques personnes pieuses; elle fut reconstroite par les bouchers en 1359. L'église paroissiale, elle, n'est pas très ancienne: « L'an 1258, la grande eglize de Ste Catherine, laquelle est à l'entrée de Nouvis, est ediffiée. » (Chroniques de Liège.)

(68) Le manoir de l'évêque ne doit pas être confondu avec le palais; le manoir était connu sous le nom de Vesquecour, du latin episcopi curia. Nous avions fait cette confusion, peu importante, du reste, dans notre précédente édition.

(69) Ce dernier manoir était aussi destiné aux grands de l'empire, d'après ce vieux texte: « Apres chu vint Charle à Liege (799) avecque touts ses gens et prist son herbeige en casteal S. George, que Ogier avoit fait faire pour herbeger le Roy quand il viendroit à Liege; et Iy pape Lyon et les cardinal, archevesques et evesques herberont en casteal S. Catherine; et en casteal le voweit condist de S. Michiel herbegerent touts les prinches et se journèrent tous à Liege et firent leurs pasques. » (Chroniques de Liège.)

Ce manoir de st Michel fut démoli en 979, et sur son emplacement on éleva le monastère de Ste-Croix, où furent placés quinze religieux; l'église est aujourd'hui une paroisse. (Chronique de Liège; voir aussi Bouille, Histoire du Pays de Liège , t. l, p. 70).

(70) En 740, un matin, dans l'église St-Plerre, attenant au pallais, il s'exhala une odeur suave du tombeau où était inhumé le corps de l'évêque Hubert: un tel cri d'étonnement s'éleva parmi la foule, que ad PALATlUM usque pervenit; Carloman, tout surpris, se leva de son siège royal, regali soli exiluit, et avec la reine et primoribus palatii sui, accourut en hâte voir ce miracle; - écrivait en 820 l'évêque Jonas, dans sa Vita S. Huberti. (Dans Surius, De probatis Sanctorum historii, t. V, p. 54.)

(71) Il est des monuments publics qui semblent destinés a subsister toujours dans le même emplacement: tel est notre palais, tels sont notre Hôtel-de-Ville et notre vieux pont sur la Meuse. On ne pourra jamais fixer la date de leur édification première, parce que l'origine de notre ville se perd dans la nuit des siècles.

(72) Les trouvères dont nous avons négligé de recueillir les témoignages, font résider à Liège Charlemagne, Jehan Bodel, entre autres, nous raconte, dans sa Chanson des Saxons (Paris, 1839), p. 77, comment, par l'Empereres

Mandé furent li prince à Lige...

Chascuns de sa partie chevauche et esperone;

Molt fu la cours pleniere un juesdi apres none, etc.

(73) En 854, les petits-fils de Charlemagne, Lothaire et CharIes-le-Chauve, y tinrent un parlement solennel, que les grands invoquèrent en 856:... Cum his quae in Leodico cum fratre vestro Hlothario addnuntiastis, etc. (Dans les Monumenta Germaniae Legum , t. l, p. 447.)

Ce n'est pas ici le lieu de mentionner les séjours que les empereurs firent dans notre ville. Pour montrer qu'ils ne l'oublièrent point dans les trois siècles qui suivirent celui de Charlemagne, il suffira, croyons-nous, de trois citations. En 946, Otto Cesar Leodium venit. En 1012, Henricus Pascha Laodicie celebravit. En 1071, l'empereur vint à sa regalis curia, il logea in palatio; il y tint un placitum, un générale judicium, etc., dit un contemporain. (Dans les Gesta Pontif. Leod., t. Il, p. 547, 543, 557.) Le même empereur revint à Liège en 1106, mais ce fut pour y mourir. En arrivant, il avait écrit au roi de France: Tandem Leodium veni. In quo loco fideles viro et in fide regni constantes semper inveni... (Dans Goldast, Colledio Constitutionum Imperialium, t. III, p. 318.)

(74) Rex autem Lotharius Leodium cum principibtus totius regni, archiepiscopi, episcopis, ducibus, marchionibus, palatinis, comitibus, et etiam coeteris nobilibus ad Curiam condictam venit. Advenientem ibi Papam Rex magnificè suscepit. (Dans les Rerum Germanicar'um Scriptores de Pislorius, t. 1, p.471,)

(75) Pallatium domus episcopalis eodem tempore usque ad perfectionem consurgere fecit. (Dans les Gesta Pontif. Leod., t l, p, 203.)

(76) Episcopus Leodiensis Henricus... Palatium episcopi ad Leodium fecisset... - Fuit etiam Aula episcopalis ab eo reparata et amplificata. (Gilles d'Orval, dans les Gesta Pontif . Leod., t. Il, p. 107; Alberici Chronicon, p. 344.)

(77) Lors de l'incendie de la cathédrale, qui était vis-à-vis. - Nec non Palatium vetus, cum ecclesia Sanctarum Virginum, dit Gilles d'Orval. (Dans les Gesta Pontif. Leod., t. II, p. 129. ) - En 1237, on défendit d'élever des échoppes contre le mur du vieux palais: « ne ne porrat jamais faire estal entre le mur del viez Palais et le mur de la maison le prevost. » En 1251, on permit de bâtir une maisonnette (domuncula) au coin de la place, area sita inter ecclesiam majorem Leodiensis et Palacium episcopale. En 1467, le prince Louis de Bourbon fit démolir Ies échoppes de barbiers el de savetiers élablies contre le Palais: Fecit Deponi domunculas barbitonsorum et pellificum ante Pallatium. (Dans le Liber Cartarum Ecclcsie Leod., nos. 138 et 255; Amplissima Collectio, t. IV, p. 1327, etc.)

(78) Marlot a publié ce document dans son Historia Remensis (1666), t. l, p. 322. La fausseté en a été démontrée par De Foy, Notice des diplômes relatifs à l'Histoire de France (Paris, 1765), p. 269.

PLAN DU SITE